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Yom Yeroushalayim - Herzl et la vision du Temple reconstruit : une prophétie moderne

May 9 2021, 12:35pm

Posted by Pierre Lurçat

 

A l’occasion du Yom Yeroushalayim qui sera célébré ce soir et demain, je publie ici la description de la future Jérusalem vue par le “Visionnaire de l’Etat”, Binyamin Zeev Herzl. Dans le tumulte des violences antjuives déclenchées pendant le mois du Ramadan - violences consubstantielles à l’islam qui s’est propagé au fil de l’épée - nous avons parfois tendance à oublier l’essentiel. L’essentiel, c’est le miracle de notre Terre retrouvée, Jérusalem libérée, et le Mont du Temple encore - mais très provisoirement - sous souveraineté étrangère. Yom Yeroushalayim saméah ! P.I.L.

 

Le Mont du Temple constitue la pierre de touche du sionisme politique et l’un des sujets les plus brûlants du débat interne à Israël aujourd’hui. Plusieurs des pères fondateurs du sionisme et de l’État juif - Herzl, Jabotinsky ou Avraham Kook - partageaient, au-delà de leurs conceptions très différentes de l’État et de la place que la tradition juive devait y occuper, une conception commune de la nécessité de reconstruire le Temple de Jérusalem, symbole et centre de l’existence juive renouvelée en terre d’Israël. Ainsi, dans son roman programmatique Altneuland, Theodor Herzl imagine et décrit avec une précision étonnante la ville sainte, capitale du futur État juif. La lecture de ce roman de politique fiction écrit en 1902 montre que l’État envisagé par Herzl était marqué par une double influence occidentale et juive, qui s’exprime notamment dans les deux édifices qu’il envisage au cœur de la Nouvelle Jérusalem, capitale du futur État juif : le Palais de la paix et le Temple. 

 

Herzl en visite à Jérusalem, 1898

Si le Palais de la Paix exprime la dimension universaliste très présente chez Herzl, et ses conceptions progressistes marquées par l’optimisme caractéristique du dix-neuvième siècle (que l'on peut rapprocher de celui d’un Jules Verne), le Temple exprime la continuité juive et l’enracinement de l’État juif dans l’histoire et la tradition juive bimillénaire. Altneuland est ainsi, conformément à son titre, un pays à la fois ancien et nouveau. L’extrait suivant permet d’apprécier la place que Herzl attribue au Temple dans la Jérusalem reconstruite : 

 

« Ils étaient montés directement de Jéricho au mont des Oliviers, d’où le regard embrasse un vaste panorama circulaire, qui incite au rêve. Jérusalem était restée la Sainte. Elle resplendissait toujours des monuments érigés dans ses murs par les religions au cours des siècles et par des peuples divers. Mais quelque chose de neuf, de vigoureux, de joyeux s’y était ajouté : la vie ! Jérusalem était devenu un corps gigantesque et respirait. La vieille ville, ceinte de ses murailles respectables, n’avait que peu changé, pour autant qu’on pouvait en juger du haut du mont. Le Saint-Sépulcre, la mosquée d’Omar, les coupoles et les toits de jadis étaient les mêmes. Toutefois, mainte merveille les complétait. Le palais de la Paix, par exemple, un vaste édifice neuf, étincelait au soleil. Un grand calme régnait sur la vieille ville.

 

Carte postale représentant le Temple envoyée par Herzl à sa fille Pauline

 https://blog.nli.org.il/en/herzl-postcards-daughter/

 

Hors les murs, Jérusalem offrait un autre spectacle. Des quartiers neufs avaient surgi, traversés de rues plantées d’arbres, une épaisse forêt de maisons entrecoupée d’espaces verts, où circulaient des tramways électriques, des boulevards et des parcs, des écoles, des bazars, des bâtiments publics somptueux, des théâtres et des salles de concert. David nomma les bâtiments les plus importants. C’était une métropole du vingtième siècle.

 

Mais on ne pouvait détacher son regard de la Vieille ville, au centre du panorama. Elle s’étendait de l’autre côté de la vallée du Kidron, dans la lumière de l’après-midi, et une atmosphère de solennité flottait sur elle. Kingscourt avait posé toutes les questions possibles, et David y avait répondu. Mais quel était ce palais gigantesque, blanc et or, dont le toit reposait sur des colonnes de marbre, sur une forêt de colonnes à chapiteaux dorés ? Friedrich ressentit une profonde émotion quand David répondit : ‘C’est le Temple’…

 

 

Ainsi, le fondateur du sionisme politique décrit une Jérusalem moderne, métropole du vingtième siècle reconstruite autour du Temple et du Palais de la paix, symbolisant la double aspiration à la continuité et au renouveau, à la perpétuation de la tradition juive et à l’ouverture vers l’universel qui doivent toutes deux guider, selon Herzl, le projet sioniste. Cette idée apparaît également dans un paragraphe de son livre L’État juif consacré à l’architecture : « La nature même de la région inspirera le génie aimable de nos jeunes architectes… Le Temple continuera d’être bien visible, puisque seule l’ancienne foi nous a maintenus ensemble ». Dans son Journal également, il évoque en ces termes sa visite à Jérusalem en 1898 : « A travers la fenêtre, je contemple Jérusalem qui s’étend devant moi. Même délabrée, c’est toujours une belle ville. Quand nous nous y installerons, elle redeviendra peut-être une des plus belles villes du monde ». 



 

Cent-vingt ans après la visite en Terre Sainte du fondateur du mouvement sioniste, la prophétie de Zeev Binyamin Herzl s’est accomplie. L’État juif est une réalité, et Jérusalem est effectivement devenue une ville moderne, qui s’étend bien au-delà de la Vieille Ville et des ruelles malodorantes qu’il a parcourues à l’automne 1898. Loin de s’abandonner au sentiment de désespoir que la vue de la ville sainte dans sa désolation avait suscité en lui, Herzl a su décrire et imaginer ce qu’elle pourrait devenir, dans le futur État juif à la construction duquel il a donné sa vie. « Ce pourrait être une cité comme Rome et le Mont des Oliviers offrirait un panorama comparable à celui du Janicule. Je sertirais comme un écrin la Vieille Ville avec tous ses restes sacrés. Sur le flanc des collines, qui auraient verdi par notre labeur, s’étalerait la nouvelle et splendide Jérusalem ».



 

L’État d’Israël lui-même, ce « corps gigantesque » qui respire et qui vit, pour reprendre l’image de Herzl, ressemble beaucoup aujourd'hui au pays imaginé par celui-ci dans Altneuland et dans l’État juif, mélange de tradition et de modernité, au carrefour de l’Orient et de l’Occident. Jérusalem, ville où ma mère est née en 1928 et où j'habite depuis plus de vingt-cinq ans, est bien devenue une des plus belles villes du monde, comme l'avait prédit Herzl. Depuis le quartier où je vis, on peut apercevoir en même temps, en regardant vers le Sud, les murailles de la Vieille Ville et l'emplacement du Temple et, en portant le regard vers l'Ouest, à l'horizon, le pont des cordes, gigantesque monument qui orne depuis dix ans l'entrée de la ville nouvelle, œuvre de l'architecte espagnol Santiago Calatrava. Ce pont ultra-moderne qui s'intègre pourtant parfaitement dans le paysage de Jérusalem, avec ses cordes évoquant la harpe du Roi David et sa pointe tendue vers le ciel, est, à l'image de notre capitale et de notre pays, à la fois futuriste et ancré dans la tradition, ouvert sur l'avenir sans renier le passé.

Extrait d’Israël, le rêve inachevé, Quel Etat pour le peuple Juif? éditions de Paris/Max Chaleil 2018.

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MON NOUVEAU LIVRE VIENT DE PARAÎTRE : "SEULS DANS L'ARCHE? ISRAEL LABORATOIRE DU MONDE"

Un formidable parcours philosophique… Une méditation sur le sens de nos vies”.

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“Apocalypse cognitive” (II) Le complotisme est-il l’apanage d’un seul camp politique?

May 6 2021, 12:31pm

Posted by Pierre Lurçat

 

Dans la première partie de cet article, nous avons exposé l’analyse faite par Gérald Bronner dans son dernier livre, Apocalypse cognitive. Il y montre pourquoi les gens intelligents peuvent croire à des idées folles, par l’effet de divers biais cognitifs, dont certains sont encore renforcés par les médias sociaux (biais de confirmation, “insularité cognitive”, notamment). Ce phénomène de grande ampleur a des conséquences politiques notables, car il aboutit à détruire progressivement le “common ground”, c’est-à-dire le socle sur lequel reposent toute société, et tout régime démocratique. Dans la seconde partie de cet article, nous voudrions montrer les faiblesses de l’analyse de G. Bronner, tenant d’une part à sa méthode (celle des sciences cognitives) et d’autre part à son parti-pris politique.

 

Ce parti-pris apparaît lorsque Bronner écrit, dans les dernières pages de son livre, que l’apocalypse cognitive est une des causes de la montée en puissance du “populisme”, dont il donne pour exemple l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis. Selon Bronner, “la démocratie des  crédules paraît avoir tissé sa toile et même parfois mis à la tête de puissants Etats certains de ses représentants les plus exotiques” (page 224). Cette affirmation est étonnante dans la bouche de l’auteur, qui prétend combattre les rumeurs complotistes, tout en utilisant lui-même le langage du complot (de quelle toile s’agit-il et qui a “mis à la tête” des Etats-Unis Donald Trump, sinon les électeurs américains?) Au-delà même de sa résonance complotiste, cette réflexion appelle plusieurs commentaires. 

 

Donald Trump : la “démocratie des crédules”?

 

Tout d’abord, la démonstration pêche par son raccourci flagrant. Que l’ancien président des Etats-Unis ait utilisé son compte Twitter pour poster des commentaires parfois outranciers ne suffit pas à démontrer qu’il n’a pas été un bon président, sauf à croire qu’un dirigeant politique doit être jugé uniquement à l’aune de son discours. Comme je l’écrivais il y a quelques mois, à l’ère des médias sociaux, les hommes politiques sont jugés bien plus pour leur apparence et pour leur manière de s’exprimer que pour leur politique. Mais les qualités requises d’un dirigeant politique ne sont pas seulement des facultés cognitives, mais aussi et surtout des qualités morales. Ou, pour dire les choses autrement, l’intelligence seule n’est rien sans le courage. 

 

Penser que le “camp populiste” - pour autant qu’il existe (1) - serait le seul (ou le principal) concerné par la diffusion d’infox et de rumeurs “complotistes” est une erreur d’analyse lourde de conséquences. On trouvera aisément des exemples d’infox répandues dans le camp anti-Trump, notamment concernant Israël, accusé de planifier un “génocide” contre les Palestiniens ou autres amabilités de ce genre. Gérald Bronner ne peut pas ignorer que les rumeurs qui sont légion dans le discours antisioniste sont diffusées principalement par des partisans du “camp progressiste” et par des électeurs de Joe Biden. En conclusion, on ne saurait attribuer le phénomène inquiétant auquel Bronner donne le nom d’apocalypse cognitive aux seuls “populistes” (lesquels sont d’ailleurs également répartis sur l’échiquier politique). En tant que phénomène cognitif, il concerne l’humanité tout entière. Mais ce n’est qu’une des faiblesses de l’analyse de Bronner. 

 

La faiblesse de l’approche cognitiviste

 

L’autre faiblesse, bien plus grave à mes yeux, tient à sa démarche intellectuelle, à savoir l’approche cognitiviste. Toute son analyse repose sur le présupposé que l’homme serait un simple animal doué de raison, selon la vulgate cognitiviste, en faisant abstraction de tout jugement moral. Ainsi, quand il écrit que ”nous sommes des animaux cognitifs qui jugent en partie en consultant l’avis de nos pairs” (page 228), cette affirmation est doublement fausse: sur le plan grammatical, mais surtout sur le plan ontologique. Non, l’homme n’est pas un ”animal cognitif”, car il est porteur du Tselem, créature à l’image de Dieu. L’apocalypse cognitive ne se résume pas, en définitive, à un problème touchant la cognition ou le cerveau, contrairement à ce que pense Bronner. Derrière chaque crise épistémologique se cache une crise morale. C’est le fondement moral de la crise actuelle qui échappe totalement à l’auteur, et qui rend la lecture de son livre à la fois édifiante et décevante.

 

 :

On ne saurait comprendre l’immense régression civilisationnelle (2) que les médias sociaux sont en train d’engendrer sous le seul angle, réducteur, du cognitivisme et des sciences sociales. Car cette régression ne concerne pas seulement le cerveau : elle touche la spécificité de l’être humain. “Il est impossible, écrivait Léo Strauss, d’étudier les phénomènes sociaux sans porter des jugements de valeur” (3). C’est ce caractère irréductible qui sépare l’homme de l’animal, que les croyants désignent comme le Tselem et les incroyants comme l’âme ou la psyché, qui échappe à toute réduction cognitiviste, et que le livre de Gérald Bronner passe entièrement sous silence.

Pierre Lurçat

 

1.Sur le concept de populisme et ses limites, voir le livre de Ilvo Diamanti et Marc Lazar, Peuplecratie, La métamorphose de nos démocraties, Gallimard 2019, qui observe que le « populisme est un des mots les plus confus du vocabulaire de la science politique ».

2. Régression que j’aborde dans mon nouveau livre, Seuls dans l’Arche, éd. de l’éléphant 2021 (voir annonce ci-dessous). 

3. Qu’est-ce que la philosophie politique, cité par François Lurçat, La science suicidaire, Athènes sans Jérusalem, éd. F.X de Guibert 1999, p. 12.

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VIENT DE PARAÎTRE : "SEULS DANS L'ARCHE? ISRAEL LABORATOIRE DU MONDE"

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Aux sources de l’antisémitisme musulman : Les Juifs dans le Coran, de Meir Bar-Asher, par Pierre Lurçat

May 4 2021, 13:06pm

Posted by Pierre Lurçat

Aux sources de l’antisémitisme musulman : Les Juifs dans le Coran, de Meir Bar-Asher, par Pierre Lurçat

 

Voilà un livre qui arrive à point nommé. Alors que l’antisémitisme musulman fait des ravages en France et ailleurs, et qu’une nouvelle flambée de haine se déchaîne, la question mérite d’être posée : le Coran est-il antisémite? Cette question brûlante et souvent taboue (voir le procès intenté à l’historien Georges Bensoussan, “coupable” d’avoir laissé entendre qu’il existait un antisémitisme musulman ancestral), a fait l’objet de nombreuses polémiques, mais de peu d’études savantes récentes. Elle renvoie à d’autres questions, tout aussi cruciales. Quelle est l’attitude du Coran et de la tradition de l’islam envers les Juifs? Celle-ci est-elle univoque, ou bien a-t-elle plusieurs facettes?


 


 

C’est à ces questions que répond le livre du professeur Meir Bar-Asher, qui dirige le département de Langues et de Littérature arabes de l’université hébraïque de Jérusalem. L’auteur y aborde des questions diverses et variés, telles que l’histoire des relations avec les Juifs à l’époque de Muhammad, la représentation des juifs et la présence des récits bibliques dans le Coran, la comparaison entre loi juive et loi coranique, ou encore les sources coraniques de la dhimma - le statut des juifs dans l’islam (1). Il consacre aussi un chapitre à la place des Juifs dans l’islam chiite, dont l’actualité est tout aussi brûlante, alors que l’Iran vient de marquer le 40e anniversaire de la Révolution khomeiniste.

 

Les juifs sont très présents dans le Coran; qui les qualifie tantôt de Banu-Isra’il (Enfants d’Israël, expression calquée de l’hébreu), al-yahûd (juifs) ou encore ahl al-kitab (peuple du Livre). Cette dernière expression est ambivalente, explique Bar-Asher, car le “peuple du Livre est parfois qualifié dans la tradition musulmane “d’âne chargé de livres”, c’est-à-dire un peuple porteur d’un héritage dont il n’est pas digne. Cette qualification renvoie à l’accusation récurrente envers les juifs, selon laquelle ils auraient “falsifié” les textes sacrés dont ils étaient dépositaires.

 

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’appellation de “meilleure communauté”, par laquelle le Coran désigne les musulmans (Sourate 3-110). Si les musulmans sont devenus la “meilleure communauté”, c’est en effet parce que les juifs ont failli à leur mission et que Dieu les a donc punis. L’islam incarnerait alors le “Nouvel Israël”, dans une optique théologique qui rappelle celle de la polémique chrétienne antijuive et du “Verus Israël”.

 

 

L’auteur montre bien comment l’attitude envers les juifs est motivée par des considérations diverses, qui tiennent à la fois à la volonté de se démarquer et de s’affranchir des sources juives (concernant par exemple le calendrier et certains aspects du rite) et à des visées politiques, liées aux rapports conflictuels que le prophète a entretenus avec les juifs à Médine. Bar-Asher fait le lien entre les aspects historiques et l’actualité récente. Ainsi, le fameux hadith des pierres et des arbres est repris dans la Charte du Hamas et dans le discours islamiste contemporain (2).

 

Le Coran appelle-t-il au meurtre des Juifs?

 

Cette question a défrayé l’actualité il y a quelques mois, lors de la parution du Manifeste contre le nouvel antisémitisme, signé par 250 personnalités françaises demandant aux autorités musulmanes de déclarer obsolètes les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants. Ce manifeste a suscité de nombreuses réactions hostiles du monde arabo-musulman (3). Sur ce sujet crucial, l’auteur du livre s’est récemment exprimé dans les médias français, affirmant “on ne peut pas dire que le Coran dit de tuer les juifs”.

 

Les musulmans pensent-ils que le Coran leur enjoint de tuer les juifs?

 

Mais la question n’est pas tant, pour paraphraser un islamologue français, de savoir si le Coran dit de tuer les juifs, que de savoir si des musulmans pensent que le Coran leur enjoint de tuer les juifs… (4) A cet égard, il est erroné d’affirmer, comme le fait M. Bar Asher, que “le Nouveau Testament ne se prête pas moins à une lecture ‘antijuive’ que le Coran”. Car comme il le remarque lui-même, la doctrine de l’Eglise concernant les juifs a été révisée de fond en comble par le Concile Vatican II. Il reste donc pour l’islam à mener lui aussi son aggiornamento, pour remplacer, selon les termes de Jules Isaac, l’enseignement du mépris par un enseignement de l’estime...


 

En conclusion de son étude, M. Bar Asher dresse le constat d’un “flot constant de cours et de sermons qui cherchent à rendre actuelles les paroles par lesquelles le Coran critique les juifs et les délégitimise. D’autres voix tentent de se faire entendre au sein du monde musulman ; mais il faut bien constater qu’aujourd’hui elles sont loin d’être dominantes et rencontrent peu d’écho”. Ayant travaillé pour l’institut MEMRI, qui tente de faire écho à ces autres voix, je ne peux, hélas, que confirmer ce constat. Écrit dans un langage simple et accessible, cet ouvrage enrichira les connaissances et la réflexion de tous ceux qui s’interrogent sur le réveil de l’islam contemporain et sur ses conséquences dramatiques.

Pierre Lurçat

 

Meir Bar-Asher, Les juifs dans le Coran. Albin Michel 2019 (Cet article est initialement paru en 2019).

 

(1) Sujet sur lequel l’auteur reproche de manière quelque peu péremptoire et tout à fait déplacée à Bat Ye’or de reprendre dans son livre Le dhimmi le stéréotype du “combattant fanatique brandissant une épée dans une main et le Coran dans l’autre”. Je plaide "coupable" d'avoir moi aussi utilisé cette image parlante, et bien fondée au regard de l'histoire de la conquête musulmane, en intitulant un de mes livres Le Sabre et le Coran. Bat Ye'or a répondu dans ces colonnes aux accusations de M. Bar Asher.

(2) Voir à ce sujet “La Prophétie de la Pierre et de l’Arbre, un hadith antisémite largement utilisé”, http://memri.fr/2018/07/31/un-hadith-antisemite-la-prophetie-de-la-pierre-et-de-larbre-videos-et-rapports-de-memri/

(3) Voir notamment :

http://memri.fr/2018/08/28/le-manifeste-contre-le-nouvel-antisemitismeppelant-a-frapper-dobsolescence-des-versets-du-coran-pronant-la-violence-suscite-la-colere-des-instances-musulmans-et/

(4) La citation exacte d’Olivier Roy est “La question n'est pas : “Que dit vraiment le Coran ?”, mais : “Que disent les musulmans sur ce que dit le Coran ?”  A cet égard, on ne peut séparer le Coran de ses interprètes et des Hadith, lesquels sont parfois encore plus radicaux que le texte coranique lui-même, comme le hadith des arbres et des pierres, qui procède d’un antisémitisme radical et apocalyptique, comme je l’ai montré au sujet de la Charte du Hamas. http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/04/1987-2018-le-hamas-un-mouvement-islamiste-apocalyptique-par-pierre-lurcat.html

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L’introuvable profil psychologique ou psychiatrique des terroristes de l’islam, Pierre Lurçat

April 28 2021, 13:26pm

Posted by Pierre Lurçat

 

L’introuvable profil psychologique ou psychiatrique des terroristes de l’islam, Pierre Lurçat

 

La récente décision de la Cour de Cassation en France, tout comment la vague d’attaques anti-juives menées en Israël à l’occasion du Ramadan, remettent à l’ordre du jour le débat ancien sur le soi-disant “profil psychologique” des terroristes islamistes et la tentative récurrente de “psychiatriser” ces assassins, pour mieux effacer ou diluer leur responsabilité - et la nôtre… Je publie ici un extrait de mon livre Pour Allah jusqu’à la mort, Enquête sur les convertis à l’islam radical, dans lequel je résume l’état des recherches sur la question. P.L.

 

 

“Marc Sageman, psychiatre, sociologue et ancien agent de la CIA en Afghanistan, a côtoyé de près les djihadistes et a assisté à l’émergence du noyau d’activistes à l’origine de l’organisation Al-Qaida. Il est l’auteur d’une enquête approndie sur les acteurs du djihad, dans laquelle il démonte les différentes théories à la mode sur le profil psychologique et sociologique des terroristes [1].

 

Son travail est fondé sur un échantillon représentatif d’acteurs du djihad salafiste mondial, constitué de moudjahidine sur lesquels on dispose d’informations suffisamment détaillées, provenant de sources publiques telles que les actes et transcriptions de procès, documents officiels, articles de presse et autres sources disponibles sur Internet. Il a mené une enquête aussi rigoureuse que possible, en remettant en question la fiabilité des informations collectées – notamment celles émanant de journalistes ou d’autres sources qu’il estime n’être pas toujours crédibles. Ses conclusions vont à l’encontre de la plupart des théories en vogue sur le sujet depuis plusieurs décennies.

 

Sageman réfute tout d’abord l’idée largement répandue selon laquelle le terrorisme se nourrirait de « la misère et des inégalités » et constituerait « la seule arme dont disposent les démunis et les sans-pouvoir contre les Etats tout-puissants ». Cette idée reçue, trop souvent répétée dans les médias et dans des ouvrages spécialisés, ne s’applique pas du tout au djihad salafiste mondial, pas plus d’ailleurs qu’aux cas évoqués précédemment (Allemagne et Israël notamment). « Près des trois quarts des moudjahidine salafistes du djihad mondial sont issus des classes supérieure ou moyenne », constate Sageman. Quant à Ben Laden lui-même, il est l’héritier d’une fortune accumulée par son père, fondateur d’une entreprise de travaux publics prospère… Les convertis à l’islam radical dont nous avons retracé les itinéraires ne correspondent pas non plus à l’image d’Epinal du “desperado” issu d’un milieu défavorisé, puisque la plupart sont issus des classes moyennes, quelques-uns de familles ouvrières (en France notamment) tandis que d’autres proviennent de la bourgeoisie libérale (aux Etats-Unis et en Allemagne).

 

Sageman réfute ensuite l’idée du terroriste ignorant et peu éduqué, ce qui en ferait un “candidat idéal au lavage de cerveau”. Dans l’ensemble, constate-t-il, « les moudjahidine salafistes ont reçu une éducation nettement supérieure à celle de leurs parents”. Ce constat rejoint celui fait par de nombreux observateurs concernant les islamistes en général, dont beaucoup ont été formés dans les meilleures universités occidentales. L’historienne Bat Ye’or observe ainsi que les idéologies islamistes « se sont développées – non point dans un milieu obscurantiste et traditionnel – mais chez des intellectuels diplômés des universités américaines et européennes [2] ». Daniel Pipes donne des exemples concrets pour illustrer ce fait souvent méconnu : Hassan Tourabi, leader islamiste soudanais, est diplômé de l’université de Londres et de la Sorbonne. Abbassi Madani, leader du FIS algérien, possède un doctorat en éducation de l’université de Londres. Moussa Abou Marzouk, chef de la branche politique du Hamas, est diplômé de l’université de Louisiane. Quant à Fat’hi Shiqaqi, dirigeant du Jihad islamique palestinien, il déclara dans une interview être un lecteur assidu des grands classiques de la littérature occidentale, de Sophocle et Shakespeare à Dostoïevski, Tchekhov et Sartre [3]...

 

Oussama Ben Laden

 

Enfin, Sageman s’attaque aux explications psychologiques, qui voudraient que les terroristes souffrent de maladie mentale ou de troubles de la personnalité. Cette hypothèse repose sur la croyance répandue, qui fait de tout criminel un psychopathe. Mais elle n’est pas confirmée par les innombrables études qui ont tenté de définir une quelconque pathologie du terroriste. Jerrold Post, chercheur américain, fondateur du Centre de psychologie politique, est parvenu à la conclusion que les études sur la psychologie du terrorisme ne permettaient de déceler aucun caractère pathologique, et il cite plusieurs auteurs qui partagent ce constat. Pour Martha Crenshaw, « la caractéristique la plus remarquable des terroristes est leur normalité [4] ». 

 

Marc Sageman parvient à la même conclusion, après avoir étudié la personnalité d’un échantillon de dix moudjahidine d’Al-Qaida, dont Oussama ben Laden, Ayman Al-Zawahiri, Mohammed Atta ou Zacarias Moussaoui. Il réfute tour à tour les thèses les plus répandues sur la personnalité du terroriste : théories du « narcissisme pathologique », de la paranoïa ou de la « personnalité autoritaire ». Sa conclusion est que toutes les recherches menées depuis plus de trente ans ont conclu à l’inexistence d’un profil psychologique du terroriste. Le plus étonnant en l’occurrence est que des chercheurs continuent, malgré cela, à s’évertuer à trouver des preuves d’une pathologie du terroriste, envers et contre tout, comme si le constat presque unanime des recherches antérieures ne tirait pas à conséquence… Mais cela est un autre sujet.

 


[1] M. Sageman, Understanding Terror Networks, University of Pennsylvania Press, 2004, traduit en français sous le titre Le vrai visage des terroristes, Denoël, 2006.

[2] Bat Ye’or, Juifs et chrétiens sous l’islam, les dhimmis face au défi intégriste, Berg International, 1994, p. 202.

[3] Daniel Pipes, « The Western Mind of Radical Islam », First Things, décembre 1995, traduit en français dans L’islam radical, Cheminements 2008.

[4] Martha Crenshaw, « The causes of Terrorism », Comparative Politics 13 (1981), cité par Jerrold Post, « Terrorist Psycho-Logic », in Walter Reich (éd.), Origins of Terrorism, Cambridge University Press 1990.

Pour Allah jusqu’à la mort est paru en 2006 aux éditions du Rocher.

 

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L’intention d’amour, de Shmuel Trigano : Esquisse d’une anthropologie hébraïque

April 27 2021, 11:14am

Posted by Pierre Lurçat

Les éditions de L’éclat ont récemment réédité le livre de Shmuel Trigano, L’intention d’amour, sous-titré “Désir et sexualité dans le Livre des Maîtres de l’âme de R. Abraham ben David de Posquières”. Ce dernier est un rabbin et kabbaliste connu sous son acronyme, le “Rabad”. Comme l’explique l’auteur en introduction, le Livre des maîtres de l’âme (Sefer Baalé-Hanefech) est “un des rares textes que la tradition a consacrés spécifiquement à la sexualité”. Le Rabad l’envisage du point de vue de la halakha, la loi juive, mais Trigano s’intéresse de son côté à la philosophie qui en est le soubassement. Il ne s’agit pourtant pas ici de la “sexualité”, au sens où nous l’entendons en Occident. En effet, écrit Trigano, “la notion de “corps” est quasiment absente de tout ce texte sur la sexualité”. Non pas en raison d’un rejet du corps et de ses contraintes, mais au contraire, parce que l’anthropologie juive qui se déploie dans ce texte n’envisage jamais le corps autrement que comme réceptacle de l’âme, la nefech, “qui est au coeur de l’analyse”. 

 

 

Pour comprendre la vision juive de la sexualité, il faut donc au préalable oublier la dichotomie occidentale (chrétienne et post-chrétienne) du corps et de l’âme. Car même le concept d’âme, dans son acception occidentale, est impropre pour traduire la nefech hébraïque. Celle-ci, explique Trigano, citant le théologien protestant Daniel Lys, “concerne l’être humain, qui vit dans l’histoire, et cet être humain fait partie du peuple d’Israël, qui a conscience que son histoire se déroule devant Dieu”. On comprend, à la lecture de cette définition, tout ce qui sépare l’anthropologie juive des conceptions auxquelles nous a habituées la vision occidentale de l’homme. A travers l’étude de “l’intention d’amour”, c’est en effet toute la conception hébraïque de l’homme, créé “Betselem Elohim”, à l’image de Dieu, qui transparaît.

 

C’est précisément cet aspect du Livre des maîtres de l’âme qui lui donne son caractère étonnamment actuel. Tout d’abord, parce que le judaïsme a reconnu l’importance (voire la prééminence) du désir et du plaisir féminin, bien avant Simone de Beauvoir et le féminisme occidental (lequel est bien pauvre et ambivalent, en comparaison de la vision hébraïque du féminin). Ensuite, parce que le judaïsme rejette la notion de “devoir conjugal” (c’est à l’homme qu’incombe le seul devoir qui existe en la matière) et qu’il a reconnu la notion de “viol conjugal” plusieurs siècles avant que celle-ci ne soit sanctionnée par la jurisprudence des tribunaux en France (à la fin des années 1990 seulement !) (1) Mais l’aspect le plus actuel du livre est encore ailleurs : il est dans la définition même du masculin, du féminin et dans celle de l’homme qui en ressort. Ce thème est d’ailleurs celui d’un autre ouvrage collectif récemment publié par Shmuel Trigano, Parent 1 Parent 2? L’enjeu anthropologique.



 

 

 

L’intention d’amour est la réédition d’un texte publié par S. Trigano en 1985 dans la revue Pardès, puis sous forme de livre aux éditions L’éclat, en 2007. Dans son introduction à la présente édition, l’auteur fait l’observation suivante : “C’est souvent après coup qu’on prend la mesure de l’importance d’une recherche dans un cheminement intellectuel… En redécouvrant ce texte passé, je me suis rendu compte que j’entamais le début d’une réflexion qui devait me conduire à concevoir la problématique de la “part gardée”, source génératrice d’autres ouvrages depuis, Philosophie de la Loi, l’origine de la politique dans la Tora, en 1991, La séparation d’amour, une éthique d’alliance en 1996”.

 

Quelle est donc cette “part gardée” dans le domaine de la sexualité? Elle est, explique Trigano, l’auto-limitation de l’homme, “qui ouvre le champ à l’apparition de la partenaire et rend donc possible l’intention (qui donne son titre au livre, L’intention d’amour P.L) et le consentement”. Il faut donc, poursuit-il, “qu’il y ait un reste inconsommé, laissé intact, potentiel, qui sauve l’intention et préserve son authenticité”. Ce “reste” désigne “la part de vide et d’inaccompli qui subsiste dans la relation”.

 

 

S. Trigano rapproche ce concept du “reste” dans la relation d’amour des “notions classiques définissant Israël comme la part de Dieu”, et des concepts de prémices, de la ‘Hala, “de la dîme sur les récoltes, c’est-à-dire ce qui n’est pas consommé dans la jouissance du monde”. On touche ici à une catégorie originale de la pensée hébraïque qui permet de comprendre la sexualité non pas, comme le fait l’Occident moderne et post-moderne, comme une dimension à part - érigée aujourd’hui en fondement d’une “identité sexuelle”, notion totalement impensable dans la tradition d’Israël -, mais comme un élément indissociable de la personne humaine, des relations homme-femme et de l’établissement de la famille. C’est précisément parce que la pensée hébraïque refuse l’autonomie de la sexualité - pour ne l’envisager que dans sa conception anthropologique globale - qu’elle permet de répondre aux dérives actuelles du “genre” et à la dilution des notions fondatrices du masculin et du féminin. Ici, comme ailleurs, la pensée hébraïque ouvre un horizon salvateur à un Occident en perdition.

Pierre Lurçat

1. Voir à ce sujet https://www.franceculture.fr/droit-justice/devoir-conjugal-contre-viol-conjugal-histoire-dune-reconnaissance-laborieuse

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Parution de Seuls dans l’Arche, Israël laboratoire du monde

J’ai le plaisir d’annoncer la parution de mon livre Seuls dans l’Arche, Israël laboratoire du monde. Réflexion menée entre mars 2020 et mars 2021, ce livre aborde la crise mondiale provoquée par la pandémie du Covid-19 sous l’angle inédit de la double tradition juive et occidentale, nourri de la lecture de rabbins et de philosophes, de sociologues et de poètes.

 

Pour “sortir de l’Arche” et retrouver nos libertés, mises à mal par les politiques anti-Covid, il faut au préalable retrouver l’idée même de la liberté humaine, qui n’est pas seulement la liberté individuelle ou la protection de la confidentialité des données, auxquelles elle se réduit trop souvent aujourd’hui.

 

Il s’agit, bien plus fondamentalement, du libre-arbitre, mis à mal par des décennies d’assauts répétés venant des tenants d’une définition mécaniste de l’homme, considéré tantôt comme un système neuronal, tantôt comme un animal un peu plus évolué (thèse de Yuval Harari dans Homo Sapiens). Pour que la “sortie de l’Arche” ait un sens, il faut repenser l’homme, afin de refonder le monde sur de nouvelles bases plus solides. 

 

Il s’agit en effet de la définition même de l’homme et de sa spécificité, qu’il est urgent de réaffirmer aujourd’hui. Si Israël est aujourd’hui devenu le phare d’une humanité malade, pionnier de la vaccination et de la sortie de crise, ce n’est pas un hasard. Le monde attend en effet d’Israël - au-delà d’un modèle sanitaire - qu’il réaffirme la vieille parole venue du Sinaï.

 

Confinés depuis un an dans l’Arche, nous espérons entrevoir la colombe porteuse de la branche d’olivier qui annoncera la décrue puis la fin du Déluge et le retour sur la terre ferme et chaleureuse, augurant d’un nouveau départ pour une humanité plus juste et plus confiante.

Pierre Lurçat

Le livre est disponible uniquement sur Amazon.

Les demandes de service de presse sont les bienvenues : pierre.lurcat@gmail.com

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“Hébreu, Auto-défense, Alyah!” Adresse aux Juifs restant encore en France

April 23 2021, 15:52pm

Posted by Pierre Lurçat

 

 

La décision rendue par la Cour de cassation a suscité de très nombreuses analyses pertinentes, de la part d’observateurs avisés, et pas tous Juifs (Cf l’éditorial courageux de F.O Giesbert) Même le grand rabbin de France, que certains soupçonnaient de tiédeur, et le président du CRIF, qui a retrouvé pour l’occasion un peu du “Hadar” de sa jeunesse dans les rangs du Betar, semblent avoir trouvé les mots justes… Mais cette profusion de mots ne fait que ressortir l’absence flagrante d’actes et de décisions opérationnelles. Les lignes qui suivent prétendent aborder la situation des Juifs de France sous un angle différent, l’angle sioniste et celui de l’action.

 

Trop de réflexion et pas assez d’action

 

Changer la loi française? C’est ce que proposent le président Macron et d’autres, parmi lesquels Robert Badinter, infatigable, qui s’abstient pourtant de toute critique contre la Cour de cassation (1) C’est sans doute utile, mais cela ne fera pas changer l’ennemi, ni la situation objective de la France actuelle (“l’antisémitisme des choses”, comme disait Jabotinsky). Alors c’est à nous, c’est à vous de changer. Cessez enfin de regarder la France avec les yeux de Chimène et d’attendre, comme une femme battue, qu’elle retrouve pour nous un amour qu’elle a depuis longtemps perdu, si tant est que cet amour ait jamais existé… Cessez de croire que la “République” va connaître un sursaut de lucidité et se souvenir de ses enfants Juifs. 

 

 

Prenez acte, une fois pour toutes, du divorce consommé entre la France et les Juifs, que des esprits lucides - comme Shmuel Trigano - avaient déjà annoncé en 1981 (au lendemain de l’attentat de Copernic, attribué à tort à une fantomatique “extrême-droite” (2). Prenez acte, enfin (mieux vaut tard que jamais) du caractère inéluctable du constat, fait il y a plus de 120 ans par un journaliste Juif, assistant à la dégradation du Capitaine Dreyfus. Herzl, le “Visionnaire de l’Etat” avait entrevu, dès cette époque, ce que certains de vous refusent encore d’admettre aujourd'hui : qu’il n’y a aucun avenir pour les Juifs en Europe.

 

Prenez acte du fait que la défense des Juifs ne peut être confiée aux autorités françaises, qui ont d’autres chats à fouetter et qui peinent déjà à défendre les “Français innocents” (selon le lapsus révélateur de Raymond Barre). Car on peut supposer que la décision de la Cour de cassation aurait été identique, si la victime s’était appelée Martine Dupont, et que l’assassin ait été de la même religion que Kobili Traoré (religion dont le nom est devenu le grand tabou de la vie politique française, comme l’a démontré Georges Bensoussan, qui en a personnellement fait l’expérience). Plus encore que l’identité de la victime, c’est celle de l’assassin qui explique son impunité consacrée par la plus haute instance judiciaire française.

 

Votre salut ne viendra d’aucune pétition, d’aucun appel à la “solidarité républicaine”, d’aucune LICRA - irrémédiablement compromise avec les ennemis des Juifs (3) -, d’aucune Amitié judéo-chrétienne ou judéo-musulmane. Votre salut ne viendra que de Sion, et de vous ! C’est pourquoi il faut saluer l’initiative originale et lucide de Me William Goldnadel, qui porte plainte non pas devant la Cour européenne des Droits de l’Homme (a-t-on jamais vu celle-ci défendre les Juifs?) mais devant les tribunaux israéliens. En tant que juriste israélien, je ne suis pas certain que cela sera suivi d’effet, mais il y a là une piste à explorer et à utiliser, désormais, chaque fois qu’un Juif sera persécuté en France, parce que Juif. 

 

Le message politique adressé à la France est limpide: “Si vous ne faites rien pour protéger les Juifs, l’Etat juif le fera”. C’est la même logique qui doit s’appliquer en matière de sécurité quotidienne. De même que, depuis des décennies, la communauté juive organisée a mis en place un cadre de protection supervisé par des responsables en Israël, il est temps de proclamer haut et fort ce que chacun sait et d’assumer ouvertement la tâche de défense des Juifs, avec le même mot d’ordre qu’avaient lancé Simon Doubnov, H.N Bialik et d’autres au lendemain du pogrome de Kichinev : Autodéfense!

 

OJE : Soutenir ceux qui nous défendent

 

Il est temps de soutenir les quelques organisations juives qui assument la mission sacrée de défendre et de protéger les Juifs de France. Au lieu de donner de l’argent à des institutions qui ne font que promouvoir une soi-disant “culture juive” souvent hostile à Israël, ou qui organisent des “galas au profit des organisateurs de galas”, soutenez plutôt le BNVCA, l’OJE, la LDJ… Que ceux qui se consacrent bénévolement à défendre leurs frères Juifs soient aidés et donnés en exemple, au lieu d’être vilipendés ou de susciter des moues dégoûtées de la part des “Juifs de salons” et autres “Juifs professionnels” (ceux qui font profession d’oeuvrer à des causes juives). 

 

Hébreu, Alyah, auto-défense!

 

Mais cela n’est que l’aspect le plus urgent de la situation d’urgence dans laquelle les Juifs de France se sont (trop vite) habitués à vivre depuis deux décennies. L’autre aspect, pas moins important, consiste à préparer l’avenir. L’auteur de ces lignes, qui a fait son alyah il y a près de trente ans, sait bien que les Juifs qui ont choisi de rester en France ne vont pas tous partir du jour au lendemain. Le sionisme bien pensé ne consiste pas à accueillir des Juifs en Israël et à se désintéresser des autres. Une grand-mère juive apeurée, qui m’écrivait il y a quelques jours que son petit-fils était agressé et menacé à Boulogne (pas dans le 93!), répondait, à ma question concernant son avenir, qu’il n’était pas encore prêt  à monter en Israël... 

“Juifs, apprenez l’hébreu!’” Jabotinsky jeune

 

Pour ce jeune Juif et pour des milliers d’autres, il est urgent de relancer l’appel lancé par le Rosh Betar il y a près de cent ans : “Apprenez l’hébreu!” Que chaque jeune Juif de France apprenne l’hébreu pour préparer sa future alyah, même si celle-ci n’est encore qu’un lointain projet. Que toutes les écoles juives de France fassent de l’hébreu une matière obligatoire et fondamentale, non pas pour glaner quelques points au baccalauréat, mais pour préparer activement l’avenir de la jeunesse juive de France en Israël. “Hébreu, Alyah, Auto-défense” : ces trois mots doivent devenir le slogan des Juifs de France et de ceux qui prétendent parler en leur nom. Le temps de la réflexion et des colloques sur l’antisémitisme est passé. Il est temps d’agir.

Pierre Lurçat

 

1. Voir son intervention sur Akadem. R. Badinter, ami de François Mitterrand, l’ami irrepenti de René Bousquet, cherche peut-être ainsi à faire oublier sa responsabilité personnelle dans l’état actuel de la société et de la justice française, étant entré de son vivant au “Panthéon” pour avoir aboli la peine de mort (pour les assassins, par pour leurs victimes...).

2. Voir son livre largement prémonitoire, La République et les Juifs, paru en 1982. 

3. Je renvoie à mon article coécrit avec Ph. Karsenty, dans Causeur.

https://www.causeur.fr/georges-bensoussan-licra-antiracisme-ccif-142476



 

 

Rassemblement ce dimanche 25 avril à 14h sur le parvis des Droits de l’Homme, place du Trocadéro pour protester contre la décision de la Cour de Cassation concernant l’assassinat de Sarah Halimi.

 

Des rassemblements sont prévus dans d'autres villes :

🇫🇷 MARSEILLE - Place de la Préfecture à 14h

🇫🇷 LYON - Rue du Palais de Justice à 16h

🇫🇷 NICE - Place du Palais de Justice à 17h

🇫🇷 STRASBOURG - Parvis Jean Kahn à 14h

🇫🇷 BORDEAUX - Parvis des Droits de l'Homme à 14h

🇫🇷 LILLE - Place de la République à 14h

🇫🇷 DEAUVILLE - Esplanade du Port (face à la gare) à 14h

🇮🇱 TEL AVIV - Ambassade de France à 15h

🇮🇱 JÉRUSALEM - Gan HaAtzmaut à 15h

🇮🇱 EILAT - Hom Rachrach à 15h

🇺🇸 LOS ANGELES - Consulat français à 10h

🇺🇸 NEW YORK - Consulat général de France à 11h

🇺🇸 MIAMI - Solidarity Walk Macy's Aventura Parking Lot à 11h

🇬🇧 LONDRES - Ambassade de France à 13h

🇮🇹 ROME - Piazza Farnese à 15h

 
 
 

 

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La yiddishkeit que j’ai reçue de ma mère

April 22 2021, 06:55am

Posted by Pierre Lurçat

 

לזכר אמי

"עוז והדר לבושה, ותשחק ליום אחרון"

 

Pendant des années, voire des décennies, je m’étais habitué à penser que je n’avais pas reçu d’éducation juive. Je me considérais comme un autodidacte du judaïsme, un “Self-made Jew”. Il y avait bien du vrai à cela : je n’avais pas célébré ma Bar Mitsva et n’avais jamais observé le jeûne de Kippour, ou simplement mis les pieds dans une synagogue, avant l’âge de 17 ans - époque de mon “retour” au judaïsme, concomitant avec la recherche des racines familiales propre à l’adolescence. C’est alors que, pris d’une frénésie de savoir, je dévorais tous les livres juifs qui me tombaient sous la main. Seul, avec pour toute aide une Bible commentée d’Elie Munk et un dictionnaire Larousse, j’entrepris de combler les lacunes de mon éducation juive et d’apprendre l’hébreu (et la Bible, par la même occasion). Seul aussi, je décidai un beau matin de manger casher, puis de faire shabbat, et enfin - point d’orgue de mon retour au judaïsme - de partir en Israël, sur les traces de mon grand-père Joseph, pour m’y installer à demeure.

 

Joseph, mon grand-père

Bien des années plus tard, avec la sagesse que donnent (parfois) les ans, et devenu grand-père à l’âge précoce de cinquante ans, je compris tout ce que cette vision avait de partiel et d’incomplet. Car ce que ma mère m’avait transmis, au-delà des connaissances juives et hébraïques qu’on trouve dans les livres, ou dans l’étude des textes de la Tradition, était autre chose, bien plus difficile à définir et insaisissable… Avec mon père, amoureux du peuple Juif, auquel il avait lié son destin, en revendiquant l’identité de "Ben Noach", membre de l'alliance  noachide, je pouvais parler de tous les sujets - histoire juive, philosophie, littérature, etc. Il était mon interlocuteur favori et aussi un véritable ami. Avec ma mère, les relations furent toujours plus compliquées, pendant toute ma vie adulte, jusqu’à ce que le grand âge adoucisse son caractère.

 

Quelle était donc cette yiddishkeit qu’elle m’avait donnée en héritage? La réponse à cette question est tout aussi délicate que celle de savoir pourquoi la musique yiddish - les chants du ghetto interprétés par Talila ou la clarinette de Giora Feidman - m’avaient toujours ému, parfois jusqu’aux larmes. En vérité, ce que j’ai compris en devenant père et grand-père à mon tour, c’est que cette question était aussi saugrenue que celle de savoir pourquoi j’étais le fils de ma mère. C’était elle qui m’avait légué mon identité de Juif, quitte à moi de lui donner un contenu. Elle avait fait de moi un Juif. C’était aussi simple que cela.

 

Mais au-delà même de cette judéité largement abstraite, qui s’exprimait de manière très incomplète dans les quelques souvenirs “juifs” de mon enfance (les visites dominicales chez ma grand-mère Chaya, les disques de musique yiddish et les virées rue des Rosiers, au “Pletzl”, pour y acheter des gâteaux au fromage blanc et des livres chez Bibliophane), ma mère m’a pourtant bien laissé une philosophie - tout à fait juive - que j’ai mis du temps à apprécier et à comprendre. Cette philosophie peut se résumer en trois mots, qu’elle m’a souvent répétés mais dont je n’ai véritablement compris le sens que bien plus tard : “Leib und Lach”. “Vis et ris” : ces trois mots exprimaient la quintessence d’une sagesse de la vie qu’elle avait héritée de ses parents, et qu’elle m’a léguée à son tour.

(Extrait de mon livre Vis et Ris, PIL Editions, Jérusalem 2021)

 

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Redonner à Jabotinsky son visage et sa place dans l'histoire du sionisme, Pierre Lurçat

April 19 2021, 12:45pm


 

L'histoire est écrite par les vainqueurs”. Cet adage s'applique à la politique intérieure comme aux relations internationales. Dans l'histoire moderne d'Israël et du mouvement sioniste, la place des mouvements d'opposition au sionisme travailliste (de droite ou religieux) a longtemps été minimisée, voire totalement occultée. Même quand elle est reconnue, l'image de leurs dirigeants et de leurs penseurs est souvent déformée, à dessein ou non. C'est ce constat qui m'a amené à entreprendre la traduction de Jabotinsky en français, entamée il y a une dizaine d'années par celle de son autobiographie (1) et poursuivie maintenant par celle de ses textes exposant sa pensée sociale et économique, parus sous le titre La rédemption sociale (2).



 

Une figure martiale et radicale: (affiche du Keren Hayesod)

 

Jabotinsky est, trop souvent encore, présenté de manière caricaturale et sans donner la mesure de toute la richesse de sa pensée, y compris en Israël. Cela est d'autant plus vrai de l'historiographie en français, forcément beaucoup plus restreinte et fragmentaire. Ainsi le livre de Marius Shattner, Histoire de la droite israélienne, au demeurant bien documenté, présente de Jabotinsky une figure martiale et radicale, très éloignée de sa personnalité authentique. Le fondateur de la Légion juive n'a jamais adoré l'uniforme et les marches militaires, il était au contraire, comme je le montre dans La rédemption sociale, un pacifiste authentique dans l'esprit des prophètes d'Israël. 

 

Même Georges Bensoussan, dans sa monumentale Histoire intellectuelle et politique du sionisme - sans doute l’exposé le plus complet et le plus nuancé sur le sujet en français, qui fait figure d'ouvrage de référence - peut écrire que Jabotinsky a été “influencé par les idéologies autoritaires qui se sont emparées du pouvoir, du Portugal à l’Italie” (p.862) et que la dimension sociale est le "point aveugle de sa pensée". Tout en reconnaissant que la pensée de Jabotinsky “a été en partie occultée par une ‘histoire officielle’ qui a fait de lui le prototype du ‘fasciste juif” (p. 476), Bensoussan reprend pourtant à son compte certaines des accusations de cette “histoire officielle”, en écrivant par exemple que “Jabotinsky finit par justifier la violence aveugle” (p. 773) ou qu’il “se montre parfois tenté par le romantisme fasciste de la force virile” (p. 809). Aucune de ces accusations ne résiste à l’examen des faits et à l’étude approfondie de la personnalité et de l’action de Jabotinsky (3).

 

Un ouvrage de référence



 

C'est donc pour combler cette lacune, et pour contrer cette déformation et cette ignorance que nous présentons aujourd'hui au lecteur francophone les “éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque”. Le lecteur y découvrira un visage méconnu du fondateur de l'aile droite du sionisme politique, visage sensible d’un homme qui a donné sa vie au mouvement sioniste, et qui était mû principalement par le souci d’améliorer la condition sociale et politique des Juifs. 73 ans après la proclamation de l’Etat juif dont il n’a pas vu le jour, le moment est venu de lui rendre sa place véritable dans l’histoire d’Israël.

Pierre Lurçat

 

1. Histoire de ma vie, les Provinciales 2011.

2. PIL Editions, Jérusalem 2021. Disponible sur Amazon et dans les librairies françaises en Israël.

3. G. Bensoussan, Une histoire intellectuelle et politique du sionisme, Fayard 2012. Le contresens le plus évident de G. Bensoussan consiste à écrire que Jabotinsky “exalte le groupe et la nation dans lesquels l’individu se fond, en appelant  dépasser l’individu” (p. 677). Pour Jabotinsky, bien au contraire, l’individu demeure indépassable, car “tout homme est un Roi”. Je renvoie sur ce sujet à mon livre à paraître sur l’idée de Nation chez Jabotinsky. Sur l’accusation de sympathies du mouvement sioniste révisionniste pour l’Italie fasciste, Bensoussan concède pourtant qu’il faut distinguer entre la direction du mouvement et Jabotinky d’une part, et les militants locaux en Italie d’autre part. J’aborde ce sujet dans mon livre Israël, le rêve inachevé, chapitre 6 consacré à l’école navale du Betar en Italie. 

 

Lire aussi mon entretien avec Marc Brzustowsky, ici.

https://terre-des-juifs.com/2021/03/31/pierre-lurcat-jabotinsky-etait-profondement-attache-a-la-tradition-disrael/

 

 

Le livre La rédemption sociale est disponible sur Amazon

ainsi qu’à la librairie du Foyer à Tel-Aviv et à la librairie Vice-Versa de Jérusalem

 



 

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De l’affaire Dreyfus à l’affaire Sarah Halimi : Mensonge d’État et déni de réalité des responsables du judaïsme de France

April 18 2021, 08:13am

Posted by Pierre Lurçat

De l’affaire Dreyfus à l’affaire Sarah Halimi :  Mensonge d’État et déni de réalité des responsables du judaïsme de France

Je remets en ligne cet article à l'occasion de la récente décision de la Cour de cassation dans l'affaire Sarah Halimi (faut-il feindre de s'en étonner?) et de l'anniversaire de Theodor Herzl, le 'Visionnaire de l'Etat', qui aura lieu cette semaine.

 

Beaucoup a déjà été dit sur l’affaire Sarah Halimi et pourtant, l’essentiel ne l’a sans doute pas encore été. Au-delà de l’injustice et de tout ce qu’elle renferme d’inquiétant pour l’avenir de la France, se pose la question, cruciale, de l’avenir des Juifs. L’appel lancé par Theodor Herzl, au lendemain de la dégradation du capitaine Dreyfus, demeure d’une actualité brûlante. 

 

Contrairement à la promesse faite par le président Emmanuel Macron, le 16 juillet 2017, lors de la cérémonie commémorative du Vel d’Hiv, de “faire toute la clarté” sur l’affaire Halimi - tout semble être fait pour étouffer une réalité, bien plus sinistre encore qu’on ne pouvait l’imaginer alors. Comme l’a révélé le frère de la victime, M. William Attal, lors d’une manifestation organisée dimanche dernier à Paris, la police était non seulement présente en bas de l’immeuble, mais aussi, apparemment, derrière la porte même de l’appartement de Mme Halimi, sans intervenir, pendant les quarante minutes interminables qu’a duré l’assassinat de Sarah Halimi !


Dans ces circonstances, la décision de la cour d’appel de Paris - à présent confirmée par la Cour de cassation - de conclure à l’irresponsabilité pénale de l’assassin, semble destinée avant tout à empêcher que toute la lumière soit faite sur les circonstances précises de l’assassinat et sur les manquements de la police et de la justice, avant, pendant et après le crime. En d’autres termes, cela ressemble à un véritable mensonge d’État.

 

E. Macron au Vel d’Hiv : un mensonge d’Etat?


 

Quelle leçon pour les Juifs de France?

 

Mais l’essentiel n’est sans doute pas là. Car pour les Juifs de France, qui vivent tant bien que mal, d’un attentat antisémite à un autre, la leçon principale de cette nouvelle affaire reste encore à tirer. Cette leçon avait pourtant déjà été énoncée, il y a plus de cent vingt ans, par un journaliste juif au nom fameux, alors correspondant à Paris d’un grand quotidien autrichien : Theodor Herzl. Contrairement à une légende tenace, Herzl n’a pas “découvert” le sionisme en assistant à la dégradation du capitaine Dreyfus, place des Invalides. Car il avait déjà commencé à étudier la question juive bien avant le début de l’Affaire. 

 

Ce que Herzl a découvert à cette occasion, c’est le caractère inéluctable de la solution sioniste. Alors que ses interlocuteurs - membres de l’establishment juif de l’époque - se berçaient encore d’illusions et pensaient que le sionisme était, dans le meilleur des cas, une solution pour les Juifs de Russie et d’Europe centrale, mais pas pour eux, et dans le pire des cas, une folie pure et simple, Herzl avait acquis de son côté la certitude que l’émancipation et l’intégration des Juifs dans les sociétés occidentales étaient vouées à l’échec.

 

Avec une prescience quasiment prophétique, le “Visionnaire de l’État” avait aussi entrevu la catastrophe qui allait engloutir les deux tiers du judaïsme européen, un demi-siècle plus tard. C’est mu par cette vision prophétique et par l’énergie du désespoir (le fameux “Judennot” - la souffrance juive qu’il ressentait dans sa propre chair), que Theodor Herzl a consacré sa vie entière et sacrifié sa carrière, sa santé et jusqu’à sa vie de famille à la cause du peuple Juif. “Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve” avait-il proclamé, en donnant la date de naissance de l’État juif, presque jour pour jour…

 

Th. Herzl, le “Visionnaire de l’État” juif


 

Le déni de réalité des dirigeants du judaïsme français

 

En quoi la leçon tirée par Herzl de l’Affaire Dreyfus nous importe-t-elle, encore aujourd’hui? Le sionisme serait-il seulement une affaire du passé? La nouvelle Affaire qui secoue actuellement le judaïsme de France nous rappelle qu’il n’en est rien. L’injustice flagrante commise envers la victime, Sarah Halimi, envers ses proches et l’ensemble de la communauté juive de France constitue un rappel douloureux de la réalité, que la plupart des dirigeants de cette communauté s’évertuent à cacher depuis des années. 

 

La solitude des Juifs de France est bien pire aujourd’hui qu’à l’époque du capitaine Dreyfus. Ils sont quasiment les seuls à protester et à manifester aujourd’hui, alors que la France était alors également partagée entre dreyfusards et antidreyfusards. Cela s’explique par le fait que les Juifs ont été progressivement exclus du statut de victimes, tandis que leurs assassins, eux, sont relégués au statut de victimes de “l’exclusion”. (1) 

 

Aussi il est probable que nul procès en révision ne viendra réparer l’arrêt inique de la Cour d’appel. Nul Zola ne se lèvera pour dénoncer l’antisémitisme, dans les colonnes d’un grand quotidien français. Le diagnostic sans appel formulé par Herzl, au lendemain de la dégradation du capitaine Dreyfus reste donc d’une actualité brûlante, alors que les Juifs de France sont encore partagés entre le déni et la désillusion. L’avenir n’est pas moins sombre aujourd’hui qu’il ne l’était alors. La seule différence, évidemment immense, c’est que le rêve sioniste est devenu réalité. 

 

C’est pourquoi il est grand temps que les responsables communautaires et spirituels du judaïsme français reconnaissent enfin, avec cent vingt ans de retard, ce qu’un journaliste juif viennois avait compris alors et qui est encore plus vrai aujourd’hui. Comme l’ont déclaré récemment, avec lucidité et courage, les directeurs d’écoles juives françaises, “notre place n’est plus en France”. Souhaitons que les dirigeants des institutions juives et les rabbins de France ouvrent eux aussi les yeux et se joignent à cet appel pressant, pour encourager l’alyah, seule solution à la détresse des Juifs de France.

 

Pierre Lurçat

 

(1) Je renvoie sur ce sujet à mon article publié dans Causeur au lendemain de l’assassinat de Sarah Halimi, http://www.causeur.fr/lucie-halimi-medias-silence-43782.html

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Paris 1943 - L’arrestation de Fanny et Florette

April 8 2021, 09:18am

Posted by Liliane Lurçat

Dans l’extrait qui suit, ma mère raconte le départ de son frère aîné en Palestine, en pleine guerre, et l’arrestation de ses cousines, Florette et Fanny, qui ne sont pas revenues de déportation. Ma fille aînée porte le prénom de la cousine Fanny Hyd. P. Lurçat

 

“Je reçois un jour une lettre de Christiane. Sur l’enveloppe, elle a écrit en gros caractères “urgent et confidentiel”. Elle me donne rendez-vous dans un endroit discret et m’explique que toute sa famille est recherchée par la police. Les flics sont des salauds, ils torturent les gens qu’ils arrêtent et leur mettent du poivre sur les parties. J’ai rencontré son frère dans le métro, il portait la barbe. Bonjour Louis ! Vous faites erreur, mademoiselle, je ne vous connais pas. La sœur de Christiane, Janette, c’est la grande copine de ma cousine Florette. Elle m’appelle la grande Liliane. Florette, enfant, était très livrée à elle-même. Elle est très peu allée à l’école. A 6 ans, elle a appris des danses acrobatiques dans un cirque, elle sait se contourner dans tous les sens. Sa mère a quitté la rue des Carmes, pour un logement du 3ème arrondissement. Un long couloir noir et puant, où de vilains messieurs vous agressent. Deux pièces obscures et minuscules, donnant sur une cour nauséabonde. Florette et sa sœur, Fanny, sont dehors toute la journée. Le père est joueur et épileptique et la mère se lamente.

 

La cousine Fanny

La vie de Florette a changé le jour où, après avoir hésité longtemps, elle a franchi le seuil du local des Jeunes Filles de France. “Je veux venir ici”. “Va te débarbouiller d’abord”, lui a répondu Janette. Elles sont devenues amies. Florette soigne sa toilette, Florette fait du camping et elle chante, elle a une belle voix sonore : “Allons au-devant de la vie, allons au-devant de l’amour”. Comme toutes les filles de la famille, elle a le sein fort, la joue rose et la lèvre charnue. Ss yeux sont noirs et brillants et elle rit d’un grand rire. Si un garçon l’approche, elle le rabroue d’une tape. Elle travaille, elle fait de la couture et elle en profite pour rafistoler les hardes des siens.

C’est une militante, elle lit les brochures du Parti, elle comprend le monde. Quand la guerre éclate, elle fait tourner la ronéo dans le petit logement. Elle sait, la veille, que c’est la grande Rafle de juillet. Elle dort chez nous. Au matin, Fanny arrive : ils arrêtent Papa et Maman. Elle y court. Elle s’interpose. “Viens avec!” Elle y va et Fanny aussi. Elle est partie pour rien, on les a tous séparés à Pithiviers. Elle est arrivée à Auschwitz, dans un convoi de femmes et d’enfants. La douche pour tout le monde. Le lendemain matin, elle a rencontré Janette, sa meilleure amie. Elles ont parlé toute la nuit. Florette est morte à 18 ans. Fanny est morte aussi, je ne sais où, Fanny est morte je ne sais quand. Elle n’avait pas beaucoup plus de 15 ans.

 

Menahem, le frère aîné

Les amitiés changent pendant l’Occupation. Le père n’est plus là, le frère aîné est parti pour la Palestine. Il s’intéressait trop à la Résistance et la mère avait peur. Les Allemands ont organisé un jour un échange entre sujets britanniques vivant dans les territoires occupés et prisonniers allemands en Palestine. Le frère est parti pour un long voyage en train, qui devait l’amener à Jérusalem, en contournant la Méditerranée. Il avait 17 ans. Le lecteur assidu de L’Heure joyeuse, l’enfant rêveur et absorbé a pris le grand tournant. Il sera un homme d’action, un militaire, un défenseur d’Israël. Par lui, la famille reprend racine en terre promise. Il réussit la vie rêvée par le père. Il épousera une petite Juive irakienne aux yeux bleus et vivra dans l’ambiance orientale d’une belle-mère, d’oncles et de tantes, de cousins et d’aïeuls centenaires, tous unis comme les doigts de la main. Mais dans ses rêves, les bouquinistes des quais de Seine garderont la bonne place. Plus de grand frère pour me guider vers les professions enviées du secrétariat. Ma vie? C’est mon affaire.

 

Extrait de Un parapluie pour monter jusqu’au ciel, de Liliane Lurçat

Disponible sur Amazon

 

 

“Ce livre vous donne un coup dans l’estomac. C’est un document extraordinaire, avec une grande force littéraire”.

Michel Gurfinkiel

“Un très beau livre”.

Monique Naccache, Times of Israel

“Il y a dans ce livre de Liliane Lurçat une acuité du regard qui le rapproche des caricaturistes… et les portraits qu’elle fait défiler en quelques coups de crayon alertes sont hauts en couleurs. Les portraits de ses parents sont des petits chefs-d’œuvre qui intègrent le physique, le psychologique et le sociologique, un peu comme Honoré Daumier”.

Olivier Ypsilantis, Zakhor Online

 

“Ce livre ravira les amoureux de Paris, qui le redécouvriront sous les yeux d'une enfant espiègle et libre, les amoureux d'histoire, qui auront la chance de lire le témoignage unique d'une enfant qui a survécu a la déportation par des concours de circonstance inhabituels, et ravira les amoureux de fins mots d'enfants et d'humour cocasse”.

Gabrielle Pittiglio, Amazon

“Les souvenirs de Liliane Lurçat sont écrits au présent, ce qui leur donne un rythme rapide et presque haletant…”

Liliane Messika, Mabatim.info

“Très beau récit auto-biographique, d'une époque où de nombreux quartiers de Paris étaient encore populaires. Petite histoire qui s'inscrit dans la grande, on rit volontiers à des situations décrites avec simplicité. Même dans une époque très compliquée, il reste toujours de l'espoir. A lire absolument…

Dominique Pulejo, Amazon 

 

Ce récit, sobre et dénué de sentimentalisme, d’une jeune Juive née en Palestine, mais dont la famille a dû s’installer à Paris, faute de travail à Jérusalem, est un témoignage, à la fois réaliste et émouvant. un très beau texte à l’écriture incisive et enlevée”. 

 

Evelyne Tschirhart, Lettres d’Israël

 

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