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« Pro Armenia » : voix juives en faveur des victimes du génocide arménien, Pierre Lurçat

April 25 2019, 07:56am

Posted by Pierre Lurçat

I - Eitan Belkind, témoin du génocide arménien

Si la question du génocide arménien et sa non reconnaissance officielle par Israël empoisonne jusqu’à ce jour les relations entre les deux pays, elle se trouve par contre au cœur des relations étroites que plusieurs figures juives ont entretenu avec la question arménienne…

belkind.jpgParmi les témoignages directs du génocide arménien figure celui d’Eitan Belkind *, un des fondateurs du réseau d’espionnage pro-anglais en Palestine, le NILI. Né en 1897 à Rishon-le-Tsion, d’une famille originaire de Russie, il avait étudié au lycée Herzéliya de Tel-Aviv. En 1912, âgé de quinze ans seulement, il se rendit à Constantinople pour s’enrôler dans l’école navale. Lorsque la guerre éclata, il fut accepté à l’école des Cadets et obtint le rang d’officier, attaché au siège de la Quatrième Armée qui était installé à Damas, sous le commandement de Djamal Pasha.

En mars 1915, lorsqu’une invasion de sauterelles frappa la Palestine, l’armée turque chargea Aharon Aharonson de combattre ce fléau. Belkind lui fut rattaché et se rendit à Jérusalem. Son rôle de tout premier plan dans la lutte contre les sauterelles lui valut plusieurs décorations militaires, dont le Croissant de fer turc et la Croix de fer allemande. A la même époque toutefois, Belkind fonde le NILI, aux côtés d’Aharon et Sarah Aharonson et d’Avshalom Feinberg. Plus tard, il sera membre de l’Etsel. Nous reviendrons sur la figure étonnante de Belkind dans un prochain article. Voici son témoignage, traduit de l’anglais par Georges Festa. P.I.L.

* (Ce témoignage figure sur le site du Musée arménien du génocide, http://www.genocide-museum.am/eng/eye_witnesses1.php)

 

Un témoin des massacres arméniens : « Voilà comment ça s’est passé » par Eitan Belkind


« La majorité des Juifs d’Israël, le vieux Yishouv, de même que les nouveaux arrivants, avaient conservé leurs passeports non turcs, afin d’être protégés par les Capitulations de l’empire ottoman. Les Capitulations étaient des privilèges accordés aux citoyens européens résidant en Turquie en échange d’une aide apportée par les nations européennes à l’empire qui se désagrégeait. 

Durant la guerre, les forces militaires turques ne purent accepter le fait que des dizaines de milliers de gens, issus de pays hostiles, ayant une nationalité étrangère, vivent en Israël (les nouveaux arrivants provenaient principalement de l’empire russe, qui combattait les Turcs). Les Turcs exigèrent que les Juifs acquièrent la nationalité ottomane ou quittent Israël. Les Bilouim (les premiers immigrés en Palestine, venus de Russie) et d’autres fondateurs de la première Alya, dirigés par Eliezer Ben-Yehuda, lancèrent un appel public aux Juifs, les encourageant à adopter la nationalité ottomane. Toutefois, très peu leur répondirent, car la plupart des Juifs craignaient qu’une fois obtenus leurs passeports turcs, ils seraient enrôlés dans l’armée turque, ce qu’ils redoutaient le plus. Beaucoup de Juifs préférèrent s’exiler d’Israël, plutôt que de servir dans l’armée turque.

Fin mars 1915, un mardi, 10 000 Juifs environ furent exilés d’Israël. Ils furent conduits à Jaffa et contraints d’embarquer à bord de navires appartenant à des Etats neutres tels que l’Italie, les Etats-Unis, etc. Cette déportation fut organisée sans ménagements. Les déportés durent abandonner tous leurs biens, femmes et enfants conduits de force dans les navires. Ce fut un spectacle tragique et oppressant.


Avshalom Feinberg, qui fut témoin des déportations, se rendit à Jérusalem au Service de lutte contre les sauterelles et encouragea Aharon Aharonson à lancer une insurrection, les colonies juives étant au bord de l’anéantissement. Avshalom souligna que, selon lui, c’étaient les Allemands qui avaient conseillé à la Turquie de déporter les Juifs :

Avshalom Feinberg and Sarah Aaronsohn.jpg

Avshalom Feinberg et Sarah Aaronsohn


« Nous devons aider les Anglais et les Français à gagner la guerre, dit-il, car si les Allemands l’emportent, Dieu nous en préserve, notre pays deviendra une colonie allemande conformément au plan Drang nach Osten [« Poussée vers l’Est »], martelé par l’Allemagne. L’Allemagne n’a pas de colonies, avec une population de plus de 85 millions d’habitants ; elle est en quête de terres nouvelles. Israël est l’une des cibles que les Allemands ont déjà commencé à peupler, se faisant passer pour les Templiers. »


L’extermination des Arméniens


« […] Le lendemain de notre voyage, nous vîmes un cadavre flottant sur l’Euphrate. Nous fûmes surpris, mais le soldat qui nous accompagnait nous rassura en nous disant qu’il s’agissait du corps d’un Arménien. Nous découvrîmes qu’un camp se trouvait non loin, de l’autre côté de l’Euphrate, où les Arméniens déportés d’Arménie étaient parqués. Notre ami Shirinyan devint tout pâle et nous demanda de franchir l’Euphrate et d’aller dans ce camp d’Arméniens. 

Nous découvrîmes plusieurs centaines de personnes dans ce camp, vivant dans de petites huttes de fortune. Le territoire était propre ; les huttes bâties sur une rangée. Nous nous approchâmes de ces huttes et regardâmes à l’intérieur. Nous vîmes des femmes et des enfants. Dans l’une de ces huttes, Shirinyan découvrit l’une de ses tantes, qui lui apprit que tous les hommes avaient été tués ; seules les femmes et les enfants avaient survécu. Shirinyan n’avait aucune idée de ce qui était arrivé à sa nation. Choqué, il commença à prendre en criant la défense de sa tante, mais Jacob Baker et moi essayâmes de le réconforter, en lui disant que nous avions encore notre tâche à remplir. Nous partîmes ; plus nous voyagions, plus nous voyions flotter des cadavres d’Arméniens. Après six jours, nous atteignîmes Deir-es-Zor, une ville importante de la région. Nous rendîmes visite au commandant militaire de la ville, le colonel tcherkesse Ahmad Bey. Nous lui présentâmes nos papiers en lui expliquant le but de notre voyage. Mon ami Jacob Baker se vit attribuer un logement, tandis que mon ami Shrinyan et moi-même nous fûmes arrêtés. Plus tard, Jacob Baker nous rendit visite et nous apprit que nous étions détenus parce que nous étions Arméniens. Il s’avéra que le commandant croyait que j’étais aussi Arménien, mon prénom Eitan étant écrit en turc [NdT : Les Turcs utilisaient alors les caractères arabes], le phonème i étant représenté par deux points en dessous et la lettre t étant écrite avec deux points au-dessus, si bien que le commandant lut mon nom Etian, qui avait tout à fait l’air arménien.


« J’ai essayé en vain d’expliquer la chose au commandant, me dit Baker. Je n’ai pu le convaincre. J’ai envoyé un télégramme au chef de service à Damas. »


genocide.jpgJe fus détenu deux jours durant, jusqu’à ce qu’un télégramme parvienne, ordonnant de me libérer. L’ignore ce qui arriva à notre ami Shirinyan. En tant que centre militaire, Deir-es-Zor comprenait un hôpital militaire dirigé par un médecin juif, le docteur Bhor [?], et un pharmacien juif, dénommé Arto. C’est là que nous découvrîmes qu’Ahmad Bey était le commandant des troupes tcherkesses mobilisées pour l’extermination des Arméniens. Le médecin et le pharmacien nous invitèrent dans leur maison spacieuse, nous apprenant que tous les Arméniens mâles avaient été tués sur la route depuis leurs habitations en Anatolie et que les femmes et les jeunes filles étaient abandonnées à la merci des Bédouins.


Dès que nous trouvâmes des chevaux pour nous déplacer et des soldats pour nous accompagner, Joseph Baker partit de son côté pour Mossoul et moi vers ma région, le long du fleuve Kibur [?]. Durant la nuit précédant notre départ, nous entendîmes des cris de femmes – horribles, à fendre le cœur. Le camp des Arméniens se trouvait à un kilomètre de notre maison. Ces cris continuèrent toute la nuit. Nous demandâmes ce qui se passait, on nous apprit que les enfants étaient retirés à leurs mères afin de les placer dans des dortoirs et les y éduquer. Toutefois, au matin, lorsque nous prîmes la route et traversâmes le pont au-dessus de l’Euphrate, je fus horrifié de voir le fleuve rougi par les cadavres d’enfants ensanglantés et décapités, flottant sur l’eau. Cette scène était d’autant plus horrible que nous ne pouvions rien faire.


Après trois jours de voyage, j’atteignis Aram-Naharaim [NdT : la Mésopotamie], où je fus témoin d’une horrible tragédie. Il y avait là deux camps attenants, l’un pour les Arméniens et l’autre pour les Tcherkesses. Les Tcherkesses s’employaient à exterminer les Arméniens. Des cheikhs arabes étaient présents aussi, choisissant pour épouses de belles jeunes filles arméniennes. Deux femmes s’approchèrent de moi et me donnèrent des photographies. Si j’allais à Alep et si je trouvais leurs familles (au cas où celles-ci fussent en vie), ces femmes me demandèrent d’adresser leurs salutations à toute personne que j’y trouverais.

junes filles armmeniennes.jpg


Voyant que je parlais aux deux Arméniennes, l’officier tcherkesse m’ordonna de partir, mais je restai là pour voir ce qui arriverait aux Arméniens. Les soldats tcherkesses ordonnèrent aux Arméniens de ramasser des herbes sèches et d’en faire une grande pyramide, puis ils lièrent tous les Arméniens présents, quelque 5 000 âmes, les mains liées chacun aux autres, les plaçant en cercle autour de ce tas d’herbes et y mirent le feu, créant un incendie qui s’éleva vers le ciel en même temps que les hurlements de ces malheureux, qui périrent brûlés. Je m’enfuis de cet endroit, ne pouvant supporter cet épouvantable spectacle. Je me déplaçai aussi vite que possible, désireux de m’éloigner de ces lieux. Après avoir galopé comme un fou deux heures durant, j’entendais encore les hurlements de ces malheureuses victimes avant de mourir. Deux jours après, je revins sur les lieux et je découvris des corps calcinés par milliers. 

Je m’approchai du Mont Sandjer où vivaient des Yézidis. Au pied de cette montagne, sur ma route vers la ville d’Ourfa au nord, je fus témoin de plusieurs exterminations en masse d’Arméniens. Ces gens étaient misérables, fous de désespoir. Dans une maison, je vis une Arménienne cuire le cadavre de son propre enfant dans une marmite. Toutes les routes étaient jonchées de cadavres d’Arméniens tués.


Une Juive dans la tente d’un cheikh

[…] Je me rendis dans la tente du cheikh et fus très heureux de retrouver mon ami Jacob Baker. 

A minuit, une fois le dîner achevé, le cheikh gagna sa tente et nous restâmes là. Un petit garçon surveillait le feu. Jacob Baker et moi parlions français. Je lui appris ce qui m’était arrivé à Ourfa et l’informai des pogroms d’Arméniens auxquels j’avais assisté sur ma route. Il me parla de son travail à Mossoul. Nous étions assis, parlant tard dans la nuit, lorsque soudain l’enfant que nous avions pris pour un bédouin nous révéla en français que lui et sa mère étaient Arméniens et que le chef de la tribu les avait sauvés de l’extermination. Sa mère était devenue l’épouse du cheikh et lui aidait à accueillir les invités. L’enfant continua et nous apprit que le chef de l’autre tribu avait une épouse juive, prise dans une famille de la ville de Césarée en Anatolie. Son mari avait été tué et le cheikh s’était emparé d’elle.

Nous fûmes horrifiés d’entendre cela et nous demandâmes au garçon si nous pouvions rencontrer cette femme. Malgré le danger, l’enfant entra dans la tente où se trouvait la Juive. Chacun dormait dans la tente et la femme parvint à ne pas se faire remarquer. Elle avait 25 ans et était très belle. Elle nous apprit qu’elle s’appelait Biram, un prénom typiquement turc. Sa famille vivait dans le quartier arménien de la ville et lorsqu’ils prirent les Arméniens, ils emmenèrent aussi cette femme avec son mari et leur enfant, en dépit de toutes leurs protestations. Son mari et son enfant furent tués, mais elle fut sauvée par le cheikh arabe qui la prit pour femme. Nous lui promîmes de s’occuper d’elle.

[…] Deux semaines plus tard, je revins vers l’Euphrate et gagnai à la hâte Deir-es-Zor. Dans le courrier je découvris une lettre de Haim Khanum à Constantinople (principale ville de Turquie), qui me demandait de ne pas interférer en faveur de Madame Biram, car elle était liée aux massacres des Arméniens, qui constituaient un secret militaire.

J’adressai en outre une lettre à ma nièce Tsilya, qui étudiait à Berlin, en réponse à ma lettre, envoyée par la poste militaire allemande, où je décrivais tout ce qui était arrivé aux Arméniens. Ma lettre me fut retournée, accompagnée d’une demande de ne plus jamais lui écrire à propos de ces choses et de me méfier de la poste militaire allemande, mes lettres pouvant être ouvertes par la censure.


Je restai à Deir-es-Zor avec le pharmacien Arto, entouré maintenant de cinq femmes arméniennes, qu’il avait épousées afin de leur sauver la vie. Il m’apprit qu’une trentaine d’Arméniennes travaillaient à l’hôpital militaire. C’est ainsi que le docteur Bhor les avait sauvées. 

Je dois mentionner que, durant tout le temps que je me trouvai à Aram Naharaim [NdT : en Mésopotamie], je fus incapable de manger de ce poisson splendide pêché dans l’Euphrate, que j’aimais beaucoup, me souvenant que ces poissons s’étaient nourris des cadavres des Arméniens assassinés, dont de jeunes enfants. Il me fut de même impossible d’avoir des relations sexuelles avec de jeunes Arméniennes qui me furent proposées par le docteur Bhor et le pharmacien Arto.

Me trouvant encore à Damas […], je remis mes documents sur les massacres d’Arméniens à Josef Lishansky. De retour à la station de traitement, je me retrouve avec Sara. Elle m’apprit que mes documents sur les massacres d’Arméniens, qu’elle avait envoyés en Egypte [NdT : aux Britanniques], avaient fait grande impression.


[…] Lors de mes voyages au sud de la Syrie et en Irak, j’ai vu de mes propres yeux l’extermination de la nation arménienne, j’ai assisté à des tueries abominables, j’ai vu des enfants être décapités, j’ai vu des innocents, dont le seul crime était d’être Arméniens, être brûlés vifs. J’ai subi aussi de terribles souffrances en prison ; mon cher frère Neiman et son ami Josef ont été tués. Et malgré tout cela, je ne pourrai me regarder en face que lorsque j’aurai couché par écrit tout ce que mon cœur renferme. J’ai eu pitié des Turcs, qui sont tombés aussi bas au crépuscule de leur empire à l’Est, du fait de leur collaboration avec les Allemands. C’est sur le conseil des Allemands que les Turcs ont perpétré les cruels massacres d’Arméniens avec l’aide des musulmans fanatiques tcherkesses.


Source en anglais : http://www.massisweekly.com/Vol28/issue18/pg11.pdf 
Traduction : Georges Festa – 04.2009 – Tous droits réservés

Eitan Belkind

http://www.gen-mus.co.il/ 
http://www.gen-mus.co.il/en/person/?id=2493

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Gérard Araud dans le texte : Aux sources de l’antisémitisme du quai d’Orsay et de la politique française envers Israël, Pierre Lurçat

April 23 2019, 14:22pm

Posted by Pierre Lurçat

A Michel Darmon (1925-2012)

In memoriam

 

“Pour l’ancien ambassadeur français Gérard Araud, Israël est un Etat d’apartheid”. Derrière cette déclaration, rapportée cette semaine par tous les médias français, se cache une véritable tradition diplomatique et politique, qu’il n’est pas inutile de rappeler. De quoi s’agit-il? Ce qui se donne à entendre ici, ce ne sont pas les opinions personnelles de M. Araud, qui comptent peu en la matière. M. Araud n’est en effet qu’un modeste pion, presque dérisoire, sur le vaste échiquier de la “politique arabe” de la France. Mais il est aussi le digne continuateur d’une politique d’hostilité, d’incompréhension et de préjugés qui remonte en réalité à la France de l’affaire Dreyfus, des années 1930 et de Vichy.

 

Un diplomate à l’image du quai d’Orsay et de la politique française depuis Vichy


 

Comme le rappelle en effet David Pryce-Jones, dans un ouvrage essentiel sur le sujet paru en 2006 sous le titre évocateur Un siècle de trahison, La diplomatie française et les juifs, 1894-2007 (1), “les diplomates, acteurs et souvent concepteurs de la politique étrangère de la France, ont perçu, compris et imaginé les juifs… selon une perception qui a conduit à l’élaboration d’une politique dont la ligne directrice n’a en fait pratiquement pas varié entre l’affaire Dreyfus et la fin de la présidence de Jacques Chirac”.

 

Si “Israël est devenu pour la diplomatie française ‘le Juif des nations”, poursuit-il, c’est parce que la politique française est largement déterminée par “un petit nombre ‘hommes hautement motivés… qui entretiennent à l’égard des Juifs des préjugés très anciens et très classiques”. Dans son livre, Pryce-Jones cite de nombreux exemples abondant dans ce sens, comme celui de Pierre Landy, consul à Haïfa qui écrivait, sortant d’une rencontre avec Menahem Begin: “De mise modeste, il a le dehors effacé d’un petit commerçant de la rue d’Aboukir”(2). Quant à Maurice Fischer, premier ambassadeur israélien à Paris, il est ainsi décrit par Jacques Dumaine, alors chef du protocole du Quai d’Orsay : “doué du millénaire complexe d’infériorité de sa race. La conversation avec lui cesse d’être diplomatique pour devenir talmudique”.

 

De Gaulle accueillant Ben Gourion à Paris

 

Ces citations ne font pas figure d’exceptions, ou de “gaffes”, de la part des hommes du “Quai”. Elles expriment avec la plus grande fidélité la conception du monde et les préjugés antisémites des acteurs essentiels de la politique étrangère française. Et le plus étonnant est que rien n’a quasiment changé depuis lors… L’antisémitisme de la caste diplomatique (et d’autres élites anciennes) française est un élément constant, jamais démenti, et un facteur explicatif souvent occulté ou minimisé de la politique de la France vis-à-vis d’Israël. On en donnera pour illustration supplémentaire le cas de Jules Cambon, pourtant auteur de la déclaration pro-sioniste de 1917 qui porte son nom, qui considérait l’affaire Dreyfus comme un “complot sémite” et s’inquiétait de l’influence de la “finance juive” sur la politique américaine.

 

Dans cette unanimité troublante, une rare exception mérite d’être mentionnée. Celle de l’ambassadeur de France Pierre-Eugène Gilbert, en poste en Israël entre 1953 et 1959 - époque de l’éphémère “lune de miel” franco-israélienne, qui fut un véritable admirateur d’Israël, parlant l’hébreu et ami de plusieurs dirigeants israéliens, et notamment de David Ben Gourion. Si Gilbert n’était pas anti-israélien, rapporte David Pryce-Jones, c’est pour la bonne raison qu’il n’avait pas, contrairement à la plupart de ses collègues, servi le gouvernement de Vichy. Au contraire, il avait été membre de la commission d’épuration du quai d’Orsay (dont le travail fut très restreint et peu efficace).

 

La rue au nom de Pierre Eugène Gilbert à Natanya

 

C’est dans ce contexte historique et idéologique qu’il faut comprendre les récentes déclarations de l’ancien ambassadeur Araud et de son responsable ultime, qui n’est autre que le président français Emmanuel Macron. Si ce dernier peut s’autoriser à demander à Israël, avec une incroyable houtspa, de débloquer les fonds des impôts reversés à l’AP destinés aux familles des terroristes assassins de juifs, c’est aussi au nom de cette tradition antisémite de la politique française. J’ajouterai que la “politique arabe” et son revers, la politique antijuive de la France, sont souvent contraires aux intérêts bien compris de la France (3). Comme le disait le regretté Michel Darmon, ancien président de France-Israël Général Koenig, auquel ces lignes sont dédiées, “‘l’histoire des peuples n’est pas l’histoire des Etats”. Autrement dit, le peuple français n’est pas représenté par l’antisémitisme de ses diplomates et de ses dirigeants.

Pierre Lurçat

 

L’ingénieur général M. Darmon z.l.

 

1. Denoël 2008.

2. Ajoutons que l’expression “petit commerçant de la rue d’Aboukir” ne peut être péjorative que dans la bouche d’un véritable antisémite.

3. Comme l’avait bien compris Jabotinsky, dans le compte-rendu qu’il donne de sa rencontre avec le ministre des Affaires étrangères français Delcassé. Voir http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/09/les-annees-parisiennes-de-vladimir-zeev-jabotinsky-pierre-i.lurcat.html

 

Gérard Araud dans le texte : Anti-américanisme, orgueil démesuré et antisionisme qui frôle l’antisémitisme. Extraits de ses déclarations les plus marquantes.

 

1) En tant qu’ambassadeur en Israël (à “Tel-Aviv”, puisque la France s’obstine à ne pas reconnaître Jérusalem comme capitale de l’Etat juif)

 

En 2003, juste avant d’être nommé à Tel-Aviv, un journaliste israélien écrit l’avoir entendu traiter, lors d’une discussion privée à Paris, le Premier ministre Ariel Sharon de "voyou" et Israël de "pays paranoïaque", des propos immédiatement démentis.

 

SOURCE

https://www.lejdd.fr/International/Portrait-Gerard-Araud-l-homme-de-la-guerre-en-Libye-325547-3111662

 

A deux jours de l’arrivée de Manuel Valls en Israël, l’ambassadeur de France à Washington, Gérard Araud, dont l’hostilité à Israël est connue, a commis une indiscrétion qui révèle les dessous de l’initiative diplomatique française. Un petit twitt de l’ambassadeur explique pourquoi le France tient tant à la tenue d’une conférence internationale et non à une reprise des pourparlers directs comme le souhaitent Américains et Israéliens.

« Lors de négociations directes, l’avantage est à la partie forte dans l’histoire, c’est à dire à Israël. Les Palestiniens ne veulent pas de cette formule, c’est pour cela que nous tentons un compromis ». Aucune réaction pour le moment à Jérusalem mais le message est clair: cette conférence a pour objectif de mettre une nouvelle fois Israël au pied du mur et de le désigner comme responsable d’un échec prévisible.

SOURCE

https://lphinfo.com/un-petit-twitt-de-lambassadeur-de-france-aux-usa-revele-les-dessous-de-linitiative-francaise/

 

Il y a une sorte de névrose dans ce pays. Une névrose antifrançaise”, a déclaré Gérard Araud sur une radio militaire israélienne.

 

https://www.courrierinternational.com/article/2004/12/23/france-antisemite-ou-israel-francophobe

 

2) En tant qu’ambassadeur à Washington :

Gérard Araud a réitéré la gaffe symptomatique de Raymond Barre après l’attentat de la rue Copernic à Paris en 1980.

L’ambassadeur a écrit une lettre aux citoyens français qui résident aux Etats-Unis à propos des attentats de Paris. Cette lettre a provoqué de nombreux remous, tout particulièrement auprès des citoyens français juifs. Non seulement Gérard Araud n’a pas daigné citer l’organisation qui est responsable des attentats mais il a écrit entre autres: « …les terroristes tentent de saboter les fondements de notre société: hier des journalistes et des juifs, aujourd’hui des citoyens ordinaires dont le seul crime a été de vouloir profiter de la vie…. ».

De nombreux juifs français résidant aux Etats-Unis ont très mal pris cette allusion et en ont fait part de diverses manières afin d’exprimer cette différence établie entre les juifs et les « citoyens ordinaires ».

SOURCE

https://lphinfo.com/propos-douteux-de-lambassadeur-de-france-aux-etats-unis/


 

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Marc Chagall et les Juifs (I) - Avec Chagall, de Paris à Jérusalem

April 21 2019, 13:02pm

Posted by Pierre Lurçat

Mon récent post "Quand Chagall peignant Notre-Dame" a suscité quelques réactions d'étonnement, qui m'amènent à mettre en ligne cet article que j'avais consacré au grand peintre juif à l'occasion d'une exposition parisienne. J'y aborde le sujet complexe de la relation que Chagall entretenait avec son judaïsme, sur lequel je reviendrai. Moadim le-Simha!


Exposition_Chagall.jpgLe ‘hasard’ a voulu que je visite récemment deux expositions consacrées à l’œuvre de Marc Chagall : la très belle exposition « Chagall entre guerre et paix », qui se tient au musée du Luxembourg, à Paris (jusqu’au 21 juillet 2013) ; et l’exposition permanente des tapisseries de Chagall à la Knesset, à Jérusalem. Deux visages différents de l’artiste et de son œuvre y apparaissent.

Marc Chagall (Vitebsk 1895 – Saint-Paul de Vence 1985) est un des artistes juifs les plus connus aujourd’hui, au point que la plupart des artistes juifs contemporains s’en inspirent, délibérément ou non. Beaucoup de ses œuvres sont familières à tout un chacun, même à celui qui ne les connaît que par les reproductions.

Les nombreuses œuvres exposées au musée du Luxembourg (une centaine), sont disposées selon l’ordre chronologique, ce qui permet de suivre l’évolution de l’inspiration de Chagall, de la période de formation en Russie à ses années parisiennes (1910-1914), puis son retour en Russie et ses pérégrinations jusqu’à la guerre, et après. Les œuvres des années 1930 et 1940 occupent une place importante dans l’exposition.

On ne peut manquer d’être frappé par la présence quasi-constante de Jésus dans ses tableaux évoquant la Shoah et les pogromes en Russie, et notamment dans les fameuses Crucifixions. Je connaissais certes le thème de la Crucifixion chez Chagall, en particulier grâce à Chaïm Potok, qui s’est inspiré de la vie de Chagall pour créer son merveilleux personnage d’Asher Lev.

 

650chagall-ddc27.gif

 

14499_crucifixion.jpgMais rien ne vaut la rencontre en grandeur nature avec l’œuvre peinte : on reste ébahi devant tant d’audace et de force créatrice. (Je comprends au passage le scandale qu’ont pu susciter ces tableaux de Chagall, car ils sont tellement puissants ! Et j’en ai retrouvé un faible et dérisoire écho dans les réactions indignées lorsque j’ai publié sur ma page Facebook quelques-unes des Crucifixions).

Dans son magnifique livre autobiographique (Ma vie, paru chez Stock en 1972), Chagall évoque sa relation avec le fondateur du christianisme, dans le beau récit qu’il fait de sa rencontre avec le Rebbe Rashab (le rabbi Chalom Dov Beer Schnéerson de Loubavitch) :

« A la campagne, où nous passions l’été, habitait aussi le grand rabbin Schnéersohn. Les habitants de tous les environs venaient le consulter. Chacun avec ses peines.

Les uns voulaient éviter le service militaire et venaient lui demander conseil. Les autres, chagrins de n’avoir point d’enfants, imploraient sa bénédiction. Certains, embarrassés d’un passage du Talmud, sollicitaient des explications…

Mais certainement, sur les listes de ses visiteurs, ne s’était jamais inscrit un artiste… Enfin, mon tour venu, la porte s’ouvre devant moi et, poussé par cette fourmilière d’hommes, je me trouve dans un vaste salon vert.

Au fond, une longue table encombrée de notes, de feuillets, de requêtes… Le rabbi seul est assis. Une bougie flamboie. Il parcourt la note.

 

20111117-rashab.jpg

Le "Rashab" : Rabbi Chalom Dov Ber Schneerson

 

« Ainsi, tu voudrais aller à Pétrograd, mon fils ? Tu trouves que vous y serez bien ? Soit, mon fils, je te bénis. Vas-y.

- Mai, Rabbi, dis-je, j’aimerais mieux rester à Vitebsk. Là, vous savez, habitent mes parents et ceux de ma femme…

- Eh bien, mon fils, puisque tu préfères Vitebsk, je te bénis, vas-y ».

J’aurais voulu m’entretenir plus longtemps avec lui. Tant de questions me brûlaient la langue. Je voulais lui parler de l’art en général, et du mien en particulier. Peut-être m’insufflerait-il un peu d’esprit divin. Sait-on ?

Et lui demander si le peuple Juif est bien l’élu de Dieu, comme il est écrit dans la Bible. Et savoir, en outre, ce qu’il pensait du Christ, dont la blonde figure depuis longtemps me troublait ».

Heureusement pour lui (et pour nous), Chagall n’a pas demandé au Rebbe ce qu’il pensait de son art… Car qui sait quelle aurait été sa réponse, et si elle n’aurait pas entraîné une perte irrémédiable pour l’art !

chagall a la knesset.jpgQuelques semaines avant cette visite au musée du Luxembourg, j’avais (re)découvert un autre visage de Chagall, moins tourmenté et plus facile d’accès : celui que présentent ses immenses tapisseries exposées dans la Knesset, à Jérusalem, que j’ai visitée récemment avec une excellente guide qui n’était autre que ma fille Sarah.

Aux personnes mal informées, qui croient que Chagall aurait rejeté le judaïsme ou aurait pratiqué une quelconque forme de syncrétisme, je conseille d’aller voir ses tapisseries à Jérusalem. Il n’est pas anodin que ce soit précisément à lui, l’artiste juif qui n’avait jamais projeté (à ma connaissance) de s’installer dans notre patrie retrouvée, que le jeune Etat d’Israël ait demandé d’orner de son œuvre le Parlement, centre vivant de la démocratie juive renaissante.

On ne saurait résumer en quelques lignes le riche contenu de ces tapisseries ; mais une chose est certaine : Chagall, mieux que tout autre artiste juif au vingtième siècle, a su illustrer le destin de notre peuple à l’époque qui va de la Shoah à la Renaissance (« mi Shoah li-téqouma »). Il est mort le 28 mars 1985, à l'âge de 97 ans.

(…) Mon peuple, c’est pour toi que j’ai chanté
Qui sait si ce chant te plaît
Une voix sort de mes poumons
Toute chagrin et fatigue
C’est d’après toi que je peins
Fleurs, forêts, gens et maisons
Comme un barbare je colore ta face
Nuit et jour je te bénis (6)

 

chagall-620x270.jpg

 

* Par l’intermédiaire du président de la Knesset, Kadish Louz. Il est notoire que la demande officielle ne précisait pas que l’œuvre devait avoir un sujet juif ou lié à l’Etat d’Israël, et que c’est l’artiste lui-même qui choisit de faire une œuvre profondément juive et sioniste (précisions apportées par Sarah Nisani).

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Quand Chagall peignait Notre-Dame, par Pierre Lurçat

April 16 2019, 19:20pm

Posted by Pierre Lurçat

Quand Chagall peignait Notre-Dame, par Pierre Lurçat

 

De Victor Hugo à Marc Chagall, Notre-Dame de Paris a inspiré les plus grands artistes de toutes les époques. Elle appartient, selon l’expression consacrée, au “patrimoine de l’humanité”, ce qui signifie qu’elle touche à cette dimension insaisissable qui, sous ses formes religieuses ou artistiques,  concerne la même réalité irréductible de l’être humain. Ou comme l’écrit ce matin Henri Pena-Ruiz, “en ces temps oublieux de l’unité de tous les êtres humains, saisie par les passions tristes des différences, le sens universel de notre condition commune s’est rappelé à nous… Les monuments... nous font savoir, comme le dit Montaigne, que «chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition».

 

C’est précisément cet oubli de l’unité de tous les êtres humains qui m’a frappé, en lisant certains commentaires des médias et notamment les réactions de plusieurs responsables des institutions juives de France. Les messages de “tristesse” adressés à l'archevêque de Paris et de “soutien à nos frères chrétiens” ont manqué l’essentiel. Comme si la France était une juxtaposition de communautés, qui ne partageraient que des émotions convenues, dictées par le "vivre-ensemble", et où chacun compatirait aux malheurs de l'autre par voie de communiqués et de messages sur les réseaux sociaux. Quant à Notre-Dame, elle n’est pas une (grande) église! Elle n’appartient pas aux chrétiens de Paris ou de France, comme une simple paroisse de quartier. Notre-Dame, c’est Paris et c’est la France, et à ce titre elle appartient à tous les hommes, y compris les Juifs.


 

Marc Chagall, L’arbre de Jessé


 

C’est ce qu’avait bien compris un grand Juif du siècle passé, Marc Chagall. Il voyait dans Notre-Dame, au-delà de l’édifice religieux (1), le symbole de la ville et du pays qui l’avaient accueilli, en 1910, alors qu’il était un jeune homme plein d’idées et de rêves, loin de sa Russie natale. Elle est présente dans plusieurs de ses oeuvres, parfois aux côtés de la tour Eiffel, moderne cathédrale d’acier.


 

Chagall, Vue de Notre-Dame

 

Paris! Aucun mot n’a résonné aussi doucement à mes oreilles” rapporte Chagall dans son autobiographie. Sous son pinceau, la ville des Lumières devient le théâtre enchanté de l’amour et du bonheur, comme dans son tableau “Vue de Notre-Dame”, où la cathédrale sert de décor à la rencontre entre une jeune femme nue et un personnage mythique, mi-homme mi-oiseau, qui lui tend un bouquet de fleurs.


 

Les monstres de Notre-Dame:

Si seulement je pouvais parvenir, chevauchant l’une des gargouilles de Notre-Dame…”


 

Amoureux des personnages mythiques et monstrueux, Chagall était évidemment tombé sous le charme des gargouilles de Notre-Dame, qu’il a représentés dans sa lithographie Les monstres de Notre Dame, élément d’une série publiée dans la revue Derrière le miroir. Les gargouilles figurent aussi dans la “lettre d’amour à Paris” reproduite ci-dessous, où il écrit notamment “si seulement je pouvais parvenir, chevauchant l’une des gargouilles de Notre-Dame,à tracer un chemin à travers cieux…”

 


 

Le cri d’amour de Chagall pour Paris, sa seconde patrie, a été partagé par de nombreux émigrés juifs à l’époque, venant de Russie ou d’ailleurs. Parmi ceux-ci, ma mère, née à Jérusalem en Palestine mandataire, et qui a grandi dans le quartier des bords de Seine, face à Notre-Dame, alors un quartier populaire. Sur les bancs de l’école publique, elle a appris les vers de Victor Hugo, comme des dizaines d’autres enfants venus d’Europe centrale et d’Asie mineure (“Kurtz, Knopf, Kambourakis…” égrenait chaque matin la maîtresse en faisant l’appel des noms).

 

Enfant, elle jouait au square Viviani et au square Notre-Dame. Adolescente, elle flânait sur les bords de la Seine et chez les bouquinistes. Aujourd’hui très âgée, et aussi vieille, à l’échelle de l’homme, que Notre-Dame, ma mère est restée depuis lors amoureuse de Paris, comme Marc Chagall et comme tant d’autres.


Pierre Lurçat

 

(1) Ce qui n’épuise évidemment pas le thème des relations entre Chagall et le christianisme, tellement présent dans son oeuvre.


 

La Lettre d’amour de Chagall à Paris

J’ai quitté ma terre natale en 1910. A cette époque, j’ai décidé que j’avais besoin de Paris.

J’y suis allé car je cherchais sa lumière, sa liberté, sa culture et l’opportunité d’y perfectionner mon art. Paris a illuminé mon monde de ténèbres comme le soleil lui-même l’aurait fait.

J’ai passé mes jours à vagabonder Place de la Concorde ou près des jardins du Luxembourg. J’ai contemplé Danton et Watteau, j’ai arraché quelques feuilles.

Oh, si seulement je pouvais parvenir, chevauchant l’une des gargouilles de Notre-Dame comme s’il s’agissait d’un cheval, à tracer un chemin à travers cieux à la force de mes bras et mes jambes.

Te voilà, Paris. Tu es mon second Vitebsk.

Marc Chagall


 

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A propos des juifs dans le Coran : Réponse à Meir Bar Asher, par Bat Ye’or

April 12 2019, 14:07pm

Posted by Bat Ye'or

 

Le texte qu’on lira ci-dessous m’a été adressé par Bat Ye’or, suite à ma recension du livre de Meir Bar Asher, Les juifs dans le Coran. Malgré son sujet pointu, il ne s’agit pas d’une querelle d’érudits. En réalité, Bat Ye’or répond ici à une accusation d’islamophobie qui est devenue un enjeu intellectuel et politique de premier plan dans l’Europe et le monde actuels. Ce faisant, elle donne aussi un aperçu passionnant de sa conception de l’histoire et de la “vérité historique”, et de l’actualité de ses travaux sur la dhimmitude. On mesure en la lisant ce qui sépare une intellectuelle libre et engagée, ayant introduit dans le lexique politique contemporain des concepts nouveaux et indispensables à la compréhension de notre monde (dhimmi, Eurabia) et un universitaire enfermé dans sa tour d’ivoire, qui doit nécessairement se soucier de ce qu’on peut et qu’on ne peut pas dire, dans le monde bien étriqué de l’université actuelle.

P. Lurçat

 

Bat Ye’or - (Photo P.Lurçat)

Il est stupéfiant de trouver parfois chez des érudits distingués des généralités dépourvues de sens. Il en est ainsi du livre de Meir M. Bar Asher, Les juifs dans le Coran, par ailleurs fort instructif.  Reprenant une citation de Bernard Lewis, éclairé selon ses thuriféraires, d’une infaillibilité de jugement plus avérée que celle du pape, l’auteur utilise l’image d’un guerrier musulman le sabre dans une main, le Coran dans l’autre, pour dénoncer avant l’heure, les islamophobes. D’un trait de plume, Bar Asher me situe dans cette catégorie. Tout d’abord cette image d’un guerrier musulman qui serait l’emblème du jugement primaire des islamophobes n’est pas de conception antimusulmane. Bien au contraire. Elle provient de cette littérature jihadiste du moyen-âge visant à stimuler les musulmans à s’enrôler dans la guerre sainte contre les mécréants. L’attribuer à une quelconque « islamophobie » juive ou chrétienne qui viendrait salir indûment la belle tapisserie de la tolérance islamique, est pire qu’une négligence, elle est incorrecte.

 

 

Le Sabre et le Coran : logo des Frères musulmans

 

Le deuxième point concerne le concept de vérité dont parle Lewis dans la citation concernée. Il n’y a pas de vérité dans la recherche historique. Il y a les faits et les conjectures susceptibles d’être toujours corrigées. Sur quels arguments se fondent Bar Asher pour décrédibiliser mon travail ? Sur lequel de mes livre ? sur l’interprétation de quels hadiths, de quelle loi, de quel événement historique dont je serais coupable ? La note qu’il m’attribue se réfère à mon livre Le Dhimmi, publié en 1980, mais la référence dans la Bibliographie cite l’édition de 2017. Or les deux ne sont pas pareilles. Laquelle Bar Asher a-t-il lue ?

Mais voyons cela de plus près. N’a-t-il pas lu que j’écrivais en 1980 que le statut des dhimmis avait évolué « selon les situations et les périodes », phrase appelée à un grand avenir car elle est toujours répétée et qu’il écrit aussi ? Tous deux nous attribuons, mais à plus de trente ans de différence, le statut du dhimmi à la littérature juridique post-coranique (BY p.18-19), nous mentionnons l’érudition des juifs d’Arabie de la période de Mahomet constatée par leurs contemporains arabes, l’absence de documents prouvant leur culpabilité dans divers événements les concernant, les sources chrétiennes de certaines lois de la dhimma, auxquelles je consacre tout un chapitre dans mon livre Juifs et Chrétiens sous l’Islam (1994). Les événements se rapportant à la vie de Mahomet, à ses combats contre les tribus païennes et contre les juifs, sont tirés des mêmes sources et ne diffèrent en rien. Donc sur ce plan je ne suis pas parmi les haineux, à moins d’y classer aussi Bar Asher.

Mon chapitre III (Ier partie) sur la protection étrangère n’exprime rien de particulièrement choquant puisque le Professeur Goitein m’en avait félicité, je l’avais d’ailleurs largement développé dans le Dhimmi anglais pour lequel il voulait faire une recension. De plus il n’y a aucune contradiction entre ce que j’écris sur ce sujet en 1980 et ce que Lewis publie lui-même en 1984, un livre très admiré par Bar Asher.    

Dans mon chapitre V nous abordons le même domaine de recherche déjà abondamment commenté par des islamologues chevronnés. Nous affirmons que la dhimma fut une élaboration post-coranique exigée par l’administration d’un immense empire créé par des guerres de conquêtes rassemblant une multitude de peuples indigènes non-musulmans et non-arabes. J’écris aussi que le sort des juifs d’Arabie devint le prototype du statut légal des peuples non-musulmans des empires islamiques comme l’attestent, souvent en préambule, de très nombreux textes juridiques musulmans. Et là aussi nous exprimons les mêmes opinions évidentes. Le contenu de ce chapitre se référant aux sources coraniques de la dhimma, à ses emprunts aux coutumes juridiques des peuples asservis, à sa datation et sa systématisation ne diffèrent en rien de ce que j’ai écrit en 1980 et beaucoup plus détaillé en 1994.

Le dhimmi, édition de 1980

 

Bar Asher me reproche de n’avoir pas étudié chaque lieu et chaque époque. Peut-être n’a-t-il pas lu mon introduction où je décris ma démarche : « Il appartient aux historiens de déterminer les variations de cette condition (dhimmie) selon les époques et les régions. Pour notre part, nous avons seulement indiqué ses différentes facettes : politiques, religieuses, sociales. Au cours de ce travail, le caractère typologique de la condition dhimmi, tant dans sa structure légale que dans son contexte humain, nous a paru dépasser le cadre de l’histoire…(p. 11) »  Autrement dit Bar Asher me reproche de négliger un sujet dont j’annonce en préambule qu’il n’est pas le mien. Il n’est pas le premier à le faire. Il m’accuse aussi d’adopter un stéréotype n’envisageant que la mort ou la conversion pour le non-musulman, l’image du guerrier tenant le sabre et le Coran. Mais tous mes livres examinent le troisième choix donné aux vaincus non-païens du jihad, celui de la dhimmitude. Il y a là une contradiction logique aberrante. C’est même le titre de mon livre : Le Dhimmi, celui qui a choisi une autre voie que la mort ou la conversion.

 

Par ailleurs et dès le début, j’annonce que je n’étudie pas la condition juive exclusivement et je précise : « En effet, l’étude d’une seule minorité, qui serait extraite arbitrairement d’un ensemble, pourrait en déformer le panorama, et cela particulièrement dans l’empire arabo-islamique, constitué d’une mosaïque d’ethnies diverses. » (p.13). J’ai toujours écrit sur le dhimmi – d’où le titre de mon livre – et sur la dhimmitude, c’est-à-dire une condition juridique commune aux juifs et aux chrétiens et un destin collectif juif et chrétien. Cela m’a valu nombres d’anathèmes. Les livres de Bernard Lewis et de Bar Asher sur les juifs ou de Mark Cohen ne traitent pas du même sujet que moi. Nous n’avons pas non plus les mêmes définitions. Ils parlent de groupes religieux minoritaires, j’examine des ethnies majoritaires devenues dans leur propre pays minoritaires par le processus de la dhimmitude et l’application de la charia. Mes contempteurs ne comprennent même pas mon domaine d’études puisqu’ils le récusent tout simplement et démolissent mes ouvrages par une critique inappropriée car nous ne parlons pas des mêmes choses. Ils refusent comme la peste le mot dhimmitude dont ils nient la matière historique alors qu’elle constitue l’essentiel de ma recherche. Elle est précisément cette troisième voie qu’ils appellent tolérance choisie par les vaincus du jihad, pour échapper à la mort, l’esclavage ou l’islamisation.

 

C’est pourquoi Bar Asher déclare que la dhimma a été abolie et n’existe plus, alors que je dirai que la mondialisation du jihad génère les effets de la dhimmitude sur la planète. Car le jihad s’active pour imposer la dhimmitude. La dhimma dont parle Bar Asher sont des recueils de lois inscrites dans des livres. On peut s’arrêter à cette lecture. La dhimmitude c’est un système politico-social de survie induit par ces lois. Aussi, poussant plus loin la réflexion, on constate que ces lois supposées annulées génèrent aujourd’hui la politique de réislamisation nationale d’Erdogan, ses relations avec le résidu chrétien arménien ou grec (statut des propriétés des patriarcats, culte, liberté d’opinion), sa volonté de reconquête des Balkans, son déni des droits d’Israël, ex-province ottomane où la présence juive, surtout à Jérusalem, fut soumise à des restrictions extrêmement sévères. Les effets de la dhimma sont évidents même en Egypte malgré l’esprit d’ouverture et de progrès du général Sissi.  

En Europe la loi du blasphème contre les mécréants impose aux Etats occidentaux des mesures draconiennes et une auto-censure généralisée de leurs populations.  L’obligation pour les juifs de subir le joug de la dhimmitude est à l’origine du déni de son histoire et de la campagne de diffamation planétaire visant à supprimer la souveraineté de l’Etat hébreu et à effacer les noms originaux de ses territoires. Les discriminations religieuses et professionnelles qui frappent les chrétiens dans le monde musulman visent, par les destructions et la terreur, à leur imposer les lois de la dhimmitude qu’ils enfreignent. Les terribles épreuves infligées à Assia Bibi, à sa famille et à sa communauté résultent de ces lois, du préjugé d’impureté qui lui est attribué et du refus d’accepter son témoignage parce que chrétienne. Je reconnais volontiers que depuis longtemps des forces de changement œuvrent dans le monde musulman afin qu’émergent une société islamique moderne, libérée des entraves de la charia. Nous ne pourrons les aider qu’en dénonçant ces formes de dhimmitude modernes présentes dans la mondialisation.

Bat Ye’or

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Le nouveau Premier ministre d’Israël s’appelle… Binyamin Nétanyahou par Pierre Lurçat

April 10 2019, 11:50am

Posted by Pierre Lurcat

 

Le 9 avril 2019, Daleth bé-Nissan 5778, restera un jour marqué d’une pierre blanche pour le peuple d’Israël. La démocratie israélienne s’y est en effet montrée sous son meilleur jour. Au terme de longues semaines d’une campagne électorale virulente, marquée par des échanges d’insultes, des arguments démagogiques, une désinformation sans précédent et des calomnies quotidiennes, le peuple s’est prononcé. Son verdict est sans appel : il a redonné mandat à Binyamin Nétanyahou pour présider au destin d’Israël. Rappelez-vous bien cette date: elle marque sans doute le début d’une nouvelle ère pour Israël.

 

 

Rappelez-vous bien cette date, car les médias - en France et ailleurs - vont dès demain reprendre leur litanie anti-israélienne, en prétendant que Nétanyahou n’est pas l’élu du peuple et le représentant de la seule démocratie du Moyen-Orient, mais qu’il est un “populiste nationaliste” représentant “l’extrême-droite nationaliste et religieuse”, pour citer un ancien ministre des Affaires étrangères français. L’intervention grossière du président Emmanuel Macron dans la campagne électorale israélienne n’aura été que la partie visible de l’iceberg de la diplomatie française qui s’efforce depuis des lustres, par des moyens visibles ou cachés, d’affaiblir l’Etat juif, au nom d’une politique hostile traditionnelle remontant aux années 1930, que le regretté Michel Darmon qualifiait avec raison de “croisade”, aux relents prononcés d’antisémitisme (1).

 

Rappelez-vous bien cette date, car en Israël même, les médias et les vieilles élites de la gauche vont très vite entamer à nouveau le refrain qu’elles ne cessent de déclamer depuis des mois et des années : “Nétanyahou n’est pas capable de gouverner Israël. Il doit être jugé et condamné”. Après avoir perdu tout espoir de faire tomber Nétanyahou par la voie démocratique, ils vont reprendre leurs manigances pour priver le peuple israélien du résultat de son vote. La Cour suprême - qui est devenue depuis trois décennies le premier pouvoir en Israël - les médias majoritairement acquis à l’opposition, les “élites” des mondes des arts, de la culture et de l’université qui n’ont jamais accepté le “Ma’apa’h” - l’arrivée au pouvoir de la droite en 1977 et surtout celle du successeur de Menahem Begin et d’Itshak Shamir, Binyamin Nétanyahou - vont reprendre leur travail de sape.

 

Mais rien de tout cela ne pourra changer cette réalité simple et dérangeante, que ses ennemis à l’extérieur, et ses adversaires à l’intérieur ont beaucoup de mal à accepter: Nétanyahou est le Premier ministre d’Israël! Il est, comme je l’écrivais il y a quelques semaines, le seul candidat qui peut aujourd’hui diriger Israël. Et ses accomplissements politiques et diplomatiques en font un des meilleurs Premiers ministres qu’a connus Israël depuis 1948. Il est le digne fils du professeur Bentsion Nétanyahou (2).


 

Bentsion Netanyahou et son fils, lors d’une cérémonie en souvenir de Yoni

 

Comme l’écrit avec clairvoyance Caroline Glick, il existe un écart considérable entre l’image de Nétanyahou véhiculée par les médias israéliens et sa personnalité véritable. C’est en effet Binyamin Nétanyahou qui a “transformé Israël en puissance économique et militaire” et a utilisé cette puissance économique pour “asseoir une nouvelle stratégie diplomatique”. Nétanyahou, conclut Glick (4), est le “dirigeant le plus important qu’a connu Israël depuis Ben Gourion” et aussi le plus sous-estimé. Je partage sans réserve le jugement de Caroline Glick, candidate sur la liste de la Nouvelle Droite israélienne, dont on ne sait pas à l’heure où j’écris ces lignes si elle entrera à la Knesset.

 

Mais j’ajouterai à ces mots une chose - cruciale à mes yeux. Si Nétanyahou a montré sa dimension de dirigeant et d’homme politique sur le plan de la diplomatie et de la politique étrangère, tissant des relations d’égal à égal avec les chefs des plus grandes puissances et hissant de fait Israël au rang qui lui revient de puissance sur la scène des nations, il lui reste à accomplir la même chose sur le plan intérieur.

 

Nétanyahou deviendra un des grands dirigeants de l’Etat d’Israël moderne, s’il parvient à résoudre un des problèmes les plus brûlants de la société israélienne, que les grands partis politiques ont largement négligé depuis longtemps : celui de la situation économique et sociale. L’Etat d’Israël, au cours de ses 70 années d'existence, est en effet passé presque sans transition d'un régime économique socialiste à un régime ultra-libéral ou, pour reprendre les termes de Jabotinsky, de « l'esclavage socialiste » au « capitalisme sauvage ». Il reste aujourd'hui à accomplir le programme de Jabotinsky, en édifiant une société plus égalitaire, réalisant ainsi l'idéal de justice sociale de la Bible hébraïque. (3)

 

Rappelez-vous bien la date du 9 avril 2019. Nétanyahou a été réélu pour la cinquième fois à la tête d’Israël. Le petit-fils du rav Nathan Milikovsky, qui adopta le nom de plume de “Nétanyahou” - qui signifie “Dieu nous a donné”, est d’ores et déjà entré dans l’histoire d’Israël.

Pierre Lurçat

NB j'ai commenté les résultats des élections ce matin sur Studio Qualita

https://www.youtube.com/watch?v=KfBnI6rOiVA

Nétanyahou et sa femme Sarah, montrant le sceau biblique qui porte son nom

 

(1) Voir sur ce sujet le livre indispensable de David Pryce-Jones, Un siècle de trahison, La diplomatie française et les Juifs, 1894-2007, Denoël 2007.

(2) Je consacre un chapitre de mon dernier livre à la figure marquante de Bentsion Nétanyahou.

(3) Je renvoie sur ce sujet à mon livre Israël, le rêve inachevé. Editions de Paris 2018.

 

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Pour comprendre Benjamin Nétanyahou : sans fard ni caricature : Quelques liens sur la famille sioniste révisionniste, de Jabotinsky à Nétanyahou, Pierre Lurçat

April 8 2019, 14:06pm

J’ai répondu il y a quelques semaines au livre-brûlot de l’arabisant Jean-Pierre Filiu contre Nétanyahou et contre Israël, qui dresse un portrait caricatural du Premier ministre de l’Etat d’Israël. Entre-temps,  l’actualité nous a rappelé que le “Bibi-bashing” (dénigrement de Bibi) n’était pas l’apanage des ennemis d’Israël. La campagne électorale israélienne, qui touche à sa fin, a débordé hors des frontières de notre pays, y compris dans la communauté juive de France.

 

J’ai été un peu (mais pas trop) surpris de constater que le site Akadem, le “campus numérique juif”, venait ainsi de mettre en ligne une “conférence” (qui est en réalité une courte interview) de l’écrivain israélien A.B. Yehoshua, sous le titre racoleur “Nétanyahou, le Berlusconi israélien”. Que M. Yehoshua n’aime pas Nétanyahou (avec lequel il affirme ne pas vouloir “se trouver dans la même pièce”), c’est son droit le plus strict. Mais pourquoi le Fonds Social Juif unifié et son site Akadem ont-ils trouvé opportun de mettre en ligne ces propos à quelques semaines des élections?


 

Nétanyahou : le “Berlusconi israélien” ou le “refondateur du sionisme”?


 

J’ai proposé au nouveau dirigeant du FSJU, Richard Odier, de mettre en ligne une interview sur le même sujet, dans laquelle j’apporterai un autre son de cloche. En attendant de savoir si ma demande sera entendue, je propose ci-dessous quelques liens concernant Nétanyahou, son père et sa famille politique, et le père fondateur du sionisme de droite, Zeev Jabotinsky. Mon intention n’étant pas d’appeler à voter pour Nétanyahou, mais simplement, comme je l’ai fait récemment dans une série de conférences organisée à l’oulpan Névé Tsedek de Tel-Aviv, de donner aux électeurs - et aux juifs francophones en général, un autre point de vue sur la politique israélienne que celui - biaisé et caricatural - des grands médias, en France et ailleurs.

Pierre Lurçat

 

1) Sur Jabotinsky, le fondateur du sionisme de droite

 

L’excellente émission “Histoires” que Valérie Perez a consacrée à Jabotinsky

https://video.i24news.tv/details/_5857975342001

 

Ma conférence “Qui est Vladimir Jabotinsky?” donnée au centre Émouna à Jérusalem

https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=-jvmZjiSD88

 

“Jabotinsky, pionnier de l’antiracisme en Amérique”

http://vudejerusalem.over-blog.com/2019/01/jabotinsky-pionnier-de-l-antiracisme-en-amerique-pierre-lurcat.html

 

http://vudejerusalem.20minutes-blogs.fr/archive/2012/05/11/reflexions-sur-l-idee-du-yovel-dans-la-pensee-sociale-de-zee.html


 

Le compte-rendu de l’autobiographie de Jabotinsky traduite en français sur le site du CRIF

http://www.crif.org/fr/alireavoiraecouter/Vladimir-Zeev-Jabotinsky-Histoire-de-ma-vie-Editions-les-Provinciales-traduit-de-l-hebreu-par-Pierre-I-Lur

 

 

2) Sur la famille Nétanyahou et sur le professeur Bentsion Nétanyahou

 

“Bentsion Nétanyahou et le combat politique pour la création de l’État juif”

http://vudejerusalem.20minutes-blogs.fr/archive/2013/04/18/bentsion-netanyahou-et-le-combat-politique-pour-la-creation1.html#more

 

“Une lettre de Jabotinsky au rav Milikovski, grand-père de Nétanyahou”

http://www.terredisrael.com/infos/une-lettre-de-jabotinsky-au-rav-milikovski-grand-pere-de-netanyahou-par-pierre-itshak-lurcat/

 

Bentsion Netanyahou et son fils, lors d’une cérémonie en souvenir de Yoni

 

3) Sur Benjamin Nétanyahou et la politique israélienne

 

“Qui est véritablement Benjamin Nétanyahou?” - Recension du livre d’Anshel Pfeffer,

http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/11/qui-est-veritablement-binyamin-netanyahou-par-pierre-lurcat-bibi-la-vie-et-l-epoque-turbulente-de-benjamin-netanyahou.html

 

“Nétanyahou et l’Iran : le secret d’un combat pour la survie d’Israël”

http://frblogs.timesofisrael.com/netanyahou-et-liran-le-secret-dun-combat-pour-la-survie-disrael/

“Droit, morale et politique : Trois réflexions sur Binyamin Nétanyahou et l’avenir d’Israël”

http://vudejerusalem.over-blog.com/2019/03/droit-morale-et-politique-trois-reflexions-sur-binyamin-netanyahou-et-l-avenir-d-israel-pierre-lurcat.html

 

Je renvoie également aux livres suivants

 

Bensoussan, Georges. Une histoire intellectuelle et politique du sionisme, Fayard

 

Eytan, Freddy. Bibi, le réveil du faucon : Portrait biographique de Benjamin Netanyahou, Editions Alphée 2011.

 

Jabotinsky, Histoire de ma vie, Les provinciales

 

Nétanyahou, Yoni. Les lettres de Yoni Netanyahu: Le commandant de l'Opération Entebbe

et à mon dernier livre :

Lurçat, Pierre. Israël, le rêve inachevé. Editions de Paris 2018.


 


 

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La ”Nouvelle droite” : un espoir pour la politique israélienne? Pierre Lurçat

April 5 2019, 14:54pm

Posted by Pierre Lurçat

 

L’hébreu moderne comporte deux mots différents signifiant politique. Le premier, “politika”, est un emprunt au grec. Le second, “médiniout”, est le terme hébraïque dérivé du mot ”médina” qui signifie l’Etat. S’ils semblent à première vue interchangeables, il apparaît néanmoins que le premier est le plus couramment employé pour désigner la politique de tous les jours, ou “politique politicienne”, tandis que le second est réservé au signifiant plus noble, celui que le français désigne par “grande politique” - à savoir, la politique au sens de projet stratégique, et non de simple gestion courante.

 

La différence entre ces deux sens est encore plus flagrante en hébreu lorsqu’on parle de l’homme politique. Le “politikaï” - c’est le politicien, celui qui s’occupe de choses politiques comme d’autres s’occupent de leur portefeuille d’actions ou de leur voiture : toutes choses honorables par ailleurs, mais qui ont peu à voir avec la grande politique. Le “medinaï”, lui, est un homme politique au sens plein et entier du terme. Il ne vit pas de la politique, mais pour la politique, c’est-à-dire pour appliquer un projet et des idées, bonnes ou mauvaises, mais jamais dans le seul but de perdurer et de garder le pouvoir à tout prix.

 

On comprendra aisément que les médias israéliens emploient à tour de bras le mot “politikaï”, tandis que celui de “médinaï” semble avoir disparu du lexique politique depuis de nombreuses années. Cela n’est guère étonnant, depuis que la politique a été largement dépréciée par les politiciens eux-mêmes, surtout depuis les accords d’Oslo (votés à une voix près, celle d’un politicien acheté au prix d’une Mitsubishi). Des politiciens comme Ehoud Olmert, Ehoud Barak, Tsipi Livni ou Yaïr Lapid ont largement contribué au discrédit actuel de la classe politique en Israël.


 

Tsippi Livni et Ehoud Olmert : le discrédit de la politique

 

Et Benjamin Nétanyahou? Comme je l’écrivais il y a quelques semaines, celui-ci demeure à de nombreux égards une énigme (1). Le 14e Premier ministre israélien, qui est en passe de ravir à David Ben Gourion le record de longévité à ce poste, est tantôt décrit comme un modèle de pragmatisme – voire d’opportunisme politique – tantôt comme un idéologue de droite. Malgré ses qualités d’homme d’Etat et ses succès indéniables, notamment dans les domaines de l’économie et de la politique étrangère, Nétanyahou n’a pas entièrement réussi à s’imposer comme l’inspirateur d’une véritable politique, au sens le plus noble du terme.

 

Dans ce contexte, Naftali Bennett et Ayelet Shaked incarnent une nouvelle génération, et surtout un nouveau modèle d’homme (et de femme) politiques. Tout d’abord en raison de leur parcours individuel. Tous deux ont été pendant longtemps des alliés fidèles de Benjamin Nétanyahou (Ayelet Shaked a dirigé son cabinet, alors qu’il était le chef de l’opposition entre 2006 et 2008, et c’est elle qui a recruté Naftali Bennett pour diriger l’état-major de campagne de Nétanyahou). Ils ont tous eux créé le mouvement politique “Les Israéliens” en 2012, aux côtés du rabbin Avihaï Rontski (ancien aumônier militaire de Tsahal, récemment décédé), avant de rejoindre le parti du Bayit Hayehudi (“Foyer juif”) dont Naftali Bennett a pris la tête en 2016.


 

Ayelet Shaked et Naftali Bennett

lors de leur conférence de presse samedi soir


 

L’annonce dramatique faite par Shaked et Bennett samedi soir, de leur départ du Bayit Hayehudi et de la création d’un nouveau parti, Hayamin hahadah (“la Nouvelle droite”) est conforme à leur idéologie et à leur itinéraire politique jusqu’alors. Contrairement à de nombreux politiciens, dont les exemples les plus frappants sont Ariel Sharon (fondateur de l’éphémère parti Kadima) ou Tsippi Livni, actuelle dirigeante de l’opposition après avoir quitté le Likoud pour rejoindre Kadima, puis un très éphémère parti au nom aussi vide que son contenu, Hatenua (“le mouvement”), Shaked et Bennett n’ont jamais pratiqué l’opportunisme politique ni fait défection pour des raisons purement électoralistes ou carriéristes. Tout leur engagement atteste d’une fidélité à des principes fondateurs, qu’ils ont défendu avec constance et acharnement depuis le début de leur engagement politique. (2)

 

Avishai Rontski z.l.

 

Ce n’est pas un hasard s’ils ont choisi, samedi soir, lors de leur annonce dramatique, d’évoquer le nom du rabbin Avishaï Rontski, aux côtés duquel ils avaient fondé le mouvement “les Israéliens” au début de leur parcours politique. Rontski est en effet celui qui a le plus oeuvré pour faire de Tsahal une armée juive au plein sens du terme, grâce au département “Une conscience juive pour une armée victorieuse” qu’il avait créé (3). C’est dans le même esprit d’ouverture et de fidélité à la tradition qu’Ayelet Shaked et Bennett ont eux aussi voulu imprimer leur marque sur la politique israélienne.

 

Le travail accompli par Ayelet Shaked au ministère de la Justice (et, dans une moindre mesure, celui de Bennett en tant que ministre de l’Education) attestent qu’ils sont tous les deux des hommes politiques de conviction, et non des politiciens à idéologie variable (comme les exemples cités plus haut). Le combat mené par Shaked contre l’establishment judiciaire et contre l’activisme judiciaire de la Cour suprême, qui s’est érigée depuis deux décennies en “pouvoir suprême”, au mépris de la loi et de la démocratie (4), est sans doute une des réalisations les plus importantes du dernier gouvernement de Benjamin Nétanyahou. L’avenir dira si la Nouvelle droite parviendra à incarner véritablement l’espoir d’une politique véritablement de droite et authentiquement juive, pour le bien de l’Etat d’Israël.

 

Pierre Lurçat

 

(1) “Qui est véritablement Benjamin Nétanyahou”? http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/11/qui-est-veritablement-binyamin-netanyahou-par-pierre-lurcat-bibi-la-vie-et-l-epoque-turbulente-de-benjamin-netanyahou.html

(2) Voir à ce sujet la plateforme du mouvement “Les Israéliens” créé en 2012, qui est pour l’essentiel identique aux idées qu’ils défendent jusqu’à aujourd’hui.

(3) Je renvoie à mes nombreux articles sur ce sujet crucial, et notamment ici : “Comment la gauche israélienne est devenue une minorité tyrannique”.

(4) J’évoque la figure et l’action du rabbin Rontski dans mon livre La trahison des clercs, La Maison d’édition 2016.

 

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Mon dernier livre, Israël, le rêve inachevé, vient de paraître aux éditions de Paris/Max Chaleil.

“Un travail intéressant. Une réflexion nécessaire et utile”.

Jean-Pierre Allali, Crif.org

 

“L’auteur, amoureux d’Israël et vivant à Jérusalem, nous permet de mieux connaître la société israélienne dans toute sa diversité et de comprendre un peu plus ce qu’elle traverse et vit, afin que son rêve inachevé continue envers et contre tout”.

Alain Sebban

 

“Ce livre est un « must-read » pour tous ceux qui s’intéressent aux géants de l’Histoire juive contemporaine, à leur biographie, leurs sacrifices, leurs œuvres, leurs dilemmes, leurs accomplissements”.

Thérèse Zrehen-Dvir

 

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