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La Knesset aborde le dossier brûlant des actes de harcèlement sexuel commis dans les villes à population mixte juive et arabe

November 20 2017, 18:23pm

Posted by Pierre Lurçat

La Knesset aborde le dossier brûlant des actes de harcèlement sexuel commis dans les villes à population mixte juive et arabe

 

C’est un débat particulièrement important et tendu qui s’est déroulé cet après-midi (20.11.2017) à la Knesset (parlement israélien). La “Commission pour l’égalité sociale et la justice distributive”, dirigée par le député Miki Zohar (Likoud), avait convoqué une séance consacrée au “harcèlement sexuel dans les zones de la périphérie”. Derrière cet intitulé relativement anodin, le sujet qui a été abordé était en réalité celui des actes de harcèlement et agressions sexuelles commis par des hommes arabes à l’encontre de femmes et jeunes filles juives.

 

La députée Youlia Melinovski (Israel Beitenou) a ouvert le débat en rappelant que les agressions sexuelles avaient un rapport avec la culture de l’islam. Elle a dénoncé l’attitude de ceux qui refusent d’aborder ce phénomène, au nom du politiquement correct et de la crainte de désigner par leur nom les agresseurs. Le député Miki Zohar a lui aussi dénoncé l’existence, au sein de la société arabe en Israël, de la notion selon laquelle “il est permis de harceler sexuellement une femme juive, et interdit de faire la même chose à l’encontre d’une femme arabe”.

 

Devant les protestations d’une partie des membres de l’auditoire (dont certains représentaient des ONG financées par le New Israel Fund), il a répété cette affirmation et l’a explicitée : “Si un homme arabe harcèle une femme arabe, il risque d’être tué au nom de l’honneur familial par le frère de la victime… Mais s’il agresse une femme juive, on ne lui fera rien!” Face aux remarques incrédules du représentant d’une association juive réformiste, Miki Zohar a rétorqué “qu’aucun citoyen israélien, quelles que soient ses opinions politiques, habitant dans une ville de la périphérie où cohabitent des populations juive et arabe, ne contestera ce phénomène qui est vécu quotidiennement”. Il a insisté sur le fait que le débat se tenait dans l’intérêt de toutes les populations en Israël, juive et arabe.

 

Sarah Nisani : “les agressions sexuelles sont une forme d’attentats”

 


 

Miki Zohar a ensuite donné la parole à Sarah Nisani, qui a témoigné en tant que victime de harcèlement sexuel. “Pendant les périodes les plus noires de l’histoire juive, les ennemis du peuple Juif ont utilisé les viols et agressions sexuelles comme une arme contre nous. Depuis l’époque d’Antiochus et jusqu’à la période des pogroms et à l’Allemagne nazie…” Sarah Nisani parle avec passion mais elle garde son calme. Ce n’est pas la première fois qu’elle témoigne devant une commission de la Knesset sur le sujet brûlant des agressions sexuelles. Sujet douloureux pour elle, qui a subi plusieurs agressions et qui connaît de nombreuses jeunes femmes et jeunes filles victimes de harcèlement, et aussi de viols.

 

Répondant à la question de savoir “que fait la police?” face à ces agressions quotidiennes, Miki Zohar a expliqué que la police était totalement débordée par ce phénomène qui a atteint les proportions d’une “calamité nationale”. Le député Yehuda Glick (Likoud) a rapporté recevoir de nombreuses plaintes d’étudiantes juives de l’université hébraïque de Jérusalem qui n’osent pas sortir le soir de leurs dortoirs par crainte d’agressions. Il a insisté sur le fait que l’objet du débat était d’aider la société arabe à aborder et à endiguer ce phénomène.

 

Un intervenant a affirmé qu’il fallait aussi aborder le phénomène des agressions commises au sein de la société juive religieuse ou dans la société israélienne générale, ce qui lui a valu la réponse cinglante du président de la commission. “Si vous lisez les journaux, vous savez bien que le phénomène des agressions sexuelles est abordé jour après jour. Il est temps aujourd’hui de parler aussi des agressions commises par des hommes arabes contre des femmes juives”. Miki Zohar a également révélé que la police israélienne avait refusé de transmettre des données chiffrées sur le nombre d’agressions sexuelles commises par les “membres des minorités” (euphémisme désignant les Arabes israéliens) à l’encontre de femmes juives.

 

Le député druze Akram Hassoun (Koulanou) a livré un témoignage poignant sur les plaintes de femmes arabes victimes d’agressions, qui étaient souvent classées sans suite du fait de la difficulté d’établir les faits et de la “conspiration du silence” encore plus prégnante dans la société arabe. Le président de la commission a conclu le débat en soulignant qu’il s’agissait d’un sujet crucial, tant pour la société arabe en Israël que pour la société israélienne dans son ensemble.

 

P. Lurçat

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Ehoud Barak ou le syndrome de la capitulation

November 16 2017, 15:44pm

Posted by Pierre Lurçat

Ehoud Barak ou le syndrome de la capitulation

Alors que les nuages s’amoncellent à la frontière entre Israël et la Syrie - devenu le terrain d’opérations militaires privilégié de l’Iran - les médias israéliens annoncent avec fracas le retour en politique d’Ehoud Barak. La nouvelle aurait de quoi faire sourire, si la situation n’était pas aussi grave. L’ancien Premier ministre et ministre de la Défense, aujourd’hui âgé de 75 ans, est en effet largement responsable de la situation géopolitique actuelle très préoccupante et de la présence de l’Iran à la frontière Nord-Est d’Israël.

 

Arrivé au pouvoir en 1999, alors que l’euphorie d’Oslo s’était déjà dissipée dans le sang et les larmes des vagues d’attentats successives, perpétrées par les hommes de l’inventeur du terrorisme international (et Prix Nobel de la Paix) Yasser Arafat, Barak a introduit dans le vocabulaire politique et militaire  israélien un nouveau concept : celui de “retrait unilatéral”.

 

Barak, Clinton et Arafat (1999)


 

L’ancien membre d’une unité d’élite, soldat “le plus décoré de l’histoire de l’armée israélienne”, a en effet été l’instigateur du retrait désastreux de Tsahal de la bande de sécurité, au Sud-Liban, qui garantissait la tranquillité des habitants du Nord d’Israël. Ce retrait a été effectué de manière totalement unilatérale, sans la moindre exigence de la part des ennemis d’Israël, ni la moindre coordination avec nos alliés au Liban. Le concept de “retrait unilatéral”, expression qui ne signifie rien d’autre en vérité “qu’après moi le déluge”, a marqué une nouvelle étape dans la perte des valeurs qui ont jadis fait la force de Tsahal.

 

Pendant la Deuxième Guerre du Liban, Israël a payé chèrement le vide créé au Sud-Liban par le retrait de Tsahal et le démantèlement de l’Armée du Liban-Sud alliée d’Israël, lâchement abandonnée à son sort en mai 2000. Le déluge de missiles qui se sont alors abattus sur tout le nord du pays, jusqu’à la baie de Haïfa, est la conséquence directe du retrait ordonné par Ehoud Barak.

 

Au nom de la conception fallacieuse qui voudrait que “les territoires n’aient plus d’importance” à l’ère de la guerre post-moderne, Barak a ainsi permis au régime des Ayatollahs d’installer à quelques mètres de la frontière israélienne le Hezbollah, son bras armé et de mener contre Israël une véritable guerre par le biais de la milice qu’il arme et finance. Preuve supplémentaire, si besoin était, qu’il ne suffit pas d’être un bon soldat pour être un bon Premier ministre, et que les meilleurs soldats font parfois de piètres dirigeants politiques...


 

Le “soldat le plus décoré de l’histoire de Tsahal”

 

Si certains pensent que l’ancien Premier ministre a tiré les leçons de ses erreurs passées, il suffit de l’écouter aujourd’hui pour comprendre qu’il n’en est rien. Non seulement Barak n’a jamais exprimé le moindre regret pour sa politique désastreuse, mais il réserve toutes ses attaques et ses flèches trempées dans le fiel à Binyamin Nétanyahou, qui s’efforce depuis des années d’alerter le monde contre le danger iranien. Dans ces circonstances, il faut souhaiter que les électeurs israéliens n’auront pas, une fois n’est pas coutume, la mémoire courte et qu’ils sauront renvoyer Barak à ses affaires privées.

 

Pierre Lurçat

 

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Tsahal, armée la plus morale du monde ? par Pierre Lurçat

November 15 2017, 18:50pm

Posted by Pierre Lurçat

Tsahal, armée la plus morale du monde ? par Pierre Lurçat

Je remets en ligne cet article à l'occasion des propos tenus par un responsable haut-placé de Tsahal, contre la notion "d'armée la plus morale du monde". P.L

 

Sans être un fervent lecteur du journal Ha'aretz – pain quotidien des élites israéliennes postsionistes – je dois reconnaître que le commentateur militaire Amos Harel a raison lorsqu'il écrit, au sujet de la réponse d'Israël aux accusations calomnieuses du rapport Goldstone, que "l'affirmation répétée comme un mantra selon laquelle Tsahal serait l'armée la plus morale du monde" est problématique. Non pas certes, comme le pense sans doute Harel, qu'elle soit fausse... Au contraire ! Où a-t-on vu dans le monde une armée qui envoie des SMS aux habitants des immeubles qu'elle s'apprête à bombarder ? Si cette invention israélienne avait pu être utilisée à Londres, à Dresde ou à Hiroshima, elle aurait épargné la vie de millions d'être humains pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

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Cette affirmation est problématique précisément parce qu'elle est vraie. Elle pose un problème important, sans doute crucial, qui est celui de la morale et de la guerre. Nous autres Juifs, avons une fâcheuse tendance à nous complaire dans la posture de la victime, cédant ainsi à une tendance inhérente à la tradition juive (ou judéo-chrétienne). Nous avons certes le droit de nous flatter d'avoir une armée composée de soldats au visage humain, et non de soudards, qui est aussi efficace – sinon plus – pour sauver des vies humaines au Népal que pour lutter contre le Hamas à Gaza. Mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue que le but premier de Tsahal, comme de toute armée au monde, est de défendre et de protéger nos citoyens et notre Etat, et pas de gagner d'improbables concours de moralité…

 

Cette problématique n'est pas nouvelle, loin s'en faut. Dans un article éclairant paru après la Deuxième Guerre du Liban dans la défunte revue Forum Israël, Eliezer Shargorodski avait montré comment les penseurs et dirigeants sionistes avaient depuis longtemps été écartelés entre deux conceptions de la morale. La première, d'inspiration judéo-chrétienne, abhorrait le recours à la force qu'elle considérait comme un danger mortel pour les "valeurs juives". Cette conception, autrefois très minoritaire, était défendue par des intellectuels juifs allemands renommés, comme Martin Buber et Hermann Cohen. Elle s'incarna dans un courant sioniste-pacifiste, dont les représentants furent à l'origine de la création de l'Université hébraïque de Jérusalem. Ces intellectuels poussèrent leur logique jusqu'à ses conséquences ultimes : Buber, un temps proche de Herzl, s'éloigna de lui pour soutenir la création d'un Etat binational, préférable selon lui à un Etat juif pour ne pas léser les droits des habitants arabes.

 

 

L'importance vitale du militarisme juif

 

La deuxième conception fut défendue par des hommes de plume et par la majorité des penseurs sionistes. L'écrivain Haïm Brenner ironisait ainsi, en 1919, sur le pacifisme de certains intellectuels, écrivant : "Doit-on s'enorgueillir de ne pas avoir de poings ?" Jabotinsky, de son côté, comprit très tôt l'importance vitale de l'autodéfense juive (à l'époque du pogrome de Kichinev) et fut le fondateur de laLégion juive, ancêtre de Tsahal. Son militarisme n'était toutefois pas le fruit d'un amour invétéré pour le métier des armes, mais d'une analyse froide et lucide de la situation du peuple juif. Dans son Histoire de la Légion juive, Jabotinsky relate ainsi cette anecdote, que lui avait racontée le dirigeant sioniste Nahum Sokolov. En vacances en Suisse, ce dernier rencontra un Lord écossais, auquel il fit état de sa participation au Congrès sioniste."Ah oui?", lui dit l'Ecossais, "c'est intéressant, mon frère aussi fait partie de ce mouvement..." Intrigué, Sokolov le pressa de questions, et finit par comprendre que le Lord écossais confondait le sionisme et le végétérianisme !

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Aux yeux des non-Juifs, conclut Jabotinsky, sionisme et végétérianisme, en 1901, étaient des choses similaires, c'est-à-dire d'innocentes utopies sans portée pratique sur les affaires du monde. Pour que le sionisme – et le peuple Juif – existent sur la scène mondiale, il fallait qu'ils deviennent une puissance militaire. C'est cette conclusion qui amena le leader sioniste révisionniste à œuvrer sans relâche pour constituer la Légion juive, première force armée juive depuis l'époque des Maccabées, qui combattit dans les rangs de l'armée anglaise en Palestine pendant la Première Guerre mondiale et joua un rôle décisif dans la proclamation de la Déclaration Balfour.

 

Ce rappel historique est important pour comprendre que le militarisme juif, loin d'être une régression dans l'histoire de notre peuple – comme voudraient nous le faire croire certains chantres de la "paix maintenant" – est une étape indispensable de la régénération du peuple Juif, réduit au cours de son long exil à la condition de fantôme et de paria, dont l'existence était dépendante du bon vouloir de ses voisins. Tsahal, lorsqu'elle est utilisée à bon escient – et non pas, à D. ne plaise, pour chasser des pionniers juifs de leurs maisons – n'est pas seulement une armée comme les autres,  voire plus morale, ou plus efficace : elle est l'Armée de Défense d'Israël, qui se bat pour le Kiddouch Hachem, la Sanctification du Nom. Elle est, pour paraphraser une expression fameuse du rav Abraham Itshak Hacohen Kook, parlant de l'Etat d'Israël (avant même sa création !) "le fondement du siège de la royauté divine dans le monde".

 

Pierre Itshak Lurçat

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Etre sioniste, par Hannah Senesh (17 juillet 1921- 7 novembre 1944)

November 11 2017, 18:53pm

Posted by Hannah Senesh

Etre sioniste,  par Hannah Senesh (17 juillet 1921- 7 novembre 1944)

Le 7 novembre était l’anniversaire du décès de Hannah Senesh, héroïne nationale israélienne, exécutée en Hongrie le 7 novembre 1944 après avoir été parachutée pour venir en aide à la résistance juive. Dans les extraits qui suivent de son Journal, elle relate le début de son engagement sioniste.

 

 

Budapest, 27.10.1938

 

Je ne me souviens plus si j’ai déjà raconté que j’étais sioniste. Ce mot veut dire beaucoup. Je vais tenter de résumer sa signification pour moi : j’ai le sentiment d’être désormais une Juive consciente, de tout mon être. Je suis fière d’être juive, et mon objectif est de monter en Eretz-Israël et de participer à son édification. On comprendra facilement que cette idée n’est pas née en un jour. Il y  a trois ans, quand j’ai entendu pour la première fois parler de sionisme, j’y étais opposée de toutes mes forces. Mais les événements et l’époque à laquelle nous vivons m’ont rapprochée de cette idée. Je suis tellement heureuse d’y être arrivée. A présent je sens un sol sous mes pieds et je vois devant moi un but pour lequel il vaut la peine de peiner. Je vais commencer à apprendre l’hébreu.  Je vais rejoindre un cercle qui s’y consacre - en un mot : je veux agir avec courage. J’ai beaucoup changé, et cela est bien. La croyance est nécessaire à l’homme, et il est essentiel qu’il ait le sentiment que sa vie n’est pas inutile, qu’elle ne s’écoule pas vainement, qu’il remplit un but. Le sionisme m’apporte tout cela. Et peu m’importe d’entendre de nombreuses voix opposées. L’essentiel pour moi est de croire dans la réalisation du sionisme. Ma conviction claire est que c’est l’unique solution au problème juif, et que l’entreprise merveilleuse qui est réalisée en Eretz-Israël repose sur un fondement solide. Je sais que cela sera difficile, mais cela vaut la peine.

 

20.11.1938

 

Une seule idée m’occupe sans cesse : Eretz-Israël. Tout ce qui a trait à cette question parle à mon coeur - et tout le reste ne m’importe peu. Bien sûr, j’apprends systématiquement une chose unique - l’hébreu. Je poursuis mon apprentissage de manière intensive. Je sais déjà un peu. Voici par exemple quelques mots : “Gam yodat katan ivrit”. Ava me l’enseigne. Elle est tellement gentille. Elle ne veut pas recevoir de paiement pour son travail. Je me “creuse” la tête pour savoir comment lui exprimer ma reconnaissance. Je participe aussi à un club d’étude de l’hébreu par correspondance. C’est pas mal non plus. Je suis déjà certaine de choisir un métier lié à l’agriculture, je pourrai apprendre à travailler dans la production laitière ou dans l’industrie du fromage. Une jeune fille, qui a déjà été en Eretz-Israël, me l’a conseillé. Elle m’a raconté avec beaucoup d’enthousiasme la vie en Israël. Combien il était agréable d’entendre ses paroles ! Tout ce qui peut nous apporter à nous, en tant que Juifs, une consolation, la joie et un peu de beauté - vient de là-bas, d’Eretz-Israël.

 

(Extraits du Journal d’Hannah Senesh, traduction française Pierre Lurçat © )

 

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Le jour où Itshak Rabin fut contraint à démissionner par Aharon Barak

November 5 2017, 07:57am

Posted by Pierre Lurçat

Le jour où Itshak Rabin fut contraint à démissionner par Aharon Barak

Le pouvoir confié au conseiller juridique du gouvernement de faire pression pour pousser à la démission d’un Premier ministre ne date pas des années 1990 et de l’arrivée au pouvoir de B. Nétanyahou. Le premier dirigeant israélien qui a eu maille à un conseiller juridique s’appelait en effet Itshak Rabin. Cela se passait en 1977 et le conseiller juridique du gouvernement était alors un jeune juriste brillant et ambitieux, encore peu connu du grand public, du nom d’Aharon Barak.


 

Dans l’affaire du compte en dollars, le Premier ministre Itshak Rabin fut contraint à démissionner par le conseiller juridique du gouvernement, Aharon Barak, sans même pouvoir se défendre, alors qu’il ne manquait pas d’arguments. Ainsi, selon l’avocat (et ministre de la Justice) Yaakov Neeman (1), un règlement interne du ministère des Finances aurait à l’époque autorisé les anciens ambassadeurs (Rabin avait été ambassadeur à Washington entre 1968 et 1973) à détenir des comptes à l’étranger après la fin de leur mandat.  De fait, l’ultimatum présenté par Aharon Barak au Premier ministre Rabin équivalait à une véritable forme de chantage : “Si vous ne démissionnez pas, j’ordonnerai des poursuites à votre encontre…”

 

Aharon Barak

 

Un indice révélateur, permettant de comprendre comment Barak parvint à convaincre Itshak Rabin de présenter sa démission, alors qu’aucune pression politique ou populaire ne s’exerçait à son encontre en ce sens, nous est donné par la biographe d’Aharon Brak, Naomi Levitski, dans son livre Kevodo (Your Honor), paru en 2001. Quand Barak a été nommé doyen de la faculté de droit de Jérusalem, en 1974, à l’âge de 36 ans, il a notamment eu pour fonction de gérer les ressources humaines. Dans ce cadre, “lorsqu’il était contraint de licencier un salarié”, raconte Levitski, “ce qui exigeait toujours un effort psychologique important, il parvenait à convaincre la personne licenciée qu’elle voulait en fait démissionner et que Barak acceptait sa demande. Le malheureux ne réalisait ensuite ce qui lui était arrivé qu’au bout de plusieurs heures, voire de plusieurs jours”.

 

De fait, Rabin préféra démissionner pour éviter les poursuites, renonçant ainsi à se défendre. De manière significative, une fois qu’il eut démissionné, les poursuites furent abandonnées contre lui (seule sa femme fut poursuivie, et condamnée à une lourde amende). Dans ses mémoires, Rabin relate de manière détaillée cet épisode, et insiste sur le fait qu’il ne voulait pas laisser sa femme assumer seule la responsabilité du compte en dollars, alors même qu’elle en était la gestionnaire (“c’était elle la ‘ministre des Finances’ de la famille, selon ses termes). Le récit fait par l’autre protagoniste de cette affaire, Aharon Barak, diffère sur un point essentiel : il insiste sur le fait que, contrairement aux informations publiées dans les médias israéliens, il ne conclut aucun “accord” avec Rabin et ne lui promit pas l’arrêt des poursuites à son encontre s’il démissionnait… (1) Je laisse au lecteur la liberté de trancher laquelle des deux versions lui paraît la plus vraisemblable.

Itshak et Léa Rabin

 

L’affaire du “‘compte en dollars” et la fin du pouvoir travailliste

 

Quoi qu’il en soit, le résultat fut le même : Rabin démissionna et les élections portèrent au pouvoir, pour la première fois dans l’histoire d’Israël, le Herout de Menahem Begin, principal parti d’opposition. Cet événement historique, entré dans l’histoire d’Israël sous le nom de “Ma’apa’h” (bouleversement), fut ainsi la conséquence directe de quelques malheureuses centaines de dollars oubliés sur un compte bancaire aux Etats-Unis… L’histoire politique d’Israël présente généralement le “Ma’apa’h” comme la conséquence ultime de la guerre de Kippour et du désaveu de l’électorat, après trente ans d’hégémonie, du parti travailliste.

 

Avec le recul des ans et au vu des développements survenus depuis lors, on peut dire aujourd’hui que l’affaire du “compte en dollars” marqua le début d’une nouvelle ère dans les rapports entre les institutions judiciaires et l’exécutif. Le conseiller juridique du gouvernement, Aharon Barak, qui allait devenir le président de la Cour suprême, fut l’acteur principal de la transformation du “pouvoir judiciaire” en premier pouvoir d’Israël, devant lequel toutes les autres institutions - Knesset, gouvernement, armée, etc. allaient devoir s’incliner.


 

Notes

(1) propos rapportés dans un article publié par Ben Caspit en 2002.

(2) Segal, Ze'ev; Ariel Bendor,. "Coming full circle". Haaretz 27.5.2009.

 

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Hannah Arendt et le combat pour une armée juive (II) : de l’engagement à la distanciation

November 2 2017, 14:59pm

Posted by Pierre Lurçat

Hannah Arendt et le combat pour une armée juive (II) : de l’engagement à la distanciation

Dans la première partie de cet article, nous avons vu comment la philosophe juive allemande, exilée en France puis aux Etats-Unis, avait évolué d’un intérêt purement théorique pour les questions juives à un engagement politique, à la suite de son internement au camp de Gurs et de sa rencontre avec des militants et des organisations sionistes. Dans la seconde partie, nous allons à présent retracer son engagement en faveur d’une armée juive et ses rapports ambivalents avec les autres protagonistes de ce combat, qui la conduiront à s’éloigner de la cause sioniste.

 

Son premier texte sur le sujet, “ “L’armée juive - le début d’une politique juive?”, (1) prend pour point de départ la commémoration de la Déclaration Balfour par les organisations sionistes américaines, et “leur revendication d’une armée juive pour défendre la Palestine”. Arendt reprend à son compte cette revendication, affirmant que “ce qui aujourd’hui ne représente encore qu’une exigence isolée des Juifs de Palestine et de leurs représentants à l’étranger doit devenir demain la volonté active d’une grande partie du peuple, qui prendra part au combat contre Hitler, en tant que Juifs, dans des formations juives et sous le drapeau juif.

 

Comme l’a fait remarquer Adam Kirsh (2), ces phrases auraient pu être écrites par un disciple de Zeev Jabotinsky, le théoricien de la droite sioniste et promoteur de la première armée juive, la Légion juive, pendant la Première Guerre mondiale. C’est en effet à la droite de l’échiquier politique juif et sioniste qu’est né l’idée d’une armée juive, non pas pendant la Deuxième Guerre mondiale, mais  trente ans auparavant, au début de la Première Guerre mondiale. Jabotinsky, alors correspondant de guerre d’un journal russe, se trouvait à Bordeaux lors de l’annonce de l’entrée en guerre de la Turquie, aux côtés des Empires centraux (l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie). C’est là, comme il le relate dans son autobiographie, qu’il eut l’intuition que les Juifs devaient se ranger aux côtés des pays de la Triple-Entente contre les Empires centraux (3).

Le campement de la Légion Juive, Yom Kippour, Jabotinsky est au premier rang


 

De fait, Arendt a rejoint, par sa réflexion et sur le fondement de son expérience vécue de la condition juive, les prémisses de la pensée sioniste. Comme l’indique le titre de son premier article sur le sujet, daté du 14 novembre 1941, elle envisage le combat pour une armée juive comme “le début d’une politique juive” car, plus précisément : “la défense de la Palestine est une partie du combat en vue de la liberté du peuple juif”. Cette affirmation montre à la fois sa convergence avec l’idée sioniste, et aussi - déjà - les limites de son identification au projet de création d’un foyer national. Elle place en effet la liberté du peuple juif dans sa totalité au-dessus du combat pour la Palestine juive (c’est un des points d’achoppement qui justifieront par la suite son éloignement du mouvement sioniste officiel).


 

Dans un nouvel article publié le 26 décembre 1941 (“Ceterum Censeo” - “En outre, je pense” - citation de Caton l’Ancien, qui terminait par ces mots ses interventions devant le Sénat romain), (4) elle explique ainsi la nécessité d’une armée juive se battant sous un drapeau juif : “Les Juifs combattent aujourd’hui sur tous les fronts : les Juifs anglais dans l’armée anglaise, les Juifs palestiniens dans le corps expéditionnaire libyen, les Juifs russes dans l’Armée rouge et enfin les Juifs américains dans l’armée et la Marine. Mais lorsque, après avoir remporté un combat, les Juifs de Palestine ont eu l’audace de hisser un petit drapeau juif, ils ont aussitôt été mis à l’écart. Après cette guerre, on écartera de la même manière nos délégués de la salle de réunion des puissances de ce monde…” Cette argumentation rejoint presque mot pour mot celle déployée par Jabotinsky, au début de la Première Guerre mondiale, pour justifier la revendication d’une force militaire juive : pour exister sur la scène internationale, les Juifs doivent être présents sur les champs de bataille, sous leur propre drapeau et pas seulement en tant que soldats des armées des pays où ils vivent.

 

Arendt au milieu des années 1940 aux Etats-Unis

 

Dans le même article, Arendt signale la tenue à Washington de la conférence du “Comité pour une armée juive”, émanation du mouvement sioniste révisionniste (5) en Amérique. Le Committee for a Jewish Army of Stateless and Palestinian Jews venait en effet d’être constitué par plusieurs membres de la New Zionist Organization of America (NZOA), branche américaine du sionisme révisionniste, au premier rang desquels se trouvait Hillel Kook. Kook, plus connu sous le pseudonyme de Peter Bergson, était le neveu du grand-rabbin Avraham Itshak Hacohen Kook, grand-rabbin de la Palestine mandataire dans les années 1930. Il fut le principal protagoniste du combat pour la création d’une armée juive aux Etats-Unis, avant de se consacrer à la mobilisation de l’opinion américaine pour sauver les Juifs d’Europe (6). Hannah Arendt, dans cet article du 26 décembre 1941, observait que la conférence du CJA avait eu “deux résultats positifs”, et tout d’abord “démontré que l’opinion publique non juive reconnaît et accepte l’idée d’une armée juive”.

 

De fait, l’action de lobbying menée par Bergson et ses amis était tournée en grande partie vers l’opinion publique américaine en général, et lors de sa première manifestation publique, quelques mois auparavant, tenue au centre de Manhattan en juin 1941, le principal orateur était le journaliste néerlandais Pierre van Paassen, qui présida le CJA entre 1941 et 1942. Mais Arendt émettait cependant des réserves sur l’appartenance politique des dirigeants du CJA, affirmant que “pour ce qui est des révisionnistes eux-mêmes, nous ne pourrons faire taire nos soupçons tant qu’ils n’auront pas exposé de façon claire et nette que leur politique terroriste en Palestine à l’époque des émeutes fut une erreur lourde de conséquences, [et] que non seulement ils sont prêts à se mettre d’accord avec la classe ouvrière, mais qu’ils reconnaissent que nos droits en Palestine ne peuvent être représentés que par les travailleurs”.

 

“The Forgotten Ally”, livre de P. Van Paassen

 

Dans la suite de cet article, nous verrons comment les réserves émises par Arendt sur le Committee for a Jewish Army vont évoluer très rapidement en une hostilité ouverte et l’amener finalement à rompre toute relation avec les défenseurs d’une armée juive aux Etats-Unis, prélude à la fin de son engagement sioniste.

 

Pierre Lurçat

Notes

1. Paru en allemand dans la revue juive américaine Aufbau le 14.11.1941.

2. Adam Kirsh, “Arendt’s conflicted Zionism”, New York Sun, 21/3/2007 http://www.nysun.com/arts/arendts-conflicted-zionism/50903/

3. Jabotinsky,Histoire de ma vie, p. 126 et s., Les provinciales 2011, trad. de P. Lurçat.

4. Publié dans Aufbau, trad. française dans Auschwitz et Jérusalem, repris dans Ecrits juifs, p. 276.

5. Le courant “révisionniste” du sionisme désigne la volonté de revenir aux fondamentaux du sionisme politique d’Herzl.

6. Voir D. Wyman et R. Medoff, A Race against Death, Peter Bergson, America and the Holocaust, The New Press, New York .

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