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ChatGPT et la crise existentielle de l’université

June 27 2023, 18:32pm

Posted by C.W. Howell

ChatGPT et la crise existentielle de l’université

ans The End of Education, l’enseignant et critique américain des technologies Neil Postman affirme que l’école est confrontée à deux problèmes qui doivent être résolus : « l’un est un problème d’ingénierie, l’autre est métaphysique ». Cette dualité oppose les moyens aux fins. L’enseignement porte-t-il sur les processus techniques par lesquels les élèves peuvent devenir des travailleurs, des exécutants et des « leaders » plus efficaces ? Ou bien s’agit-il d’en apprendre davantage sur quel type de vie l’on devrait mener, plutôt que de chercher à savoir comment on devrait la gagner ?

C’est dans ce contexte que ChatGPT a fait irruption dans les salles de classe du monde entier. Il est rapidement adopté — souvent sans que les élèves ne le comprennent vraiment — comme outil de recherche et d’écriture. Sa grande promesse est de stimuler la productivité et l’efficacité, deux concepts d’une importance quasi mystique dans l’université néolibérale moderne ; mais son adoption rapide pose une myriade de problèmes aux professeurs, dont le moindre n’est pas la confiance que l’on peut accorder aux devoirs rendus par les étudiants. S’attaquer à ChatGPT et à son rôle dans la salle de classe, c’est aussi s’attaquer à la question de l’objectif de l’éducation : quels sont ses moyens et quelles sont ses fins ?

S’attaquer à ChatGPT et à son rôle dans la salle de classe, c’est aussi s’attaquer à la question de l’objectif de l’éducation : quels sont ses moyens et quelles sont ses fins ?

C.W. howell

Il y a deux façons évidentes de traiter cette question : 1) essayer de l’interdire complètement, ou 2) essayer de l’intégrer dans le programme d’études de manière responsable. J’ai d’abord essayé de l’interdire, mais cela n’a pas fonctionné. J’ai donc improvisé en créant un devoir destiné à enseigner aux élèves comment utiliser (et ne pas utiliser) ChatGPT. Mais l’une ou l’autre de ces réponses soulève des questions essentielles, non seulement sur la manière d’utiliser l’IA en classe, mais aussi sur la finalité de l’université.

Bannir ChatGPT de la salle de classe

Mon premier réflexe a été de bannir purement et simplement ChatGPT de la salle de classe, persuadé qu’un recours excessif à cette technologie nuirait au développement cognitif de mes élèves en les acclimatant à une technologie dont ils ignorent qu’elle peut être inexacte et trompeuse. Je pensais, et je pense toujours, que cela pourrait interférer avec l’objectif de l’éducation, en particulier des sciences humaines, qui est de cultiver et d’étudier l’humanité. C’est la raison pour laquelle nous lisons des livres difficiles, écrivons des essais sur des sujets obscurs et examinons des questions abstraites et difficiles sur l’éthique et la société. Pour ceux d’entre nous qui croient vraiment à la valeur d’une formation en sciences humaines tout au long de la vie, interdire les technologies qui entravent ce développement critique est une évidence.

Le problème se pose lorsque les étudiants essaient de contourner les règles et d’utiliser l’IA pour rédiger leurs travaux. Le semestre dernier, dans le cadre de mes cours d’études religieuses à l’université Elon, une université privée de Caroline du Nord, j’ai surpris plusieurs étudiants en train de faire cela1. Ignorant apparemment que ChatGPT pouvait se tromper, quelques étudiants ont rendu des travaux contenant des informations fabulées et de fausses sources. Il a été assez facile de les attraper, mais ce sera probablement de plus en plus difficile à l’avenir, d’autant plus que les détecteurs d’IA ne sont pas toujours fiables2.

Alors, comment affronter cette situation ? Les professeurs ne pourraient demander que des devoirs en classe, écrits à la main ; les ordinateurs portables ou les téléphones ne seraient pas autorisés. Les examens oraux pourraient faire leur retour pour les évaluations de fin d’année. Une méthode plus créative pourrait consister à imposer l’utilisation de Google Docs avec l’autorisation de consulter l’historique des fichiers, afin que les professeurs puissent voir si les étudiants ont simplement copié et collé un texte généré par l’IA.

Après tout, pourquoi devrions-nous interdire ChatGPT ? Certains ont affirmé qu’il s’agissait simplement d’un outil — quelque chose comme une calculatrice, « mais pour l’écriture ».

C.W. howell

Mais ces approches posent de nombreux problèmes. L’un d’eux est le temps considérable que cela représente pour chaque enseignant. Vérifier les sources prend déjà beaucoup de temps, mais imaginez qu’il faille en plus vérifier l’historique des versions de chaque essai ! Ajoutez à cela la difficulté de lire des rédactions manuscrites à une époque numérique où la calligraphie est moribonde, et la charge de travail, même pour un simple devoir, devient incontrôlable. En outre, la plupart des professeurs ont trop d’étudiants pour organiser des examens oraux de manière raisonnable. Cela pourrait fonctionner dans le cadre du système de tutorat de l’université d’Oxford, mais cela ne fonctionnerait pas dans une université d’État américaine de type Big Tech ; sans parler du fait qu’avec le recours croissant à des professeurs précaires dans l’enseignement supérieur3, la charge de ce contrôle supplémentaire pèsera de manière disproportionnée sur des employés déjà sous-payés et surchargés de travail (je ne le sais que trop bien — étant moi-même professeur associé).

Au-delà de tout cela, il y a la question plus importante de l’objectif de l’éducation. Après tout, pourquoi devrions-nous interdire ChatGPT ? Certains ont affirmé qu’il s’agissait simplement d’un outil — quelque chose comme une calculatrice, « mais pour l’écriture »4. L’interdire, selon ce point de vue, ne ferait qu’entraver les étudiants qui ont besoin de comprendre le fonctionnement de cette technologie pour être compétitifs sur le marché du travail. Si l’objectif de l’école est de « gagner sa vie », l’interdiction des technologies extérieures pénaliserait injustement les élèves qui ont besoin d’apprendre à les utiliser pour trouver un emploi et rembourser les dettes que leur éducation leur a noblement léguées. C’est du moins ce que croient la plupart des étudiants et la plupart des administrateurs. Et, pour revenir à l’argument de Postman, il est possible que le simple fait de restreindre les moyens utilisés par les étudiants pour apprendre ne règle pas la question plus importante des fins. Si les étudiants pensent que l’éducation est destinée à la formation professionnelle, l’interdiction des nouvelles technologies ne fera qu’engendrer du ressentiment et de la frustration. Nous devons réfléchir à la situation dans son ensemble, et ce n’est qu’alors que la question des objectifs sera suffisamment traitée — ce qui nous permettra ensuite de revenir à la question des moyens, et à ce que la technologie devrait ou ne devrait pas faire en classe.

*L’interdiction de la technologie ne s’étant pas avérée utile, j’ai tenté une approche différente plus tard dans le semestre. Ironiquement, ce faisant, j’ai mieux réussi à convaincre mes étudiants de l’importance des sciences humaines.

LIRE LA SUITE ICI

https://legrandcontinent.eu/fr/2023/06/23/chatgpt-et-la-crise-existentielle-de-luniversite/

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Rencontres israéliennes : Benny Ziffer, un « bibiste » au journal Haaretz

June 23 2023, 15:11pm

Posted by Pierre Lurçat

Rencontres israéliennes :  Benny Ziffer, un « bibiste » au journal Haaretz

(article paru dans Israël Magazine)

 

Ma rencontre avec Benny Ziffer se déroule quelques jours après la formation du nouveau gouvernement israélien. Il me reçoit à la rédaction du Haaretz, rue Schoken, au sud de Tel-Aviv. Je connais surtout Haaretz pour la radicalité de ses articles et éditoriaux. Ziffer y dirige le prestigieux supplément littéraire depuis 1989, après y avoir été critique littéraire depuis 1977. Il est aussi traducteur et a notamment traduit du français Mérimée, Apollinaire, ou encore Vipère au poing d’Hervé Bazin.

 

Il me parle de sa famille, qui était francophone. « Mes parents venaient de Turquie. Ma mère était d’une famille sépharade et mon père était né à Vienne et ses parents avaient fui vers la Turquie en 1934. Le français était leur langue commune. Mon grand-père paternel avait créé le premier club sportif juif. La famille de mon père se trouvait en Turquie pour des raisons professionnelles. Ils travaillaient dans le cadre de ce qu’on appelait alors la dette publique ottomane. Mon arrière-grand-père était surnommé “David Consul”, car il travaillait comme portier du Consulat ».

 

Ziffer me raconte ses débuts de critique littéraire dans la revue Keshet, dirigée par Aharon Amir. Il y fait la connaissance de plusieurs écrivains, dont Yehoshua Kenaz, Benjamin Tamuz et le fameux Yonatan Ratosh, fondateur du mouvement cananéen (que j’ai déjà évoqué dans les colonnes d’Israël Magazine[1]). « Les membres de l’élite intellectuelle à cette époque étaient soit cananéens, soit anti-cananéens ». Les Cananéens revendiquaient une identité entièrement coupée de l’histoire et de la tradition juive. Leur projet était de faire renaître une nation hébraïque en rompant tout lien avec l’histoire juive de l’exil.

 

Mon interlocuteur compare les conceptions politiques des Cananéens au « nationalisme intégral » de Charles Maurras et des écrivains français des années 1930 et 1940. « La revue Keshet parlait de manière très élogieuse de Montherlant, Drieu la Rochelle, etc. Les Cananéens voulaient faire évoluer le sionisme et fonder leur nationalisme sur le modèle français, dans lequel le lien à la terre n’aurait rien à voir avec la religion… Ils voulaient qu’Israël soit fondé sur le droit du sol et pas sur la filiation juive. Ils voulaient couper tous les liens avec le judaïsme. Ben Gourion s’est opposé à eux car c’était quelque chose d’insupportable à ses yeux. Qui est Juif ? Est-ce la loi religieuse qui le détermine, ou bien le fait que quelqu’un vit ici et sert dans l’armée ? Leur influence a été importante dans les années 1950… »

 

Je l’interroge sur un écrivain français qu’il connaît bien, et qui a récemment défrayé la chronique en France : Michel Houellebecq. Ziffer me raconte la visite de ce dernier en Israël en 1998. L’ambassade de France avait organisé une rencontre entre l’écrivain et la communauté francophone d’Israël. Mais Houellebecq avait quitté la salle au bout d’un quart d’heure. Ziffer lui avait alors proposé de lui faire visiter Jérusalem, et l’avait notamment accompagné sur le Mont du Temple.

 

« Houellebecq était impressionné par Israël. Il s’attendait à voir un pays désertique et sous-développé. En arrivant à Jérusalem, je lui ai proposé d’aller sur le Mont du Temple. j’avais oublié que l’entrée dans la mosquée était interdite aux non-musulmans. Quand les gardiens du Waqf ont empêché Houellebecq de pénétrer dans la mosquée, il s’est emporté, leur criant que n’importe qui pouvait visiter Notre-Dame… J’avais peur qu’il lui arrive quelque chose. Dans chacun de ses livres depuis lors, il parle d’Israël. Dans Sérotonine aussi, le héros loue un appartement près d’un supermarché qui vend du houmous israélien… »

 

Nous abordons la politique. Je lui demande s’il est content du nouveau gouvernement. « J’espère que le Premier ministre sera assez dominant pour faire régner l’ordre dans son gouvernement. A présent il est devenu centriste, non pas parce qu’il aurait évolué dans ses opinions, mais parce que la gauche a soudain quasiment disparu et que toute la carte politique a bougé. Je pense que tout comment Ben Gourion en son temps, il va transformer les partenaires les plus extrémistes de sa coalition en hommes politiques responsables. Ben Gourion avait fait la même chose avec Itshak Shamir, ex-dirigeant du Lehi qui avait pris part à l’assassinat de Bernadotte. Il l’avait intégré dans les rangs du Mossad ».

 

Je l’interroge sur la famille Nétanyahou, avec lequel il entretient des relations amicales.

Comment expliquer la haine abyssale envers Nétanyahou ? « Tout simplement : la jalousie. “Bibi” a le profil d’un homme de gauche… Son père était le rédacteur en chef de l’Encyclopédie hébraïque, avec Y. Leibowitz. Il fait partie des anciennes élites. S’il avait fait une carrière universitaire, personne n’aurait trouvé à y redire ! Son père était un outsider. La haine contre Bibi est aussi la prolongation de la haine contre Begin et contre la droite, qui est très ancienne ».

 

P.L. Et Sarah Nétanyanou ? « Je crois que la haine à son égard est liée à la misogynie qui fait partie de l’éthos israélien. Elle est à cet égard une victime idéale… Mais je pense que quelque chose est arrivé lors des dernières élections. La gauche a été quasiment effacée. Ils ont dépensé toute leur énergie sur des histoires de haine personnelle. Nétanyahou possède une grande qualité, c’est la patience. Comme a dit Buffon, “Le génie est une longue patience”… »

 

P.L. Parlons du journal Haaretz. Vous savez que les articles de Haaretz sont traduits sur des sites propalestiniens ?

B.Z. Lors du Salon du Livre à Paris, j’étais tombé sur un livre d’Amira Hass (N.d.R. journaliste de Haaretz très radicale) en français.  Je ne l’accuse pas. Elle fait son travail de journaliste. Mais cela pose évidemment un problème. Cela a toujours existé dans le peuple Juif. Le roi David avait déjà écrit “Ne le dîtes pas à Gath…” Mais j’aime beaucoup Gideon Levi. Il a écrit du bien de “Bibi” et il critique souvent la gauche et son hypocrisie, la “gauche caviar”. La question qui importe est de savoir si un journaliste est honnête ».

 

Ziffer compare A.B. Yehoshua et Amos Oz. « Le premier a toujours été sioniste et faisait attention à ses prises de position. Chez Amos Oz ce n’est pas le cas, car il a toujours été très narcissique. Mais Amos Oz a quand même apporté beaucoup de gloire à l’Etat d’Israël.

P.L. En tant qu’écrivain oui, mais en tant que porte-parole de Chalom Archav ?

B.Z. Il n’a pas atteint le statut de grand écrivain en raison de ses prises de position. Je l’ai écrit après son décès, ce qui m’a valu beaucoup d’insultes. Je posais la question, quelle est la différence entre Amos Oz et Tolstoï ? Tolstoï était l’écrivain de tous les Russes. Il regardait tout le monde avec amour. Il ne disait à personne “vous êtes des colons, des fascistes”… Oz a pris parti. C’était une erreur.

P.L Vous n’y voyez pas un phénomène particulier au peuple Juif ? Nous avons un sens de l’autocritique très développé. En tant qu’écrivain juif, il y a une manière très simple de parvenir à la célébrité dans le monde, c’est d’écrire des choses négatives sur le peuple Juif.

B.Z. C’est vrai. C’est une chose tout à fait spécifique aux Juifs. Comme Bashevis Singer : quand il a reçu le Prix Nobel, toute la communauté juive a dit : “Comment a-t-on pu récompenser un écrivain qui écrit des choses tellement vulgaires, qui décrit des prostituées juives…”

P.L. Chez lui cela venait de son amour pour les Juifs !

P.L C’est ce qui fait toute la différence : la critique qui est motivée par l’amour.

B.Z. Oui, il y a une critique motivée par l’amour, comme chez Chalom Aleichem, qui se moque des Juifs avec amour. Mais cela n’atteint pas le niveau d’Amira Hass.

P.L. Le problème commence lorsqu’on écrit quelque chose en pensant “cela va plaire aux non-Juifs…”

B.Z. Alors cela devient quelque chose d’amoral. Mais tant que l’on est convaincu de faire le bien cela n’est pas répréhensible. Je ne pense pas non plus que l’effet soit tellement important. Les antisémites continueront de détester les Juifs de toute façon. Comme a dit Ben Gourion, peu importe ce que diront les Goyim, ce qui importe c’est ce que feront les Juifs ».

 

Au terme de deux heures d’entretien, Benny Ziffer a encore beaucoup à me raconter. Il me raccompagne à la sortie de l’immeuble de Haaretz, et je me dis en le quittant que ce journal recèle bien des surprises.

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[1] Voir notre article “Aux origines de la Marine israélienne, L’école navale du Betar à Civitavecchia”.

Rencontres israéliennes :  Benny Ziffer, un « bibiste » au journal Haaretz
Rencontres israéliennes :  Benny Ziffer, un « bibiste » au journal Haaretz

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75e anniversaire de l’Altalena : La guerre fratricide au cœur de l’idéologie du camp “progressiste” en Israël

June 19 2023, 18:06pm

Posted by Pierre Lurçat

L’Altalena en flammes au large de Tel-Aviv

L’Altalena en flammes au large de Tel-Aviv

 

NB J’ai évoqué cette question au micro de Daniel Haik sur Studio Qualita hier.

"La Gauche sanctifie une guerre civile, pas la Droite! " - L'invité de la rédaction du 18 juin 2023 (studioqualita.com)

La désignation d’un “bouc émissaire” à l’intérieur même d’Israël s’inscrit dans la droite ligne de nombreux événements du même acabit, depuis l’époque des accords d’Oslo, par lesquels Rabin et Pérès entendaient sacrifier les Juifs au-delà de la “ligne verte” sur l’autel d’une paix illusoire avec les ennemis - véritables - de l’OLP, intronisée en “partenaire de paix”. Mais cette politique du “bouc émissaire” remonte plus loin encore dans l’histoire moderne d’Israël.

 

On la trouve déjà à l’œuvre à l’époque du Yishouv, quand le Mapaï prédominant utilisait son emprise sur l’économie – au moyen de la toute puissante Histadrout – pour exclure du marché du travail les jeunes membres du Betar, dont le chef idéologique, Vladimir Jabotinsky, était qualifié de “fasciste” et d’ennemi du peuple (accusation qui perdure jusqu’à nos jours). On la retrouve pendant les années de plomb de la lutte pour l’Indépendance, quand la Haganah et le Palmah s’allient aux forces de police britanniques pour chasser manu militari et parfois torturer et assassiner des jeunes membres du Lehi et de l’Etsel, eux aussi proclamés “ennemis du peuple”,au nom du même parti-pris idéologique, qui préfère s’allier à l’ennemi extérieur pour “nettoyer” le pays de certains de ses adversaires idéologiques…

 

On la retrouve aussi quand le Premier ministre David Ben Gourion ordonne au chef du Palma’h, Itshak Rabin, de bombarder l’Altalena, bateau affreté par l’Irgoun à bord duquel des militants de l’Irgoun, parfois rescapés de la Shoah, transportent une précieuse cargaison d’armes destinées à équiper la petite armée juive, face aux ennemis arabes plus nombreux et mieux armés. Cet épisode est crucial pour comprendre l’ADN idéologique d’une partie de la gauche israélienne, hier comme aujourd’hui. Non seulement Ben Gourion (1) ordonna de couler l’Altalena, en arguant d’un prétendu risque de sédition de la part de son adversaire politique, Menahem Begin. Mais pire encore : il qualifia le canon qui avait bombardé l’Altalena - faisant plusieurs morts parmi ses passagers - de “canon sacré” (2).

 

Cette sacralisation de la violence fratricide et de la guerre civile se poursuit jusqu’à nos jours. La volonté de l’actuelle opposition de désigner un ennemi idéologique au sein du peuple Juif et de renverser le gouvernement élu par tous les moyens, y compris par la violence, s’inscrit dans la droite filiation de l’Altalena et du “canon sacré” de David Ben Gourion. Elle montre qu’aux yeux du camp “progressiste” et d’une partie de la gauche israélienne, l’impératif politique demeure, envers et contre tout, celui de la démonisation et de la lutte à outrance contre l’adversaire politique, désigné comme bouc émissaire et comme “ennemi intérieur”, au lieu de s’allier à lui pour lutter contre les ennemis extérieurs au peuple Juif.

Pierre Lurçat

 

Notes

1. Ben Gourion avait pourtant rencontré Jabotinsky à Londres et conclu un accord avec lui, pour lequel il fut désavoué par son propre camp, épisode relaté dans une pièce de théâtre écrite par A.B. Yehoshua.

2. Le journaliste Shlomo Nakdimon rapporte que lorsque le commandant adjoint de l’armée de l’air se mit en quête de volontaires pour bombarder le navire en haute-mer, trois pilotes non-juifs refusèrent l’ordre de mission, l’un deux déclarant “Je n’ai pas perdu quatre camarades et volé 10 000 miles pour bombarder des Juifs”. Un autre soldat, Yosef Aksen, vétéran de l’Armée rouge, déclara être prêt à subir la mort pour insubordination, plutôt que de tirer sur des Juifs.

 

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La religion progressiste contre la Torah d’Israël (II) : Démocratie politique ou « religion démocratique » ?

June 14 2023, 06:04am

Posted by Pierre Lurçat

"Gay Pride" à  Tel-Aviv : "le petit homme avec son identité et son choix sexuel changeant"

"Gay Pride" à Tel-Aviv : "le petit homme avec son identité et son choix sexuel changeant"

 

Le voyageur qui arrive à Tel Aviv par le train et descend à la station Ha-Shalom est accueilli par un immense panneau qui orne la façade du Beit Ha-Itonout, portant ce slogan : « La démocratie est plus grande que la politique ». Pour l'observateur nourri de philosophie politique classique, ce slogan peut sembler paradoxal. La démocratie est en effet considérée traditionnellement comme une catégorie de la pensée politique et comme une forme particulière de régime politique. Mais ces deux affirmations axiomatiques ont été remises en cause ces dernières années par de nouveaux axiomes politiques, qui ont fini par s'imposer dans une large partie du public occidental. C'est dans ce contexte nouveau qu'il convient de prendre au sérieux et d’analyser le slogan affiché à Tel-Aviv.

 

Si la démocratie est « plus grande que la politique », c'est de toute évidence parce qu'elle ne désigne plus une catégorie politique, mais bien quelque chose d'autre. La démocratie est devenue une catégorie qui échappe au politique, ou qui le transcende. Pour comprendre cette réalité nouvelle, il suffit de voir les dizaines de milliers de manifestants qui scandent « Demokratia ! » dans les rues d'Israël, à la manière d'un mantra. Oui, il y a bien quelque chose de religieux dans la manière dont ils scandent le mot démocratie et dont ils perçoivent ce concept ancien, qui revêt aujourd'hui un sens nouveau. Quel est-il ?

 

Afin de mieux l'appréhender, nous partirons de cette observation éclairante de Pierre Manent, qui faisait remarquer que l'attrait exercé par le gouvernement des juges tient au fait que ceux-ci « prétendent de plus en plus parler immédiatement au nom de l'humanité[1] » C'est précisément ce qui distingue la nouvelle notion de démocratie de son acception classique. Dans cette dernière, la démocratie reposait largement sur l'idée de représentation, en vertu de laquelle le peuple délègue son pouvoir… Cette délégation constitue l'essence même du régime démocratique, qui est comme disait Churchill, « le pire des régimes politiques, à l'exception de tous les autres ». Or c'est précisément cette notion essentielle qui est remise en cause dans la religion de la démocratie qui se fait jour actuellement.

 

Si la démocratie semble, dans sa nouvelle acception, « plus grande que la politique », c'est aussi parce qu'elle parle presque exclusivement de « droits » et de libertés, là où la politique parle aussi de devoirs civiques.et d'obligations citoyennes. La religion démocratique, qui célèbre les droits de l'individu et ses identités multiples et « fluides », se moque de la représentation politique et de ses contraintes, dont elle ne comprend plus la nécessité. Elle exalte, comme le faisait remarquer Shmuel Trigano, non plus « le citoyen et le sujet de droit, l’Homme avec un grand H » mais « le petit homme avec son identité, son sexe et son choix sexuel changeant »[2].

 

A l'ère de l'individu roi, la souveraineté populaire est une idée considérée comme obsolète et comme appartenant à un passé révolu. Le désaveu pour la démocratie traditionnelle apparaît donc comme tout à fait compatible avec l'exaltation d'une « démocratie » largement abstraite et déconnectée des problèmes réels de l'État et de la société. Peu m'importe les problèmes de mon voisin ou ceux de mon pays, pourvu que je puisse exprimer mes sentiments et mon identité sans entrave… « Jouir sans entrave », fameux slogan de mai 68, est bien devenu l'idéal des adeptes de la nouvelle religion progressiste et démocratique, comme cela apparaît au grand jour pendant le « mois de la fierté » qui s’est ouvert la semaine passée à Tel-Aviv. La religion de la « démocratie » est aussi, nous le constatons jour après jour, un culte du moi, de l'identité sexuelle arborée comme un étendard et de l'égoïsme individuel.

 

De même, dans la nouvelle religion progressiste et « démocratique », il n'y a plus de place pour le débat authentique ou pour la confrontation des idées et des opinions. Chacun se bat pour faire triompher sa propre vision du monde, comme sur les réseaux sociaux, en effaçant les avis qui déplaisent ou qui fâchent. La vieille démocratie, avec son parlement, ses débats et son alternance de coalitions élues par le peuple, est donc logiquement synonyme de passéisme ou de réaction. Qui se soucie encore de la majorité, quand sont exaltés constamment les seuls droits des minorités et ceux de l’individu ? (À suivre…)

P. Lurçat

 

NB. Mon dernier livre, Quelle démocratie pour Israël?, est disponible sur Internet et à la librairie française de Tel-Aviv.

 

 

[1] P. Manent, Cours familier de philosophie politique, Fayard 2001, p. 310.

[2] S. Trigano, « Démocratie ou théocratie judiciaire ? », Menora.info 16.3.23.

La religion progressiste contre la Torah d’Israël (II) : Démocratie politique ou « religion démocratique » ?

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« Frontière de paix » ? : trois réflexions sur les relations israélo-égyptiennes Pierre Lurçat

June 11 2023, 07:58am

Posted by Pierre Lurçat

« Frontière de paix » ? : trois réflexions sur les relations israélo-égyptiennes Pierre Lurçat

 

 

1.

 

Le tragique incident survenu samedi dernier à la frontière entre Israël et l’Egypte, au cours duquel trois jeunes soldats ont trouvé la mort sous les tirs d’un policier égyptien armé d’un fusil et d’un Coran, n’interroge pas seulement les procédures et dispositions militaires en vigueur à cet endroit, et plus généralement, sur l’ensemble de la frontière entre Israël et l’Egypte d’une part, et entre Israël et la Jordanie d’autre part. (Cet incident rappelle d’ailleurs un autre incident tragique survenu sur la frontière jordanienne, au cours duquel un policier jordanien avait tué plusieurs adolescents israéliens).

 

Ce qui est en jeu dépasse de loin les aspects purement techniques ou militaires : il s’agit de la « conception » qui préside aux relations bilatérales entre Israël et l’Egypte depuis plusieurs décennies. Deux éléments édifiants méritent d’être mentionnés à cet égard : le premier est le fait que le ministre égyptien de la Défense a publié un communiqué évoquant les « victimes des deux côtés », en mettant sur le même plan les trois soldats israéliens et leur assassin égyptien, sans que cette déclaration scandaleuse ait, à ma connaissance, suscité de protestation officielle d’Israël.

 

2.

 

Le deuxième élément est l’expression entendue à la radio de l’armée israélienne, Galei Tsahal, de « frontières de paix » (gvoulot shalom) pour désigner la frontière israélo-égyptienne. Nous avons appris depuis samedi que le passage par lequel s’était introduit le policier égyptien pour commettre son attaque meurtrière était fermé par de simples menottes en plastique, qu’il n’a pas eu de mal à découper pour s’introduire sur le territoire israélien. Ce que signifient ces différents éléments, lorsqu’on les réunit, est que l’idée qu’Israël se fait de la paix avec l’Egypte est tout aussi erronée aujourd’hui qu’elle l’était hier.

 

Ce qui est apparu, plus précisément, à l’occasion de ce dramatique incident de frontière, c’est le gouffre qui sépare en effet la conception israélienne de la paix de la conception égyptienne. Quand Israël parle de « retour à la normale » et de « frontière de paix », l’Egypte de son côté, met sur le même plan son policier assassin et les soldats israéliens victimes. Cette dissonance n’est pas fortuite ; car ce gouffre conceptuel existe depuis les débuts de la paix froide entre Israël et l’Egypte.

 

 

3.

 

Dans son livre Être Israël, publié au lendemain des accords de Camp David[1], Paul Giniewski évoque ses sentiments mitigés en écoutant le discours de Sadate à la Knesset ; « J’écoute. Ma déception augmente. Le mot paix revient de plus en plus souvent : [Sadate :] « Je prononce le mot paix, et que la miséricorde de Dieu tout-puissant soit sur vous, et que la paix vienne pour nous tous. Paix sur toutes les terres arabes, et paix sur Israël ! » Mais en même temps, l’accusation devient de plus en plus précise. Sadate est venu à la Knesset pour dénoncer Israël ! (…) Je viens d’entendre ce qui, chez les Arabes, fait l’unanimité des modérés et de ceux du camp du refus. Les uns réclament la destruction d’Israël. Les autres acceptent son existence, au prix de concessions qui conduiront à sa destruction : la restitution des territoires, un État palestinien. La différence est dans les mots, dans le style, mais pas dans le but final... »

 

Giniewski rapporte aussi les mots de Golda Meir, la dame de fer d’Israël, interrogée sur les accords de Camp David par un journaliste, qui lui déclare : « Sadate et Begin méritent le prix Nobel de la paix ». Elle sourit : - « Peut-être aussi l’oscar du cinéma ? ». A la buvette du Parlement, où les députés se congratulaient avant le discours [de Sadate], je l’entends dire de sa voix désabusée : - Vous attendez le Messie ? Quand nous sommes allés au kilomètre 101 [2], [le général] Aharon Yariv négociait avec un officier égyptien. Nous avons aussi cru que c’était le Messie. Mes enfants, quand le Messie viendra, il ne s’arrêtera pas au kilomètre 101 ».

 

Alors comme aujourd’hui, Israël conçoit la paix à l’aune de la vision messianique d’une paix éternelle (notion laïcisée dans la pensée politique européenne, à travers le concept de la paix kantien)[3]. L’Egypte de son côté, s’en tient à la vision classique de la « trêve » islamique (Houdna) et d’une « paix en échange des territoires ». En d’autres termes, l’Egypte – qui a récemment introduit des forces armées dans le Sinaï en violation des accords de Camp David – ne considère la paix que comme un moyen d’obtenir des avantages, financiers, économiques ou militaires. Israël serait bien inspiré de revoir, après le tragique incident qui a coûté la vie à trois jeunes soldats, l’ensemble de sa doctrine stratégique concernant la paix avec l’Egypte.

 

Pierre Lurçat

 

 

[1] Paul Giniewski, Etre Israël, Stock 1978.

[2] Lieu où se déroulèrent les pourparlers de cessez-le-feu entre le général israélien Aharon Yariv et le général égyptien Gamassi qui mirent officiellement fin à la guerre de Kippour.

[3] Sujet que j’aborde dans mon livre La trahison des clercs d’Israël, La Maison d’édition 2016.

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Shmuel Trigano. Du coup d’Etat au coup monté, cette fois-ci, on est fixé !

June 7 2023, 13:38pm

Posted by Shmuel Trigano

Shmuel Trigano. Du coup d’Etat au coup monté, cette fois-ci, on est fixé !

J’avais remarqué dans quelques textes[1] sur la crise israélienne qu’il restait un pan obscur, rebelle aux explications rationnelles et sociologiques qu’on pouvait en donner. Le symptôme le plus fort était le côté délirant et abusif du discours qui accompagnait et accompagne toujours la “protestation”. Je pense notamment à l’évocation aberrante d’une menace de “dictature” qui planerait sur la “démocratie israélienne”. Je pense aussi à l’incitation à la guerre civile par des généraux à la retraite. 

Comme je ne trouvais pas dans les faits de réalités confirmant cette “menace”, je l’avais attribuée à un état de la psychologie collective. De récents faits nouveaux m’obligent à plus de précision, et à tenir compte également des erreurs politiques de certains membres de la coalition au pouvoir, notamment le caractère intempestif et massif de la proposition de loi sur la Réforme judiciaire, ou les expressions maladroites de députés de partis religieux, autant de dérapages qui ont nourri dans des esprits peu au faite des choses, la crainte de “la dictature” ! 

Un autre trait ne laissait pas d’inquiéter : l’absence d’un leadership responsable et reconnu comme tel, dirigeant et guidant la “protestation” au point de lui intimer un but, un ordre du jour, une modération si besoin était. Au contraire, on a pu avoir l’impression que les leaders improvisés qui haranguaient épisodiquement les foules étaient à la traîne des mots d’ordre émanant de la “protestation” (désormais la dénomination journalistique de ce mouvement), comme si celle-ci avait été un mouvement spontané surgi de la masse des citoyens, ce qui devait authentifier la crédibilité de ses demandes. Ces leaders se livrèrent au contraire à une surenchère de la radicalité, appelant à la guerre civile, à la rébellion, à la lutte armée…

Et pourtant au fur et à mesure de la répétition de la manifestation du samedi soir, il apparaissait que son déploiement n’était pas erratique mais construit et programmatique, organisé de main de maitre

Et pourtant au fur et à mesure de la répétition de la manifestation du samedi soir, il apparaissait que son déploiement n’était pas erratique mais construit et programmatique, organisé de main de maitre pour gérer de telles foules sur un long terme. De même, les happenings qui au fur et à mesure remplaçaient les slogans usés ne pouvaient pas avoir été improvisés. Qui donc les concevait et les promouvait ?

On commença à chercher le pourquoi du comment. Qui donc avait construit un tel scénario ? De même, manifestement des sommes d’argent très importantes nourrissaient ces manifestations. Qui avait payé pour cette masse de drapeaux, brandis comme pour cacher le véritable enjeu, antidémocratique et antinational de la protestation ? Qui a payé, paie, actuellement même, la campagne d’affichage municipal gigantesque qui couvre les rues des villes et des autoroutes, accusant la coalition des pires actes et désignant à la vindicte publique des députés et des ministres représentés comme des brigands ?  Derrière cette campagne, combien de cabinets publicitaires ont-ils été enrôlés ? Qui paie ? Qui décide des mots d’ordre ? 

On a évoqué le financement américain. Un article fort éclairant paru dans le magazine juif américain Tablet apporta des preuves d’un financement américain au sommet. On a évoqué aussi le milliardaire Soros, les habituelles ONG des “droits de l’homme”… C’est bien ce ce que donnaient à comprendre les slogans de la “protestation” en appelant à l’intervention de puissances occidentales pour sauver les Israéliens du fascisme. 

En un mot, tout nous disait qu’il y avait une direction à ce mouvement, dotée d’un budget considérable, et d’un projet politique, qui n’était pas apparente et qui construisait de toutes pièces un “mouvement” social, une manipulation idéologique des masses, en les inscrivant dans une série de happenings destinés à nourrir le théâtre de semaine en semaine : d’abord les HighTéchistes, puis les banquiers, puis les agences de notation, puis les réservistes, puis les pilotes, puis les religieux, puis les députés du Likoud et que sais-je encore, chaque jour une scène de théâtre nouvelle s’est ouverte dans un scénario qui devait montrer le démembrement pièce à pièce de l’Etat, du peuple juif, du sionisme, avec des appels de pied lancés à l’ennemi par ci par là, et l’appel au secours des Etats-Unis et de l’Europe.

Il ne faut pas négliger une pièce capitale de ce système de manipulation des foules : la complicité totale des médias qui mirent en forme le leurre de l’enjeu qui serait la réforme judiciaire  reconstruite dans le langage journalistique comme “coup d’Etat de régime” (en hébreu “hafikha mishtarite”), “renversement de régime”.

Aujourd’hui, nous savons désormais quelle est la source de ce grand théâtre aux scènes multiples

Aujourd’hui, nous savons désormais quelle est la source de ce grand théâtre aux scènes multiples. C’est un de ses fondateurs et principaux animateurs, un avocat connu, Gilead Scher, un proche d’Ehud Barak  qui en a révélé l’origine dans le podcast d’Amir Oren[2]. C’est autour de lui que la première réunion des instigateurs de la “protestation” [3] a eu lieu, deux semaines donc avant la formation du gouvernement sorti des urnes, C’est-à-dire trois semaines avant la proposition de loi sur la Réforme judiciaire présentée par le nouveau ministre de la justice Yariv Levin. La “protestation” était donc en marche avant même que la proposition de loi n’en ait été formulée ! 

Selon les dires de Gilead Scher, les sondages privés montraient que Natanyahou serait élu. Il fallait, pour ce groupe, se préparer à faire obstacle à cette élection qui n’annoncerait rien de bon sinon l’avènement d’un « gouvernement de l’”obscurité”. Il fallait réunir des forces et lever des fonds importants. Ce soir, le mardi 6 juin où j’écris ces lignes, nous apprenons qu’il y a un million cent mille shekels à dépenser. Ces personnalités sont, semble-t-il, proches du milieu du général à la retraite Ehud Barak dont les discours violents et radicaux, l’appel à la guerre civile ont été remarqués.

La manipulation de l’opinion visait à cacher sous le voile vertueux de la démocratie en danger un refus de reconnaître le verdict des urnes

Du calendrier de ce groupe de personnalités, il découle donc que le principe même de ce que l’on appela plus tard sous une forme trompeuse “la protestation” a précédé l’objet déclaré de cette dernière, à savoir: le danger de dictature et de totalitarisme que ferait peser sur Israël la réforme judiciaire projetée. La critique de cette dernière était donc un leurre pour tromper la galerie, agiter la foule sur la base de dangers autant irréels que terrifiants, accrédités par certains hommes politiques, des généraux, des gens d’autorité, de surcroît à la retraite, qui devaient donner le change et affoler les Israéliens moyens.

La manipulation de l’opinion visait à cacher sous le voile vertueux de la démocratie en danger un refus de reconnaître le verdict des urnes et le projet de mettre hors-jeu le Parlement démocratique et d’empêcher le pouvoir légalement élu de prendre en mains les affaires. La réunion de la coalition au pouvoir et de l’opposition chez le président de l’Etat, en vue d’un compromis, illustre clairement ce contournement du parlement et de la majorité des électeurs. Il prenait en otage le gouvernement nouvellement élu en agitant la rue et en l’accusant de fascisme et de totalitarisme…

A quelles fins ultimes ? Si je me réfère à l’histoire de l’élite de pouvoir israélienne, le but est toujours le même depuis Ben Gourion et le pouvoir travailliste des origines : récuser et délégitimer la droite israélienne et marginaliser le poids des électeurs d’origine sépharade, majoritaires, “soupçonnés” d’être à droite et proches du traditionalisme religieux, tenir à distance les secteurs religieux, et surtout conserver leur influence à toutes les élites qui se sont relayées au pouvoir depuis l’Etat travailliste, alors que ces élites ne représentent plus la majorité électorale, le tout enveloppé dans un emballage distingué et “démocratique”, quitte à se mettre sous la tutelle (imaginaire) d’un Occident imaginaire, mâtiné aujourd’hui de post-modernisme. 

Le vecteur de cette évolution a bien été la chasse à l’homme de plusieurs années menée contre Natanyahou, à l’occasion de multiples procès taillés sur mesure contre lui et qui plus ils avancent, plus ils dévoilent leurs irrégularités, leurs mensonges, le dévoiement du droit, de la police, du pouvoir judiciaire : un procès dont les médias ont fait une histoire à épisode, diffuse chaque soir depuis des années comme un feuilleton sur les écrans de télévision, montrant la collusion du pouvoir judiciaire et de police. C’est l’origine de la haine gratuite qui a rongé du dedans le peuple israélien, des hommes politiques jaloux de Natanyahou et qui a vu le pouvoir judiciaire prendre en otage le système politique au fil d’une élection presque tous les ans.

Il ne leur reste plus qu’à se joindre au BDS palestinien

Quel peut être l’avenir de ce mouvement qui est, semble-t-il, à bout de souffle ? Sa seule action aujourd’hui est la violence, battre, invectiver des passants orthodoxes dans la rue, harceler les députés de la coalition au pouvoir, dégrader toute cérémonie publique, travailler contre Israël à l’étranger. Il ne leur reste plus qu’à se joindre au BDS palestinien. 

Les spécialistes de sécurité sont inquiets : risque-t-on le meurtre de personnalités ? Il y a une telle violence et un tel délire ! On voit apparaître sur la scène une catégorie d’Israéliens inconnus auparavant qui sont les vrais animateurs de la guerre civile : Crime Minister, Akhim la neshek ! ( “Frères d’armes” en français : tout un programme). Pour les avoir vus à la TV, je dirais même qu’ils ont l’air inquiétant. Ils portent le rictus du nihilisme. On sent les anarchistes, les Black Blocks[4], une mouvance qu’on n‘a pas encore vraiment vue en Israël alors qu’on la retrouve dans plusieurs pays européens où ils ne se manifestent que pour détruire, pleins d’un ressentiment social violent. Israël semble ne pas échapper à un tel phénomène…
Le peuple juif se tient à un carrefour de son destin. La majorité silencieuse doit se ressaisir. Et il n’y a aucune fatalité !  

© Shmuel Trigano

Shmuel Trigano est Professeur émérite des Universités


Notes

[1] Quatre articles parus sur Tribune juive et que l’on trouve aussi sur Menora.fr

“La crise israélienne” (30 janvier) “Que se passe-t-il en Israël ? Un putsch “démocratique” ?  (1er Février), https://www.tribunejuive.info/2023/01/28/shmuel-trigano-que-se-passe-t-il-en-israel-un-putsch-democratique/

“Les israélites israéliens…” (13 février) “Démocratie ou théocratie judicaire ?” (16 février)https://www.tribunejuive.info/2023/02/14/shmuel-trigano-democratie-ou-theocratie-judiciaire/

[2] Afarkasete Amir Oren avec Gilad Scher, le 28 mai à 11h 35

https://rotter.net/forum/scoops1/797464.shtml

[3] Tout d’abord Guilead Scher, Yossi Kutshik, Dany Halouts,le milliardaire  Orni Petroushka. Puis deux semaines après Edna Zilber, Shikma Bresler, Ilan  Shiloakh  Amos Malka, Yehuda Adar pour la logistique qui nomma Eran Schwartz pour la mise en pratique (directeur du “QG de la lutte”), Eyal Navé ,en charge ( !) de la protestation des réservistes), Mital Levi Tal ( QG du HighTech)

[4] Le terme désigne un mouvement radical et violent né à Berlin dans les années 1980 dans les milieux anarchistes et autonomistes. De noir vêtus et cagoulés, ils se confrontant à la police lors de manifestations publiques.

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La religion progressiste contre la Torah d’Israël (I)

June 4 2023, 13:08pm

Posted by Pierre Lurçat

La religion progressiste contre la Torah d’Israël (I)

 

Comme l’écrivait récemment Ariel Shenbal dans les colonnes de Makor Rishon, les manifestants qui défilent en Israël contre le gouvernement et contre les ‘Harédim sont pour la plupart des Juifs ‘hilonim (laïques), qui ont rejeté le “joug de la Torah et des mitsvot”. Il n’est pas anodin qu’un des slogans qu’on retrouve dans les manifestations et sur les autocollants soit “Hofshi beArtsenou” (libre dans notre pays), deux mots tirés de l’hymne national d’Israël mais détournés de leur sens original. La Tikva parle en effet d’être “un peuple libre sur sa terre, la terre de Sion et de Jérusalem”, la liberté étant synonyme d’indépendance et non pas de rejet de la Torah.

 

Mais ces manifestants, observe Shenbal, ont en fait rejeté la Torah d’Israël pour adopter une nouvelle religion, celle du progressisme. “Il s’avère que cette nouvelle religion ressemble à toutes les autres”, poursuit-il. “Elle a ses rabbins (et même ses rabbanit), ses rituels et même ses punitions pour ceux qui prétendent quitter ses rangs”. L’observation est juste et elle rejoint le constat fait il y a déjà plus d’un siècle par un écrivain russe, qui remarquait que les Juifs communistes se comportaient avec un zèle religieux.

 

Si l’on développe la comparaison établie par Ariel Shenbal, on constate en effet que les manifestations à Tel-Aviv et ailleurs ont bien un caractère quasi-religieux, qu’on peut déceler notamment dans le caractère rituel des rendez-vous instaurés chaque samedi soir, boulevard Kaplan à Tel-Aviv ou près de la résidence du président à Jérusalem, rendez-vous auxquels les manifestants se rendent, portant leur drapeau et leurs pancartes, de manière régulière et quasi-religieuse, comme s’il s’agissait d’un commandement divin.

 

Parmi les autres rituels développés autour des manifestations, mentionnons les cris de “Boucha !” (Honte !) ou de “Demokratia !”, scandés et répétés avec une ferveur qui confine parfois à l’extase. Les rites “expiatoires” consistant à scander les noms d’hommes politiques particulièrement honnis, comme ceux de Yariv Levin ou de Simha Rothman, comme s’il s’agissait non seulement de les vouer aux gémonies, mais de les “maudire” au nom de la religion progressiste.

 

Cette religion progressiste a aussi ses “livres religieux”. J’ai pu ainsi consulter deux “Haggadot” rédigées à l’occasion de Pessah, comportant un florilège de textes écrits par des écrivains, des militants et des dirigeants politiques. Ce qui caractérise ces Haggadot, si l’on les compare aux “Haggadot” israéliennes classiques utilisées jadis dans les kibboutz, est le caractère à la fois “laïc” de leur inspiration et le zèle quasi-religieux qui les anime.

 

Mais ce ne sont là que les aspects les plus anodins – et inoffensifs – de cette religion progressiste. Comme toutes les religions, elle a aussi ses courants plus radicaux et sectaires. Ceux-ci prennent la forme, dans les manifestations anti-gouvernementales des derniers mois, de protestations plus extrêmes, dirigées contre les membres du gouvernement, leurs familles et leurs partisans, ou contre l’ensemble du public juif orthodoxe (comme ce couple agressé dans sa voiture).

 

Un exemple récent nous a été donné ce shabbat par l’agression du député Simha Rothman à New York par un groupe de manifestants israélo-américains, qui l’ont harcelé dans la rue, alors qu’il se promenait avec son épouse. Quand l’organisatrice de la manifestation a été interrogée à la radio israélienne pour expliquer la motivation de son agression, elle a dit tout simplement que c’était un “devoir de s’opposer à ceux qui transforment Israël en dictature”... Elle a même été jusqu’à porter plainte contre le député Rothman, accusé de s’être défendu contre ses agresseurs (plainte qui a été classée par la police de New-York).

 

Dans l’esprit des adeptes de la religion progressiste, il n’y a de place pour le moindre doute. Leur religion leur enjoint de combattre le gouvernement démocratiquement élu d’Israël par tous les moyens, y compris violents… Dans la suite de cet article, nous nous tenterons de comprendre qui sont les “prêtres” de cette religion progressiste en Israël. (à suivre)

P. Lurçat

 

 

NB Je donnerai une conférence sur mon dernier livre lundi 5 juin 2023 à l’espace francophone d’Ashdod à 19h00.

La religion progressiste contre la Torah d’Israël (I)

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