Overblog
Follow this blog Administration + Create my blog
VudeJerusalem.over-blog.com

shmuel trigano

Shmuel Trigano. La crise israélienne. Essai d’analyse

July 28 2023, 07:36am

Posted by Shmuel Trigano

Shmuel Trigano. La crise israélienne. Essai d’analyse

Je reproduis ici l'analyse lumineuse de la crise israélienne par Shmuel Trigano. P.L.

Comment définirait-on objectivement sous tous les cieux le fait qu’un nombre important de pilotes réservistes de l’armée de l’air déclarent qu’ils opteraient pour un statut d’objecteurs de conscience si le gouvernement légal et légitime franchissait une certaine ligne rouge, par eux définie?

Formellement, cette mise en demeure serait tenue pour l’ultimatum politique à l’adresse de l’Etat d’un corps de de l’armée de l’air. Cela s’appelle, un putsch comme on en voit toujours en Afrique noire ou en Amérique latine. L’armée ou l’une de ses composantes prend le pouvoir et dicte sa politique au gouvernement. C’est toujours le prologue d’un régime dictatorial à venir.

Une junte putschiste ?

Dans notre cas, quelle figure politique donne un visage à cette dictature potentielle car il y a toujours une incarnation du pouvoir dans une dictature? Dans le cas d’Israël, plusieurs généraux, chefs du renseignement, deux chefs d’États, tous à la retraite et n’ayant rencontré que l’échec en politique électorale, appellent explicitement depuis des semaines à renverser un pouvoir issu des élections et du parlement, mais qu’ils tiennent pour illégitime, jusqu’à envisager de « verser le sang », Même si ces personnalités n’apparaissent pas sur la scène systématiquement, même si elles ne sont pas les leaders officiels du mouvement qui secoue la société israélienne, il y a donc objectivement, formellement, une junte potentielle qui demain pourrait haranguer la foule en dictateurs. Parmi ces généraux, au bout de plusieurs mois d’agitation, émerge avec clarté la figure d’Ehud Barak, ancien chef d’Etat major et ex premier ministre.

L’objectif de ces « ex » est motivé avant tout, dans leurs dires mêmes, par une haine personnelle de Natanyahou dans laquelle ils ont entrainé le pays depuis plusieurs années. Cependant, leurs anciennes fonctions confèrent une crédibilité au jugement qu’ils portent sur la situation, soit le danger d’une dictature de la droite et de Natanyahou.

Ce qui est troublant, c’est de constater que ces personnalités appelant à la désobéissance civile n’ont encouru aucune mise en garde des autorités judiciaires et policières, avouant ainsi par les faits leur connivence avec les fauteurs de trouble. La comparaison est souvent faite avec le traitement violent d’autres manifestations du passé, comme celle qui a accompagné le retrait de Gaza, la manifestation contre la discrimination des Juifs éthiopiens, des ultra-orthodoxes… Police, justice, médias (armée ?) ont donné à entendre dans ces jours de chaos qu’ils représentaient plus la « Protestation » que l’Etat… Le seul aéroport d’Israël a pu ainsi être bloqué deux fois, les voies rapides autour de Tel Aviv plusieurs fois, etc…

Un « Quartier général » ?

Sur le plan du pouvoir intrinsèque du mouvement qui porte « La Protestation », il est apparu au fil du temps que ce qui se présentait comme le mouvement spontané de citoyens inquiets était en fait mis en œuvre par un « quartier général», composé d’associations dites de la « société civile », de personnalités,  souvent riches et influentes (dont Ehud Barak), de publicitaires, d’agents de relations publiques dont les produits (achetés par la protestation) couvrent les routes et les rues de tout Israël, sans compter les soutiens financiers considérables provenant d’ONG et de forces  politiques étrangères. Ces activistes ont fait preuve d’une grande performance dans l’organisation et la prise en mains idéologique d’une grande masse de population.

L’intervention étrangère (dans le financement de la Protestation) pose déjà question sur ses finalités : quels pouvoirs sert-elle ? Sans doute (sans rire) la « démocratie » ! Ce dernier point n’est pas risible si l’on pense à la politique commencée par Georges Bush dont le projet était d’intervenir en faveur de l’extension de la « démocratie » dans le monde[1]. Si tel était le cas (la manipulation étrangère) on aurait du mal à voir dans la « protestation » un phénomène « démocratique » authentique. Par ailleurs l’intervention de l’Etat américain dans le débat sur la Réforme judiciaire est évidente à tout le monde. Biden veut-il « occuper » Natanyahou pour qu’il ne dérange pas terme son pacte avec l’Iran nucléaire ?

Je remarque qu’il y a dans le groupe qui gère et dirige « la protestation » une tentation au passage à l’acte sur le plan de l’action, j’entends la « rébellion », la « guerre civile », sans cesse agitées comme une menace. Le groupement dénommé « Frères d’armes », parmi les leaders, porte dans son nom même tout un programme, de même la « Force Kaplan » (Koakh Kaplan) du nom de l’esplanade de Tel Aviv où la Protestation se réunit chaque semaine se donne l’aspect d’une force d’intervention au service du Q.G.

Dans cette description, il est capital de rappeler le rôle des grands médias : ils ont accrédité la « Protestation », prenant parti à son avantage, excluant du débat les représentants de la coalition au pouvoir, fait circuler les mots d’ordre des organisateurs…. L’étude du discours médiatique sera sans doute faite dans l’avenir. Ce sont ces médias qui ont dressé l’ordre du jour, la terminologie du débat (ou de son absence), et se sont posés comme le barème du jugement moral. Le fait qu’au lendemain du vote de la Loi au parlement tous les journaux aient vendu leur première page aux barons du High Tech (à quel prix !) pour publier une page entièrement noire, en signe de « deuil », est le signe éclatant que la presse écrite a renoncé à son rôle journalistique dans le débat démocratique contre espèces sonnantes et trébuchantes.

Les formes idéologiques : la Réforme comme leurre

A l’examen, ce n’est pas la réforme juridique qui est en jeu. Si elle est la cause déclarée du soulèvement, le débat à son propos est quasiment inexistant et on peut être sûr que le citoyen lambda qui manifeste contre elle ne l’a pas lue et ne sait pas pourquoi il manifeste si ce n’est pour ce qu’on lui a dit (les médias) être en jeu. Il manifeste avec la dernière énergie contre la « dictature » en puissance. Les slogans de chaque semaine montrent aussi clairement que ce n’est pas la réforme qui est en jeu. Chaque semaine un autre sujet est avancé : le High Tech, la médecine, les orthodoxes, l’éducation, la place du judaïsme…

En un mot la Réforme cache la réalité de cette opération politique, soit l’empêchement du fonctionnement du gouvernement de NatanyahouElle est un leurre qui détourne le regard de ce qui est à l’œuvre : une prise de pouvoir non démocratique, au nom de la démocratie. Le projet de réforme en plusieurs étapes fournit aussi un critère de mesure de l’intensité de l’action à programmer au fil de chaque étape. Autant d’occasions d’une montée en puissance de la protestation, de lignes rouges à ne pas franchir…

 
Au fur et à mesure des semaines les organisateurs de la protestation donnent un aperçu du démantèlement de l’Etat qu’ils sont capables de réaliser (économie, High Tech, médecine, etc).  C’est un dispositif très machiavélique qui a pour finalité d’abattre le pouvoir de l’Etat en le ficelant dans les dispositifs de la réforme, déclinée dans tous les domaines (jusqu’aux médecins !!) tout en menaçant le public d’un danger invraisemblable et pas du tout crédible pour qui vit en Israël, soit la « dictature ». L’énormité de la menace ne repose sur aucun fondement rationnel de sorte que l’observateur ne peut que rester sans voix devant cette disproportion. La manipulation plonge le public dans un état psychique de sidération.

L’idéologie de la protestation est donc marquée – propre de tout fait idéologique- par un décalage abyssal entre ses affirmations et la réalité objective, tant en ce qui concerne la portée de la réforme que le danger supposé encouru. J’ai une scène en mémoire : le tonnerre d’applaudissements qui a suivi la présentation par les pilotes de leur pétition dans un auditorium: ils applaudissent à la défaite militaire  programmée de leur pays à laquelle leurs familles et eux-mêmes n’échapperont pas! 

La panique et la masse

La vraie question sociologique qui est posée est donc moins celle de la manipulation idéologique, dont les structures et processus nous sont clairs, que celle de la panique qu’elle a déclenchée et de la foule qu’elle a réunie, une foule où l’on vient en famille, où se mêlent des enfants, une foule angoissée par le « récit » (le story telling fabriqué par le QG) radical qu’on lui a servi. Qu’est-ce qui, dans la société israélienne, a fait qu’un terrain soit favorable à cette manipulation ? Il y a des traits de la psychologie des masses qui entrent en compte mais plus vraisemblablement le rapport à soi des individus de « l’Etat de Tel Aviv », comme peuple et cadre de socialité.  On opposait, autrefois dans le débat sur le postsionisme, deux versions d’Israël : l’Etat de Tel Aviv et l’Etat de Jérusalem. Ce sont les fondements l’Etat qui sont en jeu. On a pu voir ainsi se manifester dans les parages de la manifestation des formes stupéfiantes de haine des Juifs, de ceux qui portent les signes de leur mode de vie, stupéfiante, sous la mer de drapeaux d’Israël massivement agités.

Je n’écarte pas de cet état de faits l’impact de 5 ans de crises gouvernementales scandés par les procès de Natanyahou, qui ont constitué au niveau de toute une société un véritable rituel quotidien du bouc émissaire. Aujourd’hui ces procès pour corruption, mis en scène chaque soir par les télévisions, s’effondrent un par un, révélant la responsabilité écrasante des autorités judiciaires et policières qui ont instruit le dossier. Les promoteurs de la Protestation ont su sans doute les provoquer de longue date et les entretenir au fil de plusieurs années en préparation du moment présent comme le donne à entendre Ehud Barak dans une récente révélation (où un général lui prédisait qu’après son échec électoral on viendrait un jour le chercher (pour sauver Israël), quand le Yarkon charrierait des corps de Juifs » !

Nous connaissons cette stratégie en France que je nommerais le « coup Le Pen », une stratégie inventée par Mitterrand pour garder le pouvoir à une gauche déclinante. Elle consiste à écarter un vote prévisible à droite en enfermant l’électorat dans un choix forcé : « ou vous votez pour moi, ou vous aurez le fascisme ». Cette stratégie a pulvérisé le système politique français, entrainant un véritable chaos partisan. Le président français actuel n’est au pouvoir que parce qu’il a réitéré ce bluff : au pouvoir, sans majorité avec, au parlement, une extrême gauche postmoderniste, elle-même issue de la décomposition du socialisme. Le « coup Le Pen « en Israël s’est donné plus qu’un « Le Pen » : à Natanyahou il a rajouté deux autres épouvantails, les députés Ben Gvir et Smotrich, agitant leur spectre jusqu’aux États Unis, une opération qui permet d’annuler les résultats des élections et la « respectabilité » de la coalition dont ces députés sont membres, et donc d’entraver l’action du gouvernement. Il n’y aura ainsi peut-être pas de garde nationale que promouvait Ben Gvir pour rétablir l’autorité de l’Etat dans le territoire israélien, que ce soit dans le Negev avec le « far west » de la population bédouine, en Galilée avec la criminalité inter-arabe et l’expansion de la mafia et du système de la « protection », à Jérusalem et en Judée Samarie avec les attentats islamistes. La police et l’armée s’avèrent jusqu’à ce jour incapables de contenir et corriger cette décomposition. J’oubliais la menace d’un « Front intérieur », c’est à dire d’une révolte arabe en temps de guerre avec Gaza ou avec le Hezbollah. C’est de cette situation qu’a hérité la coalition de droite au pouvoir et que « la protestation » veut entretenir objectivement.  Il faudrait d’ailleurs impliquer dans cette analyse le rôle qu’a joué la Cour suprême dans les limites qu’elle a imposé au pouvoir exécutif dans sa capacité de pouvoir s’affronter comme il faut à une situation de désagrégation de l’Etat et de la sécurité collective. Quelle compétence a la Cour suprême pour intervenir dans le domaine régalien et la stratégie du gouvernement élu ?

La base sociale

Il est évident que la base sociale de la Protestation rassemble une bonne partie des élites socio-économiques et politiques. C’est la manifestation des « gens bien ».  Leurs représentants viennent faire leur tour de piste successivement : les milliardaires du High Tech qui menacent de retirer leur capital des banques israéliennes, les médecins qui annulent les rendez-vous médicaux des quidam mais pas leurs heures de réception prohibitives dans le « privé », les dirigeants de grands réseaux de distribution qui décident de fermer les grands centres commerciaux (comme le réseau Big, obligeant leurs employés au chômage), les directeurs de banque, sans oublier les Universités, les Officiers de l’armée de l’air… L’underdog israélien est absent dans cette foule obnubilée par un danger qu’elle croit imminent. Lui, il va au travail, à l’École et il comprend que son vote (64 députés sur 120) ne sert à rien s’il n’est pas mis en tutelle par ceux qui se recommandent de la gauche ( ?!). Son accession au pouvoir est présentée comme le triomphe de l’obscurantisme, de l’oppression, de l’archaïsme: le contraire de la « démocratie ». Ses journalistes, ses députés, ses citoyens sont malmenés quoiqu’ils fassent. Mais, pour l’instant, pas de rébellion, ils assistent stupéfaits à ce délire collectif que rien de rationnel ne justifie et dans la majeure partie témoignent de beaucoup de circonspection. La droite n’a organisé à ce jour que deux grandes manifestations. Sans doute a joué la conscience du peuple juif dans lequel ils comptent naturellement ceux qui aujourd’hui les stigmatisent et cherchent à annuler leur vote en les délégitimant dans leur condition même. Il y aurait encore beaucoup à dire sur une autre ligne de conflits sociaux dans la société israélienne, notamment en rapport avec la branche sépharade du peuple juif, un conflit non pas ethnique mais opposant deux visions civilisationnelles de ce que doit promettre l’accès à la condition souveraine du peuple juif. 

Avant et après

Quelle que soit la suite des événements, rien ne sera plus comme avant : le statut du pouvoir exécutif et donc du Parlement d’où il est issu a été ébranlé. Demain, n’importe quel groupe ou formation sociale voudra poser ses conditions à l’Etat en le menaçant. Le système mafieux de la « protection » qui fait actuellement des ravages en Israël notamment en Galilée et dans le Néguev gagnerait le système politique. Le verdict des urnes aura perdu toute respectabilité. C’est aussi l’armée dans son institution qui a été ébranlée avec la fronde des objecteurs. Deviendra-t-elle un pôle qui échappera à la volonté de l’Etat et deviendra un acteur politique?  L’Israël des colonels ?… C’est toute une partie des citoyens, les électeurs de la droite, qui risquent aussi de penser qu’ils ne sont pas égaux et ne sont pas des citoyens respectables. C’est leur vote majoritaire que la Protestation a voulu effacer et mettre en résidence surveillée. Le principe de majorité cèderait la place à des gouvernements d’« union nationale » obligeant la droite élue au partage de pouvoirs avec une gauche minoritaire qui ne serait ainsi jamais en minorité.

Le premier choc de la post-démocratie postmoderniste

Une autre dimension est à l’œuvre dans la crise israélienne: on y sent l’influence de la nouvelle idéologie dominante[2] qui décide aujourd’hui de l’ordre du jour dans tous les régimes démocratiques de l’Occident. Cette idéologie, le post modernisme, est née dans les milieux intellectuels français du marxisme finissant dans les années 1950-1970,  puis elle s’est développée dans les campus américains pour revenir ensuite inonder tous les pays démocratiques. Elle porte une nouvelle utopie de grande envergure, inquiétante quant à ses conséquences (voire toutes les idéologies secondaires et non « démocratiques » qu’elle a suscitées : Woke, décolonialisme, islamo-gauchisme…).

Cette idéologie, outre ses nombreuses répercussions, promeut un régime politique qu’on peut définir comme la post-démocratie.  Le « post » de la démocratie est significatif : ça ressemble à la démocratie mais ce n’est pas de la démocratie… A l’énumération de ses caractéristiques on mesurera à quel point l’emprise de cette idéologie explique la crise israélienne. Quels sont ses traits principaux ?

Son projet général est le démantèlement de la modernité dans tous ses aspects : la « déconstruction » de toutes ses instances (d’où le « post »), et avant tout de la nation qui fut le cadre même du régime démocratique. En l’occurrence, les appels à l’étranger (Etats-Unis comme Europe) contre le gouvernement national, dans le domaine politique comme économique, le démantèlement de l’armée avec la déclaration des pilotes alors qu’Israël est en temps de guerre larvée, la déclaration symptomatique d’un des chefs du mouvement (« le problème du Hezbollah n’est pas le mien mais celui de Natanyahou ») comme celle  du général (!) Yair Golan déclarant que le Hezbollah et le Hamas n’étaient pas les vrais ennemis d’Israël, soit le déni du destin national commun : autant de discours on ne peut plus explicites.

La post-démocratie oppose les minorités à la majorité, les droits de l’Homme aux droits du citoyen, la « différence » à l’égalité. C’est bien ce qui se passe dans notre cas : la Protestation  dénie la légitimité de la majorité qui a porté au pouvoir la coalition. Elle revendique de rester au pouvoir avec cette dernière qui aurait ainsi besoin du consentement de la minorité pour gouverner. C’est au nom de sa « différence » et pas de l’égalité démocratique qu’elle exige cela malgré son « échec aux élections. En essentialisant la démocratie elle se dit incarner celle-ci bien que minoritaire. Il n’y a ainsi plus de citoyens, mais des minorités qui doivent trouver un accord entre elles, certaines ayant plus de droits que d’autres. La démocratie n’est donc plus « représentative » mais participative. Son essence est censée l’emporter sur la procédure et les règles. Ainsi une force politique pourrait incarner « La démocratie » tout en se dispensant du processus démocratique. On voit alors apparaitre de nouveaux acteurs que qui contestent la souveraineté de l’Etat démocratique : les ONG, libres d’intervenir contre l’Etat par le biais du pouvoir judiciaire (la Cour suprême), fussent-elles manipulées par les États étrangers ou des groupes d’intérêt. Cette nouvelle donne s’accompagne du court-circuitage du pouvoir de l’Etat et du parlement. Dans l’ère de la globalisation, le cadre national étatique s’efface dans une supposée « communauté internationale ». Le parlement et l’exécutif s’efface devant le pouvoir judiciaire appelé à forger les nouvelles normes dans  la condition humaine elle-même (cf. le « transhumanisme »). Dans la démocratie, la loi vient du peuple et le pouvoir judiciaire l’applique, dans la post-démocratie le pouvoir judiciaire décide en dernier recours de la Loi. Une sorte de « théocratie judiciaire » se crée, dans laquelle les décisions des juges comme la loi semblent descendre du ciel et s’imposer au parlement ; Dans le cas israélien le « principe de raisonnabilité qui vient d’être annulé autorisait le juge à décider en fonction de ce qu’il estime « raisonnable » et non d’une loi ou du droit.

La dimension juive

C’est la seule dimension que je ne traiterai pas dans ce cadre. Je dirais que, sur un plan global, nous assistons à une régression à l’ethos du 19 ème siècle, d’avant le sionisme, une condition juive engloutie dans la Shoah et à laquelle le sionisme politique avait ouvert une voie de salut (qui s’avère aujourd’hui limitée dans le temps). Un nouveau projet existentiel pour le peuple juif dans son pays et son Etat s’impose qui clarifiera la nature et la finalité de la communauté politique étatique et nationale israélienne, et notamment le statut du judaïsme.

Demain se verront sans doute mis en question par la protestation deux autres secteurs de population : le secteur religieux et ultra-orthodoxe (à propos de la conscription de cette population) puis plus tard les Israéliens de Judée Samarie (à travers la question de la prise en charge de leur défense par Tsahal).

Mais le chaos constitutionnel n’est pas clos. Dès le lendemain du vote de la loi sur la raisonnabilité, par le Parlement sept associations de la supposée « société civile », en fait les organisateurs de la protestation, ont présenté devant la Cour suprême des pétitions demandant l’annulation de la loi votée par le Parlement pour in-constitutionalité. La conseillère juridique du gouvernement vient aussi relancer la question de l’empêchement de Natanyahou à exercer pleinement ses fonctions du fait des procès en cours qui le concernent… Le clash du pouvoir exécutif et judiciaire est déjà programmé.

© Shmuel Trigano

Shmuel Trigano est Professeur émérite des Universités


Notes

[1] Les « printemps arabes » en furent la marque (notamment la chute de Moubarack en Egypte, pourtant allié des Américains «; voir sue ces questions l’article de Lee Smith dans la revue Tablet (https://www.tabletmag.com/contributors/lee-smith)

[2] Cf. Shmuel Trigano, La nouvelle idéologie dominante, le post modernisme (Hermann Philosophie, 2012).  Prix 2013 des Impertinents du Figaro. Traduction hébraïque (ed. Carmel).

See comments

Shmuel Trigano. Du coup d’Etat au coup monté, cette fois-ci, on est fixé !

June 7 2023, 13:38pm

Posted by Shmuel Trigano

Shmuel Trigano. Du coup d’Etat au coup monté, cette fois-ci, on est fixé !

J’avais remarqué dans quelques textes[1] sur la crise israélienne qu’il restait un pan obscur, rebelle aux explications rationnelles et sociologiques qu’on pouvait en donner. Le symptôme le plus fort était le côté délirant et abusif du discours qui accompagnait et accompagne toujours la “protestation”. Je pense notamment à l’évocation aberrante d’une menace de “dictature” qui planerait sur la “démocratie israélienne”. Je pense aussi à l’incitation à la guerre civile par des généraux à la retraite. 

Comme je ne trouvais pas dans les faits de réalités confirmant cette “menace”, je l’avais attribuée à un état de la psychologie collective. De récents faits nouveaux m’obligent à plus de précision, et à tenir compte également des erreurs politiques de certains membres de la coalition au pouvoir, notamment le caractère intempestif et massif de la proposition de loi sur la Réforme judiciaire, ou les expressions maladroites de députés de partis religieux, autant de dérapages qui ont nourri dans des esprits peu au faite des choses, la crainte de “la dictature” ! 

Un autre trait ne laissait pas d’inquiéter : l’absence d’un leadership responsable et reconnu comme tel, dirigeant et guidant la “protestation” au point de lui intimer un but, un ordre du jour, une modération si besoin était. Au contraire, on a pu avoir l’impression que les leaders improvisés qui haranguaient épisodiquement les foules étaient à la traîne des mots d’ordre émanant de la “protestation” (désormais la dénomination journalistique de ce mouvement), comme si celle-ci avait été un mouvement spontané surgi de la masse des citoyens, ce qui devait authentifier la crédibilité de ses demandes. Ces leaders se livrèrent au contraire à une surenchère de la radicalité, appelant à la guerre civile, à la rébellion, à la lutte armée…

Et pourtant au fur et à mesure de la répétition de la manifestation du samedi soir, il apparaissait que son déploiement n’était pas erratique mais construit et programmatique, organisé de main de maitre

Et pourtant au fur et à mesure de la répétition de la manifestation du samedi soir, il apparaissait que son déploiement n’était pas erratique mais construit et programmatique, organisé de main de maitre pour gérer de telles foules sur un long terme. De même, les happenings qui au fur et à mesure remplaçaient les slogans usés ne pouvaient pas avoir été improvisés. Qui donc les concevait et les promouvait ?

On commença à chercher le pourquoi du comment. Qui donc avait construit un tel scénario ? De même, manifestement des sommes d’argent très importantes nourrissaient ces manifestations. Qui avait payé pour cette masse de drapeaux, brandis comme pour cacher le véritable enjeu, antidémocratique et antinational de la protestation ? Qui a payé, paie, actuellement même, la campagne d’affichage municipal gigantesque qui couvre les rues des villes et des autoroutes, accusant la coalition des pires actes et désignant à la vindicte publique des députés et des ministres représentés comme des brigands ?  Derrière cette campagne, combien de cabinets publicitaires ont-ils été enrôlés ? Qui paie ? Qui décide des mots d’ordre ? 

On a évoqué le financement américain. Un article fort éclairant paru dans le magazine juif américain Tablet apporta des preuves d’un financement américain au sommet. On a évoqué aussi le milliardaire Soros, les habituelles ONG des “droits de l’homme”… C’est bien ce ce que donnaient à comprendre les slogans de la “protestation” en appelant à l’intervention de puissances occidentales pour sauver les Israéliens du fascisme. 

En un mot, tout nous disait qu’il y avait une direction à ce mouvement, dotée d’un budget considérable, et d’un projet politique, qui n’était pas apparente et qui construisait de toutes pièces un “mouvement” social, une manipulation idéologique des masses, en les inscrivant dans une série de happenings destinés à nourrir le théâtre de semaine en semaine : d’abord les HighTéchistes, puis les banquiers, puis les agences de notation, puis les réservistes, puis les pilotes, puis les religieux, puis les députés du Likoud et que sais-je encore, chaque jour une scène de théâtre nouvelle s’est ouverte dans un scénario qui devait montrer le démembrement pièce à pièce de l’Etat, du peuple juif, du sionisme, avec des appels de pied lancés à l’ennemi par ci par là, et l’appel au secours des Etats-Unis et de l’Europe.

Il ne faut pas négliger une pièce capitale de ce système de manipulation des foules : la complicité totale des médias qui mirent en forme le leurre de l’enjeu qui serait la réforme judiciaire  reconstruite dans le langage journalistique comme “coup d’Etat de régime” (en hébreu “hafikha mishtarite”), “renversement de régime”.

Aujourd’hui, nous savons désormais quelle est la source de ce grand théâtre aux scènes multiples

Aujourd’hui, nous savons désormais quelle est la source de ce grand théâtre aux scènes multiples. C’est un de ses fondateurs et principaux animateurs, un avocat connu, Gilead Scher, un proche d’Ehud Barak  qui en a révélé l’origine dans le podcast d’Amir Oren[2]. C’est autour de lui que la première réunion des instigateurs de la “protestation” [3] a eu lieu, deux semaines donc avant la formation du gouvernement sorti des urnes, C’est-à-dire trois semaines avant la proposition de loi sur la Réforme judiciaire présentée par le nouveau ministre de la justice Yariv Levin. La “protestation” était donc en marche avant même que la proposition de loi n’en ait été formulée ! 

Selon les dires de Gilead Scher, les sondages privés montraient que Natanyahou serait élu. Il fallait, pour ce groupe, se préparer à faire obstacle à cette élection qui n’annoncerait rien de bon sinon l’avènement d’un « gouvernement de l’”obscurité”. Il fallait réunir des forces et lever des fonds importants. Ce soir, le mardi 6 juin où j’écris ces lignes, nous apprenons qu’il y a un million cent mille shekels à dépenser. Ces personnalités sont, semble-t-il, proches du milieu du général à la retraite Ehud Barak dont les discours violents et radicaux, l’appel à la guerre civile ont été remarqués.

La manipulation de l’opinion visait à cacher sous le voile vertueux de la démocratie en danger un refus de reconnaître le verdict des urnes

Du calendrier de ce groupe de personnalités, il découle donc que le principe même de ce que l’on appela plus tard sous une forme trompeuse “la protestation” a précédé l’objet déclaré de cette dernière, à savoir: le danger de dictature et de totalitarisme que ferait peser sur Israël la réforme judiciaire projetée. La critique de cette dernière était donc un leurre pour tromper la galerie, agiter la foule sur la base de dangers autant irréels que terrifiants, accrédités par certains hommes politiques, des généraux, des gens d’autorité, de surcroît à la retraite, qui devaient donner le change et affoler les Israéliens moyens.

La manipulation de l’opinion visait à cacher sous le voile vertueux de la démocratie en danger un refus de reconnaître le verdict des urnes et le projet de mettre hors-jeu le Parlement démocratique et d’empêcher le pouvoir légalement élu de prendre en mains les affaires. La réunion de la coalition au pouvoir et de l’opposition chez le président de l’Etat, en vue d’un compromis, illustre clairement ce contournement du parlement et de la majorité des électeurs. Il prenait en otage le gouvernement nouvellement élu en agitant la rue et en l’accusant de fascisme et de totalitarisme…

A quelles fins ultimes ? Si je me réfère à l’histoire de l’élite de pouvoir israélienne, le but est toujours le même depuis Ben Gourion et le pouvoir travailliste des origines : récuser et délégitimer la droite israélienne et marginaliser le poids des électeurs d’origine sépharade, majoritaires, “soupçonnés” d’être à droite et proches du traditionalisme religieux, tenir à distance les secteurs religieux, et surtout conserver leur influence à toutes les élites qui se sont relayées au pouvoir depuis l’Etat travailliste, alors que ces élites ne représentent plus la majorité électorale, le tout enveloppé dans un emballage distingué et “démocratique”, quitte à se mettre sous la tutelle (imaginaire) d’un Occident imaginaire, mâtiné aujourd’hui de post-modernisme. 

Le vecteur de cette évolution a bien été la chasse à l’homme de plusieurs années menée contre Natanyahou, à l’occasion de multiples procès taillés sur mesure contre lui et qui plus ils avancent, plus ils dévoilent leurs irrégularités, leurs mensonges, le dévoiement du droit, de la police, du pouvoir judiciaire : un procès dont les médias ont fait une histoire à épisode, diffuse chaque soir depuis des années comme un feuilleton sur les écrans de télévision, montrant la collusion du pouvoir judiciaire et de police. C’est l’origine de la haine gratuite qui a rongé du dedans le peuple israélien, des hommes politiques jaloux de Natanyahou et qui a vu le pouvoir judiciaire prendre en otage le système politique au fil d’une élection presque tous les ans.

Il ne leur reste plus qu’à se joindre au BDS palestinien

Quel peut être l’avenir de ce mouvement qui est, semble-t-il, à bout de souffle ? Sa seule action aujourd’hui est la violence, battre, invectiver des passants orthodoxes dans la rue, harceler les députés de la coalition au pouvoir, dégrader toute cérémonie publique, travailler contre Israël à l’étranger. Il ne leur reste plus qu’à se joindre au BDS palestinien. 

Les spécialistes de sécurité sont inquiets : risque-t-on le meurtre de personnalités ? Il y a une telle violence et un tel délire ! On voit apparaître sur la scène une catégorie d’Israéliens inconnus auparavant qui sont les vrais animateurs de la guerre civile : Crime Minister, Akhim la neshek ! ( “Frères d’armes” en français : tout un programme). Pour les avoir vus à la TV, je dirais même qu’ils ont l’air inquiétant. Ils portent le rictus du nihilisme. On sent les anarchistes, les Black Blocks[4], une mouvance qu’on n‘a pas encore vraiment vue en Israël alors qu’on la retrouve dans plusieurs pays européens où ils ne se manifestent que pour détruire, pleins d’un ressentiment social violent. Israël semble ne pas échapper à un tel phénomène…
Le peuple juif se tient à un carrefour de son destin. La majorité silencieuse doit se ressaisir. Et il n’y a aucune fatalité !  

© Shmuel Trigano

Shmuel Trigano est Professeur émérite des Universités


Notes

[1] Quatre articles parus sur Tribune juive et que l’on trouve aussi sur Menora.fr

“La crise israélienne” (30 janvier) “Que se passe-t-il en Israël ? Un putsch “démocratique” ?  (1er Février), https://www.tribunejuive.info/2023/01/28/shmuel-trigano-que-se-passe-t-il-en-israel-un-putsch-democratique/

“Les israélites israéliens…” (13 février) “Démocratie ou théocratie judicaire ?” (16 février)https://www.tribunejuive.info/2023/02/14/shmuel-trigano-democratie-ou-theocratie-judiciaire/

[2] Afarkasete Amir Oren avec Gilad Scher, le 28 mai à 11h 35

https://rotter.net/forum/scoops1/797464.shtml

[3] Tout d’abord Guilead Scher, Yossi Kutshik, Dany Halouts,le milliardaire  Orni Petroushka. Puis deux semaines après Edna Zilber, Shikma Bresler, Ilan  Shiloakh  Amos Malka, Yehuda Adar pour la logistique qui nomma Eran Schwartz pour la mise en pratique (directeur du “QG de la lutte”), Eyal Navé ,en charge ( !) de la protestation des réservistes), Mital Levi Tal ( QG du HighTech)

[4] Le terme désigne un mouvement radical et violent né à Berlin dans les années 1980 dans les milieux anarchistes et autonomistes. De noir vêtus et cagoulés, ils se confrontant à la police lors de manifestations publiques.

See comments

Le “signe juif” au cœur de la campagne présidentielle?, Pierre Lurçat

January 25 2022, 13:54pm

Posted by Pierre Lurçat

Emmanuel Macron aux côtés de Benjamin Stora, de Jack Lang et du rabbin Korsia lors de l’inauguration de l’exposition à l’IMA

Emmanuel Macron aux côtés de Benjamin Stora, de Jack Lang et du rabbin Korsia lors de l’inauguration de l’exposition à l’IMA

 

Dans un article publié il y a une vingtaine d’années[1], le sociologue Shmuel Trigano analysait ce qu’il qualifiait de “signe juif de la politique française”, défini comme l’utilisation de la Shoah et du signe juif en général, à des fins politiques et politiciennes. “L'invocation répétée de la Shoah, source de moralisation universelle”, expliquait-il, “a contribué à la naissance d'un nouveau sacré qui a conféré au signe juif une valeur éthique absolue. Simultanément, la citoyenneté du juif français s'est vue construite comme modèle de l'intégration républicaine (I'envers de Vichy) offert en exemple aux immigrés : le signe juif, symbole de la République. Ces deux figures sont nées sans doute en écho au refoulé de l'Occupation dans la mémoire collective et à I'inquiétude née d'une immigration massive”.

 

Vingt ans plus tard, cette analyse n’a pas pris une ride. Au contraire : les récentes déclarations du président-candidat Emmanuel Macron sur Vichy et les Juifs ou celles sur les “Juifs d’Orient” (titre d’une exposition qu’il a récemment inaugurée à l’Institut du Monde arabe) et les polémiques permanentes autour de propos du candidat Eric Zemmour sur les mêmes sujets montrent que le “signe juif” est, une fois de plus, un élément central de la politique française, placé au cœur de la campagne pour l’élection présidentielle.


Paradoxalement, comme le constatait Trigano à l’époque, ce “signe juif” ne coïncide pas nécessairement avec la condition vécue des Juifs. L’expérience des vingt dernières années montre qu’il ne coïncide pas du tout avec elle… Au contraire, on pourrait dire - et c’est l’hypothèse que nous voudrions avancer ici - que l’utilisation du signe juif est d’autant plus marquée et flagrante que leur condition réelle se dégrade. Ou, pour dire les choses en d’autres termes, plus le “Juif réel” devient persona non grata dans la France d’aujourd’hui, plus son double symbolique est omniprésent et célébré dans le discours politique et médiatique.

Ainsi, alors que le “Nouvel antisémitisme” connaît un pic jamais atteint et que des Français de confession juive sont - pour la première fois depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale - assassinés en France parce qu’ils sont Juifs (Sébastien Sellam, Ilan Halimi, Mireille Knoll, Sarah Halimi, etc.), le président Emmanuel Macron célèbre, en inaugurant l’exposition sur “Les Juifs d’Orient” à l’institut du Monde arabe, le “vivre ensemble” (expression calquée de l’espagnol convivencia, terme qui a été utilisé pour décrire la soi-disant “coexistence judéo-musulmane” dans l’Espagne sous domination de l’islam[2]), l’hospitalité (en terre d’islam), les “influences mutuelles”, etc. Autant de thèmes idéologiques qui doivent permettre de réaffirmer son credo politique de la “France plurielle”, à la veille de l’élection présidentielle.

 

Dans ce discours politique et idéologique, les Juifs sont doublement mobilisés par le président Macron. Ils le sont à titre de “Juifs modèles”, représentants de la “communauté juive”, comme lorsque le grand-rabbin Haïm Korsia se tient aux côtés d’Emmanuel Macron et de Jack Lang pour apporter son tampon de "cacherout républicaine” à l’exposition de l’Institut du monde arabe. Et ils le sont en tant que “Juifs symboliques”, quand Macron célèbre le “peuple juif, mémoire de l’humanité”, expression qui tend à reléguer l’histoire juive concrète dans un passé immémorial. Ce discours enjoliveur a pour fonction de mobiliser le signe juif, en célébrant un passé juif idéalisé, tout en faisant oublier la condition terrible des Juifs réels dans la France actuelle.

 

De même, lorsqu’Emmanuel Macron se tient, entouré de Serge et de Béate Klarsfeld, devant la stèle en mémoire des déportés juifs à Vichy, pour effectuer “un double geste mémoriel” selon l’expression de certains médias, il mobilise là encore le “signe juif” à des fins politiques et politiciennes (pour contrer la campagne d’Eric Zemmour, comme l’explique Le Monde). Dans les deux cas, les "Juifs modèles" que sont les époux Klarsfeld ou le rabbin Korsia servent non seulement de faire valoir au président de la République candidat à sa réélection, mais ils servent aussi de "témoins" de moralité, au service d'une entreprise de récupération politique de l'histoire et de négation de la réalité de la condition juive.

 

Que cette utilisation du "signe juif" ait commencé à l'époque du Président François Mitterrand n'est évidemment pas fortuit. Celui-ci était en effet l'homme politique qui a le plus exploité la présence de personnalités juives, dont il aimait à s'entourer pour jeter un voile opaque sur ses véritables intentions et motivations. Le seul président de l'histoire politique française qui était un authentique homme d'extrême droite, ancien cagoulard décoré de la Francisque, devenu "socialiste" par pur opportunisme, a pu ainsi s'acheter une réputation d'ami des Juifs qui perdure jusqu'à ce jour.

Mitterrand avec Pétain, 1942

Plus tard, Jacques Chirac a poursuivi sur cette voie, en prononçant son fameux discours du Vel d'Hiv, tout en vendant à Saddam Hussein l'arme nucléaire qui aurait pu effacer Israël de la carte, sans la décision de Menahem Bégin de détruire Osirak… l'acte bien réel et concret de la diplomatie française pro-arabe était ainsi contrebalancé, et pour ainsi dire effacé, par le geste symbolique du président Chirac, décrit jusqu'à aujourd'hui comme très philosémite.

 

La politique française continue aujourd'hui de se servir du signe juif, avec la coopération active des Juifs-modèles, les Klarsfeld, Attali, Jack Lang,  etc. (la liste est longue), sous la présidence d'Emmanuel Macron. Au-delà même de cette duplicité fondamentale de la politique française, le signe juif a pour fonction principale de focaliser le débat public et de discréditer les adversaires du pouvoir en place, en tenant lieu d'exutoire symbolique et de cache-misère, qui dissimule tant bien que mal la réalité de la condition juive, dont la dégradation apparemment irréversible est acceptée comme un fait accompli. Les Juifs-modèles célèbrent ainsi le mensonge du "vivre ensemble", en occultant la réalité du nouveau statut des Juifs, celui de la dhimma, aujourd'hui rétablie en France.

Pierre Lurçat

Article paru sur le site Menora.info

_____________________________________________________________________

 

Un événement éditorial : La maison de mon père, de Golda Meir

 

Pierre Lurçat présente le livre au micro de Cathy Choukroun sur RADIO QUALITA

 

https://www.youtube.com/watch?v=T5aGrpsaHI4

 

Une des plus grandes dames de la scène politique israélienne…”

Ilana Ferhadian, RADIO J

 

https://www.youtube.com/watch?v=iiJLxxXn3-M




 

En 1972 paraissait en Israël le premier livre autobiographique rédigé par Golda Meir, qui était alors Premier ministre depuis plusieurs années. Ce texte, publié en français pour la première fois, couvre la partie de la vie de l’auteur qui s’étend de son enfance en Russie et de sa jeunesse en Amérique, à son séjour au kibboutz Merhavia, dans les années 1920. On y découvre, outre l’autoportrait de celle qui allait devenir la première femme Premier ministre de l’État d’Israël, la description fidèle et sans fioritures d’une génération tout entière, celle des pionniers de la Troisième Alyah (1921-1924). 

 

La maison de mon père, traduction et présentation de Pierre Lurçat, éditions Books on Demand

 

Les demandes de service de presse (papier ou numérique) doivent être adressées à

Noémie Machner

+33 (0)1 53 53 14 89

presse@bod.fr

avec en copie 

editionslelephant@gmail.com

 

 

 

[2] Voir à ce sujet S. Trigano, “La convivencia”, de la modernité à la post-modernité, Pardès no. 67.

Emmanuel Macron entouré des époux Klarsfeld à Vichy, (photo AFP)

Emmanuel Macron entouré des époux Klarsfeld à Vichy, (photo AFP)

See comments

L’intention d’amour, de Shmuel Trigano : Esquisse d’une anthropologie hébraïque

April 27 2021, 11:14am

Posted by Pierre Lurçat

Les éditions de L’éclat ont récemment réédité le livre de Shmuel Trigano, L’intention d’amour, sous-titré “Désir et sexualité dans le Livre des Maîtres de l’âme de R. Abraham ben David de Posquières”. Ce dernier est un rabbin et kabbaliste connu sous son acronyme, le “Rabad”. Comme l’explique l’auteur en introduction, le Livre des maîtres de l’âme (Sefer Baalé-Hanefech) est “un des rares textes que la tradition a consacrés spécifiquement à la sexualité”. Le Rabad l’envisage du point de vue de la halakha, la loi juive, mais Trigano s’intéresse de son côté à la philosophie qui en est le soubassement. Il ne s’agit pourtant pas ici de la “sexualité”, au sens où nous l’entendons en Occident. En effet, écrit Trigano, “la notion de “corps” est quasiment absente de tout ce texte sur la sexualité”. Non pas en raison d’un rejet du corps et de ses contraintes, mais au contraire, parce que l’anthropologie juive qui se déploie dans ce texte n’envisage jamais le corps autrement que comme réceptacle de l’âme, la nefech, “qui est au coeur de l’analyse”. 

 

 

Pour comprendre la vision juive de la sexualité, il faut donc au préalable oublier la dichotomie occidentale (chrétienne et post-chrétienne) du corps et de l’âme. Car même le concept d’âme, dans son acception occidentale, est impropre pour traduire la nefech hébraïque. Celle-ci, explique Trigano, citant le théologien protestant Daniel Lys, “concerne l’être humain, qui vit dans l’histoire, et cet être humain fait partie du peuple d’Israël, qui a conscience que son histoire se déroule devant Dieu”. On comprend, à la lecture de cette définition, tout ce qui sépare l’anthropologie juive des conceptions auxquelles nous a habituées la vision occidentale de l’homme. A travers l’étude de “l’intention d’amour”, c’est en effet toute la conception hébraïque de l’homme, créé “Betselem Elohim”, à l’image de Dieu, qui transparaît.

 

C’est précisément cet aspect du Livre des maîtres de l’âme qui lui donne son caractère étonnamment actuel. Tout d’abord, parce que le judaïsme a reconnu l’importance (voire la prééminence) du désir et du plaisir féminin, bien avant Simone de Beauvoir et le féminisme occidental (lequel est bien pauvre et ambivalent, en comparaison de la vision hébraïque du féminin). Ensuite, parce que le judaïsme rejette la notion de “devoir conjugal” (c’est à l’homme qu’incombe le seul devoir qui existe en la matière) et qu’il a reconnu la notion de “viol conjugal” plusieurs siècles avant que celle-ci ne soit sanctionnée par la jurisprudence des tribunaux en France (à la fin des années 1990 seulement !) (1) Mais l’aspect le plus actuel du livre est encore ailleurs : il est dans la définition même du masculin, du féminin et dans celle de l’homme qui en ressort. Ce thème est d’ailleurs celui d’un autre ouvrage collectif récemment publié par Shmuel Trigano, Parent 1 Parent 2? L’enjeu anthropologique.



 

 

 

L’intention d’amour est la réédition d’un texte publié par S. Trigano en 1985 dans la revue Pardès, puis sous forme de livre aux éditions L’éclat, en 2007. Dans son introduction à la présente édition, l’auteur fait l’observation suivante : “C’est souvent après coup qu’on prend la mesure de l’importance d’une recherche dans un cheminement intellectuel… En redécouvrant ce texte passé, je me suis rendu compte que j’entamais le début d’une réflexion qui devait me conduire à concevoir la problématique de la “part gardée”, source génératrice d’autres ouvrages depuis, Philosophie de la Loi, l’origine de la politique dans la Tora, en 1991, La séparation d’amour, une éthique d’alliance en 1996”.

 

Quelle est donc cette “part gardée” dans le domaine de la sexualité? Elle est, explique Trigano, l’auto-limitation de l’homme, “qui ouvre le champ à l’apparition de la partenaire et rend donc possible l’intention (qui donne son titre au livre, L’intention d’amour P.L) et le consentement”. Il faut donc, poursuit-il, “qu’il y ait un reste inconsommé, laissé intact, potentiel, qui sauve l’intention et préserve son authenticité”. Ce “reste” désigne “la part de vide et d’inaccompli qui subsiste dans la relation”.

 

 

S. Trigano rapproche ce concept du “reste” dans la relation d’amour des “notions classiques définissant Israël comme la part de Dieu”, et des concepts de prémices, de la ‘Hala, “de la dîme sur les récoltes, c’est-à-dire ce qui n’est pas consommé dans la jouissance du monde”. On touche ici à une catégorie originale de la pensée hébraïque qui permet de comprendre la sexualité non pas, comme le fait l’Occident moderne et post-moderne, comme une dimension à part - érigée aujourd’hui en fondement d’une “identité sexuelle”, notion totalement impensable dans la tradition d’Israël -, mais comme un élément indissociable de la personne humaine, des relations homme-femme et de l’établissement de la famille. C’est précisément parce que la pensée hébraïque refuse l’autonomie de la sexualité - pour ne l’envisager que dans sa conception anthropologique globale - qu’elle permet de répondre aux dérives actuelles du “genre” et à la dilution des notions fondatrices du masculin et du féminin. Ici, comme ailleurs, la pensée hébraïque ouvre un horizon salvateur à un Occident en perdition.

Pierre Lurçat

1. Voir à ce sujet https://www.franceculture.fr/droit-justice/devoir-conjugal-contre-viol-conjugal-histoire-dune-reconnaissance-laborieuse

______________________________________________________________________________________________

 

Parution de Seuls dans l’Arche, Israël laboratoire du monde

J’ai le plaisir d’annoncer la parution de mon livre Seuls dans l’Arche, Israël laboratoire du monde. Réflexion menée entre mars 2020 et mars 2021, ce livre aborde la crise mondiale provoquée par la pandémie du Covid-19 sous l’angle inédit de la double tradition juive et occidentale, nourri de la lecture de rabbins et de philosophes, de sociologues et de poètes.

 

Pour “sortir de l’Arche” et retrouver nos libertés, mises à mal par les politiques anti-Covid, il faut au préalable retrouver l’idée même de la liberté humaine, qui n’est pas seulement la liberté individuelle ou la protection de la confidentialité des données, auxquelles elle se réduit trop souvent aujourd’hui.

 

Il s’agit, bien plus fondamentalement, du libre-arbitre, mis à mal par des décennies d’assauts répétés venant des tenants d’une définition mécaniste de l’homme, considéré tantôt comme un système neuronal, tantôt comme un animal un peu plus évolué (thèse de Yuval Harari dans Homo Sapiens). Pour que la “sortie de l’Arche” ait un sens, il faut repenser l’homme, afin de refonder le monde sur de nouvelles bases plus solides. 

 

Il s’agit en effet de la définition même de l’homme et de sa spécificité, qu’il est urgent de réaffirmer aujourd’hui. Si Israël est aujourd’hui devenu le phare d’une humanité malade, pionnier de la vaccination et de la sortie de crise, ce n’est pas un hasard. Le monde attend en effet d’Israël - au-delà d’un modèle sanitaire - qu’il réaffirme la vieille parole venue du Sinaï.

 

Confinés depuis un an dans l’Arche, nous espérons entrevoir la colombe porteuse de la branche d’olivier qui annoncera la décrue puis la fin du Déluge et le retour sur la terre ferme et chaleureuse, augurant d’un nouveau départ pour une humanité plus juste et plus confiante.

Pierre Lurçat

Le livre est disponible uniquement sur Amazon.

Les demandes de service de presse sont les bienvenues : pierre.lurcat@gmail.com

See comments

Comment la Cour suprême a pris le pouvoir en Israël : intervention au colloque Dialogia sur la démocratie

December 6 2020, 08:21am

J'ai le plaisir d'intervenir dans le colloque qui se tiendra demain soir (lundi) :

 

Où va la démocratie?


Dialogia a le plaisir de vous inviter
à sa prochaine conférence
le 07 décembre 2020

 

De 18.00 à 22.00 (heure d'Israël) sur internet,
via la plateforme ZOOM

INSCRIPTION ICI

https://us02web.zoom.us/webinar/register/WN_7_gVGFTrQkC_nI8I14Oylw

PROGRAMME DE LA CONFERENCE

18h00-18h15 : Introduction - Shmuel Trigano, Le grand renversement, Qu'est-ce qui a changé dans l'univers démocratique ?

18h15- 19h15 : La politique des identités -

18h15-18h45 : Haïm Navon : Pourquoi la politique des identités estelle un danger pour l’identité * -

18h45-19h15 : Rachel Israël, « Malaise dans la Culture » : de l’essai de Freud à l’actualité sociétale

19h15- 20h15 : L'homme et le citoyen -

19h15-19h45 : Gadi Taub, Politique d’immigration et montée du libéralisme anti-démocrate * -

19h45-20h15 : Shmuel Trigano, La figure de l'"homme": des deux Déclarations universelles à nos jours

20h15- 21h45 : Etat des lieux israéliens -

20h15-20h45 : Pierre Lurçat, Le pouvoir judiciaire contre le peuple : Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël -

20h45-21h15 : Mordekhai Nisan, La démocratie israélienne – idéologie, citoyenneté et guerre * -

21h15-21h45 : Ronen Shoval, Perspectives croisées : la tradition moderne et l'héritage politique du judaïsme *

21h45-22h00 : Débat et Conclusion

https://dialogia.co.il/wp-content/uploads/2020/11/Programme-confe%CC%81rence-FR-FINAL.pdf

La démocratie est couramment invoquée dans le débat public, souvent en vertu d'arguments contradictoires. Il n'est pas sûr que ceux qui la convoquent pour légitimer leur parti-pris en aient la même définition mais ce qui est sûr c'est que la démocratie telle qu'elle est vécue n'est plus ce qu'elle était il y a 50 ans. Si l'équilibre des pouvoirs lui-même est ébranlé par les nouvelles technologies, c'est surtout la société qui s'est éloignée du régime démocratique, censé la porter. Le domaine sociétal, le domaine des fondements, sont concernés, comme celui de la redéfinition de la famille, du sexe, de l'identité, du citoyen, du vivant, de la Terre, de la légitimité... Les droits du citoyen ont été relégués dans les marges au nom des droits de l'homme. Mais quel homme ? Est-on toujours en « démocratie » ? En son nom, ne nous dirigeons-nous pas vers sa fin, ou à tout le moins sa mutation inquiétante ? Et cette dérive ne nous dit rien d'une autre crise, cette fois-ci politique, qui frappe le régime démocratique lui-même et dans laquelle le peuple, le demos, se voit ravalé au "populisme" et la majorité parlementaire au "fascisme".

See comments