“Nous aimons la mort autant que vous aimez la vie” : La glorification de la mort au coeur de l’idéologie du Hamas, Pierre Lurçat
Avant de prétendre condamner Israël pour des soi-disant “crimes de guerre” commis à la frontière de Gaza, la moindre des choses serait de tenter de comprendre contre qui l’armée israélienne se bat, et quelles sont les motivations de ceux que de nombreux médias occidentaux présentent comme de simples “manifestants” et qui sont en réalité, pour certains des soldats du djihad, et pour d’autres des civils manipulés et envoyés à la mort au nom d’une idéologie bien particulière. C’est cette idéologie qu’il faut analyser pour appréhender les termes de l’affrontement actuel et les objectifs destructeurs de la “Marche du retour”.
“La mort au nom d’Allah est notre voeu le plus cher”. Ce slogan souvent répété par les membres du Hamas exprime la quintessence de l’idéologie islamiste prônée par le mouvement islamiste palestinien. On l’a ainsi vu dans un tweet des Brigades Izz Al-Din Al-Qassam, la branche militaire du Hamas, le 19 août 2014, lors d’un précédent round des affrontements avec Israël à Gaza. On le retrouve aussi à l’article 5 de la Charte du Hamas, datant de 1988, qui énonce la devise du “Mouvement de la résistance islamique” : “Allah est son objectif, le Prophète est son modèle, le Coran est sa Constitution, le jihad est sa voie et la mort pour Allah est son souhait le plus cher".
En glorifiant la "mort pour Allah", la charte du Hamas lance ainsi un appel au martyre et au sacrifice, désignés par l’expression traditionnelle de "mort sur le chemin de Dieu" (fi-sabil Allah). L’expression “martyr” ou "mort pour Allah" a notamment servi à désigner les terroristes kamikazes du Hamas, qui se sont fait exploser dans les autobus, les cafés, restaurants et autres lieux publics en Israël lors des précédentes vagues d’attentats. Elle est employée aujourd’hui pour désigner les habitants de Gaza, que le Hamas envoie mourir sur la frontière avec Israël.
La conception islamiste du conflit avec Israël est explicitée dans l’article 11 de la Charte du Hamas : "le Mouvement de la Résistance islamique croit que la terre de Palestine constitue un waqf [une fondation islamique] qui appartient à tous les Musulmans jusqu’au Jour de la Résurrection. Il est interdit d’y renoncer, en totalité ou en partie, ou de la céder, en totalité ou en partie. Elle n’appartient à aucun pays arabe, ni même à l’ensemble des pays arabes, ni à aucun monarque ou président, ou organisation, palestinienne ou arabe, parce que la Palestine constitue une terre islamique sacrée de waqf et appartient aux Musulmans jusqu’au Jour de la Résurrection".
C’est cette conviction fondamentale qui rend impossible toute notion de compromis ou de partage. A la différence d’Israël, qui a accepté le partage de la Palestine il y a 70 ans, le Hamas est prisonnier de sa logique du “tout ou rien”. Comme l’affirme le préambule de la Charte, sans la moindre équivoque, l’objectif stratégique fondamental du Hamas est la destruction d’Israël : "Israël s’élèvera et restera en place jusqu’à ce que l’Islam l’élimine, comme il a éliminé ses prédécesseurs".
Un mouvement islamiste apocalyptique
La formule répétée à deux reprises – " waqf qui appartient aux Musulmans jusqu’au Jour de la Résurrection" – montre bien que le combat du Hamas s’inscrit dans un horizon eschatologique et apocalyptique, qui n’est pas celui de la politique à court ou moyen terme. Le Hamas, comme les autres mouvements islamistes contemporains, poursuit des objectifs politico-religieux, indissociables de sa vision du monde globale, qui ne peuvent faire l’objet d’aucun compromis ou temporisation. A cet égard, il ressemble aux mouvements politiques apocalyptiques occidentaux, et notamment au nazisme, qui aspirait lui aussi à créer un "Reich de mille ans".
Cette dimension apocalyptique est fondamentale dans la résurgence actuelle d’un islamisme conquérant, car elle traverse tous les clivages du monde musulman - tant sunnite que chiite - et permet de comprendre de très nombreux aspects du réveil de l’islam radical. Un autre passage clé de la Charte du Hamas est le Hadith cité dans l’article 7, qui éclaire l’objectif du combat incessant contre les juifs : “L’Heure ne viendra pas avant que les Musulmans ne combattent les Juifs et les tuent ; jusqu’à ce que les Juifs se cachent derrière des rochers et des arbres, et ceux-ci appelleront : O Musulman, il y a un Juif qui se cache derrière moi, viens et tue-le !”
Ce Hadith, cité sur d’innombrables sites Internet islamistes, signifie que le "combat contre les juifs" constitue pour le Hamas un impératif non seulement politique, mais aussi religieux, ou plus précisément eschatologique. L’affrontement avec les Juifs n’est en effet pas seulement le moyen de récupérer la terre de Palestine, qui constitue un Waqf inaliénable, mais il est la condition sine qua non à la venue de la Fin des temps.
C’est à la lumière de cette idéologie mortifère, glorifiant le martyre et la “mort pour Allah”, qu’il faut comprendre la stratégie du Hamas, qui envoie des femmes et des enfants contre la barrière séparant Gaza d’Israël, en tablant sur la mort de civils pour faire accuser Israël de “crimes de guerre”. Paradoxalement, dans ce nouveau round de l’affrontement décidé par le Hamas, c’est celui-ci qui cherche à faire le plus grand nombre de morts dans sa propre population, alors qu’Israël s’efforce, avec plus ou moins de succès, de minimiser le nombre de victimes.
Pierre Lurçat