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Lettre ouverte à Alain Finkielkraut qui prétend que “Le problème d’Israël c’est Nétanyahou et non le Hamas”

April 30 2024, 06:53am

Posted by Pierre Lurçat

Lettre ouverte à Alain Finkielkraut qui prétend que  “Le problème d’Israël c’est Nétanyahou et non le Hamas”

Cher Alain Finkielkraut,

 

En lisant votre récente interview au Figarovox, j’ai eu la même réaction que celle de ma grand-mère (qui parlait la même langue que la vôtre), lorsqu’elle apprenait une nouvelle attristante: “Oï a Broch!”. Hélas, nos grands-mères respectives ne sont plus de ce monde, pas plus que nos parents, et je me plais à penser que vos propos concernant Israël seraient mieux informés et plus sages, si vous aviez écouté les conseils de vos parents, étant enfant. Car nous savons bien que les mauvaises fréquentations mènent inéluctablement aux mauvaises idées et aux mauvaises actions.

 

Or, à force d’inviter dans votre émission « Répliques » des personnages aussi peu fréquentables que Jean-Pierre Filiu (dont le blog hébergé par Le Monde déverse chaque semaine son venin contre Israël) ou Alain Gresh (qui fut jadis journaliste au Monde diplomatique et ami personnel de Tariq Ramadan, célèbre prédateur sexuel et prédicateur proche des Frères musulmans), vous finissez par penser (presque) comme eux… (Ce qui ne veut évidemment pas dire que vous êtes comme eux).

 

Ainsi, lorsque vous écrivez que “Nétanyahou est le problème parce qu’il bloque toutes les issues, ferme toutes les portes, sabote consciencieusement toutes les solutions. Alors même que Tsahal plaide pour le retour de l’autorité palestinienne à Gaza, le premier ministre israélien s’y refuse obstinément. Pourquoi ? Parce qu’il perdrait aussitôt le soutien des extrémistes de son gouvernement”, vous n’énoncez pas seulement un truisme du prêt-à-penser occidental actuel concernant Israël, mais vous confortez aussi les lecteurs du FigaroVox dans les opinions les plus détestables concernant notre pays.

 

Et lorsque, poursuivant sur votre lancée, vous affirmez : “Un dirigeant, comme son nom l’indique, donne une direction, or Nétanyahou ne dirige Israël vers rien de discernable. L’homme qui, le soir de l’attaque iranienne, s’est courageusement réfugié dans la maison ultrasécurisée d’un ami milliardaire, ne gouverne plus pour ce qu’il croit être le bien d’Israël, mais pour la survie de sa majorité...” vous ajoutez l’insulte à la calomnie. Car voyez-vous, cher Alain Finkielkraut, en matière de courage physique, Benjamin Nétanyahou n’a de leçon à recevoir de personne, y compris de vous. (Vous n’avez même pas eu celui de venir nous rendre visite au lendemain du 7 octobre, contrairement à votre camarade de l’ENS, Bernard-Henri Lévy, qui est venu immédiatement pour affirmer sa solidarité, sans attendre comme vous d’être invité par l’Institut français).

 

Notre Premier ministre, auquel vous faites reproche de s’être réfugié dans une “maison ultrasécurisée”, a maintes fois fait preuve de son courage dans sa vie, depuis l’époque de la Sayeret Matkal où il a servi comme ses deux frères, et jusqu’à ces dernières années, lui et sa famille subissant des attaques quotidiennes de la part de ces manifestants de Kaplan dont vous semblez partager la détestation totalement irrationnelle à son encontre. Si vous lisiez moins l’édition anglaise du Ha’aretz ou Le Monde, vous sauriez qu’il est très malvenu de lui faire ce reproche. Votre fascination pour la gauche israélienne et pour ce que vous vous obstinez à appeler le “camp de la paix” (comme s’il y avait en Israël un “camp de la guerre”...) a quelque chose de presque religieux, à l’instar de la fascination que vous avez récemment avoué ressentir pour la “proposition chrétienne”.


            Vos propos sont d’autant moins excusables que vous revenez d’un séjour en Israël, où vous n’avez pas seulement rencontré ceux qui pensent comme vous (ce qui est toujours agréable). Comme ce collègue de l’université de Tel Aviv qui vous a confié cette “perle” (puisque vous êtes devenu sur le tard pêcheur de perles) : “Le problème d’Israël ce n’est pas le Hamas, c’est Nétanyahou”, ou comme ces manifestants de Kaplan, qui ont pu vous expliquer tout le mal qu’ils pensent de notre Premier ministre. Non, vous avez aussi rencontré, comme me l’a confié un participant à ce déjeuner, un petit groupe d’Israéliens francophones de droite, qui auraient pu vous faire changer d’avis, si votre esprit n’était pas aussi fermé que la coquille d’une huître perlière…

 

            Lors de cette rencontre privée à Raanana, vous avez même déclaré à un des participants que vous regrettiez de ne pas être venu à Jérusalem (l’Institut français vous ayant invité à Tel-Aviv et à Haïfa). Hélas, trois fois hélas ! Si vous aviez fait montre d’un peu plus de curiosité, au lieu de vous en tenir au programme fixé par les contraintes géopolitiques (et pétrolières, comme disait Golda Meir) du quai d’Orsay - qui ne reconnaît pas la souveraineté israélienne sur notre capitale, comme chacun sait - vous auriez pu venir visiter notre capitale et rencontrer, là encore, des gens qui pensent autrement.

 

Vous auriez même pu venir au Mur occidental, pour y verser quelques larmes sur l’état de la société française et sur le délitement de la langue de Molière que vous déplorez à juste titre. Sans abuser de la patience de mes lecteurs, je ne résiste pas au plaisir masochiste de citer une dernière “perle” de votre interview au Figaro : “En s’alliant avec les partis fanatiques d’Itamar Ben-Gvir et de Bezalel Smotrich, Benyamin Nétanyahou a commis une faute impardonnable. Il est, à ce titre et à quelques autres, le pire premier ministre de l’histoire d’Israël”. C’est votre cuistrerie et votre prétention qui sont, cher Alain Finkielkraut, impardonnables, pour quelqu’un qui fait profession d’être intellectuel.

 

Le titre de “pire Premier ministre” de l’Etat d’Israël est certes disputé par plusieurs candidats, dont celui qu’apprécient vos amis de Kaplan, Yaïr Lapid, auquel il appartient sans doute, ou peut-être à un des deux Ehoud, Olmert ou Barak, mais certainement pas à Benjamin Nétanyahou. Et si ce titre devait être décerné un jour, ce n’est certainement pas à vous, qui ne connaissez presque rien de notre pays, qu’il appartiendra de le faire. Retournez donc à vos moutons et à vos perles, cher Alain, et laissez à ceux qui vivent en Israël et qui courent le risque de cette “noble aventure” dont parlait Lévinas, le soin de choisir leurs dirigeants et leur avenir.

Pierre Lurçat

 

Lire aussi :

Lettre ouverte à Alain Finkielkraut et à quelques autres Juifs fascinés par l’Eglise, Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

 

Si votre esprit n'était pas fermé comme une huître perlière...

Si votre esprit n'était pas fermé comme une huître perlière...

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Une étincelle d’hébreu : “Lo Avda Tikvaténou”, notre espoir est vivant !

April 28 2024, 11:55am

Posted by Pierre Lurçat

Une étincelle d’hébreu : “Lo Avda Tikvaténou”, notre espoir est vivant !

 

Quel est le rapport entre l’hymne national israélien et la haftara que nous lisons le shabbat Hol Hamoed de Pessah ? Un mot, à la fois ancien et très actuel, comme bien d’autres mots de notre langue antique et moderne : Tikva. Chaque Juif connaît au moins le titre de l’hymne national d’Israël, Hatikva, l’espoir. Mais beaucoup ignorent d’où est tirée la phrase qui ouvre le deuxième paragraphe : “Od lo avda tikvaténou”, Notre espoir n’est pas perdu…

 

Dans la Haftara (passage des Prophètes) lue ce shabbat, tirée du prophète Ezéchiel, on trouve la fameuse vision des “Ossements desséchés”, qui s’achève par les versets suivants : “Alors il me dit : “Fils de l’homme, ces ossements, c’est toute la maison d’Israël. Ceux-ci disent : ‘Nos os sont desséchés, notre espoir est perdu (avda tikvaténou), c’est fait de nous :’ Eh bien ! prophétise et dis-leur; Ainsi parle le Seigneur Dieu: Voici que je rouvre vos tombeaux , ô mon peuple! Et je vous ramènerai au pays d’Israël’.

 

Le grand-rabbin Israël Lau raconte dans sa belle autobiographie l’émotion ressentie par les rescapés lorsqu’ils ont lu ces paroles, le shabbat de Hol Hamoed Pessah 1945. Un de ses compagnons de détention lui a lu ce passage d’Ezéchiel et a commenté : « Nous sommes les ossements desséchés… L’Europe est notre cimetière. Dieu a dit au prophète Ezéchiel qu’Il ouvrirait les tombes pour nous extraire de ce charnier et nous ramener en Terre d’Israël ».

 

Naftali Imber, l’auteur de Hatikva, l’a écrite bien avant la Shoah, en 1873. Mais ce n’est évidemment pas un hasard s’il a repris l’expression “avda tikvaténou”, en la précédant de la négation. L’histoire juive au vingtième siècle lui a donné raison : le peuple Juif est revenu sur sa Terre. Que les mots de notre hymne national et ceux du prophète Ezechiel puissent nous inspirer et inspirer tous ceux parmi nous qui doutent de notre avenir, et que D.ieu ramène nos captifs et console nos endeuillés ! Hag Saméakh.

P. Lurçat

La Tikva interprétée par Ivry Gitlis : Hatikva. Ivry Gitlis

 

Une étincelle d’hébreu : “Lo Avda Tikvaténou”, notre espoir est vivant !

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La “cancel-culture” est-elle une invention juive ? La gauche israélienne et la politique du ressentiment (I)

April 25 2024, 08:15am

Posted by Pierre Lurçat

Manifestation anti-Nétanyahou

Manifestation anti-Nétanyahou

 

Après l’attaque sans précédent de l’Iran contre le territoire israélien et alors que le front Nord se réchauffe, comment comprendre que la “gauche” israélienne (qui n’a évidemment peu à voir aujourd’hui avec les idéaux de la gauche authentique, ses chefs appartenant tous – d’Ehoud Barak à Yaïr Lapid – à ce qu’on appelait jadis en France la “gauche caviar”) ne trouve rien de mieux à faire que de mettre les rues du pays à feu et à sang pour réclamer, comme elle ne cesse de le faire depuis plusieurs années, le départ de “Bibi”? Comment expliquer que cette même gauche, aux moments les plus dramatiques de notre histoire – et jusque dans le ghetto de Varsovie – ait préféré ses intérêts partisans à l’intérêt supérieur de la nation juive ?

 

En réalité, comme l’avait déjà observé Shmuel Trigano il y a plus de vingt ans, l’identité profonde de la gauche israélienne et juive est une identité du ressentiment. En effet, expliquait-il, “Le camp de la paix a toujours un “mauvais Israël” contre lequel s’affirmer, une exclusion d’autrui à travers laquelle il s’identifie lui-même. Son identité est fondamentalement une identité du ressentiment”[1]. Ce ressentiment, nous l’avons vu à l’œuvre depuis plus d’un siècle dans l’histoire d’Israël. Quand les portes de l’émigration ont été fermées par l’Angleterre devant les Juifs fuyant le nazisme dans les années 1930, le Yishouv dirigé par la gauche sioniste a interdit aux membres du Betar de recevoir les précieux “certificats”, les condamnant ainsi à une mort certaine.

 

Avant cela, elle leur avait fermé le marché du travail, la Histadrout exigeant de chaque travailleur juif qu’il détienne le “carnet rouge” (pinkas adom) attestant de son appartenance au “camp des travailleurs”... A la même époque, David Ben Gourion maniait l’insulte envers son principal rival, Zeev Jabotinsky, qu’il qualifiait de “Vladimir Hitler”. Plus tard, Ben Gourion ne désignait jamais Menahem Begin par son nom, s’adressant à lui à la Knesset uniquement comme “le voisin du député Bader”... Ce dernier exemple est particulièrement significatif. Il montre en effet que la “cancel culture” actuelle n’a rien inventé.

 

Depuis l’assassinat d’Arlosoroff (le 16 juin 1933) et jusqu’à nos jours, la gauche sioniste s’est servie de la violence et des accusations de violence à des fins politiques – pour asseoir et maintenir son hégémonie (l’affaire Arlosoroff est survenue alors que le mouvement sioniste révisionniste était à son apogée) – et elle a constamment accusé ses adversaires, en recourant à la “reductio ad hitlerum[2], c'est-à-dire en accusant ses adversaires politiques d'être des “nazis”

 

La reductio a hitlerum, dont sont aujourd’hui victimes Israël et ses défenseurs sur la scène publique internationale, est ainsi dans une large mesure une invention de cette gauche juive – sioniste et non sioniste – qui n’a reculé devant aucun procédé, recourant au mensonge et à la calomnie pour “annuler” ses adversaires. Ils ont “annulé” Jabotinsky et Begin, réécrit l'histoire du mouvement sioniste pour effacer la part de ceux qui ne pensaient pas comme eux – sionistes révisionnistes, sionistes religieux, mizrahim ou ‘haredim – et aujourd'hui ils voudraient annuler Netanyahou et la volonté de la majorité des Israéliens…

 

Ironie de l’histoire, ceux-là même qui ont trouvé des boucs émissaires dans leur propre camp, en accusant de tous les maux leurs adversaires politiques, se trouvent aujourd’hui trahis par leurs anciens “camarades” progressistes, devenus les ennemis jurés d’Israël, et qui sont en train de rendre judenrein les grandes universités, aux Etats-Unis et ailleurs… (à suivre)

P. Lurçat

 

NB. Mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain vient d’être réédité aux éditions B.O.D. et peut désormais être commandé dans toutes les librairies.

 

 

 

 

 

[1] S. Trigano, L’ébranlement d’Israël, Seuil 2002.

[2] Bien avant que l’expression ne soit forgée par Leo Strauss au début des années 1950.

 

 

[1] S. Trigano, L’ébranlement d’Israël, Seuil 2002.

"Le voisin du député Bader" : Menahem Begin

"Le voisin du député Bader" : Menahem Begin

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Le rav Kook, Shmuel Yosef Agnon et le “bataillon du travail”. Une histoire de Pessah, P. Lurçat

April 21 2024, 12:32pm

Posted by Pierre Lurçat

Le campement du Bataillon du travail à Rehavia, Jérusalem

Le campement du Bataillon du travail à Rehavia, Jérusalem

 

L'histoire se passe à Jérusalem, pas loin du quartier où j'habite, en 1926. Les protagonistes sont des figures bien connues de l'histoire du Yishouv: le grand rabbin de la Palestine mandataire, Abraham Itzhak Hacohen Kook, l'écrivain et futur Prix Nobel de littérature Shmuel Yosef Agnon, et les Pionniers du Gdoud HaAvoda, le fameux « bataillon du travail », d'obédience sioniste socialiste. Le rabbin Kook – qui n'était pas seulement un érudit et un géant de la pensée, mais aussi un homme d'action – se rendit auprès des dirigeants du bataillon du travail à Jérusalem (ils étaient installés dans le quartier de Rehavia, alors en pleine construction), à l’approche de Pessah, pour les convaincre de ne pas manger de ‘Hamets à Pessah. Sachant que la matsa coûtait plus cher que le pain, il leur offrit de payer la différence…

 

Le rabbin Kook fut éconduit sans le moindre égard… « Ceux d'entre nous qui souhaitent manger de la matsa se sont déjà organisés. Quant aux autres, ce qu’ils consomment est leur affaire privée ». Sans se démonter, le rabbin Kook répondit à son interlocuteur que la consommation de ‘Hamets par les ‘haloutsim.qui s'occupent d'édifier le pays, n'était pas une affaire privée, mais bien une question publique… « Cela touche au cœur de la nation juive ! » Azriel Carlebach, élève du rav Kook et futur rédacteur en chef du journal Maariv, raconte que le rabbin fut chassé manu militari.

 

L'affaire fit quelques vagues dans la presse juive de l'époque, et l'organe de l’Agoudat Israel à Vienne, Haderekh, publia un article reprochant au rabbin Kook son attitude trop conciliante envers les « apikoyer »... Mais l'histoire ne s'arrête pas là. L'année suivante, à l'approche de Pessah, les pionniers du bataillon du travail reçurent des matsot de la part de l'écrivain Shmuel Yosef Agnon, qui était leur voisin. Et l'année suivante, ils vinrent acheter des matsot de leur propre initiative.

 

Cette histoire en dit long sur le conflit entre Juifs religieux et laïcs, qui se poursuit un siècle plus tard dans des termes presque inchangés. Le rav Abraham Wasserman, qui l’a relatée dans les colonnes de Makor Rishon, ajoute une précision intéressante. Les membres du bataillon du travail n’étaient pas tous des Juifs « éclairés » et laïcs. Un d’entre eux, Eliezer Orlander, était un Juif observant, qui poussait le zèle jusqu’à porter deux paires de tefillin chaque matin. Selon Wasserman, le dirigeant du Gdoud Ha-Avoda, Itshak Sadeh lui-même, veillait à trouver un minyan pour qu’Orlander puisse prier chaque matin… Je ne sais pas si ce détail est véridique, mais il ajoute évidemment une touche très positive à cette histoire.

 

Elle me touche personnellement aussi, parce que mon grand-père, Joseph Kurtz, a fait partie du bataillon du travail, à peu près à la même époque à laquelle se déroulent les faits, à Jérusalem où ma mère est née en 1928. Mon grand-père était, à l’instar de la plupart des ‘haloutsim du bataillon du travail, un Juif libéré du joug des mitsvot. Mais l’amour d’Israël qui coulait dans ses veines a été transmis aux générations suivantes, comme en atteste le fait que deux de mes nièces vivent en Israël, où elles sont montées à leur tour, des années après moi. Hag Pessah casher vé-Saméakh!

P. Lurçat

 

Joseph Kurtz, mon grand-père, en costume bédouin

Joseph Kurtz, mon grand-père, en costume bédouin

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Oublier Amalek (III) : Israël et la question du Mal après le 7 octobre - Contenir le mal ou l’éradiquer ?

April 11 2024, 07:06am

Posted by Pierre Lurçat

Oublier Amalek (III) : Israël et la question du Mal après le 7 octobre - Contenir le mal ou l’éradiquer ?

Une récente déclaration du Premier ministre israélien met en lumière un changement radical dans le discours public en Israël après le 7 octobre : “Nous combattons le mal absolu… Sinwar sera éliminé comme Haman a été éliminé”. Au-delà de la référence à la figure tutélaire de l’ennemi du peuple Juif, cette déclaration contient surtout la désignation du Hamas comme “mal absolu”. A cet égard, il s’agit d’une nouveauté significative : Israël ne combat plus pour se défendre, ni même pour anéantir l’ennemi, mais pour détruire le ‘mal absolu”. Troisième volet de notre série d’articles consacrés à la question du mal depuis le 7 octobre.

Lire les 2 premiers articles:

 

Oublier Amalek? Israël et la question du mal après le 7 octobre, Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

Oublier Amalek ? Israël et la question du mal après le 7 octobre (II) : De l’indignation à l’indifférence - VudeJerusalem.over-blog.com

 

“Le Mal existe de manière immanente, comme un phénomène particulier… Les temps dans lesquels nous vivons se caractérisent par un énorme accroissement du Mal sous les formes les plus variése. Je crois qu’il ne s’est jamais produit une telle progression du Mal, comme celle que nous connaissons aujourd’hui”

Gustav Herling[1]

 

            Dès le lendemain du 7 octobre, Israël a entamé une révision de la fameuse “Conceptsia”, qui avait rendu possible la guerre lancée par le Hamas le jour de Simhat Torah. Les questions posées ont permis d'aborder cette Conceptsia dans ses aspects militaires, politiques, stratégiques et moraux. Mais il y a une autre dimension, essentielle, qui a été quelque peu négligée et que nous voudrions esquisser ici : la dimension philosophique. Jusqu’au 7 octobre en effet, l’ensemble de l’establishment politique israélien – et, au-delà encore, une grande partie des élites intellectuelles, universitaires, rabbiniques et médiatiques – pensaient que le conflit israélo-arabe était un conflit territorial, qu’il était loisible de résoudre au moyen de concessions faites à un ennemi considéré comme un acteur rationnel (selon le fameux principe des “territoires contre la paix”, partagé par la gauche et par une partie de la droite[2]...)

 

C’est précisément cette croyance très largement partagée qui a volé en éclats, en même temps que la fragile barrière dite “intelligente”, séparant Israël de Gaza. Un des soubassements philosophiques du slogan “les territoires contre la paix” est en effet le présupposé selon lequel l’ennemi partage grosso modo nos valeurs et notre mode de pensée. Cette croyance profondément enracinée en nous, qui nous fait attribuer à l’ennemi (et à l’Autre en général) notre propre système de pensée, génère de multiples erreurs, dont les conséquences sont parfois immenses.

 

Sans prétendre épuiser ce sujet très vaste, nous pourrions définir comme l’“erreur fondamentale” celle qui consiste à croire que nos ennemis veulent le Bien. C’est en effet sur cette erreur que repose l’ensemble de la Conceptsia, qui a prétendu approvisionner Gaza en électricité, en denrées et produits de base et faire passer au gouvernement du Hamas l’argent du Qatar… Cette erreur fondamentale peut s'énoncer ainsi : “S’ils sont bien nourris, ils seront apaisés et enclins à ne pas nous attaquer”.

 

Or, cette erreur cruciale, qui remonte aux débuts du conflit israélo-arabe[3], repose sur un présupposé erroné : nos ennemis ne partagent pas nos valeurs. L’ennemi gazaoui et l’ennemi musulman en général ne cherche pas le Bien, la Paix, la Sécurité ou la Prospérité - toutes valeurs que nous révérons et pensons universelles - car il aspire exactement au contraire ! Le Hamas, le Hezbollah et l'Iran (mais aussi l’Autorité palestinienne, par d’autres méthodes) cherchent le contraire du Bien et de la Paix : ils veulent le djihad et la soumission, c'est-à-dire la Guerre et le Mal[4]. Les terroristes du Hamas et leurs supplétifs dans la population dite “civile” de Gaza n'aspirent pas à élever leurs enfants dans la prospérité mais à les voir mourir en “martyrs” dans le sang, le bruit et la fureur.

 

La découverte la plus lourde de signification faite par la société israélienne dans son ensemble après le 7 octobre est ainsi celle de la réalité du Mal. Comme l’écrivait le philosophe Jacques Dewitte dans un article éclairant paru en 2011, “le mal existe, ou plus exactement, il persiste, il insiste…” Ou, pour citer l’écrivain polonais Gustav Herling, ”il ne s’est jamais produit une telle progression du Mal, comme celle que nous connaissons aujourd’hui”. Face à cette manifestation d’un Mal absolu et persistant, l’après-7 octobre marque le début d’une désillusion et d’un douloureux réveil, qui passe aussi par une révision de notre vision du bien et du mal.  Un des aspects significatifs de cette révision est la modification à laquelle nous assistons du discours public en Israël, illustrée notamment par cette déclaration récente du Premier ministre israélien à l’occasion de Pourim : “Nous combattons le mal absolu… Sinwar sera éliminé comme Haman a été éliminé”.

 

De nombreuses déclarations du même acabit de la part de dirigeants politiques et militaires, mais aussi de soldats du rang et d’officiers, montrent que la société israélienne a (enfin) compris à qui nous avions affaire. L’ennemi doit être vaincu et détruit, non pas seulement en raison d’impératifs sécuritaires ou existentiels. Il doit être détruit et annihilé, en tant que représentant du Mal absolu, car aucune coexistence n’est possible avec le Mal absolu. Le rôle d’Israël n’est pas de “contenir” le mal (selon la doctrine américaine du containment mise en œuvre pendant la Guerre froide) mais bien de le combattre sans relâche et sans merci en vue de l'anéantir. Oui, le Hamas et Gaza, le Hezbollah et le régime iranien doivent être détruits. (à suivre…)

P. Lurçat

NB. Mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain vient d’être réédité aux éditions B.O.D. et peut désormais être commandé dans toutes les librairies.

 

 

[1] in Variations sur les ténèbres, Seuil 1999, cité par J. Dewitte, “Y a-t-il une réalité substantielle du mal?” Paru dans Crime et folie, Cahiers de la NRF, Gallimard, 2011.

[2] Cf le chapitre consacré aux Accords de Camp David de mon livre La trahison des clercs d’Israël

[3] Cf Jabotinsky Le Mur de fer, éditions l’éléphant 2022.

[4] Voir notamment les livres de Bat Yeor et celui de Bernard Lewis, Le langage politique de l’islam, Gallimard.

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Le secret de l’armée israélienne vu par l'écrivain S. J. Agnon

April 8 2024, 08:23am

Posted by Pierre Lurçat

Agnon avec Ben Gourion

Agnon avec Ben Gourion

 

Le texte qu’on lira ci-dessous est exceptionnel à plusieurs titres. Shmuel Joseph Agnon, écrivain israélien et Prix Nobel de littérature, y aborde un sujet très actuel : celui de l’armée d’Israël. Les réflexions d’Agnon – sur les liens entre force physique et force spirituelle et sur le pacifisme notamment – demeurent étonnamment pertinentes pour la situation d’Israël aujourd’hui. Elles ont été publiées dans le quotidien Maariv à la veille de Simhat Torah en 1974 – c’est-à-dire il y a tout juste 59 ans et demi – sur l’initiative de la journaliste (et future membre de la Knesset) Geoula Cohen. Agnon est d'autant plus actuel qu'il est, tout comme son œuvre, à cheval entre deux mondes : celui de la tradition et celui de la modernité, celui de l'ancien Yishouv et celui des pionniers sionistes. Son regard sur la question brûlante des rapports entre armée et judaïsme est d'autant plus précieux. Bonne lecture ! P. Lurçat

“Je crois qu’il n’y a pas de force physique sans force spirituelle, qu’il n’y a pas de force sans Torah. En d’autres termes, aucun pouvoir physique ne se suffit à lui-même s’il ne provient pas d’un lieu de pouvoir spirituel, que nous appelons un « idéal ». Votre question concernant « l’Éternel des armées » et l’armée d’Israël est très profonde et difficile. En fait, j’ai une opinion arrêtée à ce sujet, mais j’ai besoin de clarifier un peu plus la raison pour laquelle j’ai cette idée. Il est écrit au sujet de Dieu que, sur le mont Sinaï, Il est apparu comme un vieil homme enveloppé dans un talith, et à la traversée de la mer Rouge, Il est apparu comme un guerrier. C’est ainsi qu’Israël devrait être lorsque nous devons nous engager dans des affaires spirituelles, enveloppés dans un talith ; mais quand c’est un temps de guerre, à Dieu ne plaise, alors même un époux sort de la chambre nuptiale et la mariée elle-même de dessous le dais nuptial !

Nous devons toujours croire que les deux sont interdépendants. S’il y a la sécurité, il y a aussi la possibilité de s’engager dans les affaires de la Torah ; s’il y a de la Torah, il y a de la force, s’il y a de la force, il y a de la Torah. Nous voyons avec Bar Kokhba que ses soldats observaient les mitsvot, c’est-à-dire qu’ils n’oubliaient pas les commandements de Dieu, et c’est ainsi que notre armée devrait être : non pas une armée pour une armée, ce que vous appelez un culte du pouvoir, mais plutôt pour l’amour de la Torah. Si je suis capable d’habiter ici, dans mon quartier de Jérusalem, Talpiot, qui est juste à la frontière, et d’étudier une page de la Guemara, c’est parce que je sais que l’armée israélienne me protège…

Je pense que l’armée n’est pas une partie de plaisir, mais s’adonner au pacifisme est une mauvaise affaire. En ce qui concerne nos pacifistes habituels, qui se prélassent dans leur pacifisme, les Sages ont déjà dit : « Quiconque fait miséricorde aux cruels finit par être cruel envers les miséricordieux ». J’ai reçu la visite d’un membre de l’Hashomer HaTzair, ce mouvement de jeunesse de gauche. En réponse à l’opinion qu’il m’a exprimée, j’ai répondu que le temps où le peuple d’Israël tendait le cou pour le massacre est révolu. Ils prétendent qu’une armée et la guerre ne conviennent pas au peuple d’Israël. Est-il « convenable » que notre ennemi nous massacre et que nous soyons massacrés ? En ce qui concerne l’ère messianique, il est dit : « Une nation ne lèvera pas l’épée contre une nation » (Isaïe 2 :4), mais pour y parvenir, nous devons être dignes du messie.

Autrefois, j’ai écrit une parabole satirique, « Le loup habitera avec l’agneau », sur les émeutes arabes de 1929 [publiées dans la revue Moznayim en 1930]. Je n’avais pas l’intention de m’en prendre, Dieu nous en préserve, à des personnes déterminées, mais seulement aux idéaux du pacifisme. Je n’ai pas formé mon opinion à partir d’idéologies, ni du pacifisme ni de son contraire. J’ai été instruit sur le pacifisme à mes dépens [P.L. lorsque la maison d’Agnon à Jérusalem a été dévastée dans les attaques arabes]. Mais cette histoire a provoqué un tollé à l’époque parmi les pacifistes du mouvement Brit Shalom [qui plaidait pour la coexistence judéo-arabe et renonçait à l’espoir d’un État juif], jusqu’à ce que tous, sauf un, Arthur Ruppin, prennent leurs distances… Ce n’est qu’avec le temps, après un peu d’introspection, qu’ils ont renouvelé leur amitié.

Je n’aime pas l’armée. Je ne parlerais pas d’une armée de Gentils de cette façon. Je ne suis pas touché par quoi que ce soit de pratique ou de technique. Une fois, j’étais à Yad Vashem le jour du Souvenir, et ils ont utilisé toutes sortes d’effets spéciaux, comme des torches et des choses comme ça, des choses qu’il y a quarante ans ou plus, je ne pouvais pas tolérer dans les théâtres de Reinhardt en Allemagne. Je veux vous dire, je sais que tout le monde est excité par le défilé de l’armée le jour de l’indépendance ; Je sais que les femmes sont très enthousiastes à ce sujet, mais cela ne m’impressionne pas... Pourtant, quand j’ai vu, ici, dans le quartier de Talpiot, les jeunes hommes de la guerre de libération, comment ils nous défendaient et comment ils venaient de leurs postes les veilles de Shabbat pour entendre le Kiddouch, alors je n’ai pas pu retenir mes larmes…”

(Traduit à partir de la version en anglais publiée par la Jewish Review of Books, “The Secret of Our Army’s Endurance” - Jewish Review of Books)

« Si je suis capable d’habiter ici, dans mon quartier de Jérusalem, Talpiot, qui est juste à la frontière, et d’étudier une page de la Guemara, c’est parce que je sais que l’armée israélienne me protège… »

« Si je suis capable d’habiter ici, dans mon quartier de Jérusalem, Talpiot, qui est juste à la frontière, et d’étudier une page de la Guemara, c’est parce que je sais que l’armée israélienne me protège… »

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Une étincelle d’hébreu : Mishkan, le tabernacle et la sainteté du monde, Pierre Lurçat

April 5 2024, 13:05pm

Une étincelle d’hébreu :  Mishkan, le tabernacle et la sainteté du monde, Pierre Lurçat

 

Le judaïsme, à l’inverse de l’islam – dont toute la “sacralité” passe par l’instinct de violence et de meurtre, comme l’a montré René Girard – se préoccupe sans cesse de l’humanité et de la rédemption universelle, et pas seulement (comme il en a souvent été accusé à tort) du destin particulier du peuple Juif. Ce dernier a vocation à devenir un “peuple de prêtres” au service de l’humanité tout entière.

 

Cela apparaît bien dans la construction du Tabernacle (le “mishkan”, משכן) relatée dans les sections hebdomadaires du livre de Vayiqra que nous lisons actuellement. Le “huitième jour” donnant son nom à la parashat Chemini, qui est celui de l’inauguration du Mishkan, a été, dit le Talmud, “un jour de joie pour le Saint béni soit-Il comme celui de la création des cieux et de la terre”. C’est en effet, explique le Rav Léon Ashkénazi, la première fois dans l’histoire de l’humanité que la présence divine, la Chekhina (שכינה), va résider sur terre de façon définitive…

 

Vé-shakhanti bétokham”: Et je résiderai parmi eux” (ושכנתי בתוכם). L’idée que D.ieu puisse résider sur terre, parmi les hommes et non dans un Ciel lointain, est étrangère à bien des religions et cultures païennes, et sans doute également aux deux grandes religions qui se réclament de leur filiation avec le judaïsme. En réalité, cette idée essentielle au judaïsme a été méconnue par les musulmans tant que par les chrétiens. Les premiers, obsédés par la conquête matérielle et par la propagation de l’islam au fil de l’épée, sont imperméables à la notion même de sainteté, comme le montre bien l’utilisation qu’ils font de leurs mosquées à Gaza, Sichem et ailleurs, les transformant en dépôts d’armes et de munitions…

 

Les seconds, ayant fait de Jésus l’incarnation de D.ieu sur terre, ont en fait méconnu l’idée de sanctification du monde, en prétendant contre toute évidence que le monde était déjà rédimé. Ainsi, le message essentiel du judaïsme (“Soyez saints, car Je suis saint”) demeure tout aussi actuel aujourd’hui qu’hier, et l’impératif de sanctification du monde est encore plus urgent et essentiel à l’heure où Israël, de retour sur sa terre, se voit appelé à refaire de Jérusalem et du Temple reconstruit le centre spirituel et le poumon d’un monde en exil de sainteté authentique. Chabbat chalom!

P. Lurçat

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Oublier Amalek ? Israël et la question du mal après le 7 octobre (II) : De l’indignation à l’indifférence

April 2 2024, 07:38am

Posted by Pierre Lurçat

Funérailles de victimes du pogrom de Hébron, 1929

Funérailles de victimes du pogrom de Hébron, 1929

 

“Il y a pire qu’une âme perverse, c’est une âme habituée”.

Charles Péguy

 

« Terriblement désespérée, moralement abattue, je me sentais absolument incapable d’accepter l’idée que je venais de vivre un pogrome en terre d’Israël… J’en avais vu de nombreux dans ma ville natale de Bialystok, et à Varsovie et à Siedlce ; mais un pogrome qui se déroulait ici, en Eretz-Israël ? Comment était-ce possible ? Il ne pouvait rien arriver de pire ! C’était le massacre de nos rêves et de nos espoirs, le massacre de nos années d’efforts et du mouvement sioniste dans son intégralité que ce pogrome… »

 

Puah Rakovski

Lire la première partie : Oublier Amalek? Israël et la question du mal après le 7 octobre, Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

Dans son beau livre autobiographique, la militante sioniste et féministe Puah Rakovski raconte le sentiment d'effroi et de désespoir qu'elle a éprouvé lors des pogroms antijuifs des années 1920 en Eretz Israël. A ses yeux, il était impensable de revivre dans son pays d'adoption ce qu'elle avait vécu dans sa Russie natale. Le plus terrible à ses yeux était l'idée que le destin juif puisse se répéter dans le nouveau pays où s'édifiait un « Nouveau Juif », capable de se défendre et de contre-attaquer.

 

L'histoire des cent dernières années n'a fait que confirmer le regard désabusé porté par Rakovski sur les pogroms de 1921, auxquels l'historiographie sioniste a donné le nom très significatif d'« événements de 1921 »… Incapable de transformer radicalement le destin juif, le Yishouv a cru dissimuler cet échec, en inventant un euphémisme pour désigner les pogroms commis par les Arabes en Eretz Israël. L'indignation ressentie par la militante sioniste fraîchement débarquée dans le pays « ancien nouveau » a malheureusement fait place depuis lors à un sentiment tout autre, qu'on peut difficilement qualifier autrement qu'une forme d'habitude et même d'indifférence.

 

Pour avoir vécu en Israël depuis l'époque des funestes accords d'Oslo, il y a trente ans, je peux témoigner que les attentats horribles qui n'ont jamais vraiment cessé depuis lors ont été de plus en plus accueillis avec un sentiment de lassitude et de fatalisme, comme si la majorité du peuple d'Israël n'était plus capable de comprendre la signification du slogan resté depuis lors toujours actuel, hélas : « dam yehudi eyno hefker » (le sang juif ne coulera pas en vain). Il aura donc fallu le choc incommensurable du 7 octobre pour que la société israélienne dans son ensemble se réveille de sa torpeur et comprenne qu'il n'est pas possible de vivre derrière une barrière, avec des ennemis assoiffés de sang juif de l'autre côté !

 

De ce point de vue, le réveil de l'après 7 octobre aura été douloureux, mais salutaire. L'accoutumance au terrorisme à laquelle avaient conduit des décennies d'attentats meurtriers était en effet devenue une situation intenable et un piège mortel… A force de croire que le mal de la terreur arabe était inévitable, qu'il n'était pas plus grave que la neige en hiver ou que les accidents de la route, nous avions fini par ne plus comprendre ce qu'il signifiait et quelles pouvaient être ses conséquences.

 

Pour illustrer l'erreur conceptuelle dans laquelle l'État d'Israël et ses élites s'étaient largement enfermés avant le 7 octobre, je citerai un rabbin israélien connu, qui expliquait au micro de la radio de l'armée, il y a tout juste un an, à l'occasion de la fête de Pourim, que la notion d'Amalek était purement spirituelle et n'avait rien à voir avec l'actualité et qui mettait en garde les auditeurs – avec l'approbation enthousiaste du présentateur de l'émission – contre le soi-disant « danger » de confondre Amalek avec les Palestiniens..

 

De tels propos étaient répandus avant le 7 octobre, et on pouvait penser en écoutant ce genre de discours convenu que le rôle des rabbins était d'enseigner à leurs ouailles comment oublier Amalek, tout comme des générations de rabbins en galout avaient enseigné que Jérusalem était une notion spirituelle et qu'on devait faire de tout lieu sur la terre une petite Jérusalem… en oubliant la Jérusalem authentique. (A suivre...)

P. Lurçat

 

NB. Mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain vient d’être réédité aux éditions B.O.D. et peut désormais être commandé dans toutes les librairies.

 

 

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