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Yom Kippour 2023, Tel-Aviv : cette religion “progressiste” fanatique qui abhorre le judaïsme

September 27 2023, 08:37am

Posted by Pierre Lurçat

Manifestation progressiste en Israël

Manifestation progressiste en Israël

Le progressisme au nom duquel des Juifs pétris de certitudes ont interdit la prière du Yom Kippour à Tel-Aviv n’est que la dernière en date des idéologies laïques monstrueuses, qui ont fait plus de victimes que toutes les guerres de religion.

 

1.

 

Une image d’Epinal, héritée des Lumières, présente la laïcité comme rejetant l’obscurantisme religieux, au nom de l’humanisme, de la tolérance et de l’amour universel. La réalité, hélas, n’est pas toujours conforme à cette belle image. Dans l’histoire juive, en particulier, nombreux furent ceux qui rejetèrent le “joug des mitsvot” pour accepter un autre joug, tout aussi contraignant, et pour adhérer à de nouvelles “religions” (politiques ou civiles) souvent destructrices et parfois sanguinaires.

 

Ce furent le communisme, dont le nombre des victimes dépasse (en millions) celui du nazisme, ou le maoïsme - qui rivalisa avec ses deux “grands frères” dans l’horreur (voir le beau roman qu’Evelyne Tschirhart a consacré au “Soleil rouge”). Le nazisme, le communisme et le maoïsme – trois idéologies laïques opposées à toute notion de Dieu – ont fait plus de morts au vingtième siècle que toutes les guerres de religion des siècles passés. La dernière en date de ces religions destructrices s’appelle le progressisme, et si elle n’a pas encore fait couler autant de sang que ses aînées, tous les “espoirs” sont à cet égard, hélas, permis, si l’on en juge par la radicalité de son discours et de son idéologie.

 

2.

 

C’est dans ce contexte que s’inscrit la dernière bataille en date du Kulturkampf israélien, celle qui a vu des Juifs laïcs tel-aviviens interdire manu militari un office public de Kol Nidré, place Dizengoff. Il n’est pas anodin que ces “byrionim” aient choisi le Kol Nidré, qui est sans doute la prière qui traduit le mieux l’esprit de tolérance et d’ouverture du judaïsme ; en appelant à “autoriser la prière aux Juifs qui transgressent la loi”. C’est précisément dans cet esprit juif d’ouverture et de tolérance que l’organisation Rosh Yehudi, créée après l’assassinat d’Itshak Rabin dans un but de rapprochement, organise chaque année cet office de Kippour.

 

Mais face aux adeptes de la religion progressiste, aucun esprit de tolérance n’est de mise. Comme l’expliquait hier midi sur Galei Tsahal un journaliste (dont le nom m’échappe), cet incident aura permis de dissiper tout malentendu concernant le soi-disant esprit de “libéralisme” et de “tolérance” de la ville de Tel-Aviv et de ses dirigeants actuels, et notamment de son maire, Ron Huldaï. Leur “tolérance” est du même acabit que celle du grand Voltaire, auteur du slogan “écrasons l’infâme” et lui aussi, ennemi déclaré du judaïsme religieux.

 

3.

 

Cette nouvelle croisade progressiste, déclenchée le soir de Kippour, ne s’inscrit pas seulement dans l’histoire déjà ancienne de l’antagonisme laïcs-religieux en Israël. En réalité, il s’agit de la version locale d’un conflit bien plus vaste, qui oppose le judaïsme – en tant que représentant par excellence des valeurs conservatrices, traditionnelles et religieuses – d’un côté, et la nouvelle religion progressiste de l’autre. C’est un véritable conflit de civilisations, comme celui qui opposa Israël à l’empire séleucide à l’époque de Hannoukah.

 

Il n’est évidemment pas anodin que le prétexte choisi pour allumer l’étincelle de ce dernier round ait été la question de la non-mixité dans l’espace public, qui renvoie à celle, plus vaste, de la séparation des sexes et de la liberté sexuelle, dont la religion progressiste a fait son étendard (aux couleurs de l’arc-en-ciel, ce qui pose évidemment question, quand on se souvient de ce que signifie ce symbole dans la tradition juive). Dans l’esprit des adeptes du progressisme, il est impératif d’occuper l’espace public et d’y imposer leurs “valeurs” (comme lors des manifestations provocatrices à Bné Braq ou de la “Gay Pride” à Jérusalem). Dans ce nouveau conflit idéologique, c'est le judaïsme qui l’emportera, une fois de plus.

P. Lurçat

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La guerre de Kippour 50 ans après : Le “retour du refoulé” ou la fin du "Nouveau Juif"

September 22 2023, 12:26pm

Posted by Pierre Lurçat

L'escouade 201

L'escouade 201

La violence de la protestation actuelle pourrait s'expliquer par le choc post-traumatique d'une génération, qui revit sans cesse le traumatisme d'octobre 73 et qui refuse d'accepter que le modèle auquel elle a cru soit remplacé par autre chose… Premier volet d'une série d’articles sur le cinquantième anniversaire de la guerre de Kippour.

Dans la profusion de reportages, d'articles et de films marquant le cinquantenaire de la guerre de Kippour, une série documentaire de la chaîne publique Kan11 a retenu mon attention en particulier. « Ha-Ahat » (« The One ») relate l'histoire d'une unité de l'armée de l'air, l'escouade 201. Son intérêt principal – au-delà du récit captivant des combats, relatés par les pilotes qui ont combattu en 1973 sur les fronts égyptien et syrien – réside dans le fait que plusieurs des pilotes intervenants sont aujourd'hui des figures publiques, qui jouent un rôle actif dans le mouvement de protestation contre le gouvernement, et notamment l’ancien chef d’état-major Dan Halouts et le maire de Tel-Aviv Ron Huldaï.

 

Cette série permet de comprendre le lien direct qui relie les évènements dramatiques de 1973 et ceux de 2023. A cet égard, ce n'est pas tant un anniversaire que l'on marque en Israël aujourd'hui, que les suites d'un événement décisif, qui continue d'influer sur la société et la vie publique israéliennes. La guerre de Kippour a signifié à la fois un changement générationnel, la fin d'une époque et le début d'une autre… Comme le montre un livre passionnant du sociologue de l'université de Haïfa Oz Almog[1], c'est la fin de l’époque de « Sroulik », ce personnage créé par le dessinateur Gardosh dans les années 1950 qui incarnait le nouveau visage de l’Israélien, sympathique et décomplexé.

 

On pourrait dire, de manière schématique, que ce qui a pris fin en 1973 est le rêve du « Nouveau Juif », cet idéal partagé par toutes les tendances du mouvement sioniste, de droite ou de gauche, laïc ou religieux (sous des formes différentes). Si la guerre de Kippour est tellement présente en Israël aujourd'hui, et si la génération de 1973 joue un rôle important dans le mouvement de protestation actuel, c'est sans doute parce qu'elle a marqué un moment décisif pour la psyché collective et pour la société israélienne, moment dont nous ne sommes pas encore totalement sortis.

 

Pour caractériser ce moment essentiel, j’emploierai trois niveaux d’explication. Au niveau historique et sociologique, c’est le moment où les anciennes élites qui ont construit le pays (selon le récit de l’historiographie dominante, qui n’est évidemment pas entièrement exact) commencent à voir leur hégémonie contestée par l’émergence de nouvelles élites et par la montée en puissance du « Second Israël », celui qui va porter au pouvoir Menahem Begin quatre ans après la guerre de Kippour.

 

Au niveau symbolique et psychanalytique, c’est le moment du « retour du refoulé », c’est-à-dire le retour du Juif ancien (le « Juif éternel »), celui que le sionisme laïc avait pensé faire disparaître avec la construction d’un Nouveau Juif/Hébreu/Cananéen… Au niveau spirituel enfin, c’est le moment qu’on pourrait définir comme la "mort" de Mashiah Ben Yossef et son remplacement (actuel ou attendu) par Mashiah ben David[2].

 

Si la fin du « Nouveau Juif » est si difficile à accepter pour ceux qui ont cru à cette utopie, c'est parce qu'elle a failli réussir ! Le traumatisme de 1973, qui se perpétue jusqu'à nos jours, n'est donc pas seulement celui de l'impréparation et de la « surprise » militaire (et de la victoire devenue une « défaite » dans le discours dominant). Il est aussi et surtout celui d'une génération qui a vraiment cru incarner ce visage du nouveau Juif, fort et invincible, qui transparaît bien dans le discours des pilotes de l'unité 201.

 

La violence de la protestation actuelle pourrait ainsi s'expliquer par le choc post-traumatique d'une génération qui revit sans cesse le traumatisme d'octobre 73 et qui refuse d'accepter que le modèle auquel elle a cru soit remplacé par autre chose… Gmar Hatima tova ! (à suivre…)

P. Lurçat

 

[1] Oz Almog, Farewell to Srulik, Changing values among the Israeli Elite, Zamora Bittan 2004.

[2] Sur ce sujet, je renvoie au très beau livre de Hanan Porat, Into One Branch: Messiah the Son of Joseph, Messiah the Son of David (hébreu), Koren 2023.

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Après l’audience devant la Cour suprême : Quel statut pour la Déclaration d’Indépendance ?

September 18 2023, 07:20am

Posted by Pierre Lurçat

Après l’audience devant la Cour suprême :  Quel statut pour la Déclaration d’Indépendance ?

1.

 

Au lendemain de l’audience dramatique devant la Cour suprême qui s'est tenue la semaine dernière, certains médias israéliens, dans une tentative pusillanime pour faire le “buzz”, ont prétendu que l’avocat du gouvernement, Me Ilan Bombach, avait “exprimé son mépris envers la Déclaration d’Indépendance”, en affirmant que celle-ci avait été adoptée “dans la précipitation, par 37 signataires non élus”. Par-delà le “spin” médiatique, on ne peut que donner raison à Me Bombach. La Déclaration d’Indépendance a été signée dans la précipitation, à la veille de shabbat, tout comme la Sortie d’Egypte s’est faite, selon la Tradition, dans la précipitation (“be-Hipazon”)… Ce n’est pas manquer de respect au texte fondateur de notre Etat que de le rappeler.

 

La tentative de la Cour suprême, avec le soutien unanime des médias “mainstream” (qui n’ont jamais été aussi peu objectifs que depuis l’intronisation du gouvernement Nétanyahou), et l’appui des manifestants de Kaplan à Tel-Aviv[1], de transformer la Déclaration d’Indépendance en texte constitutionnel est cousue de fil blanc. Cette invention récente porte la signature du juge Aharon Barak, promoteur de la première Révolution constitutionnelle (au début des années 1990) et inspirateur de la Seconde Révolution constitutionnelle (dont nous voyons aujourd’hui les prémisses).

 

2.

 

Au-delà du débat technique sur le statut juridique de la Déclaration d’Indépendance, cette tentative s’inscrit en effet dans le droit fil de l’entreprise menée par Aharon Barak depuis trois décennies, pour affaiblir le caractère juif de l’Etat au nom de la préservation de son caractère démocratique. Ainsi écrivait-il en 1992 que les valeurs fondamentales du judaïsme sont “les valeurs fondamentales de l’Etat… que le judaïsme a léguées à l’humanité tout entière”, évacuant par un tour de passe-passe sémantique toute dimension particulariste du judaïsme. C’est exactement le même exercice auquel se livre aujourd’hui la président de la Cour suprême, Esther Hayout, dans le droit fil d’Aharon Barak dont elle est l’élève disciplinée, avec le soutien des grands médias et d’une partie de l’establishment judiciaire et académique.

 

Pour résumer, il s’agit de prétendre que l’amendement à la Loi fondamentale sur la Justice (“Loi sur le critère de raisonnabilité”) porterait atteinte au caractère démocratique de l’Etat d’Israël, inscrit dans la Déclaration d’Indépendance, laquelle aurait une valeur supra-constitutionnelle. Ce raisonnement est évidemment très critiquable, dans chacun de ses axiomes. Premier axiome : la Déclaration d’Indépendance aurait valeur constitutionnelle, voire “supra-constitutionnelle” (en ce qu’elle traduirait ce que Barak appelle les “valeurs supérieures du système juridique" israélien). Deuxième axiome : le caractère démocratique serait plus important que le caractère juif de l’Etat (rappelons que le mot “démocratique” ne figure pas dans la Déclaration d’Indépendance). Troisième axiome : seule la Cour suprême serait habilitée à évaluer la conformité des lois (y compris fondamentales) à la Déclaration d’Indépendance, transformée pour l’occasion en super-instrument de contrôle de constitutionnalité.

 

3.

 

Ce qui nous ramène à la question essentielle et au débat fondamental, qui n’est apparu qu’à de rares moments au cours de l’audience fleuve devant la Cour suprême la semaine dernière : celui qui oppose deux conceptions radicalement opposées et inconciliables de la démocratie. Est-elle le gouvernement du peuple, comme l’ont rappelé les représentants du gouvernement et de la Knesset ? Ou bien a-t-elle laissé la place à un “gouvernement des juges”, qui n’a jamais été aussi évident que ces derniers mois ?

 

Comme l'explique Gadi Taub, la question cruciale qui permet de distinguer les différents régimes politiques est celle de savoir qui détient le pouvoir de décision ultime. Dans un régime démocratique – "le plus mauvais de tous les régimes à l'exception de tous les autres" selon l'expression de Churchill – c'est le peuple qui détient le pouvoir de décision ultime. Si ce dernier appartient à un aéropage de juges non élus, fussent-ils les plus "libéraux" et les plus intelligents, cela ne s'appelle plus un régime démocratique… A tous mes lecteurs et au peuple d'Israël, שנה טובה ומבורכת כתיבה וחתימה טובה 

P. Lurçat

 

ILS ONT LU “QUELLE DEMOCRATIE POUR ISRAEL?”

 

“Une étude magistrale et édifiante!” 

Jean-Pierre Allali, Crif.org

 

Un livre politique qui se lit comme un roman policier”.

Liliane Messika, écrivain Mabatim

 

“Pierre Lurçat balaye en quelques pages les slogans de la gauche israélienne qui manifeste aujourd’hui massivement au nom de la « défense de la démocratie » contre le « coup d’Etat ». “ 

 

Yves Mamou, Revue politique et parlementaire

 

Dans ce petit livre très dense et très pédagogique, Pierre Lurçat nous éclaire sur la crise actuelle que traverse Israël”.

Evelyne Tschirhart, écrivain

 

On ne peut imaginer ouvrage plus clair et plus adéquat pour comprendre quel est l’enjeu de ce qui s’est passé dans le pays”.

Henri Kahn, Kountrass

 

“Un livre clair, intelligent et magnifiquement documenté et argumenté dans un texte court, pour en finir avec les manipulations médiatiques sur le sujet”

Monique Atlan, Amazon.fr

 


[1] La “coordination” entre Ehoud Barak et Aharon Barak sur ce sujet n’est évidemment pas fortuite.

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Manipulation politique et mensonges médiatiques : le débat intérieur israélien sous influences étrangères

September 13 2023, 06:18am

Posted by Pierre Lurçat

Le photomontage d'origine iranienne

Le photomontage d'origine iranienne

 

Alors que les médias israéliens diffusaient le discours offensif du chef du Mossad contre l’Iran, dans lequel ce dernier affirmait qu’Israël n’hésiterait pas à frapper au cœur du territoire iranien, une information passée bien plus inaperçue montre à quel point l’Iran a réussi, sans tambour ni trompettes, à pénétrer au cœur de la société civile et de la politique israélienne. Un photomontage du commandant de la région centre, Yehuda Fuchs, arborant un brassard nazi et une moustache à la Hitler, a été diffusé sur un compte Twitter israélien. Après vérification, il s’avère que ce compte Twitter était celui d’un « Bot » – un robot activé par les services secrets iraniens.

 

Mais cette révélation faite par le Shin-Beth – les services de sécurité intérieure israéliens – est arrivée trop tard: le chef de l’opposition Yair Lapid avait déjà relayé le photomontage, en accusant le gouvernement d’incitation à la haine, accusation reprise par la 12e chaîne de télévision en « Une » de son journal télévisé… Cette affaire emblématique montre au moins deux choses. La première est l’imprudence et la négligence coupable avec laquelle Yair Lapid – qui est devenu pour l’occasion un pion de puissances étrangères – et la 12e chaîne ont relayé la manipulation iranienne, sans attendre que l’identité du propriétaire du compte Twitter soit vérifiée. Le second aspect, bien plus inquiétant, est celui des manipulations politiques étrangères en Israël.

 

Dans le cas de l’Iran, la manipulation a été dévoilée au grand jour au bout de 24 heures, grâce à l’efficacité du Shin-Beth. Le mal était certes fait, mais il a été circonscrit. Toutefois, l’Iran n’est pas le seul à tenter – avec succès – de manipuler le débat politique intérieur israélien. D’autres pays s’y emploient depuis longtemps, avec un succès encore plus grand. Les manifestations incessantes auxquelles on assiste depuis l’intronisation du gouvernement israélien sont en partie financées par des fonds étrangers, tout comme le sont les innombrables ONG qui déterminent l’ordre du jour du débat public, à travers leurs recours incessants devant la Cour suprême, contre des décisions de l’armée, de la Knesset ou du gouvernement.

 

En réalité, c’est l’ensemble de la vie politique israélienne qui est aujourd’hui placée sous influences étrangères, celle de l’Iran n’étant pas la plus néfaste. Si les grands médias israéliens n’étaient pas eux-mêmes sous influence, ils devraient enquêter d’urgence sur le « soft-power » – de moins en moins « soft » et de plus en plus brutal – qui tente de contrecarrer la politique de l’Etat israélien et de renverser son gouvernement, qu’il s’agisse de l’administration Biden, de l’Union européenne, ou d’autres acteurs hostiles à Israël et à son gouvernement. C’est aussi cette guerre d’influence qui est au cœur de l’actuel débat juridique et politique. L'enjeu de ce débat dépasse de loin les seuls aspects techniques et légaux évoqués hier devant la Cour suprême. L'enjeu essentiel est de faire d'Israël, 75 ans après la Déclaration d'indépendance, un pays véritablement indépendant. A la veille de l’année 5784, souhaitons que la nouvelle année apporte de bonnes nouvelles pour le peuple d’Israël !

P. Lurçat

CHANA TOVA! Très bonne année 5784 à mes lecteurs!

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CHANA TOVA! Très bonne année 5784 à mes lecteurs!

September 11 2023, 11:52am

Posted by Pierre Lurçat

CHANA TOVA! Très bonne année 5784 à mes lecteurs!

J'adresse à tous les lecteurs de VuDeJérusalem mes voeux de "Chana Tova", une bonne année 5784, pleine de bonheur pour vous et votre famille! 

לשנה טובה תכתבו

CHANA TOVA! Très bonne année 5784 à mes lecteurs!

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Adieu Causeur, Bonjour Pravda ! Réponse à Gil Mihaely : non, Israël n'est pas menacé de « crise constitutionnelle » ou de « dictature »

September 8 2023, 09:40am

Posted by Pierre Lurçat

Adieu Causeur, Bonjour Pravda ! Réponse à Gil Mihaely : non, Israël n'est pas menacé de « crise constitutionnelle » ou de « dictature »

 

Il n’aura pas échappé au lecteur attentif du magazine en ligne Causeur que depuis six mois, le sujet d’Israël est quasiment absent de ses colonnes… Ce média qui était un des rares à défendre Israël dans le paysage médiatique français a choisi de se taire. Pourquoi ? Parce que le directeur de la rédaction de Causeur, Gil Mihaely, est opposé au gouvernement israélien. Mihaely vient ainsi de publier une tribune virulente, expliquant que le gouvernement de B. Nétanyahou “s’en prend aux deux socles de la société libérale, la Cour constitutionnelle et la société civile” et que “la base [électorale] de Nétanyahou préfère la synagogue aux llibertés”. 

 

Il est affligeant à mes yeux de voir un journaliste français donner des leçons de démocratie à Israël depuis la France, tout en soutenant ouvertement des régimes aussi peu démocratiques que ceux du Qatar ou de l’Azerbaïdjan… L’attitude actuelle de Causeur à l’égard d’Israël est d’autant moins logique que ce journal affiche ouvertement des opinions proches de Marine Le Pen en France, et prétend soutenir la “gauche” (caviar il est vrai) en Israël. On peut ainsi être à droite de la droite en France et faire la fine bouche avec la droite israélienne ! Causeur, comme d’autres médias, n’est pas à une contradiction près.

 

M. Mihaely, qui est un Israélien installé en France depuis longtemps, est libre d’avoir ses opinions comme chacun. Mais la moindre des choses aurait été, pour un média qui a pour slogan “Surtout si vous n’êtes pas d’accord”, de permettre à ses lecteurs d’entendre un autre son de cloche… Ayant longtemps contribué à son magazine, je me suis permis de lui adresser la réponse ci-dessous. M. Mihaely a refusé de la publier. Les lecteurs de Causeur ne connaîtront donc que le “point de vue officiel” du directeur de Causeur, devenu pour l’occasion l’émule de la Pravda… Je le regrette évidemment, pour eux comme pour Causeur dont j’ai apprécié jadis la liberté de ton. P.L.

 

En tant que contributeur régulier du magazine en ligne Causeur depuis plusieurs années, je souhaite répondre à l'article de Gil Mihaely, intitulé « Israël, des Jours redoutables ». Tout d'abord, il est très délicat d'affirmer que la crise politique actuelle en Israël serait due à la volonté du Premier ministre Binyamin Netanyahou d'échapper à une condamnation judiciaire. La simple chronologie dément cette explication simpliste. Le projet de réforme entamé par le gouvernement actuel est en effet bien plus ancien que le procès intenté à Nétanyahou… Le ministre de la justice Yariv Levin m'en avait ainsi exposé les grandes lignes dans une interview pour Israël Magazine parue en… 2011.

 

Venons-en au fameux risque de « crise constitutionnelle » que ferait peser la réforme judiciaire. L'expression même de « crise constitutionnelle » est problématique, s'agissant d'un pays qui n'a pas de véritable constitution, mais seulement un ensemble de « Lois fondamentales ». En réalité, c'est précisément l'absence de Constitution – définissant clairement la place de chaque institution et ses prérogatives – qui a permis à la Cour suprême, sous la houlette du juge Aharon Barak, de s'ériger en premier pouvoir depuis trois décennies, comme je l'ai relaté dans un livre récent.

 

S'il y a aujourd'hui une profonde crise politique en Israël, c'est surtout du fait du refus de l'actuelle opposition d'accepter le résultat des élections de novembre dernier et de sa volonté de faire tomber le gouvernement à tout prix, y compris celui d'un appel au refus de servir dans Tsahal et d'une atteinte possible à l'économie et à la cohésion sociale. Imputer la responsabilité de cette crise au seul Netanyahou et à sa coalition relève d'une lecture partisane de l'actualité israélienne. 

 

Ce qui m'amène au dernier point, celui de la coalition au pouvoir et de son caractère soi-disant extrémiste. Le magazine Causeur, auquel j'ai eu plaisir à contribuer pendant plusieurs années, est bien placé pour savoir combien il est facile de délégitimer un homme ou un parti politique, en arguant de ses opinions « extrémistes ». Le gouvernement israélien actuel repose sur une large coalition et réunit en son sein des partis très différents. Le présenter comme étant « ultra-orthodoxe » ou comme « d'extrême droite » ne correspond pas à la réalité socio-politique de la coalition actuelle et de l'électorat qui l'a portée au pouvoir. La majorité de 64 députés sur 120 qui a voté la Loi sur le critère de raisonnabilité était tout à fait fondée à le faire.

 

La question cruciale qui se pose aujourd'hui est de savoir si les juges de la Cour suprême, qui représentent sociologiquement les mêmes anciennes élites (laïques ashkénazes de gauche, pour simplifier) qui manifestent dans les rues depuis huit mois, respecteront le vote de la Knesset et sa compétence. Si la Cour suprême choisit l'affrontement, alors la crise se poursuivra, sans que cela remette en cause le caractère démocratique d'Israël et de ses institutions. Ce n'est ni la première ni la dernière fois qu'un gouvernement démocratique devra imposer ses choix, contre l'avis de juges non élus…

 

Quant au scénario catastrophe d'une situation dans laquelle l'armée et le Mossad décideraient de ne plus obéir au gouvernement, mais plutôt à la Cour suprême, érigée en dernier bastion d'un contre gouvernement des juges, il relève de la politique fiction. Depuis 1948, l'armée d'Israël n'a jamais obéi à personne d'autre qu'au gouvernement élu par le peuple et cela ne va pas changer. Israël a traversé d'autres crises tout aussi graves que celle qu'il traverse aujourd'hui. La nécessaire clarification du rôle des institutions et la réaffirmation de la primauté de la Knesset et du gouvernement face au pouvoir non élu des juges et des médias renforceront à terme le caractère démocratique de l'état juif.

 Pierre Lurçat

Mon livre Quelle démocratie pour Israël ? publié aux éditions l’éléphant, est disponible sur B.o.D, Amazon, à la librairie du Temple à Paris, à la librairie française de Tel-Aviv et auprès de l’éditeur à Jérusalem (editionslelephant@gmail.com)

 

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Crise constitutionnelle ou conflit de pouvoirs ? (I) La seconde phase de la “Révolution constitutionnelle” a commencé

September 1 2023, 09:33am

Posted by Pierre Lurçat

Crise constitutionnelle ou conflit de pouvoirs ? (I) La seconde phase de la “Révolution constitutionnelle” a commencé

Depuis plusieurs semaines, l’expression de « crise constitutionnelle » ne cesse d’être employée et brandie comme un épouvantail, ou parfois comme une menace. A l’approche de l’audience de la Cour suprême sur la Loi supprimant le critère de raisonnabilité, il importe de définir ce que signifie cette expression et de se demander en quoi elle est ou non pertinente pour décrire le débat politique et juridique actuel en Israël.

 

Traditionnellement, l’expression de « crise constitutionnelle » désigne une situation dans laquelle la Constitution ne prévoit aucune solution pour résoudre une crise politique. Parmi les exemples classiques de crise constitutionnelle, on peut citer les cas de sécession d’États de l’Union aux États-Unis (avant la guerre de Sécession), ou le mariage du roi Edouard VIII avec Wallis Simpson en Angleterre, en 1936. Ces deux exemples mettent en évidence la différence fondamentale avec le cas d’Israël aujourd’hui : contrairement aux États-Unis et à l’Angleterre, Israël ne possède en effet pas de Constitution, au sens précis du terme. On ne peut donc employer le terme de « crise constitutionnelle » à proprement parler, mais plutôt celui de « crise politique », ou de conflit institutionnel.

 

Il s’agit en effet avant tout d’un conflit de pouvoir, qui connaît actuellement un nouveau climax, avec la possible annulation par la Cour suprême de l’amendement à la Loi fondamentale sur le critère de raisonnabilité. En apparence, la décision de la Cour suprême de juger recevables les multiples recours formés contre l’amendement à la Loi sur le pouvoir judiciaire adopté le mois dernier n’avait rien d’exceptionnel. A peine la loi était-elle votée que – quelques minutes plus tard seulement – les premiers recours affluaient au secrétariat de la Cour suprême. Les acteurs habituels – Mouvement pour la qualité du gouvernement, etc. – avaient préparé leurs recours bien avant le vote de la Knesset…

 

Mais derrière cette apparence de « normalité », quelque chose d’inhabituel – et même d’extraordinaire – est en train de se jouer. Car la loi votée le mois dernier n’est pas une loi ordinaire, mais un amendement à une Loi fondamentale. Rappelons qu’une Loi fondamentale (Hok Yessod) a une valeur supra-législative, ou quasi-constitutionnelle. Comme je l’explique dans mon livre sur le sujet*, les Lois fondamentales sont les chapitres d’une future Constitution, dont l’adoption formelle a été empêchée jusqu’à ce jour pour de multiples raisons. Profitant de ce vide constitutionnel, le président de la Cour suprême Aharon Barak a depuis les années 1990 initié une « Révolution constitutionnelle », par laquelle il a prétendu faire de la Cour suprême un véritable « Conseil constitutionnel », c.-à-d. un juge de la constitutionnalité des lois et des actes du gouvernement et de l’administration.

 

Le raisonnement du juge Aharon Barak, devenu depuis une théorie admise par une majorité des membres de l’establishment judiciaire, est que les deux lois fondamentales de 1992 (Loi sur la dignité de l’homme et sur la liberté professionnelle) sont la « Déclaration des droits de l’homme » d’Israël et qu’à ce titre, elles doivent être respectées par tous, sous le contrôle de la Cour suprême. Le « hic » de cette théorie est qu’elle a été élaborée de manière unilatérale par le juge Barak et par ses partisans, sans avoir été jamais validée par la Knesset ou par le peuple, et ce en l’absence de Constitution véritable.

 

Si la Cour suprême devait – comme cela est de plus en plus probable – annuler une Loi fondamentale, il y aurait là une deuxième étape de la « Révolution constitutionnelle », ou même une « deuxième Révolution constitutionnelle », encore plus dramatique que la première de l’avis de certains commentateurs. Dans la première “Révolution constitutionnelle » de 1992, en effet, la Cour suprême s’était placée au-dessus de la Knesset en tant que pouvoir législatif, en s’autorisant de manière unilatérale à annuler des lois. Si elle annulait une Loi fondamentale, cela voudrait dire qu’elle est aussi désormais au-dessus de la Knesset en tant que pouvoir constituant (ou quasi-constituant), puisqu’elle s’arrogerait le droit d’annuler une loi à valeur quasi-constitutionnelle (ou constitutionnelle de l’avis de ceux qui considèrent que les Lois fondamentales ont une valeur constitutionnelle).

 

C’est donc une décision dramatique qui risque d’être prise dans les prochaines semaines, dont l’enjeu concerne le fragile équilibre des pouvoirs – déjà menacé par la première Révolution constitutionnelle – et le bon fonctionnement de la jeune démocratie israélienne. Dans la suite de cet article, nous verrons pourquoi il est problématique pour la Cour suprême de se prononcer sur la Loi fondamentale restreignant le critère de raisonnabilité. (à suivre…)

P. Lurçat

 

Mon livre Quelle démocratie pour Israël ? publié aux éditions l’éléphant, est disponible sur B.o.D, Amazon, à la librairie du Temple à Paris, à la librairie française de Tel-Aviv et auprès de l’éditeur à Jérusalem (editionslelephant@gmail.com)

 

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