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Nouveau! préparation aux examens d’obtention du diplôme israélien d’expert-comptable

September 28 2022, 12:54pm

Posted by Pierre Lurçat

Nouveau! préparation aux examens d’obtention du diplôme israélien d’expert-comptable

PIL FORMATION - DEPUIS 2007

Préparation en français et hébreu à l’examen israélien de droit des sociétés de l’Ordre des experts-comptables.

Formation en français par un avocat, possédant une expérience reconnue.

Prochaine session à Jérusalem - octobre/novembre 2022 

Etude des lois au programme et entraînement à partir des annales des examens de l'Ordre des experts-comptables

Inscriptions et renseignements auprès de PIL FORMATION

pierre.lurcat@gmail.com

 050 286 51 43 

I - Programme et objectifs

Objectifs globaux

 

* Connaître les lois au programme

* Disposer de méthodes et d’outils pour réussir les examens d’équivalence en 2018-9

Programme

- Droit commercial

- Droit des sociétés et droit du travail

 

II - Méthodes et moyens pédagogiques

 Cours présentiels / à distance

La méthodologie employée durant les cours présentiels consiste à vous faire acquérir les connaissances de base (concepts et vocabulaire juridique, maîtrise de la syntaxe et compréhension des textes de loi) et à vous rendre autonome pour lire et comprendre les lois.

 

Entraînement aux questions d’examens

Lors de chaque cours, nous répondrons à des questions tirées des annales sur les sujets étudiés.

 

Supports écrits

Le support principal est constitué :

du recueil de lois publié par les éditions Mahshavot / Halachot

des annales d’examens que je vous fournirai.

 

Pour chaque matière étudiée, vous recevrez également certains supports et listes de vocabulaire en français

 

Inscriptions et renseignements auprès de PIL FORMATION

pierre.lurcat@gmail.com

 050 286 51 43 

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Célébrations d'automne, Pierre Lurçat

September 25 2022, 09:04am

Posted by Pierre Lurçat

Célébrations d'automne, Pierre Lurçat

A tous mes lecteurs, Chana tova, Ktiva vé-Hatima tova!

Chaque année, avec le retour de l'automne, il sentait monter en lui un sentiment de nostalgie mêlé de joie, comme lorsque dans son enfance, il voyait arriver la rentrée des classes. Ce jour – que beaucoup d'enfants redoutaient, car il signifiait pour eux la fin des grandes vacances et le début de longues heures d'étude ennuyeuses et monotones – il le considérait comme le début d'une nouvelle vie pleine de bonheur et de petits plaisirs innocents, comme celui d'ouvrir une trousse flambant neuve et d'en sortir des stylos et des crayons parfaitement taillés, dont la mine piquait comme une épingle. 

 

À l'appréhension de découvrir ses nouveaux professeurs, avec leurs manies, leurs exigences et leurs têtes de Turc, se mêlait l'excitation d'ouvrir les livres neufs, humer leur odeur d'encre d'imprimerie et entamer l'étude de matières nouvelles, dont le nom était parfois aussi mystérieux que celui d'une terre lointaine sur la mappemonde.

 

La cour de récréation, emplie d'une foule d'enfants agitée, que les sifflets du surveillant parvenaient à peine à dompter ; les interminables parties de billes autour des marronniers aux larges feuilles en éventail, comme les doigts de la main, les jeux et les bousculades qui se poursuivaient pendant la longue interruption de midi, et le soleil rasant, colorant d'un rouge mordoré la cime des arbres du jardin du Luxembourg, qu'il traversait deux fois par jour, matin et soir... Automne ! Il regrettait cette saison, qui était autrefois sa préférée, dans le Paris de sa jeunesse, maintenant qu'il habitait à Jérusalem, où le climat passait presque sans transition de l'été chaud et sec à l'hiver froid et pluvieux.

 

Plus tard, il avait goûté d'autres saveurs et découvert d'autres sensations automnales : les fêtes, austères et solennelles, de Roch Hachana et de Kippour, et la foule des Juifs qui venaient expier leurs fautes et demander à Dieu de leur accorder une année douce. Il se souvenait de son étonnement, lorsqu'il était entré pour la première fois dans une synagogue et y avait découvert des Juifs affairés, posant le toit d'une cabane ; à cette époque il ne savait même pas ce qu'était une Soucca

 

À l'âge où ses camarades de lycée se préoccupaient de sport ou vivaient leurs premières aventures amoureuses, il avait découvert la religion de ses ancêtres et s'était mis à apprendre frénétiquement l'hébreu, seul, armé d'une Bible de Munk et d'un dictionnaire Larousse. La première fois qu'il avait célébré Kippour, il avait passé presque une heure debout, à déchiffrer la prière des Dix-huit bénédictions, ânonnant chaque mot l'un après l'autre, pendant que les fidèles autour de lui, assis, écoutaient la lecture de la Torah.

 

« Et que j'aime, ô saison, que j'aime tes rumeurs… Les fruits tombant sans qu'on les cueille ». Ces vers d'un poète étudié au lycée, longtemps oubliés au fonds de sa mémoire, refirent surface après plusieurs décennies, en même temps que le nom de son professeur de français, Monsieur Boulitreau. Pendant de longues années, il avait effacé de son esprit toute trace de ces œuvres qu'il avait jadis aimées, voulant faire table rase de cette culture profane pour mieux s'imprégner, croyait-il, des mélodies antiques des textes hébraïques et araméens. 

 

À présent, tout cela lui semblait vain et illusoire. Il s'était finalement résigné à ne pas être devenu totalement israélien et à continuer à parler, à lire et à penser en français. Il prenait maintenant plaisir à réciter des poèmes d'Apollinaire ou des tirades entières de Racine. « Le vent et la forêt qui pleurent, – Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille… ». Pouvait-on aimer deux langues, deux cultures, deux pays en même temps ? L'amour jaloux et exclusif auquel il s'était entièrement donné, lui paraissait maintenant excessif et trompeur, comme un amour d'adolescent. 
 

Il aspirait à renouer les fils de son histoire personnelle, à rassembler le puzzle épars de sa vie, pour goûter enfin, après tant d'années de lutte, d'insatisfaction et d'aspirations violentes et inassouvies, un peu de sérénité et de bonheur. Vingt ans après son départ soudain et son installation en Israël – qui avaient surpris et attristé ses proches et ses amis – il commençait tout juste à retrouver un semblant d'unité dans sa vie déchirée, coupée en deux, et à comprendre les mots mystérieux de Rabbi Nahman : « Il n'y a pas plus entier qu'un cœur brisé ».

 

Écoutant à la synagogue la longue plainte du chofar, il y avait retrouvé comme un écho lointain de ses premières émotions musicales – une phrase d'une sonate de Beethoven qui avait le don de lui arracher des larmes de joie. Il avait enfin fini par comprendre que la nouvelle année n'était pas seulement un recommencement, une renaissance – dont la survenance au début de l'automne correspondait beaucoup mieux à la réalité intérieure et profonde du cycle de l'année, que les agapes païennes du premier janvier – mais qu'elle était aussi un renouvellement et un retour sur lui-même, sur les moments oubliés et longtemps reniés de sa jeunesse, dans lesquels il prenait maintenant plaisir à se replonger.

(Extrait de Jour de Sharav à Jérusalem, éd. L'éléphant 2020)

________________________________________________

 

Longtemps épuisé, mon livre Jour de Sharav à Jérusalem est de nouveau disponible, en format Kindle et en format papier.

 

Le « sharav », c'est le vent du désert qui souffle parfois sur Jérusalem, ce qui donne son titre à l'une des nouvelles de cet agréable recueil. Né à Princeton aux États-Unis, l'auteur, qui a grandi en France, vit désormais à Jérusalem. Les textes, très courts mais finement ciselés, qu'il nous offre, se présentent comme autant d'hommages à la cité du roi David. (Jean-Pierre Allali, Crif.org)
 

 

Avec son livre si poétique, Pierre Itshak Lurçat nous offre toute une palette de couleurs d’émotions. Parfois, c’est la musique que l’on entend presque, tant sa présence revient comme une nostalgie lancinante de ses années de jeunesse, mais aussi comme la résonance de son intégration en Israël. (Julia Ser)
 

Lurçat n’est pas un portraitiste phraseur. C’est l’amour du peuple juif qui le porte et il est contagieux. La Ville Sainte qui le fascine abrite ses émotions et offre un écrin à ces histoires. « A Jérusalem, qu’on le veuille ou non, on est porté vers le haut » confie Lurçat. La photo en couverture du livre prend alors tout son sens. Ces destins qui traversent ces pages sont comme les cordes de cette harpe, tendus vers le ciel, qui vibrent en harmonie, traversés par un impératif d’élévation. (Katie Kriegel, Jerusalem Post)

 

Lisez ce livre, et relisez-le. Il mérite de prendre place à côté des meilleurs écrits de la littérature franco-israélienne ou israélo-française… Le vibrato de ce livre tient aussi à cette structure particulière où chaque abacule vit sa vie pour mieux participer à la composition. Il est beau ce petit livre, entre Paris et Jérusalem, entre passé et présent, entre ici et là-bas. Comment ne pas y être sensible ? (Olivier Ypsilantis)

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"Tout le contraire d'un fait" : Sabra et Chatila - événement historique ou événement mythique? (II)

September 20 2022, 12:29pm

Posted by Pierre Lurçat

Jean Genet en visite dans un camp palestinien à Amman

Jean Genet en visite dans un camp palestinien à Amman

 

Le quarantième anniversaire des massacres de Sabra et Chatila est l’occasion pour plusieurs médias de faire revivre le mensonge de la “culpabilité juive” dans ce massacre de Palestiniens musulmans par des Phalangistes chrétiens. Deuxième volet de notre analyse de l'événement "Sabra et Chatila" comme événement "métaphysique" (E. Marty) et comme événement mythique.

 

La construction de l’événement dans le discours anti-israélien et antisioniste


 

Dans la relation médiatique de cet événement, il ne s’agit plus seulement de choisir et de sélectionner certains faits, mais aussi et surtout d’ériger certains faits en événements, ou plutôt de créer des événements qui n’ont qu’un rapport lointain - le plus souvent d’inversion et de négation - avec les faits. Ainsi, le fait de l’assassinat de Palestiniens par des phalangistes chrétiens devient l’événement mythique dans lequel Ariel Sharon, Tsahal, Israël, voire “les Juifs” sont les coupables de ces assassinats. L’événement Sabra et Chatila, selon cette analyse, est bien le contraire des faits qui s’y sont déroulés. Mais notre nouvelle définition de l’événement médiatique est incomplète : il y manque en effet une dimension supplémentaire, métaphysique. 

 

Cette “dimension métaphysique” de l’événement est particulièrement saisissante dans le cas de Sabra et Chatila, où le massacre de centaines de Palestiniens par des phalangistes chrétiens est devenu un acte d’accusation contre les Juifs. En effet, explique E. Marty, “Sabra et Chatila dit peu de choses des souffrances et de l’horreur que vécurent ses victimes”, parce qu’il “est intégralement noué à la question juive, en tant qu’elle est le lieu auquel sont nouées l’angoisse du Bien et l’angoisse du Mal. Sabra et Chatila en ce sens est un événement métaphysique, auquel le scénario du bouc émissaire confère une sorte d’universalisme spectaculaire qui ne peut que fasciner la planète.

 

Pour comprendre plus précisément cette dimension métaphysique de “l’événement Sabra et Chatila”, Éric Marty nous invite à lire ce qu’il appelle la “phrase primordiale et majeure” de Jean Genet, tirée de son livre Un captif amoureux : “Si elle ne se fût battue contre le peuple qui me paraissait le plus ténébreux, celui dont l’origine se voulait à l’Origine, qui proclamait avoir été et vouloir demeurer l’Origine… la révolution palestinienne m’eût-elle, avec tant de force, attiré?” Cette phrase, effectivement, est capitale, parce qu’elle donne la clé de compréhension non seulement de l’engagement de Jean Genet, qui se livre avec sincérité et lucidité, mais aussi de celui de très nombreux autres militants antisionistes. En ce sens, on a pu dire que la “chance” des Palestiniens était d’avoir pour adversaires les Juifs.

 

C’est à la lueur de cette affirmation capitale de Genet, qu’on comprend aussi la dimension métaphysique et mythique de Sabra et Chatila, et au-delà de cet événement, du conflit israélo-arabe dans sa totalité. L’événement Sabra et Chatila - comme la Nakba que nous avons abordée dans notre précédent chapitre, comme l’événement Deir Yassin sur lequel nous allons revenir et comme tant d’autres événements du même acabit - ne sont en effet que les maillons d’une même chaîne ininterrompue, qui remonte à la nuit des temps (c’est précisément la définition du mythe, qui renvoie toujours aux origines). C’est toujours le même spectacle qui est rejoué indéfiniment, et chaque partie est toujours assignée au même rôle : le Juif est sempiternellement assigné à son rôle d’assassin (assassin du Christ pour les chrétiens, assassin des prophètes pour les musulmans, assassin des Palestiniens pour le téléspectateur contemporain).

 

Comme l’explique encore Éric Marty, reprenant à son compte les analyses de René Girard sur le bouc émissaire :

 

Le crime imputé à Israël a produit partout autour de lui de l’innocence. Cette innocence touche donc non seulement tous les crimes antérieurs, effacés par les noms de Sabra et Chatila, elle touche au nom même du criminel (à savoir, Elie Hobeika) qu’aucune foule n’a jamais scandé, elle touche enfin à l’essence du crime, car si les Juifs sont coupables, le crime cesse d’être un fratricide, un crime entre frères, pour devenir le crime d’un étranger. Le crime de Sabra et Chatila”, selon cette analyse, “est un cas particulier du bouc émissaire”. “La crise mimétique permanente instaurée par le processus accusatoire a produit un effet cathartique important : la réconciliation de tous les Libanais dans un mensonge mimétique, qui fait d’Israël le seul ennemi, le seul coupable… La nation jusque-là faite d’ennemis qui se haïssaient jusqu’à la mort est devenue fratrie, la grande fraternité



 

Ce qui est vrai du Liban, pays morcelé et éclaté en de multiples sectes, communautés et confessions et longtemps déchiré par de sanglantes luttes intestines, l’est aussi des autres voisins d’Israël. Car le “mensonge mimétique”, qui instaure une illusoire fratrie par la désignation du bouc émissaire, Israël, est tout aussi présent chez les autres pays arabes, en Syrie (où la minorité alaouite au pouvoir a longtemps utilisé Israël comme bouc émissaire), en Égypte, en Jordanie (nation largement artificielle du point de vue ethnique et historique, où l’hostilité à Israël sert de ciment à une fragile cohésion nationale), et jusque chez les Palestiniens, société clanique divisée dont le principal dénominateur commun est la haine d’Israël cultivée par ses dirigeants, ceux du Hamas comme ceux de l’Autorité palestinienne.

 

P. Lurçat


(Extrait de mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain, éd. L’éléphant 2022)

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Sabra et Chatila 1982-2022 - Quarantième anniversaire d’un mensonge métaphysique (I), Pierre Lurçat

September 18 2022, 11:54am

Posted by Pierre Lurcat

Sabra et Chatila 1982-2022 - Quarantième anniversaire d’un mensonge métaphysique (I),  Pierre Lurçat

 

Le quarantième anniversaire des massacres de Sabra et Chatila est l’occasion pour plusieurs médias de faire revivre le mensonge de la “culpabilité juive” dans ce massacre de Palestiniens musulmans par des Phalangistes chrétiens. Ajoutons que les récentes “révélations” de médias israéliens concernant la connaissance qu’Israël a pu avoir des événements en temps réel ne modifie pas fondamentalement la vérité énoncée par Ariel Sharon à l’époque : “Des goyim ont tué d’autres goyim, et ce sont les Juifs qu’on accuse…” 

 

Si j’ai choisi Sabra et Chatila comme exemple emblématique des “mythes de l’antisionisme”, dans le cours donné sur Akadem et publié depuis en livre, c’est précisément parce que cet événement “est intégralement noué à la question juive, en tant qu’elle est le lieu auquel sont nouées l’angoisse du Bien et l’angoisse du Mal”, comme l’explique Eric Marty. “Sabra et Chatila en ce sens est un événement métaphysique, auquel le scénario du bouc émissaire confère une sorte d’universalisme spectaculaire qui ne peut que fasciner la planète.

 

Rappelons brièvement les faits : entre le 16 et le 18 septembre 1982, des centaines de réfugiés palestiniens étaient massacrés par des milices chrétiennes phalangistes dans la banlieue de Beyrouth, sur l’instigation du chef des services secrets libanais, Elie Hobeika. Paul Giniewski, auteur de plusieurs ouvrages sur l’antisionisme, note à ce sujet qu’aucun des grands thèmes de la démonisation d’Israël n’a occupé l’avant-scène avec une permanence sans faille, autant que le massacre de Sabra et Chatila et le rôle prêté à Ariel Sharon, alors ministre de la Défense.

 

On mesure à quel point le thème de Sabra et Chatila est demeuré vivace, dans la propagande palestinienne et dans ses relais occidentaux, à l’aune des innombrables textes, films, reportages et œuvres d’art qui lui sont consacrés jusqu’à ce jour. Citons à titre d’exemple, un remake du Guernica de Picasso, intitulé sobrement “Le massacre de Sabra et Chatila”, exposé au Tate Modern de Londres. La véritable logorrhée verbale, médiatique, artistique et intellectuelle, autour du massacre de Sabra et Chatila et de la prétendue responsabilité israélienne prouve, si besoin était, la véracité du constat fait par l’écrivain Paul Giniewski :

 

Quatre des plus grands journaux américains y avaient consacré davantage d’espace qu’aux dix plus grands massacres qui avaient marqué la décennie 1972-1982, et qui comprenaient celui de l’Ouganda sous Idi amine, les 20 000 civils massacrés à Hama en Syrie, la boucherie de 2,5 millions de Cambodgiens par leurs compatriotes. Trois ans après les faits, un autre massacre eut lieu dans les mêmes camps, alors sous contrôle des Libanais chiites, faisant plus de 500 morts”. Et Giniewski de poursuivre : “Les mêmes quatre quotidiens américains y consacrèrent dix fois moins d’espace qu’au Sabra et Chatila “enjuivé”. En 1982, ce vrai, cet unique Sabra et Chatila digne de mobiliser la conscience universelle avait produit 10 000 mots sur 7 pages dans le même numéro de l’un des grands quotidiens : davantage que l’espace mérité par le débarquement allié en Normandie pendant la Deuxième Guerre mondiale”

 

Autre exemple de cette disproportion et de cette logorrhée médiatique : le fameux texte de l’écrivain Jean Genet, “Quatre heures à Chatila”, auquel il doit une partie non négligeable de sa célébrité. Ce texte a donné lieu à d’innombrables commentaires, mises en scène, et jusqu’à un récent spectacle de danse. L’écrivain français au passé trouble, (qui se présentait lui-même par les mots “Jean Genet, voleur” à ses compagnons de cellule, pendant la Deuxième guerre mondiale), n’a jamais été autant apprécié et célébré que lorsqu’il a écrit ce texte et qu’il est devenu ainsi le “porte-parole” des Palestiniens, auxquels il a consacré de nombreux autres textes. Lisons à ce sujet l’analyse éclairante d’Éric Marty, dans son livre Bref séjour à Jérusalem :

 

Sabra et Chatila n’est jamais apparu comme un événement au sens purement historique du terme - tel Austerlitz qui n’efface pas Wagram et qui n’est pas éclipsé par Waterloo - , il est apparu comme un surévènement, en tant qu’il rend inaudible le nom de tous les autres, en tant que les trois jours qu’il dura effacent les sept ou huit ans de guerre civile et de massacre qui le précédèrent et les huit ans de tueries qui suivirent ; il est apparu comme événement en tant qu’il est devenu l’unique événement par lequel l’on se remémore un très long épisode historique.

 

Cette analyse d’Éric Marty décrit très précisément le processus par lequel Sabra et Chatila, en tant qu'élément du mythe plus large du “génocide du peuple palestinien” - devient un événement mythique, qui efface toute la réalité historique de la guerre civile au Liban et de ses innombrables crimes, commis par des factions tellement diverses et variées, qu’il est difficile de s’y retrouver… Mais dans la version mythifiée, tout devient très simple : il ne reste plus qu’un seul crime, celui des Juifs. “Des goyim ont tué d’autres goyim, et ce sont les Juifs qu’on accuse” - la fameuse expression d’Ariel Sharon - lui-même transformé en accusé principal - dit très bien, de manière lapidaire, ce que Marty analyse sous un angle littéraire. 

 

La lecture par Éric Marty du récit de Sabra et Chatila fait par Jean Genet lui permet d’établir une distinction - essentielle pour notre compréhension du discours et des mythes antisionistes - entre le fait et l’événement : “Grâce à Genet, nous avons compris… ce qu’était un événement, nous avons compris qu’un événement était tout le contraire d’un fait, nous avons compris que pour qu’un événement soit, il suppose de porter en lui une dimension métaphysique - il doit, comme phénomène, toucher à l’essence de ce qu’il représente

 

Tout le contraire d’un fait” - cette définition de l’événement s’applique parfaitement au récit médiatique du conflit israélo-arabe, dans lequel les faits sont constamment déformés, mutilés, obscurcis ou escamotés. Mais il ne s’agit pas tant d’une volonté délibérée de tromper (qui existe parfois), que d’une conséquence presque inévitable de la posture médiatique. En effet, comme l’écrit Marty à un autre endroit, “la déformation, la désinformation sont pratiquement totales, aussi naturelles aux  médias... que le fait de respirer”. Si les médias, selon Éric Marty, “mentent comme ils respirent” à propos d’Israël, ce n’est pas, bien entendu, parce que les journalistes seraient des menteurs invétérés, mais plus prosaïquement, parce qu’ils ne se préoccupent guère des faits. lls cherchent - ou plutôt ils créent - des événements, c’est-à-dire des faits qui rentrent dans leur grille de lecture. Tout fait qui n’entre pas dans leur grille de lecture, qui ne lui correspond pas, ou qui la contredit, est évacué, éliminé, ou encore transformé et travesti pour lui correspondre. (à suivre…)

P. Lurçat

 

(Extrait de mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain, éd. L’éléphant 2022)

 

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La Reine d'Angleterre et nous : De la Couronne d’Angleterre à la Royauté d’Israël

September 11 2022, 13:10pm

Posted by Pierre Lurçat

The Crown : la nostalgie du sacré

The Crown : la nostalgie du sacré

 

La Reine d'Angleterre n'était pas seulement le symbole d'une institution ancienne et souvent considérée comme désuète, voire comme totalement obsolète. Elle incarnait une dimension du sacré qui fait cruellement défaut à la politique aujourd'hui, en Israël comme ailleurs. Extraits de mon livre Seuls dans l’arche.

 

Dans une scène clé de la série The Crown, quand Lord Mountbatten demande à la Reine son épouse, lors de son couronnement, de le dispenser de s’agenouiller devant elle, elle justifie son refus par deux arguments : la Tradition et la dimension sacrée du rituel du couronnement, qui ne saurait être modifié. Ce sont précisément ces deux éléments qui donnaient à la Reine d’Angleterre son attrait presque magique aux yeux d’un public nombreux. L’histoire de la famille royale anglaise réunit en effet ces deux dimensions, presque totalement absentes de la vie politique moderne et que beaucoup regardent avec une nostalgie souvent inavouée : la tradition et le sacré.

 

 

Pendant longtemps, nous avons vécu dans l’illusion que la soif de sens pouvait être épanchée à d’autres sources qu’à celles de l’espace politique et social. La religion a ainsi été reléguée entièrement dans la sphère privée, dans la droite ligne du mouvement de séparation du politique et du religieux sur lequel repose l’Occident moderne et sa forme politique de prédilection, l’Etat démocratique et laïc. Ce “désenchantement” du monde moderne a été décrit par Max Weber dans deux conférences prononcées entre 1917 et 1919, dans les termes suivants : “Le destin de notre époque, caractérisée par la rationalisation, par l’intellectualisation et surtout par le désenchantement du monde, a conduit les humains à bannir les valeurs suprêmes les plus sublimes de la vie publique” (1). Lorsque le célèbre sociologue allemand prononça ces deux conférences, il était plongé dans la lecture de la Bible hébraïque et notamment des Prophètes et du Livre de Job.

 

Comment dès lors réenchanter l’espace politique, sans sacrifier les acquis de la démocratie ? Il faudrait pour cela redonner “corps” au politique, sans pour autant abolir l’espace privé et la liberté de pensée. Autant dire qu’il ne s’agit évidemment pas de retourner à l’Ancien Régime d’avant 1789. La réponse, comme l’avait confusément entrevu Max Weber, alors qu’il décrivait le monde désenchanté de l’Europe à la fin de la Grande Guerre, réside peut-être dans une autre forme de régime politique, plus ancienne encore que ce dernier, et largement absente du débat politique actuel : je veux parler de l’hébraïsme politique, source occultée de la pensée politique moderne (2). Ce n’est pas un hasard si des regards toujours plus nombreux se tournent aujourd’hui, tant en Occident que dans le monde musulman, vers Israël.

 

 

 

Max Weber

Max Weber

 

Ce que le monde contemporain attend d’Israël, c’est en effet précisément la réponse à cette question lancinante, aussi ancienne que le peuple Juif, en tant que “nation par excellence” : quelle forme politique peut garantir la liberté individuelle, sans pour autant renoncer à la vérité ? Ou, pour dire les choses autrement, comment réinsuffler l’esprit des Prophètes d’Israël dans un monde politique désincarné ? Le monde attend d’Israël - redevenu l’Israël “charnel” sur sa Terre retrouvée, qu’il assume pleinement sa vocation de Lumière des nations (3), non pas seulement en tant que “Start-up Nation”, mais aussi en tant que peuple ancien-nouveau qui a, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, cherché à édifier un ordre politique conforme à la parole de Dieu.

 

Pendant les siècles de la dispersion, quand le peuple Juif ‘était réfugié dans les “quatre coudées de la Loi”, ce sont les Nations – et au premier rang parmi elles, l’Angleterre et les Etats Unis – qui ont maintenu vivant le souvenir de l’antique Royaume de David et de Salomon en tant que réalité politique, souvenir dans lequel elles ont souvent trouvé une source d’inspiration (4). Aujourd’hui, alors qu’il est revenu sur sa Terre pour ne plus la quitter, le peuple d’Israël doit redevenir la source première d’inspiration de la politique moderne, en faisant revivre l’ancienne notion de Malhout Israël, pour éclairer et réenchanter le monde.

 

Pierre Lurçat

 

(L’analyse ci-dessus reprend largement le dernier chapitre de mon livre Seuls dans l’arche, éditions l’éléphant 2021).

 

1. M. Weber, Le savant et le politique, Plon 1959.

2. Notion explicitée notamment dans Political Hebraism, Judaic Sources in Early Modern Political Thought, Shalem Press, Jerusalem et New York, 2008.

3. Comme l’avait écrit Rousseau dans l’Emile : “Je ne croirai jamais avoir bien entendu les raisons des Juifs, qu’ils n’aient un Etat libre, des écoles, des universités... Alors seulement nous pourrons savoir ce qu’ils ont à dire”.

4. Cela apparaît bien lors du couronnement de la Reine Élizabeth 2, durant lequel sont mentionnés les noms de plusieurs des Rois d’Israël.

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Actualité de Jabotinsky : Le « Mur de fer » et la postérité

September 11 2022, 11:50am

Posted by Pierre Lurçat

Actualité de Jabotinsky : Le « Mur de fer » et la postérité

Je publie ici un extrait du préambule au livre Le mur de fer - Les Arabes et nous de Vladimir Jabotinsky, dans la traduction vient de paraître en français aux éditions L’éléphant. J’évoque le livre au micro d’Ilana Ferhadian sur Radio J. P. Lurçat

Aucune expression née de la plume féconde de Jabotinsky n’est aussi connue que celle du « Mur de fer », et aucune n’a sans doute donné lieu à autant de contresens. Avant d’examiner l’actualité de ses conceptions, arrêtons-nous sur certains des usages récents qui ont été faits du concept de « Mur de fer ». Parmi les nombreux exemples offerts par le discours politique israélien contemporain, nous en avons choisi deux, qui sont tous deux ceux de représentants de l’école des « Nouveaux historiens ». Le premier, Avi Shlaïm, a publié en 2001 un livre intitulé Le mur de fer, Israël et le monde arabe dans lequel il fait de la doctrine du « Mur de fer » le symbole de l’intransigeance israélienne, qui aurait été la cause principale de la perpétuation du conflit israélo-arabe. Shlaïm fait remonter cette prétendue intransigeance à 1948, David Ben Gourion ayant selon lui renoncé à chercher un accord de paix avec les pays arabes, convaincu que le temps jouait en faveur d’Israël. 

L’avis du second, Benny Morris, est très différent. Dans une interview au quotidien Ha’aretz datant de janvier 2004, il reprend ainsi à son compte la notion du « Mur de fer » dans l’acception que lui donne Jabotinsky, expliquant notamment qu'un « mur de fer est la politique la plus raisonnable pour la génération à venir », car « ce qui décidera de la volonté [des Arabes] à nous accepter sera seulement la force et la reconnaissance qu’ils ne sont pas capables de nous vaincre ». Malgré la divergence d’opinion entre Shlaïm et Morris, tous deux s’accordent pour dire que la doctrine du « Mur de fer » a été adoptée par l’ensemble des dirigeants israéliens, depuis Ben Gourion jusqu’à nos jours. Le premier y voit la cause de l’intransigeance israélienne, tandis que le second la considère comme la seule réponse possible à l’intransigeance arabe. La comparaison entre les deux est instructive, car elle montre que le « Mur de fer » est devenu depuis un siècle un concept fondamental du lexique politique israélien.

         Peut-on dire pour autant que ce concept a été adopté dans les faits, c’est-à-dire dans la politique et dans la stratégie israélienne ? A cet égard, la réalité est plus contrastée. Si la doctrine de la dissuasion de Tsahal peut être globalement considérée comme l’application du « Mur de fer », la politique de défense israélienne n’est pas toujours conforme aux idées développées il y a cent ans par Jabotinsky. Ainsi, pour prendre un exemple récent, le système de défense « Kippat barzel » (« dôme d’acier ») mis en place par Tsahal autour de la bande de Gaza peut difficilement être considéré comme l’application du « Kir ha-Barzel » (« Mur de fer »), en dépit de la similarité des deux expressions.

         Le « dôme d’acier », malgré toute sa perfection technologique, ne vise en effet pas à assurer une quelconque dissuasion pour Israël, face aux tirs de roquette incessants venant de Gaza, mais plutôt à protéger les civils israéliens, sans aucunement empêcher les groupes terroristes palestiniens de poursuivre leurs attaques. De ce fait, il illustre le paradoxe d’une armée toujours plus intelligente, mais de moins en moins audacieuse. Comme le savent bien les dirigeants de l’armée israélienne, seule une offensive terrestre au cœur de la bande de Gaza permettrait de démanteler les lanceurs de missiles, voire de mettre fin au pouvoir du Hamas, installé depuis le retrait de l’armée israélienne en 2006. Or, la protection toute relative offerte par le dispositif du « dôme d’acier » empêche en fait Tsahal de mener une telle offensive, en la dissuadant d’adopter une logique militaire plus coûteuse en vies humaines. La dissuasion s’exerce donc envers Israël et non envers ses ennemis.

         Le « dôme d’acier » n’est donc aucunement l’application de la doctrine du « Mur de fer » élaborée par Jabotinsky il y a près de cent ans : il en est la négation. Cet exemple ne signifie toutefois pas que le « Mur de fer » aurait été totalement oublié, mais que cette notion est appliquée de manière variable, selon les circonstances et les différents fronts. Israël fait ainsi preuve depuis plusieurs années d’une audace impressionnante face à l’Iran, multipliant les opérations et les éliminations ciblées en territoire ennemi, tandis que sur le front de Gaza, Tsahal se montre beaucoup plus timorée, restant sur la défensive la plupart du temps. Cette disparité montre que l’éthos défensif – qui remonte aux débuts de Tsahal et avant encore, à l’époque du Yishouv – s’avère insuffisant, face à des ennemis farouchement déterminés.

Toute l’histoire de la stratégie de défense d’Israël, depuis la Haganah et les premiers efforts d’auto-défense à l’époque de Jabotinsky et jusqu’à nos jours, est marquée par une oscillation permanente entre deux pôles opposés : celui de l’éthos purement défensif, largement prédominant d’une part, et celui d’un éthos offensif, celui de l’unité 101 dans les années 1950 et de la « Sayeret Matkal » (unité d’élite de l’état-major), d’autre part. De toute évidence, c’est cet esprit offensif qui a permis à Tsahal de connaître ses victoires les plus éclatantes, celle de juin 1967 ou celle de l’opération Entebbe, pour ne citer que deux exemples. Malgré cela, l’armée israélienne demeure attachée à l’éthos purement défensif, pour des raisons complexes liées à son histoire et à ses valeurs fondatrices. La doctrine du « Mur de fer » demeure ainsi d’actualité, un siècle après avoir été formulée par Jabotinsky. 

Les récents événements violents survenus en mai 2021 dans les villes mixtes d’Israël, et la persistance d’une opposition radicale à l’existence de l’Etat hébreu dans la région – malgré les avancées remarquables des accords Abraham – montrent que la dissuasion demeure une nécessité impérieuse, tant sur le front intérieur que sur les différents fronts extérieurs. L’aspiration à la paix qui caractérise le peuple Juif et l’Etat d’Israël ne doit pas éluder cette nécessité. Le pacifisme aveugle, il y cent ans comme aujourd’hui, menace la pérennité de l’existence d’un Etat juif souverain, au milieu d’un environnement encore largement hostile. Aujourd’hui comme hier, la paix repose sur la préparation à d’éventuels conflits, selon l’adage latin toujours actuel (« Si vis pacem, para bellum »), ou selon les mots de Jabotinsky : « le seul moyen de parvenir à un accord [de paix] est d’ériger un mur de fer ».

 

Pierre Lurçat

Le livre est disponible sur Amazon et B.o.D.


 

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Un événement éditorial : Parution d’un recueil de textes inédits en français de Vladimir Jabotinsky, Le Mur de Fer

September 4 2022, 10:33am

Posted by Pierre Lurçat

Un événement éditorial : Parution d’un recueil de textes inédits en français de Vladimir Jabotinsky, Le Mur de Fer

NB J'ai évoqué le Mur de fer de Jabotinsky ce matin au micro d'Ilana Ferhadian sur Radio J.

En 1923, Jabotinsky publiait un article au titre devenu célèbre : le « Mur de Fer ». Il y exposait sa conception du conflit israélo-arabe, élaborée au lendemain des émeutes de 1921 à Jérusalem, auxquelles il avait pris part en tant que témoin actif, ayant organisé l’autodéfense juive au sein de la Haganah. Cent ans plus tard, ses idées sur le sujet demeurent d’une étonnante actualité. Les articles réunis ici exposent une vision du conflit qui reste en effet très pertinente, tant à propos des racines du conflit israélo-arabe que des solutions que préconise Jabotinsky.

 

Celui-ci a en effet été un des premiers à reconnaître que le conflit entre Israël et les Arabes était de nature nationale et que la nation arabe n’allait pas renoncer à ses droits sur la terre d’Israël en échange des « avantages économiques » apportés par l’implantation sioniste. Mais ce constat lucide ne l’a pas conduit à préconiser un partage de la terre ou un Etat binational, contrairement aux pacifistes de son temps. L’originalité de l’analyse de Jabotinsky réside ainsi tant dans le respect qu’il porte à la nation arabe, que dans son refus de transiger sur les droits du peuple Juif.

 

Né à Odessa en 1880 et mort dans l’État de New-York en 1940, Vladimir Zeev Jabotinsky est une des figures les plus marquantes du sionisme russe. Écrivain, journaliste et militant infatigable, créateur du mouvement sioniste révisionniste et du Bétar, il a conquis sa place parmi les fondateurs de l’État d’Israël, entre la génération de Théodor Herzl et celle de David Ben Gourion. Théoricien politique extrêmement lucide, il avait compris la vertu cardinale pour les Juifs de se défendre eux-mêmes, et dès la Première Guerre mondiale, il obtint leur participation militaire sous un drapeau juif à l’effort de guerre des Alliés.

 

V. Jabotinsky Le Mur de Fer, Les Arabes et nous, traduction et présentation de P. Lurçat

 

Éditions L’éléphant / B.o.D.

Paris-Jérusalem

Le Mur de Fer (bod.fr)

Éditions L’éléphant – Livres consacrés à Israël, son histoire, son peuple, son pays et sa culture

 

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