Je reproduis ici l'analyse lumineuse de la crise israélienne par Shmuel Trigano. P.L.
Comment définirait-on objectivement sous tous les cieux le fait qu’un nombre important de pilotes réservistes de l’armée de l’air déclarent qu’ils opteraient pour un statut d’objecteurs de conscience si le gouvernement légal et légitime franchissait une certaine ligne rouge, par eux définie?
Formellement, cette mise en demeure serait tenue pour l’ultimatum politique à l’adresse de l’Etat d’un corps de de l’armée de l’air. Cela s’appelle, un putsch comme on en voit toujours en Afrique noire ou en Amérique latine. L’armée ou l’une de ses composantes prend le pouvoir et dicte sa politique au gouvernement. C’est toujours le prologue d’un régime dictatorial à venir.
Une junte putschiste ?
Dans notre cas, quelle figure politique donne un visage à cette dictature potentielle car il y a toujours une incarnation du pouvoir dans une dictature? Dans le cas d’Israël, plusieurs généraux, chefs du renseignement, deux chefs d’États, tous à la retraite et n’ayant rencontré que l’échec en politique électorale, appellent explicitement depuis des semaines à renverser un pouvoir issu des élections et du parlement, mais qu’ils tiennent pour illégitime, jusqu’à envisager de « verser le sang », Même si ces personnalités n’apparaissent pas sur la scène systématiquement, même si elles ne sont pas les leaders officiels du mouvement qui secoue la société israélienne, il y a donc objectivement, formellement, une junte potentielle qui demain pourrait haranguer la foule en dictateurs. Parmi ces généraux, au bout de plusieurs mois d’agitation, émerge avec clarté la figure d’Ehud Barak, ancien chef d’Etat major et ex premier ministre.
L’objectif de ces « ex » est motivé avant tout, dans leurs dires mêmes, par une haine personnelle de Natanyahou dans laquelle ils ont entrainé le pays depuis plusieurs années. Cependant, leurs anciennes fonctions confèrent une crédibilité au jugement qu’ils portent sur la situation, soit le danger d’une dictature de la droite et de Natanyahou.
Ce qui est troublant, c’est de constater que ces personnalités appelant à la désobéissance civile n’ont encouru aucune mise en garde des autorités judiciaires et policières, avouant ainsi par les faits leur connivence avec les fauteurs de trouble. La comparaison est souvent faite avec le traitement violent d’autres manifestations du passé, comme celle qui a accompagné le retrait de Gaza, la manifestation contre la discrimination des Juifs éthiopiens, des ultra-orthodoxes… Police, justice, médias (armée ?) ont donné à entendre dans ces jours de chaos qu’ils représentaient plus la « Protestation » que l’Etat… Le seul aéroport d’Israël a pu ainsi être bloqué deux fois, les voies rapides autour de Tel Aviv plusieurs fois, etc…
Un « Quartier général » ?
Sur le plan du pouvoir intrinsèque du mouvement qui porte « La Protestation », il est apparu au fil du temps que ce qui se présentait comme le mouvement spontané de citoyens inquiets était en fait mis en œuvre par un « quartier général», composé d’associations dites de la « société civile », de personnalités, souvent riches et influentes (dont Ehud Barak), de publicitaires, d’agents de relations publiques dont les produits (achetés par la protestation) couvrent les routes et les rues de tout Israël, sans compter les soutiens financiers considérables provenant d’ONG et de forces politiques étrangères. Ces activistes ont fait preuve d’une grande performance dans l’organisation et la prise en mains idéologique d’une grande masse de population.
L’intervention étrangère (dans le financement de la Protestation) pose déjà question sur ses finalités : quels pouvoirs sert-elle ? Sans doute (sans rire) la « démocratie » ! Ce dernier point n’est pas risible si l’on pense à la politique commencée par Georges Bush dont le projet était d’intervenir en faveur de l’extension de la « démocratie » dans le monde[1]. Si tel était le cas (la manipulation étrangère) on aurait du mal à voir dans la « protestation » un phénomène « démocratique » authentique. Par ailleurs l’intervention de l’Etat américain dans le débat sur la Réforme judiciaire est évidente à tout le monde. Biden veut-il « occuper » Natanyahou pour qu’il ne dérange pas terme son pacte avec l’Iran nucléaire ?
Je remarque qu’il y a dans le groupe qui gère et dirige « la protestation » une tentation au passage à l’acte sur le plan de l’action, j’entends la « rébellion », la « guerre civile », sans cesse agitées comme une menace. Le groupement dénommé « Frères d’armes », parmi les leaders, porte dans son nom même tout un programme, de même la « Force Kaplan » (Koakh Kaplan) du nom de l’esplanade de Tel Aviv où la Protestation se réunit chaque semaine se donne l’aspect d’une force d’intervention au service du Q.G.
Dans cette description, il est capital de rappeler le rôle des grands médias : ils ont accrédité la « Protestation », prenant parti à son avantage, excluant du débat les représentants de la coalition au pouvoir, fait circuler les mots d’ordre des organisateurs…. L’étude du discours médiatique sera sans doute faite dans l’avenir. Ce sont ces médias qui ont dressé l’ordre du jour, la terminologie du débat (ou de son absence), et se sont posés comme le barème du jugement moral. Le fait qu’au lendemain du vote de la Loi au parlement tous les journaux aient vendu leur première page aux barons du High Tech (à quel prix !) pour publier une page entièrement noire, en signe de « deuil », est le signe éclatant que la presse écrite a renoncé à son rôle journalistique dans le débat démocratique contre espèces sonnantes et trébuchantes.
Les formes idéologiques : la Réforme comme leurre
A l’examen, ce n’est pas la réforme juridique qui est en jeu. Si elle est la cause déclarée du soulèvement, le débat à son propos est quasiment inexistant et on peut être sûr que le citoyen lambda qui manifeste contre elle ne l’a pas lue et ne sait pas pourquoi il manifeste si ce n’est pour ce qu’on lui a dit (les médias) être en jeu. Il manifeste avec la dernière énergie contre la « dictature » en puissance. Les slogans de chaque semaine montrent aussi clairement que ce n’est pas la réforme qui est en jeu. Chaque semaine un autre sujet est avancé : le High Tech, la médecine, les orthodoxes, l’éducation, la place du judaïsme…
En un mot la Réforme cache la réalité de cette opération politique, soit l’empêchement du fonctionnement du gouvernement de Natanyahou. Elle est un leurre qui détourne le regard de ce qui est à l’œuvre : une prise de pouvoir non démocratique, au nom de la démocratie. Le projet de réforme en plusieurs étapes fournit aussi un critère de mesure de l’intensité de l’action à programmer au fil de chaque étape. Autant d’occasions d’une montée en puissance de la protestation, de lignes rouges à ne pas franchir…
Au fur et à mesure des semaines les organisateurs de la protestation donnent un aperçu du démantèlement de l’Etat qu’ils sont capables de réaliser (économie, High Tech, médecine, etc). C’est un dispositif très machiavélique qui a pour finalité d’abattre le pouvoir de l’Etat en le ficelant dans les dispositifs de la réforme, déclinée dans tous les domaines (jusqu’aux médecins !!) tout en menaçant le public d’un danger invraisemblable et pas du tout crédible pour qui vit en Israël, soit la « dictature ». L’énormité de la menace ne repose sur aucun fondement rationnel de sorte que l’observateur ne peut que rester sans voix devant cette disproportion. La manipulation plonge le public dans un état psychique de sidération.
L’idéologie de la protestation est donc marquée – propre de tout fait idéologique- par un décalage abyssal entre ses affirmations et la réalité objective, tant en ce qui concerne la portée de la réforme que le danger supposé encouru. J’ai une scène en mémoire : le tonnerre d’applaudissements qui a suivi la présentation par les pilotes de leur pétition dans un auditorium: ils applaudissent à la défaite militaire programmée de leur pays à laquelle leurs familles et eux-mêmes n’échapperont pas!
La panique et la masse
La vraie question sociologique qui est posée est donc moins celle de la manipulation idéologique, dont les structures et processus nous sont clairs, que celle de la panique qu’elle a déclenchée et de la foule qu’elle a réunie, une foule où l’on vient en famille, où se mêlent des enfants, une foule angoissée par le « récit » (le story telling fabriqué par le QG) radical qu’on lui a servi. Qu’est-ce qui, dans la société israélienne, a fait qu’un terrain soit favorable à cette manipulation ? Il y a des traits de la psychologie des masses qui entrent en compte mais plus vraisemblablement le rapport à soi des individus de « l’Etat de Tel Aviv », comme peuple et cadre de socialité. On opposait, autrefois dans le débat sur le postsionisme, deux versions d’Israël : l’Etat de Tel Aviv et l’Etat de Jérusalem. Ce sont les fondements l’Etat qui sont en jeu. On a pu voir ainsi se manifester dans les parages de la manifestation des formes stupéfiantes de haine des Juifs, de ceux qui portent les signes de leur mode de vie, stupéfiante, sous la mer de drapeaux d’Israël massivement agités.
Je n’écarte pas de cet état de faits l’impact de 5 ans de crises gouvernementales scandés par les procès de Natanyahou, qui ont constitué au niveau de toute une société un véritable rituel quotidien du bouc émissaire. Aujourd’hui ces procès pour corruption, mis en scène chaque soir par les télévisions, s’effondrent un par un, révélant la responsabilité écrasante des autorités judiciaires et policières qui ont instruit le dossier. Les promoteurs de la Protestation ont su sans doute les provoquer de longue date et les entretenir au fil de plusieurs années en préparation du moment présent comme le donne à entendre Ehud Barak dans une récente révélation (où un général lui prédisait qu’après son échec électoral on viendrait un jour le chercher (pour sauver Israël), quand le Yarkon charrierait des corps de Juifs » !
Nous connaissons cette stratégie en France que je nommerais le « coup Le Pen », une stratégie inventée par Mitterrand pour garder le pouvoir à une gauche déclinante. Elle consiste à écarter un vote prévisible à droite en enfermant l’électorat dans un choix forcé : « ou vous votez pour moi, ou vous aurez le fascisme ». Cette stratégie a pulvérisé le système politique français, entrainant un véritable chaos partisan. Le président français actuel n’est au pouvoir que parce qu’il a réitéré ce bluff : au pouvoir, sans majorité avec, au parlement, une extrême gauche postmoderniste, elle-même issue de la décomposition du socialisme. Le « coup Le Pen « en Israël s’est donné plus qu’un « Le Pen » : à Natanyahou il a rajouté deux autres épouvantails, les députés Ben Gvir et Smotrich, agitant leur spectre jusqu’aux États Unis, une opération qui permet d’annuler les résultats des élections et la « respectabilité » de la coalition dont ces députés sont membres, et donc d’entraver l’action du gouvernement. Il n’y aura ainsi peut-être pas de garde nationale que promouvait Ben Gvir pour rétablir l’autorité de l’Etat dans le territoire israélien, que ce soit dans le Negev avec le « far west » de la population bédouine, en Galilée avec la criminalité inter-arabe et l’expansion de la mafia et du système de la « protection », à Jérusalem et en Judée Samarie avec les attentats islamistes. La police et l’armée s’avèrent jusqu’à ce jour incapables de contenir et corriger cette décomposition. J’oubliais la menace d’un « Front intérieur », c’est à dire d’une révolte arabe en temps de guerre avec Gaza ou avec le Hezbollah. C’est de cette situation qu’a hérité la coalition de droite au pouvoir et que « la protestation » veut entretenir objectivement. Il faudrait d’ailleurs impliquer dans cette analyse le rôle qu’a joué la Cour suprême dans les limites qu’elle a imposé au pouvoir exécutif dans sa capacité de pouvoir s’affronter comme il faut à une situation de désagrégation de l’Etat et de la sécurité collective. Quelle compétence a la Cour suprême pour intervenir dans le domaine régalien et la stratégie du gouvernement élu ?
La base sociale
Il est évident que la base sociale de la Protestation rassemble une bonne partie des élites socio-économiques et politiques. C’est la manifestation des « gens bien ». Leurs représentants viennent faire leur tour de piste successivement : les milliardaires du High Tech qui menacent de retirer leur capital des banques israéliennes, les médecins qui annulent les rendez-vous médicaux des quidam mais pas leurs heures de réception prohibitives dans le « privé », les dirigeants de grands réseaux de distribution qui décident de fermer les grands centres commerciaux (comme le réseau Big, obligeant leurs employés au chômage), les directeurs de banque, sans oublier les Universités, les Officiers de l’armée de l’air… L’underdog israélien est absent dans cette foule obnubilée par un danger qu’elle croit imminent. Lui, il va au travail, à l’École et il comprend que son vote (64 députés sur 120) ne sert à rien s’il n’est pas mis en tutelle par ceux qui se recommandent de la gauche ( ?!). Son accession au pouvoir est présentée comme le triomphe de l’obscurantisme, de l’oppression, de l’archaïsme: le contraire de la « démocratie ». Ses journalistes, ses députés, ses citoyens sont malmenés quoiqu’ils fassent. Mais, pour l’instant, pas de rébellion, ils assistent stupéfaits à ce délire collectif que rien de rationnel ne justifie et dans la majeure partie témoignent de beaucoup de circonspection. La droite n’a organisé à ce jour que deux grandes manifestations. Sans doute a joué la conscience du peuple juif dans lequel ils comptent naturellement ceux qui aujourd’hui les stigmatisent et cherchent à annuler leur vote en les délégitimant dans leur condition même. Il y aurait encore beaucoup à dire sur une autre ligne de conflits sociaux dans la société israélienne, notamment en rapport avec la branche sépharade du peuple juif, un conflit non pas ethnique mais opposant deux visions civilisationnelles de ce que doit promettre l’accès à la condition souveraine du peuple juif.
Avant et après
Quelle que soit la suite des événements, rien ne sera plus comme avant : le statut du pouvoir exécutif et donc du Parlement d’où il est issu a été ébranlé. Demain, n’importe quel groupe ou formation sociale voudra poser ses conditions à l’Etat en le menaçant. Le système mafieux de la « protection » qui fait actuellement des ravages en Israël notamment en Galilée et dans le Néguev gagnerait le système politique. Le verdict des urnes aura perdu toute respectabilité. C’est aussi l’armée dans son institution qui a été ébranlée avec la fronde des objecteurs. Deviendra-t-elle un pôle qui échappera à la volonté de l’Etat et deviendra un acteur politique? L’Israël des colonels ?… C’est toute une partie des citoyens, les électeurs de la droite, qui risquent aussi de penser qu’ils ne sont pas égaux et ne sont pas des citoyens respectables. C’est leur vote majoritaire que la Protestation a voulu effacer et mettre en résidence surveillée. Le principe de majorité cèderait la place à des gouvernements d’« union nationale » obligeant la droite élue au partage de pouvoirs avec une gauche minoritaire qui ne serait ainsi jamais en minorité.
Le premier choc de la post-démocratie postmoderniste
Une autre dimension est à l’œuvre dans la crise israélienne: on y sent l’influence de la nouvelle idéologie dominante[2] qui décide aujourd’hui de l’ordre du jour dans tous les régimes démocratiques de l’Occident. Cette idéologie, le post modernisme, est née dans les milieux intellectuels français du marxisme finissant dans les années 1950-1970, puis elle s’est développée dans les campus américains pour revenir ensuite inonder tous les pays démocratiques. Elle porte une nouvelle utopie de grande envergure, inquiétante quant à ses conséquences (voire toutes les idéologies secondaires et non « démocratiques » qu’elle a suscitées : Woke, décolonialisme, islamo-gauchisme…).
Cette idéologie, outre ses nombreuses répercussions, promeut un régime politique qu’on peut définir comme la post-démocratie. Le « post » de la démocratie est significatif : ça ressemble à la démocratie mais ce n’est pas de la démocratie… A l’énumération de ses caractéristiques on mesurera à quel point l’emprise de cette idéologie explique la crise israélienne. Quels sont ses traits principaux ?
Son projet général est le démantèlement de la modernité dans tous ses aspects : la « déconstruction » de toutes ses instances (d’où le « post »), et avant tout de la nation qui fut le cadre même du régime démocratique. En l’occurrence, les appels à l’étranger (Etats-Unis comme Europe) contre le gouvernement national, dans le domaine politique comme économique, le démantèlement de l’armée avec la déclaration des pilotes alors qu’Israël est en temps de guerre larvée, la déclaration symptomatique d’un des chefs du mouvement (« le problème du Hezbollah n’est pas le mien mais celui de Natanyahou ») comme celle du général (!) Yair Golan déclarant que le Hezbollah et le Hamas n’étaient pas les vrais ennemis d’Israël, soit le déni du destin national commun : autant de discours on ne peut plus explicites.
La post-démocratie oppose les minorités à la majorité, les droits de l’Homme aux droits du citoyen, la « différence » à l’égalité. C’est bien ce qui se passe dans notre cas : la Protestation dénie la légitimité de la majorité qui a porté au pouvoir la coalition. Elle revendique de rester au pouvoir avec cette dernière qui aurait ainsi besoin du consentement de la minorité pour gouverner. C’est au nom de sa « différence » et pas de l’égalité démocratique qu’elle exige cela malgré son « échec aux élections. En essentialisant la démocratie elle se dit incarner celle-ci bien que minoritaire. Il n’y a ainsi plus de citoyens, mais des minorités qui doivent trouver un accord entre elles, certaines ayant plus de droits que d’autres. La démocratie n’est donc plus « représentative » mais participative. Son essence est censée l’emporter sur la procédure et les règles. Ainsi une force politique pourrait incarner « La démocratie » tout en se dispensant du processus démocratique. On voit alors apparaitre de nouveaux acteurs que qui contestent la souveraineté de l’Etat démocratique : les ONG, libres d’intervenir contre l’Etat par le biais du pouvoir judiciaire (la Cour suprême), fussent-elles manipulées par les États étrangers ou des groupes d’intérêt. Cette nouvelle donne s’accompagne du court-circuitage du pouvoir de l’Etat et du parlement. Dans l’ère de la globalisation, le cadre national étatique s’efface dans une supposée « communauté internationale ». Le parlement et l’exécutif s’efface devant le pouvoir judiciaire appelé à forger les nouvelles normes dans la condition humaine elle-même (cf. le « transhumanisme »). Dans la démocratie, la loi vient du peuple et le pouvoir judiciaire l’applique, dans la post-démocratie le pouvoir judiciaire décide en dernier recours de la Loi. Une sorte de « théocratie judiciaire » se crée, dans laquelle les décisions des juges comme la loi semblent descendre du ciel et s’imposer au parlement ; Dans le cas israélien le « principe de raisonnabilité qui vient d’être annulé autorisait le juge à décider en fonction de ce qu’il estime « raisonnable » et non d’une loi ou du droit.
La dimension juive
C’est la seule dimension que je ne traiterai pas dans ce cadre. Je dirais que, sur un plan global, nous assistons à une régression à l’ethos du 19 ème siècle, d’avant le sionisme, une condition juive engloutie dans la Shoah et à laquelle le sionisme politique avait ouvert une voie de salut (qui s’avère aujourd’hui limitée dans le temps). Un nouveau projet existentiel pour le peuple juif dans son pays et son Etat s’impose qui clarifiera la nature et la finalité de la communauté politique étatique et nationale israélienne, et notamment le statut du judaïsme.
Demain se verront sans doute mis en question par la protestation deux autres secteurs de population : le secteur religieux et ultra-orthodoxe (à propos de la conscription de cette population) puis plus tard les Israéliens de Judée Samarie (à travers la question de la prise en charge de leur défense par Tsahal).
Mais le chaos constitutionnel n’est pas clos. Dès le lendemain du vote de la loi sur la raisonnabilité, par le Parlement sept associations de la supposée « société civile », en fait les organisateurs de la protestation, ont présenté devant la Cour suprême des pétitions demandant l’annulation de la loi votée par le Parlement pour in-constitutionalité. La conseillère juridique du gouvernement vient aussi relancer la question de l’empêchement de Natanyahou à exercer pleinement ses fonctions du fait des procès en cours qui le concernent… Le clash du pouvoir exécutif et judiciaire est déjà programmé.
© Shmuel Trigano
Shmuel Trigano est Professeur émérite des Universités
Notes
[1] Les « printemps arabes » en furent la marque (notamment la chute de Moubarack en Egypte, pourtant allié des Américains «; voir sue ces questions l’article de Lee Smith dans la revue Tablet (https://www.tabletmag.com/contributors/lee-smith)
[2] Cf. Shmuel Trigano, La nouvelle idéologie dominante, le post modernisme (Hermann Philosophie, 2012). Prix 2013 des Impertinents du Figaro. Traduction hébraïque (ed. Carmel).