Overblog
Follow this blog Administration + Create my blog
VudeJerusalem.over-blog.com

Bousquet-Mitterrand : la mémoire sélective de Robert Badinter

November 29 2022, 08:15am

Posted by Pierre Lurçat

Bousquet-Mitterrand : la mémoire sélective de Robert Badinter

NB La version originale de cet article est parue dans Causeur.

 

Robert Badinter est infatigable. A l’âge canonique de quatre-vingt-quatorze ans, l’ancien Garde des Sceaux de François Mitterrand publie un nouveau livre, intitulé Le procès Bousquet. Haute Cour de Justice 20-23 juin 1949. Selon son auteur, ce livre constitué des comptes-rendus sténographiques du procès de l’ancien directeur de la Police de Vichy pose la question suivante : « Au-delà de l’intérêt historique que présente ce déni de justice, demeure une question essentielle : comment la Haute Cour a-t-elle pu acquitter René Bousquet et lui délivrer un véritable brevet de Résistance ? » 

 

Badinter avait déjà publié l’an dernier une pièce de théâtre, « Cellule 107 » dans laquelle il imaginait la rencontre entre Bousquet et Laval, à la veille de l’exécution de ce dernier à la prison de Fresnes. Pourquoi cet intérêt soudain pour la figure de Bousquet, de la part de Robert Badinter ? Une réponse possible nous est donnée par l’intéressé lui-même, dans une interview avec l’historien Laurent Joly. Lorsque ce dernier lui demande pourquoi Bousquet n’a jamais été jugé pour ses crimes, Robert Badinter répond que l’ancien fonctionnaire de Vichy était atteint de la maladie d’Alzheimer, ce qui aurait invalidé selon lui tout nouveau procès. « Vous imaginez Bousquet sénile dans le box, répondre de crimes commis cinquante ans plus tôt ? » demande Badinter.

 

En vérité, la raison principale pour laquelle René Bousquet n’a jamais été jugé tient sans doute à de toutes autres raisons, à savoir les relations étroites qu’il entretenait depuis la guerre dans différents milieux haut-placés, et notamment avec François Mitterrand. Il faut réécouter l’interview que ce dernier avait accordée à Jean-Pierre Elkabach en 1994, pour mesurer le gouffre qui sépare le discours de Badinter de celui de son ancien mentor. Mitterrand avait alors choisi de répondre aux questions d’Elkabach, en direct de l’Elysée, après la parution du livre de Pierre Péan, Une jeunesse française, pour tenter de répondre aux accusations concernant ses fréquentations pendant la période de Vichy.

 

Quand Elkabach interroge Mitterrand sur l’aveuglement de tous ceux qui ont fréquenté Bousquet après la guerre, et lui fait remarquer que « moralement, vous ne pouvez pas l’acquitter », le Président de la République a cette réponse étonnante : « Aveugles sur quoi ? Mais de quoi me parlez-vous ? Ils sont en face d’un homme qui a été acquitté par la Haute Cour de Justice ! » Mitterrand s’en tient donc à la version bien commode d’un Bousquet innocenté et « bien sous tous rapports », dont personne ne pouvait alors soupçonner les crimes. Ce qui n’empêche pas son ministre de la Justice de l’époque de dénoncer aujourd’hui la « parodie de justice » et le « scandale judiciaire » du procès de 1949.

 

Robert Badinter, qui a gardé toute sa tête, semble pourtant avoir la mémoire sélective quand il est question de François Mitterrand. Face à l’historien Laurent Joly, il se lance ainsi dans une diatribe dirigée contre… les manifestants qui avaient hué François Mitterrand, lors de la commémoration du Vel d’Hiv, en juillet 1993[1]. « C’était honteux ! » s’exclame Badinter, en repensant trente ans plus tard à sa fameuse colère d’alors, dont les images avaient fait le « buzz ». « Il y a un moment où la politique doit cesser », explique encore l’ancien proche de Mitterrand, ajoutant « cet incident monté de toutes pièces m’a fait horreur ». Badinter, contrairement à plusieurs des amis juifs du Président (Jacques Attali ou George-Marc Benamou notamment) n’a en effet jamais changé d’attitude envers François Mitterrand. Comme celui-ci à l’égard de Bousquet, il est fidèle en amitié. Le livre qu’il vient de publier est sans doute une pièce importante à verser au dossier de l’affaire Bousquet. Mais il ne nous apprendra rien des relations entre Bousquet et Mitterrand ni de l’admiration que Badinter voue encore à ce dernier.

Pierre Lurçat

 

______________________________________________________

Je donnerai une série de conférences en France sur Le Mur de fer de Jabotinsky, à Paris, Lyon, Strasbourg et Marseille dans le cadre de l’Organisation Sioniste Mondiale :

 

Jeudi 1er décembre à Paris, au centre Fleg

Lundi 5 décembre à Strasbourg, renseignements à iif.sxb@gmail.com

Mardi 6 décembre à Lyon au CIV Malherbe

Mercredi 7 décembre à Marseille au centre Fleg

Jeudi 8 décembre à Paris, au KKL

 

 

 

 

[1] J’ajoute que je me trouvais moi-même en première ligne parmi les manifestants.

 

Le “cri de colère” de Robert Badinter contre les Juifs

Le “cri de colère” de Robert Badinter contre les Juifs

See comments

Réponse à Eva Illouz, Bruno Karsenti et Ilan Greilsammer : Dénonciation et diabolisation dans le discours de la gauche juive

November 27 2022, 11:30am

Posted by Pierre Lurçat

La scène de l'attentat d'Ariel

La scène de l'attentat d'Ariel

 

Le 15 novembre dernier, alors qu’Israël pleurait les trois victimes de l’attentat d’Ariel, trois universitaires juifs publiaient des articles virulents contre le futur gouvernement de l’État juif, dénonçant le « nationalisme », le « populisme » et le « fascisme juif ». Au-delà du simple débat intellectuel et politique, la concomitance entre ces deux événements nous amène à interroger un phénomène ancien – et pour ainsi dire consubstantiel à l’histoire juive – celui de la dénonciation, de la diabolisation et des accusations fratricides, pour tenter d’en cerner les motivations profondes.

 

Dans les colonnes du journal Le Monde (dont la dérive anti-israélienne a souvent été analysée depuis des lustres), le politologue israélien Ilan Greilsammer dénonce les « 14 députés nauséabonds de l’extrême-droite »[1]. De son côté, la sociologue franco-israélienne Eva Illouz écrit : « Nétanyahou est un populiste de droite ‘’conventionnel’’, similaire à Modi, à Orban ou à Trump. Itamar Ben Gvir, le chef de Sionisme religieux, se situe, lui, au-delà du populisme. Il représente ce que l’on est bien obligé d’appeler, à contrecœur, un ‘’fascisme juif’’ » et elle affirme au passage, comme s’il s’agissait d’une évidence, que « les Palestiniens subissent le joug d’un régime cruel ».  Quant à l’universitaire Bruno Karsenti, il explique dans les colonnes de la revue en ligne K pourquoi le résultat des élections signifie un tournant majeur et le dévoiement, ou carrément la « fin du sionisme… » et appelle à « comprendre à nouveau le sionisme depuis la diaspora »[2].

 

On peut bien entendu considérer que ces trois analyses relèvent d’un débat légitime. Mais cela ne nous dispense pas de nous interroger sur les motivations profondes qui amènent des intellectuels juifs à se désolidariser publiquement d’Israël, en expliquant à la face du monde qu’ils « ne font pas partie » de ces autres Juifs qui ont élu le « gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël »...(L’expression, déjà employée lors de précédentes élections, est notamment reprise par Bruno Karsenti dans l’article précité).  On peut aisément critiquer leur analyse sur le plan strictement factuel, en montrant par exemple que le concept de « fascisme juif » est largement erroné et procède d’une simplification abusive, celle que Léo Strauss avait il y a déjà longtemps analysée sous le vocable de « reductio ad hitlerum »[3].

 

Afficher l’image source

Leo Strauss

 

Mais notre propos est ici différent : il vise à déceler chez ces trois intellectuels, par-delà la différence possible des parcours individuels, une même attitude profonde, qui remonte très loin dans l’histoire juive. Pour la comprendre, nous citerons un quatrième exemple ; celui du professeur Asa Kasher. Le spécialiste d’éthique, auteur du « Code éthique de Tsahal », a expliqué au lendemain des dernières élections, dans un post très remarqué sur Twitter, que le peuple qui a porté B. Nétanyahou au pouvoir n’était « pas le sien », en dénonçant au passage les « mutations » que représentaient à ses yeux le sionisme religieux et le monde ‘harédi (juif orthodoxe). Ce dernier terme a fait scandale en Israël, au point que Kasher a vainement tenté de se justifier, sans modifier fondamentalement son discours.

 

Si le propos de Kasher est révélateur, c’est parce qu’il résume de manière lapidaire et limpide la posture commune à ces intellectuels juifs. Ceux-ci prétendent en effet faire sécession, au à tout le moins se « distancier » ou se « désolidariser » d’une partie importante de leur peuple, au nom d’une conception bien particulière de l’éthique, de la politique ou de la place d’Israël parmi les Nations. Ils affirment ainsi – conformément au modèle bien connu du Juif assimilé – avoir plus en commun avec les « valeurs universelles » qu’avec le « particularisme juif », tel qu’il s’est exprimé dans le vote des Israéliens, qu’ils assimilent à un phénomène entièrement négatif (« réaction », « illibéralisme », « nationalisme identitaire » pour Karsenti, « nationalisme religieux » pour Eva Illouz).

 

« Nous ne sommes pas comme ces Juifs-là ».

 

Mais cette posture commune ne se contente pas d’exprimer un désaccord, ou un dissentiment. Elle le fait en prenant à parti le reste du monde, comme si l’enjeu était de dire au monde entier : « Nous ne sommes pas comme ces Juifs-là ». Il s’agit donc de dénoncer publiquement le reste des Juifs (qu’il s’agisse d’un parti politique, d’un gouvernement, voire de l’Etat d’Israël tout entier[4]) en faisant allégeance à des « valeurs universelles » dont ces autres Juifs seraient exclus… Cette argumentation n’est pas seulement intellectuelle. Elle procède, comme l’avait bien vu Shmuel Trigano, d’une tentation permanente de la gauche juive, dans l’histoire récente d’Israël, de se positionner contre un « mauvais Israël » (celui des harédim, des sionistes-religieux, des sépharades, etc.[5])

 

Paradoxalement, ces représentants de la gauche juive retournent très souvent l’accusation de séparatisme contre ceux qu’ils critiquent, en se posant eux-mêmes en victimes d’une exclusion hypothétique, comme le fait Bruno Karsenti, en critiquant la Loi Israël Etat-nation du peuple Juif de 2018, qu’il accuse de « replier l’État juif sur le peuple juif entendu comme le peuple des vrais juifs qui se rassemblent sur cette terre expressément et exclusivement juive ». Ce faisant, il reprend à son compte la vieille accusation (portée notamment par Hannah Arendt au moment du procès Eichmann) d’utiliser la « loi religieuse » juive pour définir l’identité israélienne : « Majoritaires sur leur terre, les juifs y sont hégémoniques ; et hégémoniques, ils sont fondés à l’être exclusivement, au détriment de minorités, qui, en tant que minoritaires, n’ont pas voix au chapitre. Cela vaut au premier chef, évidemment, pour les Palestiniens. Mais cela vaut aussi pour quiconque s’écarte du critère d’identité dont on détient la définition, avec une assurance que seule confère la loi religieuse ».

 

Plus profondément encore, cette posture intellectuelle procède de l’attitude de mise à distance de celui qui doit porter la faute, pour permettre aux autres (les « bons Juifs ») de rester persona grata dans la société environnante… On aura reconnu dans ce mécanisme celui du bouc émissaire. Le regretté Rafael Draï avait analysé de manière magistrale ce phénomène, précisément au lendemain de l’assassinat du rabbin Meir Kahana aux Etats-Unis, en se demandant publiquement si le rabbin Kahana n’avait pas été transformé en « bouc émissaire » par l’ensemble de l’establishment juif… La dénonciation actuelle du « fascisme juif » confirme son diagnostic. Il n’y a en réalité dans cette attitude rien de nouveau sous le soleil de Sion… C’est en définitive l’histoire de Joseph et de ses frères qui se rejoue indéfiniment, à toutes les époques.

Pierre Lurçat

 

 

[1] Sur la métaphore “olfactive” dans l’analyse politique et la diabolisation en général, je renvoie à l’ouvrage éclairant de Pierre-André Taguieff, Du diable en politique, CNRS éditions 2014

[2] Notons que cette revue qui se présente comme un lieu de débat interne au judaïsme bénéfice du soutien de nombreuses fondations, notamment la Fondation Heinrich Böll, celle pour la mémoire de la Shoah, et le Ministère français de la Culture

[3] L’expression est employée par Strauss dans son livre Droit naturel et histoire, Paris, Plon, 1954. Sur le concept de “reductio ad hitlerum” et ses usages contemporains, voir notamment le livre de P. A. Taguieff cité ci-dessus. Taguieff est un des premiers à avoir repris ce concept et à l’avoir utilisé pour analyser le phénomène de la diabolisation, dès les années 1980.

[4] Observons que dans le discours antisioniste, le discours passe très rapidement de la dénonciation d’un parti ou d’un gouvernement israélien “fasciste”, à celle du “fascisme juif”, du “suprémacisme juif” ou du “judaïsme raciste”. Sur ce phénomène d’élargissement de la cible, je renvoie à mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain, éditions L’éléphant 2021.

[5] Cf. S. Trigano, L’ébranlement d’Israël, Seuil 2002. 

See comments

Le pistolet d'Ayala Ben Gvir et le retour du « principe de réalité »

November 20 2022, 11:37am

Posted by Pierre Lurçat

Le pistolet d'Ayala Ben Gvir et le retour du « principe de réalité »

Le pistolet d'Ayala Ben Gvir et le retour du « principe de réalité »

 

La photo a fait la « Une » des médias israéliens. On y voit Sarah Netanyahou entourée des femmes des dirigeants des partis de la nouvelle coalition qui vient de remporter les élections. Seul un œil averti peut distinguer, sur les vêtements d'Ayala Ben Gvir, un objet sombre qui se confond avec la couleur de son manteau. Cet objet et les réactions qu'il a suscitées la semaine écoulée en Israël nous en disent plus long que mille mots sur l'état actuel du débat public, et sur celui de la gauche en Israël.

 

« Quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt ». En l’occurrence, le pistolet n’est que le doigt, tandis que la réalité de la situation sécuritaire sur les routes et dans les villes et villages d’Israël est la « lune ». Effectivement, les “sots” se sont empressés de gloser sur le pistolet d’Ayala Ben Gvir, se moquant à la fois de son apparence et de ses choix vestimentaires, tout en ironisant sur le fait qu’elle arborait une arme… Face à la vague de commentaires hostiles et moqueurs des médias “mainstream” (de gauche), Ayala Ben Gvir a tweeté simplement : « J’habite à Hébron, j’ai six enfants, je circule sur les routes dangereuses et mon mari est l’homme le plus menacé d’Israël. Et oui, j’ai un pistolet ».

 

Outre le double standard évident qu’ont révélé ces commentaires – féministes dans le discours mais dont l’empathie pour les femmes s’arrête à la « Ligne verte » et n’inclut pas les femmes figurant sur la photo en question – ils ont aussi révélé le monde fantasmagorique dans lequel vit une grande partie de la gauche israélienne, ou plus exactement de ce qu’il en reste, depuis trente ans. Depuis le jour funeste où Itshak Rabin a serré à contre-cœur la main de l’archi-terroriste Yasser Arafat – transformé pour l’occasion en « homme de paix » – et où la gauche a adopté le narratif post-sioniste, elle vit dans un monde qui a peu à voir avec la réalité du Moyen-Orient.

 

Dans ce monde fantasmagorique, la gauche israélienne s’invente régulièrement de nouveaux « monstres » qu’elle adore détester – hier (et aujourd’hui) Sarah Nétanyahou et son mari, aujourd’hui Ayala Ben Gvir et son mari, etc. Elle qualifie de « fascistes juifs » les habitants de la Ville des Patriarches, tout en couvrant d’éloges les dirigeants corrompus de l’Autorité palestinienne, même quand ils appellent ouvertement au meurtre des Juifs. Comme l’écrivait Shmuel Trigano il y a vingt ans, « Le camp de la paix a toujours un “mauvais Israël” contre lequel s’affirmer, une exclusion d’autrui à travers laquelle il s’identifie lui-même »[1].

 

Il faut lire de temps en temps (à petite dose) les éditoriaux et la page Opinions du journal Ha’aretz, pour voir combien ce « camp de la paix » est pétri de bons sentiments envers le « peuple palestinien » et ses représentants, à Ramallah et à la Knesset, et empli de haine et de fiel pour les Juifs du camp national, pour les Juifs religieux et pour ceux qui habitent à Hébron ou à Ariel.  Au lendemain des élections, Ha’aretz écrivait ainsi, dans un éditorial consacré à la disparition du parti Meretz, que les « héritiers de Shulamit Aloni, de Yair Tsaban et d’Amnon Rubinstein regarderont de loin les 14 disciples du raciste Meir Kahana prêter serment dans le temple de la démocratie », tout en faisant l’éloge (funèbre) du parti qui a « mis en garde contre les méfaits de l’occupation et la violence des colons ».

 

En réalité, si le parti emblématique de la gauche israélienne post-sioniste, qui était constitué à l’origine d’une coalition de trois(!) partis, Mapam, Ratz et Shinoui, ne siège plus aujourd’hui à la Knesset, ce n’est pas tant en raison de la montée en puissance de la droite et des partis religieux, que de l’effritement de l’idéologie post-sioniste, sous les coups de boutoir de la réalité. Le facteur le plus important de la réussite sans précédent de B. Nétanyahou lors du scrutin du 1er novembre n’était pas seulement son talent de politicien hors-pair et l’union des différents partis de la droite, face à la désunion au sein de la gauche et des listes arabes.


Le facteur le plus important expliquant le scrutin du 1er novembre est la réalité impitoyable à laquelle ont été confrontés des centaines de milliers d’Israéliens habitants de la « périphérie » et des villes mixtes d’Israël, lors des pogromes antijuifs du printemps 2021, quand les Arabes israéliens (ceux que les médias français qualifient de « Palestiniens d’Israël ») ont attaqué leurs voisins juifs avec une violence qui a ramené Israël un siècle en arrière, à la période des « événements de 1921, de 1929 et de 1936 », c’est-à-dire aux premières vagues de violences arabes antijuives en Eretz-Israël. C’est ce « principe de réalité » qui a largement dicté le résultat des dernières élections, alors que les partis de gauche continuaient de lancer leurs slogans idéologiques sur le « processus de paix » et d’attiser la haine de leurs électeurs contre les Juifs religieux et contre Binyamin Nétanyahou.

Pierre Lurçat

 

______________________________________________________

Je donnerai une série de conférences en France sur Le Mur de fer de Jabotinsky, à Paris, Lyon, Strasbourg et Marseille dans le cadre de l’Organisation Sioniste Mondiale :

 

Jeudi 1er décembre à Paris, au centre Fleg

Lundi 5 décembre à Strasbourg, renseignements à iif.sxb@gmail.com

Mardi 6 décembre à Lyon au CIV Malherbe

Mercredi 7 décembre à Marseille au centre Fleg

Jeudi 8 décembre à Paris, au KKL

 

[1] S. Trigano, L’ébranlement d’Israël, Seuil 2002.

Le pistolet d'Ayala Ben Gvir et le retour du « principe de réalité »

See comments

Lettre ouverte à Alain Finkielkraut et à quelques autres Juifs fascinés par l’Eglise, Pierre Lurçat

November 14 2022, 09:40am

Posted by Pierre Lurçat

Lettre ouverte à Alain Finkielkraut et à quelques autres Juifs fascinés par l’Eglise, Pierre Lurçat

 

Cher Alain Finkielkraut,

 

J’avais tout d’abord pensé adresser cette lettre ouverte à Gad Elmaleh et à vous conjointement, pour les raisons que vous allez bientôt comprendre. Finalement, j’ai décidé de vous l’envoyer à vous seul. J’ai souvent ri - comme beaucoup - en regardant les sketches de Gad, y compris celui où il évoque sa préférence pour les enterrements catholiques, tellement plus grandioses et impressionnants que les enterrements juifs… J’ai ri alors, parce que j’ignorais évidemment que l’humoriste parlait très sérieusement et que ce “ballon d’essai” annonçait d’autres révélations bien plus fracassantes encore. Celle qu’il dit avoir reçue de la Vierge Marie, qui “l’accompagne à chaque instant, y compris sur scène” et celle qu’il a faite tout récemment au grand public, de sa conversion à la religion catholique.

 

J’ai donc choisi de vous écrire à vous seul, cher Alain Finkielkraut. Car bien entendu, votre cas n’a rien à voir avec celui de l’humoriste. J’aurais presque envie de dire que tout vous sépare... Il est originaire du Maroc, alors que vous êtes né à Paris de parents Juifs venus de Pologne, tout comme mes grands-parents. Il est un homme de spectacle, alors que vous êtes un homme de pensée et de plume. Il se dit attiré par la religion catholique depuis tout jeune, alors que vous êtes un philosophe non croyant et ne pratiquez aucune religion. Et pourtant… Dans votre dernière émission Répliques, en compagnie de l’acteur Fabrice Lucchini, avec lequel vous entretenez des liens d‘amitié, vous répondez à une question très personnelle sur vos liens avec la religion catholique[1]. Je cite mot à mot votre échange :

 

“Fabrice Lucchini : Ce qui est beau c’est votre amour de Pascal, illustré admirablement dans l’émission avec Pierre Manent… J’ai l’impression que vous êtes à deux doigts,..

A Finkielkraut : De me convertir ?

F. L. Je le dis solennellement, vous qui êtes d’une communauté qui n’est pas chrétienne, vous êtes à deux doigts de franchir… Un Finkielkraut chrétien, un Finkielkraut réconcilié, voilà ce qui va se passer dans les mois qui vont arriver…

A.F. (Rires)

F.L Oui, auditeurs de France Culture, ce moment est rare… Cet homme qui a si bien parlé du judaïsme, cet homme qui a démontré sa passion pour la langue française, n’est pas loin de se convertir !

A.F. Je pourrais répondre quand même…”

 

L’entretien alors change de sujet, car Fabrice Lucchini déclame une fable de La Fontaine et on reste sur l’impression que l’échange précédent était une farce… Mais votre interlocuteur revient à la charge, comme un missionnaire zélé, avec un plaisir gourmand dans la voix :

 

F.L. Et la conversion Alain ?

A.F.  Alors… Et ensuite je reviendrai à la question de la langue. Non il n’est pas question que je me convertisse, mais il est vrai que je suis… fasciné par la proposition chrétienne[2]. Je ne me convertirai pas, parce que les Juifs persistent dans leur être, quand bien même ils ne croient plus en Dieu, majoritairement… C’est d’ailleurs pour moi-même un mystère, mais c’est comme ça. Pour ce qui est de la proposition chrétienne, je suis fasciné par le fait que le Christ a dit sur la Croix, “Mon Dieu, Mon Dieu, ou mon Père, mon père, pourquoi m’as-tu abandonné ? Non seulement il l’a dit ; mais c’est dans les Evangiles. Et la peinture, les grands chefs d’œuvre de la peinture, sont des descentes de Croix. Donc, le christianisme nous montre la mort… Il ne nous dissimule rien de la mort. Alors il retire à la mort son dard venimeux, il y a la résurrection du Christ, peut-être, mais il y la mort..

Et il y a cette phrase bouleversante, je trouve que c’est le génie du christianisme et ça je n’ai pas peur de le dire, parce qu’aucune religion n’est allée jusque-là, jusque faire mourir son Messie, mourir Dieu même. Voilà ce que j’aime, mais il n’est pas question de conversion…

F.L. Ce n’est pas évident, votre exaltation... Pourquoi c’est unique ?

A.F. Tout d’un coup il y a la finitude, la souffrance de la mort, dont le Christ lui-même, par laquelle passe le Christ… Et au cœur de l’Evangile, au cœur de la Bonne nouvelle, il y a cette phrase-là, pourquoi m’as-tu abandonné., je trouve que c’est au cœur de la croyance quelque chose d’incroyable”.

 

Si j’ai retranscrit intégralement cet échange étonnant, qui ne défigurerait pas un roman de votre ami Philip Roth ou de son jeune émule Joshua Cohen, c’est parce qu’il nous dit beaucoup sur la condition juive en France (et ailleurs en exil) aujourd’hui. Bien entendu, vous avez, tout comme Gad Elmaleh, choisi le ton de l’humour et de la farce pour aborder ce sujet délicat et douloureux. Mais il n’aura échappé à aucun de vos auditeurs que, rebondissant sur l’amorce se voulant drôle de Lucchini, qui prend à parti les auditeurs de France Culture en prétendant annoncer votre conversion, vous avez répondu le plus sérieusement du monde, et malgré votre refus de la conversion, votre ami Lucchini n’a pas été déçu…

 

Je ne fais pas partie des “gardiens de la foi” juive, et mon propos n’est pas de vous faire reproche d’envisager une conversion, que vous dites écarter sans hésitation et sans la moindre ambiguïté, contrairement à votre compatriote Gad Elmaleh. La question, à mes yeux, dépasse de loin celle de la conversion, qui est d'ailleurs beaucoup plus répandue qu’on ne le pense. Après tout, des milliers de Juifs se convertissent chaque jour à toutes sortes de religions, parfois sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose. Il y a eu et il y a encore des Juifs communistes, des Juifs trotskystes, des Juifs staliniens, et il y a aujourd’hui des Juifs bouddhistes, des Juifs wokistes et même des Juifs convertis à l’islam radical[3]

 

Ce qui est grave à mes yeux, c’est la fascination que vous dites ressentir pour le christianisme, et la manière dont vous l’expliquez à votre interlocuteur, en citant le passage des Evangiles, “Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné”... Car voyez-vous, cher Alain Finkielkraut, cette phrase que vous dites bouleversante et qui illustre à vos yeux le “génie du christianisme”, cette phrase n’est pas chrétienne, mais bien juive, puisqu’elle est tirée des Psaumes du Roi David ! “Eli, Eli, lama hazavtani ?” est un verset du Psaume 22, bien connu de tout Juif qui respecte sa tradition, verset qui a été souvent mis en musique par des artistes israéliens contemporains. En faire la preuve éclatante du “génie du christianisme” est aussi erroné que d’affirmer, par exemple que le christianisme aurait “inventé” l’idée d’amour ou que "tu aimeras ton prochain comme toi-même" serait une maxime chrétienne.

 

Voilà toute la tragédie que révèle cet échange badin entre deux amoureux de la littérature française sur France Culture : il révèle l’étendue insondable de l’assimilation juive en France et de son corollaire, l’ignorance ! Oui, on peut être comme vous, cher Alain Finkielkraut, un lettré et un amoureux des Lettres françaises, avoir été élu à l’Académie française, et être dans le même temps, un ‘Am-Haaretz[4]. J’imagine la déception que notre ami commun Benny Lévy éprouverait en écoutant cet échange, et quelle admonestation il aurait pu vous faire, lui qui avait vainement tenté d’inculquer quelques notions de judaïsme à ses deux anciens camarades de la rue d’Ulm, BHL et vous…

Afficher l’image source

En vous réécoutant, en constatant une fois de plus combien était sincère votre rejet de la conversion et votre fascination concomitante pour le Christ (oui le Christ, dont vous prononcez le nom sans la moindre réserve ; "Oï ya broch!" comme disait ma grand-mère, qui parlait la même langue que la vôtre), j’ai repensé à un grand écrivain et un grand Juif français, Edmond Fleg. Fleg avait en effet tout comme vous été fasciné par le Christ. Mais cela se passait avant la Shoah, et il n’avait pas 73 ans comme vous mais une vingtaine d’années. Il avait lui aussi joué avec l'idée de la conversion et était même parti visiter la Palestine d'alors, "sur les traces du Christ".

 

Le récit de ce voyage est un magnifique témoignage de “Techouva”, de retour à son peuple, à sa terre et à la tradition de ses pères. Livre que je vous invite à relire, cher Alain Finkielkraut, en même temps que le livre des Psaumes et celui de Kohelet.  Je vous invite donc à étudier votre héritage juif, avant d'en percevoir la beauté plagiée dans la religion et dans la culture des autres. Vous y trouverez les trésors que notre peuple a donnés à l'humanité et vous verrez aussi que, quoi qu'en pense Fabrice Lucchini et quoi que vous en pensiez vous-même, le christianisme n’a rien à "proposer" à Israël, pas plus aujourd’hui qu’hier.

Pierre Lurçat

 

 

 

[1] Je remercie vivement mon ami Michael Grynszpan qui m’a signalé cet échange et l’émission dont il est tiré.

[2] La proposition chrétienne est le titre du dernier livre de Pierre Manent, auquel A. Finkielkraut a consacré récemment une émission. J'ajoute que j'avais lu et apprécié en son temps le remarquable Cours de philosophie politique de P. Manent.

[3] Sujet que j’ai abordé naguère dans mon livre Pour Allah jusqu’à la mort, Enquête sur les convertis à l’islam radical.

[4] Je précise que cette expression ne désigne pas un lecteur du journal Ha’aretz que vous connaissez trop bien, cher Alain, mais un homme sans éducation.

L’adoration de Jésus enfant, Gerrit van Honthorst

L’adoration de Jésus enfant, Gerrit van Honthorst

See comments

Israël - Rendre aux élus du peuple le pouvoir confisqué par les élites et par la Cour suprême

November 10 2022, 12:17pm

Posted by Pierre Lurçat

J'aborde au micro de Daniel Haïk sur Studio Qualita la question cruciale de la réforme judiciaire au lendemain des élections, pour rendre à la Knesset et aux élus du peuple israélien le pouvoir qui leur a été confisqué par les élites de gauche et par la Cour suprême..

https://youtu.be/j6vHczEa85Y

(Sur ce sujet, je renvoie aussi à mon article paru dans la revue Pardès : "Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël" - Article disponible sur demande à pierre.lurcat@gmail.com 

 

 

Israël - Rendre aux élus du peuple le pouvoir confisqué par les élites et par la Cour suprême

See comments

PROCHAINE SESSION DE PREPARATION A L'EXAMEN D'AGENT IMMOBILIER ISRAELIEN

November 9 2022, 13:09pm

La prochaine session de formation à l'examen d'agent immobilier, 
 se déroulera entre le 13 novembre et le 25 décembre 2022. 
L'examen est prévu pour avoir lieu le 20 janvier 2023. 
Le prix de la formation est de 4500 NIS TTC, incluant :
- 36 heures de formation à distance.
matériel de formation, incluant les lois traduites en français utilisables le jour de l'examen
suivi personnalisé jusqu'à l'examen (entraînement sur des annales)
Je suis à votre disposition pour tout complément d'information concernant la formation, l'inscription et les modalités de  règlement, ainsi que la profession d'agent immobilier.

 

Cordialement

Pierre Lurçat

PIL FORMATION

050 286 51 43

pierre.lurcat@gmail.com

PROCHAINE SESSION DE PREPARATION A L'EXAMEN D'AGENT IMMOBILIER ISRAELIEN

See comments

Le secret de la longévité politique de Binyamin Nétanyahou, par Pierre Lurçat

November 7 2022, 12:46pm

Posted by Pierre Lurçat

Le secret de la longévité politique de Binyamin Nétanyahou, par Pierre Lurçat

 

Au-delà des qualificatifs – souvent erronés ou excessifs – que les médias utilisent à son endroit, Binyamin Nétanyahou demeure à de nombreux égards une énigme. L’ancien et nouveau Premier ministre israélien, qui vient de remporter une victoire politique éclatante et qui a ravi à David Ben Gourion le record de longévité à ce poste, est tantôt décrit comme un modèle de pragmatisme – voire d’opportunisme politique – tantôt comme un idéologue de droite. Qui est-il vraiment ?

 

La biographie que lui a consacré le journaliste Anshel Pfeffer (1) apporte des éléments de réponse à cette question, qui continue de tarauder les meilleurs observateurs de la scène politique israélienne depuis plus de deux décennies. En tant que contributeur du quotidien Ha’aretz – qui n’épargne pas le Premier ministre et sa famille – Pfeffer a réussi à écrire une biographie équilibrée, en évitant de tomber dans l’excès ou dans la caricature. Il décrit ainsi, dans les premiers chapitres de son livre, l’environnement dans lequel a grandi Benjamin, ses deux frères Ido et Yoni (qui trouvera la mort lors de l’opération héroïque de sauvetage des otages à Entebbé), et leurs parents, le professeur Bentsion Nétanyahou et sa femme.

 

L’auteur relate avec talent l’ascension politique de Nétanyahou, d’abord au sein de l’ambassade d’Israël aux Etats-Unis, où il devient le protégé de Moshe Arens, puis en tant qu’ambassadeur aux Nations-Unis, en 1984, où il se fait remarquer pour ses talents de diplomate et d’orateur hors-pair. Dès cette époque, le jeune Benjamin Nétanyahou fait en effet preuve de dons exceptionnels pour la « hasbara » (terme difficile à traduire qui désigne la capacité de défendre une politique), à la tribune et dans les coulisses des Nations unies. Pfeffer rapporte ainsi la manière dont « Bibi » utilise des éléments visuels pour appuyer son argumentation, n’hésitant pas à projeter un film montrant un diplomate tentant vainement de téléphoner au Liban pour illustrer l’état d’anarchie régnant dans le pays. Trente ans plus tard, il utilisera des moyens similaires pour démontrer au monde entier la duplicité de l’Iran.

 

La qualité majeure de Benjamin Nétanyahou, tel qu’il ressort du livre d’Anshel Pfeffer, est incontestablement celle d’animal politique. Doté d’un charisme exceptionnel, il sait manœuvrer à travers les écueils de la politique intérieure israélienne, et fait montre d’une capacité d’analyse et de compréhension rarement égalées par ses pairs. Issu d’une famille jabotinskienne réputée, mais relativement à l’écart de la vie politique du fait de son exil aux Etats-Unis, Nétanyahou parvient à doubler plusieurs concurrents parmi les “Princes du Likoud” – et notamment David Lévy, qui deviendra un rival féroce.

 

Dans des pages intéressantes de son ouvrage, Pfeffer montre les rapports ambivalents entre Bibi et Itshak Shamir, qui le considère comme superficiel et incapable de résister aux pressions. Un des chapitres les plus instructifs est celui qui retrace le premier mandat de Nétanyahou, arrivé au pouvoir contre toute attente, en 1996, au lendemain de l’assassinat d’Itshak Rabin (au sujet duquel Pfeffer dissipe la calomnie voulant que Bibi ait participé à des manifestations “incitant” au meurtre…(2) A l’âge de 46 ans, il devient le plus jeune Premier ministre israélien depuis 1948.

 

Quelle a été l’influence de sa famille sur Bibi ? Sur ce point crucial – que j’aborde dans un de mes livres, dans un chapitre consacré à Bentsion Nétanyahou (3) – l’auteur apporte des éléments de réponse intéressants. Ainsi, on découvre comment “Bibi” a souffert du sentiment d’insatisfaction que son père éprouvait à son égard. « Il aurait sans doute fait un meilleur ministre des Affaires étrangères que Premier ministre », dira un jour Bentsion de son fils, pour la plus grande joie de ses adversaires. Le dernier chapitre du livre s’intitule, de manière éloquente, « Stuck on top », « coincé au sommet ».

 

 

A l’heure où ces lignes sont écrites, « Bibi » donne toujours l’impression d’être irremplaçable, y compris aux yeux de ses plus farouches adversaires. Au-delà de ses succès indéniables – en diplomatie notamment et en économie – les « années Bibi » auront aussi été celles d’une lente et irrésistible érosion de la force de dissuasion de Tsahal, après les retraits de Gaza et du Sud-Liban aux conséquences désastreuses, orchestrés par deux de ses prédécesseurs, Ariel Sharon et Ehoud Barak.

 

Nétanyahou deviendra un des plus grands dirigeants de l’Etat d’Israël moderne, s’il parvient à résoudre un des problèmes les plus brûlants de la société israélienne, que les grands partis politiques ont largement négligé depuis longtemps : celui de la situation économique et sociale. L’Etat d’Israël, au cours de ses 70 années d'existence, est en effet passé presque sans transition d'un régime économique socialiste à un régime ultra-libéral ou, pour reprendre les termes de Jabotinsky, de « l'esclavage socialiste » au « capitalisme sauvage ». Il reste aujourd'hui à accomplir le programme de Jabotinsky, en édifiant une société plus égalitaire, réalisant ainsi l'idéal de justice sociale de la Bible hébraïque. (3)

 

Pierre Lurçat

 

Notes

(1) Anshel Pfeffer, Bibi: The Turbulent Life and Times of Benjamin Netanyahu: Basic Books 2018.

(2) Rappelons que le fameux poster représentant Itshak Rabin z.l en uniforme S.S. était la création de l’agent du Shabak, Avishaï Raviv.

(3) Je renvoie sur ce sujet le lecteur au premier tome de la Bibliothèque sioniste que j’ai fondée, Vladimir Jabotinsky, La rédemption sociale, éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque, éditions L’éléphant 2021.

(Une version initiale de cet article est parue en novembre 2018)

 

_____________________________________________________

 

Le Mur de Fer

Le public français ne connaît pas, ou à peine, Vladimir Jabotinsky. Pierre Lurçat remédie à cette méconnaissance avec brio en publiant une traduction des textes fondateurs de ce visionnaire, publiés entre 1916 et 1929 en les éclairant d’une introduction historique et philosophique pointue.

Liliane Messika, Causeur.fr

« Les arabes et nous, le Mur de fer », Jabotinsky raconté par Pierre Lurçat au micro d’Ilana Ferhadian

 

Il faut remercier Pierre Lurçat pour son travail de traduction et de présentation de cet ouvrage. Il permet au lecteur, peu familier de l’action et de l’œuvre de Vladimir Jabotinsky, de découvrir un penseur du politique à travers son engagement pour le sionisme… Ses écrits sont là, nourrissent notre réflexion, et attestent d’une lucidité peu commune

 

Evelyne Tschihrart, Dreuz.info

 

 

 

Le secret de la longévité politique de Binyamin Nétanyahou, par Pierre Lurçat

See comments

"Suprémacisme juif": aux origines d'une expression mensongèree

November 2 2022, 15:05pm

Posted by Pierre Lurcat

"Suprémacisme juif": aux origines d'une expression mensongèree

L’article qu’on trouvera ci-après (1) illustre un phénomène inquiétant, qu’on peut décrire comme la migration de certains éléments du discours antijuif dans le lexique des grands médias français. Plus qu’un simple phénomène sémantique, il s’agit d’une évolution significative, qui illustre la radicalisation du discours sur (contre) Israël dans les grands médias français, pièce supplémentaire à verser au dossier de l’antisémitisme/antisionisme actuel.

 

L’exemple choisi - l’expression de “suprémacisme juif” - n’est pas anodin. L’accusation de “racisme juif” (dont le suprémacisme est une forme extrême) est en effet, comme l’a démontré le politologue Pierre-André Taguieff dans ses nombreux travaux sur le sujet, un élément essentiel du discours antisémite/antisioniste contemporain. Plus précisément, c’est autour de cette accusation de “racisme juif”, aussi ancienne que l’antisémitisme lui-même, que se focalise le discours du “Nouvel Antisémitisme” apparu dans les années 2000.

 

Dans le chapitre intitulé “Le mythe du juif raciste” de son ouvrage magistral sur la question, La judéophobie des Modernes, Des Lumières au djihad mondial”, P.A. Taguieff analyse ainsi la place de l’accusation de “racisme juif” dans le discours antijuif contemporain :

 

Les Juifs se plaignant d’être victimes du ‘racisme’, il fallait encore mettre en oeuvre une stratégie de rétorsion pour neutraliser l’argument en le retournant contre les victimes… Un sixième thème d’accusation est donc entré sur la scène antijuive : celui du Juif raciste, originellement - voire originairement- génocidaire, dont le “sioniste” supposé “raciste” représenterait la dernière incarnation historique. Ce nouveau thème d’accusation peut être considéré comme une réinvention, dans le contexte planétaire de la guerre contre Israël et le “sionisme”, de l’antique accusation de xénophobie/misanthropie, amalgamée à celle de barbarie… L’apparition de cette figure négative du Juif dans l’espace mondial a été l’occasion d’une cristallisation de toutes les représentations judéophobes...

 

C’est dans ce contexte qu’il faut situer et analyser l’usage de l’expression “suprémaciste/suprématisme juif” dans le discours antijuif contemporain. On la retrouvait jusqu’à récemment chez de nombreux porteurs de l’idéologie antijuive, de Soral à Dieudonné en France, à David Duke aux Etats-Unis. Son adoption par les correspondants en Israël de grands quotidiens français n’est pas un fait anodin. (2) J’ajoute que l’exemple analysé ci-dessous n’est pas le seul. On pourrait citer aussi celui d‘apartheid (récemment utilisé dans les médias français au sujet de la loi Israël-Etat nation du peuple juif)  

Pierre Lurçat

 

(1) L’auteur est un professionnel des médias, qui a choisi de garder l’anonymat. Cet article paru initialement en 2019 n'a rien perdu de son actualité, alors que les médias français rendent compte des résultats des dernières élections en Israël.

(2) Il n’est pas non plus anodin que l’une de ces correspondants soit Danièle Kriegel, épouse de Charles Enderlin, l’auteur de la calomnie Al-Dura, que le professeur Richard Landes a qualifiée de “première accusation de crime rituel du vingtième siècle”... Cela fait beaucoup pour une seule famille.

 

« Suprémacisme juif »: quand la presse popularise un concept inexact, jusqu’alors utilisé par les anti-juifs

 

Jamais cette expression n’avait été utilisée dans la presse. Elle se retrouve soudain appliquée à propos de deux politiciens de droite radicale, membres de partis différents, aux idées virulentes contre les Arabes mais actifs de longue date dans la vie politique israélienne. L’innovation sémantique, qui s’est répandue dans quatre quotidiens français, en l’espace de quelques semaines, met aussi en lumière la rapide circulation des idées et des innovations sémantiques au sein du petit monde des correspondants de presse qui oeuvrent en Israël.

 

En Israël comme ailleurs, il existe des courants politiques radicaux. Il ne s’agit pas ici de défendre des politiciens de droite radicale, mais de signaler l’adoption soudaine d’un qualificatif inadapté pour les décrire.

 

Qu’est-ce que le suprémacisme

Le suprémacisme est « une idéologie de supériorité et de domination : elle affirme qu'une certaine catégorie de personnes est supérieure aux autres et doit les dominer ou les asservir, ou est en droit de le faire » ; on le décrit aussi comme une « idéologie raciste qui affirme qu'il existe une hiérarchie entre les êtres. »

 

L'accusation de « suprématisme juif », dont il est question ici, n’est pas anodine : elle rappelle la vieille antienne du « Juif raciste » qui est un élément central de l’antisémitisme contemporain, comme l'a montré Pierre-André Taguieff. On se rappelle de la résolution 3370 adoptée par l’ONU en 1975, avant d’être abrogée en 1991, qui avait condamné « le sionisme » comme une « forme de racisme et de discrimination raciale ».

 

La soudaine vulgarisation d’un concept

 

Le 21 février, le correspondant du Monde en Israël parlait d’un petit parti israélien, Otzma Yehudit, en évoquant à propos de la tentative d’alliance du Premier ministre Benjamin Nétanyahou avec ce parti « une chance réelle à cette formation suprémaciste juive d'entrer au Parlement ». D’après nos recherches, il était sans doute le premier journaliste à parler de « suprémaciste juif » dans un grand quotidien français.

 

Quelques jours plus tard, la correspondante du Point à Jérusalem, Danièle Kriegel, remettait à l’honneur le terme, placé pour la première fois dans un titre d’article :  


 

 

Otzma Yehudit est l’héritier du parti d’extrême droite « Kach » du rabbin Meïr Kahane qui fut dans les années 90 interdit pour cause d’incitation au racisme. L’article de Danièle Kriegel relatait comment la Cour suprême avait exclu des élections un candidat de ce parti aux législatives israéliennes, Michael Ben-Ari, en lui reprochant une attitude raciste.

 

Thierry Oberlé, correspondant du Figaro, reprit ensuite le terme à son compte :

 

 

L’innovation a rapidement fait tache d’huile. Fin mars, à son tour, le correspondant de Libération, Guillaume Gendron, s’est mis à utiliser ce langage – pour parler d’un autre candidat :


 

 

Aux yeux de Guillaume Gendron, c’est Moshe Feiglin, candidat du parti « Zehout », qui mérite ce qualificatif.

 

Qui sont Ben Ari et Feiglin

Michael Ben Ari et Moshe Feiglin ne sont pas des nouveaux venus. Ils ont tous deux servi comme députés à la Knesset par le passé. Notre propos n’est pas ici de cautionner ou non leur politique ou le jugement de la Cour suprême. Il est clair que les deux candidats ont des positions radicales, très dures contre les Arabes.

 

Michael Ben-Ari voudrait expulser la majorité des Arabes d’Israël et de tous les territoires disputés, qu’il aimerait annexer. Pour lui, toute personne qui « ose parler contre un Juif » doit être un homme mort, prônant sa « suppression par un peloton d’exécution comme les Arabes le comprennent le mieux… ». Il a beau avoir précisé plus tard que sa remarque s’adressait au leadership du Hamas et non à tous les Arabes et qu’il n’était « pas contre tous les Arabes, seulement contre ceux qui ne sont pas loyaux envers l’Etat d’Israël », il ne donne pas dans la modération.

 

Moshe Feiglin, lui, est un ancien membre du Likoud qui a par la suite fondé le parti Zehout. Durant sa période au Likoud, il a même été vice-président de la Knesset, un poste très en vue ; pourtant, nous n’avons trouvé aucune trace de description de ce personnage comme un suprémaciste dans les médias durant toute cette période. Moshe Feiglin, outre ses idées originales « libertariennes » évoquées par Guillaume Gendron, voudrait lui aussi « aider » les Arabes à émigrer dans les pays voisins (non seulement ceux des territoires disputés, mais aussi ceux qui sont aujourd’hui israéliens…).

 

Les idées des deux politiciens peuvent-elles être qualifiées de suprémacistes ?

 

Le Ku Klux Klan, le nazisme, l’apartheid sont des idéologies qui ont prôné la supériorité raciale d’un groupe sur un autre. Plutôt qu’une supériorité raciale juive, il semble qu’Otzma Yehudit et Zehout préconisent une séparation – un « chacun chez soi » : les Juifs en Israël, les Arabes dans les pays alentours où ils disposent du droit à l’auto-détermination… On peut tout à fait réprouver cette idée – c’est d’ailleurs le cas de la majorité des électeurs israéliens qui sont peu nombreux à soutenir ces partis. Mais le terme de « suprémacisme » n’est sans doute pas le plus adéquat.

 

Cela n’empêche pas des adversaires politiques de Michael Ben Ari de penser qu’il « croit à la supériorité de la race ». Dans une dépêche de l’Agence France-Presse (AFP), on lit en effet que « Tamar Zandberg, à la tête du parti de gauche Meretz, a affirmé dans un communiqué que "la place des gens qui croient à la supériorité de la race est derrière les barreaux et pas au Parlement". » Pour autant, si elle a rapporté l’opinion de la cheffe du Meretz qui a œuvré devant le tribunal pour l’interdiction de Michael Ben Ari, l’AFP s’en est tenue à qualifier ce dernier de « leader d’extrême droite », ce qui correspond certainement à son positionnement sur l’échiquier politique israélien.

 

 

 

Un usage inédit

 

En tout état de cause, une recherche de l’expression de « suprémacisme juif » sur Google semble indiquer que son utilisation par des médias généralistes francophones est inédite. Jusqu’alors, elle était l’apanage de sites soraliens ou musulmans radicaux. C’est aussi le titre d’un ouvrage de David Duke, véritable suprémaciste blanc et ancien chef du Ku Klux Klan…

 

Ceux qui veulent diaboliser les Juifs doivent être ravis que plusieurs grands quotidiens donnent soudain du crédit à la thèse jusqu’alors marginale de l’existence d’une tendance « suprémaciste juive ». Ils ne manqueront pas de s’en servir pour tenter de dénigrer l’ensemble des Juifs (oubliant que certains des plus virulents adversaires d’Israël, comme le Hamas ou le Hezbollah, pourraient sans doute bien davantage être qualifiés de suprémacistes, d’autant que ces courants sont beaucoup plus influents qu’Otzma Yehudit et Zehout ne le sont en Israël). Les journalistes ont la responsabilité de peser les mots. Ils ont failli sur ce plan en adoptant soudainement un vocable aussi controversé.

 

See comments