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Comment Amos Klausner est devenu Amos Oz : Une histoire de désamour et de ténèbres, Pierre Lurçat

December 30 2018, 08:47am

Posted by Pierre Lurçat

Comment Amos Klausner est devenu Amos Oz : Une histoire de désamour et de ténèbres, Pierre Lurçat

 

לג'ודית, באהבה

 

Une histoire d’amour et de ténèbres occupe une place à part dans l’oeuvre d’Amos Oz. Tout d’abord parce qu’il ne s’agit pas d’un roman, mais d’un récit autobiographique. “Récit bouleversant où la vie d’un peuple et la vérité d’un homme se confondent”, selon son éditeur français, ce livre est un des plus profonds et des plus authentiques dans la production littéraire d’Amos Oz. C’est sans doute le seul où il porte un regard entièrement sincère sur lui-même, sur ses origines familiales et sur son parcours individuel. Le public israélien ne s’y est pas trompé, ce livre étant devenu le plus grand succès de librairie d’Oz. Pourquoi, et que peut-il nous apprendre sur la figure de l’écrivain qui vient de s’éteindre à l’âge de 79 ans, mais aussi sur Israël et son histoire politique et intellectuelle?

 

Les récits d’enfance ont cela de particulier qu’ils touchent chaque lecteur et font vibrer en lui une corde intime, en abordant un sujet à la fois unique et universel. A cet égard, Une histoire d’amour et de ténèbres ne fait pas exception à la règle. Parmi les plus belles pages du livre figurent figurent celles où il évoque ses premiers souvenirs et parvient à faire revivre, à plus d’un demi-siècle de distance, le monde merveilleux de l’enfance, dans lequel se mêlent rêve et réalité, imagination et observation, lectures et conversations des adultes, envers lesquels le jeune Amos est partagé entre l’admiration et la colère.

 

Amos Oz et ses parents

 

Je n’avais ni frères et soeurs, on ne pouvait guère m’offrir de jeux ni de jouets, et la télévision et l’ordinateur n’avaient pas encore été inventés. Durant ma petite enfance passée à Kerem Avraham, à Jérusalem, je vivais en réalité à l’orée de la forêt, près des cabanes, des cheminées, des prairies et de la neige des histoires de ma mère et des livres illustrés qui s’entassaient sur ma table de chevet ; j’étais en Orient et mon coeur battait au fin fond de l’Occident” (1). La famille dans laquelle grandit le jeune Amos n’est pas banale : elle appartient en effet au “gratin” de l’aristocratie sioniste révisionniste. Son oncle, Yossef Klausner, est un historien réputé, spécialiste de l’histoire du Second Temple et auteur d’un Jésus qui fit scandale à son époque, rédacteur de l’Encyclopedia Hebraica et candidat à la présidence de l’Etat d’Israël en 1948.

 

La famille Klausner est divisée entre les partisans de Jabotinsky, l’enfant prodige du sionisme russe, et ceux de Menahem Begin, originaire d’une bourgade de Pologne, qui paraît “trop plébéien, provincial, dépourvu de poésie et de grandeur d’âme” aux yeux des admirateurs de Jabotinsky. Baignant dans ce milieu intellectuel et politique de l’intelligentsia sioniste de droite, Amos Oz grandit dans la Jérusalem des années 1950, très différente de la ville moderne actuelle. Il décrit bien l’atmosphère de l’époque, les conflits idéologiques et les difficultés de la vie quotidienne dans l’Israël d’alors. Les visites hebdomadaires chez le professeur Klausner, habitant dans le quartier excentré de Talpiot (en face de la maison de l’écrivain Agnon) sont l’occasion pour le jeune Amos d’exercer son sens aigu de l’observation, portant sur le monde des adultes un regard incisif.

 

Yosef Klausner

 

Jeune enfant, il est plein d’admiration pour l’oncle Yosef, qui le fait entrer dans un monde fascinant, côtoyant les plus grands écrivains et intellectuels de l’époque (Agnon, Tchernikovsky, Abba Ahimeir, U.Z. Greenberg) et évoquant sa rencontre avec Theodor Herzl lors du premier Congrès sioniste (“C’était un bel homme, un ange de Dieu! Son visage rayonnait de l’intérieur! On aurait dit un roi assyrien avec sa barbe noire et ses traits empreints  d’une spiritualité visionnaire...”) Le professeur Klausner nourrit de grandes ambitions pour le jeune Amos, tout comme son père et les autres intellectuels de leur génération.

 

Avec sincérité, Amos Oz décrit l’enfant qu’il a été, fervent nationaliste, admirateur de Jabotinsky dont il pastiche le style, et surtout d’Avraham Stern, le poète-soldat fondateur du Lehi, dont il récite, seul dans son lit, l’hymne des Guerriers anonymes. Il assiste aux rencontres entre les écrivains et idéologues de la droite sioniste et rapporte avec fidélité les propos désabusés de l’écrivain Uri Zvi Greenberg, déplorant le manque de vision des sionistes socialistes. “Ils ne veulent tout simplement pas du Mont du Temple! Ils ne veulent pas d’Anatot et de Siloé! Ils auraient pu les libérer, mais ils ne l’ont pas fait! Ils disposaient de la fiole d’huile, ils pouvaient purifier le Temple… Le miracle était à portée de leur main, mais ils n’en ont pas voulu. Donnez-leur une commune, pas un royaume !” (2)

 

Comment le jeune Amos Klausner est-il devenu Amos Oz, l’écrivain du kibboutz et le porte-parole de la gauche pacifiste? A quel moment a-t-il tourné casaque, comme il le dit lui-même? Est-ce véritablement, comme il le relate avec un humour caustique à la Philip Roth, en écoutant un discours de Menahem Begin, “parlant un “hébreu archaïque” dans lequel le mot signifiant “arme” ou “armement” ne signifiait pour nous que le membre viril?” (3) L’anecdote est plaisante, mais elle ne parvient pas à expliquer le retournement politique et intellectuel du jeune adolescent, élevé dans l’ethos du Betar et du Herout. Il reconnaît pourtant avec lucidité avoir fui depuis ce jour “la résurrection et la rédemption”.

 

Amos Oz (Klausner)


 

La suite de l’histoire d’Oz est connue. Son départ au kibboutz, sa transformation en écrivain couronné de succès et - aussi et surtout - en porte-parole d’un mouvement politique (La Paix Maintenant) qui est le pendant moderne de l’Alliance pour la paix que ses parents abhorraient. Derrière l’histoire familiale, dont Oz fournit les clés d’interprétation au lecteur (trop tôt sevré de l’amour maternel, il “tue” son père en renonçant à son nom et à ses idéaux), c’est l’histoire nationale qui affleure. La tragédie familiale d’une mère trop tôt disparue a peut-être contribué à faire du jeune Amos le grand écrivain qu’il est devenu.

 

Mais au-delà de l’histoire d’amour et de ténèbres qui est celle du jeune Amos, dont la mère se suicide alors qu’il n’a que douze dans, ce livre est aussi l’esquisse d’une autobiographie politique. En rejetant le monde intellectuel de la famille Klausner, il ne s’éloigne pas seulement de son père (dont il a rejeté jusqu’au nom de famille). Il fait surtout cause commune avec ses professeurs de l’université hébraïque, Hugo Schmuel Bergman, fondateur avec Martin Buber de “l’Alliance pour la paix”, qui prônait “une fraternité sentimentale entre Juifs et Arabes et le renoncement au rêve d’un Etat hébreu afin que les Arabes nous permettent de vivre ici, à leur botte…” (4), rêve utopique que ses parents considéraient comme totalement coupé du réel et défaitiste.

 

Ben Gourion : “la noirceur du diable”?

 

Une clé d’interprétation de l’engagement politique d’Amos Oz nous est donnée par sa rencontre avec David Ben Gourion, qui l’invite et le reçoit dans son bureau de Premier ministre, alors qu’il n’est encore qu’un jeune écrivain débutant. A quarante ans de distance, Oz dresse un portrait du Vieux lion marqué par l’ambivalence de son regard sur l’entreprise sioniste tout entière. Faisant sien le jugement du professeur de l’université hébraïque Isaiah Berlin, il écrit que “Ben Gourion, malgré Platon et Spinoza, n’était pas un intellectuel. Loin de là”. Plus tard, il écrira avoir “vu chez Ben Gourion la noirceur de la flamme du diable... Il incarnait toute la mystique juive, la kabbale, Shabtaï Zvi et les suicides sanctifiant le nom de Dieu” (5).

 

Le pacifisme politique d’un Amos Oz n’est pas seulement l’expression d’une aspiration à une paix utopique, mais aussi celle de l’attitude des membres d’une génération qui, croyant sacrifier les idoles de leurs parents, ont été emportés trop loin dans leur rejet, renvoyant pêle-mêle Ben Gourion et Jabotinsky, le Second Temple et la rédemption nationale, le kibboutz et les implantations, l’héroïsme des soldats et la juste cause du retour du peuple Juif sur sa terre. Histoire d’amour trahi, de désamour et de ténèbres.


Pierre Lurçat

 

(1) Amos Oz, Une histoire d’amour et de ténèbres, traduction de Sylvie Cohen, Gallimard 2004.

(2) Op. cit. p.439.

(3) Op. cit. p.445.

(4) Op. cit. p. 21.

(5) Cité dans Yoram Hazony, L’Etat juif, sionisme, post-sionisme et destins d’Israël, traduction de Claire Darmon, éditions de l’éclat 2004.

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Mon dernier livre, Israël, le rêve inachevé, vient de paraître aux éditions de Paris/Max Chaleil.

 

“Un travail intéressant. Une réflexion nécessaire et utile”.
Jean-Pierre Allali, Crif.org

 

“L’auteur, amoureux d’Israël et vivant à Jérusalem, nous permet de mieux connaître la société israélienne dans toute sa diversité et de comprendre un peu plus ce qu’elle traverse et vit, afin que son rêve inachevé continue envers et contre tout”.

Alain Sebban

 

“Ce livre est un « must-read » pour tous ceux qui s’intéressent aux géants de l’Histoire juive contemporaine, à leur biographie, leurs sacrifices, leurs œuvres, leurs dilemmes, leurs accomplissements”.

Thérèse Zrehen-Dvir

 

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Etincelle d'hébreu - Bessorot Yob - bonnes et mauvaises nouvelles

December 24 2018, 20:18pm

Posted by Pierre Lurçat

 

La semaine écoulée a été marquée par le décès tragique de Rona Ramon, veuve de l'astronaute Ilan Ramon. Il y a quelques années, Rona Ramon avait soutenu une proposition de loi, intitulée "Hoq Meqablei Bessorot Yob", visant à interdire aux journalistes de s'approcher des familles de soldats tombés pendant les 48 heures suivant leur décès. Rona Ramon avait en effet appris la terrible nouvelle de la disparition de son fils Assaf – devenu pilote sur les traces de son père – par une meute de journalistes venus l'assaillir, dès que l'information était tombée sur leurs téléscripteurs…

 

Rona Ramon z.l.

 

Cette proposition de loi est riche d'enseignements sur la réalité israélienne et sur les mœurs de certains journalistes, mais c'est uniquement sur l'aspect linguistique que nous voudrions nous arrêter. "Bessorot Yov" – de mauvaises nouvelles, littéralement des "nouvelles de Job"- est une expression parlante qui évoque le personnage biblique de Job (Yov איוב en hébreu). Le mot Bessora (בשורה) signifie un message ou une nouvelle, bonne ou mauvaise. Dans la plupart des cas, il désigne en fait une bonne nouvelle, au point que l'expression biblique "Ich Bessora" (איש בשורה) signifie un "bon messager", c'est-à-dire le porteur d'une bonne nouvelle, comme dans le passage du livre de Shmuel ou Ahimaats court apporter au roi la bonne nouvelle que l'Eternel l'a vengé de ses ennemis (II Samuel 18).

 

"Joab lui répondit : tu ne serais pas aujourd'hui un bon messager, apporte des nouvelles un autre jour, n'en fais rien aujourd'hui, puisque le fils du roi est mort". Ce passage contient l'expression "Ich Bessora", porteur de bonne nouvelle, et le verbe Lé-vasser, announcer une nouvelle. Notons que le mot Bessora, avec l'article défini, Ha-Bessora, désigne aussi L'Evangile (La "Bonne Nouvelle"). Ce sens religieux est, comme souvent, un emprunt du christianisme au judaïsme, puisque le mot Mévasser – Messager – désigne aussi le prophète Elie, annonciateur de la bonne nouvelle de la Délivrance.

Mevasseret Tsion

A l'époque moderne et contemporaine, de nombreux journaux ont adopté le titre "Ha-Mevasser" – le Messager. Le plus fameux était un journal sioniste publié à Constantinople entre 1909 et 1911. Un de ses rédacteurs était le leader sioniste Vladimir Zeev Jabotinsky. A noter aussi, la ville de Mévasseret-Tsion, littéralement "L'annonciatrice de Sion", qui se trouve sur la route de Jérusalem. Terminons cette rubrique par le souhait traditionnel, utilisé notamment chez les Juifs Habad, "Bessorot tovot !"- De bonnes nouvelles !

Pierre Lurçat

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"Israël est-il un Etat spécifiquement juif?" Conférence à Ashdod le 18 décembre

December 17 2018, 08:39am

 

 

Israël, le rêve inachevé - Quel Etat pour le peuple Juif?

 

“Pierre Lurçat publie aux éditions de Paris, Max Chaleil un ouvrage qui fera date et qui n’a qu’un seul défaut… on le quitte alors qu’on aimerait qu’il nous raconte encore ! Plus qu’un simple livre, c’est un véritable « Précis », captivant et bien structuré qui nous présente Israël aujourd’hui, 70 ans à peine, en invitant les pères fondateurs, les idéologues et les écrivains qui l’ont construit.

 

Il nous invite à analyser comment son identité est liée au droit du pays, à son histoire, et pourquoi le politique est omniprésent.

 

L’auteur, amoureux d’Israël et vivant à Jérusalem, nous permet de mieux connaître la société israélienne dans toute sa diversité et de comprendre un peu plus ce qu’elle traverse et vit, afin que son rêve inachevé continue envers et contre tout”.

Alain Sebban

 

“Ce livre panoramique, riche en précisions (sur la littérature israélienne contemporaine par exemple), a le mérite de pouvoir être lu par des connaisseurs, mais aussi par des lecteurs peu avertis. C’est donc un livre qui déploie de belles qualités didactiques et qui désigne un large éventail d’axes de recherche, sans insistance – plutôt par la suggestion.

 

Ce livre de Pierre Lurçat a, entre autres mérites, celui d’inviter le lecteur à pousser des portes, de nombreuses portes aménagées le long d’axes, de perspectives. C’est un livre discret qui se tient à l’entrée d’un très vaste champ de connaissances – une arborescence ; oui, ce livre a une structure arborescente : il nous invite à marcher sur les voies de la connaissance…”

Olivier Ypsilantis, Zakhor online

 

Ce livre est un « must-read » pour tous ceux qui s’intéressent aux géants de l’Histoire juive contemporaine, à leur biographie, leurs sacrifices, leurs œuvres, leurs dilemmes, leurs accomplissements

Thérèse Zrehen-Dvir

 

Entretien avec Daniel Haïk (Studio Qualita) :

https://www.youtube.com/watch?v=FuQRpm1u8ws

 

Entretien avec Jean-Patrick Grumberg:

https://www.dreuz.info/2018/11/27/interview-pierre-lurcat-a-propos-de-son-dernier-livre-israel-le-reve-inacheve-le-juif-apprend-toujours-par-les-catastrophes/

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Rencontre avec Haggi Ben Artsi : "Retrouver l'esprit d'héroïsme de Hannoukah", Pierre Lurçat

December 4 2018, 15:43pm

Rencontre avec Haggi Ben Artsi : "Retrouver l'esprit d'héroïsme de Hannoukah", Pierre Lurçat

 

Le Dr Haggi Ben Artsi, frère de Sarah Nétanyahou, bien connu pour son opposition virulente aux compromis avec les terroristes, m'avait accordé cette interview il y a quelques années pour Israël Magazine, dans laquelle il évoque son célèbre beau-frère, mais aussi des sujets brûlants comme le terrorisme et la manière de le vaincre, et l’héroïsme des Makkabim.

 

J'ai rencontré pour la première fois le Dr Haggi Ben Artsi lors de la veillée de Hochana Rabba(dernier jour de Souccot) organisée par l'association Almagor, qui défend les familles des victimes du terrorisme et s'oppose à la libération de terroristes *. J'avais souvent entendu parler de lui, comme d'un éducateur hors-pair et comme d'un militant. Mais aux yeux du grand public, Ben Artsi est surtout connu comme étant le beau-frère du Premier Ministre : il est en effet le frère de Sarah Nétanyahou. Haggi Ben Artsi a accepté, en exclusivité pour Israël Magazine, de dire tout ce qu'il pense, au sujet des négociations en vue de libérer Gilad Shalit, de l'attidude de l'Europe envers Israël et, bien entendu, de son célèbre beau-frère.

 

 

Le Dr Ben Artsi enseigne la Bible et l'histoire juive à l'université Bar Ilan. Nous nous rencontrons au collège d'enseignement supérieur Lifchitz à Jérusalem, où il donne des cours aux élèves enseignants. Il m'accueille avec quelques mots de français, souvenir de ses études au lycée, juste avant la guerre des Six Jours, qui ont pris fin brutalement après le fameux discours du général De Gaulle sur le "peuple sûr de lui et dominateur", lorsque le professeur de français de Ben Artsi a déclaré qu'il interrompait ses cours, en signe de protestation. Cette anecdote donne le ton de notre entretien : Ben Artsi est un homme érudit qui ne mâche pas ses mots et qui ne manque pas d'humour. Il est né en 1950 et a grandi à Tivon, près de Haïfa. Il a étudié  à la yechiva et a combattu lors de la guerre de Kippour.

 

 

Ben Artsi n'aime pas trop parler de lui, ni de sa famille, préférant entrer dans le vif du sujet : l'affaire Gilad Shalit et son action pour empêcher la libération de centaines de terroristes, qui risque de causer des dizaines d'attentats et des centaines de victimes... Il se sent investi d'une mission personnelle à ce sujet, comme il l'a expliqué le soir d'Hochana Rabba, lors de la veillée d'Almagor qui se tenait en face de la résidence du Premier Ministre. Ben Artsi a interpellé à de nombreuses reprises Bibi sur ce sujet, allant jusqu'à organiser tout seul une contre-manifestation devant son bureau à Jérusalem ! Je lui demande pourquoi ce sujet lui tient tellement à cœur, et en quoi il considère que Bibi a trahi ses convictions politiques à cet égard.

 

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J’ai le grand plaisir d’annoncer la parution de mon nouveau livre, ISRAEL, LE REVE INACHEVE, paru aux éditions de Paris / Max Chaleil

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"Bibi est l'homme politique israélien qui s'est opposé le plus fermement à la libération de terroristes, lors du premier 'échange' – la  fameuse transaction Jibril – en 1986", rappelle Ben Artsi. Jusqu'à cette date, Israël avait toujours refusé avec détermination de remettre en liberté des terroristes, préférant lancer des opérations audacieuses pour tenter de libérer les otages, comme celle d'Entebbé – au cours de laquelle fut tué Yoni Nétanyahou, le frère de Bibi. Quand le gouvernement d'union nationale Shamir-Pérès accepta pour la première fois de libérer des centaines de terroristes, en 1986, Nétanyahou était ambassadeur d'Israël aux Nations unies. Il prit alors publiquement position contre son gouvernement, fait exceptionnel pour un ambassadeur. La 'transaction Jibril' fut la cause principale du déclenchement de la première Intifada.

Bibi Myriam Peretz.jpg

L'héritage de Yoni Nétanyahou

Par la suite, Nétanyahou s'exprima très souvent sur ce sujet et publia même un livre sur la manière de lutter contre le terrorisme [traduit en français sous le titre Combattre le terrorisme]. Quand Bibi a-t-il changé d'avis sur ce sujet ? Lorsqu'il est devenu Premier Ministre pour la première fois, en 1996, Israël a tenté de liquider le chef du Hamas, Khaled Mashal, en Jordanie. Les agents du Mossad ont été capturés, et Amman a exigé pour les relâcher la libération du cheikh Yassine. Bibi a accepté, en affirmant que Yassine était déjà vieux et qu'il ne poursuivrait pas ses activités terroristes... Cette évaluation s'est malheureusement avérée entièrement infondée.

 

Haggi Ben Artsi interpelle souvent Nétanyahou, publiquement ou lors de leurs conversations privées, en lui rappelant son engagement passé. "Je lui dis, sois fidèle à l'héritage de Yoni, qui est tombé [à Entebbé] pour ne pas accepter le chantage des terroristes... Et si tu n'es pas capable d'assumer cet héritage, alors démissionne !" Ben Artsi avait dit la même chose à Ariel Sharon, avant le retrait de Gaza. Je lui demande comment les Juifs francophones, très sensibles à la cause de Gilad Shalit, peuvent se mobiliser sans tomber dans le piège du Hamas. "Il y a beaucoup de choses à faire, mais il ne faut pas capituler aux exigences de nos ennemis", martèle Ben Artsi. A ses yeux, toute la campagne pour libérer Shalit en échange de centaines de terroristes est une arme psychologique pour affaiblir Israël.

 

 

"L'Allemagne et la France nous combattent aujourd'hui de manière très intelligente, en faisant croire qu'elles sont nos amies... Mais l'Europe n'a pas changé depuis l'époque de la Shoah, comme le dit Bentsion Nétanyahou, le père de Bibi *. La meilleure manière pour nos ennemis d'affaiblir Israël est de faire en sorte que nous cédions au terrorisme". C'est ainsi, explique Ben Artsi, que l'Europe finance des dizaines d'organisations d'extrême-gauche, comme Chalom Archav ou Betselem, qui reçoivent des millions d'euros pour affaiblir Israël.

 

Hannoukah et le souvenir d'Emmanuel Moreno z.l.

 

HANNOUKAH.jpg

Haggi Ben Arsti a publié il y a quelque temps un petit livre consacré à la fête de Hannoukah, pour raconter l'histoire des Makkabim sous une forme condensée. Ce livre est aussi un hommage à un grand soldat d'Israël, tombé pendant la Deuxième Guerre du Liban, que Ben Artsi connaissait bien : Emmanuel Moreno z.l. "C'était un héros, à la fois dans l'armée, dans sa émouna [confiance en Dieu] et dans ses qualités humaines". Moreno était l'élève de Ben Artsi au lycée Hartman de Jérusalem. "J'avais ressenti qu'il était un élève exceptionnel". Emmanuel Moreno était lieutenant-colonel dans la fameuse "Sayeret Matkal", l'unité d'élite la plus prestigieuse de Tsahal. Il a commandé des opérations restées secrètes jusqu'à ce jour, au point que sa photo n'a jamais été publiée... Moreno est aussi le plus haut-gradé parmi les soldats d'origine française tombés pour la défense d'Israël.

 

"C'est seulement après sa mort que j'ai appris ce qu'il avait fait", raconte Ben Artsi. Dans la postface à son livre sur Hannoukah, traduit en français par le rav Yossef Attoun, Haggi Ben Artsi écrit ces lignes, d'une actualité toujours aussi brûlante, à la veille de la fête des Lumières : "Emmanuel Moreno n'est plus avec nous, mais l'esprit qui l'animait, l'esprit des Hachmonayim [Hasmonéens] qui a ressurgi à notre génération, continuera d'éclairer notre chemin". En lisant ces lignes dans le livre du Dr Ben Artsi, je réalise soudain que notre rencontre tombe à point nommé. Israël est confronté, aujourd'hui comme hier, à un choix décisif : combattre le terrorisme sans concession, ou capituler... Résister aux pressions américaines et européennes, ou céder ; lancer des opérations audacieuses contre nos ennemis, ou alors libérer des centaines de terroristes qui vont reprendre leur combat contre nous.

 

 

Je lui demande en conclusion, qui est vraiment Binyamin Nétanyahou ? Ses électeurs de droite ont été trop souvent déçus, et se demandent encore aujourd'hui ce qui l'emportera, entre la tradition jabotinskienne incarnée par son père, et les pressions étrangères et celles des médias israéliens et de l'aile gauche de sa coalition. Haggi Ben Artsi est convaincu qu'au fond de lui, Bibi est resté un patriote authentique. A la veille de la parution de cet entretien, il s'apprête à publier une lettre ouverte au Premier Ministre, dans laquelle il cite un passage de son livre, où Bibi expliquait pourquoi il ne fallait pas libérer de terroristes. Ben Artsi exhorte à nouveau son beau-frère à ne pas céder au chantage du Hamas et à retrouver l'esprit qui l'animait autrefois, en poursuivant la tradition de courage et d'héroïsme de son frère Yoni, d'Emmanuel Moreno et des Makkabim.

 

* Voir "Meir Indor, Almagor et la défense des victimes du terrorisme", Israël Magazine, novembre 2008.

** Voir "Bentsion Nétanyahou, historien, militant sioniste et père de Premier Ministre", Israël le rêve inachevé, Editions de Paris / Max Chaleil.

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Comment Israël a perdu la guerre psychologique contre le Hamas, Pierre Lurçat

December 3 2018, 08:51am

Posted by Pierre Lurçat

 

Lors du dernier round d’affrontement à Gaza, le Hamas a utilisé son arme la plus efficace : la guerre psychologique. Dans la guerre incessante que le mouvement islamiste radical mène contre Israël, il peut en effet compter sur l’aide que lui apportent, le plus souvent involontairement, les médias israéliens, pour faire pression sur l’opinion publique et sur le gouvernement de leur propre pays, comme me l’avait expliqué il y a déjà plusieurs années Meir Indor, dirigeant de l’association de victimes du terrorisme Almagor.

 

Lieutenant-colonel de réserve, ancien membre de plusieurs unités d’élites, il aurait pu, après sa carrière militaire, se lancer dans les affaires ou dans la politique, comme tant d'autres. Mais Meir Indor a préféré se consacrer au renforcement d’Israël, d’abord en fondant Sar-El (le fameux « volontariat civil ») grâce auquel des milliers de Juifs du monde entier ont découvert Tsahal et Israël, puis en créant Almagor, association des victimes du terrorisme qui lutte sans relâche contre la libération de terroristes arabes.

Je publie ci-dessous un extrait de l'interview que Meir INDOR m'avait accordée pour ISRAEL MAGAZINE en septembre 2007. Son analyse n'a rien perdu hélas de son actualité... P.I.L


 

Meir Indor 3.jpg

 

Pour Meir Indor, l’événement décisif qui l’a amené à s’occuper des victimes du terrorisme remonte à 1986, lors de la fameuse « transaction Djibril » - l’échange de quelques soldats israéliens contre un millier de terroristes. Jusqu’alors, Israël n’avait jamais cédé aux exigences des terroristes, préférant lancer des opérations de sauvetage risquées, parfois au prix d’échecs retentissants comme celui de Maalot, plutôt que de négocier. Cette politique a pris fin avec l’affaire Djibril, qui a joué un rôle funeste dans le déclenchement de la première Intifada. Indor a compris, bien des années plus tard, que c’était la pression des familles des soldats qui avait brisé la détermination du gouvernement. Ahmed Djibril lui-même a relaté qu’il avait fait monter les enchères, lorsqu’il avait réalisé que l’opinion publique israélienne était prête à payer très cher pour le retour des soldats. Parmi les terroristes libérés figuraient plusieurs dirigeants, dont le cheikh Yassine, fondateur du Hamas.

 

Ahmed Yassine

Depuis cette date, les terroristes palestiniens ont compris qu’ils pouvaient faire plier Israël, en se servant de l’opinion et des médias israéliens pour faire pression sur le gouvernement. Curieusement, cet aspect fondamental de la guerre terroriste – faire peur, influencer et « terroriser » l’ennemi – est très peu présent dans le débat public en Israël aujourd’hui. C’est sans doute sur ce terrain essentiel que l’Etat juif, dont les unités de lutte antiterroriste comptent parmi les plus efficaces au monde, a perdu la guerre psychologique contre le Hamas et les autres organisations terroristes. « La société israélienne tout entière est devenue l’otage du Hamas », affirme Meir Indor, qui rappelle que la peur est l’arme principale des terroristes depuis toujours. C’est d’ailleurs précisément pour cela qu’il a nommé son organisation Almagor, qui veut dire « sans crainte ».

 

Indor dénonce avec véhémence le « blitz médiatique » auquel a été soumise l’opinion publique israélienne dans les jours qui ont précédé « l’échange de prisonniers » avec le Hezbollah. Alors que l’establishment de la Défense unanime s’opposait à la transaction, l’émissaire israélien Ofer Dekel a expliqué aux familles des soldats Ehoud Goldwasser et Eldad Regev qu’il fallait se servir des médias, pour contourner l’échelon politique et sécuritaire. Et de fait, l’immense majorité des médias israéliens se sont engagés en faveur des familles des deux soldats, sans laisser s’exprimer ceux qui, comme Almagor, s’opposaient à cet « échange ». Meir Indor cite la déclaration de Karnit Goldwasser – la femme d’Ehoud z.l. – qui déclarait au lendemain du retour des deux corps des soldats israéliens : « sans l’aide des journaux, nos soldats ne seraient pas revenus ». Mais ce ne sont pas seulement les familles qui se sont, de manière compréhensible et naturelle, mobilisées pour le « retour » des soldats.

 

Manifestation du “Forum des familles endeuillées”

 

En réalité, m’explique Indor, il y a des dizaines d’associations et d’organismes qui œuvrent sans relâche pour faire pression sur le gouvernement, afin qu’il relâche des terroristes contre les otages israéliens, morts ou vivants. A ce combat participent ainsi les organisations arabes, pour qui la libération des « prisonniers » est une revendication fondamentale, mais aussi des organismes israéliens, souvent financés par l’Union européenne, comme le « Forum des familles endeuillées » fondé par Itshak Frankenthal. Frankenthal, dont le fils Arik a été assassiné par des terroristes du Hamas en 1995, est devenu depuis lors un militant pacifiste convaincu. Il multiplie les interviews dans les médias étrangers, se rend souvent dans les villes palestiniennes pour promouvoir la « paix » et était même présent à l’enterrement du grand « homme de paix » (et Prix Nobel) Yasser Arafat…

 

hamas-Arafat-Yassin.jpeg

Sur le site de l’Institut Arik, créé par Frankenthal, on trouve une page remerciant le gouvernement espagnol pour sa contribution. L’Union européenne et ses Etats membres financent en effet de multiples associations israéliennes qui œuvrent pour la « paix », c’est-à-dire pour la création d’un Etat arabe palestinien en Judée-Samarie et contre la présence juive dans ces territoires. Aux yeux de Meir Indor, il s’agit tout simplement de transformer l’Etat juif en Etat de « tous ses citoyens », c’est-à-dire en Etat post-sioniste. Ce qui l’amène à déclarer sans ambages que l’Union européenne est devenue « l’ennemi numéro 2 de l’Etat d’Israël ».

 

80 % des terroristes libérés reprennent leurs attentats

Pour tenter de contrer cette propagande pacifiste, Almagor mène un combat incessant au sein de l’opinion publique israélienne, en rappelant que les terroristes libérés reprennent presque toujours leurs activités criminelles. Une étude récente montre que 80 % des terroristes libérés reprennent leurs activités, souvent avec une motivation accrue. Almagor a établi la liste détaillée des attentats commis par des terroristes libérés par Israël et de leurs victimes. Exemple : Mourad Kvassama, terroriste libéré en janvier 2004, en échange du marchand de drogue Elhanan Tenenbaum, a commis de nombreux attentats après sa libération, dont celui du 31 août 2004 à Beersheva, qui fit 16 morts et des dizaines de blessés. Autre exemple : Mahmoud Hamdan commit un nouvel attentat 2 mois après sa libération, tuant Eyal Birnbaum et le bébé Shaked Avraham en 2003, à Negohot, la veille de Rosh Hashana…

 

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Photo des victimes de terroristes libérés depuis l’année 2000

 

Ces deux exemples parmi tant d’autres montrent combien il est stupide et criminel de libérer des terroristes, y compris ceux qui n’ont « pas de sang sur les mains » (pour la seule raison qu’ils n’ont pas réussi à mettre leurs projets d'attentats à exécution !) Chaque terroriste libéré met en danger la vie de dizaines de citoyens juifs innocents, hommes, femmes et enfants, qui paient de leur vie la décision de libérer des assassins, prise par des gouvernements israéliens soumis à la pression des médias et de l’opinion publique. Cette réalité terrible, et les photos des victimes sur le site de l’association Almagor, devraient faire réfléchir ceux qui, souvent par naïveté et avec les meilleures intentions du monde, manifestent en Israël pour la « libération de Gilad Shalit », sans réfléchir au prix terrible qu’il faudra payer et aux victimes innocentes qui succomberont inévitablement en conséquence de la remise en liberté de centaines de terroristes.

Pierre Lurçat

Site de l’association Almagor : http://www.al-magor.com

Mon livre “Israël, le rêve inachevé” vient de paraître aux éditions de Paris/Max Chaleil. Il est disponible sur Amazon, ou peut être commandé dans toutes les bonnes librairies.

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