Le Yahrzeit de Yair Stern, fondateur du LEHI (Lohamei Herout Israël, Les combattants pour la Liberté d’Israël) qui a eu lieu aujourd'hui (25 Shevat) est l’occasion de revenir sur l’apport de “Yaïr” au sionisme et à la fondation de l’Etat juif auquel il a donné sa vie. Je publie ci-dessous la traduction française de son poème “Soldats anonymes”, devenu l’hymne du Lehi.
Yair (Avraham) Stern (1907-1942)
“Soldats anonymes, nous allons sans uniforme
Au milieu de la peur et des ténèbres
Nous avons été recrutés pour toute la vie
Et seule la mort nous libèrera.
Par les journées rouges de destruction et de mort
Par les nuits noires du désespoir,
Dans les villes, les villages, nous lèverons l’étendard
Sur lequel est inscrit : défense et conquête.
Nous n’avons pas été recrutés par le fouet
Comme une foule d’esclaves
Pour verser notre sang sur une terre étrangère
Notre volonté - être toujours des homme libres
Notre rêve - mourir pour notre terre.
De tous côtés, surgissent des obstacles
Que le destin cruel a placés sur notre chemin
Mais les ennemis, les espions et les prisons
Ne parviendront pas à nous arrêter.
Si nous tombons dans les rues, les maisons,
Nous serons enterrés en cachette, dans la nuit.
Des milliers d’autres se lèveront à notre place
Pour combattre et conquérir à tout jamais.
Par les larmes des mères, qui ont perdu leurs fils
Et par le sang des purs enfants
Comme par un ciment, nous attacherons nos corps
Comme des briques, et nous édifierons la patrie”.
Yaïr Stern
Pour en savoir plus sur Yair Stern :
http://vudejerusalem.over-blog.com/2020/02/aujourd-hui-j-ecris-avec-la-plume-demain-j-ecrirai-avec-mon-sang-le-sionisme-revolutionnaire-d-avraham-stern.html
Le livre de Gerold Frank, "Le groupe Stern attaque", paru chez Robert Laffont en 1964.
Yair Stern, le poète combattant du Lehi
A l’occasion du 70e anniversaire de la mort d’Avraham (Yair) Stern, assassiné par la police britannique à Tel-Aviv le 12 février 1942, la 1e chaîne de télévision israélienne a diffusé en 2012 un documentaire exceptionnel sur la figure légendaire du combattant de l’ombre, fondateur et dirigeant du Lehi, réalisé par son fils.
Ce dernier, qui porte le prénom de guerre de Yair, a voulu à travers ce film suivre les traces de ce père qu’il n’a pas connu. Ancien directeur général de la télévision israélienne, Stern est en effet né en 1942, quelques mois seulement après la disparition tragique du chef du Lehi. Cet élément confère à son film une dimension supplémentaire : plus qu’un documentaire historique, il s’agit d’un film initiatique relatant la recherche par un fils des traces de son père, illustre combattant qu’il n’a connu qu’à travers les témoignages de ceux qui l’ont côtoyé, et au premier plan, de sa mère, Roni.
Le film nous emmène de Pologne en Eretz-Israël, puis en Italie, jusqu’au dénouement tragique, dans une petite rue du quartier de Florentine à Tel-Aviv. Né en Pologne en 1907, le jeune Avraham Stern monte en Israël à l’âge de 17 ans et étudie, d’abord au lycée Gymnasia Ivrit de Jérusalem, puis à l’université hébraïque (qui est à l’époque une institution encore modeste). Très vite, il se révèle un étudiant doué, passionné de littérature, de poésie et de lettres classiques.
Engagé en 1929 dans la Haganah, il rejoint bientôt les rangs de l’Irgoun, organisation clandestine proche du mouvement sioniste révisionniste de Jabotinsky. A cette période déjà, il écrit des poèmes marqués par sa vision très particulière du combat national juif, et notamment son fameux Hayalim Almonim (« Soldats anonymes »), qui deviendra après sa mort l’hymne du Lehi.
En 1934 il part à Florence, faire un doctorat sur « Eros dans la poésie grecque ». Le film montre bien comment Yair est partagé entre sa passion des lettres classiques et son engagement politique. Dans une scène particulièrement émouvante, son fils retrouve les appréciations élogieuses des professeurs de Stern dans les archives de l’université catholique de Florence (de nombreux étudiants d’Eretz Israël partaient à l’époque étudier en Italie, comme le relate l’ancien ambassadeur Jacob Tsur dans son beau livre, Prière du matin).
Avraham Stern est tellement doué que, lorsque sa compagne lui fait part de l’offre alléchante de l’université hébraïque, qui lui propose de devenir professeur à Jérusalem, il refuse sans hésiter, déclarant qu’il préfère « mourir comme soldat anonyme que devenir un professeur fameux pendant cinquante ans… » Prémonition ou prophétie ?
Dès cette époque, les poèmes de « Yair » sont marqués par une vision saisissante de la catastrophe qui approche, mais aussi de son destin personnel. « Aujourd’hui j’écris avec le stylo, demain avec l’épée. Aujourd’hui avec l’encre, demain avec mon sang… » Comme Jabotinsky et d’autres, il pressent la Shoah. A la demande de David Raziel, commandant de l’Irgoun, il se rend à Varsovie pour acheter des armes.
Un aspect émouvant du film est la relation passionnée de Yair avec Roni, qui deviendra sa femme, après de nombreuses années d’hésitation : le combattant de l’ombre refuse en effet de lui faire partager son sort. Comme il l’écrit dans un de ses plus fameux poèmes, il a épousé la cause sioniste, ce qui laisse peu de place à la vie de famille… « Tu m’es consacrée, ô ma patrie ! ». Le Lehi, issu d’une scission au sein de l’Irgoun , représente la ligne maximaliste de ceux qui ne renonceront jamais au combat contre l’occupant anglais, même en pleine Guerre mondiale.
Lorsque Yair est assassiné en 1942 par la police britannique, le mouvement qu’il a fondé est orphelin, ses militants pourchassés et dénoncés, y compris par les membres des organisations rivales. Mais deux ans plus tard le Lehi est reconstitué, sous la direction d’un triumvirat (Yelin-Mor, Eldad et Shamir, futur Premier ministre d’Israël). Et le combat reprend contre l’occupant anglais, sans répit et sans pitié… Le reste appartient à l’histoire d’Israël.
Pierre Lurçat
Mon nouveau livre, “Vis et Ris”, vient de paraître et est disponible en France sur Amazon, et en Israël en commande auprès de l’auteur : pierre.lurcat@gmail.com
“Une petite lumière chasse beaucoup d’obscurité”. Cet adage des Juifs hassidim de Habad me semblait alors, pendant les longues journées que je passai au chevet de ma mère, résumer parfaitement le secret de sa vie et de ses multiples combats, personnels, professionnels et intellectuels. Elle était née à Jérusalem, avait grandi et vécu à Paris, où elle avait passé toute son existence adulte. Elle avait lutté contre les gardiens de Drancy, contre les dirigeants du Parti, qui n’appréciaient guère son esprit rebelle et la soupçonnaient d’accointances “sionistes“ ; son frère n’était-il pas lieutenant-colonel de l’armée israélienne, comme elle l’avait déclaré sur un questionnaire officiel du Mouvement de la Paix, à Prague , en pleine période des procès antijuifs, avec une témérité qui frôlait l’inconscience? Elle s’était toute sa vie battue contre les partis, les institutions et les idéologies, restant jusqu’à son dernier jour un esprit libre et rebelle. Oui, ma mère avait gardé, toute sa vie durant, quelque chose d’étranger et d’insaisissable qui faisait d’elle une personne inclassable, fière et rétive”.