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En marge de la réforme judiciaire : La justice israélienne face à l’idéal du Tsedek de la Torah

August 22 2023, 11:31am

Posted by Pierre Lurçat

Le Pr Henri Baruk (au centre)

Le Pr Henri Baruk (au centre)

 

“La justice, c’est la justice que tu poursuivras”

(Deutéronome, XVI-20)

 

            Le rabbin S.R. Hirsh, dans son commentaire sur la parashat Chofetim qui a été lue ce shabbat, met en lumière un aspect original de la justice hébraïque, qui la différencie des tribunaux actuels : l’absence de « l’accusateur public » (procureur), mais aussi de l’avocat. « Le tribunal », commente-t-il, « prend délibérément le parti de l’accusé », tandis que les témoins à charge jouent le rôle du procureur. Quant à la répétition fameuse du mot justice, dans le verset cité ici en exergue, Elie Munk l’explique en disant que la justice ne peut être obtenue par des moyens injustes.

 

Si l’on transpose ces deux remarques essentielles au système de justice qui existe aujourd’hui en Israël, on est obligé de constater à quel point celui-ci est éloigné de l’idéal de justice de la Torah. Ce n’est pas seulement, comme cela a souvent été remarqué, que la justice israélienne s’éloigne, dans sa lettre, des lois de la Torah et du « droit hébraïque », réduit à la portion congrue et confiné au domaine du droit de la famille (où sa compétence est contestée par l’intervention grandissante de la Cour suprême). Mais c’est aussi dans l’esprit même qui l’anime, que la justice israélienne s’éloigne à mille lieues de l’injonction du Tsedek de la Torah. Nous en donnerons ici deux exemples récents.

 

Le premier est l’acquittement spectaculaire de Roman Zodorov, au terme d’un procès en révision et après de longues années d’emprisonnement. Sans revenir sur le déroulement de ce procès plein de rebondissements, on rappellera qu’il avait été inculpé et condamné sur la seule foi de son aveu, obtenu au terme d’une enquête policière recourant à toutes sortes de pressions. Dans le système de justice pénal israélien actuel, l’aveu est en effet devenu la « reine des preuves », et on a souvent l’impression que tous les moyens sont bons pour le susciter de la part du coupable présumé. Or, une telle conception du droit pénal est aux antipodes de l’idéal de justice fondé sur le Tsedek exposé dans la Torah.

 

« La fin justifie les moyens » est un proverbe que rejette l’Ecriture, fait observer de manière lapidaire le rabbin Munk. Pour caractériser l’esprit de la justice de la Torah et ce qui faisait à ses yeux la quintessence de la civilisation hébraïque, le professeur Baruk avait développé la notion du Tsedek, dans lequel il voyait non seulement la trace du « génie juif », mais aussi l’élément fondamental de la santé mentale et morale de l’individu comme de la collectivité… Le « test Tsedek » qu’il avait élaboré établissait en effet un lien étroit entre la véracité des témoignages et la santé mentale…

 

            Un autre exemple tiré de l’actualité israélienne montre combien cette vérité profonde a été méconnue au cours des dernières décennies. Dans le procès intenté au Premier ministre Benjamin Nétanyahou, plusieurs témoins ont ainsi été amenés par toutes sortes de pressions – psychologiques, mentales ou mêmes physiques – à témoigner dans un sens favorable à l’accusation. De telles méthodes, jadis employées par la justice de l’ex-Union soviétique ou d’autres régimes totalitaires, n’ont évidemment pas cours dans une démocratie digne de ce nom.

 

            Ce que montrent ces deux exemples récents, c’est que le dévoiement du principe fondateur de la justice hébraïque – le Tsedek – n’est pas seulement une atteinte à l’idée juive du Tsedek, mais également à ce qui permet de définir la justice authentique. On pourrait évidemment multiplier les exemples, qui sont légion. Il faudrait aussi parler notamment de l’extorsion d’aveux de la part de jeunes habitants juifs de Judée-Samarie par la « section juive » du Shabak, pratique courante hélas, validée par la Cour suprême, qui justifie le recours  aux outils du droit pénal mandataire (détention administrative sans procès), au prétexte fallacieux – repris par les médias israéliens mainstream – qu’il s’agirait de lutter contre le « terrorisme juif », en établissant une équivalence morale entre les assassins arabes et les habitants juifs qui se défendent contre eux.

 

            La justice israélienne est aujourd’hui très éloignée des principes du Tsedek et de l’idéal de justice promu par la Torah. La réforme judiciaire en cours est un premier pas – modeste mais important – dans la direction de l’établissement d’une justice exemplaire inspirée du modèle hébraïque.

P. Lurçat

Mon livre Quelle démocratie pour Israël ? publié aux éditions l’éléphant, est disponible sur B.o.D, Amazon, à la librairie du Temple à Paris, à la librairie française de Tel-Aviv et auprès de l’éditeur à Jérusalem (editionslelephant@gmail.com)

 

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Exposition : "Moï Ver, le chaînon manquant du modernisme"

August 20 2023, 10:22am

Posted by Pierre Lurçat

Exposition : "Moï Ver, le chaînon manquant du modernisme"

Si vous n’avez pas encore vu la très belle exposition consacrée au photographe et peintre Moï Ver au centre Pompidou, vous pouvez encore le faire jusqu’au 28 août!  De Vilnius en Israël en passant par Paris, son parcours d'artiste et de photographe est à l'image du destin juif au vingtième siècle. Une exposition à ne pas manquer. P.L



 

Né en 1904 près de Vilnius, capitale historique de la Lituanie, Moï Ver se fait connaître dans les milieux artistiques parisiens du début des années 1930 après avoir étudié au Bauhaus de Dessau auprès de Kandinsky, Klee, Albers ou encore Moholy-Nagy ; il est notamment l’auteur d’un ouvrage aujourd’hui considéré comme majeur dans l’histoire de la photographie, intitulé Paris. 80 photographies de Moï Ver. Celui-ci est publié en 1931 aux éditions Jeanne Walter, personnalité proche de Le Corbusier et de Fernand Léger, entre autres. En Allemagne ou en Lituanie, Moï Ver s’est aussi inscrit dans l’histoire grâce à un petit ouvrage photographique également publié en 1931, consacré au quartier juif de Vilnius, sa ville d’enfance (The Ghetto Lane in Wilna, ed. Orell Füssli). En 1934, Moï Ver s’installe définitivement en Palestine mandataire où il réalise de nombreuses photographies, photocollages et créations graphiques pour les institutions sionistes pré-étatiques. Au début des années 1950, il prend le nom de Moshe Raviv, se retire dans la ville de Safed, au nord d’Israël, et se consacre à une pratique picturale inspirée par le mysticisme et l’art populaire juifs.

 

Moï Ver, le chaînon manquant du modernisme - Magazine - Centre Pompidou

 

Exposition : "Moï Ver, le chaînon manquant du modernisme"

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La religion progressiste contre la Torah d’Israël (III) Qui sont les “grands-prêtres” de la nouvelle religion progressiste israélienne? Pierre Lurçat

August 9 2023, 13:56pm

Posted by Pierre Lurçat

"Crime Minister" : exemple de slogan de la propagande actuelle

"Crime Minister" : exemple de slogan de la propagande actuelle

 

            Dans le premier volet de cette série d’articles, nous faisions le constat que, dans l’esprit des adeptes de la religion progressiste, il n’y a de place pour le moindre doute. Leur religion leur enjoint de combattre le gouvernement démocratiquement élu d’Israël par tous les moyens, y compris violents… Et nous posions in fine la question de savoir qui sont les nouveaux prêtres de la “religion progressiste” israélienne ? C’est à cette question que nous allons tenter de répondre.

 

Première hypothèse : les écrivains et les intellectuels

 

            Durant les sept premières décennies de l’existence de l’Etat d’Israël (et auparavant déjà), les intellectuels, et les écrivains en particulier, ont rempli un rôle de premier plan dans le débat public. Ils ont incarné, pour le meilleur et parfois pour le pire, le visage de “nouveaux prêtres” de la culture laïque israélienne en devenir et ont marqué de leur empreinte les débats autour des questions cruciales de l’identité, de la politique et de l’avenir d’Israël. Citons, parmi tant d’autres, les noms de Nathan Alterman, d’Amos Oz ou de David Grossman.

 

            Or, de manière flagrante, ces mêmes écrivains sont aujourd’hui largement absents du débat public et ne participent plus aux événements qu’en tant que spectateurs. Le “mythe de l’écrivain engagé”, déjà largement écorné depuis la période des accords d’Oslo, est aujourd’hui remisé aux oubliettes. On en donnera pour illustration le fait que, dans les Haggadot rédigées par les adeptes de la religion progressiste, les écrivains n’occupent qu’une place mineure, aux côtés d’autres figures de proue des mouvements d’opposition.

 

Deuxième hypothèse : les dirigeants politiques et militaires

 

            La présence massive, au sein des manifestations quasi hebdomadaires qui se déroulent depuis huit mois en Israël, des dirigeants de l’opposition et celle de plusieurs anciens chefs d’état-major, pourrait faire croire que ce sont eux qui “tirent les ficelles” et qui animent le débat public. A certains égards, on peut effectivement dire que le “quarteron de généraux” omniprésent dans les manifestations de l’opposition dirige celles-ci. Mais sont-ils pour autant les “prêtres” de la religion progressiste ? On peut en douter.

 

            Leur fonction semble plutôt être celle d’une direction tactique et d’un contrôle idéologique que celle d’une véritable direction spirituelle… A écouter les propos incendiaires d’un Ehoud Barak ou d’un Ehoud Olmert, on a plutôt l’impression que leur rôle est de jeter de l'huile sur le feu, chaque fois que celui-ci semble s’éteindre.

 

Troisième hypothèse : les publicitaires

 

            L'hypothèse que nous formulons ici est que les véritables “prêtres” de la religion progressiste israélienne sont ceux qui élaborent les slogans des manifestations et les innombrables instruments visuels, graphiques ou autres, qui tiennent lieu de discours et de “rituels”, pour les manifestants adeptes de la religion progressiste. Ce sont eux en effet qui parviennent à “nourrir” les grandes messes hebdomadaires qui se déroulent rue Kaplan à Tel-Aviv, devant la résidence du Président à Jérusalem et ailleurs dans le pays…

 

            Le rôle crucial rempli par des agences de publicité dans la campagne de propagande anti-gouvernementale actuelle s’explique par un constat qui a été fait depuis plusieurs décennies, aux Etats-Unis et ailleurs : celui du lien étroit entre publicité, propagande et politique. Comme l’observe la psychologue Liliane Lurçat dans son étude de la manipulation, il n’y a “pas de différence entre les démarches utilisées en persuasion politique et en persuasion publicitaire, elles sont sensiblement les mêmes[1]. C’est précisément ces méthodes de persuasion politico-publicitaire auxquelles nous assistons en Israël et qui permettent de comprendre l’engouement d’un vaste public pour des slogans simplistes, véhiculant des opinions tranchées et souvent extrémistes.

 

Ce que montre le mouvement de protestation anti-gouvernemental, dirigé par un petit groupe d’hommes politiques et d’anciens chefs militaires aux ressources financières considérables et nourri de slogans simplistes et mensongers, c’est que les techniques de la persuasion politique, utilisées à mauvais escient, mettent en danger la pérennité d’un gouvernement démocratiquement élu. Dans cette lutte d’influence pour convaincre l’opinion, les publicitaires sont bien devenus les “grands-prêtres” de cette grande messe progressiste qui se déroule semaine après semaine dans les rues et sur les places d’Israël.

Pierre Lurçat

Mon livre Quelle démocratie pour Israël ? est publié aux éditions l’éléphant, disponible sur B.o.D, Amazon, à la librairie du Temple à Paris, à la librairie française de Tel-Aviv et auprès de l’éditeur (editionslelephant@gmail.com)

 

[1] L. Lurçat, La manipulation des enfants par la télévision et l’ordinateur, F.X de Guibert 2008.

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