Overblog
Follow this blog Administration + Create my blog
VudeJerusalem.over-blog.com

politique israelienne

Les médias israéliens mentent sur la réforme Levin

February 19 2023, 11:45am

Posted by Pierre Lurçat

Les médias israéliens mentent sur la réforme Levin

J'étais ce matin l'invité de Daniel Haik sur Studio Qualita pour commenter l'actualité et la réforme judiciaire en cours en Israël.

(2) Les médias israéliens mentent sur la réforme Levin - L'invité De La Rédaction Du 19 Février 2023 - YouTube

 

CONFERENCE TEL AVIV 28.2.23

LES ENJEUX DE LA REFORME JUDICIAIRE EN ISRAEL

 

Pour comprendre les enjeux de la réforme judiciaire actuelle, il est indispensable de connaître son contexte historique, et notamment celui de la “Révolution constitutionnelle” menée par le président de la Cour suprême Aharon Barak dans les années 1990. 

Pierre Lurçat, juriste, écrivain et essayiste, expliquera la situation actuelle au regard de l’histoire du droit israélien et de la Cour suprême.

 

Mardi 28 février à 19h00, dans les locaux de la WIZO 

35 Rue King Georges, Tel Aviv

PAF : 30 shekels (sans réservation)

Venez nombreux poser vos questions

 

See comments

Le déclin de l'idée de démocratie en Israël et dans le monde actuel, Pierre Lurçat

February 14 2023, 16:36pm

Posted by Pierre Lurçat

Le déclin de l'idée de démocratie en Israël et dans le monde actuel, Pierre Lurçat

 

La vague de protestations à laquelle nous assistons actuellement en Israël s'explique à première vue par des causes politiques immédiates, comme par exemple le refus de l'actuelle opposition d'admettre sa défaite, la mobilisation des grands médias contre le nouveau gouvernement, ou encore le sentiment des représentants de ce que plusieurs commentateurs qualifient de « Deep State » de voir leur pouvoir s'effondrer. Mais au-delà de ces raisons diverses, il existe sans doute aussi d'autres causes plus profondes et moins circonstancielles, qui expriment un désaveu grandissant à l'égard de l'idée même de la démocratie, et qui concernent à la fois Israël et d'autres démocraties occidentales.

 

Ce sont ces dernières que nous voudrions analyser ici. Avant de tenter d'expliquer les causes de ce désaveu, il convient de rappeler ce que signifie le régime démocratique. Il est, comme le rappelle Pierre Manent, un régime « où tous les pouvoirs puisent leur légitimité dans le peuple » et où « tous les pouvoirs sont exercés par le peuple ou ses représentants »[1]. Il est aussi une « organisation des séparations », et en particulier de la séparation entre représentants et les représentés, c'est à dire entre la société civile et les institutions gouvernementales, et entre les pouvoirs.

 

La légitimité du peuple contestée

 

Si l'on considère les trois éléments de cette définition, on constate que le désaveu actuel de la démocratie porte sur chacun d'entre eux. La légitimité populaire, tout d'abord, est largement contestée depuis plusieurs années à travers la critique de l'idée même de la Vox Populi et de la capacité du peuple à choisir ses représentants. Que nous disent en effet les manifestations auxquelles on assiste en Israël, depuis le lendemain même de la formation du nouveau gouvernement, sinon que le pouvoir démocratiquement élu n'est pas légitime ? L'argument n'est pas nouveau et on l'a entendu à plusieurs reprises, ailleurs qu'en Israël, ces dernières années.

 

De nouveaux concepts sont même apparus dans le lexique politique pour exprimer la défiance envers la notion même de pouvoir du peuple, comme celui de « peuplocratie »... Ce que nous disent, grosso modo, toutes ces critiques, c’est qu’il n’y a pas de véritable démocratie en dehors de la « démocratie libérale » (le concept de « démocratie illibérale » a ainsi été forgé et récemment appliqué à Israël)[2]. Ce faisant, ces critiques opèrent une confusion dangereuse entre le régime démocratique et la politique de ses gouvernants, en disqualifiant tout gouvernement conservateur ou de droite, qualifié de « non démocratique ».

 

Quant au concept ancien de populisme, qui désignait jadis une forme de démagogie dans l'exercice du pouvoir, il est de plus en plus souvent employé pour dénigrer des partis politiques entiers, dont l'existence même serait un danger pour la démocratie. Il conviendrait donc de restreindre la participation aux élections aux seuls partis qui répondent à certains critères liés au contenu même de leurs programmes électoral et pas seulement au respect des règles formelles du jeu démocratique…

 

La Révolution constitutionnelle contre la séparation des pouvoirs

 

            Le second élément constitutif du régime démocratique, selon Pierre Manent, est celui de la séparation, qui dépasse la seule « séparation des pouvoirs ». La démocratie, explique-t-il en effet, repose sur l’organisation des séparations. Manent cite de manière éclairante plusieurs théoriciens de la démocratie à l’ère moderne, comme le philosophe écossais Adam Ferguson, qui décrivait le dix-huitième siècle comme « this age of separations », cette « époque où tout est séparé »[3]. De son côté, l’abbé Sieyès considère la représentation politique comme l’application du principe de division du travail.

 

            C’est précisément, explique encore P. Manent, par ce principe de séparation que la démocratie moderne se sépare des démocraties antiques, grecque ou romaine. Le principe de séparation n’est pas seulement une donnée acquise du régime démocratique : il est aussi une prescription. Il convient de préserver la séparation des pouvoirs pour garantir le bon fonctionnement de la démocratie.

 

            A cet égard, la situation engendrée en Israël depuis les années 1990 par la Révolution constitutionnelle initiée par le juge Aharon Barak, alors président de la Cour suprême, a marqué une atteinte considérable à la séparation des pouvoirs et, ce faisant, au fonctionnement de la démocratie israélienne. En concentrant entre les mains des juges de la Cour suprême des pouvoirs considérables - qui ne leur avaient jamais été conférés par la loi – le juge Barak a porté atteinte au fragile équilibre des pouvoirs et aux fondements du régime démocratique. C’est cette atteinte grave que la réforme actuelle s’efforce de réparer. (à suivre…)

 

Pierre Lurçat

 

 

[1] Pierre Manent, Cours familier de philosophie politique, Fayard 2001, p. 23 s.

[2] Le rav Oury Cherki a récemment relevé cette confusion entre démocratie et “démocratie libérale” dans un article passionnant de la dernière livraison de la revue Pardès, “Etat-nation ou “Etat des citoyens”.

[3] Adam Ferguson, Essai sur l’histoire de la société civile [1767], trad. M. Bergier, Paris, PUF 1992, cité par P. Manent, op. cit. p. 26.

Aharon Barak

Aharon Barak

See comments

La Cour suprême et l’identité d’Israël (II) La contestation de l’État juif par les élites israéliennes, par Pierre Lurçat

February 12 2023, 09:07am

Posted by Pierre Lurçat

Aharon Barak : un “fondamentalisme juridique”

Aharon Barak : un “fondamentalisme juridique”

 

 

 

 

(Lire le premier volet de notre article)

 

En totale contradiction avec l’esprit de compromis manifesté par David Ben Gourion, qui a permis aux différentes composantes de la nation israélienne de coexister pendant les premières décennies de l’État, le juge Aharon Barak a adopté une démarche partisane et défendu des positions radicales sur le sujet crucial de l’identité de l’État d’Israël. Sous couvert de concilier les valeurs juives et démocratiques de l’État d’Israël, Barak a en effet mené un véritable combat contre tout particularisme juif de l’État. Au nom d’une conception bien particulière des “valeurs universelles” (“les valeurs de l’État d’Israël en tant qu’État juif sont les valeurs universelles communes aux membres d’une société démocratique[1]), la Cour suprême a pris toute une série de décisions marquantes, dont le point commun était de réduire à néant le caractère juif et sioniste de l’État.

        

 

Ces décisions ont tout d’abord concerné principalement des questions religieuses, comme les conversions non orthodoxes (effectuées par les mouvements juifs réformés et « conservative »), ou bien le respect du shabbat sur la voie publique. Sur toutes ces questions, le juge Barak a fait preuve d’un esprit antireligieux militant, qui a suscité, en réaction, d’immenses manifestations contre la Cour suprême, organisées par le public juif orthodoxe au milieu des années 1990. Mais il s’est avéré par la suite que la doctrine Barak n’était pas dirigée uniquement contre le judaïsme orthodoxe, mais tout autant contre les valeurs fondamentales du sionisme politique.

 

La décision la plus marquante à cet égard a été celle de la Cour suprême dans l’affaire Kaadan. Il s’agissait d’une famille arabe qui avait voulu acheter une parcelle de terrain dans le village juif de Katzir, créé par l’Agence juive sur des terres domaniales appartenant à l’État. Dans cette affaire, le juge Barak a pris le contre-pied de la politique traditionnelle d’implantation juive en Israël, qui remonte aux débuts du sionisme, bien avant la création de l’État. L’arrêt de la Cour suprême, rédigé par Barak, affirmait ainsi que « l’État n’est pas en droit d’allouer des terres domaniales à l’Agence juive en vue d’y construire un village sur une base discriminatoire entre Juifs et Arabes ». En d’autres termes, la Cour suprême prétendait disqualifier toute l’entreprise de peuplement juif menée par l’Agence juive depuis les débuts du sionisme politique, au nom de sa conception de l’égalité.

 

C’est dans ce contexte de remise en cause progressive des fondements du sionisme par la Cour suprême - et plus largement, par une partie des élites israéliennes dont elle est représentative - qu’il faut comprendre le débat virulent autour du projet de réforme judiciaire actuel et la récente polémique autour de la Loi fondamentale sur l’État-nation. En réalité, celle-ci n’ajoute rien de nouveau à la Déclaration d’Indépendance. L’opposition virulente qu’elle a suscitée s’explique surtout par l’effritement progressif du consensus sioniste, mis à mal par l’assaut de l’idéologie post-moderne et post-sioniste qui a triomphé à l’époque des accords d’Oslo, au début des années 1990. Cette période a été marquée par une véritable “révolution culturelle” - concomitante à la “révolution constitutionnelle” que nous avons décrite plus haut - qui a vu les notions fondamentales du sionisme politique remises en cause par une large partie des élites intellectuelles de l’État d’Israël, dans le monde universitaire, celui de l’art et de la culture, les médias, etc.[2]

 

Un de ceux qui a le mieux exprimé cette révolution culturelle a été l’écrivain David Grossman, qui écrivait dans un article publié en septembre 1993, intitulé “Imaginons la paix” [3] : “Ce qui est demandé aujourd’hui aux Juifs vivant en Israël, ce n’est pas seulement de renoncer à des territoires géographiques. Nous devons aussi réaliser un “redéploiement” - voire un retrait total - de régions totales de notre âme… Comme la “pureté des armes”... Comme être un “peuple spécial”... Renoncer au pouvoir en tant que valeur. A l’armée elle-même en tant que valeur…” Ce qui dit Grossman - et ce qu’ont exprimé à l’époque des dizaines d’autres intellectuels partageant la même idéologie - c’est qu’il était prêt à renoncer à tous les éléments essentiels de l’ethos sioniste (ou “régions de notre âme”), pour transformer l’État juif en État de tous ses citoyens, c’est-à-dire en État occidental dans lequel les Juifs n’auraient plus aucune prérogative nationale.

 

C’est au nom de la même idéologie radicale que d’autres intellectuels ont prétendu abroger la Loi du Retour, fondement de l’immigration juive en Israël et pilier de l’existence nationale dans l’esprit de David Ben Gourion, son principal artisan, qui la considérait comme “la quintessence de notre État”. Mais la révolution culturelle entreprise à l’époque des accords d’Oslo a échoué. Elle a doublement échoué : une première fois, dans le feu et le sang du terrorisme palestinien, qui a anéanti les espoirs chimériques de mettre fin au conflit par des concessions territoriales. Et une seconde fois, lorsque les Israéliens ont rejeté par les urnes, à une large majorité, l’idéologie post-sioniste qui avait brièvement triomphé lors de la révolution culturelle menée par les opposants de l’État juif.

 

Les citoyens israéliens ont en effet exprimé, à de nombreuses reprises, leur attachement aux valeurs fondamentales du sionisme politique et à la notion d’État juif, décriée par une partie des élites intellectuelles. Le “retrait total des régions de notre âme” promu par David Grossman n’a pas eu lieu, parce que les Israéliens ont refusé, dans leur immense majorité, cette entreprise d’auto-liquidation nationale. Ils ont signifié qu’ils étaient attachés à la Loi du Retour et aux notions de ‘pureté des armes’ et de ‘peuple spécial’ tournées en ridicule par Grossman, et que leur âme juive vibrait encore. Ils ont signifié leur attachement indéfectible aux valeurs juives traditionnelles, à l’armée d’Israël (où le taux d’engagement dans les unités combattantes n’a pas faibli, malgré l’idéologie pacifiste) et à “l’espoir vieux de deux mille ans d’être un peuple libre sur sa terre”, selon les mots de l’hymne national.

Pierre Lurçat

Extrait de mon livre Israël, le rêve inachevé, Editions de Paris / Max Chaleil 2019.            

 

 

[1] A. Barak, “The constitutional Revolution : Protected Human Rights”, Mishpat Umimshal, cité dans La trahison des clercs d’Israël, op. cit. p. 131.

[2] J’emprunte cette idée et d’autres au livre très riche de Yoram Hazony, L’État juif. Sionisme, post-sionisme et destins d’Israël, éditions de l’éclat 2007.

[3] Cité par Y. Hazony, op. cit. p.113.

See comments

Qui met en péril la démocratie en Israël ?

January 25 2023, 07:41am

Posted by Pierre Lurçat

 Qui met en péril la démocratie en Israël ?

J'évoquais hier matin la situation politique en Israël au micro de Richard Darmon sur Studio Qualita

Qui met en péril la démocratie en Israël ? - IMO#198 (studioqualita.com)

 

See comments

En marge de l’invalidation d’Arié Deri : Les juges de la Cour suprême : une minorité radicale et coupée du peuple

January 18 2023, 17:13pm

Posted by Pierre Lurçat

Esther Hayot

Esther Hayot

 

En marge de la décision très attendue (et prévisible) de la Cour suprême, qui prétend interdire au ministre Arié Deri d’exercer ses fonctions, il importe de comprendre comment cette institution – jadis considérée comme le fleuron de la démocratie israélienne – est devenue l’organe hyper-politisé qu’elle est aujourd’hui. L’attitude de son actuelle présidente, qui a renoncé ces derniers jours à tout semblant de « réserve » pour s’immiscer dans le débat politique, s’explique par le changement d’attitude de la Cour, depuis la « Révolution constitutionnelle » décrétée par son ancien président, Aharon Barak.

1- Sous la houlette du juge Barak, la Cour suprême israélienne est devenue l’instrument de la poursuite de la domination des anciennes élites (celles d’avant le changement de pouvoir de 1977), comme l’explique le professeur Menahem Mautner dans un ouvrage éclairant[1]. Alors que certains dirigeants du Likoud étaient favorables, avant 1977, à l’adoption d’une Constitution qui servirait de rempart contre l’hégémonie du pouvoir travailliste, dans les faits, la Cour suprême israélienne est ainsi devenue l’instrument de la poursuite de cette hégémonie.

En réalité, la Cour suprême israélienne est devenue non seulement l’instrument des anciennes élites (incarnées par le Parti travailliste et le mouvement kibboutzique) mais aussi et surtout, celui des élites post-sionistes, qui étaient hostiles à la fois à la droite religieuse et aussi aux partisans de l’ancien consensus sioniste de gauche. Ce n’est pas un hasard si la Révolution constitutionnelle a largement coïncidé avec la « révolution culturelle » concomitante aux accords d’Oslo, au début des années 1990[2].

Ce que ces deux événements majeurs ont signifié, dans l’Israël de la fin du 20e siècle, en proie à la montée de l’individualisme et à la fin des idéologies et du sionisme socialiste, était avant tout la montée en puissance des idées post-sionistes et la tentative d’imposer par le pouvoir judiciaire et par des accords politiques arrachés à une majorité très courte leurs conceptions radicales.

 

2 - Qui représente la Cour suprême israélienne ? Du point de vue sociologique, les juges de la Cour suprême israélienne représentent une minorité radicale et coupée du peuple (la « cellule du parti Meretz qui siège à la Cour suprême israélienne » selon l’expression d’un commentateur israélien). Significativement, la tentative d’introduire un semblant de diversité dans les opinions représentées à la Cour suprême n’a pas remis en cause l’hégémonie des Juifs ashkénazes laïcs de gauche.

Aharon Barak a ainsi créé l’expression de « Test Bouzaglou », dans laquelle Bouzaglou désigne l’homo qualunque israélien. Il s’est défendu dans un livre d’avoir ce faisant voulu stigmatiser les Juifs orientaux, mais il n’en demeure pas moins que le nom de Bouzaglou n’a pas été choisi au hasard. Dans la vision du monde d’A. Barak (comme dans celle d’Hannah Arendt au moment du procès Eichmann) il existe une hiérarchie bien définie dans la société juive israélienne. L’élite est toujours celle des Juifs allemands.

3 - Un autre élément d’explication important est le processus par lequel la Cour suprême israélienne est devenue l’instrument des minorités actives et de gouvernements étrangers qui les soutiennent et les financent. Des gouvernements étrangers se sont ainsi immiscés dans le débat politique israélien en utilisant la Cour suprême israélienne comme un véritable cheval de Troie, par le biais de multiples ONG à financement étranger, comme en attestent les innombrables pétitions de « justiciables palestiniens » manipulés par Chalom Archav, Breaking the silence, etc.

Des valeurs étrangères au peuple d’Israël

Ruth Gabizon[3] avait affirmé que : « La Cour suprême devrait élaborer et renforcer les valeurs qui sont partagées par la société qu’elle sert, valeurs reflétées par les lois de cette société - et non telles qu’envisagées par les juges à titre personnel ou en tant que représentants de valeurs sectorielles... » La réflexion de Gabizon appelle deux remarques. Tout d’abord, peut-on encore affirmer aujourd’hui que la Cour suprême israélienne sert la société ou qu’elle est au service de la société ? En réalité, pour que la Cour suprême soit au service de la société israélienne et de ses valeurs, encore faudrait-il que les juges qui siègent à Jérusalem connaissent les valeurs de la société dans laquelle ils vivent et qu’ils les respectent un tant soit peu… Est-ce le cas aujourd’hui ?

A de nombreux égards, la Cour suprême israélienne représente et défend aujourd’hui des valeurs étrangères au peuple d’Israël : celles de l’assimilation, du post-sionisme et du post-modernisme, etc. Elle s’attaque régulièrement dans ses décisions non seulement aux droits des Juifs sur la Terre d’Israël, mais aussi au mode de vie juif traditionnel et aux valeurs de la famille juive. On peut affirmer, au vu des arrêts de la Cour suprême israélienne depuis 30 ans, qu’elle incarne le visage moderne des Juifs héllénisants de l’époque des Maccabim. Il y a évidemment des exceptions. rappelons le cas du juge Edmond Lévy, qui rédigea l’opinion minoritaire lors de l’expulsion des habitants Juifs du Goush Katif.

Pierre Lurçat

 

(Extrait de mon article “Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël”, paru dans la revue Pardès, no. 67, 2021)

 

 

[1] Le déclin du formalisme et l’essor des valeurs dans le droit israélien (anglais), Oxford University Press 1993. Du même auteur, voir aussi Law and the Culture of Israel, Oxford University Press 2011.

[2] Sur la “Révolution culturelle” des accords d’Oslo, voir Y. Hazoni, L’Etat juif, sionisme, post-sionisme et destin d’Israël, éd. de l’éclat 2002.

[3] Professeur de droit pressentie pour siéger à la Cour suprême israélienne et écartée par Aharon Barak, récemment décédée.

En marge de l’invalidation d’Arié Deri : Les juges de la Cour suprême : une minorité radicale et coupée du peuple

See comments

Le juge Aharon Barak contre la démocratie, Pierre Lurçat

January 8 2023, 10:12am

Posted by Pierre Lurçat

Le juge Aharon Barak contre la démocratie, Pierre Lurçat

 

Aharon Barak a une conception bien particulière de la démocratie, du rôle du juge et de la Cour suprême israélienne. Dans l’expression « Révolution constitutionnelle », qui a été forgée par A. Barak lui-même, on oublie souvent de commenter le premier terme. Ce n’est pas un hasard s’il a été choisi par Barak pour décrire cette réalité juridique et politique, dont il a été à la fois le théoricien et le principal maître d’œuvre.

Sa biographe Naomi Levitsky, qui ne tarit pas d’éloges sur lui, observe cependant que Barak « sans être révolutionnaire de caractère, possède un instinct révolutionnaire pour tout ce qui concerne son travail juridique, au point d’avoir transformé de fond en comble chaque poste qu’il a occupé ». On ne peut qu’abonder dans son sens. En tant que procureur de l’État, Barak a effectivement transformé cette fonction, autrefois assez anonyme, pour en faire un personnage redoutable, capable d’inculper un Premier ministre en exercice et de pousser au suicide un ministre soupçonné de corruption.

À l’instar de la juge américaine Ruth Bader-Ginsburg, devenue une icône de la gauche et des médias américains, le juge Barak est un partisan de l’activisme judiciaire au service de la transformation sociétale : à ses yeux, la Cour suprême israélienne est un laboratoire de transformation de la société et de la politique israélienne. C’est ainsi que la Cour suprême est devenue un véritable pouvoir politique (le « pouvoir judiciaire »), ce qui est une aberration dans la théorie classique de la séparation des pouvoirs. Selon Montesquieu, en effet, il importe que le judiciaire devienne un véritable pouvoir dans le régime monarchique, pour empêcher de tomber dans la tyrannie. Dans un régime démocratique au contraire, le judiciaire doit s’effacer, sous peine de tomber dans le gouvernement des juges…

Or c’est bien ce qui est arrivé avec la Révolution constitutionnelle. La Cour suprême israélienne est devenue non seulement un pouvoir judiciaire, mais elle exerce aussi ce pouvoir sans aucun contre-pouvoir, et donc sans aucune limite.

 

Le langage du droit au service d’une oligarchie

La grande supercherie des tenants de la Révolution constitutionnelle consiste à parler sans cesse le langage du droit. Ils n’ont que ce mot à la bouche : l’État de droit (Shilton ha-Hok). Que veut dire au juste cette expression ? Selon Naomi Levitsky, « aux yeux de Barak, les dirigeants n’ont pas de pouvoir en eux-mêmes, ils ne l’acquièrent que du peuple et de la loi. Les dirigeants sont au service du peuple dans les limites de la loi ». Mais comme toujours, il faut lire entre les lignes ce que Barak ne dit pas.

En réalité, le peuple n’a pas de légitimité dans la conception juridico-politique de Barak. Seule la loi est légitime. Mais encore faut-il qu’elle soit interprétée par le juge qui seul est capable de la comprendre et de la « dire » au peuple ignorant… Comme il l’explicite dans ses écrits sur le rôle du juge en démocratie, le juge ne doit pas seulement appliquer ou interpréter la loi. Il est créateur de droit… En vérité, dans la conception  du droit de Barak, le juge a le dernier mot en matière d’interprétation, d’application de la loi et même en matière de législation, puisque la Cour suprême israélienne s’est arrogé le pouvoir exorbitant (qui ne lui a jamais été conféré légalement) d’annuler toute loi de la Knesset, y compris des Lois fondamentales (affaire en cours concernant la Loi sur l’État nation).

 

La régression antidémocratique de la Révolution constitutionnelle

Dans une démocratie, la loi exprime la volonté populaire et la souveraineté du peuple. Dans la conception de Barak, au contraire, la loi reste l’apanage d’une minorité « éclairée », seule capable et méritoire de l’interpréter et de la comprendre. Il y a là une immense régression anti-démocratique, passée inaperçue en 1992 et dont nous voyons aujourd’hui les fruits. Ce n’est pas seulement que la loi soit devenue trop « technique », comme on l’entend souvent dire dans les pays occidentaux, c’est aussique le peuple est par nature incapable de comprendre et de faire la loi!

On mesure ici combien la Loi juive, révélée par Moïse au peuple tout entier, est infiniment plus démocratique que le droit israélien réinterprété par Aharon Barak lors de la Révolution constitutionnelle : la loi révélée au Sinaï était accessible au plus élevé des Prophètes comme à la dernière des servantes, comme l’enseigne la Tradition juive. Chez Barak et ses partisans, au contraire, seul le « juge éclairé » est capable de comprendre la Loi…

Aharon Barak est, on le voit, le contraire d’un démocrate. Il revendique ouvertement une conception élitiste et oligarchique, et presque monarchique de la politique. À ses yeux, un « souverain éclairé » vaut mieux qu’une majorité aveugle (En cela, il a été un précurseur… Que nous disent en effet aujourd’hui les manifestants anti-Nétanyahou, avec leur slogan « Tout sauf Bibi », sinon que la majorité se trompe et qu’elle n’a pas le droit d’imposer ses vues à une minorité éclairée ?).

 

(Extrait de mon article “Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël, paru dans la revue Pardès, no. 67 2021).

______________________________

Après 15 ans d’expérience dans la formation en droit immobilier, je mets mes compétences au service de votre recherche de biens à Jérusalem!

Appelez-moi au 050 286 51 43
Pierre Lurçat

 

P.I.L IMMOBILIER

 

See comments

Israël - Rendre aux élus du peuple le pouvoir confisqué par les élites et par la Cour suprême

November 10 2022, 12:17pm

Posted by Pierre Lurçat

J'aborde au micro de Daniel Haïk sur Studio Qualita la question cruciale de la réforme judiciaire au lendemain des élections, pour rendre à la Knesset et aux élus du peuple israélien le pouvoir qui leur a été confisqué par les élites de gauche et par la Cour suprême..

https://youtu.be/j6vHczEa85Y

(Sur ce sujet, je renvoie aussi à mon article paru dans la revue Pardès : "Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël" - Article disponible sur demande à pierre.lurcat@gmail.com 

 

 

Israël - Rendre aux élus du peuple le pouvoir confisqué par les élites et par la Cour suprême

See comments

Le secret de la longévité politique de Binyamin Nétanyahou, par Pierre Lurçat

November 7 2022, 12:46pm

Posted by Pierre Lurçat

Le secret de la longévité politique de Binyamin Nétanyahou, par Pierre Lurçat

 

Au-delà des qualificatifs – souvent erronés ou excessifs – que les médias utilisent à son endroit, Binyamin Nétanyahou demeure à de nombreux égards une énigme. L’ancien et nouveau Premier ministre israélien, qui vient de remporter une victoire politique éclatante et qui a ravi à David Ben Gourion le record de longévité à ce poste, est tantôt décrit comme un modèle de pragmatisme – voire d’opportunisme politique – tantôt comme un idéologue de droite. Qui est-il vraiment ?

 

La biographie que lui a consacré le journaliste Anshel Pfeffer (1) apporte des éléments de réponse à cette question, qui continue de tarauder les meilleurs observateurs de la scène politique israélienne depuis plus de deux décennies. En tant que contributeur du quotidien Ha’aretz – qui n’épargne pas le Premier ministre et sa famille – Pfeffer a réussi à écrire une biographie équilibrée, en évitant de tomber dans l’excès ou dans la caricature. Il décrit ainsi, dans les premiers chapitres de son livre, l’environnement dans lequel a grandi Benjamin, ses deux frères Ido et Yoni (qui trouvera la mort lors de l’opération héroïque de sauvetage des otages à Entebbé), et leurs parents, le professeur Bentsion Nétanyahou et sa femme.

 

L’auteur relate avec talent l’ascension politique de Nétanyahou, d’abord au sein de l’ambassade d’Israël aux Etats-Unis, où il devient le protégé de Moshe Arens, puis en tant qu’ambassadeur aux Nations-Unis, en 1984, où il se fait remarquer pour ses talents de diplomate et d’orateur hors-pair. Dès cette époque, le jeune Benjamin Nétanyahou fait en effet preuve de dons exceptionnels pour la « hasbara » (terme difficile à traduire qui désigne la capacité de défendre une politique), à la tribune et dans les coulisses des Nations unies. Pfeffer rapporte ainsi la manière dont « Bibi » utilise des éléments visuels pour appuyer son argumentation, n’hésitant pas à projeter un film montrant un diplomate tentant vainement de téléphoner au Liban pour illustrer l’état d’anarchie régnant dans le pays. Trente ans plus tard, il utilisera des moyens similaires pour démontrer au monde entier la duplicité de l’Iran.

 

La qualité majeure de Benjamin Nétanyahou, tel qu’il ressort du livre d’Anshel Pfeffer, est incontestablement celle d’animal politique. Doté d’un charisme exceptionnel, il sait manœuvrer à travers les écueils de la politique intérieure israélienne, et fait montre d’une capacité d’analyse et de compréhension rarement égalées par ses pairs. Issu d’une famille jabotinskienne réputée, mais relativement à l’écart de la vie politique du fait de son exil aux Etats-Unis, Nétanyahou parvient à doubler plusieurs concurrents parmi les “Princes du Likoud” – et notamment David Lévy, qui deviendra un rival féroce.

 

Dans des pages intéressantes de son ouvrage, Pfeffer montre les rapports ambivalents entre Bibi et Itshak Shamir, qui le considère comme superficiel et incapable de résister aux pressions. Un des chapitres les plus instructifs est celui qui retrace le premier mandat de Nétanyahou, arrivé au pouvoir contre toute attente, en 1996, au lendemain de l’assassinat d’Itshak Rabin (au sujet duquel Pfeffer dissipe la calomnie voulant que Bibi ait participé à des manifestations “incitant” au meurtre…(2) A l’âge de 46 ans, il devient le plus jeune Premier ministre israélien depuis 1948.

 

Quelle a été l’influence de sa famille sur Bibi ? Sur ce point crucial – que j’aborde dans un de mes livres, dans un chapitre consacré à Bentsion Nétanyahou (3) – l’auteur apporte des éléments de réponse intéressants. Ainsi, on découvre comment “Bibi” a souffert du sentiment d’insatisfaction que son père éprouvait à son égard. « Il aurait sans doute fait un meilleur ministre des Affaires étrangères que Premier ministre », dira un jour Bentsion de son fils, pour la plus grande joie de ses adversaires. Le dernier chapitre du livre s’intitule, de manière éloquente, « Stuck on top », « coincé au sommet ».

 

 

A l’heure où ces lignes sont écrites, « Bibi » donne toujours l’impression d’être irremplaçable, y compris aux yeux de ses plus farouches adversaires. Au-delà de ses succès indéniables – en diplomatie notamment et en économie – les « années Bibi » auront aussi été celles d’une lente et irrésistible érosion de la force de dissuasion de Tsahal, après les retraits de Gaza et du Sud-Liban aux conséquences désastreuses, orchestrés par deux de ses prédécesseurs, Ariel Sharon et Ehoud Barak.

 

Nétanyahou deviendra un des plus grands dirigeants de l’Etat d’Israël moderne, s’il parvient à résoudre un des problèmes les plus brûlants de la société israélienne, que les grands partis politiques ont largement négligé depuis longtemps : celui de la situation économique et sociale. L’Etat d’Israël, au cours de ses 70 années d'existence, est en effet passé presque sans transition d'un régime économique socialiste à un régime ultra-libéral ou, pour reprendre les termes de Jabotinsky, de « l'esclavage socialiste » au « capitalisme sauvage ». Il reste aujourd'hui à accomplir le programme de Jabotinsky, en édifiant une société plus égalitaire, réalisant ainsi l'idéal de justice sociale de la Bible hébraïque. (3)

 

Pierre Lurçat

 

Notes

(1) Anshel Pfeffer, Bibi: The Turbulent Life and Times of Benjamin Netanyahu: Basic Books 2018.

(2) Rappelons que le fameux poster représentant Itshak Rabin z.l en uniforme S.S. était la création de l’agent du Shabak, Avishaï Raviv.

(3) Je renvoie sur ce sujet le lecteur au premier tome de la Bibliothèque sioniste que j’ai fondée, Vladimir Jabotinsky, La rédemption sociale, éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque, éditions L’éléphant 2021.

(Une version initiale de cet article est parue en novembre 2018)

 

_____________________________________________________

 

Le Mur de Fer

Le public français ne connaît pas, ou à peine, Vladimir Jabotinsky. Pierre Lurçat remédie à cette méconnaissance avec brio en publiant une traduction des textes fondateurs de ce visionnaire, publiés entre 1916 et 1929 en les éclairant d’une introduction historique et philosophique pointue.

Liliane Messika, Causeur.fr

« Les arabes et nous, le Mur de fer », Jabotinsky raconté par Pierre Lurçat au micro d’Ilana Ferhadian

 

Il faut remercier Pierre Lurçat pour son travail de traduction et de présentation de cet ouvrage. Il permet au lecteur, peu familier de l’action et de l’œuvre de Vladimir Jabotinsky, de découvrir un penseur du politique à travers son engagement pour le sionisme… Ses écrits sont là, nourrissent notre réflexion, et attestent d’une lucidité peu commune

 

Evelyne Tschihrart, Dreuz.info

 

 

 

Le secret de la longévité politique de Binyamin Nétanyahou, par Pierre Lurçat

See comments

Les facteurs moraux dans la politique étrangère d’Israël

June 15 2022, 07:51am

Posted by Pierre Lurçat

 

La conférence organisée mardi 7 juin par le Jewish People Policy Institute, think tank basé à Jérusalem, abordait un sujet important : celui des facteurs moraux dans la politique étrangère de l’État d’Israël. L’intitulé exact de la conférence était “L’Ukraine comme fable: les facteurs moraux dans la politique étrangère d’Israël”, mais les exemples abordés par les différents intervenants dépassaient le seul cadre de la guerre en Ukraine. Parmi ceux-ci, la “guest star” était Tamir Pardo, ancien patron du Mossad entre 2011 et 2015.

 

Ce colloque passionnant permit ainsi au grand public, entre autres, de découvrir le visage et les opinions de l’ancien patron du Mossad. Dans son intervention, après avoir souligné la complexité du sujet, il n’hésita pas à porter un regard parfois très critique sur la politique étrangère israélienne, sur des dossiers aussi sensibles que le Hamas, les relations avec la Turquie ou le génocide arménien (imagine-t-on une attitude semblable de la part d’un ancien responsable des services secrets français?)

 

Tamir Pardo



 

Évoquant la décision dramatique de libérer 1000 terroristes - dont de nombreux assassins condamnés - contre le soldat israélien Gilad Shalit  (dont les conséquences furent catastrophiques), décision prise pendant son mandat et vraisemblablement contre son avis, Pardo s’est interrogé : pourquoi la suprématie accordée aux valeurs “morales” (d’ailleurs très discutables) dans l’affaire Shalit, par rapport aux intérêts politiques et stratégiques, ne se retrouve pas dans d’autres dossiers, comme celui du génocide arménien?

 

L’État d’Israël face au génocide arménien 

 

Sur ce sujet important, et rarement évoqué en Israël, Pardo a rappelé qu’Israël persiste jusqu'à ce jour dans son refus de reconnaître le genocide arménien, en arguant de la préséance donnée aux relations avec la Turquie, alors que celle-ci ne se prive pas de soutenir ouvertement les ennemis les plus radicaux de l’État juif et d’abriter sur son territoire le Hamas et ses mouvements affiliés, comme cela était apparu notamment lors de l’affaire du Marmara.

 

Abordant la guerre en Ukraine, Pardo a là aussi critiqué la politique “réaliste” de l’État hébreu, rappelant qu’Israël n’avait rejoint les condamnations internationales de l’agression russe qu’à la suite de pressions américaines, et que l’État juif s’abstenait néanmoins de participer aux sanctions internationales contre la Russie de Poutine, à l’exception des seules sanctions bancaires. En présentant le colloque, la directrice générale de l’Agence juive Amira Aharonowitz avait rappelé qu’Israël s’était posé la question de savoir si son aide humanitaire devait concerner uniquement les Juifs, ou l’ensemble des réfugiés. 

 

Dans son intervention, Tamir Pardo mentionna également ce dilemme (classique dans l’histoire juive) et conclut qu’une morale qui ne concernait que les Juifs n’était pas une morale authentique. En écoutant l’ex-patron du Mossad parler des “facteurs moraux de la politique étrangère israélienne”, je me suis fait la réflexion qu’Israël avait encore du chemin à faire pour trouver la voie étroite entre une “Realpolitik” qui ferait fi de toute considération morale, d’une part, et une politique motivée par de pures considérations morales angéliques qui ferait fi des réalités, d’autre part. L’expérience des 70 années d’existence étatique montre que l’État juif a souvent oscillé entre ces deux extrêmes, et qu’il a donné parfois dans un excès d’angélisme et de moralisme et parfois dans un excès de RealPolitik. La politique étrangère d’Israël, avec ses réussites et ses échecs, est encore un domaine en friche.


Pierre Lurçat

 

NB J’ai abordé le même thème lors d’un colloque organisé il y a deux ans par la Loge Robert Gamzon du Bnai-Brith à Jérusalem

 

À l’occasion de la Semaine du livre en Israël, découvrez

 LA BIBLIOTHEQUE SIONISTE !

Les grands textes des pères fondateurs du sionisme politique, inédits ou épuisés en français, mis à la disposition du public francophone.

 

DÉJÀ PARUS

JABOTINSKY, La rédemption sociale. Eléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque.

JABOTINSKY, Questions autour de la tradition juive. Etat et religion dans la pensée du Rosh Betar.

GOLDA MEIR, La maison de mon père, fragments autobiographiques.

 

À PARAITRE :

JABOTINSKY, Les Arabes et nous, le mur de fer.

 

EN VENTE SUR AMAZON et dans les librairies françaises d’Israël, 

ou après de l’éditeur editionslelephant@gmail.com

 

See comments

Le “Kiddoush Hachem” de la députée Idit Silman, Pierre Lurçat

April 6 2022, 16:54pm

Posted by Pierre Lurçat

Idit Silman

Idit Silman

 

L’histoire politique d’Israël depuis 1948 est riche en rebondissements spectaculaires et en revirements lourds de conséquences. L’annonce dramatique de la députée Idit Silman, qu’elles qu’en soient les conséquences à court et moyen terme, s’inscrit d’ores et déjà dans cette histoire et restera probablement comme un événement marquant.

 

Des coalitions sont déjà tombées pour des raisons similaires dans le passé : le premier gouvernement Rabin était tombé en 1976 après l’atterrissage de F-16 livrés à Israël par les Etats-Unis après la tombée de la nuit, un vendredi soir. Mais il s’agissait alors d’une coalition avec des partis religieux ultra-orthodoxes, alors que la députée Silman appartient au parti non orthodoxe Yemina.

 

Si ce gouvernement devait finalement tomber, l’histoire retiendra que la coalition la plus hostile à un Etat juif aura fini de diriger Israël en raison de sa volonté de remettre en question l’interdiction du Hamets dans les hôpitaux publics. Le sujet peut sembler anecdotique, ou ésotérique aux yeux d’un observateur profane. En réalité, il touche pourtant au coeur du débat ancien sur le caractère juif de l’Etat.

 

Le statu quo fragile entre Juifs religieux et laïcs en Israël a en effet toujours reposé sur un double principe : liberté de culte et d’opinion d’une part, respect des principes fondateurs du judaïsme dans l’espace public de l’autre. Cet équilibre était lié à la conviction, partagée par l’ensemble des pères fondateurs du sionisme politique et de l’Etat d’Israël, que celui-ci devait incarner la vocation spécifique du peuple Juif et ne pas être simplement un Etat comme tous les autres.

 


Jabotinsky et Martin Buber

 

 


Cette conviction était partagée tant par les penseurs du sionisme religieux que par ceux du sionisme travailliste, et elle réunissait des figures aussi diverses que le rabbin Kook, David Ben Gourion, Martin Buber ou Jabotinsky. Ce dernier en particulier, Juif laïc par excellence, avait compris que la tradition juive n’était pas seulement une enveloppe, une “structure” extérieure et une “religion”, mais qu’elle était l’âme du peuple Juif tout entier, et qu’à ce titre, elle devait être au coeur de la culture nationale qui allait refleurir dans le futur État juif (1). A l’autre extrême de l’échiquier politique sioniste, Martin Buber avait exprimé la même idée, en déplorant l’éventualité que le futur Etat juif ne soit rien de plus qu’un Etat où ne soufflerait aucun souffle divin…

 

C’est précisément ce risque qui s’est incarné dans la coalition hétéroclite dirigée par Naftali Bennett, dont l’ADN est entièrement post-sioniste et post-moderniste. En prétendant réformer la cacherout, les conversions et en voulant abolir l’institution même du rabbinat en Israël, celle coalition contre-nature a cru qu’elle pouvait ériger un “Etat de tous ses citoyens” dans lequel le judaïsme ne serait plus qu’une affaire entièrement privée, et où le caractère juif de l’Etat serait réduit à une simple menorah sur des timbres-postes…

 

La décision courageuse de la députée Idit Silman a sans doute mis un coup d’arrêt à cette descente vers l’abîme de la coalition Bennett-Lapid-Abbas, et a rappelé au peuple Juif et au monde entier que le retour d’Israël sur sa terre n’était pas un événement anodin, détaché de toute signification juive. A quelques jours de Pessah, ce rappel salutaire est un véritable “Kiddoush Hachem”, une Sanctification du Nom divin. Pessah cacher vé-Saméah!

 

Pierre Lurçat

 

1. Comme je l’explique dans ma préface au recueil d’articles de Jabotinsky Questions autour de la tradition juive, éditions l’éléphant 2022.

See comments

<< < 1 2 3 4 5 6 7 > >>