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La fin de la réminiscence Cybermédias, souvenirs numériques et liberté de l’esprit

July 22 2021, 11:53am

Posted by Pierre Lurçat

 

Cet article est le premier volet d’un nouveau “feuilleton philosophique”, dans lequel je poursuis la réflexion entamée dans mon livre Seuls dans l’Arche, en analysant les conséquences de la révolution technologique et numérique sur la vie et sur la pensée humaine. P.L

 

La joie des réveils en cet été où nous vînmes habiter la maison de M. Gabriel Louria et dans laquelle je vis son père, le vieux bey et sa mère aux yeux rêveurs - cette joie m'a abandonné depuis de longues années. Elle n'existe plus que dans la nostalgie du souvenir…

 

David Shahar, Un été rue des Prophètes



 

“Réminiscence” : ce joli mot qui désigne un souvenir confus et vague, ou encore le “retour à la conscience d’une image”, sera-t-il bientôt devenu complètement désuet? Le monde actuel, celui des cybermédias,  de “l’intelligence artificielle” et de la Technopoly, laisse peu de place au souvenir, à la rêverie et à la méditation, conditions nécessaires de l’activité poétique.  En vérité, il les rend tellement incongrus et obsolètes qu’il a trouvé les moyens de les remplacer par des succédanés de souvenirs, qui sont à la réminiscence ce que l’ordinateur est à l’âme humaine : une caricature. Comment qualifier en effet ces “souvenirs numériques” artificiels que sont les photos stockées sur nos appareils portables, que des robots nous envoient régulièrement en les assortissant d’un message disant : “C’était il y a cinq ans”, “De nouveaux souvenirs sont disponibles!”, en les agrémentant parfois d’une couleur sépia ou de quelques fleurs? 

 

Facebook :  l’injonction du souvenir



 

Bien plus qu’un simple gadget technologique, il y a là un signe indéniable d’une transformation radicale de l’esprit humain et des activités les plus caractéristiques de la liberté de l’homme. Qu’est-ce en effet que le souvenir, sinon la libre divagation de l’esprit, sans direction imposée ni contrainte? Et quoi de plus contraire à la réminiscence que ces “souvenirs sur commande”, que nous recevons sur nos téléphones portables et qui nous invitent à nous rappeler sous l’emprise de la suggestion technologique des événements passés, dont la date enregistrée par la mémoire automatique des réseaux sociaux et des logiciels sert de prétexte à leur “remontée à la surface” de nos appareils informatiques?

 

En réalité, cette injonction du souvenir est caractéristique de tous les outils et instruments dont nous sommes aujourd’hui entourés et dont la présence est devenue tellement familière, qu’elle nous empêche de réfléchir à leur signification profonde. Derrière l’illusion du progrès technique et de son caractère innocent, ludique et facultatif, se cache en effet un asservissement volontaire toujours plus grand de l’homme actuel. Celui-ci laisse envahir les recoins les plus intimes de son existence par toutes sortes de robots, qui le privent petit à petit de la capacité de laisser sa propre volonté diriger son esprit, que ce soit dans l’activité conscience de la pensée ou dans celle, plus ou moins consciente, du rêve et du souvenir.

 

Les penseurs qui ont analysé au siècle dernier les effets des premiers médias de masse sur la condition humaine (1) avaient déjà noté combien le temps médiatique marquait de son empreinte la vie quotidienne et imposait son rythme aux hommes d’aujourd’hui, dont la vie n’est plus rythmée par les cycles naturels ou par ceux de la vie agricole ou de la religion, mais par les bulletins d’information et par la vision du monde qui en découle. Mais même les plus lucides de ces observateurs du rôle de la télévision et des autres mass-médias - et de la transformation radicale qu’ils ont amenée dans nos vies - n’ont pu imaginer combien celle-ci allait être encore amplifiée et démultipliée par les nouveaux médias. 

 

Désormais, les bulletins d’information au rythme quotidien ou horaire ont laissé la place à un flux permanent d’information, auquel il devient presque impossible d’échapper, tant il nous poursuit et vient nous solliciter à chaque moment, avec une insistance presque diabolique. Que l’on se rappelle pour s’en convaincre de l’époque lointaine de l’invention du téléphone, où certaines personnes récalcitrantes refusaient de répondre aux appels, en affirmant qu’elles “n’aimaient pas qu’on les sonne”... Aujourd’hui, nos appareils portables nous “sonnent” à chaque instant, et il faut faire un effort considérable pour refuser d’obtempérer. Oui, nous sommes bien devenus, à l’instar des domestiques d’avant la Première Guerre mondiale, les “valets” de nos instruments technologiques, et la maîtrise de la technique a laissé place à l'esclavage technologique.

 



 

Mais ces instruments n’ont pas seulement transformé radicalement notre manière de vivre, de communiquer avec nos semblables et d’appréhender le monde qui nous entoure. En réalité, ils ont bouleversé l’intimité de nos vies, en prétendant régir non seulement les moyens d’échanger et de partager des idées et des sentiments, mais aussi - et surtout - le contenu de nos émotions et de nos pensées ; en un mot, notre vie intérieure. Bercés de l’illusion sur laquelle repose la notion même de “progrès technique” - celle d’un outil extérieur qui viendrait accroître nos facultés humaines tout en nous rendant plus libres - nous avons renoncé insensiblement à ce qui fait le coeur même de notre liberté la plus chère : la liberté de l’esprit.

 

On peut certes se protéger de l’invasion technologique, des modes et des phénomènes de masse, mais on ne peut y échapper entièrement. Croire que l’on peut éviter les effets de la publicité et de la technologie est tout aussi illusoire que de penser que la propagande ne toucherait que des esprits faibles ou malléables. La propagande et la publicité (car il s’agit bien de la même chose, même si le contenu de leurs messages diffère) sont efficaces sur tout un chacun, y compris sur ceux qui se croient protégés par leur conscience du danger (et l’auteur de ces lignes ne s’exclut nullement de cette généralisation). 

 

Certains en sont des consommateurs actifs et d’autres des consommateurs passifs. Mais tous pâtissent de leurs effets nocifs, de même que le fumeur passif est lui aussi atteint par la fumée de ceux qui l’entourent. La technologie de la communication, comme la fumée des cigarettes, s’infiltre partout où sa présence n’est pas entièrement interdite. Les rares endroits où elle n’a pas droit de cité en sont protégés pour des raisons de convenance (les salles de concert ou les cérémonies funéraires) et pour des raisons techniques : ne pas déranger ceux qui nous entourent, ne pas perturber les communications entre le pilote de l’avion et la tour de contrôle… Mais nulle part il n’est interdit d’allumer son téléphone pour ne pas perturber le libre exercice de la pensée de celui qui en est le propriétaire.

 

David Shahar, le “Proust oriental” (photo Yehoshua Glotman)

 

C’est précisément cet asservissement volontaire qui est la marque la plus infaillible de l’atteinte à notre liberté que représente la technologie de la communication actuelle. En quoi celle-ci a-t-elle modifié le contenu de notre vie intérieure? Pour le comprendre, revenons à l’exemple de la réminiscence. Jadis, un parfum, un paysage ou une saveur pouvaient évoquer en nous l’image d’un être aimé. Cette réminiscence nous conduisait à faire revivre, par la magie du souvenir, les traits d’un visage ou l’éclat d’une voix. Aujourd’hui, nul besoin de faire travailler notre mémoire : le souvenir artificiel fait remonter régulièrement des images du passé sur nos appareils technologiques, et d’innombrables outils et réseaux sociaux nous permettent de conserver (ou de retrouver) la trace d’anciens amis, camarades de classe ou amours de jeunesse. 

 

Dans ce monde du souvenir artificiel, le plus difficile n’est plus, comme autrefois, de renouer avec une personne que nous avons perdue de vue, mais bien au contraire, d’échapper à la présence virtuelle de personnes avec lesquelles nous avons rompu tout lien. Car il est devenu quasiment impossible de rompre les “liens virtuels” qui nous attachent à tous ceux qui ont croisé notre vie. Tel réseau social fera ainsi remonter l’image d’une personne que nous avons aimée jadis, tandis que tel autre prétendra nous informer des “nouvelles relations” d’une autre personne avec qui nous avions, justement, coupé toute relation… A l’ère des cybermédias et des réseaux "sociaux", il est devenu plus difficile de "tourner la page" que de retrouver la trace d'une personne appartenant à une période révolue de notre vie.

 

Mais ce n’est qu’un aspect secondaire. L’effet le plus grave - et peut-être irrémédiable - de cette invasion par le “souvenir artificiel” réside dans l’atrophie de notre capacité à nous souvenir volontairement, à faire fonctionner le mécanisme subtil et entièrement libre de la remémoration, à laisser notre esprit divaguer librement ou au contraire, à l’orienter volontairement dans la direction que nous avons choisie. Dans les deux cas - rêverie ou réflexion - la technologie numérique nous entrave et nous prive de notre liberté. (à suivre…)

Pierre Lurçat

(1) Parmi lesquels on peut citer les noms de Hannah Arendt, de Liliane Lurçat ou de Neil Postman.

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”Un formidable parcours philosophique… Une méditation sur le sens de nos vies”.

 

Marc Brzustowski, Menorah.info

 

“Une réfexion profonde sur des questions essentielles, comme celle du rapport de l'homme au monde et la place de la parole d'Israël”.

Emmanuelle Adda, KAN / RCJ

 

“Une analyse claire et percutante  de la définition de l’humain dans le monde actuel”

Maryline Médioni, Lemondejuif.info

 

 

En vente dans les librairies françaises d’Israël et sur Amazon.


 

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Les deux visages du cinéma israélien, Pierre Lurçat

July 19 2021, 08:10am

Posted by Pierre Lurçat

 

Le cinéma israélien, tel Janus, possède un double visage. D’un côté, il y a celui que connaissent bien les cinéphiles étrangers, à travers des films comme ceux d’Amos Gitaï, de Nadav Lapid ou de Samuel Maoz, qui abordent régulièrement des sujets comme le conflit israélo-palestinien ou les “fractures de la société israélienne”. C’est un cinéma engagé, parfois prétentieux et souvent ennuyeux. C’est aussi un cinéma qui reçoit les louanges (et les prix, souvent lucratifs) des festivals internationaux, le plus souvent en raison de l’image critique et parfois caricaturale qu’il donne de l’Etat juif. 

 

Pas plus tard qu’hier, le film Le genou d’Ahed de Nadav Lapid a ainsi été couronné du Prix du jury à Cannes. Ce film, selon un journal français, présente “une charge explosive contre la situation politique de son pays”. Mais comme le reconnaît un quotidien suisse, c’est un film “maniéré” et “calibré pour les festivals” (1). Il raconte de manière romancée et ampoulée l’histoire d’Ahed Tamimi, "activiste" palestinienne qui avait connu son jour de gloire pour avoir giflé des soldats israéliens. 

 

Nadav Lapid: un cinéaste engagé… contre Israël




 

Découvrez mon blog http://cinema-israelien.over-blog.com/

entièrement consacré au cinéma israélien!



 

Le retour du cinéma israélien : “Honeymoon”, de Talia Lavie

 

De l’autre côté, il y a celui d’un cinéma plus populaire, souvent méconnu à l’étranger, qui aborde des thèmes plus ordinaires et universels, comme l’amour, la famille ou la vie des gens… Car, contrairement à ce que semblent croire parfois les médias étrangers, Israël n’est pas seulement un pays en guerre, c’est un pays où il fait bon vivre ! Le dernier film de Talia Lavie (Zero Motivation, Bet Lehem), “Ehad ba-Lev” (Honeymoon), appartient incontestablement à la seconde catégorie. C’est un film drôle et touchant, plein d’humour et de poésie, qui se déroule tout entier à Jérusalem, dans l’espace d’une nuit. 

 

Ran Danker et Avigaïl Harari y incarnent un jeune couple qui vient de célébrer son mariage, et dont la nuit de noces mouvementée va les entraîner à la poursuite de leurs “ex” respectifs. A partir de ce scénario simple, qui évoque un peu celui d’After Hours de Scorsese, Lavie a bâti un film original, servi par une distribution excellente. Citons notamment, outre Ran Danker, acteur et musicien, Avigaïl Harari (qui a joué au théâtre dans Othello et Ha-Nekhed), Elisha Banaï (petit-fils de Yossi Banaï, de la mythologique famille Banaï).

 

 

Une des prouesses de cette comédie est de se dérouler tout entière à Jérusalem,  qui est filmée la nuit avec beaucoup de poésie. Certaines scènes du film méritent de devenir des morceaux d’anthologie, comme celle où la jeune mariée se retrouve devant la résidence du Premier ministre, entourée de gardes de sécurité qui entonnent une véritable sérénade à plusieurs voix en son honneur. Les influences cinématographiques, bien présentes (Scorsese déjà cité, Woody Allen), ne font rien perdre au film de son originalité et de son identité israélienne très marquée.

 

Avec humour et sans prétention, le nouveau film de Talia Lavie présente un visage d’Israël très actuel, bien différent de celui qu’on connaît à l’étranger et que Nadav Lapid a offert au public de Cannes. Jérusalem y est décrite comme la ville pleine de charme et de poésie qu’elle est, à mille lieues de son image dans les médias internationaux. Alors, courez voir “Ehad BaLev”, vous serez étonnés et heureux de retrouver le cinéma israélien plein de verve et de vie, après une interruption prolongée.

 

Pierre Lurçat

 

(1) Voir https://www.letemps.ch/culture/genou-dahed-manierisme-nadav-lapid et https://www.politis.fr/articles/2021/07/le-genou-dahed-de-nadav-lapid-cannes-competition-43394/

 

 

 

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La Houtspa sans limite de la Cour suprême israélienne

July 15 2021, 10:48am

Posted by Pierre Lurçat

La Cour suprême d’Israël a dernièrement pris deux décisions très remarquées sur deux dossiers importants et lourds de conséquences. Le premier, la Loi “Israël - Etat-nation du peuple Juif”, a fait l’objet d’une décision de 10 juges sur 11 (l’avis minoritaire étant celui du Juge arabe chrétien Georges Kara), qui a rejeté les pourvois formés contre cette Loi fondamentale par des associations antisionistes, soutenues par l’Union européenne notamment.

 

Dans la deuxième décision, emblématique elle aussi, la Cour suprême a fait droit au recours des associations LGBT en se prononçant en faveur de la GPA pour les couples homosexuels, plaçant ainsi Israël en pointe des pays qui autorisent cette pratique controversée (qui est interdite en France). J’ai évoqué ces deux décisions au micro de Daniel Haïk de Studio Qualita.

 

 

Le point commun entre ces deux décisions, apparemment contradictoires, est que la Cour suprême s’érige dans les deux cas en arbitre ultime - et pour ainsi dire exclusif - du débat public et politique sur des sujets cruciaux, qui touchent aux valeurs et aux normes fondamentales de l’Etat et de la société israélienne, valeurs sur lesquelles il n’existe aucun consensus.

 

En l’absence de tout consensus - et en l’absence même d’une Constitution qui l’autoriserait à mener un “contrôle de constitutionnalité” - la Cour suprême s’est ainsi arrogée, avec une arrogance inégalée dans aucun autre pays - le droit d’invalider des lois de la Knesset (y compris des Lois fondamentales), sans aucun mandat légal pour le faire (comme le reconnaît dans son avis un des juges ayant participé à la décision sur la Loi Israël Etat-nation, David Mintz).

 

L’actuelle présidente de la Cour Suprême, Esther Hayut:

Une “houtspa” sans limite

 

Poursuivant sur la lancée du Juge Aharon Barak (1), instigateur de la “Révolution constitutionnelle” dans les années 1990 et partisan d’un activisme judiciaire sans limite, la présidente Esther Hayout entend ainsi préserver le pouvoir exorbitant que s’est arrogée la Cour suprême et développer la politique arrogante par laquelle celle-ci s’est transformée en premier pouvoir, au mépris de la Knesset, du gouvernement et des principes fondamentaux de toute démocratie authentique.

P. Lurçat

 

(1) Sur le juge Barak et sa “Révolution constitutionnelle”, je renvoie le lecteur aux articles suivants: “Aharon Barak et la religion du droit”. (partie I) et “Le fondamentalisme juridique au coeur du débat politique israélien” (Partie II), ainsi qu’à mon intervention au Colloque de Dialogia “Où va la démocratie israélienne?”, devant faire l’objet d’une publication dans le prochain numéro de la revue Pardès.

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מה היה אומר ז'בוטינסקי על מדינת ישראל היום?

July 12 2021, 07:25am

Posted by Pierre Lurçat

Pour mes lecteurs hébraïsants, je reproduis cet article paru ce matin dans Makor Rishon.

 

אילו היה ז'בוטינסקי חוזר לחיים ומתהלך בינינו כיום, הוא כנראה היה מתפלא מעצם קיומה של מדינת ישראל ונרגש מהישגיה הרבים בכל התחומים, ובמיוחד בתחומי הכלכלה, הרפואה והביטחון. כידוע, ז'בוטינסקי היה חסיד נלהב של היוזמה הפרטית והוא סלד מהגישה הכלכלית-ריכוזית ומהבוז שרחשו הוגים ציוניים רבים בני זמנו לסוחרים ולבעלי הון יהודים. לכן אפשר להניח שהיה שמח לראות שמדינת ישראל, בשנת ה- 73 לקיומה, הפכה למעצמה בתחום ההיי-טק ופיתחה כלכלה חופשית, אשר אינה דומה כלל לזו שהכיר בתקופת היישוב.

למרות כל אלו, ז'בוטינסקי היה רואה בעין פחות יפה את פניה האחרות של מדינתנו. תחילה בתחום הכלכלה והחברה, שהיה קרוב לליבו. משה בלע, בספרו "עולמו של ז'בוטינסקי", כותב ש"לא הניחו שאלות תיקון החברה לנפשו הרגישה של ז'בוטינסקי''. סביר להניח כי הוא היה מתרגז מהעובדה שמדינת ישראל אכן הפכה להיות "START-UP NATION", אך ויתרה במידה רבה על חזון השוויון והצדק של נביאי ישראל, חזון אשר הוא היה שותף לו. קיומם של אלפים רבים החיים מתחת לקו העוני לא היה נותן לו מנוחה. כזכור, הוא נלחם בעוני וראה בכך פגיעה בכבודו של האדם הנברא בצלם אלוקים (כלשונו).

לא כולם זוכרים היום שז'בוטיסקי חיבר "פרקים בפילוסופיה הסוציאלית של התנ"ך'', שם פיתח גישה מאוד חדשנית ונועזת לפתרון בעיית העוני ברוח התורה בכלל, וברוח רעיון היובל בפרט. כפי שכתב:  "אני מאמין… שהחברה תעמיד לרשותו של כל אחד מאתנו את המינימום החומרי היסודי, ממש כמו שכבר כיום מעמידה היא לרשותו של כל אחד מאתנו את המינימום הרוחני – את בית הספר היסודי הכללי. רעב וקור וחוסר קורת-גג ייעלמו כליל." והוא המשיך בתיאור "עולם אשר בו תהא המלה "רעב" מצלצלת כאגדה מימים קדומים, עולם אשר בו יפוגו תשע מידות מן המרירות הטראגית, המציינת היום את ההבדל בין עני לעשיר''.

צילום: בית"ר העולמית
צילום: בית"ר העולמית

כמובן, תיאור זה אשר נראה היום כל כך רחוק מהמציאות הישראלית אינו מבוסס על תורת מרקס ואינו מכוון לכלכלה סוציאליסטית, שז'בוטינסקי סלד ממנה. הוא מבוסס כל כולו על התנ"ך ועל רעיונות השבת, הפאה והיובל, אותם ז'בוטינסקי רצה לחדש ולהפוך לבסיס השיטה הכלכלית והחברתית של מדינת ישראל אשר תקום. כפי שעוד כתב : "בוא יבוא מרקס חדש ויכתוב שלושה כרכים על האידיאל שלה, ואפשר, לא "הקאפיטאל" יהיה שמה, אלא "היובל"

דבר נוסף שכנראה היה מרגיז אותו מאוד כיום הוא רמת הביטחון האישי בישראל, ועצם העובדה שיהודים מותקפים ונרצחים רק בשל היותם יהודים. ז'בוטינסקי, שהפך לציוני אחרי הפוגרומים בקישינב, היה מתעצב ומתקומם כנגד המראות הקשים של הפרעות שחווינו לפני כחודש בעכו, בלוד ובמקומות אחרים בארץ. אני אף מתאר לעצמי שהוא היה מוכן לשבת בכלא (כפי שקרה לו בתקופת המנדט הבריטי), העיקר לא להישאר אדיש לגורל אחיו במדינת היהודים.

 

ז'בוטינסקי גם היה מתקומם כנגד קיומן של מפלגות ערביות שחרטו על דגלן את המאבק נגד עצם קיומה של מדינת ישראל כמדינה יהודית. שהרי תמיכתו בזכויות שוות לאזרחים יהודים וערבים היה מותנה בקבלת עיקרון שלטון הרוב. ז'בוטינסקי לא  רק היה מצטער לראות איך חלק מערביי ישראל מתנהגים כמיעוט חתרני בתוך כנסת ישראל, אך יותר מכך היה מצטער לראות איך היהודים אינם מתנהגים כרוב גאה ובטוח בצדקת דרכו ובזכויותיו.

ולבסוף, הוא היה נרגז וכואב לראות איך רעיון "קיר הברזל" שלו – אשר עליו מבוססת תורת ההגנה של צה"ל כולה – התהפך עם המצאת "כיפת ברזל". אכן, כיפת הברזל מנוגדת בעליל לעיקרון קיר הברזל, בכך שהיא שוללת מאיתנו את הזכות ואת החובה המוסרית לתקוף את אויבנו ולמנוע מהם את עצם הרצון לתקוף אותנו, כמו שהסביר ז'בוטינסקי במאמרו המפורסם לפני כמאה שנה.

https://www.makorrishon.co.il/opinion/372575/

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Chroniques citoyennes d’un suicide programmé, d’Evelyne Tschirhart

July 11 2021, 14:25pm

Posted by Pierre Lurçat

J’avais beaucoup aimé Le Tranchant de la lumière, d’Evelyne Tschirhart. Professeur honoraire d’art plastique, peintre et photographe, elle a publié plusieurs ouvrages sur l’état de l’école en France. Son dernier livre, Chroniques citoyennes d’un suicide programmé, élargit la cible en abordant les différents domaines de la décadence française. Son diagnostic est clair, son style plein de verve et d’humour.

 

Depuis une trentaine d’années, voire plus, notre pays s’enlise dans l’abandon de son identité : celle de la famille, de la religion, de la culture, pour laisser la place à une société multiculturelle vouée à la décadence politique, au profit d’un totalitarisme encore feutré, mais où la violence fait force de loi”.

 

Pour illustrer ce constat, que de nombreux observateurs ont fait depuis plusieurs décennies, l’auteur aborde des sujets aussi divers que l’enseignement (qu’elle connaît bien pour avoir été institutrice puis professeur), les moeurs, l’islam ou l’art contemporain. Ce livre réunit des chroniques parues depuis une dizaine d’années dans différents médias et revues français.



 

 

Le livre s’ouvre sur cette anecdote rapportée par Allan Bloom en 1985, qui n’a rien perdu de sa pertinence : “Quand j’ai commencé à prendre conscience du déclin de la lecture, c’est-à-dire vers la fin des années soixante, j’ai pris l’habitude de demander aux élèves... quels étaient les livres qui comptaient vraiment pour eux. La plupart d’entre eux demeuraient muets… La notion de livres considérés comme des compagnons de route leur est étrangère” (in L’âme désarmée, essai sur le déclin de la culture générale).

 

Comme souvent, les observateurs américains les plus lucides (parmi lesquels on peut citer, outre Allan Bloom, le nom de Neil Postman) ont décrit une réalité qui a depuis gagné les autres continents. L’originalité du livre d’Evelyne Tschirhart est de relier le déclin de l’enseignement et de la culture générale à d’autres sujets, apparemment différents, en montrant comment ils participent du même phénomène.
 

Evelyne Tschirhart

 

Ainsi de l’art contemporain (AC), cet “art du vide” dont elle montre les présupposés idéologiques en critiquant avec humour ses thuriféraires. La partie du livre consacrée à l’islam contient des réflexions importantes, de même que celle sur l’enseignement. L’auteur rapporte des anecdotes tirées de son expérience, comme cet échange ubuesque entre une jeune prof s’adressant ainsi à ses élèves : “Taisez-vous, vous me faites ch…”, pour se voir répondre : ”M’dame, ça se fait pas, et le respect alors!”.

 

Pour un lecteur israélien, la lecture du livre d’Evelyne Tschirhart procure un double sentiment. Celui que notre pays partage beaucoup des travers analysés en France, tout d’abord. Mais aussi celui que notre sort est malgré tout plus enviable, car - pour reprendre une métaphore du rav Kook - les maux et les épreuves que nous subissons en Israël sont les “douleurs de l’enfantement”, tandis que celles de la France sont visiblement les “douleurs de l’agonie”. Un livre salutaire.

Pierre Lurçat

 

E. Tschirhart, Chroniques citoyennes d’un suicide programmé, éditions de Paris/Max Chaleil 2021.

 

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Les conceptions économiques et sociales de Jabotinsky

July 8 2021, 12:44pm

Posted by Olivier Ypsilantis

Les conceptions économiques et sociales de Jabotinsky

Je publie cet article d'Olivier Ypsilantis à l'occasion de l'anniversaire du décès de Jabotinsky, qui est marqué aujourd'hui en Israël. J'ai évoqué ce sujet avant-hier dans une conférence donnée en souvenir de Jacques Kupfer, disponible ici. Que le souvenir de ces deux grands Juifs soit béni. P.I.L

 

J’ai devant moi un petit livre, trois textes de Vladimir Zeev Jabotinsky publiés pour la première fois en français par Pierre Lurçat, traducteur de Jabotinsky. Ce livre s’enrichit d’une présentation et de notes, également de Pierre Lurçat. Titre : « La rédemption sociale », sous-titre : « Éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque ». Ce livre qui s’annonce comme le premier tome de la « Bibliothèque sioniste » est dédié à Jacques Kupfer (1946-2021), un sioniste très actif, décédé le 10 janvier. Je me permets de mettre en lien cet hommage à Jacques Kupfer (zal) mis en ligne par l’Organisation sioniste mondiale en France :

https://osmfrance.fr/hommage-a-jacques-kupfer-zal/

Ce livre publié par Pierre Lurçat est précieux, et il s’agit d’une « première » considérant que la pensée économique et sociale de Jabotinsky n’est exposée de manière exhaustive et systématique dans aucun écrit. Les écrits de Jabotinsly sur cette question restent épars. Remercions Pierre Lurçat de les avoir rassemblés et proposés à un public francophone.

Ce livre fait moins de soixante pages. Il a été publié suivant le même procédé que « Seuls dans l’Arche ? Israël, laboratoire du monde ». Ces trois textes ont été écrits dans les années 1930, peu après la Great Depression. Leurs titres sont dans l’ordre : « La rédemption sociale », « Éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque » (texte articulé en deux parties : a. « Celui qui lutte avec Dieu » ; b. « La protection sociale ») et « L’idée du Yovel ».

Jabotinsky est souvent mal connu, envisagé comme un va-t’en-guerre et un sympathisant du fascisme, un cœur dur. Il est vrai que cet esprit exigeant et rigoureux m’a jamais donné dans la démagogie, ce que lui reprochent probablement nombre de ses détracteurs, des démagogues qui ne savent pas que la démagogie trouble le regard et, en conséquence, le jugement.

Jabotinsky a été tellement occupé par le sionisme et l’édification de l’État juif qu’il n’a pu consacrer plus de temps aux questions économiques et sociales ; elles sont pourtant au cœur de ses préoccupations. Mais tout d’abord, comment circonscrire la place de la Bible (Tanakh) dans la pensée sioniste moderne ?

 

Vladimir Zeev Jabotinsky (1880-1940)

 

Jabotinsky s’est indéfectiblement envisagé comme un continuateur de Theodor Herzl au sionisme duquel il a ajouté une dimension militaire. Mais l’un et l’autre ont étudié la Tanakh et l’ont prise très au sérieux. Loin de lire la Torah comme un récit mythique, ces deux grands sionistes l’ont envisagée comme le livre de l’Histoire nationale juive. La Tanakh irrigue donc la pensée politique de Jabotinsky mais aussi, et plus encore, sa pensée économique et sociale.

Jabotinsky a été imprégné de socialisme dans sa jeunesse, notamment au cours de ses années romaines, à l’université puis en tant que journaliste chargé de couvrir l’actualité parlementaire au Palazzo Montecitorio. A ce propos, je recommande la lecture de l’autobiographie de Jabotinsky, traduite et présentée par Pierre Lurçat sous le titre « Histoire de ma vie » :

http://www.lesprovinciales.fr/livre/histoire-de-vie/

Cette sympathie à l’égard du socialisme va être « détruite de fond en comble par l’expérience rouge en Russie », un pays où il avait été marqué par la misère des Juifs.

Pour Jabotinsky, tous les hommes naissent et demeurent égaux. Il juge que le concept (marxiste) de classe est égoïste ; par ailleurs, ses réflexions politiques, économiques et sociales achèvent de l’éloigner du marxisme, des réflexions fondées sur la lecture de la Tanakh. Le socle de ces réflexions : la notion de Tikkoun Olam (réparation du monde). J’y reviendrai. Le Tikkoun Olam tel qu’il l’envisage pose l’impératif du combat contre la pauvreté. A cet effet, Jabotinsky élabore le programme des « cinq Mem » que nous verrons dans la présentation de « La rédemption sociale », un article en partie inspiré de Joseph Popper-Lynkeus (1838-1921), auteur de « L’obligation alimentaire générale » qui pose que l’État doit libérer tout citoyen de ces besoins fondamentaux que sont : l’alimentation, l’habillement et le logement. Jabotinsky y ajoute l’éducation et la santé.

La philosophie sociale biblique de Jabotinsky a deux volets : 1) La « protection sociale », avec le shabbat comme origine de toute la législation sociale moderne. 2) La « rédemption sociale » et le Yovel.

Jabotinsky estime que les socialistes veulent changer toute la structure économique de la société plutôt que de se concentrer sur l’essentiel, soit la suppression de la pauvreté – ce que prône la Bible, la Bible qui par ailleurs n’entend pas supprimer la concurrence, moteur de l’économie. Les socialistes veulent supprimer toute différence. La Bible veut « rétablir de manière périodique un minimum d’égalité et de justice sociale, en “remettant les compteurs à zéro” » : il s’agit pour ceux qui sont en compétition de se reposer avant de reprendre la lutte.

Cette notion de Yovel (Jubilé) peut sembler irréaliste, elle ne l’est pas tant si l’on considère que le projet sioniste n’a pas d’équivalent dans l’histoire de l’humanité, un projet qui paraissait fumeux jusqu’à 1948 et la refondation de l’État d’Israël. Le Yovel ne s’inscrit pas dans un programme économique, il est tension vers un idéal, tout comme l’est la prophétie d’Isaïe selon laquelle « les épées seront transformées en soc de charrue ». Et il y a bien un lien entre ces deux tensions : Jabotinsky explique dans son programme de « protection sociale » que les obligations de l’État (que nous venons d’énumérer) envers ses citoyens seraient déjà effectives si les dépenses d’armement n’étaient pas ce qu’elles sont. C’est donc méconnaître Jabotinsky que de faire du Roch Betar un va-t’en-guerre et un admirateur du fascisme. Jabotinsky fut un authentique pacifiste et un disciple des prophètes d’Israël.

Mais qu’en est-il d’Israël aujourd’hui ? Le pays est passé d’une économie socialiste à une économie ultra-libérale, avec inégalités croissantes et pauvreté qui touche une part importante de la population. A la lumière de ses réflexions économiques, on peut dire que Jabotinsky aurait refusé le socialisme dirigiste et centralisateur du parti travailliste (de la période pré-étatique au changement de majorité en 1977) mais aussi le capitalisme libéral (des années 1990 à aujourd’hui).

La pensée économique de Jabotinsky reste inachevée. Ne pourrait-on pas néanmoins s’en inspirer pour réformer l’économie du pays en évitant le socialisme dirigiste autant que le capitalisme libéral ?

Jabotinsky place l’individu au-dessus de tout et se dit « libéral bourgeois convaincu ». « Tout individu est roi » pourrait être sa devise, la devise du Roch Betar. Il pose que la misère doit être combattue, éradiquée. Il se dit partisan d’un État minimal mais aussi d’un État engagé dans la « protection sociale ». Il convient de considérer la complexité de sa pensée sans chercher à l’annexer au camp libéral ou social-démocrate. Jabotinsky est bien l’homme d’une « troisième voie » économique : interventionnisme étatique afin d’assurer les besoins fondamentaux des individus ; retrait de l’État afin de préserver et stimuler l’initiative individuelle et l’esprit d’entreprise. Ces deux principes sont-ils radicalement antagonistes ?

Israël a su faire la paix avec une partie du monde arabe en suivant les principes du « Mur de fer » (ou « Muraille de fer »), texte fondamental de Jabotinsky que je remets en lien tant il me semble important :

http://www.monbalagan.com/29-israel/sources-israel/1477-1923-zeev-jabotinsky-la-muraille-de-fer.html

Ne pourrait-on pas trouver dans les propositions économiques de Jabotinsky une voie vers une société plus empreinte de justice sociale, sans pour autant porter préjudice au dynamisme de l’économie israélienne, cette « Start-Up Nation » ?

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

https://zakhor-online.com/?p=20150

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