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Yair Stern, le poète combattant du Lehi, par Pierre I. Lurçat

January 31 2019, 14:21pm

Posted by Pierre Lurçat

Avraham_Stern.jpg

Le 25 Shevat marque le "Yarhzeit" d'Avraham Stern, dit "Yaïr", un des plus grands héros de la Renaissance nationale juive en Eretz-Israël, tombé sous les balles anglaises. יהיה זכרו בּרוך Que la mémoire de ce grand combattant soit bénie! 

 

A l’occasion du 70e anniversaire de la mort d’Avraham (Yair) Stern, assassiné par la police britannique à Tel-Aviv le 12 février 1942, la 1e chaîne de télévision israélienne a diffusé hier soir un documentaire exceptionnel sur la figure légendaire du combattant de l’ombre, fondateur et dirigeant du Lehi, réalisé par son fils. Ce dernier, qui porte le prénom de guerre de Yair, a voulu à travers ce film suivre les traces de ce père qu’il n’a pas connu. Ancien directeur général de la télévision israélienne, Stern est en effet né en 1942, quelques mois seulement après la disparition tragique du chef du Lehi. Cet élément confère à son film une dimension supplémentaire : plus qu’un documentaire historique, il s’agit d’un film initiatique relatant la recherche par un fils des traces de son père, illustre combattant qu’il n’a connu qu’à travers les témoignages de ceux qui l’ont côtoyé, et au premier plan, de sa mère, Roni.

 

10.jpg

Récépissé d'inscription de Yair Stern à l'université de Florence, 1934

Le film nous emmène de Pologne en Eretz-Israël, puis en Italie, jusqu’au dénouement tragique, dans une petite rue du quartier de Florentine à Tel-Aviv. Né en Pologne en 1907, le jeune Avraham Stern monte en Israël à l’âge de 17 ans et étudie, d’abord au lycée Gymnasia Ivrit de Jérusalem, puis à l’université hébraïque (qui est à l’époque une institution encore modeste). Très vite, il se révèle un étudiant doué, passionné de littérature, de poésie et de lettres classiques. 

 

Engagé en 1929 dans la Haganah, il rejoint bientôt les rangs de l’Irgoun, organisation clandestine proche du mouvement sioniste révisionniste de Jabotinsky. A cette période déjà, il écrit des poèmes marqués par sa vision très particulière du combat national juif, et notamment son fameux Hayalim Almonim (« Soldats anonymes »), qui deviendra après sa mort l’hymne du Lehi.

Yair-Hayalim-Almonim.jpg

 

 

En 1934 il part à Florence *, faire un doctorat sur « Eros dans la poésie grecque ». Le film montre bien comment Yair est partagé entre sa passion des lettres classiques et son engagement politique. Dans une scène particulièrement émouvante, son fils retrouve les appréciations élogieuses des professeurs de Stern dans les archives de l’université catholique de Florence (de nombreux étudiants d’Eretz Israël partaient à l’époque étudier en Italie, comme le relate l’ancien ambassadeur Jacob Tsur dans son beau livre, Prière du matin).

 

160209yair.gifAvraham Stern est extrêmement doué mais, lorsque sa compagne lui fait part de l’offre alléchante de l’université hébraïque, qui lui propose de devenir professeur à Jérusalem, il refuse sans hésiter, déclarant qu’il préfère « mourir comme soldat anonyme que devenir un professeur fameux pendant cinquante ans… » Prémonition ou prophétie ?

 

Dès cette époque, les poèmes de « Yair » sont marqués par une vision saisissante de la catastrophe qui approche, mais aussi de son destin personnel. « Aujourd’hui j’écris avec le stylo, demain avec l’épée. Aujourd’hui avec l’encre, demain avec mon sang… » Comme Jabotinsky et d’autres, il pressent la Shoah. A la demande de David Raziel, commandant de l’Irgoun, il se rend à Varsovie pour acheter des armes.

 

Un aspect émouvant du film est la relation passionnée de Yair avec Roni, qui deviendra sa femme, après de nombreuses années d’hésitation : le combattant de l’ombre refuse en effet de lui faire partager son sort. Comme il l’écrit dans un de ses plus fameux poèmes, il a épousé la cause sioniste, ce qui laisse peu de place à la vie de famille… « Tu m’es consacrée, ô ma patrie ! ». Le Lehi, issu d’une scission au sein de l’Irgoun, représente la ligne maximaliste de ceux qui ne renonceront jamais au combat contre l’occupant anglais, même en pleine Guerre mondiale.

 

PikiWiki_Israel_5687_abraham_stern(yair)_grave.jpgLorsque Yair est assassiné en 1942 par la police britannique, le mouvement qu’il a fondé est orphelin, ses militants pourchassés et dénoncés, y compris par les membres des organisations rivales. Mais deux ans plus tard le Lehi est reconstitué, sous la direction d’un triumvirat (Yelin-Mor, Eldad et Shamir, futur Premier ministre d’Israël). Et le combat reprend contre l’occupant anglais, sans répit et sans pitié… Le reste appartient à l’histoire d’Israël.

 

* Documents rares concernant la jeunesse et les études de Stern en Italie sur le site http://www.freeebrei.com/home/i-documenti/sionismo/una-stella-a-firenze

Le lecteur  francophone qui veut en savoir plus sur le LEHI ("groupe Stern") pourra lire le beau livre de Gerold Frank, "Le groupe Stern attaque", paru chez Robert Laffont en 1964.

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Quel droit pour l’Etat d’Israël ? Réflexions sur le système juridique israélien, Pierre Lurçat

January 31 2019, 07:53am

Posted by Pierre Lurçat

 

“Et voici les lois que tu leur exposeras” (Exode 21). Le mot "Et" par lequel commence la parasha (lecture hebdomadaire de la Torah) que nous lirons samedi, Michpatim (“Les lois”) renferme un des problèmes les plus cruciaux qui divise la société israélienne aujourd'hui : celui du fondement du droit et par là même, du caractère – juif ou occidental – du système juridique israélien. Commentant ces mots qui introduisent la parashat Mishpatim, le grand commentateur Rachi explique en effet que ce vav implique un ajout à ce qui précède, ce dont il déduit que le droit civil, tout comme les Dix Commandements lus précédemment, a été proclamé au Sinaï. "Et pourquoi les lois civiles font-elles immédiatement suite à celles relatives à l'autel ? Pour te dire que tu devras installer le Sanhédrin près du Sanctuaire..." Ce qui veut dire, en d'autres termes, que le droit positif est d'origine transcendante, tout comme la morale, et que la Cour suprême d'Israël devrait siéger près du Temple reconstruit. Programme révolutionnaire ! Encore faudrait-il qu'elle applique le droit d'Israël, et pas le "Droit israélien"...

 

La Cour suprême d'Israël

 

Droit hébraïque et langue hébraïque

 

Dans son ouvrage monumental, Le droit hébraïque *, le juge Menahem Elon compare le destin qu'a connu le droit hébraïque à l'époque contemporaine à celui de la langue hébraïque. Cette dernière, on le sait, a été ressuscitée et est redevenue une langue parlée, en grande partie grâce à l'action d'Eliezer Ben Yehouda, pionnier de la renaissance de l'hébreu, qui consacra toute sa vie à cette tâche titanesque. Le droit hébraïque, de son côté, ne connut pas le même sort. Alors même que de nombreux penseurs, juristes et rabbins étaient convaincus que l'Etat d'Israël allait adopter comme système juridique le droit juif bimillénaire, l'histoire leur donna tort. Au lendemain de la Déclaration d'Indépendance du 14 mai 1948, une Ordonnance sur les pouvoirs publics et le droit fut promulguée, affirmant le principe de "continuité du droit" en vertu duquel le droit en vigueur en Palestine mandataire, à la veille de la création de l'Etat, continuait de s'appliquer.

 

En clair, cela signifiait que l'Etat d'Israël renaissant adoptait comme système juridique le droit applicable dans la Palestine sous mandat britannique, constitué de plusieurs strates dont les principales étaient le droit anglo-saxon et le droit ottoman. C'est sur ce socle hétéroclite que s'est construit le droit israélien, en tant que synthèse juridique originale. Ce n'est qu'en 1980 que fut définitivement coupé le "cordon ombilical" reliant le système juridique israélien au droit anglais. Mais on trouve encore - en creusant le système juridique israélien - des traces des occupants successifs de la terre d'Israël, et notamment celles de la présence turque et de la domination anglaise.

 

 

Et le droit hébraïque ? Aux yeux de l'observateur profane, il se réduit au seul statut personnel, et plus exactement au mariage et au divorce, soumis au droit de la Thora appliqué par les tribunaux rabbiniques. Encore cette compétence rabbinique est-elle contestée par de nombreux secteurs du public israélien, et remise en cause par l'activisme de la Cour suprême, qui tend à la diminuer de plus en plus... Le droit hébraïque est ainsi réduit à une véritable peau de chagrin. Cette situation paradoxale n'est pas le fruit d'une fatalité, mais celui des circonstances historiques et politiques qui ont présidé à l'avènement de l'Etat. Peut-être aussi le droit hébraïque n'a-t-il pas eu son Eliezer Ben Yehouda, contrairement à l'hébreu, qui a réussi à s'imposer face au yiddish (et à l'allemand), au terme d'une "guerre des langues" dont on a oublié aujourd'hui la virulence et les multiples péripéties.

 

 

Qu'est-ce que le droit hébraïque ?

 

Mais que désigne-t-on par l'expression de "droit hébraïque" ? S'agit-il du droit appliqué aujourd'hui par les tribunaux rabbiniques, en matière familiale principalement et aussi en matière civile - au sein des communautés juives orthodoxes qui refusent de porter leurs différends devant les tribunaux étatiques ? Ou peut-être s'agit-il du droit de la Torah, tel qu'il apparaît dans les cinq livres de la Bible, remplis de dispositions légales dont certaines paraissent au lecteur non averti tellement cruelles et anachroniques, comme la lapidation de la femme adultère ?

 

Menahem Elon z.l.

 

En réalité, pour citer le juge Menahem Elon, "lorsqu'on parle de droit hébraïque, on a tendance à oublier qu'il s'agit de près de 300 000 responsa connues ; d'un système de droit qui a été florissant pendant des siècles, en dépit du fait que le peuple juif était privé d'indépendance politique et de patrie... Il s'agit du système juridique le plus riche au monde, s'appliquant dans tous les domaines. On oublie aussi parfois que 80% du droit hébraïque traite de droit pénal, civil et constitutionnel, et 20% seulement de questions religieuses". Ce que nous disent Menahem Elon, et beaucoup d'autres spécialistes du même avis, c'est que le droit hébraïque n'est pas un simple vestige historique, ou un souvenir de la grandeur passée du peuple juif : il s'agit d'un véritable trésor culturel, qui fait la spécificité du peuple juif, et dont il peut légitimement s'enorgueillir. Malheureusement, au lieu d'être considéré comme tel, le droit hébraïque est victime de l'abandon et de l'ignorance, y compris parmi les spécialistes du droit en Israël. Comme l'explique Elon, "les juges ne connaissent tout simplement pas le droit hébraïque, pour la simple raison qu'ils ne l'ont pas étudié".

 

Et si le droit hébraïque devenait le droit de l'Etat d'Israël ?

 

Quelles seraient les conséquences de l'adoption du droit hébraïque comme droit positif de l'Etat d'Israël ? Cela nécessiterait évidemment un travail considérable de création juridique et de mise à jour de dispositions anciennes, pas toujours adaptées aux réalités économiques et sociales actuelles. Un tel travail est déjà entrepris par plusieurs institutions, qui œuvrent dans ce domaine en Israël. Au-delà des conséquences pratiques, découlant de modifications du droit existant dans plusieurs domaines importants, un tel bouleversement aurait surtout une importance symbolique : il signifierait que l'Etat d'Israël n'est pas un Etat purement occidental, ayant pour ambition de devenir la "Suisse" (ou le Hong Kong) du Moyen-Orient, mais bien un Etat juif, héritier et continuateur d'une tradition bimillénaire, dont le droit constitue un des aspects essentiels.

 

 

Une telle perspective fait peur à de nombreux Israéliens, qui considèrent le droit juif comme anachronique. Cette image négative doit beaucoup, il faut le reconnaître, à la situation qui règne aujourd'hui au sein des tribunaux rabbiniques, censés appliquer le droit juif en matière matrimoniale. Le Beth-Din souffre en effet de problèmes graves, qui sont souvent les mêmes que ceux qui affectent les tribunaux civils : bureaucratie, lenteur et inefficacité des procédures. Mais cela est d'autant plus grave lorsque les juges prétendent appliquer une loi qui n'est pas celle édictée par la Knesset, mais celle que D.ieu a dictée à Moïse sur le Mont Sinaï ! Il est difficile d'imaginer aujourd'hui que le droit hébraïque remplace un jour le système juridique actuel. Mais il faut se souvenir du temps où Herzl, fondateur du sionisme politique, préconisait comme langue officielle du futur Etat juif... l'allemand! (Il changea d'avis par la suite). Les références de la Cour suprême d'Israël à la jurisprudence des tribunaux canadiens ou européens paraîtront peut-être un jour aussi saugrenues que nous paraît aujourd'hui l'idée d'un Etat juif parlant allemand. Comme disait Herzl, "si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve!"


 

* Hamishpat Haivri, Magnes, Jérusalem. Cet ouvrage de référence a été traduit en anglais (Jewish Law, Philadelphie 1994) mais pas en français. (+ ajouter références en français)

 

Extrait de mon dernier livre, Israël, le rêve inachevé, éditions de Paris / Max Chaleil. Je le dédidacerai à Tel-Aviv le 17 février et parlerai de "La contestation de l'Etat juif par les élites israéliennes".

 

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Hitler et le Mufti: retour sur l'alliance occultée entre le nazisme et le mouvement national palestinien, Pierre Lurçat

January 27 2019, 11:38am

Posted by Pierre Lurçat

Hitler et le Mufti: retour sur l'alliance occultée entre le nazisme et le mouvement national palestinien, Pierre Lurçat

 

A l’occasion du 27 janvier, Journée internationale de la mémoire des victimes de la Shoah, l’historien et militant anti-israélien Jean-Pierre Filiu a exposé sur France Inter un des multiples arguments mensongers de son récent livre ; celui qui prétend que Nétanyahou aurait faussement accusé le grand mufti Al-Husseini de complicité dans la Shoah, pour servir ses intérêts idéologiques. En réalité, comme je l’avais souligné à l’époque, ce sont la gauche israélienne et européenne qui ont occulté avec complaisance l’implication du Mufti pronazi dans l’élaboration et dans l’exécution du projet hitlérien d’extermination des Juifs.

Hadj Amin Al-Husseini, fondateur du mouvement national palestinien (et oncle de Yasser Arafat), était non seulement un nazi convaincu, mais il a activement incité les dirigeants nazis et Hitler lui-même à activer la "Solution finale", comme je le relate ci-dessous dans mon livre Le Sabre et le Coran. Rétrospectivement, on ne peut que s'interroger sur les motivations de la France qui a libéré le mufti nazi en 1945 en le faisant échapper à la potence. La réponse est que la diplomatie française pressentait le rôle qu'Al-Husseini, comme Arafat plus tard, pouvait jouer pour contrer le sionisme et la renaissance nationale juive en Eretz Israël... 

 

SABRE CORAN.jpgDans l'extrait suivant de mon livre, Le Sabre et le Coran, j'évoque l'implication active du Mufti de Jérusalem dans la politique anti-juive du Troisième Reich, ses relations amicales avec Hitler et son rôle d'incitation actif en vue de l'extermination des Juifs d'Eretz-Israël (qui resta heureusement à l'état de projet). Ces pages sont versées au dossier historique passionnant des rapports entre nazisme, islamisme et palestinisme, dossier encore largement inexploré pour des raisons évidentes. 

Les Frères musulmans et la question palestinienne

L'implication des Frères musulmans dans la question palestinienne est étroitement liée à leurs relations avec le Haut Comité arabe et son dirigeant, le Mufti de Jérusalem Haj Amin Al-Husseini. Le Guide des Frères musulmans et le Mufti partagent une même vision du monde, une même haine des Juifs et de l'Angleterre, et une même admiration pour les régimes fasciste et hitlérien. Dès 1935, le frère du Guide suprême, Abd Al-Rahman Al-Banna, se rend en Palestine, où il rencontre Al-Husseini. De son côté, Hassan Al-Banna écrit au Mufti pour l'assurer de son soutien 24. Les deux hommes vont établir une collaboration étroite, et des liens personnels qui se poursuivront jusqu'à la mort d'Al-Banna en 1949. Leur collaboration se traduit par une aide réciproque : les Frères musulmans collectent des fonds pour le Haut Comité arabe de Husseini, et ce dernier leur apporte une justification idéologique et des thèmes de propagande, grâce auxquels les Frères musulmans galvanisent les foules égyptiennes et attirent des milliers de membres et de sympathisants. Jusqu'au milieu des années 1930, la question palestinienne n'avait joué quasiment aucun rôle dans la politique égyptienne. Certains écrivains et hommes politiques égyptiens avaient même exprimé leur intérêt et leur admiration envers les pionniers sionistes, à l'instar du célèbre penseur musulman Rashid Rida, rédacteur en chef du journal Al-Manar 25. Mais les émeutes de 1936 fomentées par le Mufti de Jérusalem et leurs répercussions en Egypte vont profondément modifier la situation.

 

 Au début de l'été 1936, le Haut Comité arabe envoie des émissaires en Egypte, afin de mobiliser les autorités religieuses, gouvernementales et les médias en faveur de la cause arabe en Palestine 26. Pour sensibiliser l'opinion arabe, ils prétendent que les Juifs ont voulu profaner les Lieux saints musulmans à Jérusalem, prétendument pour « reconstruire le troisième Temple sur l'emplacement de la mosquée d'Omar ». Cette rumeur est répercutée par les mosquées, dans lesquelles les prédicateurs déclarent que c'est une obligation religieuse pour chaque musulman de s'engager dans le jihad en faveur de la Palestine. La campagne de propagande est relayée par des comités de solidarité, qui organisent des manifestations et des collectes en faveur de leurs « frères » arabes en Palestine. Certains membres des Frères musulmans égyptiens prennent part aux émeutes antijuives en Palestine entre 1936 et 1939 25. Lors de la première guerre israélo-arabe de 1947-48, l'engagement des Frères musulmans se manifestera par l'envoi de volontaires pour « combattre les Juifs ». Nous reviendrons sur cet épisode, dans lequel Said Ramadan, gendre d'Al-Banna et père de Tariq Ramadan, a joué un rôle important 27.

 

Très rapidement, la cause arabe en Palestine sert de prétexte à de violentes attaques contre les Juifs égyptiens, accusés d'être une « cinquième colonne » sioniste. En mai 1936, les Frères musulmans appellent au boycott des magasins juifs en Egypte, instaurant ainsi une pratique que l'on retrouvera en Europe lors de la nouvelle vague d'antisémitisme des années 2000-2002 28. Des tracts sont distribués, appelant au boycott des marchandises et des magasins juifs. Le journal Al-Nadhir publie une rubrique régulière intitulée « Le danger des Juifs d'Egypte ». Il publie également les noms et adresses des hommes d'affaires juifs et de journaux accusés d'être « aux mains des Juifs ». Quant à l'organe des Frères musulmans, Jaridat al-Ikhwan al Muslimin, il publie à la fin des années 1930 de nombreux articles accusant les Juifs de conspirer contre l'Islam. Il les accuse tantôt d'avoir intrigué contre le prophète, reprenant les thèmes de l'antijudaïsme musulman traditionnel, tantôt de « comploter en vue de détruire le monde » et d'être les instigateurs du mouvement communiste international 29.

 

La campagne de boycott des magasins juifs en Egypte, organisée tout d'abord par les Frères musulmans, est très vite reprise par d'autres mouvements et partis politiques, parmi lesquels Jeune Egypte, qui en fait sa principale activité politique à partir de 1939. Un comité pour le boycott des Juifs d'Egypte est également constitué à l'université Al-Azhar, distribuant des tracts aux étudiants. Ces appels au boycott se traduisent fréquemment par des violences physiques à l'encontre des Juifs, les manifestants se rendant souvent dans le quartier juif du Caire pour trouver un exutoire à leur haine. L'hostilité envers les Juifs s'exprime également par la multiplication des menaces et des mises en garde envers les Juifs égyptiens, appelés à se dissocier publiquement du sionisme dans des articles et des lettres ouvertes publiées dans la presse 30.

 

De son côté, Al-Husseini dirige les émeutes anti-juives en Palestine, qui redoublent d'intensité en 1936. Obnubilé par l'idée d'une alliance stratégique avec l'Allemagne nazie, il multiplie les contacts avec ses représentants diplomatiques. Dès 1933, il entre ainsi en contact avec le consul allemand à Jérusalem, peu de temps après l'accession au pouvoir d'Adolf Hitler 31. Dans l'esprit d'Al-Husseini, il s'agit de mettre fin à l'installation des Juifs en Palestine, mais aussi de combattre le « judaïsme mondial » en s'alliant avec Hitler. Après la promulgation des lois raciales de Nuremberg, les télégrammes de félicitations affluent de Palestine et d'autres pays arabes.

 

 

Hitler, Al-Husseini et l'alliance germano-islamique

 

Pourtant, Hitler se montre tout d'abord réticent à cette idée d'alliance germano-islamique. Les nazis estiment que l'émigration juive en Palestine n'est pas une mauvaise chose, car « ils ne pourront pas s'y enraciner », comme l'explique le rédacteur en chef du journal du parti national-socialiste, Angriff, après une visite en Palestine en 1937 32. « Leurs fortunes s'épuiseront, et les Arabes les liquideront ». Mais le Mufti ne se décourage pas pour autant, et poursuit ses tentatives. En juillet 1937, il rencontre à nouveau le consul général allemand Doehle à Jérusalem, et plaide pour une aide de l'Allemagne hitlérienne pour combattre les Juifs. Al-Husseini décide également d'envoyer un agent à Berlin, pour établir un contact permanent avec les puissances de l'Axe.

 

C'est seulement en juillet 1937, après la publication du rapport de la commission royale anglaise présidée par Lord Peel, qu'Hitler change de politique. La commission Peel recommande en effet la partition de la Palestine, et la création de deux Etats séparés, juif et arabe. A partir de ce moment, l'Allemagne décide de s'engager aux côtés des Arabes et de leur apporter son soutien. Des programmes de propagande antijuive sont diffusés sur les ondes en arabe, et des fonds sont envoyés au Mufti 33. Ce rapprochement culminera pendant la guerre, avec la création au printemps 1943 de la première division des Waffen-SS musulmane bosniaque (Handzar), qui compte plus de 12 000 hommes. Le Mufti, installé à Berlin en 1941, passera en revue cette unité à de nombreuses reprises en Croatie, en France et à Bneuhammer, en Silésie. La division Handzar se rendra tristement célèbre, en perpétrant de nombreux crimes de guerre en Yougoslavie : massacres, viols, pillages, et incendies de villages entiers avec leurs habitants. Selon l'historienne Bat Ye'or, ses atrocités « choquèrent même les Allemands. Femmes, enfants, vieillards furent tués à coups de hache, empalés, enterrés vivants, suspendus à des crocs de boucherie, ensevelis dans des fosses sous la chaux vive après avoir été sauvagement mutilés » 34.

 

De son côté, Haj Amin Al-Husseini publiera un pamphlet antisémite intitulé « Islam und Judentum » (Islam et judaïsme) et le distribuera aux soldats de la division Handzar. Le 28 novembre 1941 a lieu la rencontre tant attendue par Al-Husseini, préparée par des entretiens préliminaires avec le dirigeant SS Himmler et le ministre des Affaires étrangères Von Ribbentrop. La transcription de la conversation entre Husseini et Hitler a été publiée après la guerre.

 

Le grand mufti commence par remercier le Führer pour la sympathie dont il a toujours fait preuve envers le monde arabe, et envers la cause palestinienne en particulier… Les pays arabes sont fermement convaincus que l'Allemagne va gagner la guerre. Les Arabes sont les alliés naturels de l'Allemagne, ayant les mêmes ennemis que l'Allemagne, à savoir les Anglais, les Juifs et les communistes… Ils sont donc disposés à coopérer de tout cœur avec l'Allemagne et à participer à la guerre, notamment en constituant une légion arabe… 35.

 

Dans sa réponse, Hitler témoigne sa sympathie au Mufti, mais refuse d'engager des troupes allemandes supplémentaires au Moyen-Orient, pour renforcer l'Afrika Corps de Rommel. Toutefois, il promet à Husseini, « qu'une fois que la guerre contre la Russie et l'Angleterre sera gagnée, l'Allemagne pourra se concentrer sur l'objectif de détruire l'élément juif demeurant dans la sphère arabe sous la protection britannique » 36. Après cette entrevue, le Mufti restera l'hôte de l'Allemagne, participant à la propagande nazie à travers les programmes de Radio Berlin à destination des pays arabes. Dans ses émissions, il incite les Arabes à « tuer les Juifs » et fait l'éloge de la « solution finale ». « Si, à Dieu ne plaise, l'Angleterre était victorieuse, les Juifs domineraient le monde » déclare-t-il ainsi le 11 novembre 1942. « Mais si l'Angleterre et ses alliés sont vaincus, la question juive, qui constitue pour nous le plus grand danger, sera définitivement résolue ».

 

Obnubilé par la « question juive », Al-Husseini intervient à plusieurs reprises pour mettre en échec des projets visant à échanger des Juifs contre des prisonniers ou de l'argent. Lorsqu'Adolf Eichmann envisage d'échanger des prisonniers de guerre allemands contre cinq mille enfants juifs, et d'envoyer ces derniers en Palestine, avec l'accord du gouvernement anglais, Husseini proteste personnellement, et obtient finalement gain de cause : les enfants juifs seront exterminés dans les chambres à gaz en Pologne 37. Après la défaite de l'Allemagne, Husseini est recherché pour les crimes de guerre commis en Bosnie par la division Handzar. Il parvient à fuir l'Allemagne et à gagner la France, où il est brièvement incarcéré. Mais la France a tôt fait de le relâcher, et c'est son ami Hassan Al-Banna qui va lui venir en aide, et le faire échapper à la potence, en lui permettant de trouver refuge en Egypte en 1946, et d'échapper ainsi aux poursuites pour crimes de guerre. L'aide apportée au Mufti par les Frères musulmans se traduit notamment par une campagne dans la presse égyptienne et par des appels incessants au gouvernement pour qu'il donne asile à Husseini. Depuis la fin de la guerre, Al-Banna entretient des contacts suivis à ce sujet avec la Ligue arabe 38. Curieusement, cet épisode - qui en dit long sur les affinités du Guide des Frères musulmans avec le nazisme - est rapporté par Tariq Ramadan lui-même, qui se vante que son grand-père ait « préparé et organisé l'exil politique [de Husseini] en Egypte en 1946 » 39.

 

 

Le Mufti, les Frères musulmans et le nazisme : alliance tactique ou connivence idéologique ?

 

Les liens entre le Mufti Haj Amin Al-Husseini, les Frères musulmans et l'Allemagne nazie ne furent pas seulement le résultat d'une alliance de circonstance, pour lutter contre leur ennemi commun, l'Angleterre. Ils traduisaient une profonde convergence idéologique et politique, dont témoignent de nombreuses déclarations. Certes, les Frères musulmans n'étaient pas les seuls à subir l'influence du fascisme et du nazisme, dans l'Egypte des années 1930-40. Mais ce sont les seuls à avoir établi une véritable alliance avec le Mufti pro-nazi Al-Husseini, fondée sur leur haine commune des Juifs. Les archives du haut commandement de l'armée allemande, capturées par les alliés, ont révélé que c'étaient les fonds mis à la disposition du Mufti par l'Allemagne nazie qui lui avaient permis d'organiser et de mener à bien la « révolte de Palestine » dans les années 1936-1939 40.

 

Le Mufti a développé une activité intense pendant la guerre, pour empêcher que des rescapés juifs ne parviennent en Palestine, alors même que les artisans de la Solution finale étaient prêts à sauver des enfants juifs, contre de l'argent ou contre des prisonniers de guerre. Contrairement à ce qui a parfois été soutenu 41, il ne fait aucun doute que le Mufti était parfaitement informé de la politique d'extermination des Juifs, et qu'il l'approuvait sans réserve. Ceci ressort notamment des relations suivies qu'il a entretenues avec plusieurs dirigeants nazis, parmi lesquels Heinrich Himmler, von Ribbentrop et Adolf Eichmann, pour lequel Al-Husseini éprouvait une admiration sans borne. Dans son journal intime, il qualifie ainsi ce dernier de « joyau intime » et de « plus grand ami des Arabes » 42.

 

Les contacts entre Al-Husseini et Eichmann sont apparus au grand jour lors du procès d'Eichmann, qui s'est tenu à Jérusalem en 1961. Lors de ce procès, le procureur général Gideon Hausner a produit des documents établissant que le Mufti avait été reçu au début 1942 par Adolf Eichmann, qui lui avait fait un exposé sur la « solution finale ». « Le Mufti fut si fortement impressionné qu'il demanda aussitôt à Himmler de désigner quelqu'un de l'équipe d'Eichmann en tant que son conseiller personnel, pour l'aider à "résoudre définitivement" la question juive en Palestine, une fois qu'il serait réinstallé dans ses fonctions par la victoire de l'Axe. Eichmann accepta cette offre » 43. Selon un témoin du procès de Nuremberg, le Mufti aurait même rendu visite personnellement à Adolf Eichmann à l'intérieur du camp d'extermination d'Auschwitz, et « incité les gardes faisant fonctionner les chambres à gaz à travailler avec plus d'ardeur » 44.

 

Selon toute logique, Al-Husseini aurait dû faire partie des dirigeants de l'Allemagne nazie et de leurs complices qui ont été jugés après la guerre et condamnés pour leurs crimes. Mais sa libération par la France et l'aide apportée par Hassan Al-Banna, guide suprême des Frères musulmans, lui ont permis d'échapper aux procès de l'après-guerre, et de poursuivre son activité politique jusqu'à sa mort en 1974. Cet épisode, loin d'être anecdotique, illustre la connivence idéologique entre les Frères musulmans et le Mufti de Jérusalem. La haine de l'Occident et des Juifs, portée à son paroxysme chez Al-Husseini, se retrouve notamment chez celui qui va devenir l'idéologue principal des Frères, et qui n'est encore en 1945 qu'un obscur écrivain : Sayyid Qutb.

(Extrait de Paul Landau, Le Sabre et le Coran, éditions du Rocher 2005)

Notes 

16. Al-Banna, Mémoires du message et du prêcheur (en arabe), Le Caire, s.d., cité par O. Carré et M. Seurat, op. cit. pp.11-12.

17. Cité par Mitchell, The Society of the Muslim Brothers, p.6.

18. Mitchell, op. cit. p.7.

19.Voir Matthias Küntzel, op. cit.

20. Cité par M. Küntzel, op. cit.

21. Episode raconté par le Sheikh Youssouf Qaradawi, dans un sermon du vendredi prononcé le 14 mars 2003 au Qatar, et publié sur le site Internet islamophile.org. Sur Qaradawi, voir infra, chapitre 11, L'Oumma islamiste de Tariq Ramadan.

22. Voir Gudrun Krämer, The Jews in Modern Egypt, 1914-1952, p.140 et s., Londres 1989.

23. Krämer, op. cit. p.142.

24. Voir T. Ramadan, Aux sources du renouveau musulman, p.206, Tawhid 2002. Sur le rôle du frère d'Al-Banna, voir Mitchell, op. cit. p.55.

25. Krämer, op. cit. p.144.

26. Olivier Carré et Michel Seurat, op. cit. p. 31. Voir aussi Richard Mitchell, The Society of the Muslim Brothers, p. 55

27. Voir chapitre 3, Said Ramadan et l'implantation des Frères musulmans en Europe.

28. Voir Itshak Landau, « La nouvelle campagne de boycott d'Israël », bulletin no. 4/5 de l'Observatoire du Monde juif.

29. Sur les liens entre Haj Amin Al-Husseini et Hitler, voir notamment K. Timmerman, Preachers of Hate, chapitre 5, Crown Forum, New York 2003 ; Joseph Schechtman, The Mufti and the Fuehrer, Thomas Yoseloff, New York 1965.

30. Voir James Jankowski, « Zionism and the Jews in Egyptian Nationalist Opinion », in Egypt and Palestine, A Millenium of Association, Ben Zvi Institute, Jérusalem 1984.

31. J. Jankowski, art. cit. p. 328.

32. Cité par Bernard Lewis, Sémites et antisémites, Fayard 1987.

33. Voir Y. Kerem, « La destruction des communautés sépharades des Balkans par les Nazis », article communiqué par l'auteur.

34. Bat Ye'or, Juifs et chrétiens sous l'Islam, Les dhimmis face au défi intégriste, p.209-210, Berg international 1994.

35. Compte-rendu de l'entretien entre le Führer et le Grand Mufti de Jérusalem le 30 novembre 1941, Documents on German Foreign Policy, 1918-1945, cité dans Walter Laqueur, The Israel-Arab reader, Penguin Books 1970, pp. 106-107.

36. Cité par K. Timmerman, op. cit. p.109.

37. Cet épisode est relaté par Paul Longrear et Raymond McNemar, « The Arab/muslim nazi connection », cité dans K. Timmerman, op. cit. p.110.

38. Mitchell, op. cit. p. 56.

39. T. Ramadan, Aux sources du renouveau musulman, note 60 p. 206.

40. Voir notamment Paul Giniewski, De Massada à Beyrouth, une leçon d'histoire, Presses universitaires de France 1983.

41. Ainsi, Henry Laurens écrit que « l'arrivée [du Mufti] en Allemagne coïncide avec le début de la solution finale et jusqu'ici on a pas trouvé de preuves archivistiques démontrant qu'il ait eu connaissance de ce qui se passait alors » (Le Retour des exilés, la lutte pour la Palestine de 1869 à 1997, p. 560, Robert Laffont 1998).

42. Cité par P. Giniewski, op. cit. p. 119.

43. Gideon Hausner, Justice à Jérusalem, Flammarion 1976.

44. Cette accusation a été formulée par un des adjoints d'Eichmann, Dieter Wisliceny, lors de son procès à Nuremberg. Voir Lewis, Sémites et antisémites.

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Jean-Pierre Filiu, prof à Sciences Po, rappeur à Gaza

January 24 2019, 14:07pm

Posted by Pierre Lurçat et Jean-Pierre Bensimon

Professeur à Sciences-Po et auteur d'un récent brûlot anti-israélien, celui que les médias français présentent comme un "politologue" arabisant et "islamologue" est aussi un propagandiste anti-israélien, comme le rappelait il y a quelques années Jean-Pierre Bensimon, dans un article -reproduit ci-dessous- paru à l'occasion de la diffusion d'un clip de rap sur Gaza, dont les paroles avaient été écrites par... Jean-Pierre Filiu. Sciences-Po, on le sait, s'est ouverte aux banlieues depuis plusieurs années, dans le cadre d'une politique de "discrimination positive". On ne doit donc pas s'étonner outre-mesure qu'un prof à Sciences Po soit aussi auteur de rap anti-israélien... 

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Jean Pierre Filiu arborant un keffieh sur France Inter

Jean-Pierre Filiu serait-il un voyou ? Jean-Pierre Bensimon

Publié le par danilette

 Pour un autre regard sur le Proche-Orient n°8, Octobre 2012

 

Jean-Pierre Filiu vient d'écrire une chanson assassine, "Une vie de moins" interprétée par le groupe Zebda. C'est le cri d'un enfant de Gaza mort sous les balles d'un soldat israélien. Qui raconte sa vie dans un clip, sous un emballage graphique ciselé. (1)  "Je suis né sur une terre qui n'est plus à moi, une terre piétinée, une terre occupée...pour oublier le blocus et la misère, j'ai grandi bercé au son des récits de l'exil." Et pour finir. "Je suis mort à ce qu'on m'a dit d'une balle perdue, je suis mort assassiné par un homme inconnu qui croyait faire son devoir en tirant dans le brouillard sur des ombres d'ennemis aux armes dérisoires..."

Traduisons: Israël l'occupant qui se repait de piétiner le peuple arabe de gaza, est un tueur d'enfants. L'accusation des Juifs d'assassiner les enfants trouve ses racines pluriséculaires dans le vieux discours antisémite chrétien, avant de faire les beaux jours du nazisme et d'imprégner aujourd'hui le tsunami islamiste. Le martyr Merah, saisissant par les cheveux la petite Myriam Monsonégo, 8 ans, et lui collant le canon de son arme sur le front, rétablit enfin l'injustice faite aux enfants palestiniens.

Israël et les enfants palestiniens, une longue histoire. Aux nouvelles de ce jour, des habitants d'un village palestinien amènent leur enfant de 6 ans qui s'est électrocuté aux portes de la localité juive la plus proche, Neveh Tsouf (Rive Occidentale). Il est immédiatement pris en charge et transféré à l'hôpital de Tel-Hashomer. Remarque d'un résident: "ce genre d'entraide est fréquent, pourtant cela n'aide pas à développer une bonne amitié.'' Un souvenir revient. Le 11 mars 2011, la famille Fogel, les parents et trois de leurs enfants, sont horriblement assassinée au couteau à Itamar près de Naplouse. La tête du bébé est même détachée du corps. Quelques jours après, le chef d'état major de l'époque, Benny Ganz, rend une visite de condoléances aux restes de cette famille. Dans ce moment funèbre, un taxi palestinien déboule à toute vitesse à l'entrée de l'implantation. A son bord une mère palestinienne en train d'accoucher, en danger de mort, l'enfant ayant le cordon ombilical enroulé autour du cou. Un soldat de 19 ans qui accompagne le chef d'état-major, le caporal Haïm Levin, se précipite, donne les premiers soins, et assisté des paramédicaux présents, il sauve la mère et l'enfant. Les corps des trois petits Fogel égorgés étaient encore chauds. Les Palestiniens confient leurs enfants en grande détresse aux Israéliens. M. Filiu n'a pas écrit de chanson en la circonstance.

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Filiu en costume de ville

 

Pourquoi ? Parce qu'il s'agit là d'épisodes ponctuels et marginaux qui disent le contraire de la réalité ? Bien. Mais alors quand Israël développe les seules banques de données de moelle au monde permettant de traiter des maladies congénitales des jeunes palestiniens, ou quand il crée à Hadassah un service dédié aux opérations des malformations cardiaques spécifiques des enfants palestiniens, s'agit-il toujours d'actions marginales ou de "communication"? Oui? Donnons alors la parole à l'UNICEF. Sa grande étude de 2009 porte sur les retards de croissance des enfants de moins de 5 ans, marqueurs idéals des situations de grande misère. L'étude conclut que ce sont les enfants palestiniens qui présentent le moins de retards, donc de misère, de tout le monde arabe, y compris les plus riches pays pétroliers. (2)

Pour aller plus loin encore, citons le journaliste saoudien Abdulateef Al-Mulhim, qui s'échine à ouvrir les yeux de ses frères arabes: " Beaucoup d'Arabes ne savent pas que l'espérance de vie des Palestiniens qui vivent en Israël est beaucoup plus grande que celle de nombreux États arabes, et qu'ils jouissent de plus de libertés politiques et sociales que la plupart de leurs frères arabes. Même les Palestiniens qui vivent sous occupation israélienne sur la rive occidentale du Jourdain et dans la bande de Gaza bénéficient de plus de droits politiques et sociaux que ceux qui existent dans de nombreux endroits du monde arabe. " (3)

Tout cela Jean-Pierre Filiu le sait parfaitement. Il sait qu'il retourne délibérément la réalité, tête en bas, qu'il intervertit l'assaillant et la victime, le porteur de civilisation en porteur de barbarie, et qu'il active des mythes meurtriers. Car si les Israéliens, plus ordinairement les Juifs, sont des oppresseurs cruels et des tueurs d'enfants, il n'y a pas d'exactions à leur encontre qui ne soient pas justifiées. Merah l'a déjà dit. Filiu sait aussi qu'il y a dans la France en crise profonde d'aujourd'hui, une masse de jeunes gens, généralement de sensibilité arabo-musulmane, qui sont la cible facile des prêches salafistes et jihadistes. Il sait que le point d'entrée de leur endoctrinement est la criminalisation d'Israël et des Juifs, le second temps étant celui de la stigmatisation de la France et de l'Occident. En s'associant à Zebda pour diffuser une version modernisée du crime rituel, clip soigné à l'appui, il trouve un vecteur idéal de transmission du virus qu'il héberge à la jeunesse arabo-musulmane. Il jette essence et allumettes sur le baril ethno-communautaire français. D'autant que l'ennemi jihadiste intérieur de la  nation France a vite fait de trouver une jonction avec les rejets innombrables d'Al Qaïda et en particulier, avec l'Aqmi qui nous menace à nos portes.

Son motif ? Ne pas laisser s'effacer passivement la "Palestine" de l'actualité qu'elle occupe depuis des décennies dans la sphère des média et des intellectuels, cette réserve des bataillons supplétifs et bornés de la propalestine. On avait remarqué, alors que le Printemps arabe en était à ses débuts et qu'ils n'avait pas encore été colonisé par les phalanges islamistes, que le thème d'Israël, l'ennemi indispensable des dictatures, avait disparu du discours arabe. C'était un excellent signe, les Arabes allaient se poser les bonnes questions sur leurs sociétés, et peut-être élaborer un véritable avenir. Le mouvement de réaction islamiste, qu'il ait pris le visage du tunisien Ghannouchi ou de l'égyptien Morsi, a très vite fait de remettre la haine d'Israël en tête des priorités. Et en France, il y a depuis la rentrée une véritable entreprise collective de retour au bon vieux "narratif" antisioniste. Alain Frachon du Monde du 4 octobre "Le conflit Israël-Palestine a disparu", Enderlin sur son blog, Mme Carole Gaessler avec son  brûlot minable  "Les cinq caméras cassées" du 9 octobre sur France 5. A présent M. Filiu, sa chanson, et sa grosse caisse, Zebda. Appuyé sur ses innombrable relais médiatiques, la baleine antisioniste reprend son éternel numéro d'exécration.

Qui est M. Filiu? C'est un ancien fonctionnaire, un diplomate, un universitaire polyglotte. Il croule sous les diplômes, les reconnaissances universitaires, les publications scientifiques et grand public. Il fait partie de l'aristocratie nationale bureaucratique et universitaire. Sa chanson porte à l'incandescence les secteurs les plus sensibles et les plus pathologiques de la nation. Ceux qui ont donné le jour à un Merah ou un Jeremy Bailly, des tueurs. Combien de nouveaux tueurs va-t-on devoir à M. Filiu, à sa chanson et à son clip ? En fait, M. Filiu est un diffamateur, un voyou. Son aristocratie n'est qu'une voyoucratie. Et l'on entend des cris. Entend-les Filiu. Ils s'appellent Imad Ibn-Ziaten 30 ans, Abel Chennouf 26 ans, Mohamed Legouad 24 ans, Jonathan Sandler 30 ans, Gabriel Sandler 3 ans, et Aryeh Sandler 6 ans, Myriam Monsonégo 8 ans, et ils te regardent au fond des yeux.

Jean-Pierre Bensimon

 

Notes

1 - http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=fDGR_1gYFtM

2 - Enfants palestiniens sous occupation mais en très bonne forme Le Monde 13 nov. 2009

3 - Abdulateef Al-Mulhim , Arab News, Arab Spring and the Israeli enemy  le 6 octobre 2012http://www.arabnews.com/arab-spring-and-israeli-enemy

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Jabotinsky pionnier de l’antiracisme en Amérique, Pierre Lurçat

January 13 2019, 19:06pm

Posted by Pierre Lurçat

Jabotinsky pionnier de l’antiracisme en Amérique, Pierre Lurçat

La dernière manière d'attaquer Israël - plus sournoise que le traditionnel antisionisme - consiste à déplorer que les dirigeants actuels, et en premier lieu Binyamin Nétanyahou - se soient "éloignés du rêve sioniste des Pères fondateurs". Ce discours est notamment celui d'un Jean-Pierre Filiu, auteur d'un livre récent sur Nétanyahou, intitulé Main basse sur Israël. J'ai eu l'occasion de débattre avec lui sur la chaîne i24 et de dénoncer sa vision caricaturale d'Israël. Pour contrer cette description de la droite israélienne, je remets en ligne cet article sur Jabotinsky, qui montre que la réalité est bien différente de la vision qu'en donnent les adeptes du "Netanyahou bashing", qui n'est pas autre chose que le nouveau visage de la vieille détestation d'Israël. P.L.

 


Jabotinsky.jpgA l’occasion d'un débat à la Knesset sur la proposition de loi visant à interdire l’utilisation du mot « nazi » comme insulte, le quotidien Ha’aretz rappelait que David Ben Gourion avait jadis qualifié Jabotinsky de « Vladimir Hitler ». L’animosité que Ben Gourion vouait à son grand rival de la droite sioniste n’a pas peu contribué aux stéréotypes négatifs entourant la figure du fondateur du sionisme révisionniste. Mais ceux qui se penchent sur la vie et l’œuvre du « Roch Bétar » découvrent un homme très éloigné du portrait peu flatteur qu’ont parfois dressé de lui ses adversaires politiques.

Le professeur Rafael Medoff, directeur de l’institut Wyman de recherche sur l’antisémitisme à Washington, a rappelé récemment, fort à propos, que Jabotinsky avait été un des pionniers de la lutte contre le racisme aux Etats-Unis, en 1910, dans son fameux article « Homo homini Lupus » (« L’homme est un loup pour l’homme »).

Cet article avait été écrit à la suite d’un combat de boxe, organisé le 4 juillet (Jour de l’Indépendance) à Reno, Nevada, entre Jack Johnson et Jack Jeffries, deux champions poids lourds qui ne s’étaient jamais rencontrés auparavant sur un ring. Le premier était en effet noir et le second blanc. Présenté comme le « Combat du siècle », le matche s’acheva par la victoire de Johnson, qui déclencha une vague d’émeutes raciales dans plus de 50 villes des Etats-Unis, faisant une vingtaine de victimes.

 

Johnson_jeff.jpg

Le combat entre Jack Johnson et Jack Jeffries

 

Jabotinsky décrit, dans son article pour le journal russe Odesskiye Novosti (Les Nouvelles d’Odessa), comment des foules en furie se jetèrent sur les habitants noirs, à cinquante contre un, attaquant même les femmes et les enfants. Aux yeux du jeune journaliste russe (âgé de 30 ans), c’était la preuve que les Etats-Unis, la « République la plus libre au monde », souffraient d’un mal quasiment incurable. « Un Juif russe peut encore se convertir », écrit-il, mais « la race ne peut être effacée ». Il décrivait ensuite le régime de ségrégation encore en vigueur aux Etats-Unis, près de cinquante ans après la fin de la guerre de Sécession et l’abolition officielle de l’esclavage.

maison jabo.jpgPour le Roch Bétar, intellectuel polyglotte né dans la ville cosmopolite d’Odessa 1 et théoricien du sionisme formé à l’école politique italienne du début du 20e siècle ; partisan intransigeant de l’égalité des hommes et des femmes ; auteur du fameux Programme d’Helsingfors 2, qui se disait « fou de l’idée d’égalité », l’inégalité des Noirs aux Etats-Unis était une tache indélébile sur le plastron de la grande démocratie américaine.

(Photo ci-contre : la maison natale de Jabotinsky à Odessa)

« Je déteste à un point extrême, de manière organique, d'une haine qui échappe à toute justification, à la rationalité et à la réalité même, toute idée montrant une différence de valeur entre un homme et son prochain. Cela ne relève peut-être pas de la démocratie mais de son contraire : je crois que tout homme est un roi, et si je le pouvais, je créerais une nouvelle doctrine sociale, la doctrine du "Pan-basilisme"...)

Jabotinsky était pourtant un admirateur de la civilisation américaine, comme cela ressort du passage suivant de son autobiographie, où il rapporte un souvenir de son premier voyage aux Etats-Unis :

« L'art politique subit le même sort que celui de l'architecte : comme pour ce bâtiment universitaire que je vis, il y a quelques jours, dans une ville des États-Unis – une tour de cinquante étages, belle comme un rêve matinal, comme une chute d'eau qui s'élance des profondeurs jusqu'aux hauteurs célestes du firmament – et je ne trouvai personne dans toute la ville qui se rappela du nom de son constructeur, pas même le serveur du restaurant, à qui rien n'était caché (c'est lui qui me conseilla d'aller voir la nouvelle université) – lui aussi ignorait le nom de l'architecte ; et dans sa sagesse profonde il me dit : - Cela n'a pas d'importance, Monsieur. L'architecte a dessiné les plans ; d'autres sont venus et les ont modifiés ; les entrepreneurs les ont abîmés ; les imbéciles qui siègent au conseil municipal ont détruit tout ce qu'ils pouvaient détruire ; mais l'édifice est encore debout, c'est le principal ; qui l'a construit ? L'Amérique l'a construit ».

 

Jabotinsky-Speech.jpg

Vladimir Jabotinsky at the Manhattan Center, June 19, 1940. Photo: Jabotinsky Institute

 

Par la suite, cependant, Jabotinsky fut amené à nuancer son regard et l’enthousiasme initial pour la civilisation américaine fit place à un jugement plus critique, qui ne portait pas seulement sur les maux de la société – comme dans l’article Homo homini Lupus précité – mais sur des aspects différents de l’« American Way of Life », comme l’omniprésence des loisirs et la culture de masse…

 

Notes

1. Sur le climat intellectuel de la ville d’Odessa et son influence sur le jeune Jabotinsky, voir notamment l’ouvrage parfois discutable mais fort intéressant de Michael Stanislawsky : Zionism and the Fin de Siècle: Cosmopolitanism and Nationalism from Nordau to Jabotinsky. J'ai évoqué la figure de Jabotinsky dans la belle émission Histoire que lui a consacrée Valérie Perez sur i24.
2. Le programme d’Helsingfors, élaboré en novembre 1906, proclamait les droits des minorités nationales de l’Empire russe, juive et autres.

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Moshe Arens (1925-2019) : Betari, historien et dirigeant politique. En guise d’hommage, par Pierre Lurçat

January 7 2019, 11:13am

Posted by Pierre Lurçat

 Moshe Arens (1925-2019) : Betari, historien et dirigeant politique. En guise d’hommage, par Pierre Lurçat

Moshé Arens, dont on vient d’apprendre ce matin le décès à l’âge de 93 ans, n’était pas seulement un dirigeant politique de premier plan, ancien ministre des Affaires étrangères, ministre de la Défense et mentor politique de Benjamin Nétanyahou. Il était aussi un historien de renom, qui a consacré une partie de sa vie à rendre justice aux combattants du Ghetto de Varsovie appartenant à l’aile droite du mouvement sioniste, dont l’action héroïque avait été délibérément occultée pour des raisons politiques. Nous republions ici cette interview de Moshé Arens à ce sujet, en guise d’hommage. P. Lurçat.

Moshe Arens (1925-2019)

 

La révolte du ghetto de Varsovie est devenue, à juste titre, le symbole de la résistance juive armée au nazisme et elle occupe une place essentielle dans la mémoire juive, tant en Israël qu’en diaspora. Pourtant, l’historiographie de cet épisode demeure encore, 70 ans après, sujette à une occultation liée à des raisons politiques. En effet, alors que tout le monde connaît le nom de Morde’hai Anielewicz et de l’Organisation Juive de Combat (OJC), la plupart ignorent celui d’un autre héros de la révolte du ghetto, Pavel Frenkel, et de l’organisation dissidente qu’il dirigeait, la ZZW (Union militaire juive), affiliée au Bétar.

Ghetto Varsovi, Betar, Pavel FrenkelGhetto de Varsovie, avril 1943 : une histoire occultée, interview de Moshé Arens

Moshé Arens, ancien ministre de la Défense israélien et ancien Bétari, a consacré un livre important à cet aspect occulté de l’histoire, sous le titre « Flags Over the Warsaw Ghetto - The Untold Story of the Warsaw Ghetto Uprising » (Gefen Books 2011). Dans une rare interview en français, accordée au journaliste Roland Süssmann, en 2006, il expliquait les raisons qui l’ont mené à consacrer plusieurs années aux recherches qui ont abouti à ce livre. Extraits.

R. Süssmann : « Qui étaient les premiers insurgés ? »

Moshé Arens : « Des jeunes qui avaient eu le courage, la vision et l’audace d’imaginer qu’une forme de résistance pouvait être envisagée et organisée… En fait, il existait deux mouvements de résistance : le premier, connu sous les initiales polonaises « Z.O.B. » (en français, O.J.C., Organisation juive de Combat), dirigé par Morde’hai Anielewicz qui avait alors 23 ans, et le second, désigné par les lettres capitales polonaises ZZW (« Irgoun Hazwaï Hayehoudai », union militaire juive), dirigé par Pavel Frenkel, également âgé de 23 ans. L’OJC comptait des membres issus de pratiquement toutes les organisations juives, y compris du Bund [N.d.R. Parti socialiste juif, non sioniste], des mouvements sionistes et même des communistes.

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Pavel FRENKEL - Il n'existe aucune photo de lui...

 

Le ZZW était avant tout composé des membres du Bétar, ainsi que d’un certain nombre de personnes désirant combattre les Allemands et qui possédaient des armes. Il est donc important de souligner que, contrairement à ce qui est généralement admis, la révolte juive du ghetto de Varsovie n’a pas été conduite par une seule organisation, mais par deux, ce qui n’enlève évidemment rien à la bravoure et à la grandeur de Morde’hai Anielewicz et de ses hommes.

R.S. Le Bétar a-t-il joué un rôle important dans la révolte ?

M.A. Entre le 19 et le 28 avril 1943, la bataille la plus importante de la révolte a été menée sur la place Workanowsky sous le commandement de Pavel Frenkel. A l’issue de la première journée de conflit, ayant repoussé les Allemands, les combattants du Bétar ont hissé les drapeaux sionistes (celui d’Israël aujourd’hui) et de la Pologne sur le plus haut bâtiment du quartier. Les Allemands ont tenté de les déloger, estimant qu’il s’agissait d’un symbole dangereux car ils pouvaient être vus depuis de nombreux endroits de Varsovie. Himmler a alors téléphoné à Jürgen Stroop pour qu’il liquide le ghetto et surtout qu’il mette tout en œuvre pour enlever ces drapeaux. La bataille a fait rage pendant quatre jours avant que les Allemands, plus fort en nombre et en armes, gagnent la partie…

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Emilka Kossower, combattante du ZZW

 

R.S. Combien de personnes étaient membres du groupe de Frenkel ?

M.A. Les deux organisations réunies ne comptaient pas plus de 300 personnes. Ce qui déterminait le nombre de combattants, c’était la quantité d’armes dont chaque organisation disposait. L’arme la plus répandue était le pistolet, qui était opposé aux armes automatiques, à l’artillerie légère et aux petits tanks de l’armée allemande.

 

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Militants du Betar de Varsovie, 1938

Le ZZW était avant tout composé des membres du Bétar

R.S. Comment expliquez-vous que les deux organisations de révolte ne se soient pas réunies?

M.A. L’OJC était avant tout constituée d’organisations de gauche de tendance socialiste et marxiste, y compris le Bund, organisation juive socialiste antisioniste. D’ailleurs, les membres du Bund se sont joints à l’OJC très tard ; ils ne souhaitaient pas participer à une organisation de combat juive, mais seulement socialiste, incluant des socialistes polonais. Cela démontre à quel point d’anciennes idéologies étaient encore prédominantes dans les esprits à l’intérieur du ghetto de Varsovie, même après la grande vague de déportations…

 

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Toutes ces tendances estimaient que le Bétar n’était constitué que d’un groupe de ‘fascistes’, perpétuant ainsi la division qui existait déjà entre Jabotinsky et les sionistes socialistes. En fait, le Bétar a été exclu dès le début de l’organisation des groupes de résistance. Dans les semaines précédant le début de la révolte, après que la majorité de la communauté juive ait été déportée, il avait été question d’unification, mais l’idée de s’adjoindre des hommes considérés comme ‘fascistes’ était inacceptable pour l’OJC. Comme Frenkel et ses hommes disposaient d’un armement plus important, les représentants de Morde’hai Anielewicz leur avaient proposé de se joindre à eux non pas en tant que groupe, mais à titre individuel. Les hommes de Frenkel ayant un entraînement militaire supérieur aux membres de l’OJC, une telle offre était inacceptable pour eux ! Au vu des circonstances, toute cette affaire semble assez étonnante, car les Allemands ne faisaient pas de distinction entre les différents révoltés…

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R.S. Comment Pavel Frenkel a-t-il terminé sa vie ?

M.A. La majorité de ses camarades sont tombés pendant la bataille de la place Woranowsky. Frenkel a survécu et réussi, accompagné de quelques combattants, à quitter le ghetto. A la fin de la révolte il s’est caché dans Varsovie et a été découvert par les Allemands au courant du mois de juin 1943. Une bataille sérieuse a alors été engagée, au cours de laquelle il a été tué avec tous ses hommes.

Extraits d’une interview à Shalom Magazine, automne 2006. L’intégralité de l’interview peut être consultée sur Internet à l’adresse http://www.shalom-magazine.com/pdfs/46/Fr/ ARENS%20FR_46.pdf.

 

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