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Donald Trump, Israël et les Juifs : les errements de BHL

December 28 2017, 08:16am

Posted by Pierre Lurçat

Donald Trump, Israël et les Juifs : les errements de BHL

BHL nous a habitués au meilleur et au pire concernant Israël. Certes, il ne regarde pas, comme Alain Finkielkraut, notre pays uniquement à travers le prisme déformant de la lecture du Monde et de l’idéologie pacifiste de “Chalom Archav”, relayée à Paris par le Cercle Bernard Lazare (lequel n’a plus grand chose à voir avec l’anarchiste défenseur de Dreyfus et admirateur de Herzl). Non, BHL n’a pas besoin des éditoriaux du Monde, ni même de ceux de Ha’aretz, car il sait déjà. Il sait ce qui est bon pour Israël et ce qui ne l’est pas. Il sait que Jérusalem est la capitale d’Israël, mais il sait aussi que Trump ne peut pas faire quelque chose de bon pour les Juifs.

 

Ainsi BHL peut écrire dans son dernier éditorial que “Jérusalem est, évidemment, et depuis toujours, la capitale d’Israël” et qu’il “y a quelque chose, non seulement d’absurde, mais de choquant dans le tollé planétaire qui a suivi la reconnaissance, par les Etats-Unis, de cette évidence”. Mais dans la même foulée, il va convoquer A. B. Yehoshua, Amos Oz et même le rav Steinman z.l. pour nous expliquer doctement pourquoi la reconnaissance de la capitale d’Israël par les Etats-Unis n’est pas bonne pour les Juifs.

 

Je n’imagine pas l’âme de Trump disponible, de quelque façon que ce soit, à la reconnaissance de la singularité juive, à la célébration des paradoxes de la pensée talmudique ou au goût de l’aventure qui animait la geste ardente, lyrique et héroïque des pionniers laïques du sionisme”. Si ce n’était pas du BHL, on aurait pu penser que ces lignes sont écrites par quelqu’un qui voudrait se moquer de lui… Car enfin, M. Bernard-Henri Lévy, que nous importe de savoir si l’âme de Trump est “disponible” pour célébrer les “paradoxes de la pensée talmudique”? Le plus important n’est-il pas de savoir si Trump a l’esprit assez clair et le courage nécessaire pour avoir pris cette décision historique ?

Jérusalem capitale d'Israël : les Saoudiens plus sionistes que les Juifs?

Dans son envolée lyrique sur tout ce que “l’âme de Trump” est incapable de saisir des subtilités du judaïsme, BHL commet une double erreur. La première est d’opposer de manière caricaturale la grandeur d’Israël et des Juifs et les basses motivations qu’il attribue (sans aucune preuve) à Donald Trump. En cela, il rejoint les pires adeptes du “Trump bashing”, qu’il prétend ne pas imiter. La seconde, plus grave encore, est de croire qu’en politique - et en politique internationale surtout - les intentions priment sur les actes. Or rien n’est plus faux. Car en réalité, peu nous importe ce que pense Trump, en son for intérieur, des Juifs. Après tout, l’histoire récente est pleine d’exemples de dirigeants politiques qui appréciaient les Juifs et le fameux “génie juif” célébré par BHL, et qui ont été les pires adversaires de l’Etat d’Israël.  

 

Ce qui compte ce sont les actes envers Israël, Etat et peuple. A cet égard, la reconnaissance de notre capitale Jérusalem est un acte fort et riche de signification, qui n’engage pas seulement le président Trump et les Etats-Unis, mais le reste du monde, qui s'engagera lui aussi sur cette voie, comme c’est déjà le cas. Cette reconnaissance est une décision politique capitale, qui n’obéit pas à un calcul passager et mesquin, comme le prétend BHL, car elle engage les Etats-Unis de manière ferme, et quasiment irréversible. Peu nous importe, dans ces circonstances, de savoir si Trump apprécie la “pensée talmudique” ou l’esprit juif viennois… L’attitude de BHL et d’autres intellectuels juifs vis-à-vis de Trump (et de Nétanyahou) ressemble à celle des rabbins non sionistes (et des Juifs assimilés) à l’égard de Theodor Herzl, qui n’était pas assez “casher” (ou trop Juif) à leurs yeux (1).

 

Dans son mépris pour Donald Trump et pour l’Amérique qu’il incarne (ces “fameux néo-évangélistes” dont il parle avec dédain), BHL montre qu’il ne comprend rien à ce pays et à l’identification spirituelle et charnelle des chrétiens américains, sionistes ou évangélistes, au peuple et à la terre d’Israël.  En réalité, BHL sait très bien que la reconnaissance de notre capitale par le président Trump est une bonne chose pour Israël. Seulement voilà, il éprouve comme il l’avoue un sentiment de “malaise”. Pour la simple et bonne raison que depuis des mois, depuis l’élection de Trump et même avant, BHL explique à qui veut l’entendre que Trump n’est pas un ami des Juifs. Il l’a dit à maintes reprises, sur CNN où il expliquait en février dernier que “Trump a un problème avec les Juifs” et dans le New York Times où il appelait les Juifs à se méfier du président américain.

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La seconde erreur de BHL est de croire qu’en politique internationale, les intentions priment sur les actes.

 

 

 

Trump, Dioclétien et le gardien de cochons

 

“Trump, Dioclétien et le gardien de cochons” : sous ce titre quelque peu mystérieux, BHL s’était livré il y a presqu’un an à une attaque au vitriol contre le nouveau président des Etats-Unis, Donald Trump, accusé par avance de trahison envers Israël et de mépris envers les Juifs. Et pour mieux asséner ses coups, BHL conviait en renfort Freud, le Talmud, Kafka, Rachi et Proust… Après avoir pronostiqué pendant des semaines que Trump allait perdre car “l’Amérique de Tocqueville” n’élirait pas un tel homme, BHL annonçait alors l’inéluctable trahison de Trump envers Israël. C’est pourtant le même BHL qui avait, avec une certaine dose de courage intellectuel, et contrairement à d’autres, reconnu le danger de la politique d’Obama envers Israël à l’occasion du vote de la Résolution 2334 au Conseil de Sécurité (2).

 

Entretemps, Trump a été élu, il est devenu le président américain le plus pro-israélien depuis 1948, comme l’ont prouvé non seulement sa dernière décision sur Jérusalem, mais aussi son attitude à l’ONU et face au président de l’Autorité palestinienne (ce sinistre has-been que même les pays arabes ont fini par lâcher et que seule la France continue de soutenir). Trump est en train de promouvoir une véritable “révolution copernicienne” au Moyen-Orient, pour reprendre l’expression de Michel Gurfinkiel, en reléguant au second plan le conflit israélo-arabe et en abandonnant la politique désastreuse du soutien à “l’Etat palestinien” et aux concessions israéliennes. Mais tout cela est trop simple et limpide pour  notre amateur de “paradoxes talmudiques”. Aussi BHL s’évertue à démontrer, faisait feu de tout bois, que cela n’est pas bon pour Israël. Peu importe si les faits lui donnent tort, puisque lui-même est persuadé d’avoir raison.

 

Pierre Lurçat

 

(1) Dans le concert des intellectuels juifs qui attaquent Trump, il faut saluer la prise de position de l’ancien président du CRIF, Richard Prasquier, et celle de son successeur Francis Kalifat.


(2) “Mais voir cette administration qui a tant concédé à l’Iran, tant cédé à la Russie... se rattraper en donnant de la voix, in extremis, contre ce mouton noir planétaire, ce pelé, ce galeux, qu’est le Premier ministre d’Israël, quelle misère !” écrivait-il alors.

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Merci à nos frères sionistes chrétiens grâce auxquels Israël existe ! Pierre Lurçat

December 25 2017, 17:38pm

Posted by Pierre Lurçat

Rencontre du Kaiser et de Theodor Herzl, par l'entremise du pasteur William Hechler

Rencontre du Kaiser et de Theodor Herzl, par l'entremise du pasteur William Hechler

“Friends of Zion” : une visite au musée du sionisme chrétien à Jérusalem :

 

Quelques jours après la reconnaissance par les Etats-Unis de la capitale d’Israël, Jérusalem, et alors que les chrétiens dans  monde célèbrent Noël : on ne pouvait pas trouver meilleur moment pour visiter le nouveau musée Friends of Zion, qui a récemment ouvert ses portes à Jérusalem. Ce musée d'un genre particulier se trouve rue Yossef Rivlin, au centre de Jérusalem, juste derrière le Kikar hahatoulot. Mais avant de parler du musée, il faut expliquer ce qu’est le sionisme chrétien.

 

Peu de mouvements idéologiques sont aussi méconnus, sujets à controverses et objets d’idées fausses et de préjugés dans le monde juif actuel. Pour comprendre ce qu’est le sionisme chrétien, il faut tout d’abord abandonner la notion restrictive du sionisme comme d’une doctrine politique juive apparue à la fin du 19e siècle et qui a connu le succès que l’on sait. En réalité, le sionisme en tant qu’idée est plus vaste que le judaïsme lui-même, car il naît avec Avraham, premier sioniste de l’histoire, donc avant même le don de la Torah, et traverse toute l’histoire juive. Dans ce cadre, le sionisme politique n’est qu’une branche de l’arbre sioniste (ou un affluent du fleuve sioniste, si l’on préfère), et le sionisme chrétien en est une autre.

 

A de nombreux égards, comme je l’écrivais en rendant compte d’un livre consacré aux sionistes chrétiens américains *, le sionisme chrétien est plus ancien et plus large que le sionisme politique juif, qu’il a en effet devancé et accompagné à tous les moments cruciaux de son histoire. Herzl, on le sait, se heurta à l’incompréhension et à l’hostilité d’une grande partie des notables et dirigeants juifs de son époque. Un de ses partisans les plus enthousiastes – dont le nom a été injustement oublié – fut le révérend William Hechler, sioniste chrétien convaincu qui collectionnait les maquettes du Temple de Jérusalem et était aussi le précepteur des enfants du Grand Duc de Baden, ce qui lui permit d’introduire Herzl auprès de l’empereur Guillaume II.

 

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Henri Patterson, commandant de la Légion juive

 

Vingt ans plus tard, un autre chrétien sioniste, Lord Balfour, accomplit un pas décisif en direction de la création de l’Etat juif, en reconnaissant la légitimité du “foyer national juif” en Eretz-Israël, au nom du gouvernement de Sa Majesté. Le musée des Friends of Zion retrace l’apport de ces sionistes chrétiens - divisés en plusieurs catégories (“Founders”, les fondateurs, “Dreamers”, les rêveurs, “Visionaries”, les visionnaires et “Braves”, les homme de courage). Les noms de certains sont connus de tous, comme James Balfour ou Orde Wingate, tandis que d’autres sont parfois oubliés ou méconnus, comme Pierre Koenig ou John Henri Patterson (dont j’ai retracé ici la vie trépidante).

 

Le gobelet gravé au nom de Yoni Nétanyahou, offert par John Patterson pour sa naissance

 

L’originalité de ce musée très particulier est qu’il ne sépare pas l’histoire récente du sionisme chrétien aux 19 et 20e siècles de la période biblique. La présentation qu’il donne de l’aventure du peuple Juif est pleine d’empathie et d’amour véritable et sincère, parfois un peu “kitsch” mais jamais mièvre. Mais au-delà de ses qualités muséographiques, l’intérêt majeur du Musée FOZ est de faire comprendre pourquoi ce sont précisément des chrétiens qui ont été les premiers à soutenir le fondateur du sionisme politique, Binyamin Zeev Herzl, et pourquoi les chrétiens sionistes sont aujourd’hui les meilleurs défenseurs d’Israël aux Etats-Unis et sur la scène internationale, loin devant les Juifs eux-mêmes, dont une grande partie sont devenus, comme je l’écrivais récemment, des “nouveaux hellénisants”, qui tournent le dos à Jérusalem.

 

La réponse à cette situation paradoxale est que les chrétiens sionistes, contrairement à beaucoup de Juifs, lisent la Bible et la prennent au sérieux ! Les promesses faites à Avraham ne sont pas de vaines paroles à leurs yeux, comme à ceux de certains Juifs assimilés ou adeptes d’idéologies perverses nées en Europe ou ailleurs, qui pensent - à l’instar des Juifs allemands “de confession mosaïque” du siècle dernier - que les promesses que D.ieu a faites à Son Peuple sont aujourd’hui caduques… Les chrétiens sionistes lisent les prophéties d’Ezéchiel, de Daniel et d’Isaïe et ils voient leur réalisation en Israël aujourd’hui, comme une évidence qui saute aux yeux… Il faut avoir le regard déformé par les siècles du ghetto (ou du mellah’) pour refuser de voir ces évidences que nos frères chrétiens sionistes voient parfois mieux que nous. En sortant de la visite de ce musée bien particulier, à Jérusalem, on réalise mieux la grandeur des miracles auxquels notre génération assiste et on a envie de remercier ces chrétiens sionistes qui nous accompagnent, nous soutiennent et nous montrent le chemin, lorsqu'il nous arrive de nous en écarter.

Pierre Lurçat

 

(*)http://lettresdisrael.over-blog.com/article-les-chretiens-sionistes-aux-etats-unis-un-sujet-essentiel-et-mal-connu-82345167.html

Pour en savoir plus sur le musée Friends of Zion : https://www.fozmuseum.com/

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Nouveau! préparation aux examens d’obtention du diplôme israélien d’expert-comptable

PIL FORMATION - DEPUIS 2007

Préparation en français et hébreu à l’examen israélien de droit des sociétés de l’Ordre des experts-comptables.

Formation en français par un avocat, possédant une expérience reconnue.

 

Prochaine session à Tel-Aviv / Jérusalem - janvier-février 2018

Etude des lois au programme et entraînement à partir des annales des examens de l'Ordre des experts-comptables

Inscriptions et renseignements auprès de PIL FORMATION

pierre.lurcat@gmail.com

 050 286 51 43 

www.pierrelurcat.com

 

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Les dangers du “fondamentalisme juridique” en Israël aujourd’hui

December 24 2017, 20:36pm

Posted by Pierre Lurçat

Les dangers du “fondamentalisme juridique” en Israël aujourd’hui

 

Les dangers du “fondamentalisme juridique” en Israël aujourd’hui


 

Dans son livre Le déclin du  formalisme et essor des valeurs dans le droit israélien (1), Menahem Mautner, ancien doyen de la faculté de droit de Tel-Aviv, établit une comparaison en apparence étonnante entre le droit en Israël aujourd’hui et l’église dans la société catholique autrefois. “Le droit dans les sociétés laïcisées, écrit-il, remplit la même fonction que remplissait l’église dans les sociétés religieuses”. Selon Mautner, le conflit culturel interne à Israël n’est plus ainsi, comme on le décrit souvent, un conflit entre les tenants du “fondamentalisme religieux” et les partisans d’une démocratie laïque et éclairée. Il est devenu ces dernières décennies un conflit entre deux fondamentalismes : un “fondamentalisme religieux” et un “fondamentalisme juridique” laïc (2).

 

De quoi s’agit-il précisément, et comment comprendre cette expression de “fondamentalisme juridique” dans la bouche de Mautner, qui se définit lui-même comme un membre des élites laïques libérales (au sens américain du mot liberal) ? En quoi ce concept permet-il de mieux saisir les enjeux du conflit actuel entre la Cour suprême et la Knesset, ou plus précisément entre les partisans de “l’activisme judiciaire” (concept qu’il nous faudra définir et préciser) et ses opposants? C’est à la réponse à ces questions, entre autres, que s’attache le présent article.


 

La conception du droit d’Aharon Barak : un totalitarisme juridique

 

Un homme incarne, plus que tout autre, la conception du droit comme un système de valeurs et du juge comme le gardien de ces valeurs : l’ancien juge et huitième président de la Cour suprême d’Israël, Aharon Barak. Pour comprendre les enjeux de la conception du droit que le juge Barak a insufflée dans le système judiciaire israélien, désignée communément comme “activisme judiciaire”, il faut analyser sa conception du rôle du juge. Selon sa biographe Naomi Levitsky, “dès son entrée en fonction (comme juge à la Cour suprême), le juge Barak a considéré la Cour suprême comme gardien des murailles du pouvoir, et non pas seulement comme organe ayant pour fonction de trancher des litiges entre deux parties”. Comme il l'a précisé dans un livre d'entretiens paru après son départ à la retraite (3), le juge Barak considère que le président de la Cour suprême a notamment pour fonction de “protéger le système judiciaire” contre les pouvoirs législatif et exécutif. Cette conception est étroitement liée à l’idée qu’il se fait du pouvoir, explique Levitsky, car “à ses yeux, le pouvoir ne détient aucune légitimité propre, sinon celle qu’il tire du peuple et de la loi. Les compétences du pouvoir sont définies et limitées par la loi” (4).

 

Cette définition, prise à la lettre, pourrait sembler anodine et banale. En réalité, Barak soumet entièrement la légitimité (et l’activité) du pouvoir (exécutif ou législatif) à la loi, que seuls les juges sont à même d’interpréter. A ce titre, les juges sont bien l’autorité suprême, devant laquelle doivent s’incliner tant les dirigeants élus du peuple que les législateurs. Ainsi,  le juge Barak n’est pas seulement intervenu pour protéger le pouvoir judiciaire contre les pouvoirs exécutif et législatif ; en réalité, sa politique d’interventionnisme judiciaire a contraint la Knesset et le gouvernement à se défendre contre la suprématie de la Cour suprême dans la vie politique et publique.

 

Dans ses écrits sur le rôle du juge (The Judge in a Democracy (5) notamment), Barak insiste ainsi sur le rôle créateur de droit du juge, tout en affirmant ne pas avoir “d’agenda politique”. “Lorsque je fais référence au rôle du juge, je n’entends nullement suggérer qu’il aurait un agenda politique. En tant que juge, je n’ai aucun agenda politique. Je ne m’engage pas dans la politique des partis, ni dans aucune autre forme de politique…” (On peut évidemment contester la sincérité de cette affirmation, et la rapprocher de la fameuse déclaration de Barak, pour justifier l’éviction de la candidate à la Cour suprême Ruth Gabison, une de ses plus farouches opposantes : “Elle a un agenda politique !”).

 

Barak a tenu des propos similaires dans le cadre de l’arrêt Zarzevski, qui abordait la légalité d’un accord de coalition conclu en 1990 entre le Premier ministre Itshak Shamir et le ministre des Finances, Itshak Modaï. “De par notre éducation juridique, notre expérience judiciaire et notre foi dans le droit, nous nous tenons comme un rocher solide, même lorsque les vents se déchaînent autour de nous, car nous autres juges, notre monde est fait de principes et de valeurs fondamentales et non de courants passagers et changeants”. Ces propos au ton imagé et quelque peu hautain lui valurent la réponse ironique du juge Menahem Elon : “J’envie mon confrère, qui a ce privilège, comme il en témoigne lui-même. Mais que faire-je, moi qui suis le plus humble des myriades de citoyens israéliens, je ne suis pas taillé dans la pierre et je suis quelque peu exposé, malgré moi, aux sentiments et aux courants passagers de la politique (6)”.


 

L’opposition entre le juge Menahem Elon et le juge Aharon Barak

 

Au-delà de la controverse personnelle entre deux hommes que tout sépare, il y a là deux conceptions radicalement opposées de la fonction judiciaire et du rôle du droit dans la société israélienne. Il n’est pas inutile de dresser un rapide portrait des deux hommes, avant de nous arrêter sur leurs différends théoriques. Le premier, Aharon Barak, est né à Kovno, en Lituanie, en 1940, et a survécu à l’occupation allemande en se cachant dans le ghetto. Monté en Israël juste après la guerre, il étudie à l’université hébraïque de Jérusalem, puis à Harvard, avant de revenir à Jérusalem où il est nommé doyen de la faculté de droit en 1974.

 

Il devient ensuite procureur de l’Etat, inculpant plusieurs personnalités publiques haut-placées, dont le ministre Avraham Ofer (qui se suicide) et le Premier ministre Itshak Rabin (qui démissionne). Il est nommé juge à la Cour suprême en 1975 et devient son président en 1995, fonction qu’il occupera jusqu’à son départ en retraite en 2006. Il est l’inspirateur et le principal artisan de la “Révolution constitutionnelle”, expression désignant le rôle accru et considérable confié à la Cour suprême et son intervention grandissante dans la vie publique et politique en Israël depuis le début des années 1990 et le vote des Lois fondamentales sur la Dignité et la liberté de l’homme et sur la Liberté professionnelle.

 

Menahem Elon appartient à la génération précédente de juristes israéliens. Né en 1923 à Düsseldorf, dans une famille juive hassidique, il émigre en Israël avec ses parents en 1935. A l’âge de 16 ans, il est admis à la yeshiva Hébron, à Jérusalem, où il étudie pendant 6 années qu’il décrira bien plus tard comme les “plus belles années de sa vie”. Il est ordonné rabbin par les deux grands rabbins de l’époque, Itshak Herzog et Meir Uziel. C’est seulement à l’issue de ses études rabbiniques qu’il entreprend des études de droit, qu’il achève brillamment en 1948, année de la proclamation de l’Etat. Nommé procureur-adjoint de l’Etat, il est ensuite conseiller en droit hébraïque au ministère de la Justice. En 1973, il publie son oeuvre monumentale, Le droit hébraïque, son histoire, ses sources et ses principes (7). Il entre à la Cour suprême en 1977, et y reste jusqu’à son départ en retraite en 1993.


Ces biographies très succinctes mettent en évidence la différence considérable entre les deux hommes : Barak a été formé à l’école du droit laïc, nourri par les professeurs israéliens et américains et ses conceptions juridiques ont été influencées par son bref séjour à Harvard. Elon, de son côté, est un spécialiste reconnu du droit hébraïque millénaire, et la yéshiva a été, de son propre aveu, une expérience plus marquante que l’université. Ce n’est pas un hasard, par conséquent, si le différend fondamental qui opposera les deux hommes tout au long de leur carrière judiciaire portera sur la place du droit hébraïque dans le système judiciaire et juridique israélien, comme nous le verrons dans la deuxième partie de cet article.

 

P. Lurçat

 

Notes

 

1. Paru en hébreu en 1993. Il a notamment publié depuis Law and the Culture of Israel, Oxford University Press 2011.

2. Cette réflexion rejoint celle de Pierre Manent, dans son Cours de philosophie politique : le droit, censé résoudre les litiges entre personnes privées (ou entre les particuliers et l’administration, s’agissant du droit administratif ou public) a de plus en plus tendance à devenir un système de valeurs.

3. A. Bendor et Z. Segal, The Hat Maker [hébreu], Kinneret Zmora-Bitan 2009.

4. Naomi Levitsky, Kevodo (Your Honor) [hébreu], Keter, 2001.

5. Aharon Barak, The Judge in a Democracy, Princeton University Press 2001.

6. Cité par N. Levitsky, op. cit. p. 236.

7. Menahem Elon, Jewish Law: History, Sources, Principles, The Jewish Publication Society, 1994.



 

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Jérusalem capitale d'Israël : les Saoudiens plus sionistes que les Juifs?

December 20 2017, 11:27am

Posted by Pierre Lurçat

 

Le texte qu'on lira ci-dessous illustre la révolution à laquelle nous assistons actuellement dans les rapports entre Israël et le monde arabe. Sous les yeux incrédules de l'Europe, qui constitue aujourd'hui, comme l’a récemment rappelé Caroline Glick, le principal ennemi d’Israël sur la scène internationale, une partie importante du monde arabo-musulman - constituée essentiellement de l’Arabie saoudite et de certains pays du camp sunnite modéré - est en train de se rapprocher d’Israël, pour lutter contre la menace de l’axe iranien (lequel comprend aussi le Hamas et le Hezbollah). Ce rapprochement n’est toutefois pas purement de circonstance, car il repose aussi sur la compréhension que les intérêts à long terme du monde musulman sont de faire la paix avec Israël.

 

Mais, c’est là tout l’intérêt et la nouveauté radicale du texte qu’on lira ci-dessous, cette paix ne repose pas sur l’équation fallacieuse “la paix contre les territoires” et sur le renoncement d’Israël à son identité et à sa souveraineté, comme l’ont promue pendant des décennies les promoteurs du rapprochement avec l’OLP et l’Autorité palestinienne anti-juive. La paix véritable repose au contraire sur la reconnaissance par les pays arabes de l’identité juive et de la souveraineté juive sur Jérusalem et sur sa patrie historique (Judée-Samarie). En lisant le texte d’Abdelmahid Hakim, on constate que son analyse est véritablement révolutionnaire (elle participe de la "révolution copernicienne" que connaît le Moyen-Orient, pour reprendre l'expression de Michel Gurfinkiel), et qu’elle s’inscrit en faux contre celle des principaux représentants de la gauche israélienne et juive.

 

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Donald Trump au Kottel

 

Ces derniers, on le sait, ont dénoncé la reconnaissance par le président américain Donald Trump de Jérusalem comme capitale d’Israël (voir notamment les prises de position d’Alain Finkielkraut, de Frédéric Encel, ou encore celle de Denis Charbit, pour ne citer que des exemples francophones. Voir aussi l’analyse de Freddy Eytan sur le thème des intellectuels israéliens de gauche). La déclaration de Donald Trump et les développements politiques qui l’ont précédée dans la région n’ont pas seulement bouleversé l’équilibre géopolitique moyen-oriental, en redessinant les frontières entre un camp anti-israélien et anti-juif mené par l’Iran et ses alliés et par l’Europe d’une part, et un camp sunnite modéré allié d’Israël et des Etats-Unis d’autre part. Ils ont également vu émerger un clivage au sein même du monde juif, entre les Juifs fidèles à Jérusalem et les membres d’une “gauche” juive égarée, nostalgique d’Obama, qui préfère avoir tort avec Abbas et Macron qu’avoir raison avec Trump et Nétanyahou…

 

Dans ces circonstances, on peut légitimement affirmer que les intellectuels et dirigeants arabes modérés, comme Abdelhamid Hakim ou comme le Prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, sont aujourd’hui plus sionistes que beaucoup de Juifs. Car, comme à l’époque de Hannoukah, les “Juifs hellénisants” actuels, séduits par la culture européenne dominante, préfèrent oublier Jérusalem et s’allier aux ennemis du peuple Juif. Il n’y a “rien de nouveau sous le soleil”, comme disait le Roi Salomon.

 

Pierre Lurçat

 

 

Le chercheur saoudien Abdelhamid Hakim : Jérusalem comme capitale israélienne avec une gestion palestinienne des lieux saints musulmans est une chance de paix ; les Arabes doivent changer leur mentalité anti-juive

 

Le chercheur saoudien Abdelhamid Hakim, directeur général du Centre d'études stratégiques et juridiques du Moyen-Orient basé à Djeddah, a déclaré que les Arabes devaient reconnaître que Jérusalem est « aussi sainte pour les Juifs que La Mecque et Médine le sont pour les musulmans ». S'exprimant sur la chaîne télévisée Al-Hurra, Hakim a déclaré qu'Israël est « le produit du droit historique des Juifs dans la région ».

 

Concernant la récente déclaration sur Jérusalem du président américain Trump, Hakim a déclaré qu’elle pourrait renfermer une chance de paix, si Jérusalem était la capitale d’Israël et si les Palestiniens recevaient la gestion des lieux saints musulmans. Il a suggéré que l'Arabie saoudite pourrait aider les Palestiniens dans cette tâche, et appelé les Arabes à ne pas manquer cette occasion, comme ils l'ont fait à plusieurs reprises par le passé. Hakim a également appelé les Arabes à changer leur culture de haine envers les Juifs, qui domine leurs programmes scolaires et leurs chaires islamiques. L'interview a été diffusée le 15 décembre 2017. Extraits :

 

Abdelhamid Hakim : Nous devons comprendre et reconnaître que Jérusalem constitue un symbole religieux pour les Juifs, et qu'elle est aussi sainte pour eux que la Mecque et Médine le sont pour les musulmans. Par conséquent, la mentalité arabe doit être affranchie de l'héritage nassérien, et de l'héritage de l'islam politique - tant sunnite que chiite - qui, pour des raisons purement politiques, ont semé la culture de haine envers les Juifs et du déni de leurs droits historiques dans la région. [...]

 

Les Juifs font partie intégrante de l'histoire de cette région, et Israël est le produit du droit historique des Juifs dans la région. Si nous rencontrons les négociateurs israéliens, en les considérant comme des partenaires de l'histoire de cette région – qu’il s’agisse des dirigeants, des peuples ou des élites intellectuelles - cela facilitera les choses et apportera une certaine flexibilité au processus de paix. Quant à Jérusalem, je pense que nous devons être réalistes et nous adapter à la nouvelle réalité politique de la région. Si les négociateurs palestiniens, soutenus par les Arabes, parviennent à obtenir seulement une partie de Jérusalem-Est, et si les lieux saints sont placés sous administration palestinienne - je pense que ce sera le plus grand gain politique que les négociateurs israéliens [sic] peuvent réaliser aujourd’hui. Nous devons tirer des leçons de notre histoire pour pouvoir prendre la bonne décision. Au cours du conflit israélo-arabe, les Arabes ont manqué beaucoup d'occasions. [...]

 

Les Arabes ont manqué des occasions - depuis 1956, lorsque le défunt président Gamal Abdel Nasser a pris les choses en main... Ils ont perdu l’occasion d'avoir un Etat palestinien en Cisjordanie et à Jérusalem. Lorsque Habib Bourguiba a présenté son initiative de paix, sous le slogan « Prenez [ce que vous pouvez] et demandez [le reste plus tard] », il a été qualifié de traître et son initiative a été rejetée. Lorsque le président Sadate a lancé le processus de paix, lui aussi a été considéré comme un traître. Gamal Abdel Nasser a utilisé le conflit arabo-israélien comme un moyen pour légitimer sa dictature en Egypte, et comme une arme pour combattre ses rivaux dans la région. L'islam politique, bien qu'il soit en total désaccord avec les régimes nassériens, acquiesçait sur un point : faire de la paix un crime. [...]

 

Quand l'Arabie saoudite a lancé l'initiative de paix arabe, elle a malheureusement été dédaignée. Je pense que la décision de Trump renferme une chance de paix, mais que les Palestiniens doivent unir leurs rangs et prendre les décisions dans le cadre palestinien. [...]

 

Lorsque j'ai visité Ramallah, j’ai parlé à des gens dans un centre de recherche palestinien. Je leur ai dit : Vous ne savez pas vous adresser aux citoyens israéliens. Votre rhétorique ne convainc pas les citoyens israéliens que la paix leur procurera la légitimité et la sécurité dans la région. Les Israéliens ressentent la culture de la haine parmi leurs voisins. Cela a commencé avec Gamal Abdel Nasser, qui a affirmé que nous jetterons les Juifs à la mer, et cela continue jusqu’à ce jour - dans les programmes scolaires, depuis les chaires des mosquées et dans les symposiums culturels. La culture de la haine envers les Juifs est profondément enracinée dans notre monde arabe. [...]

 

Si nous, Arabes, souhaitons vraiment trouver un règlement, nous devons faire notre examen [de conscience] et mener une révolution idéologique dans la façon dont nous traitons les Juifs. Les Juifs font partie intégrante de la région… Les vies humaines sont plus chères aux yeux d'Allah que des étendues de terre.

 

Si nous, Arabes, souhaitons vraiment trouver un règlement, nous devons faire notre examen [de conscience] et mener une révolution idéologique dans la façon dont nous traitons les Juifs. Nous devrions croire que les Juifs font partie intégrante de la région, et que la paix est le meilleur moyen de libérer la région de décennies de conflits qui ont épuisé la région et appauvri ses ressources. [...]

 

Ma proposition est que l'Arabie saoudite, en tant que pays doté de ressources économiques substantielles, et en tant que pays ayant une importante expérience historique dans la gestion des lieux saints, peut aider à gérer les lieux saints [à Jérusalem], si nous parvenons à placer les lieux saints sous administration palestinienne, tandis que Jérusalem sera la capitale d’Israël. Si nous parvenons à en arriver là, je crois que cela constituera un gain politique pour la lutte palestinienne, et en retour, il y aura un Etat palestinien, et les souffrances des Palestiniens à Gaza, à Ramallah et dans les camps de réfugiés à l'étranger prendront fin. Mon opinion est que les vies humaines sont plus chères aux yeux d'Allah que des étendues de terre.

 

http://memri.fr/2017/12/20/le-chercheur-saoudien-abdelhamid-hakim-jerusalem-comme-capitale-israelienne-avec-une-gestion-palestinienne-des-lieux-saints-musulmans-est-une-chance-de-paix-les-arabes-doivent-changer-leur-mentali/

 

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Eliezer Ben Yéhouda et la renaissance de l'hébreu parlé, Pierre Lurçat

December 14 2017, 17:12pm

Posted by Pierre Lurçat

Eliezer Ben Yéhouda et la renaissance de l'hébreu parlé, Pierre Lurçat

LYahrzeit d'Eliezer Ben-Yéhouda, décédé le deuxième jour de Hannoukah 5683 (1922), il y a tout juste 95 ans, est l'occasion de revenir sur la figure exceptionnelle du père de l'hébreu moderne. En Israël, l'anniversaire de Ben-Yéhouda est devenu aujourd'hui le « Yom ha-Safa ha-ivrit », le Jour de la Langue hébraïque. En France, l'œuvre de Ben-Yéhouda est malheureusement un peu oubliée, aussi je voudrais attirer l'attention du lecteur sur un livre paru il y a quelques années et passé quelque peu inaperçu. Il s'agit de la traduction de l'autobiographie de Ben-Yéhouda et d'autres textes essentiels par Maurice Adad, publiée aux éditions L'Harmattan en 2004.

 

Je suis tombé sur ce livre un peu « par hasard », il y a quelques années, lorsque Georges Bensoussan m'a proposé de traduire en français « Le rêve et sa réalisation », l'autobiographie de Ben-Yéhouda, dont une partie avait déjà été publiée il y a plus de vingt ans dans une traduction de Gérard Haddad (accompagnée d'une longue introduction psychanalytique qui orientait la lecture du texte d'une manière très réductrice, et disons-le, assez insupportable). Cette traduction partielle a été depuis rééditée, en 1998, aux éditions Desclée de Brouwer.

 

Mais c'est Maurice Adad, juif algérien et enseignant d'arabe, d'abord au Maroc puis en France, qui prit l'initiative louable de traduire l'intégralité de l'autobiographie de Ben-Yéhouda, publiée en hébreu par l'institut Bialik en 1978 avec d'autres textes importants et une préface du linguiste israélien Réuven Sivan. Cette traduction est parue en français en 2004 aux éditions L'Harmattan, avec l'aide de la fille de Maurice Adad, Anne-Marie Adad, qui relate les circonstances de cette publication dans sa présentation de l'ouvrage.

 

 

Ben-Yehouda-Eliezer-Le-Reve-Et-Sa-Realisation-La-Renaissance-De-L-hebreu-Parle-Livre-87426730_ML.jpgIl est un peu regrettable qu'un livre aussi important pour le public francophone ait été publié chez L'Harmattan et pas chez un éditeur plus prestigieux et mieux diffusé... On aurait pu imaginer par exemple que Ben-Yéhouda figure dans la collection Présence du Judaïsme d'Albin Michel, aux côtés de Ben Gourion. Mais les livres les plus importants ne sont pas toujours publiés chez les plus grands éditeurs, comme j'en ai fait l'expérience en publiant L'Histoire de ma vie de Jabotinsky).

 

 Plutôt que d'évoquer la vie de Ben-Yéhouda, que l'on trouvera aisément sur Internet, je voudrais reproduire quelques extraits significatifs de son fameux texte « Une question importante », article paru en 1879 dans la revue hébraïque Ha-Shahar, qui expose les conceptions du jeune Ben-Yéhouda (alors âgé de 21 ans seulement!) et permet surtout de comprendre comment la renaissance de l'hébreu s'articule avec la renaissance de la Nation juive.

 

 « Cependant, s'il est vrai que chaque peuple ou nation a le droit de défendre et de protéger son caractère spécifique afin que son nom survive et se perpétue sous les cieux, n'aurions nous pas, nous aussi, les Hébreux, selon une saine logique, le même droit ? Car pourquoi notre part serait-elle moins belle que celle des autres peuples ? En quoi leur sommes-nous inférieurs ? Hélas ! Ce qui est juste selon le simple bon sens ne l'est pas aux yeux de la philosophie et, cette fois encore, touchant cette question, nous sommes condamnés à la voir s'opposer au sens commun. « Les Hébreux ont cessé d'être un peuple », affirme-t-elle par la voix de ses grands maîtres, « la nation juive n'est plus, seuls la religion juive et ses adeptes survivent, c'est pourquoi seule l'assimilation assurera dans l'avenir le bonheur des fidèles de cette religion ».

 

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Cette doctrine détestable et perverse a déjà été combattue par Smolenskine (P.I.L le rédacteur du journal Ha-Shahar) dans ses inestimables ouvrages et c'est en des termes brûlants d'un amour ardent pour son peuple qu'il montra, de la façon la plus claire, le mal qu'elle nous a fait en Allemagne, pays de celui qui en fut le père (P.I.L Eliezer Ben-Yéhouda fait ici apparemment allusion au philosophe Moïse Mendelsohn), et le mal qu'elle continuera à nous faire, si nous ne lui barrons pas la route...

 

 …Pourtant nous avons un grand avantage, nous les Hébreux, car nous avons une langue dans laquelle nous pouvons écrire dès maintenant tout ce qui vient à l'esprit et dont nous pourrions nous servir même pour parler, si seulement nous en avions le désir. Et si beaucoup d'entre nous dédaignent la langue de 'Ever, si nombre d'entre les fils de notre peuple ne savent même pas lire l'hébreu, à qui la faute ?

 

Certes, ce n'est la première fois que notre peuple vit dans l'exil... Déjà à Babylone, nombreux étaient ceux – qui se plaisaient pourtant dans leur terre d'exil – qui s'écriaient « Nos os sont desséchés, notre espoir est perdu, tout est fini » (Ezéchiel, 37-11). Mais les prophètes d'Israël, comme le Second Esaïe et Ezéchiel, portés par une inspiration puissante et un ardent amour pour leur pays et leur peuple, lancèrent ces paroles pleines de flammes : ces ossements connaîtront à nouveau la vie, Israël, à nouveau, reviendra et il fleurira comme le lis ! »

 

(…)

 

eliezer ben yehouda,hébreu,sionismeSi nous accomplissons notre tâche et si nous savons tenir bon, alors le salut d'Israël ne tardera pas à poindre. Eretz-Israël sera le centre vital du peuple tout entier, et ceux-là mêmes qui resteront en dehors du pays sauront que « leur peuple » vit sur sa terre et qu'il y possède une langue et une littérature ; une langue qui, elle aussi, fleurira et une littérature qui verra naître une foule d'écrivains, parce que, dans ce pays, la littérature saura honorer ceux qui la servent et devenir un art dans leurs mains, comme cela se voit partout dans le monde ».

 

On ne peut lire ces dernières lignes sans émotion, en percevant le caractère prémonitoire et quasiment prophétique du programme annoncé par Ben-Yéhouda, âgé de seulement vingt ans, à l'aube de sa vie et de sa carrière d'écrivain, de linguiste et de rénovateur de l'hébreu. A l'instar de Herzl, « Hozé ha-Médina » (le Visionnaire de l'Etat), Ben-Yéhouda fut bien « Hozé ha-Safa ha-Ivrit », le Visionnaire de la renaissance de l'hébreu, qui fut le préalable et l'instrument de la renaissance nationale juive en Terre d'Israël. יהיה זכרו בּרוך Que sa mémoire soit bénie !

 

Pierre I. Lurçat

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Jérusalem et les Juifs - un secret caché depuis l'origine de l'islam, par Pierre Lurçat

December 9 2017, 19:17pm

Posted by Pierre Lurçat

Yom Yeroushalayim 5777 - Photo P. Lurçat (c)

Yom Yeroushalayim 5777 - Photo P. Lurçat (c)

 

Les réactions du monde arabe et musulman à la déclaration du président Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale de l'État d'Israël ne sont pas étonnantes, pas plus que celle de la France, qui a toujours été en pointe dans ce que l'amiral Michel Darmon avait coutume d'appeler la "croisade contre Jérusalem". Un autre discours sur Jérusalem et les Juifs est pourtant possible et se fait parfois entendre, encore timidement, dans le concert des menaces et des appels à la haine et à la violence. Ce discours n’est pas seulement celui des chrétiens évangélistes, mais aussi celui de représentants d’une autre voix musulmane, à l’instar de l’historien pakistanais Mobarak Haidar qui soutient la décision américaine *.

 

Un tel discours ne repose pas seulement sur des considérations géopolitiques ; il peut également trouver dans l'islam même les fondements d’une autre relation avec les Juifs et Israël. Comme le christianisme en effet, l'islam a partie liée, dès son origine, avec les Juifs et l'histoire de sa relation avec le peuple Juif est celle d'un amour déçu, qui s'est transformé en haine meurtrière. Les traces de cette relation ambivalente, et de l'estime que l'islam originel vouait aux Juifs, sont encore présentes dans les textes et dans la tradition musulmane **. Mais elles sont enfouies sous les épaisses strates de l'histoire et de la politique, qui en ont fait un secret bien gardé et presque inaudible aujourd'hui.

 

Comment les musulmans désignent-ils aujourd'hui Jérusalem ? Le nom le plus courant est celui de Al-Quds qui signifie la Sainte. Mais de quelle sainteté s'agit-il et d'où tire-t-elle sa source ? La réponse à cette question nous est donnée par l'autre nom de Jérusalem, Bayit al-Maqdis. On le traduit souvent par “Maison du Sanctuaire”, “Noble Sanctuaire” ou par d'autres expressions équivalentes, traductions qui sont en réalité impropres, car elles n’expriment pas la signification authentique de cette expression. Au sens premier et littéral, en effet, Bayit al-Maqdis désigne le Temple, l'expression arabe étant tout simplement le calque de l'hébreu Beit  ha-Mikdash.

 

Le Coran lui-même relate dans plusieurs Sourates la construction du Temple par Salomon et la prière musulmane fut, au tout début de l’islam, tournée vers Jérusalem, lieu du Temple, avant que n’intervienne le changement de la Qibla (direction de la prière) et son orientation vers La Mecque. Le fait que Jérusalem est le site du Temple de Salomon est ainsi acté et ancré dans le Coran, dans la langue arabe et dans l’histoire de l’islam, de manière irréfutable. Cette vérité indéniable apparaît parfois de manière explicite dans le discours de certains dirigeants arabes contemporains, à l’instar de Sari Nuseibeh, intellectuel palestinien qui a déclaré en 1995 que “la mosquée (de Jérusalem) est la revivification de l’ancien Temple juif” ***.

 

Le discours dominant de l’islam contemporain prétend toutefois que le Bayit al-Maqdis n'a jamais désigné le temple de Salomon, mais uniquement la mosquée d'Omar. Mahmoud Abbas, suivant l’exemple de son prédécesseur Yasser Arafat, va encore plus loin dans cette attitude négationniste et affirme que le Temple n’a jamais existé. Cette négation actuelle de l’existence même du Temple de Salomon, dans la bouche des dirigeants palestiniens ou des représentants de mouvements islamistes, s’inscrit en faux contre l’histoire de l’islam. La réécriture de l'histoire, caractéristique de la réappropriation par l'Islam des symboles religieux appartenant à la période pré-islamique, ne peut cacher l'évidence : Jérusalem est bien la ville du Temple de Salomon et la capitale du roi David. La décision du président Trump de reconnaître l’évidence peut certes embraser la rue arabe, mais elle peut aussi encourager les musulmans progressistes à envisager une autre relation avec les Juifs et Israël.

P. Lurçat

*

https://www.memri.org/reports/after-trumps-recognition-jerusalem-israels-capital-pakistani-historian-mobarak-haidar-writes

** Sur les relations ambivalentes entre l’islam, Jérusalem et les Juifs, voir notamment cette conférence d’Eliezer Cherki,

http://lys-dor.com/2011/04/25/la-nostalgie-de-jerusalem-chez-les-musulmans-un-bilan-par-eliezer-cherki/

Voir aussi, https://www.fichier-pdf.fr/2015/12/23/jerusalem-dans-l-islam/preview/page/1/

*** Cité par Martin Kramer,

http://martinkramer.org/sandbox/reader/archives/the-temples-of-jerusalem-in-islam/

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NOUVEAU : OUVERTURE D’UNE FORMATION À L’HÉBREU DU DROIT ET DE LA VIE PUBLIQUE ISRAÉLIENNE !

- Vous avez étudié le droit en France, ou vous êtes un avocat ou professionnel du droit installé en Israël, et souhaitez perfectionner votre hébreu dans le domaine juridique, dans le but de disposer de méthodes et d’outils pour réussir les examens d’équivalence d’avocat / examens du barreau / autres examens de droit,

 

- Vous voulez réaliser vos projets professionnels et avez besoin pour cela de progresser dans la lecture / compréhension de l’hébreu juridique et professionnel.

 

- Vous souhaitez comprendre les questions brûlantes et les enjeux de l’actualité juridique et du débat public en Israël et avez déjà un bon niveau de lecture de l’hébreu en général.

 

Pour la première fois, la possibilité vous est donnée d’étudier l’hébreu du droit et de la vie publique dans un cadre approprié, destiné aux francophones, selon une méthodologie mise au point par un spécialiste de la formation juridique.

 

La première session débutera en janvier 2018 à Jérusalem. Elle se focalisera sur la question des normes fondamentales du droit israélien et du rôle de la Cour suprême. Les cours auront lieu dans les locaux de Qualita au centre-ville.


 

Renseignements et inscriptions : PIL FORMATION, 06 80 83 26 44.

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Transférer l’ambassade américaine à Jérusalem? Yes he Can!

December 6 2017, 18:54pm

Jérusalem 2017 - photo Pierre Lurçat (c)

Jérusalem 2017 - photo Pierre Lurçat (c)

Le refus international de reconnaître Jérusalem comme la capitale de l’Etat d’Israëls’habille de divers arguments juridiques et politiques. Il repose notamment sur la Résolution 181 des Nations unies du 29 novembre 1947, qui avait fait de Jérusalem un “corpus separatum”, soumis à un “régime international particulier”. Par ailleurs, depuis le début des négociations israélo-palestiniennes ayant conduit aux accords d’Oslo, en 1993, on considère généralement que la question de Jérusalem étant la plus complexe et la plus épineuse, elle doit être reléguée à la fin des négociations, autant dire reportée aux calendes grecques… Derrière cette argumentation politique et juridique, d’autres motivations, plus profondes et moins explicites, expliquent le statut particulier de Jérusalem sur la scène internationale. La reconnaissance des droits du peuple Juif sur la Ville sainte pose en effet un problème d’ordre théologique pour le monde catholique et pour le Vatican en particulier.

Un tabou à réactions

En 1904 déjà, lors de sa rencontre avec le Pape Pie X, le fondateur du mouvement sioniste Theodor Herzl s’était heurté à un retentissant “Non possumus” : “Nous ne pouvons pas” [reconnaître la nation juive]. Soixante ans plus tard, lors de la première visite d’un Pape en Israël – celle de Paul VI en janvier 1964 – celui-ci évite soigneusement tout geste pouvant être interprété comme une reconnaissance, même implicite, de l’Etat juif. Son avion atterrit à l’aéroport d’Amman et lors de son accueil par le président israélien Zalman Shazar, à Jérusalem, il insiste sur le caractère purement spirituel de son voyage. Cette visite est un événement religieux majeur, mais dénué de toute portée politique, la reconnaissance d’Israël par le Vatican n’étant à l’époque pas à l’ordre du jour. Elle interviendra finalement en 1993, avec l’établissement de relations diplomatiques pleines et entières entre le Saint Siège et l’Etat d’Israël.

Le refus de reconnaître Jérusalem comme capitale d’un Etat juif devient de plus en plus flagrant après 1967 et la réunification de la ville sous souveraineté israélienne, et plus encore depuis 1980, quand elle est proclamée par la Knesset “capitale éternelle et indivisible” de l’Etat d’Israël. Avant 1967, 23 pays, pour la plupart africains et sud-américains, avaient ainsi installé leur ambassade dans la partie occidentale de la ville. Après 1967, alors même que la ville sainte réunifiée devient, pour la première fois de son histoire plurimillénaire, un lieu ouvert aux fidèles de toutes les religions et que la liberté de culte y est garantie pour tous, le nombre des représentations diplomatiques étrangères va en diminuant.

Ainsi, lors du vote par la Knesset, le 30 juillet 1980, de la Loi fondamentale sur “Jérusalem capitale d’Israël”, la réaction internationale ne se fait pas attendre. Le Conseil de Sécurité, dans sa résolution 478 du 20 août 1980, déclare que la loi israélienne viole le droit international et appelle les Etats membres de l’ONU ayant établi des missions diplomatiques à Jérusalem à les transférer à Tel-Aviv. Ceux-ci obtempèrent de manière quasi-unanime, seuls le Costa-Rica et le Salvador conservant leur ambassade à Jérusalem. Ces derniers finiront par transférer eux aussi leur ambassade à Tel-Aviv en 2006, date à laquelle plus aucune ambassade étrangère n’était installée dans la capitale israélienne.

Jérusalem, symbole de l’entrée dans l’ère Trump ?

Dans ce contexte, le transfert éventuel de l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem, nonobstant les menaces et les réactions négatives qu’il suscite dans le monde arabe et musulman, constituerait une victoire, politique et symbolique, pour l’Etat d’Israël. Sur le papier, la promesse du candidat Donald Trump de transférer dans la Ville sainte l’ambassade américaine n’est pas nouvelle. Il s’agit en effet d’un dossier déjà ancien, une promesse similaire ayant été faite par plusieurs présidents américains (Bill Clinton et Georges W. Bush notamment) pendant leur campagne électorale, mais vite oubliée au lendemain de leur investiture. Le 23 octobre 1995, le Congrès américain a voté la Loi sur le transfert de l’ambassade à Jérusalem (Jerusalem Embassy Act) votée par les deux chambres à une très large majorité. Mais cette loi n’a jamais été appliquée, les présidents Clinton et Bush ayant usé de leur veto pour s’y opposer au nom de “l’intérêt national” américain.

La volonté de changement radical que le nouveau président entend incarner dans la politique américaine, à l’intérieur comme à l’extérieur, et son souhait exprimé dans son discours d’investiture, de “retirer le pouvoir à [l’administration de] Washington pour le rendre au peuple américain”, ne saurait être traduits en actes de manière plus manifeste et éclatante qu’en tenant cette promesse envers l’Etat juif. Ce faisant, Donald Trump donnerait raison au Congrès et au peuple américain contre le Département d’Etat, et il inaugurerait une nouvelle ère dans les relations d’amitié, fondées sur des valeurs et des intérêts partagés, entre les Etats-Unis et Israël.

Philippe Karsenty et Pierre Lurçat

https://www.causeur.fr/donald-trump-israel-jerusalem-ambassade-americaine-transfert-vatican-142361

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NOUVEAU : OUVERTURE D’UNE FORMATION À L’HÉBREU DU DROIT ET DE LA VIE PUBLIQUE ISRAÉLIENNE !

December 4 2017, 08:51am

Posted by Pierre Lurçat

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