Overblog
Follow this blog Administration + Create my blog
VudeJerusalem.over-blog.com

Cultura'Sion : Yehoram Gaon, une grande figure de la culture israélienne

August 30 2019, 08:11am

Posted by Judith Assouly et Pierre Lurçat

Aujourd’hui, dans Cultura’Sion, Pierre Lurçat et Judith Assouly nous parlent de Yehoram Gaon : sa vie, ses chansons, ses concerts… Qui est vraiment ce chanteur, acteur, animateur de télévision et de radio ? Ils nous racontent.

A VOIR SUR

https://youtu.be/h2iRNVEbPUs

Cultura'Sion : Yehoram Gaon, une grande figure de la culture israélienne

See comments

Yuval Harari et Israël (III) - Le faux-prophète de Jérusalem

August 27 2019, 18:00pm

Posted by Pierre Lurçat

 

Celui qu'on a présenté comme le “penseur le plus important du monde” n’a en réalité rien inventé. Son livre Sapiens n’est qu’une compilation présentant “l’histoire de l’humanité” de manière condensée et orientée, selon une idéologie bien précise, comme nous l’avons montré dans la deuxième partie de cet article. L’idéologie qu’il défend est pour beaucoup dans le succès commercial planétaire qu’il a rencontré. Mais, au-delà du phénomène éditorial et commercial, il s’agit surtout d’un phénomène politique. Dans la dernière partie de notre article, nous voudrions aborder la dimension proprement philosophique des idées défendues par Yuval Harari et replacer la négation de l’homme inhérente à sa pensée dans l’histoire de la pensée occidentale.


 

La question de l’homme, hier et aujourd’hui

 

D’un point de vue philosophique, l’idée que l’homme serait “un animal comme les autres” n’est pas nouvelle. Nil novo sub sole… Dans l’Antiquité, les peuples païens pratiquaient les sacrifices humains, et même Aristote, le grand philosophe grec, considérait qu’il n’y avait aucune différence entre les conséquences d’un “grand vent qui dépouille les feuilles des arbres, fait tomber les murs des maisons et noie en mer un navire avec ses voyageurs". Comme l’explique Maïmonide, Aristote n’établit en fait aucune distinction entre “la mort d’une fourmi écrasée par un boeuf et celle d’hommes ensevelis pendant la prière dans une maison qui s’écroule”. (1) Dans sa vision du monde, marquée par les conceptions cosmologiques et naturalistes propres à la philosophie de l’Antiquité, il n’existe pas de providence individuelle, mais seulement une providence à l’échelle de l’espèce, humaine ou animale.


 

Aristote

 

Cette idée - la négation du caractère éminent ou spécifique de l’homme - court comme un fil conducteur à travers toute la philosophie occidentale, de l’Antiquité jusqu’à nos jours. Plus près de nous, le marquis de Sade exprime ainsi la même idée, de manière encore plus nette que ne le faisait Aristote : « Qu'est-ce que l'homme, et quelle différence y a-t-il entre lui et les autres plantes, entre lui et tous les autres animaux de la nature ? Aucune assurément. (…) Si les rapprochements sont tellement exacts, qu'il devienne absolument impossible à l'œil examinateur du philosophe d'apercevoir aucune dissemblance, il y aura donc alors tout autant de mal à tuer un animal qu'un homme, ou tout aussi peu à l'un qu'à l'autre…” (2)


 

La définition de l’homme donnée par Harari s’inscrit donc dans le droit fil de la philosophie occidentale depuis Aristote : ce dernier définissait l’homme comme un ‘animal social’ et comme un ‘animal politique’, et Harari le définit comme un ‘singe’, capable de ‘coopérer en grand nombre’. Le naturalisme aristotélicien, selon lequel le monde est éternel et immuable, a fait place chez Harari à un naturalisme scientiste, dans lequel l’homme n’a aucune supériorité intrinsèque, morale ou spirituelle, sur les chimpanzés. Le reproche fait par Maïmonide à Aristote, celui de ne pas distinguer l’homme des autres créatures, est encore plus vrai s’agissant de l’idéologie dont Harari est le représentant. Celle-ci est en effet encore plus éloignée de l’idée hébraïque du Tselem - l’homme créé “à l’image de Dieu” - que ne l’était la philosophie d’Aristote.


 

Maïmonide


 

Animalité de l’homme ou humanité de l’animal?

 

En quoi ce débat philosophique ancien importe-t-il pour le lecteur aujourd’hui? A certains égards, la science actuelle - ou plutôt l’idéologie qui la sous-tend souvent - est plus proche des positions philosophiques de Maïmonide (création ex-nihilo, ce qui ressemble à la théorie du Big Bang) que de celles d’Aristote (éternité du monde). Mais sur un point essentiel, elle est conforme aux conceptions aristotéliciennes, contre lesquelles s’inscrit en faux la tradition hébraïque : lorsqu’elle prétend nier la spécificité, ou la valeur éminente de l’homme. Le débat véritable n’oppose en effet aujourd’hui pas les “créationnistes” aux “évolutionnistes”. Il oppose ceux qui veulent rabaisser l’homme à ceux qui veulent l’élever. C’est précisément ce que recouvre la notion hébraïque du Tselem


 

Il y a quelques années, j’ai pu contempler l’orang-outang du Jardin des Plantes, qui nettoyait scrupuleusement les vitres de sa cage et se livrait à un véritable numéro d’acteur, devant un public d’enfants et d’adultes tout aussi fascinés. Pourquoi cet orang-outang était-il tellement émouvant? Sans doute parce qu’il y a quelque chose qui ressemble à l’humain chez les grands singes. Non pas, comme le pense M. Harari, parce que les hommes seraient des singes un peu plus évolués. Mais parce que les singes ont parfois dans le regard un éclair d’humanité, qui nous les rend si proches et sympathiques.


 

Humaniser l’animal, ou animaliser l’humain?


 

A la suite de nombreux autres auteurs contemporains, Yuval Harari prétend que les hommes seraient simplement des singes qui auraient réussi à sortir de leurs cages, grâce à leur “capacité de collaboration”... Mais dans le même temps, il nie la liberté de l’homme, qui n’est à ses yeux qu’une fiction. En résumé : l’homme n’est pas plus libre que le singe dans sa cage, il a simplement l’illusion de la liberté… Cette conception d’un homme asservi est caractéristique de toutes les idéologies occidentales modernes, qui assujettissent toutes l’homme, à ses pulsions, aux moyens de production ou encore à ses neurones. Face à ces conceptions, la pensée hébraïque persiste à affirmer que l’homme, joyau de la Création, jouit du libre-arbitre.


 

Nier la liberté de l’homme : la leçon d’Auschwitz

 

Un ami me racontait récemment avoir visité une exposition à la Fondation Cartier, intitulée “Nous les arbres”. Elle présentait les arbres comme “les membres les plus anciens de notre communauté d’être vivants”. Selon une idéologie en vogue, en effet, il n’y aurait aucune distinction entre les règnes animal, végétal et l’humain. Tous sont englobés dans le même monde vivant. (3) Dans cette même exposition, cet ami eut la surprise de constater, en voulant répondre à un sondage organisé par la Fondation Cartier, que le pays Israël n’existait pas… Le lien entre ces deux affirmations n’est pas fortuit : dans un monde où Israël n’existe pas, l’homme n’existe pas non plus, en tant que créature distincte! Il est - dans le meilleur des cas - l’égal des chimpanzés et des arbres, et - dans le pire - moins qu’un chien ou qu’un rat, comme furent traités les Juifs à Auschwitz.


 

La négation de la spécificité de l’homme dans l’idéologie scientiste contemporaine aboutit immanquablement à le rabaisser, comme si l’obsession de ceux qui contestent la notion judéo-chrétienne de l’humain était précisément d’abolir la notion hébraïque du Tselem. Chez le biologiste Jean-Pierre Changeux, que nous avons cité précédemment, ce rabaissement passe par la comparaison (insultante) entre l’homme et le rat : L’homme, comme le rat, consacre une part essentielle de son temps (lorsqu’il ne dort pas) à boire, manger, faire l’amour…” Cette affirmation est comme le pendant en négatif de la création de l’homme relatée dans la Genèse : “Faisons l’homme à notre image...” 

 

Michel-Ange : la création d’Adam


 

Face à cette conception naturaliste et négatrice de l’humain, une autre voix vient de Jérusalem. Depuis trois millénaires, cette voix s’élève contre la tendance à l’abaissement, à la négation et à l’asservissement de l’homme. Omniprésente dans l’histoire humaine depuis Avraham, cette tendance est aujourd’hui revenue avec une force décuplée dans la culture occidentale, et elle a abouti aux horreurs du vingtième siècle, qui ont culminé dans la Shoah. Le timide “mea culpa” entendu après 1945 n’a malheureusement pas su traiter le problème à la racine, comme l’avait bien vu Avraham Livni, dans son grand livre Le Retour d’Israël et l’espérance du monde. Car la volonté de priver le vieux peuple d’Israël de sa terre, de sa Torah et de son identité, qui a culminé dans la Shoah, se poursuit en réalité jusqu’à nos jours. L’encensement d’auteurs juifs ou israéliens qui contestent tout apport d’Israël à l’humanité, comme le fait Harari, participe de cette négation d’Israël (4).


 

Loin d’être le représentant de Jérusalem (dont il nie le statut de capitale du peuple juif, comme nous l’avons vu), Harari est ainsi le porte-parole d’un Occident coupé de ses racines hébraïques et juives. C’est sans doute pour cela également qu’il est adulé et consacré “plus grand penseur du 21e siècle”... Mais il est aussi l’épiphénomène d’une époque dont on assiste aujourd’hui à la fin : celle où les Juifs n’avaient plus leur mot à dire sur les grandes questions, en tant que Juifs, c’est-à-dire, n’en déplaise à Yuval Harari, en tant que représentants de la civilisation qui a donné au monde le Décalogue, la Bible et le Talmud. Comme écrivait Rousseau dans L’Émile : « Les Juifs n’ont pas la possibilité dans la dispersion de proclamer leur propre vérité à l’humanité, mais je crois que, lorsqu’ils auront à nouveau une libre République, avec des écoles et des universités à eux, où ils pourront s’exprimer en sécurité, nous pourrons apprendre enfin ce que le Peuple Juif a encore à nous dire. ». L’époque pressentie par Rousseau ne fait que commencer.


 

Cérémonie d’inauguration de l’université de Jérusalem au mont Scopus


 

“Car de Sion sortira la Torah”

 

Dans son discours prononcé lors de l’inauguration de l’université de Jérusalem, le 1er avril 1925, le grand-rabbin d’Eretz Israël, Avraham Itshak Hacohen Kook, exprima le double sentiment d’espoir et de crainte que cet événement suscitait à  ses yeux. Espoir de voir l’université hébraïque faire rayonner le nom d’Israël dans le monde, et crainte que le nom de Dieu ne soit pas sanctifié, mais au contraire profané par elle. L’histoire devait lui donner raison, tant pour cet espoir que pour cette crainte. L’université israélienne (celle de Jérusalem et les autres) a bien fait rayonner le nom d’Israël, par ses réalisations scientifiques dans de nombreux domaines. Mais elle a aussi engendré de nombreux contempteurs de l’Etat d’Israël, et de l’héritage de la tradition hébraïque, dont fait partie Yuval Harari. Il lui reste aujourd’hui à réaliser l’autre élément du discours prophétique du rav Kook, celui qu’il a exprimé par les mots du prophète Isaïe : “Ki miTsion Tétsé Torah…” Car de Sion sortira la Torah” (5).

 

Pierre Lurçat

 

Notes 

(1) Rapporté par Jacob Gordin, “Actualité de Maïmonide”, dans Ecrits, Albin Michel 1995.

(2) Jean-Baptiste Vilmer, “Sade antispéciste?” Cahiers antispécistes, 2010.

(3) Le judaïsme, il est vrai, compare l’homme à l’arbre des champs, mais dans un sens bien différent, allégorique et spirituel.

(4) Harari, comme nous l’avons vu dans la première partie de cet article, prétend ainsi que “l’impact du judaïsme dans l’histoire humaine est minime”.

(5) L’espoir exprimé par le rav Kook rejoint - par un paradoxe inhérent à l’histoire du Retour à Sion - celui exprimé par un autre père fondateur de l’Etat juif, Zeev Jabotinsky, dans son fameux article “Le sionisme suprême”, qui se termine précisément par ces mots du prophète Isaïe : “Car de Sion sortira la Torah” .

See comments

La gauche israélienne entre cynisme et naïveté - La réponse de Mahmoud Abbas à la petite-fille de Rabin, Pierre Lurçat

August 22 2019, 09:57am

Posted by Pierre Lurçat

 

J’ai vu la semaine dernière, comme des millions d’Israéliens, la photo de Noa Rothman, petite-fille d’Itshak Rabin, aux côtés de Mahmoud Abbas, dirigeant de l’OLP et de l’Autorité palestinienne”. Sur la photo, ils ont tous les deux le sourire aux lèvres. Mais ces deux sourires ne disent pas la même chose. Celui de Noa Rothman semble dire :”Je suis contente d’être venue ici, c’est un geste fort pour la Paix, cette paix tellement lointaine pour laquelle mon grand-père a donné sa vie”. Le sourire de Mahmoud Abbas, lui, semble dire “Cette Juive naïve me donne l’occasion de redorer mon blason…”

 

Noa Rothman et Mahmoud Abbas

 

Bien entendu, nul ne saura ce qu’ils ont vraiment pensé, au moment où ils ont été photographiés. Mais au fond, peu importe ; en politique, les gestes sont plus importants que les intentions, bonnes ou mauvaises. L’enfer est pavé de bonnes intentions, et nous sommes bien placés pour le savoir. Si une preuve supplémentaire était nécessaire, voici le discours que vient de prononcer Mahmoud Abbas au camp de “réfugiés” de Jalazoune, tel qu’il a été traduit et publié par l’institut MEMRI

 

Au Moyen-Orient, l’enfer a souvent été pavé des bonnes intentions de pacifistes juifs. Depuis que les partisans du Brith Shalom - Martin Buber, Sholem et les autres - ont élaboré leur théorie fumeuse de l’alliance judéo-arabe et jusqu’aux accords d’Oslo qui nous explosé au visage, dans le sang et le feu des attentats palestiniens, nous avons payé le prix fort pour les erreurs de nos pacifistes. Les Arabes ont eux aussi payé le prix fort. Comme l’a dit récemment un observateur avisé, Abbas n’a jamais voulu la paix, il n’a apporté aux Palestiniens que du sang et des larmes… (Ou peut-être parlait-il d’Arafat).

 

Dans les années 1930, la gauche européenne avait instauré la tradition du pèlerinage à Moscou. Les intellectuels communistes ou “compagnons de route” allaient rencontrer le “petit père des peuples”’ et ils revenaient enchantés, chantant les louanges du Grand Staline. Il a fallu qu’André Gide publie son Retour de l’URSS pour que le mythe de Staline entretenu par la gauche européenne commence à s’écorner.

 

Le “petit père des peuples” - La Une de l'Humanité, 6 Mars 1953

 

Le mythe Arafat, lui, est plus tenace. Alors que le monde arabe se désintéresse de plus en plus des Palestiniens et de leur jusqu’au boutisme, et alors que l’ONU, pour la première fois depuis 1974 (date de la réception triomphale d’Arafat à New York) a tenu un débat sur le racisme et l’antisémitisme des manuels scolaires officiels palestiniens, la gauche israélienne continue d’entretenir le mythe d’Arafat, dirigeant palestinien et homme de paix. Pourquoi?

 

Le discours d’Abbas publié ci-dessous devrait être imprimé et affiché dans tous les bureaux de vote d’Israël, pour en finir une fois pour toutes avec le mensonge du “processus de paix”, du “modéré Abbas” et les autres mensonges du même acabit que des centaines d’Israéliens, d’occidentaux et de juifs, naïfs ou corrompus, ont répandus depuis des décennies. 

 

Pierre Lurçat

______________________________________________________________

Mahmoud Abbas au camp de réfugiés de Jalazone : “Nous entrerons à Jérusalem avec des millions de combattants - Nos martyrs sont ce que nous avons de plus sacré”

Mahmoud Abbas : Nous resterons [ici], et personne ne pourra nous faire partir de notre patrie. S'ils le veulent, ils peuvent partir eux-mêmes. Ceux qui sont étrangers à cette terre n'y ont aucun droit. Alors nous leur disons : chaque pierre que vous avez [utilisée] pour construire sur notre terre, et chaque maison que vous avez construite sur notre terre, est vouée à la destruction, si Allah le veut. 

Peu importe le nombre de maisons et de villages qu'ils déclarent [planifier de construire] ici et là - ils seront tous détruits, si Allah le veut. Ils iront tous à la poubelle de l'histoire. Ils se souviendront que cette terre appartient à son peuple. Cette terre appartient à ceux qui y vivent… Jérusalem est nôtre, qu'ils le veuillent ou non.

 

“Jérusalem est à nous” - Abbas et Arafat

 

Audience : Nous marchons vers Jérusalem, des martyrs par millions ! Nous marchons vers Jérusalem, des martyrs par millions ! Nous marchons vers Jérusalem, des martyrs par millions !

Mahmoud Abbas : Nous entrerons à Jérusalem - des millions de combattants ! Nous y entrerons ! Nous tous, le peuple palestinien tout entier, la nation arabe tout entière, la nation islamique et la nation chrétienne... Ils entreront tous à Jérusalem. Nous n'accepterons pas qu'ils qualifient nos martyrs de terroristes. Nos martyrs sont les martyrs de la patrie. Nous ne leur permettrons pas de déduire un seul centime de leur argent. Tout l'argent leur reviendra, car les martyrs, les blessés et les prisonniers sont ce que nous avons de plus sacré.”

Vidéo  mise en ligne sur la page Facebook d'Abbas le 10 août 2019. 

(Publié par le site MEMRI.FR)

______________________________________________________________

 

Découvrez ma nouvelle émission culturelle, diffusée sur Studio Qualita.

See comments

Benny Morris : "Un mur de fer est la politique la plus raisonnable pour la génération à venir"

August 19 2019, 10:09am

Posted by Benny Morris

Benny Morris, historien israélien dont les travaux portent notamments sur la guerre d'Indépendance, fait partie de ces rares intellectuels qui ont le courage de changer d'avis, et de le dire publiquement. Dans l'extrait de l'interview qu'on lira ci-dessous, publiée en 2004, il explique pourquoi il a changé d'avis sur la guerre d'Indépendance et sur la nécessité de s'opposer par la force aux volontés génocidaires arabes, par tous les moyens, y compris ceux de la guerre et des transferts de population. Un témoignage qui n'a rien perdu de son actualité, 15 ans plus tard. A ma connaissance, son seul livre traduit en français est Victimes, histoire revisitée du conflit arabo-sioniste. P.L.

 

J’ai changé après l’an 2000. Je n’étais pas un grand optimiste même avant cela.

Vraiment, j’ai toujours voté Travailliste ou pour Meretz ou Sheli (un parti colombe à la fin des années 70), et en 1988 j’ai refusé de servir dans les Territoires et j’ai été emprisonné pour cela, mais j’ai toujours douté des intentions des Palestiniens.

Benny Morris

Les événements de camp David et ce qui a suivi dans leur sillage ont transformé mon doute en certitude.

Quand les Palestiniens ont rejeté la proposition (celle du Premier Ministre Ehud Barak) en juillet 2000 et la proposition de Clinton en décembre 2000, j’ai compris qu’ils étaient peu disposés à accepter la solution de deux-Etats.Ils veulent tout. Lod et Acre et Jaffa.

Si c’est ça, alors tout le processus d’Oslo était une erreur et il y a une défaut élémentaire dans l’opinion mondiale au sujet du mouvement de la Paix israélien.

Il fallait tenter Oslo. Mais aujourd’hui, il doit être clair que, du point de vue palestinien, Oslo a été une tromperie. Arafat n’a pas changé en pire, Arafat nous a simplement trompés. Il n’était jamais sincère dans sa volonté de compromis et de conciliation.

Croyez-vous vraiment qu’Arafat veuille nous jeter à la mer ?

Il veut nous renvoyer en Europe, vers la mer d’où nous venons. Il nous voit vraiment comme un Etat de Croisés et il pense à la précédente Croisade et il nous souhaite une fin de Croisés.

Je suis certain que les renseignements israéliens ont l’information claire prouvant que, dans des conversations internes, Arafat parle sérieusement d’un plan progressif (qui éliminerait Israël par étapes).

Arafat avec le cheikh Yassine

Mais le problème n’est pas simplement Arafat.L’élite nationale palestinienne tout entière est encline à nous voir comme des croisés et envisage le plan par étapes.

C’est pourquoi les Palestiniens ne sont pas honnêtement prêts à renoncer au droit au retour. Ils le préservent comme un instrument avec lequel ils détruiront l’Etat juif quand le moment viendra.

Ils ne peuvent pas tolérer l’existence d’un Etat juif - pas sur 80% du pays et ni même sur 30%. De leur point de vue, l’Etat palestinien doit couvrir toute la terre d’Israel.

Et si la solution de deux Etats n’est pas viable, même si un traité de paix est signé, il s’effondrera bientôt.

Idéologiquement, je soutiens la solution de deux Etats. C’est la seule alternative à l’expulsion des Juifs ou à l’expulsion des Palestiniens ou à une destruction totale.

Votre pronostic ne laisse pas beaucoup de place à l’espoir, n’est ce pas ?

C’est difficile pour moi aussi. Il n’y aura pas de paix pour la génération d’aujourd’hui. Il n’y aura pas de solution. Nous sommes destinés à vivre par l’épée.

Vos mots plutôt durs ne sont-ils pas une réaction exagérée à ces trois dures années de terrorisme ?

Les explosions des bus et des restaurants m’ont vraiment secoué. Elles m’ont fait comprendre la profondeur de la haine envers nous. Elles m’ont fait comprendre que l’hostilité Palestinienne, Arabe et Musulmane envers l’existence Juive ici nous amène au bord de la destruction.

L’attentat de la pizzeria Sbaro

Je ne vois pas les attentats suicides comme des actes isolés. Ils expriment la ferme volonté du peuple Palestinien. C’est ce que la majorité des Palestiniens veut. Ils veulent que ce qui arrive au bus nous atteigne tous.

Pourtant, nous aussi, avons la responsabilité de la violence et de la haine : l’occupation, les barrages de routes, les bouclages, peut être même la Nakba elle même.

Vous n’avez pas besoin de me dire ça. J’ai fait des recherches sur l’histoire Palestinienne. Je comprends très bien les raisons de cette haine. Les Palestiniens maintenant effectuent des représailles non seulement pour les bouclages d’hier mais aussi pour la Nakba.

Mais ce n’est pas une explication suffisante. Les peuples d’Afrique étaient opprimés par les puissances Européennes tout autant que nous opprimons les Palestiniens, mais néanmoins je ne vois pas de terrorisme africain à Londres, Paris ou Bruxelles. Les Allemands nous ont tués en plus grand nombre que nous avons tué de Palestiniens, mais nous ne nous faisons pas exploser dans des bus à Munich ou Nuremberg.

Alors il y a autre chose ici, quelque chose de plus profond, qui a à faire avec l’Islam et la culture Arabe.

Etes vous entrain de dire que le terrorisme Palestinien vient d’un problème culturel profond ?

Il y a un profond problème dans l’Islam. C’est un monde dont les valeurs sont différentes, un monde dans lequel la vie humaine n’a pas la même valeur qu’elle a en Occident. La liberté, la démocratie, l’ouverture et la créativité lui sont étrangers.

C’est un monde qui prend pour cible de ceux qui ne font pas partie du camp de l’Islam. La revanche est aussi importante ici. La revanche joue un rôle central dans la culture tribale Arabe.

Ainsi, les peuples se battent et la société qui les envoie n’a pas d’inhibitions morales. S’ils obtiennent des armes chimiques, biologiques ou atomiques, ils les utiliseront. S’ils le peuvent, ils commettront aussi un génocide.

Je veux insister sur ce point : une grande part de la responsabilité de la haine des Palestiniens repose sur nous. Après tout, vous nous avez vous même montré que les Palestiniens vivent une catastrophe historique.

C’est vrai. Mais lorsque quelqu’un doit gérer un tueur en série, ce n’est pas si important de découvrir pourquoi il est devenu un tueur en série. Ce qui est important est d’emprisonner le meurtrier ou de l’exécuter.

Expliquez nous cette image : qui est le tueur en série dans l’analogie ?

Les barbares qui veulent prendre notre vie.Les personnes que la société palestinienne envoie pour effectuer ces attaques terroristes, et d’une certaine façon la société palestinienne elle même aussi.

En ce moment, cette société est dans l’état d’un tueur en série. C’est une société très malade. Elle devrait être traitée de la façon dont nous traitons les individus qui sont des tueurs en série.

Qu’est ce que cela signifie ? Que devrions nous faire demain matin ?

Nous devons essayer de guérir les Palestiniens. Peut-être qu’au fil des années l’établissement d’un Etat Palestinien aidera au processus de guérison. Mais en attendant, jusqu’à ce que le médicament soit trouvé, ils doivent être contenus afin qu’ils ne réussissent pas à nous tuer.

Les emprisonner ? Imposer des bouclages ?

Quelque chose comme une cage doit être construite pour eux. Je sais que ceci semble horrible. C’est vraiment cruel. Mais nous n’avons pas le choix. Il y a là un animal sauvage qui doit être enfermé d’une façon ou d’une autre.

Guerre de barbares

Benny Morris, avez-vous rejoint la droite ?

Non, non. Je me considère toujours comme étant de Gauche. Je soutiens toujours le principe de deux Etats pour deux peuples.

Mais vous ne croyez pas que cette solution durera. Vous ne croyez pas en la paix

Selon mon opinion, nous n’aurons pas la paix, non.

Alors qu’elle est votre solution ?

Pour cette génération, il n’y a apparemment aucune solution. Etre vigilant, défendre notre pays autant que possible.

L’approche du mur de fer ?

Oui. Un mur de fer est une bonne image. Un mur de fer est la politique la plus raisonnable pour la génération à venir.

Jabotinsky

Mon collègue Avi Shlein a décrit très bien ceci : ce que Jabotinsky a proposé est ce que Ben-Gurion a adopté. Dans les années 1950, il y a eu une dispute entre Ben-Gurion et Moshe Sharett. Ben-Gurion a dit que les Arabes ne comprenaient que la force et que cette force ultime est la seule chose qui les persuaderait d’accepter notre présence ici. Il avait raison.

Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas besoin de diplomatie. A la fois envers l’Occident et pour nos propres consciences, il est important que nous travaillions à une solution politique.

Mais à la fin, ce qui décidera de leur volonté à nous accepter sera seulement la force. Seule la reconnaissance qu’ils ne sont pas capables de nous battre.

Pour un homme de gauche, vous parlez comme un homme de droite, ne pensez-vous pas ?

J’essaie d’être réaliste. Je sais que ça n’a pas toujours l’air politiquement correct, mais je pense que l’inexactitude politique empoisonne l’histoire dans tous les cas. Elle empêche notre capacité à voir la vérité.

Et je m’identifie aussi à Albert Camus. Il était considéré comme étant de gauche et comme une personne de grande valeur morale, mais lorsqu’il a fait référence au problème algérien il a placé sa mère avant la morale.

Préserver mon peuple est plus important que des concepts moraux universels.

Etes-vous un néo-conservateur ? Lisez vous la réalité historique actuelle selon Samuel Huntington ?

Je pense qu’il y a un clash entre les civilisations ici (comme le dit Huntington). Je pense que l’Occident aujourd’hui ressemble à l’Empire Romain du 4ème, 5ème et 6ème siècles : les barbares l’attaquent et pourraient le détruire.

Les Musulmans sont des barbares, alors ?

Je pense que les valeurs que j’ai mentionnées plus haut sont les valeurs des barbares - l’attitude face à la démocratie, la liberté, l’ouverture ; l’attitude face à la vie humaine. Dans ce sens, ce sont des barbares. Le monde Arabe tel qu’il est aujourd’hui est barbare.

Et selon votre opinion, ces nouveaux barbares sont véritablement une menace pour la Rome de notre temps ?

Oui. L’Occident est plus fort mais il n’est pas évident qu’il sache comment repousser cette vague de haine. Le phénomène de pénétration Musulmane de masse en Occident et leur colonisation là-bas crée une menace interne dangereuse.

Un processus similaire a eu lieu à Rome. Ils ont laissé rentrer les barbares et ils ont renversé l’empire de l’intérieur.

Est ce vraiment si dramatique ? Est ce que l’Occident est vraiment en danger ?

Oui. Je pense que la guerre entre les civilisations est la caractéristique principale du 21ème siècle.

Je pense que le Président Bush a tort lorsqu’il nie l’existence même de la guerre. Ce n’est pas seulement un problème concernant Ben Laden. C’est une lutte contre le monde entier qui épouse des valeurs différentes.

Et nous sommes en première ligne. Exactement comme les Croisés, nous sommes la branche vulnérable de l’Europe dans cette région.

La situation telle que vous la décrivez est vraiment dure. Vous n’êtes pas entièrement convaincu que nous pouvons survivre ici, n’est ce pas ?

La possibilité d’annihilation existe.

Est ce que vous vous décririez comme une personne apocalyptique ?

Le projet Sioniste entier est apocalyptique. Il existe dans un environnement hostile et dans un certain sens son existence n’est pas raisonnable. Ce n’était pas raisonnable qu’il réussisse en 1881 et ce n’était pas raisonnable qu’il réussisse en 1948 et ce n’est pas raisonnable qu’il réussisse maintenant. Néanmoins, il est arrivé jusqu’ici.

D’une certaine façon, c’est miraculeux. J’ai vécu les évènements de 1948, et 1948 prépare ce qui pourrait se produire ici.

Si le sionisme est si dangereux pour les Juifs et si le sionisme rend les Arabes si misérables, peut être est-ce une erreur ?

Non, le sionisme n’était pas une erreur. Le désir d’établir un Etat juif ici était légitime, positif. Mais étant donné le caractère de l’Islam et étant donné le caractère de la nation Arabe, c’était une erreur de penser qu’il serait possible d’établir un état tranquille qui vive en harmonie avec l’environnement.

Ce qui nous laisse, néanmoins, avec deux possibilités : ou un Sionisme tragique et cruel ou la renoncement au sionisme.

Oui. C’est comme ca. Vous l’avez exprimé différemment, mais c’est correct.

Seriez vous d’accord sur le fait que la réalité historique est intolérable, qu’il y a quelque chose d’inhumain à son propos ?

Oui. Mais c’est ainsi pour le peuple Juif, pas pour les Palestiniens.

Un peuple qui a souffert pendant 2 000 ans, qui a traversé l’holocauste, retrouve son patrimoine mais est jeté dans une nouvelle effusion de sang, c’est peut être la route vers l’annihilation. En terme de justice cosmique, c’est horrible.

C’est beaucoup plus choquant que ce qui est arrivé en 1948 à une petite partie de la nation arabe qui se trouvait alors en Palestine.

Alors ce que vous êtes entrain de me dire, c’est que vous considérez la Nakba palestinienne passée moins terrible que la possible Nakba juive future ?

Oui. La destruction pourrait être la fin de ce processus. Elle pourrait être la fin de l’expérience sioniste.

Et c’est vraiment ce qui me fait peur et me rend dépressif.

Le titre du livre que vous publiez maintenant en Hébreu est "Les Victimes." A la fin, alors, votre argument est que des deux victimes du conflit, nous sommes les plus grandes victimes ?

Oui. Exactement. Nous sommes les plus grandes victimes de l’Histoire et nous sommes aussi les plus grandes victimes potentielles… Nous sommes la partie la plus faible ici. Nous sommes une petite minorité dans un océan d’Arabes hostiles qui veulent nous éliminer.

Alors il est possible que lorsque leur désir sera réalisé, tout le monde comprendra ce que je suis en train de vous dire maintenant. Tout le monde comprendra que nous sommes les vraies victimes. Mais d’ici là, il sera trop tard.

(8 janvier 2004, propos recueillis par Ari Shavit, Haaretz, https://www.haaretz.com/1.5262454

traduction publiée sur le site http://www.france-palestine.org/)

________________________________________________________

 

Découvrez ma nouvelle émission culturelle, diffusée sur Studio Qualita.

See comments

Yuval Noah Harari et le judaïsme (II) : Homo Sapiens ou créature à l’image de Dieu?

August 16 2019, 07:55am

Posted by Pierre Lurçat

 

L’homme perdant son privilège d’être à part, à l’image de Dieu, n’a pas plus de droit que tout autre mammifère.

G. Vacher de Lapouge

 

Dans la première partie de cet article, nous avons vu comment Yuval Harari avait été sacré “penseur le plus important du monde” par un hebdomadaire français et nous sommes interrogés sur les raisons de son succès planétaire. Israélien niant toute originalité au judaïsme et sacrifiant à la mode du dénigrement de son pays, il est en effet devenu non seulement un auteur de best sellers, mais aussi la coqueluche des médias, des chefs d’Etat et autres VIP à travers le monde. Plusieurs personnalités comme Bill Gates, Emmanuel Macron ou Barack Obama ont publiquement vanté ses livres et fait leur promotion. Comment et pourquoi un obscur professeur d’histoire médiévale de l’université de Jérusalem est-il devenu l’hôte de l’Élysée et du sommet de Davos, et qu’est-ce que cela peut nous apprendre sur le monde actuel? 

 

E. Macron faisant la promotion du livre de Harari


 

Dans ce second volet de notre article, nous voudrions nous attacher à une autre dimension, tout aussi importante, de l’idéologie défendue par Harari : celle qui concerne sa définition de l’homme. Avant d’aborder les conceptions de Yuval Harari, une remarque préliminaire s’impose : notre époque a de plus en plus de mal à distinguer les énoncés scientifiques des énoncés métaphysiques ou idéologiques. Entre  l’affirmation que “l’homme fait partie du règne animal”, et la citation en exergue, selon laquelle “l’homme perdant son privilège d’être à part, à l’image de Dieu, n’a pas plus de droit que tout autre mammifère”, peu de lecteurs savent aujourd’hui affirmer avec certitude que la première est un énoncé scientifique classique (dont on peut cependant discuter la validité, comme tout énoncé scientifique) et la seconde un énoncé purement idéologique, ou métaphysique.

 

Or, si le lecteur contemporain a du mal à distinguer ces deux types d’énoncés, c’est parce que la science elle-même, trahissant sa mission, s’est érigée en “donneuse de leçons” sur tous les sujets, et est largement devenue, à de nombreux égards, une idéologie, voire même parfois une nouvelle religion. Lorsque des scientifiques sont invités à s’exprimer sur des sujets qui échappent à leur compétence, et notamment lorsqu’ils s’octroient le droit (ou le devoir) d’exprimer leur conception de l’homme, en prétendant savoir mieux que quiconque ce qu’est l’homme, ce qu’il doit être et ce qu’il deviendra, nous ne sommes plus en présence d’un discours fondé sur la connaissance, mais d’un discours idéologique (1).

 


C’est précisément ce que fait Youval Harari, dans son livre Sapiens et dans les nombreuses interviews et articles qu’il a donnés depuis la parution de son premier livre. Son affirmation “Nous sommes encore des animaux, et nos capacités physiques, émotionnelles et cognitives demeurent façonnées par notre ADN” est un énoncé idéologique, même s'il la présente comme une évidence scientifique. S’il est devenu un véritable gourou, sacré “penseur le plus important au monde” et premier «intellectuel global du XXIe siècle» (expressions qui ne veulent pas dire grand chose), c’est précisément parce qu’il répond aux attentes des médias, d’une partie du grand public et de certains hommes politiques, pour qui "la science" (et tout discours se parant de l’autorité de la science) est devenue la nouvelle idéologie dominante.

 

Une “Histoire de l’humanité pour les nuls”?

 

 

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le succès planétaire rencontré par Harari et la prétention sans limite avec laquelle il prétend écrire l’histoire de l’humanité tout entière et son avenir… Son livre Sapiens est en effet une sorte “d’Histoire de l’humanité pour les nuls”, dont le succès doit être mesuré à l’aune de la volonté de tout savoir sans se fatiguer, caractéristique de notre époque. On peut juger de la profondeur intellectuelle de la “pensée Harari” en lisant sa réponse à un journaliste français : l’historien du Moyen Age que je suis est en mesure de vous révéler deux scoops : le passé, en général, n’était pas marrant du tout et, surtout, il n’a aucune chance de revenir !”

 

Cognitivisme et négation de l’homme

 

Au-delà de son aspect médiatique et superficiel, la pensée de Yuval Harari est aussi marquée par le cognitivisme et par l’idée très en vogue que les neurosciences permettraient de comprendre l’homme dans sa totalité, qu’il exprime dans son livre Homo deus : « peut-être un jour des percées dans la neurobiologie nous permettront-elles d’expliquer le communisme et les croisades en termes strictement biochimiques ». Cette idée, est-il besoin de le souligner, est à mille lieues de la notion hébraïque de l’homme, créature à l'image de Dieu dont la connaissance totale échappe à la science. On sait aujourd’hui”, affirme-t-il encore avec un aplomb sans limite, “que les fondements de la morale sont apparus des millions d’années avant l’humanité. Les chimpanzés ont des codes éthiques que l’évolution a adaptés pour favoriser la coopération au sein du groupe…”

 

Selon Harari, l’âme n’existe pas, “puisque les chercheurs qui ont scruté tous les recoins du cœur et du cerveau humain ne l'ont jamais découverte” (2). Son argumentation est celle des scientifiques obtus, comme les décrivait l’écrivain israélien David Shahar à travers son personnage du « savant allemand ampoulé », dans La Nuit des Idoles, lequel soutenait lui aussi l'inexistence de l'âme. « La science prouvait qu'il n'existait rien qui put s'appeler une "âme". L'âme n'existait pas ; elle n'était qu'une création des poètes, des fondateurs de religions, ou d'un certain genre de philosophes ».

 

David Shahar 

 

Au-delà de l’ignorance et du mépris qu’il semble manifester à l’égard du judaïsme, Harari est bien ainsi devenu le porte-parole d’une idéologie aujourd’hui banale, qui fait de l’homme un “paquet de neurones”, ou un “homme neuronal”, titre d’un livre écrit par un spécialiste des neurosciences qui avait connu un grand succès il y a plusieurs décennies (3). Il partage le credo de “l’animalité humaine”, devenu “aussi peu discutable que pouvait l’être naguère le créationnisme” (4). Son rejet de l’anthropocentrisme judéo-chrétien n’a rien d’original, puisqu’il est devenu le coeur de la vulgate scientifique contemporaine, qui repose sur l’idée essentielle de la négation de la spécificité de l’homme, “animal comme les autres”. Le réductionnisme scientiste et la volonté d’abolir tout caractère spécifique de l’homme ont abouti à l’idéologie anti-spéciste, dont les représentants les plus radicaux expliquent que la vie humaine ne vaut pas plus que celle de l’animal.


 

Homo Sapiens ou créature à l’image de Dieu?
 

De la biologie post-darwiniste à la Shoah et à l’antispécisme actuel

 

Or, ce débat ne concerne pas seulement les philosophes, les écrivains et les penseurs qui expriment ces thèses et ceux qui les réfutent. Car les énoncés concernant la nature de l’homme ne sont pas seulement des positions théoriques ou philosophiques : ils ont tendance - comme l’histoire du 20e siècle l’a démontré de manière tragique - à se transformer en réalités, parfois monstrueuses. Derrière l’énoncé que nous citions plus haut, “l’homme perdant son privilège d’être à part, à l’image de Dieu, n’a pas plus de droit que tout autre mammifère” (5), se cache ainsi un des théoriciens de l’eugénisme à fondement racial, Georges Vacher de Lapouge (1854-1936). 

 

Magistrat et anthropologue, lecteur de Darwin, Galton et Haeckel, il est un des précurseurs des théories racistes qui ont constitué l’ossature idéologique de la politique d’extermination nazie. Selon Zeev Sternhell, Lapouge en France et Otto Amnon en Allemagne sont les deux auteurs qui ont combiné “darwinisme social et racisme”. Après la Shoah, les théories raciales ont été frappées de discrédit. Mais certains auteurs ont néanmoins été réhabilités depuis. Ainsi, Jean Rostand peut écrire que "En dépit de certaines outrances eugénistes, et surtout racistes, Vacher de Lapouge doit être considéré comme un précurseur en génétique”. 

 

Dans la troisième partie de cet article, nous verrons que la négation de l’humanité de l'homme n’a rien de nouveau sur le plan philosophique. Mais les horreurs auxquelles elle a abouti au vingtième siècle, qui ont culminé dans la Shoah, rendent plus que jamais nécessaire aujourd’hui une réévaluation de l’idéologie contemporaine, qui conteste la notion hébraïque du Tselem, c'est-à-dire la spécificité de l’être humain. Contre cette idéologie, et contre les fausses prophéties de Yuval Noah Harari, il faut faire entendre la voix authentique venue de Jérusalem, celle qui résonne du Sinaï depuis trois millénaires : “Et tu choisiras la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance”.

 

Pierre Lurçat

 

Notes

1. Sur l’évolution récente de la science et sur sa prétention à dicter ce qu’est l’humain, je renvoie aux ouvrages de François Lurçat, et notamment L’autorité de la science, Cerf 1995.

2. Voir Astrid de Larminat, “Homo Sapiens et Homo Deus: la nouvelle bible de l'Humanité ?” Le Figaro 8/9/2017.

3. Sur le livre de Jean-Pierre Changeux, L’homme neuronal, je renvoie à l’analyse qu’en fait François Lurçat dans L’autorité de la science et à mon article “Athènes sans Jérusalem, le rejet des racines hébraïques au coeur du suicide de l’Occident”.

4. Étienne Bimbenet, Le complexe des trois singes, essai sur l’animalité humaine, Seuil 2017.

5. Ce texte est cité par l’historien Zeev Sternhell dans une communication au colloque de l’EHESS, “L’Allemagne nazie et le génocide juif”, Seuil 1985. Sur Vacher de Lapouge, voir notamment Pierre-André Taguieff, “Sélectionnisme et socialisme dans une perspective aryaniste : théories, visions et prévisions de Georges Vacher de Lapouge (1854-1936)”, Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 2000 No. 18.  Pour des développements plus importants sur Lapouge et le mouvement eugéniste-raciste, Pierre-André Taguieff  La Couleur et le Sang. Doctrines racistes à la française (1998), nouvelle édition Paris, Mille et une nuits/Fayard, 2002, pp.  199-326 ; ainsi que larticle qui lui est consacré dans le Dictionnaire historique et critique du racisme (Paris, PUF, 2013)

See comments

Tisha Be'Av : Jeûner, prier, se lamenter... Mais aussi agir en soutenant les Etudiants pour le Mont du Temple!

August 11 2019, 08:29am

Posted by Pierre Lurçat

En ce jour de Tisha Be'Av, alors que le peuple d'Israël est plongé dans le jeûne et l'affliction, le Mont du Temple est fermé aux visiteurs juifs sur ordre du gouvernement juif (!) et envahi par les fidèles d'une autre religion, qui profanent notre lieu le plus saint et se tournent dans leurs prières vers une autre ville lointaine...

Prier et jeûner ne suffira pas à changer cette situation. C'est ce qu'ont bien compris les membres de l'association "Etudiants pour le Mont du Temple", qui sont depuis plusieurs années au premier rang du combat pour préserver le Mont du Temple, y rétablir la souveraineté juive et mettre fin au Hilloul Hashem que constitue la situation actuelle. 

En soutenant leur combat et en répondant à leur appel, vous participerez vous aussi à restituer le Mont du Temple au peuple Juif, première étape vers la Reconstruction du Temple, "très vite et de nos jours", Amen!

Shalom,
Depuis cinq ans, nous, 'les étudiants pour le mont du temple', religieux et non religieux, luttons pour faire changer la situation actuelle sur le Mont du Temple et pour faire valoir nos droits et notre souveraineté à l’endroit le plus sacré du peuple juif.
Vous pouvez nous aider et nous soutenir en faisant un don ( même un petit don sera le bienvenu).
LIEN POUR EFFECTUER UN DON :

 

Résultat de recherche d'images pour "‫שרה ניסני‬‎"

לשרה ותום

Lire aussi sur le sujet : 

Yom Yeroushalayim sur le Mont du Temple : entre humiliation et espoir

Israël ne peut pas devenir « l’Etat de tous ses citoyens », un Etat comme les autres qui serait mû uniquement par les ressorts de l’économie et de la politique, et coupé de la source de Sainteté qui est le Mont du Temple (1). Jamais la situation n’a été aussi humiliante pour les Juifs qui montent sur le Har Habayit, le Mont du Temple, et jamais la nécessité de protéger le droit de culte des Juifs sur cet endroit, qui est le plus sacré du judaïsme, n’a été aussi évidente qu’aujourd’hui. Impressions ressenties le Yom Yeroushalayim, 5 juin 2016.

 

Le débat véritable et urgent qui devrait se tenir sur ce sujet crucial n’est pas tant celui de savoir si nous avons le droit – ou plutôt le devoir – de reconstruire le Temple, que celui de savoir ce que pourra devenir le Temple, une fois reconstruit. Redeviendra-t-il le lieu de sacrifices, comme autrefois, selon les mots de la prière (חדש ימנו כקדם), ou bien devrons-nous y instaurer un culte différent, peut-être même entièrement nouveau, qui ne ressemblera ni aux sacrifices d’antan ni aux prières actuelles dans les synagogues, instaurées après la destruction du Second Temple ?

 

1525035_10151756715916682_588206289_n.jpgA cette question immense, nous ne pouvons évidemment pas répondre aujourd’hui, Une chose pourtant est certaine, à mes yeux comme aux tiens : le Temple est le cœur de notre identité nationale et religieuse et la clé de notre possibilité de vivre sur cette terre que le monde entier nous dispute, comme l’avaient bien compris les Pères fondateurs du mouvement sioniste et de l’Etat d’Israël. Ceux qui se bercent de l’illusion qu’on pourrait renoncer au Temple et brader son emplacement, pour calmer les appétits de nos ennemis, sont oublieux des leçons de notre histoire ancienne et récente ; ils sont prêts à sacrifier ce que nous avons de plus sacré contre des promesses illusoires et des traités de paix qui ne valent pas l’encre avec laquelle ils sont écrits.

 

Je ne t’ai pas dit, hier, quand vous êtes redescendus, Tom et toi, du Har Habayit et que nous nous sommes rencontrés devant la synagogue de la Hourva reconstruite, au milieu de la foule en liesse du Yom Yeroushalayim, combien j’étais fier de votre courage et de votre ténacité ! Car il faut bien du courage pour se rendre là-haut, malgré les imprécations hostiles de nos ennemis et les gestes non moins hostiles des policiers (notre police !), qui traitent sans ménagement les Juifs venus faire acte de présence sur ce lieu sacré. Ceux-ci ne viennent pourtant ni par goût de la provocation, ni pour satisfaire un vague sentiment mystique ou religieux, mais comme shli’him, comme représentants de tout notre peuple (même si beaucoup d’entre nous sont encore totalement inconscients de ce que le Temple signifie pour Israël).

1858952762.jpg

De gauche à droite: Dan Beeri, Yehuda Etsion, Yoram Ginzburg et Neeman (Photo Makor Rishon)

Plus encore que la brutalité des policiers du Yassam, l’unité anti-émeutes, qui bousculent les fidèles juifs, même quand ils sont déjà sortis du périmètre de l’esplanade du Temple – c’est le sentiment d’être étranger sur sa propre terre qui est difficile à supporter. Si les dirigeants de notre Etat avaient une réelle conscience de ce que représente le Temple, alors ils auraient appelé, en ce jour de Yom Yeroushalayim, les Juifs à monter par milliers sur le Har Habayit, au lieu de les en dissuader par tous les moyens… L’amère vérité est que nos dirigeants se comportent eux-mêmes comme des étrangers dans notre capitale réunifiée il y a 49 ans, en laissant le Waqf musulman administrer  le lieu le plus sacré du judaïsme, comme l’avait fait avant eux Moshé Dayan, le vainqueur de la Guerre des Six jours, lorsqu’il avait confié les clés du Mont du Temple à nos ennemis, au lieu de proclamer avec force que nous étions revenus sur le Mont pour y rester et pour exercer notre souveraineté nationale.

 

Nos ennemis ne s’y sont pas trompés, car ils ne respectent pas la faiblesse de ceux qui ne sont pas sûrs de leur bon droit : nos hésitations et nos atermoiements les renforcent dans leur conviction que les Juifs ne sont pas chez eux à Jérusalem, ni dans le reste du pays. C’est d’ailleurs pour cette raison précisément que la Loi juive permet de fouler le sol sacré autour du Temple : pour y manifester notre présence en tant que conquérants et faire savoir à nos ennemis et au monde entier que le peuple Juif est revenu à Sion par la « force du droit » (selon les mots de M. Begin) et en vertu du droit politico-religieux conféré par notre histoire plurimillénaire.

En visite sur le Mont du Temple.JPG

Nous avons reconquis Jérusalem et y sommes retournés en tant qu’occupants légitimes, et non pas comme des usurpateurs. Car le כיבוש n’est pas une insulte, comme voudraient le faire croire les représentants d’une morale et de valeurs étrangères au sein de notre peuple (qui prétendent que « l’occupation corrompt »). Le כיבוש est la seule façon de reconquérir une terre dont nous avons été éloignés à notre corps défendant. Il y a 49 ans (le temps d’un Yovel, d’un jubilé) les soldats de Tsahal et les parachutistes de Motta Gur libéraient Jérusalem des mains de l’occupant jordanien, qui avait transformé en latrines les pierres du Kottel.

 

JERUSALEM DEGALIM.JPG

YOM YEROUSHALAYIM

Aujourd’hui, le Kottel est en partie libéré (même si une partie demeure ensevelie sous terre) et les Juifs du monde entier viennent s’y recueillir et y épancher leur cœur, pensant parfois à tort que c’est l’endroit le plus saint de Jérusalem, alors que la sainteté véritable se trouve au-dessus, sur le Har Habayit… Le plus dur reste encore à faire : libérer le Mont du Temple, pour que Jérusalem soit véritablement libre et devienne enfin la « Maison de prière pour tous les peuples » annoncée par nos prophètes, lorsque la liberté de culte s’y exercera pleinement pour les Juifs, comme elle s’y exerce déjà pour les fidèles des autres religions.

C’est vous, les Etudiants pour le Mont du Temple (סטודנטים למען הר הבית) qui avez, avec d’autres organisations, assumé la tâche noble et difficile d’entamer ce combat. Que Dieu vous bénisse et vous donne la force de réussir ! חזק ואמץ

Pierre Lurçat

(1) J'aborde ce sujet dans mon dernier livre, Israël le rêve inachevé, Editions de Paris 2018.

See comments

Yuval Noah Harari et Israël (I) : Un penseur édulcoré pour un monde sans gloire

August 8 2019, 07:30am

Yuval Noah Harari et Israël (I) : Un penseur édulcoré pour un monde sans gloire

Le titre du magazine Le Point ‘était sans appel : “Entretien avec Yuval Noah Harari, penseur le plus important du monde”(1). Ainsi, le penseur le plus important du monde serait un Israélien! La nouvelle a de quoi réjouir ceux qui sont d'avis qu’Israël a un rôle intellectuel à remplir dans le monde actuel. Mais la lecture de l’interview, plus que décevante, est surtout édifiante. Harari n’est en effet pas le porte-parole d’une quelconque sagesse juive ou d’un savoir israélien, qui pourraient éclairer notre monde déboussolé… Bien au contraire, il réfute toute spécificité juive et va même jusqu’à affirmer que “l’impact du judaïsme dans l’histoire humaine est minime!” En effet, explique-t-il : “Les chasseurs-cueilleurs avaient des codes moraux des dizaines de milliers d’années avant Avraham”.

 

 

En cela, Harari n’est pas différent de bien des penseurs juifs illustres, au vingtième siècle et auparavant. La manière dont il s'évertue à dénier toute originalité au judaïsme ne constitue rien de très nouveau, depuis Freud et sa déconstruction de Moïse. Sa posture vérifie une “règle d’or”, qu’on pourrait énoncer ainsi : si un intellectuel juif veut voir son audience augmenter, il a tout intérêt à diluer le contenu juif de son message. Mettre de l’eau dans son vin, en quelque sorte, quitte à ce que le résultat final n’ait plus qu’une couleur rosâtre, presque translucide… Les exemples illustrant ce principe sont innombrables. Pensez à n’importe quel intellectuel juif médiatique, et vous verrez que l’étendue de son savoir juif (affiché ou réel) est inversement proportionnelle à son succès.

 

Dans le cas de Yuval Harari, on hésite pour dire s’il s’agit d’ignorance, d’un calcul délibéré, ou des deux à la fois. Son idée fixe de minimiser l’apport juif à la civilisation confine à l’obsession, comme s’il voulait dire sans cesse “Je suis Israélien certes, mais ma loyauté va avant tout aux valeurs universelles…” Ou encore (ce qui revient au même) : “Je ne suis pas de ces Israéliens à l’esprit étroit, qui croient encore que le peuple Juif aurait un message particulier à faire entendre au monde… C’est précisément de cela qu’il s’agit dans ses propos sur Israël et le judaïsme. “On nous dit que Jérusalem est la capitale éternelle du peuple Juif” alors qu’elle remonte à cinq mille ans et que le peuple juif a tout au plus trois mille ans d’existence”. Beau sophisme, qu’un journaliste un peu plus cultivé aurait aisément contré, en demandant à Harari quelle autre civilisation a fait de Jérusalem sa capitale…

 

Sur le même sujet, Harari se livre à une comparaison étonnante, qualifiant de “rétrograde” l’idée de reconstruire le Temple : “On voit une vision rétrograde presque partout : « Rendons à l'Amérique sa grandeur ». Si vous allez en Russie, cent ans après Lénine, la vision de Poutine pour l'avenir est en gros : « Retournons à l'empire tsariste. » Et en Israël, d'où je viens, la vision politique brûlante du moment est celle-ci : « Reconstruisons le temple”

 

Le Temple de Jérusalem : une vision “rétrograde”?



 

Yuval Harari explique aussi doctement à l’envoyé spécial du Point, Thomas Mahler, venu spécialement à Tel-Aviv pour rencontrer le penseur le plus important du monde, qu’il “a un problème avec le gouvernement actuel d’Israël”, car “le gouvernement actuel de B. Nétanyahou est en train de saper les libertés” [de pensée et d’expression]. M. Harari serait plus crédible si son souci de la liberté s’appliquait aussi à l’égard de la Russie de Poutine, qui vient de publier une version russe de son dernier livre avec d’importantes modifications dues à la censure, qu’il a acceptées sans sourciller. Les atteintes imaginaires à la liberté du gouvernement de Nétanyahou le dérangent plus que celles, bien réelles, de M. Poutine...

 

“Le terrorisme tue moins que le sucre”

 

Le reste de sa doctrine politique est à l’avenant. Dans ses “21 leçons pour le 21e siècle”, Harari énonce ainsi cette affirmation, qui explique sans doute en partie son succès planétaire : “le terrorisme tue moins que le sucre”. Au-delà de la vérité statistique, discutable, cet énoncé contient un mensonge politique, qui fera le bonheur de tous les dirigeants occidentaux (ces mêmes Macron et Merkel qui ont chaleureusement accueilli Harari), pressés de faire oublier la menace terroriste en parlant de réchauffement climatique ou d’autres menaces hypothétiques, qui ont l’immense avantage de ne comporter aucun ennemi.

 

“Le terrorisme tue moins que le sucre” : une idéologie qui abolit la notion d’ennemi

 

On est ici au coeur de la philosophie de Yuval Harari et de l’idéologie très actuelle qu’il défend, laquelle abolit toute notion d’ennemi et de guerre légitime. Les terroristes ne sont rien, oubliez l’Etat islamique, le danger c’est l’algorithme, l’alimentation ou le changement climatique! Slogans démagogiques, capables de séduire tous ceux qui refusent de désigner un ennemi bien réel, en préférant lutter contre des abstractions plus ou moins fantasmagoriques. On comprend dès lors le succès d’Harari : il renvoie à un Occident fatigué et doutant de lui-même une image qui lui plaît et le conforte dans sa lâcheté politique, face à l’Iran et aux autres ennemis de la liberté. Celle-ci n’est d’ailleurs, dans la doctrine postmoderne d’Harari, qu’une “invention des hommes qui n’existe que dans leur imagination”(2).

 

A l’aune de sa définition édulcorée (comme le sucre) du terrorisme, on peut deviner ce que pense Harari de la menace islamiste : “L’islamisme n’a quasiment aucun attrait pour les non-musulmans!” (Apparemment, il n’a pas entendu parler des légions de convertis occidentaux qui peuplent les rangs de l’Etat islamique et d’Al-Qaïda…(3). Autre perle : “l’islam n’a pas une influence globalisée”. “Bien sûr”, consent-il, “l’islamisme séduit, mais il ne faut pas le surestimer”.


Dans la deuxième partie de cet article, nous verrons comment la pensée de Yuval Harari est marquée par le cognitivisme et le scientisme ambiant et comment elle s’oppose radicalement à la tradition hébraïque, et en particulier à la notion du Tselem. C’est précisément parce qu’il défend des conceptions opposées au judaïsme qu’il est devenu le gourou (ou le faux prophète) d’un Occident coupé de ses racines juives.

 

Pierre Lurçat

(1) Le Point, 20 septembre 2018.

(2) Cité par Astrid de Larminat, “Homo Sapiens et Homo Deus: la nouvelle bible de l'Humanité ?” Le Figaro 8/9/2017.

(3) Sur ce  point, je renvoie à mon livre Pour Allah jusqu’à la mort, Enquête sur les convertis à l’islam radical, éditions du Rocher 2008.

____________________________________________________________________________ 

Shalom,
Depuis cinq ans, nous, 'les étudiants pour le mont du temple', religieux et non religieux, luttons pour faire changer la situation actuelle sur le Mont du Temple et pour faire valoir nos droits et notre souveraineté à l’endroit le plus sacré du peuple juif.
Vous pouvez nous aider et nous soutenir en faisant un don ( même un petit don sera le bienvenu).
 

See comments

Découvrez Cultura Sion, le nouveau magazine culturel israélien!

August 2 2019, 10:42am

Posted by Pierre Lurçat

Naomi Shemer, 15 ans déjà!

 

Qui ne connaît pas le nom de Naomi Shemer? Sa chanson “Yeroushalayim shel zahav”, interprétée par Shuli Nathan, est devenue quasiment un second hymne national et c’est sans doute la chanson israélienne la plus connue aujourd’hui. Elle a été reprise et adaptée par les plus grands chanteurs, en Israël (comme Ofra Haza) et ailleurs (ici Rika Zaraï). Cette chanson mériterait qu’on lui consacre une émission entière…

Résultat de recherche d'images pour ""naomi shemer""

Mais qui était Naomi Shemer? Un spectacle musical, Simané Derekh, produit par le théâtre Habima et qu’on a pu voir récemment dans les grandes villes israéliennes, retrace son parcours. Née à Kinneret en 1930, elle entame l’étude du piano à l’âge de 6 ans. Elle repousse son service militaire pour aller étudier la musique au conservatoire de Tel-Aviv et à l’Académie Rubin de Jérusalem.

 

Sa carrière musicale s’étend sur près de cinquante ans, jusqu’à sa mort en 2004. On lui doit plusieurs des chansons les plus connues et les plus belles du répertoire israélien, parmi lesquelles Lu Yehi (écrite pendant la guerre du Kippour) qu’on entend ici interprétée par Hava Halberstein, peu de temps après sa création.

 

Au-delà de sa place incontestée dans le Panthéon de la chanson israélienne, et derrière l’image d’unanimité qu’elle semble réunir autour d’elle, Naomi Shemer a pourtant fait l’objet d’une polémique aussi vaine que futile, liée précisément à sa chanson la plus fameuse, Yeroushalayim shel zahav.

 

On lui a en effet reproché d’avoir donné une vision partisane de Jérusalem, en parlant de la “place du marché vide” comme s’il n’y avait pas d’habitants arabes à Jérusalem…

 

Cette polémique appelle deux remarques. Tout d’abord il n’est pas anodin que l’auteur de ce reproche ait été une autre icône de la culture israélienne, l’écrivain Amos Oz.

Deuxièmement, Naomi Shemer, tout en s’engageant politiquement, n’a jamais prétendu être une artiste engagée et elle a souffert de cette polémique. 

Rappelons nous donc de l’immense artiste, et écoutons là interpréter une de ses chansons immortelles.

 

Résultat de recherche d'images pour "culturasion"

 

RETROUVEZ NOTRE EMISSION CULTURA SION 

sur YouTube

https://www.youtube.com/watch?v=td3Py5Vd3eU

 

et Facebook

https://www.facebook.com/pg/CulturaSion-105754864104315/posts/

See comments

Le violon de David Gritz, par Pierre Lurçat

August 1 2019, 09:41am

david gritz,attentat,jérusalem

David Gritz z.l. (23/3/1978 - 31/7/2002)

 

"Le destin existe-t-il ? Le nom de David Gritz m'était revenu en mémoire, alors que je descendais la rue Hillel avec mon ami Reuven, qui me parlait d'un jeune étudiant français, grièvement blessé dans l'attentat de la cafétéria de l'université hébraïque où David avait trouvé la mort. C'était en août 2002, en pleine Intifada, à l'époque où les autobus explosaient au centre de Jérusalem et de Tel-Aviv presque chaque semaine. Une véritable guerre se déroulait dans les rues, les cafés et les marchés des grandes villes d'Israël, guerre encore plus terrible que les précédentes, car pour la première fois depuis 1948, elle touchait presqu'exclusivement les civils – hommes, femmes et enfants – placés en première ligne face aux terroristes kamikazes.

 

Nous avions quitté le pays pour une année sabbatique en France et nous trouvions à Paris, lorsque la nouvelle de l'attentat de la cafétéria se répandit comme une traînee de poudre dans la communauté juive, suscitant une vague d'émotion sans précédent en plein mois d'août. Beaucoup de gens qui, comme nous, ne connaissaient pas David Gritz, s'étaient rendus spontanément à son enterrement, au cimetière du Montparnasse, et nos craintes de voir les parents du défunt presque seuls s'étaient avérées infondées : une foule considérable les entourait, amis, lointaines connaissances ou personnes qui, comme nous, avaient voulu rendre un ultime hommage à ce jeune homme qu'ils n'avaient jamais rencontré.

 

A la tristesse de circonstance s'ajoutait le sentiment d'une perte injuste et d'une douleur insondable. Les parents de David, drapés dans leur deuil comme les personnages d'une tragédie antique, avaient réussi à conserver une dignité exemplaire. Les regardant de loin, debout devant la tombe ouverte de leur fils unique, je repensais à d'autres scènes terribles dont Israël avait été le témoin ces dernières années. La “famille des endeuillés” – expression typiquement israélienne qui n'existe, à ma connaissance, dans aucun autre pays du monde – s'élargissait chaque semaine aux parents d'une nouvelle victime du terrorisme. Combien d'enfants avaient été enterrés par leurs parents, combien de frères, de fils, de petits-fils avaient été conduits à leur dernière demeure au cours de ces années sanglantes ?

 

 

Mais dans le cas de David il y avait une dimension supplémentaire, car il n'était pas né dans ce pays et dans cette ville où il avait trouvé la mort. Le jeune étudiant prodige, philosophe surdoué au sourire tellement doux et au regard si profond, qui était venu passer l'été à Jérusalem pour étudier à l'université hébraïque et à l'institut Shalom Hartman, n'était même pas juif au regard de la hala'ha, étant né d'une mère catholique croate et d'un père juif américain. Rien, dans l'éducation laïque et cosmopolite qu'il avait reçue, ne le prédestinait à venir séjourner en Israël et à étudier le judaïsme dans la capitale du peuple Juif, dont il savait pertinemment qu'il ne faisait pas pleinement partie, ayant même envisagé un moment de se convertir.

 *            

*   *

david gritz,attentat,jérusalemIl y avait quelque chose de cruel et de presque insensé dans le destin de ce jeune homme à l'intelligence hors du commun, sur le berceau duquel s'étaient penchées de nombreuses fées mais dont les dons multiples n'avaient pas encore pu donner tous leurs fruits. Philosophe, artiste, musicien : David était tout cela à la fois. Relisant, plusieurs années après sa fin tragique, le petit livre de philosophie publié à titre posthume à partir de son mémoire de maîtrise, je réalisai tout d'un coup que le sujet qu'il traitait était intimement lié à sa fin prématurée.

 

“Clic, un coup de pouce dans l'intérieur de la tête, et vous disparaissez. La jeunesse – éternelle – ô, mon passage sur cette terre !” David Gritz avait écrit ces mots prémonitoires dans son Journal, un an tout juste avant l'horrible attentat où il perdit la vie, lorsque la bombe du terroriste palestinien explosa dans la cafétéria où il était attablé et qu'un boulon lui transperça le cerveau… Avait-il eu le pressentiment de son sort tragique ? Cette question, on se la posait souvent en Israël, lors de la mort de jeunes soldats dont les proches retrouvaient des poèmes ou des chansons contenant des mots prémonitoires. Il y avait même en Israël un genre particulier de chansons, qui passaient en boucle à la radio le jour du Souvenir des soldats : les chansons écrites par des soldats morts à vingt ans.

 

Que restait-il de lui, pensai-je en regardant le portrait de David sur un site Internet consacré aux victimes d'attentats. Un petit livre bleu et noir, plein de savoir et de promesses ; quelques photos et des souvenirs qui s'estompaient déjà dans l'esprit de ceux qui l'avaient connu et aimé… Que restait-il d'un être humain après son bref passage sur cette terre ? Je me souvenais de l'impression étrange ressentie en ouvrant les cartons emplis d'objets hétéroclites laissés par un vieux cousin, mort sans héritier. David Gritz était lui aussi mort sans enfant, unique descendant de parents pour qui il était tout, branche ultime d'une lignée qui resterait coupée pour l'éternité. Le terroriste avait-il donc gagné ?

 

david gritz,attentat,jérusalemLa réponse à cette question, je la trouvai quelques années plus tard, dans les pages d’un livre écrit par un kabbaliste du Moyen-Age. “Chaque âme humaine qui descend sur la terre est comme une voix particulière qui se joint au chœur des louanges pour l’Eternel, béni soit-Il”. De prime abord, ces lignes me parurent mystérieuses, mais en les relisant, je pensai soudain à David Gritz et à son violon, dont il jouait à merveille, avais-je entendu dire. Le terroriste qui avait assassiné David avait certes tué son corps, mais sa victoire n’était pas totale. Car l’âme du jeune musicien était éternelle et sa voix particulière et unique ne s’éteindrait jamais ; elle continuerait de résonner dans les sphères célestes supérieures, juste en-dessous du Trône de Gloire, à la place réservée aux Tsaddikim morts pour la Sanctification du Nom".

 

(Extrait de mon livre Jour de Sharav à Jérusalem)

See comments