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antisemitisme musulman

La Shoah comme révélateur de la pathologie antisioniste et l’antisémitisme musulman, Pierre Lurçat

May 5 2024, 09:06am

Posted by Pierre Lurçat

(Extrait de mon livre Les mythes fondateurs de l'antisionisme contemporain, qui vient d'être réédité aux éditions B.O.D.)

 

La place qu’occupe la Shoah dans le discours et dans l’idéologie antisioniste est un aspect essentiel à leur compréhension. Comme l’écrit le philosophe Elhanan Yakira, “l’antisionisme est un scandale, et c’est précisément sa nature pathologique que révèle le recours constant à la Shoah de la part des antisionistes” (1). Avant d’analyser de manière précise cette nature pathologique, nous voudrions donner plusieurs exemples de recours au thème de la Shoah (ou “variations autour du mythe du Shoah Business”), qui nous permettront de comprendre la finalité du mythe et de mieux cerner la nature véritable - et scandaleuse, pour reprendre l’expression de Yakira - de l’antisionisme.

 

Dans son livre Post-sionisme post-Shoah, capital pour notre sujet, Elhanan Yakira prend pour point de départ de sa réflexion, l’interrogation que suscite “l’utilisation de la Shoah comme arme idéologique”, employée pour “renforcer toutes sortes de diabolisations, disqualifications et délégitimations d’Israël”. L’hypothèse qu’il avance, pour expliquer ce paradoxe, est que “la Shoah est perçue à la fois comme la source, la raison, la cause et la seule justification possible de l’existence d’Israël”. Il faut donc récuser cette justification, pour supprimer la légitimité d’Israël. C’est ce paradigme central du discours antisioniste (s’attaquer à la Shoah comme justification de l’existence d’Israël), auquel il donne le nom de postulat dominateur

 

 

Observons que le discours antisioniste attribue quant à lui son obsession de la Shoah à une soi-disant omniprésence de celle-ci dans le discours officiel israélien (2). (Un peu comme dans l’histoire du patient obsédé sexuel, auquel le thérapeute montre différentes formes géométriques, qu’il interprète de manière récurrente comme des femmes nues, et qui finit par s’indigner : “C’est vous qui n’arrêtez pas de me montrer des images obscènes!”) L’antisioniste est lui aussi un obsédé qui s’ignore : il voit partout des images de la Shoah, dans le journal télévisé sur la situation à Gaza, en Cisjordanie, et jusque dans les rayons de son supermarché, où les fruits importés d’Israël suscitent chez lui une irrépressible envie de boycott…

 

C’est en ce sens qu’on peut d’ores et déjà analyser le discours antisioniste comme une pathologie politique. Tout comme l’antisémite voit des Juifs partout, l’antisioniste voit partout la main d’Israël (ou du Mossad, accusé par José Bové d’avoir organisé les incendies de synagogues en France au début des années 2000…). Cette pathologie est encore plus flagrante - comme nous le verrons - dans le cas des Juifs antisionistes radicaux, chez qui l’obsession anti-israélienne s’accompagne d’une démarche identitaire, que nous avons déjà analysée en recourant au concept de religion politique, et sur laquelle nous allons revenir dans le présent volet de notre exposé.

 

Un obsédé qui s’ignore : José Bové arrêté à Orly à son retour d’Israël

 

C’est aussi ce ‘postulat dominateur’ qui permet de comprendre le lien - a priori non évident - entre les militants et théoriciens de l’antisionisme et les auteurs négationnistes, lien longuement décrit et analysé par Elhanan Yakira, qui parle à ce sujet d’une communauté d’opprobre, laquelle réunit négationnistes intégraux à la Faurisson, tiers-mondistes anti-israéliens soutenant des positions négationnistes avec hésitation, et “négationnistes soft” prenant la défense de Faurisson par positionnement idéologique, comme Noam Chomsky.

 

A l’origine du mythe du Shoah business : le négationnisme arabe de la Shoah

 

Si l’on tente de déterminer l’origine de l’accusation de “Shoah-business”, c’est-à-dire de l’accusation portée contre Israël et le sionisme d’avoir exploité délibérément la Shoah (ou même d’y avoir contribué), il faut - là encore - tourner le regard vers l’obscur objet de la haine antisioniste, à savoir Israël. Shmuel Trigano, dans un livre important paru en 2005, rappelle que le négationnisme est une invention arabe palestinienne, tout autant qu’européenne. “Les Palestiniens ont inventé très tôt, entre 1945 et 1948, bien avant l’heure, la thèse négationniste. Oscillant entre la dénégation de l’extermination, qualifiée de simple “persécution/oppression” (idhitad) pour la minimiser et son “exagération choquante” produit d’un “complot sans pareil dans les temps modernes” des sionistes, ils n’hésitèrent pas, dès 1946, à voir dans la mémoire de la Shoah une ruse de propagande…” (3)

 

Trigano cite notamment le journal Filastin, lequel écrivait dès 1945 que “les Juifs ont grossièrement exagéré le nombre de leurs victimes en Europe, pour gagner le soutien mondial du fait de leur catastrophe imaginée. L’histoire montrera avec le temps que les Juifs sont ceux dont les pertes sont les moins importantes comparées à d’autres peuples et que leur propagande et leur marchandage à propos de ces victimes sont un moyen pour établir un Etat juif en Palestine”.

 

 

 

Ce que montre cette citation, c’est que la négation arabe de la Shoah, et l’accusation concomitante portée contre le sionisme d’avoir exploité celle-ci à des fins politiques, n’ont pas été importées dans le monde arabe, en provenance de pays occidentaux (selon l’argument souvent évoqué, selon lequel l’antisémitisme serait étranger au monde arabo-musulman et y aurait été introduit tardivement). Elles y sont apparues dès le lendemain de la guerre en 1945, bien avant que Faurisson et ses émules ne diffusent leurs théories négationnistes en France et ailleurs. La question n’est pas seulement chronologique : elle revêt une importance majeure, si l’on veut apprécier à sa juste mesure l’étendue et la nature du phénomène antisioniste et négationniste au sein du monde arabo-musulman.

 

L’antisémitisme arabo-musulman : produit d’importation ou fabrication locale?

 

L’historien Robert Wistrich observait à cet égard que “la judéophobie moyen-orientale était considérée quasiment par tous comme un élément du conflit arabo-israélien, exploité avec cynisme à des fins de propagande par les dirigeants arabes et les élites intellectuelles”. C’était, poursuit Wistrich, en citant Bernard Lewis, “quelque chose qui vient d’en haut, des dirigeants, plutôt que d’en bas, de la société - une arme politique et polémique, à mettre au rebut lorsqu’elle devient inutile”(4). Cette erreur de perspective, très largement répandue, consiste donc à minimiser l’antisémitisme musulman (et sa forme récente, l’antisionisme et le négationnisme), en y voyant un produit d’importation tardif, exogène au monde arabo-musulman et utilisé à des fins politiques par ses élites. 

 

G. Bensoussan : “L’antisémitisme musulman trouve sa source en lui-même”


 

Réfutant cette présentation simpliste et erronée, Georges Bensoussan observe que “ce serait une erreur de réduire l’antisémitisme arabo-musulman à une figure d’importation, même si l’on assiste ici, sans conteste, à l’islamisation des poncifs de l’antisémitisme occidental… Car, en réalité, l’antisémitisme musulman trouve sa source en lui-même. Le Coran abonde d’invectives sur les Juifs “traîtres”, et depuis que ces derniers ont rompu leur promesse antérieure avec Lui, les musulmans figurent le peuple élu de Dieu. Pour la plupart des commentateurs, le conflit israélo-arabe n’est que la poursuite de la lutte entre l’islam et les juifs”. A l’appui de cette dernière remarque, essentielle à la compréhension du contexte historico-culturel de l’antisionisme arabe contemporain (ou de ses origines historiques, dans le “temps long” de l’histoire musulmane), mentionnons cette phrase, déjà citée, tirée du quotidien égyptien Al-Ahram : “Notre guerre contre les Juifs est une vieille lutte, qui débuta avec Mahomet” (6).

 

Shmuel Trigano confirme cette analyse, en faisant remarquer que “la culture islamique n’avait pas à se forcer pour construire l’image du Juif falsificateur, dans la mesure où elle tient les Juifs (et les chrétiens) pour les falsificateurs de la parole de Dieu, le Coran” (7). Dans cette perspective, c’est toute la présentation chronologique, ou encore la généalogie traditionnelle de l’antisémitisme musulman qui est inversée : non seulement les musulmans n’ont pas eu besoin d’aller chercher l’antisémitisme en Europe (ce qu’ils ont fait, par ailleurs, notamment par le biais des chrétiens d’Orient, comme l’ont montré les travaux de Bat Ye’or, voir notre Introduction), mais en réalité, ils ont souvent été les premiers à développer certaines thématiques antijuives et antisionistes, dont ils ont trouvé le substrat dans leur propre univers culturel (8). Il convient donc de garder à l’esprit, avant de poursuivre plus avant notre analyse, cet élément essentiel que G. Bensoussan résume de manière limpide : “l’antisémitisme musulman trouve sa source en lui-même”.

 

(1) E. Yakira, Post-sionisme, Post-Shoah, p.1. Presses universitaires de France, 2010.

(2) Un exemple récent de ce phénomène est donné par le dernier livre du romancier israélien Ishaï Sarid, intitulé de manière significative Le monstre de la mémoire, publié aux éditions Actes Sud. Ce livre est présenté (de manière trop laudative) sur le site Akadem.

(3) S. Trigano, Les frontières d’Auschwitz p. 64, Librairie Générale Française 2005.

(4) R. Wistrich, “L’antisémitisme musulman, un danger très actuel”, Revue d’histoire de la Shoah, no. 180, Antisémitisme et négationnisme dans le monde arabo-musulman, la dérive.

(5) Revue d’histoire de la Shoah, no. 180. Antisémitisme et négationnisme dans le monde arabo-musulman, la dérive, op. cit. p. 6-7. 

(6) Al-Ahram, 26 novembre 1955.

(7) S. Trigano, Les frontières d’Auschwitz, p. 65

(8) C’est précisément cette affirmation du caractère endogène à la culture arabo-musulmane de l’antisémitisme qui a valu à l’historien Georges Bensoussan les déboires que l’on sait.

 

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Le SPCJ : Protection policière ou auto-défense – Comment assurer la sécurité des Juifs en France ?

March 10 2024, 14:04pm

Posted by Pierre Lurçat

Le SPCJ : Protection policière ou auto-défense –  Comment assurer la sécurité des Juifs en France ?

En marge de la manifestation parisienne qui a connu des affrontements entre manifestants juifs et pro-Hamas, je publie un extrait de mon enquête inédite sur l’auto-défense juive en France. P.L.

 

J’ai rendez-vous avec Dan A. (nom fictif), le responsable du SCPJ (Service de protection de la communauté juive). Il me reçoit dans le local que son organisation occupe, au cœur de Paris, dans un bâtiment abritant plusieurs institutions communautaires, parmi les mieux protégés de la capitale… Le nom du SPCJ ne laisse pas de m’intriguer. Pourquoi donc y a-t-il besoin aujourd’hui d’un service de protection spécifique à la communauté juive française ? N’est-ce pas un aveu d’échec flagrant des autorités françaises à garantir l’existence pérenne des Juifs en France ? J’espère en savoir plus au terme de notre entretien.

 

Dan me parle tout d’abord de Jabotinsky – dont il sait que j’ai traduit l’autobiographie en français – et de son fameux article « La muraille d’acier », dans lequel le dirigeant sioniste, fondateur du Bétar, explique que la paix avec les Arabes ne pourra s’instaurer que le jour où ceux-ci auront renoncé à tout espoir de parvenir à détruire Israël. Il me raconte qu’il a distribué L’Histoire de ma vie de Jabotinsky aux membres de son staff, sur le conseil d’un ancien camarade du Tagar, devenu entretemps un géopoliticien très apprécié sur les plateaux de télévision.

 

Dans un coin de la pièce – un local sans fenêtre qui ressemble plus à une chambre forte d’un immeuble d’habitation israélien qu’au bureau d’une association juive parisienne très officielle – sont entreposées des caisses contenant un petit livre au titre évocateur : « Autoémancipation » de Pinsker, autre classique de la littérature sioniste. Dan m’apprend qu’il offre ce petit livre en cadeau à tous les jeunes militants juifs qui suivent la formation dispensée par le SPCJ. « Il faut leur faire lire Pinsker, Jabotinsky et les autres grands penseurs sionistes », m’explique-t-il. Il me relate ensuite l’historique du SPCJ, dont il est le jeune directeur. Comme l’explique son site Internet : « Le Service de Protection de la Communauté Juive a été créé en 1980, au lendemain de l’attentat de la rue Copernic à Paris.

 

Le SPCJ est issu d’une volonté commune du Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF), du Fonds Social Juif Unifié (FSJU) et des Consistoires, de protéger la communauté juive dans son ensemble. Ainsi, les membres du Bureau Exécutif du SPCJ sont désignés par les Institutions citées plus haut pour y siéger une fois par mois. Le Président du SPCJ est M. Eric de Rothschild. L’existence du SPCJ est essentiellement due à la menace terroriste et antisémite qui sévit depuis les années 80 ».

 

            Aux yeux du grand public, le SPCJ s'occupe essentiellement de répertorier les actes antisémites – au sujet desquels il publie un rapport circonstancié qui tient lieu de « baromètre » de l'évolution de la haine antijuive dans la France actuelle – mais ce n'est en réalité que la partie la plus visible de son activité. En fait, il s'occupe surtout de protection des édifices et lieux de culte juifs, en totale collaboration avec la police française, et aussi d'audit et de conseil en travaux de sécurité : en clair, comment faire en sorte que les synagogues et les écoles soient mieux protégées…

 

« J’ai porté les cercueils des enfants juifs de Toulouse… »

 

Après ce préambule, j’entre dans le vif du sujet et interroge mon interlocuteur sur l’horrible attentat de Toulouse en mars 2012 et ses conséquences pour les Juifs de France. Comment expliquer que l’assassin-djihadiste ait pu commettre son crime horrible sans être inquiété et n’ait pas même rencontré un sas de sécurité ou un garde à l’entrée de l’école Ozar Hatorah de Toulouse ? La réponse, me confie Dan avec franchise et sans la moindre langue de bois, tient en une phrase : « Nous n’avons pas réussi à convaincre les dirigeants de cette école d’embaucher un agent de sécurité ».

 

Aveu terrible, car même en admettant que le terroriste Mohammed Merah aurait pu abattre sans difficulté un gardien formé au contrôle des sacs à main, et pas à la lutte antiterroriste – argument que j’ai entendu souvent depuis lors – il n’en reste pas moins que la présence d’un agent de sécurité aurait pu avoir un effet de dissuasion, et que son absence doit peser lourd sur la conscience des dirigeants de la communauté juive de Toulouse, et peut-être aussi sur celle du rabbin Monsonego, dont la fille fait partie des victimes de Merah !

 

Dan confirme mon sentiment, en m’expliquant : « J’ai porté les cercueils des enfants juifs de Toulouse… Les responsables de la communauté sont venus vers moi et m’ont dit : ‘Cela fait des années que tu nous avais mis en garde, et on ne t’a pas écouté…’ » Pourtant, rencontrant quelques jours plus tard le dirigeant d’une des plus grandes organisations de la communauté juive parisienne, je n’aurai pas l’impression d’une quelconque remise en question, ou d’une volonté de tirer des leçons de cette tragédie : mais plutôt celle d’un retour à la normale, « business as usual », comme disent les Américains.

 

Nous abordons maintenant le thème de l’activité quotidienne des militants du SPCJ, en dehors des périodes de crise comme celle qui a suivi l’attentat de Toulouse : la protection des synagogues et l’entraînement sportif des volontaires. Dan m’explique qui sont les jeunes Juifs qui suivent la formation dispensée par le SPCJ. « J’ai organisé il y a quelques mois une rencontre entre les dirigeants de la communauté et les jeunes qui s’entraînent au Krav Maga… Ils ont été surpris par deux choses : voir des filles s’entraîner aux côtés des garçons, et voir des jeunes adultes, avocats ou médecins ! »

 

Il n’y a en effet pas de profil sociologique bien défini des volontaires du SPCJ, qui recrute dans tous les milieux. Curieusement, beaucoup des jeunes Juifs qui montent la garde pendant plusieurs heures chaque semaine – le shabbat et les fêtes – sont issus de familles non pratiquantes, voire très assimilées. Comme l’explique avec ironie un jeune volontaire, « c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour venir à la synagogue chaque semaine, sans jamais y mettre les pieds… »

 

Le SPCJ : une organisation communautaire avec un message sioniste

 

Aux yeux de Dan, il est évident que le SPCJ est sioniste. Il me l’explique en me montrant le petit livre de Pinsker, Auto-émancipation, offert aux jeunes volontaires à l’issue de leur formation. Pour beaucoup d’entre eux, ce sionisme se traduit par la participation à la sécurité des Juifs de France, mais certains poursuivent leur engagement en faisant leur alyah, à l’instar d’un jeune Juif de la banlieue parisienne devenue un symbole : Yohann Zerbib, tombé pendant la Deuxième Guerre du Liban à l’été 2005, qui était, m’apprend Dan, un volontaire du SPCJ. Mon interlocuteur a d’ailleurs tenu à ce que cet engagement sioniste se manifeste très concrètement, par une « prestation de serment » des jeunes volontaires, qui se déroule à la synagogue de La Victoire ou dans la crypte du Mémorial de la Shoah.

 

Le SPCJ se défend d’être un « mouvement de jeunesse », même si ses volontaires ont presque tous entre 18 et 25 ans. Une des activités développées récemment est la formation au Krav- maga dans les écoles juives, dans le cadre du programme « Massada * », qui s’adresse aux élèves âgés de 12 à 16 ans. « L’école Lucien de Hirsh nous a demandé de donner des cours de ‘Krav’ dans le cadre de l’éducation physique et sportive, gratuitement », m’explique Dan. « Nous avons immédiatement accepté ». Par la suite, d’autres écoles juives ont rejoint ce programme.

 

Pour conclure cet entretien, je lui demande comment il en est venu à travailler au SPCJ. Il me raconte qu’il a suivi des études dans un lycée parisien, dans une section littéraire, avant de partir en Israël, où il a fait son armée au sein d'une unité combattante. Il me parle aussi de son cousin, Noam Ohana, qui a raconté son parcours dans l’armée israélienne dans un livre publié en 2002, qui a connu à l’époque un certain retentissement : Journal de guerre.

 

Ohana, m’explique Dan, était élève à Sciences-Po, avant de tout quitter pour rejoindre les rangs de Tsahal. Il s’est « bagarré » avec le directeur de cette école à la réputation prestigieuse (dont le niveau actuel n’est plus celui qu’elle avait jadis), pour le convaincre de perpétuer la mémoire d’un condisciple juif, David Gritz, disparu tragiquement dans l’attentat de la cafétéria de l’université hébraïque de Jérusalem. Episode dont je me souviens parfaitement, car j’étais présent en France à l’époque et j’avais participé, comme beaucoup de Juifs parisiens, à l’enterrement de Gritz, au cimetière du Montparnasse.

Le directeur de Sciences Po, Richard Descoings, a refusé obstinément d’accéder à la demande d’Ohana. Jusqu’au jour où celui-ci, recruté entretemps par un grands Fonds d’investissement américain, partenaire de la « Sciences Po US Foundation », s’est trouvé en position de force pour négocier avec son ancien directeur… En clair, il l’a placé devant un ultimatum : si Sciences-Po ne veut pas commémorer la mémoire de David Gritz, nous cesserons notre soutien financier à l’école française ! Anecdote qui en dit long sur l’état d’esprit de certaines « élites » françaises actuelles. Je quitte le directeur du SPCJ avec l’impression que ce jeune homme ouvert et intelligent porte une lourde responsabilité sur les épaules…

P. Lurçat

Extrait de L’étoile et le poing, livre inédit, à paraître aux éditions l’éléphant.

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Yom Yeroushalayim : Comment notre peur de l’islam et des musulmans encourage leur violence

May 26 2022, 15:18pm

Posted by Pierre Lurçat

 

Les lignes qui suivent ont été écrites à la veille et au lendemain de Yom Yeroushalayim, en pleine vague de violence musulmanes du Ramadan à Jérusalem, à la frontière de Gaza et ailleurs, et juste avant le début du nouvel affrontement militaire qui a eu lieu il y a un an.

 

“Il n’y a rien de nouveau sous le soleil”, disait l’Ecclésiaste, “le plus sage de tous les hommes”. En 1921, au lendemain des terribles violences qui firent des dizaines de morts à Tel-Aviv, parmi lesquels l’écrivain Yossef Haim Brenner, de nombreuses voix au sein du Yishouv pleurèrent la terrible réalité des pogromes, auxquels ils avaient cru échapper en venant s’installer en Palestine pour “construire le pays et se construire”, selon le slogan sioniste. Plus encore que les morts de Tel-Aviv (et ceux de Hébron en 1929), c’est sur leurs propres illusions que ces pionniers sionistes versaient des larmes amères.

 

Sur la fosse commune des victimes des pogromes de Hébron, 1929

 

J’ai retrouvé la même désillusion, sous une forme différente, dans le récit que j’ai entendu récemment de la bouche d’un nouvel immigrant, venu s’installer à Jérusalem après avoir vécu longtemps à Paris. A travers son récit lucide se fait jour une vérité que beaucoup d’Israéliens de longue date ont tendance à oublier, ou à occulter. Voici son témoignage : “A l’oulpan, à Jérusalem, j’ai constaté que les élèves arabes, en surnombre dans la classe, jouissaient d’une position privilégiée. Le professeur leur donnait plus souvent la parole, et ils ne se privaient pas de faire “bande à part”, se comportant avec arrogance et mépris, avec son approbation tacite, alors que nous étions encouragés à faire profil bas”. Plus tard, j’ai retrouvé la même attitude lors de mes études, et plus tard encore, dans l'institution où j’effectue mon stage. Lors des réunions du personnel, chaque intervention d’un employé arabe est accueillie avec déférence et avec un excès de respect, comme si tout ce qu’il disait était parole sacrée… Je ne comprends pas cette attitude d’auto-effacement des Israéliens juifs face à leurs collègues arabes…”’

Pour répondre à la question de ce nouvel immigrant, j’ai cherché à comprendre les raisons de ce phénomène, qui sont multiples, parmi lesquelles on peut citer : la politique de “discrimination positive” menée par Israël pour encourager “l’intégration” des Arabes israéliens ; l'idéologie pacifiste juive, du Brith Shalom jusqu'à Shalom Archav (1), la méconnaissance de la culture arabe - surtout chez les Israéliens d’origine européenne - et en particulier de l’attitude de l’islam envers les minorités juives et chrétiennes (dhimmis) ; et enfin - et surtout - la peur de l’islam et des musulmans.

 

 La peur de l'islam, un sujet occulté

 

Ce sujet capital affecte non seulement la vie de tous les jours, dans les nombreux endroits où cohabitent Juifs et Arabes en Israël, comme ceux évoqués dans le témoignage ci-dessus, mais aussi la réalité de l’affrontement entre Israël et ses ennemis, à l’intérieur et aux frontières du pays. Quand Israël prétend “ramener le calme” à Jérusalem, en envisageant d’interdire des manifestations juives, quand il interdit toute prière sur le Mont du Temple, lieu le plus sacré du judaïsme, quand il s’abstient de riposter aux tirs de roquettes incessants venus de Gaza pendant des années, c’est cette même attitude de prudence timorée, mêlée d’ignorance et de peur, qui est à l’oeuvre.

 

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Batterie Kippat Barzel en action : puissance militaire et faiblesse politique

 

On me rétorquera bien entendu que dans le conflit face au Hamas, ou face aux émeutiers de Jérusalem, Israël est dans une situation de supériorité militaire ou policière, qui l’autorise à faire preuve de “prudence”, de “retenue”, ou d’autres qualités qui sont celles du fort envers le plus faible. Mais cette réponse tient d’une erreur de perspective, et aussi d’une tentative de nous mentir à nous-mêmes. Nous nous comportons comme si nous étions confrontés à un simple problème de police, ou à des “événements sécuritaires” (2), alors qu’il s’agit d’une guerre véritable, qui oppose une minorité juive à des ennemis faisant partie du vaste ensemble arabo-musulman.

 

 L'illusion de la puissance technologique

 

De fait, quand des Juifs sont caillassés ou agressés à Jérusalem ou ailleurs par des foules arabes, dans des circonstances qui rappellent les périodes les plus sombres de notre histoire, il s’agit d’une tentative de pogrome et pas d’un fait divers. Qui est le plus fort : le Juif orthodoxe qui tente d’échapper à ses agresseurs et de sauver sa vie, ou ceux-ci? Il en est de même à la frontière de Gaza: nous sommes persuadés d’être les plus forts, à l’abri derrière la barrière technologique du “Kippat Barzel”, qui détruit en vol (pas toujours) les roquettes lancées par l’ennemi, nous permettant de vivre dans une illusoire tranquillité (sauf pour les habitants des localités frontalières, dont la vie est transformée en enfer, dans l’indifférence générale). Mais cette force illusoire parvient mal à masquer une faiblesse morale et psychologique, qui éclate au grand jour quand le Hamas tire sur Jérusalem en plein Yom Yeroushalayim (3) 

 

C’est en effet à Jérusalem et notamment sur le Mont du Temple que cette faiblesse est le plus manifeste. A cet égard, l’attitude d’Israël sur le Mont du Temple constitue une double erreur, psychologique et politique. Psychologiquement, elle renforce les musulmans dans leur complexe de supériorité, en les confortant dans l’idée que l’islam est destiné à dominer les autres religions et que ces dernières ne peuvent exercer leur culte qu’avec l’autorisation et sous le contrôle des musulmans, c’est-à-dire en étant des « dhimmis ». 

 

Politiquement, elle confirme le sentiment paranoïaque de menace existentielle, que l’islam croit déceler dans toute manifestation d’indépendance et de liberté de ces mêmes dhimmis à l’intérieur du monde musulman. Paradoxalement, la souveraineté juive à Jérusalem est perçue comme une menace pour l’islam, précisément de par son caractère incomplet et partiel : les Juifs sont d’autant plus considérés comme des intrus sur le Mont du Temple, qu’ils n’y sont pas présents à demeure et qu’ils y viennent toujours sous bonne escorte, comme des étrangers et des envahisseurs potentiels.

 

Comment Israël a perdu la guerre psychologique

 

En apparence, Israël n’a pas peur du terrorisme, qu’il combat efficacement, et dont il a largement triomphé sur presque tous les fronts. Sauf sur un point essentiel : la guerre psychologique. Israël (et l’Occident tout entier) a perdu la guerre psychologique contre le Hamas et contre l’islam en général, parce qu’il a intégré dans sa propre psyché la peur de l’ennemi, arme psychologique la plus redoutable de tous les terrorismes, et dont l’islam a fait sa spécialité, en jouant constamment sur le double dispositif mental et militaire de la peur et de la soumission, de l’apitoiement et de la terreur.

 

La meilleure preuve de cette réalité paradoxale est l’attitude des responsables de services de sécurité israéliens à Jérusalem (Shin Beth, police, etc.), qui mettent constamment en garde le public israélien contre le risque “d’embrasement”’ du Mont du Temple, ce “baril de poudre” qui pourrait selon eux déclencher une “guerre mondiale”, si l’on autorisait une pognée de Juifs à venir y exercer librement leur culte, comme le proclament pourtant la Déclaration d’indépendance d’Israël et toutes les déclarations universelles des Droits de l’homme. Ces prétendus “gatekeepers”, censés assurer la responsabilité suprême de la sécurité d’Israël, sont devenus depuis longtemps les pourvoyeurs d’une idéologie défaitiste, par un curieux mécanisme psychologique qui reste à explorer.



 

La synagogue de Névé Dekalim, détruite après le retrait de Gaza

 

En définitive, cette attitude de peur se retourne également contre nos ennemis, en les poussant à la surenchère et en les empêchant de grandir, de se développer et de renoncer à leurs rêves funestes et infantiles. N’oublions pas que c’est le retrait de Gaza orchestré par Ariel Sharon qui a mis au pouvoir le Hamas, sous le joug duquel souffrent des millions de musulmans, et que ce sont les accords d’Oslo qui ont amené Arafat au pouvoir. La peur (et la corruption, intellectuelle et matérielle) a toujours été mauvaise conseillère. “Il est “plus difficile d’extirper la Galout du Juif que de faire sortir  les Juifs de la Galout”, disait Manitou. Le jour où  nous cesserons d’avoir peur de l’islam, nous pourrons enfin devenir ce “Nouveau Juif” que Jabotinsky appelait de ses voeux et gagner le respect de nos ennemis, et le nôtre.

Pierre Lurçat

 

1. Sur l’idéologie pacifiste, je renvoie à mon livre La trahison des clercs d’Israël, La Maison d’édition 2016.

2.  Le vocabulaire employé en Israël pour décrire les pogromes arabes a toujours été marqué par l’understatement, depuis l’euphémisme des “événements de 1929”

3. Sur l’illusion technologique que représente Kippat Barzel, voir http://vudejerusalem.over-blog.com/2019/11/israel-face-a-gaza-sortir-de-l-illusion-technologique-et-retrouver-les-valeurs-de-tsahal-pierre-lurcat.html.

 

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"Al Aqsa en danger" : aux origines d'un slogan mensonger, par Pierre Lurçat

April 18 2022, 12:42pm

Posted by Pierre Lurçat

N.B. J'ai abordé ce sujet ce matin au micro de Daniel Haïk sur Radio Qualita

C’est au début des années 1930 que la mosquée Al-Aqsa et Jérusalem deviennent des éléments centraux de l’opposition arabe au sionisme, et qu’apparaît un slogan mensonger qui a fait couler depuis des rivières de sang : « Al Aqsa est en danger ! »

Ce slogan a été entendu à de nombreuses reprises ces dernières semaines, tant dans la bouche des prédicateurs et chefs radicaux du Hamas et du mouvement islamiste arabo-palestinien, que dans celle des dirigeants du Fatah et de l’Autorité palestinienne, tous unis dans la même détestation d’Israël et du peuple juif. Mais son invention remonte à une époque déjà lointaine *, où se sont mis en place les principaux acteurs et paramètres de l’affrontement actuel.

J’ai décrit dans mon livre Le Sabre et le Coran ** l’implication des Frères musulmans égyptiens dans la question palestinienne, par l’intermédiaire du Mufti de Jérusalem, Hadj Amin Al-Husseini. Celui-ci a joué un rôle clé dans l’établissement d’une « alliance germano-islamique », qui n’était pas de pure circonstance : le père fondateur du mouvement national palestinien était en effet un nazi convaincu, qui a passé plusieurs années à Berlin pendant la Deuxième Guerre mondiale, diffusant des émissions de propagande à destination des pays musulmans et œuvrant avec acharnement pour convaincre le régime nazi d’inclure les Juifs de Palestine dans la « Solution finale ».

Al-Husseini, les Frères musulmans et le nazisme : une alliance oubliée

C’est Amin Al-Husseini qui a convaincu le mouvement des Frères musulmans égyptiens – matrice de l’islamisme contemporain – de faire de la guerre contre les Juifs et de la question de Jérusalem un élément central de leur propagande, à une époque où ils ne manifestaient aucun intérêt pour ce qui se passait dans la Palestine mandataire voisine. Certains écrivains et hommes politiques égyptiens avaient même exprimé leur sympathie pour le mouvement sioniste, à l’instar du célèbre penseur musulman Rashi Rida, rédacteur en chef du journal Al-Manar.

Al-Husseini avec un dignitaire nazi

Tout change en 1936, année des émeutes arabes fomentées par le Mufti de Jérusalem, qui marquent le début de l’implication des Frères musulmans dans la question palestinienne. Au début de l’été 1936, le Haut Comité arabe de Jérusalem, dirigé par Al-Husseini, envoie ainsi des émissaires en Egypte afin de mobiliser les autorités religieuses, gouvernementales et les médias en faveur de la cause arabe en Palestine. Pour sensibiliser l’opinion, ils prétendent que les Juifs ont voulu « profaner les Lieux Saints » de Jérusalem, soi-disant pour « reconstruire le Troisième Temple sur l’emplacement de la mosquée d’Omar ». Cette rumeur est propagée par les mosquées dans toute l’Egypte, les prédicateurs affirmant que c’est une obligation religieuse pour chaque musulman de s’engager dans le djihad en faveur de la Palestine.

Cet épisode fondateur, largement méconnu, a ainsi permis de poser les bases de l’affrontement idéologique, dont nous vivons aujourd’hui les derniers rebondissements. Le slogan « Al Aqsa en danger » n’a pas été inventé par le Hamas ou par Mahmoud Abbas, le faux modéré dirigeant de l’Autorité palestinienne, qui poursuit le même but que ses nouveaux alliés de Gaza, par des moyens parfois différents. Il remonte à 1936, année cruciale qui voit s’édifier l’alliance entre le fondateur du mouvement national palestinien et les Frères musulmans égyptien.

 

Hitler et le fondateur du mouvement national palestinien, Al-Husseini

Cette alliance est décisive dans l’histoire du mouvement palestinien, tant sur le plan idéologique que sur celui des organisations politiques. En effet, tant le Fatah que le Hamas – ces deux jumeaux que les médias présentent trop souvent comme des adversaires – sont largement issus des Frères musulmans. Le Hamas est la branche palestinienne du mouvement islamiste égyptien, et le dirigeant historique du Fatah, Yasser Arafat, a fait partie dans sa jeunesse des Frères musulmans.

On comprend mieux alors la suite des événements : l’accusation calomnieuse « Al Aqsa en danger », devenue un élément central de la propagande arabe à l’époque de l’alliance entre Hitler et le Mufti de Jérusalem, n’a jamais disparu. Elle réapparaît régulièrement, chaque fois que le conflit s’essouffle et qu’il est nécessaire d’ajouter un peu d’huile sur le feu. Les dirigeants palestiniens, de l’AP ou du Hamas, n’ont même plus besoin aujourd’hui de faire appel aux prédicateurs des mosquées pour diffuser ce slogan mensonger : ils sont aidés par les médias arabes et occidentaux, organes de propagande tout aussi efficaces que les appels des mosquées.

 Pierre Lurçat

* Bien avant que ne se pose la question de la prière juive sur le Mont du Temple, dont la propagande arabe relayée par certains Israéliens voudrait faire aujourd’hui le nœud du conflit…

** Paul Landau, Le Sabre et le Coran, Tariq Ramadan et les Frères musulmans à la conquête de l’Europe, éditions du Rocher 2005.

Calaméo - Le sabre et le Coran

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Le mensonge du « vivre-ensemble » et la réécriture de l’histoire juive en terre d’islam par l’Institut du Monde Arabe

November 26 2021, 09:00am

Posted by Pierre Lurçat

L’ouverture d’une exposition consacrée à « l’histoire des Juifs d’Orient », en pleine campagne électorale présidentielle, est évidemment un acte politique majeur, comme le démontre la déclaration du président Emmanuel Macron, qui a affirmé en inaugurant l’exposition « la part maudite n’est jamais la part de l’autre » et a fait l’éloge de la « France plurielle ». On peut regretter que les institutions juives de France soient tombées dans le panneau et aient pleinement participé à l’entreprise de récupération politique et de réécriture de l’histoire juive… Une fois de plus, le symbole juif est manipulé à des fins politiques (2), avec le consentement (plus ou moins éclairé) de certains responsables communautaires juifs de France. P.L.

L’exposition qui ouvre ses portes le 24 novembre 2021 à l’Institut du monde arabe n’a pas seulement pour vocation, comme l’affirme son titre, d’exposer « l’histoire plurimillénaire des Juifs d’Orient ». En effet, comme le rappelle Jean-Pierre Faye,

« l’histoire est une narration qui se donne pour la réalité même »1

En l’occurrence, il s’agit d’imposer, à grand renfort de soutiens médiatiques et de sponsors divers et variés, un narratif bien précis  :

celui de la « coexistence judéo-arabe », ou comme l’explique le compte-rendu laudateur publié par le journal Le Monde, du « bien-vivre partagé par les deux communautés juive et arabe… »

C’est donc un projet éminemment politique qui est visé par l’IMA : celui de narrer, ou plutôt de réécrire une histoire plurimillénaire en adoptant le récit bien connu d’une histoire heureuse qui aurait mal fini… Comme l’explique ainsi le commissaire de cette exposition, l’historien Benjamin Stora,

« On ne peut pas réduire cette histoire au conflit israélo-palestinien. Juifs et Arabes n’étaient pas des étrangers mais du même monde. De l’Afrique à l’Asie s’est tissée une culture du texte sacré, une calligraphie magnifique, de l’hébreu à l’arabe. Les juifs du Maghreb et du Machrek [l’Orient arabe] se vivent comme des Orientaux. Les prières des mosquées avaient la même sonorité que celles des synagogues »

Dans une interview à France Info, Stora explicite encore plus précisément la visée idéologique de cette exposition :

« Malheureusement, on a une tendance à percevoir la présence de cette communauté essentiellement par sa fin, c’est-à-dire l’exil et le conflit israélo-palestinien qui a contribué à la séparation entre ces deux communautés, c’est certain… »

En d’autres termes, tout le malheur des Juifs du monde arabo-musulman aurait débuté en 1948, avec la création de l’État d’Israël et le « conflit israélo-palestinien ».

Selon ce narratif répandu et souvent décliné par les médias et institutions en France, le départ des Juifs du monde arabe provoqué par la création d’un État juif en Palestine aurait mis fin à des siècles de « coexistence » et à une histoire harmonieuse (adjectif que l’on retrouve dans la bouche de Stora). Pour décrire cette « harmonie » et cette idylle judéo-arabe en terre d’islam, Stora emprunte à l’islamologue Abdelwahab Meddeb le néologisme de « convivence » : « C’est un mariage d’harmonie et de convivialité partagée entre plusieurs mondes monothéistes » explique encore Stora dans les colonnes du Monde.

Benjamin Stora, historien devenu commissaire politique de l’historiographie franco-algérienne

Que le commissaire (ou plutôt le   « commissaire politique ») de cette exposition hyper-idéologique soit Benjamin Stora en dit long sur sa visée politique dans la France d’aujourd’hui. L’historien spécialiste de la guerre d’Algérie assume de nombreuses fonctions politiques, et est devenu en quelque sorte la voix autorisée de la doxa historique sur les sujets les plus politisés de l’histoire de France, ceux qui touchent à l’immigration, à la colonisation et aux rapports entre la France et le monde musulman. Il assure ainsi la présidence du conseil d’orientation de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration depuis août 2014, et fait partie du conseil d’administration de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Il a également codirigé un ouvrage collectif qui vient de paraître, intitulé « Juifs et musulmans – Échanges et différences entre deux cultures ».

L’ouverture de cette exposition en pleine campagne électorale présidentielle est évidemment un acte politique majeur

L’ouverture de cette exposition en pleine campagne électorale présidentielle est évidemment un acte politique majeur, comme le montre la déclaration du président et candidat Emmanuel Macron, qui a affirmé en inaugurant l’exposition

« la part maudite n’est jamais la part de l’autre »

et a fait l’éloge de la « France plurielle ».

On peut regretter que les institutions juives de France soient (une fois de plus) tombées dans le panneau et aient pleinement participé à l’entreprise de récupération politique et de réécriture de l’histoire juive que représente cette exposition. Une fois de plus, le symbole juif est manipulé à des fins politiques2, avec le consentement (plus ou moins éclairé) de certains responsables communautaires juifs de France.

Emmanuel Macron aux côtés de Benjamin Stora, de Jack Lang et du rabbin Korsia lors de l’inauguration de l’exposition à l’IMA

Ajoutons que la dimension idéologique de cette exposition permet de comprendre la vigueur de l’entreprise de démonisation à l’égard du candidat Eric Zemmour, dont le discours s’inscrit en faux contre le narratif mensonger du « vivre ensemble » et de la « convivence » judéo-arabe en terre d’islam. Face à la sombre réalité du djihad qui vise l’ensemble des Français, Juifs et non-juifs, l’establishment politique et l’establishment communautaire juif ont choisi, une fois de plus, la politique de la dhimmitude. PL

Pierre Lurçat, MABATIM.INFO


1 Cité par Yana Grinshpun, Perditions Idéologiques

2 Sur l’utilisation – et la manipulation – du symbole juif par des hommes politiques français, notamment depuis François Mitterrand, je renvoie aux nombreux ouvrages de Shmuel Trigano abordant cette question, et en particulier à ses livres La nouvelle Question juive (1982), La République et les Juifs (1982), Les frontières d’Auschwitz (2005) et L’avenir des Juifs de France (2006).

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Les Mythes fondateurs de l’Antisionisme contemporain, Pierre Lurçat

August 4 2021, 21:06pm

Posted by Marc Brzustowski

Le dernier ouvrage de Pierre Lurçat retrace la chronique de ce trait d’union de toutes les idéologies antijuives, qui se synthétise en un seul bouquet « final » dans la grande convergence historique de l’antisionisme.

Loin, en effet, de n’être qu’une simple « nouvelle expression » de l’antisémitisme traditionnel, réadaptée à notre époque post-Shoah, cette forme cathartique renouvelée de l’antique haine des Juifs constitue, selon les termes de Shmuel Trigano, une « nouvelle religion politique ».

Comme le dit l’auteur, l’ensemble de ses chapitres est un recueil de plusieurs cours structurés pour les dispenser dans le cadre de l’Université Populaire du Judaïsme, fondé par le philosophe.

Comme si nier la Shoah pouvait détruire la légitimité du nouvel Etat (Garaudy)

Le titre de l’ouvrage nous renvoie, parodiquement, à l’imposture de Roger Garaudy, ce négationniste et complotiste qui résumait la Shoah menée en Europe par le Nazisme à un « mythe »-prétexte à la fondation d’un Etat sioniste en terres « musulmanes ». Il résume, à lui seul, l’expérience collective de tous ces négateurs du droit à l’existence d’Israël, quel que soit le motif particulier qu’ils privilégient.

L’auteur décrit les motivations de la thèse fondamentale de ce « penseur » de l’anéantissement de l’Etat des Juifs en démontrant que pour le comprendre, il suffit d’inverser le postulat général : le refus de reconnaître l’existence de la Shoah est, d’abord et avant tout, un pilier de la négation du droit d’Israël à exister, en tant qu’expression de l’autodétermination d’un peuple, indépendamment de la tentative de démontrer que cet événement tragique ne serait pas déroulé à l’Est de l’Europe entre 1942 et 1945. Nier l’anéantissement des Juifs d’Europe ne sert pas à justifier ce régime en Allemagne à l’époque, ni le bienfondé d’une extermination, mais bien à assimiler l’actuel pays des Juifs à une démarche collective « d’usurpation » et de « génocide » d’autrui, les « victimes des victimes » (les Palestiniens), selon les termes d’Edward Saïd (lui-même usurpateur professionnel, puisque, contrairement à ses déclarations, il n’est jamais né à Jérusalem, mais bien au Caire, au sein d’une famille de antis égyptiens). Un peuple dont la cause est mise au point au détour de la défaite arabe de 1967, par le KGB et plusieurs services arabes. Sans quoi, les états coalisés contre l’Etat juif se seraient contentés de « jeter les Juifs à la mer », selon l’expression consacrée et de partager le territoire, comme ils comptaient le faire en 1948.

Détruire Israël : de la théorie à la pratique permanente (Hamas)

Toute contestation du droit « théorique » du peuple juif à constituer son propre état débouche inéluctablement sur la volonté d’y mettre fin : non seulement de démanteler les structures et instances « fonctionnelles de cet état, mais bien de disloquer et disperser ce peuple, comme l’empire romain l’a incarné au moment de l’Exil. Contestation du droit de ce peuple à reprendre en main son destin historique et délégitimation de cette construction étatique sont les deux premières formes d’antisionisme, qui se traduisent par sa diabolisation. Israël devient ainsi vite la source  de tous les maux de la région et, partant, de l’humanité dans son ensemble (voir Charte du Hamas).

Survient ensuite, sous couvert de critique politique « radicale » de la politique menée, la criminalisation du moindre de ses actes et décisions. Elle conduit à la caricature des premiers ministres israéliens comme de « bouchers » (Sharon, Netanyahu, avant eux Moshe Dayan, Begin, etc.).

La nouvelle internationale juive-sioniste

La cinquième forme d’antisionisme globalise l’ensemble juif mondial dans une internationale du crime, mêlant tout Juif de par le monde aux actes réels ou supposés de cet état, comme le soutenant intrinsèquement dans chacune de ses actions là où il se trouve. Ainsi peut-on raisonnablement incendier une pharmacie juive à Sarcelles en 2014 (ou une synagogue à la Roquette), en « représailles » aux bombardements de l’IAF, eux-mêmes motivés par les tirs de roquettes sans discontinuer sur le pourtour de Gaza et jusqu’à Tel Aviv et Haïfa.

Le cheikh Fadlallah  du Hezbollah parle simplement de la poursuite de la guerre ancestrale contre le « complot juif à l’encontre de l’islam » (sic.). L’inversion des causes et des effets permet d’engranger et entretenir le cycle continu de ces conflits épisodiques.

Du procès des Blouses Blanches au Parti d’Allah (Hezbollah)

Pierre Lurçat se focalise sur deux formes contemporaines d’antisionisme, qui en sont comme les père et mère fondateurs et alliés dès l’origine : l’idéologie soviétique et la lutte arabo-musulmane contre l’existence d’Israël. L’antisionisme devient, d’ailleurs, le dernier carré de la lutte antimondialiste, après la disparition de l’empire soviétique, la cause orpheline qui se perpétue en l’absence même d’idéologie de remplacement.

La première forme d’antisionisme culmine avec le procès des Blouses Blanches, à l’ère stalinienne, où les interrogateurs ont le « génie » soudain de remplacer l’ethnie mise en cause par la supposée aspiration à être « sioniste » (c’était-à-dire bourgeois déviant).

Avec Bat Ye Or, Pierre Lurçat dément une thèse en vogue : le monde musulman ne serait que comme une « page blanche » sur laquelle on aurait transposé, à l’identique, l’antisémitisme européen. La perfidie des Empires coloniaux, comme la France dans l’horrible « rumeur de Damas » (1840) ne peut occulter l’antijudaïsme intrinsèque de certains versets du Coran, qui a besoin de l’Autre pour s’y substituer comme prophète de vérité ultime. Ces remarques n’empêchent nullement l’auteure égyptienne de décrire une autre grande perversité, liée au partage d’un pourtant même sort de dhimmitude, entre Juifs et Chrétiens : la confirmation des thèses antisémites islamiques par de grands leaders des Chrétiens d’Orient, citant alors ses pires tenants : Antoun Sadé, créateur du Parti Social-Nationaliste syrien, George Habache (FPLP), Aflak, fondateur du Parti Baath, Alfred Roch, etc.

LIRE LA SUITE...

https://terre-des-juifs.com/2021/08/01/les-mythes-fondateurs-de-lantisionisme-contemporain-pierre-lurcat/

 
 
 

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Racines historiques de la dhimmitude actuelle, Bat Ye'or

June 2 2021, 13:20pm

Posted by Bat Ye'or

 

Suite à mon article "Les Juifs de France entre Djihad et dhimmitude", Bat Ye'or m'a adressé la réponse suivante (le titre est le mien). P. Lurçat

 

Pierre Lurçat a fait un bien triste constat : le silence de la communauté juive française et de ses nombreux amis non-juifs lors de l’attaque génocidaire du Hamas sur l’ensemble de la population d’Israël en mai 2021. Génocidaire parce que le Hamas, comme l’OLP, ont inscrit dans leur Charte l’éradication de l’Etat et du peuple hébreu, but central du nazisme également. Cette communion idéologique ne devrait pas étonner quand on connait la stratégie fusionnelle du djihadisme et du nazisme dès les années 1930s et dont Amin al-Husseini, le chef palestinien, fut le ténor le plus représentatif sur la scène internationale et notamment dans l’oumma. Cette collaboration nazie-djihadiste sur les fronts de guerre et de la propagande continua dans la guerre de 1948-49 contre Israël quand dès 1947 les mercenaires des pays arabes frontaliers renforcés par ceux d’une Wehrmacht en déroute envahirent la Palestine encore sous mandat britannique pour harceler le Yichouv.

Al-Husseini et Hitler

 

On peut comprendre pourquoi en 1948 la victoire de l’Etat hébreu fut accueillie avec une morne et funèbre hésitation dans une Europe où, trois ans plus tôt sous les régimes de la collaboration avec le IIIe Reich, le nazi-djihadisme fleurissait en toute impunité dans les camps de déportation et d’extermination sur tous les territoires des pays occupés. Si bien que de nombreux nazis  des deux côtés de la Méditerranée s’islamisèrent et que Hitler et Himmler rêvaient d’une Europe musulmane, débarrassée de son christianisme contaminé par ses racines juives. Ainsi débutèrent les refus répétés euro-djihadistes en 1949, 1967, 1973 etc. des victoires israéliennes, les subventions faramineuses aux populations arabes de Palestine privilégiées dès 1949 par un statut unique générationnel de réfugiées héréditaires, et les plans de paix euro-arabes qui n’étaient qu’un suicide déguisé imposé à Israël.    

 

Mais cette situation de dhimmitude que déplore Lurçat, n’est pas seulement celle des juifs de France, elle est celle du judaïsme européen laminé par la Shoah. Prévisible dès  novembre 1973 par la reddition de la Communauté européenne au terrorisme djihadiste de l’OLP soutenu par le boycott du pétrole de la Ligue arabe, la dhimmitude se développa en Europe dans les années 1980s-1990s par les menaces contre les synagogues et les lieux culturels juifs et israéliens. Cependant cette dhimmitude qui censure la parole, exonère l’agresseur et accuse la victime, qui maintient les populations dans la peur n’est pas réservée aux seuls Juifs français. Elle pèse sur les Européens quelles que soient les religions et dont les villes parcourues de foules haineuses évoquent les manifestations djihadistes d’Irak, de Syrie, d’Egypte, du Maghreb. Cette dhimmitude que vivent tant de populations européennes qui ignorent même ce mot ne concerne pas d’ailleurs que les juifs. Qui donc a vu dans les rues d’Europe de grands rassemblements favorables aux Arméniens protestant contre les attaques unifiées des Azéris et des Turcs dans la province arménienne du Karabakh ?

 

Cette dhimmitude, n’en sommes-nous pas en partie responsables ? Comment peut-on lutter contre quelque chose que l’on ne voit pas, ne comprends pas ni ne nomme ? Et si l’on est si aveugle, si démuni n’est-ce pas parce que les "Hautes Autorités Suprêmes" qui détiennent les clés du Savoir et leurs réseaux de gauleiters ont interdit ce champ particulier de la connaissance, qui pour l’observateur et analyste des mutations de sociétés sur le temps long, n’est autre que la transformation de civilisations dont l’Histoire nous offre tant d’exemples. Trahisons pour les perdants ? Heureuses opportunités pour d’autres ? Pour ne pas dire collaborateurs.

Bat Ye'or        

Bat Ye’or (photo : Pierre Lurçat)

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Les Juifs de France entre Djihad et dhimmitude

June 1 2021, 07:07am

Posted by Pierre Lurçat

À Bat Ye'or, la "fille du Fleuve"

À ma question de savoir pourquoi aucune manifestation de soutien à Israël n’avait été organisée à Paris, une amie venue de France juste après la fin de la guerre de Gaza me répondait qu’il y avait eu une très grande manifestation… contre la décision de la Cour de cassation dans l’affaire Sarah Halimi. Repensant après coup à cette réponse évasive, j’ai compris qu’elle était tout à fait significative de la situation des Juifs de France aujourd’hui. Plongée dans un état de déréliction sans précédent depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et encore sous le choc de l’impunité offerte à l’assassin de Sarah Halimi par les plus hautes instances judiciaires françaises, la communauté juive est totalement incapable de penser à exprimer sa solidarité avec Israël. L’absence de manifestation publique de soutien à l’État juif frappé par les missiles du Hamas n’est pas tant un signe de manque de solidarité, qu’un témoignage criant de la situation dramatique dans laquelle se trouve aujourd’hui le judaïsme français.

Pour décrire cette situation et la qualifier politiquement, j’emploierai le concept forgé par l’historienne Bat Ye’or, auteur de travaux importants sur la condition des minorités juives et chrétiennes sous l’islam : la dhimmitude. Ce concept permet en effet de comprendre la situation actuelle du judaïsme français, et en particulier son incapacité de réagir efficacement aux attaques dont il est victime et d’affirmer sa solidarité de destin avec Israël. Les « voix autorisées » du judaïsme français – qui continuent de se penser comme membres à part entière de la communauté nationale – tiennent un discours largement déconnecté de la nouvelle réalité apparue à l’aube des années 2000. Cette réalité peut être décrite comme la mise à l’écart progressive des Juifs et leur stigmatisation par les médias et par une partie de la classe politique française, au nom de l’antisionisme largement partagé et du soutien au « peuple palestinien ».

Comme l’observe Shmuel Trigano, à propos de la récente déclaration du ministre des Affaires étrangères français, évoquant un « risque d’apartheid » en Israël1,

« la France franchit un pas dans l’adoption du discours de la cause palestinienne et des tenants du BDS, c’est-à-dire du boycott de tout ce qui est israélien, en vue de faire d’Israël le paria des nations »2.

Or, quelle a été la réaction des dirigeants de la communauté juive à cette déclaration, d’une gravité sans précédent ? Quasiment nulle. Sur le site du CRIF, censé représenter politiquement le judaïsme de France, on ne trouve aucune réaction officielle, mis à part une analyse pertinente des implications de cette déclaration, signée du président du Bnai Brith, Philippe Meyer (crif.org)3. Mais aucun communiqué du CRIF ne dénonce cette déclaration d’une gravité sans précédent. Silence également du côté du Grand Rabbin de France, candidat à sa réélection. (Quant au rabbin Michaël Journo, lui aussi candidat au grand rabbinat, il déclarait récemment :

« Je suis là pour donner de l’espérance aux membres de ma communauté et leur donner l’envie de continuer à s’épanouir sur la terre de France »).

Bat Ye’or (photo : Pierre Lurçat)

Ce silence et ce discours déconnecté de la réalité sans précédent à laquelle sont confrontés les Juifs de France sont symptomatiques. Au-delà de la personnalité des dirigeants du judaïsme français, dont les qualités ne sont pas en cause, c’est une situation objective qui est ici décrite. Face au djihad mené depuis de nombreuses années sur le territoire français, qui a fait de nombreuses victimes en leur sein, les Juifs de France ont vainement attendu et espéré être protégés par la République. Reproduisant le schéma traditionnel analysé par l’historien Yosef Haïm Yeroushalmi4 (4), la communauté juive de France a toujours cherché protection auprès des dirigeants français, et notamment du Président de la République, considéré comme incarnant l’amitié pour lsraël et les Juifs, au contraire du Quai d’Orsay. C’est ainsi que le Grand Rabbin de France, Haim Korsia a tenu les propos suivants dans le Midi libre :

« Je n’ai pas vocation à dire autre chose que ce qu’a dit le Président de la République : il y a un agresseur, le Hamas, et un pays qui répond ».

Or, après l’offensive du Hamas contre Israël et ses répercussions en France, où une frange de la population musulmane a pris fait et cause publiquement pour le Hamas, les dirigeants français ont dans le meilleur cas renvoyé dos-à-dos l’agresseur et l’agressé, et dans le pire, pris position contre Israël. Non seulement la France d’Emmanuel Macron n’a pas affirmé clairement son soutien à Israël, mais elle a en fait été en pointe dans le camp anti-israélien, tant par la couverture médiatique très partiale (Infoéquitable) des événements que par son action diplomatique pour obtenir un cessez-le-feu favorable au Hamas, avant la fin de l’opération de Tsahal. La France – qui n’est plus depuis très longtemps un « ami d’Israël » – a adopté aujourd’hui la politique conforme à sa réalité démographique. Ou pour dire les choses de manière plus explicite : elle se comporte comme un pays membre de « ce nouveau continent en train d’émerger », auquel Bat Ye’or a donné le nom d’Eurabia5 (5).

Les Juifs de France éprouvent aujourd’hui dans leur chair – même s’ils peinent à le reconnaître parfois – leur solitude extrême, la solitude d’Israël… Ils sont renvoyés, à leur corps défendant souvent, au destin d’Israël, alors qu’ils voudraient encore se bercer des illusions mortelles du franco-judaïsme et de l’assimilation/intégration au récit national français. Dans ce contexte, les dirigeants du judaïsme français ont en fait adopté la position caractéristique de la situation des dhimmis en terre d’islam. Ils font profil bas, s’abstiennent de manifester publiquement leur soutien à Israël et se préoccupent avant tout de leur survie et de leur sécurité (ce que le rabbin Journo appelle, de manière poétique, « s’épanouir sur la terre de France »). Cela fait longtemps, hélas, que les Juifs de France ne s’épanouissent plus sur la terre de France, devenue dans de nombreux quartiers et banlieues une terre d’islam.

Entre djihad et dhimmitude, l’avenir du judaïsme français est aujourd’hui bien sombre. PL♦

Pierre LurçatMABATIM.INFO

NB : Je donnerai une conférence en ligne sur « L’État juif selon Jabotinsky« , JEUDI 3 JUIN à 19h00 dans le cadre de l’Organisation Sioniste mondiale. Inscription en ligne https://form.jotformeu.com/211493084035350

1 Le 23 mai 2021, Jean-Yves Le Drian a déclaré, lors de l’émission du Grand Jury RTL LCI Le Figaro : « Pour la première fois, on a pu constater une conflictualité dans les localités israéliennes. Les communautés se sont affrontées. Le risque d’apartheid est fort si on continue à aller dans une logique à un État ou du statu quo. »
2 Shmuel Trigano, chronique sur Radio J, 25 mai 2021.
3 La seule expression publique de soutien à Israël organisée par le CRIF a été un appel à envoyer des messages de solidarité en ligne… c’est-à-dire un soutien virtuel.
4 Dans son livre Serviteurs des rois et non serviteurs des serviteurs, Allia 2011.
5 Interview au Jerusalem Post, 2 janvier 2017 (Observatoire Islam Europe).

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Après le pogrome de Lod : Repenser le statut de la minorité arabe en Israël * Pierre Lurçat

May 18 2021, 06:51am

Posted by Pierre Lurçat

 

 

Les images terrifiantes des pogromes anti-juifs à Lod, Acco et ailleurs ont ramené Israël un siècle en arrière : au temps du Yishouv, la collectivité juive pré-étatique en Eretz-Israël. En 1921, puis en 1929 et en 1936, ce sont les mêmes scènes d’attaques anti-juives menées sous le regard passif de la police britannique qui ont durablement marqué les habitants du Yishouv, et que l’historiographie sioniste désigne par l’euphémisme d’”événements”. Ce retour en arrière, cette terrible régression politique pour le peuple Juif, interroge les fondements du projet imaginé par les pères fondateurs du sionisme moderne, à savoir un Etat juif, dans lequel pourraient coexister une majorité juive et des minorités non juives.

 

“KristallNacht in Lod” (titre du Jewish Journal)

 

Les pogromes perpétrés par des citoyens arabes israéliens contre des citoyens juifs à Lod et ailleurs n’ont en fait pas seulement fait voler en éclats, selon le raccourci journalistique, la “coexistence judéo-arabe” au sein de l’Etat d’Israël. Ce qui a été détruit dans le feu des incendies de synagogues et de maisons juives, rappelant aux Israéliens - toutes origines confondues - les souvenirs sinistres des pogromes d’Europe de l’est, d’Afrique du Nord et d’ailleurs, c’est aussi et surtout l’idée même que la plupart d’entre nous se faisaient, jusqu’à ce jour, de la possibilité de faire exister une minorité arabe dans un Etat à majorité juive. Est-ce que les pères fondateurs du sionisme politique se sont trompés, comme l'écrit Sammy Ghozlan (1)? En réalité, ce n'est pas le modèle de l’Etat juif des pères fondateurs qui s'est écroulé sous nos yeux, mais bien son antithèse, à savoir l’Etat post-sioniste “de tous ses citoyens”. 

 

Rappelons que la précédente vague de violences du secteur arabe israélien s’était produite au paroxysme de la vague post-sioniste, en octobre 2000, sous le mandat d’Ehoud Barak. Celui-ci est en effet le Premier ministre qui a été le plus loin dans l’application des idées post-sionistes consacrées par les accords d’Oslo. C’était alors, rappelle Emmanuel Shiloh dans les colonnes de Besheva (2), pour attirer les voix arabes et remporter ainsi les élections que Barak avait désigné la fameuse commission Or, dont le rapport a fait porter aux chefs de la police la responsabilité des événements sanglants déclenchés par des Arabes israéliens. C’est à ce moment que la police a été littéralement émasculée, avec les conséquences dramatiques auxquelles on assiste aujourd’hui.

 

Dès lors, ces événements dont la gravité dépasse peut-être celle des missiles tirés sur Tel-Aviv et Jérusalem, placent devant un choix fatidique tant la minorité arabe que la majorité juive d’Israël. Aux Arabes, il appartient de choisir s’ils veulent rester des citoyens d’un Etat à majorité juive, avec les droits dont ils bénéficient déjà et les obligations - dont certaines leur ont été jusqu’alors évitées, pour de multiples raisons. Aux Juifs, il revient de redéfinir le fondement de l’identité nationale israélienne - comme avait tenté de le faire la Loi sur “Israël Etat-nation du peuple Juif”, de manière prémonitoire, et de redéfinir surtout ce qu’ils attendent des minorités non-juives vivant dans l’Etat d’Israël.

 

Concernant les Arabes israéliens tout d’abord : ceux qui ont participé aux pogromes anti-juifs doivent payer les conséquences de leurs actes. Ils doivent être identifiés, jugés et lourdement condamnés. Si l’arsenal juridique existant ne le permet pas, il pourrait être opportun d’y ajouter une peine de déchéance de nationalité, pour les atteintes aux personnes et aux biens juifs à caractère antisémite avéré. Israël a été créé pour que le peuple Juif échappe à tous les pogromes et farhoud consubstantiels à l’existence exilique, et il ne peut abriter en son sein des pogromistes, fussent-ils détenteurs d’une carte d’identité. 

 

Mais au-delà de leur cas, c’est l’ensemble de la minorité arabe qui doit choisir son identité. Ses membres doivent choisir entre devenir des Israéliens de culture arabe, ou bien rester des “Palestiniens vivant en Israël”. Le choix de l’identité israélienne ne se résume pas à une question administrative. Ils doivent assumer jusqu’au bout les contradictions de leur double identité, et les résoudre de manière non équivoque. Rester Israéliens implique qu’ils renoncent à toute identification publique à la cause palestinienne, sous peine de devenir la “cinquième colonne” des ennemis d’Israël. Ce choix leur appartient en définitive, et c’est à eux qu’il incombe de tracer leur avenir.

 

Ahmad Tibi : représentant d’Arafat à la Knesset

 

Mais ce choix crucial concerne également la majorité juive en Israël. Celle-ci a en effet, surtout depuis les années 1990 et la vague montante du post-sionisme, oublié les droits et les obligations afférentes au statut de majorité. Sous les coups de boutoir de l’idéologie post-sioniste - véhiculée par la Cour suprême et par de larges fractions de l’université et des médias - Israël a oublié les fondements du sionisme politique et a permis à ses ennemis de venir se nicher au cœur même de sa représentation politique, à la Knesset. L’autorisation donnée à des partis arabes niant le caractère juif de l’Etat et soutenant ouvertement le Hamas, l’OLP et les autres ennemis d’Israël de siéger à la Knesset a sapé le fragile équilibre sur lequel reposait l’existence d’une minorité arabe en Israël. 

 

La faute en incombe non seulement aux électeurs arabes qui ont élu ces représentants, mais aussi aux institutions juives qui ont permis à ces partis arabes de prospérer - alors même que la Loi israélienne contenait les instruments pour interdire de tels partis (chaque mesure d’interdiction prononcée par la Commission électorale à leur encontre ayant été annulée par la Cour suprême). Le summum de l’absurde  a été atteint à au moins deux reprises : la première, quand le conseiller spécial d’Arafat, Ahmad Tibi, est devenu député à la Knesset. La seconde, quand  le fondateur du parti Balad, Azmi Bishara,  a été accusé d’espionnage en faveur du Hezbollah en pleine guerre du Liban, et a quitté Israël pour échapper à la justice, trouvant refuge à Doha.

 

Le cas Bishara est sans doute plus révélateur encore que celui de Tibi. Cet intellectuel formé à l’université berlinoise (où il a étudié aux frais du parti communiste israélien), est rapidement devenu la coqueluche de certains médias israéliens, qui voyaient en lui un intellectuel brillant, parlant le même langage qu’eux. Voici le portrait que dressait de lui le journaliste Nahum Barnéa, dans le quotidien Yediot Aharonot (3) : “Il était devenu le gourou des cercles intellectuels... comme l’institut Van Leer de Jérusalem. A leurs yeux, il était un philosophe combattant. Les femmes tombaient amoureuses de lui. Les hommes lui ouvraient les portes de l’académie….”. 

 

Azmi Bishara, la coqueluche des médias israéliens

 

Selon Barnéa, qui appartient à la gauche israélienne, Bishara s’est servi du cheval de Troie du “rapprochement judéo-arabe” et de “l’État de tous ses citoyens” pour pénétrer les cercles d’influence, alors qu’il n’a en fait jamais renoncé à son credo politique nationaliste arabe. Le jugement de Barnéa est d’autant plus instructif qu’il fait lui-même partie de ceux qui se sont laissé abuser par la rhétorique de Bishara. Si l’exemple de Bishara doit nous enseigner une chose, c’est que la ‘houtspa des députés arabes israéliens radicaux se nourrit de la naïveté et de la cécité politique de ceux qui ont apposé un tampon de “cacherout” politique sur leurs opinions anti-israéliennes extrémistes.

 

Rien ne sera plus comme avant dans les rapports entre Juifs et Arabes en Israël. Mais cela n’est pas forcément une mauvaise chose; car la fin d’un mensonge peut aussi inaugurer de nouvelles relations plus vraies. Aux Arabes, il faudra apprendre à vivre comme une minorité assumant pleinement ses obligations civiques (y compris celle d’accomplir un service national - militaire ou civil, à eux de choisir - et de respecter l’hymne national et les autres symboles de l'Etat juif). Aux Juifs, il appartiendra de savoir se comporter en majorité digne et de ne pas brader ses droits et son identité nationale. 

 

La question du caractère juif de l’Etat d’Israël n’était pas, comme nous avons pu le croire pendant trop longtemps, un luxe réservé aux débats intellectuels et médiatiques. Elle est lourde de conséquences pour notre existence même. Soit Israël restera un Etat juif, à condition de se défendre à l’extérieur et à l’intérieur de ses frontières, soit il deviendra “l’Etat de tous ses citoyens”, prélude à la guerre civile et à la fin du rêve sioniste.

Pierre Lurçat

1. https://www.cjfai.com/fwd-les-peres-fondateurs-de-letat-disrael-seseraient-ils-trompes/

2. E. Shilo, “Le natsea’h bé-Azza vegam bé-Lod”, Besheva 13.5.2021. https://www.inn.co.il/news/492487 

3. https://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-3399642,00.html

 

Article paru initialement sur le site Menora.info

 

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Du blitz médiatique au lynch physique : Comment les médias excitent les foules ameutées contre Israël Pierre Lurçat

May 13 2021, 06:22am

Posted by Pierre Lurçat

 

Parmi les nombreux responsables de la vague d’antisémitisme qui sévit en France depuis une vingtaine d’années, il en est un qui est rarement évoqué - et pour cause - par les médias : ce sont les médias eux-mêmes. Comme l’écrit InfoEquitable, au sujet de la couverture par Euronews d’une tentative de lynch d’un automobiliste juif à Jérusalem, “Euronews transforme le lynchage d’automobilistes israéliens en attaque à la voiture bélier contre des Palestiniens”, ajoutant que “dans le contexte actuel tendu, c’est exactement le genre de calomnie qui risque d’inciter à la haine anti-juive en France”. De son côté, le CRIF a publié un communiqué qui “demande aux autorités françaises de veiller à ce que les manifestations prévues en France samedi prochain ne se transforment (pas) en un déferlement de haine et de violence anti juive comme ce fut le cas en 2014”.

 

Même s’il n’est pas suivi d’effet, ce communiqué a au moins le mérite de mettre le doigt sur le problème. La haine anti-juive n’apparaît pas spontanément, que ce soit dans les rues de Gaza, de Paris ou de Lod. Elle est attisée par des “prêcheurs de haine”, qui peuvent être des dirigeants du Hamas, des prédicateurs dans des mosquées, des députés arabes à la Knesset ou des parlementaires français, surfant sur la haine d’Israël… Mais elle est également attisée par les médias, dès lors qu’ils utilisent incessamment les stéréotypes anti-israéliens et qu’ils adoptent le narratif arabe de “l’agression israélienne”, chaque fois que la situation s’embrase aux frontières et à l’intérieur d’Israël.

 

Le “Prix de la Désinformation” attribué à France 2 après l’affaire Al-Dura, 

photo Irène Elster

 

Ce phénomène n’est pas nouveau. J’y ai personnellement été confronté pour la première fois lors de la première Intifada, en 1988, quand je participais à un séminaire de “hasbara” (réinformation) animé par Haïm Azses z.l. au C.I.D.I.P, à Paris. Plus tard, j’ai pris part à la lutte contre la désinformation au début des années 2000, en créant le Prix de la Désinformation, décerné aux médias français qui se “distinguaient” dans leur traitement injuste et leur parti-pris contre Israël. L’aspect sur lequel je voudrais m’attarder ici est un phénomène important et peu souvent abordé : le rôle des médias pour transformer un public en foule haineuse et pour développer l’instinct de lynch.

 

La manipulation des émotions par les médias

 

Cet aspect du rôle des médias a été analysé par plusieurs auteurs, bien avant l’époque des médias sociaux. Dans un chapitre éclairant de son livre Le temps prisonnier, intitulé “L’émotion collective et son induction par les médias”, la psychologue Liliane Lurçat analysait la contagion émotionnelle, concept qui décrit “l’émotion collective suscitée par les médias”. Cette analyse, faite en 1995, n’a rien perdu de son actualité. “Les médias, écrit-elle, peuvent utiliser ou manipuler l’émotion collective qu’ils suscitent. Ils peuvent l’entretenir de manière plus ou moins permanente, avec des pointes circonstancielles dans le domaine de l’actualité par exemple” (1).

 

C’est bien à cette utilisation de l’émotion collective que nous assistons actuellement, dans la couverture médiatique de l’opération “Gardien des murailles”, en France et ailleurs. Quand le quotidien Le Monde écrit que “les attaques israéliennes ont fait au moins 35 morts, dont douze enfants”, il reprend à son compte, volontairement ou non, l’image - profondément ancrée dans la conscience occidentale et musulmane - du Juif assassin d’enfants (2). Quand ce même quotidien explique que “le Hamas s’est invité dans la bataille de Jérusalem” et que “le mouvement islamiste entendait briser le ‘siège’ du sanctuaire d’Al-Aqsa, le troisième lieu saint de l’islam, d’où la police israélienne a violemment évacué les fidèles en prière lundi matin”, il adopte sans la moindre retenue le narratif du Hamas et la calomnie d’”Al-Aqsa en danger”, slogan inventé dans les années 1930 par le mufti pro-nazi Al-Husseini, fondateur du mouvement national palestinien (3).

 

‘Al-Aqsa en danger” - une calomnie nazie et palestinienne

L’évocation de “fidèles en prière” dans la mosquée, évacués sans ménage par la police israélienne, n’est pas innocente. Il ne s’agit pas seulement d’un mensonge médiatique (car ces “fidèles” avaient depuis des semaines accumulé des pierres sur le Mont du Temple - que les médias français qualifient avec obstination d’esplanade des mosquées - en vue d’une attaque planifiée de longue date). Il s’agit bien d’une manipulation des émotions collectives et plus précisément, d’une manipulation du sentiment victimaire et du complexe d’infériorité/supériorité, profondément ancré dans l’islam depuis ses origines (4). Comment cette manipulation se fait-elle? 

 

Foule ameutée et instinct de lynch

 

Revenons à l’analyse du phénomène psychologique. Le sociologue français Gabriel Tarde (1843-1904) expliquait que “les émotions ou les idées les plus contagieuses sont naturellement les plus intenses, et que les idées les plus intenses sont les plus étroites ou les plus fausses, celles qui frappent les sens et non l’esprit” (5). Liliane Lurçat reprend son concept de contagion émotionnelle pour l’appliquer à la télévision : “A la télévision, l’opposition entre la raison et les émotions est exploitée pour submerger la raison, dans la diffusion de thèmes séducteurs et réducteurs”. En quoi cela permet-il de comprendre non seulement les récentes attaques contre Israël, à Gaza, Lod ou Jérusalem, mais aussi les attaques contre des Juifs en France et ailleurs? 

 

La contagion des émotions: Gabriel Tarde

 

Parce que, explique Liliane Lurçat, cette manipulation des émotions par l’image télévisée - aujourd’hui renforcée au centuple par les médias sociaux, qui amplifient encore les phénomènes de contagion émotionnelle (au point qu’on a parlé en Israël cette semaine d’une “Intifada Tik-Tok (6) - “favorise les attitudes régressives observées dans les foules ameutées”. Or, selon le psychologue Henry Wallon, il y a un lien direct entre la manipulation des émotions et les phénomènes de “foule ameutée”, car “l’émotion est faite pour ameuter” (7).

 

Nous touchons ici à l’élément essentiel, dans la chaîne de causalité qui relie la diffusion dans les médias et sur les réseaux sociaux d’images violentes, manipulant des émotions primaires comme la colère, la haine, et le passage à l’acte de foules ameutées, qui se transforment très vite en meutes agressives, animées par l’instinct de vengeance, l’instinct de tuer, en un mot: l’instinct du lynch. C’est ce dernier que nous avons vu à l’oeuvre ces derniers jours, dans les rues de Lod et de Jérusalem, quand des foules arabes s’en prennent à des passants juifs, qu’elles sortent manu militari de leurs véhicules pour les lyncher aux cris de “Allah ou-Akbar”. 

 

C’est ce même instinct de lynch qu’on avait vu à Ramallah en 2000, lorsque deux malheureux soldats de réserve israéliens avaient été lynchés et littéralement déchiquetés vivants par une foule arabe ameutée, après la calomnie du meurtre rituel de Mohammed Al-Dura, lancée par Charles Enderlin et France 2, responsable de tant de morts. Et c’est ce même instinct grégaire primitif - qui remonte aux origines de l’espèce humaine - qui sera présent demain dans les rues de Paris et des grandes métropoles à travers le monde, quand des foules scanderont “Mort à Israël!” sous les yeux impuissants des forces de police, dépassées par l’ampleur d’un phénomène déjà ancien. Les grands médias auront alors beau jeu de décrire “l’importation du conflit proche-oriental”, importation dont ils sont eux-mêmes les principaux responsables, par leur manipulation quotidienne des émotions et leur couverture inéquitable (pour employer un euphémisme) dudit conflit. 

Pierre Lurçat

 

Notes

1. Liliane Lurçat, Le temps prisonnier, Des enfances volées par la télévision. Desclée de Brouwer 1995.

2.  Les “enfants” palestiniens tués à Gaza sont - est-il besoin de le préciser - tantôt des jeunes soldats recrutés par le Hamas, tantôt des civils qu’il met en première ligne contre Tsahal.

3. Je renvoie sur ce sujet à mon article coécrit avec Philippe Karsenty dans Causeur, https://www.causeur.fr/israel-jerusalem-alaqsa-terrorisme-145787

4. Complexe consistant à transformer la défaite militaire arabe en accusation contre Israël et à remplacer l’autocritique par une démonisation de l’autre, qui est chargé de tous les maux, selon le principe bien connu du bouc émissaire. J’aborde ce sujet dans mon cours sur Les mythes fondateurs de l’antisionisme, donné dans le cadre de l’université populaire du judaïsme, et devant faire l’objet d’un livre à paraître en 2021-2022.

5. G. Tarde, L’opinion et la foule, cité par Liliane Lurçat dont je reprends l’analyse, Le temps prisonnier, Op. cit. p. 148.

6. Voir par exemple https://www.jpost.com/arab-israeli-conflict/tiktok-intifada-is-just-the-tip-of-the-iceberg-analysis-666403

7. H. Wallon, L’enfant turbulent, PUF 1984, cité par L. Lurçat, op. cit. p. 149.

 

 

 

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