Le rav Avi'haï Rontski, décédé cette semaine à l'âge de 66 ans, était une figure marquante du sionisme religieux. Il était aussi un combattant qui a beaucoup fait pour renforcer l'armée israélienne en lui insufflant un esprit juif ancré dans la Tradition, ce qui lui a valu l'hostilité du journal Ha'aretz et des organisations du New Israel Fund, contre lesquelles il a mené une lutte sans relâche. Portrait par Pierre Lurçat
Parmi les images fortes et émouvantes de la guerre contre le Hamas à Gaza, en janvier 2009, beaucoup d'Israéliens gardent en mémoire celles du grand rabbin de Tsahal, le général de brigade Avi'hai Rontski, bénissant les soldats, juste avant qu'ils entrent en territoire ennemi. A cette occasion, les téléspectateurs ont découvert le visage du "Ravtsar" [aumônier militaire en chef, en abrégé], visage qui tranche avec l'image traditionnelle des aumôniers militaires de Tsahal. Rontski a en effet un profil très différent de celui de ses prédécesseurs : combattant, portant presque toujours son arme, il est aussi un habitant d'une implantation (Itamar) et, surtout, un 'hozer bitéchouva', c.-à-d. un Juif revenu à la pratique religieuse... Ce profil bien particulier, on s'en doute, ne plaît pas à tout le monde, au point que le grand rabbin de Tsahal est devenu depuis quelques mois la "bête noire" du journal des élites israéliennes, Ha'aretz, qui mène une véritable campagne contre lui...
Le rabbin Avi'hai Rontski, âgé de 54 ans, a grandi dans une famille non pratiquante et a étudié à l'internat militaire de Haïfa. Il a débuté son service militaire dans les commandos marins (la fameuse "Shayetet"), avant de rejoindre une autre unité d'élite, l'unité Shaked. Il a pris part à la guerre de Kippour, qui a été pour lui – comme pour beaucoup d'Israéliens – un moment traumatisant et un tournant. Dans une interview au journal de l'armée, Bama'hané, il a raconté qu'il avait compris après la guerre que les valeurs dans lesquelles il avait grandi étaient en faillite. Ce fut le début de son retour au judaïsme, qu'il a effectué conjointement avec sa femme, une soldate de son unité. En 1984, tous deux font partie des fondateurs de la localité juive d'Itamar, en Samarie, et c'est là qu'ils élèveront leurs six enfants.
"Une conscience juive pour une armée victorieuse"
Le rabbin Rontski a été nommé au poste d'aumônier militaire en chef de Tsahal en 2006, mais c'est pendant la guerre contre le Hamas à Gaza qu'il est apparu sur le devant de la scène publique. Contrairement à ses prédécesseurs, il s'est efforcé de développer l'activité de la "rabbanout tsvayit" [l'aumônerie militaire] au-delà des secteurs traditionnels que sont la cacheroute, ou les problèmes rencontrés par les soldats religieux au sein de Tsahal. Aux yeux du rabbin Rontski, en effet, le rôle d'un rabbin de Tsahal va bien au-delà de ces questions, aussi importantes soient-elles. Sa conception peut se résumer par l'expression"une conscience juive pour une armée victorieuse", nom du nouveau département qu'il a créé au sein du rabbinat de l'armée. Comme il l'expliquait dans une interview, il y a quelques mois, l'aumônier militaire en chef envoie chaque semaine à tous les officiers de Tsahal un commentaire sur la paracha [lecture hebdomadaire de la Torah], abordée sous l'angle militaire. A ses yeux, il est tout aussi important pour les officiers d'étudier la Torah que de s'entraîner physiquement...
Or c'est précisément sur ce point que l'activité du rabbin Rontski a suscité une vive opposition. Bien avant la guerre à Gaza, à l'automne 2008, le journal Ha'aretz a ainsi publié plusieurs articles consacrés à l'aumônerie militaire, en reprochant au rabbin Rontski de "ramener Tsahal vers la religion" et d'empiéter sur le domaine d'activité de la branche éducative (et laïque) de l'armée. Mais, bien plus que d'un simple conflit de compétence et d'autorité, il s'agit en fait d'un conflit fondamental, qui porte sur les valeurs qu'il convient d'inculquer aux soldats de Tsahal et sur l'identité de l'armée de défense d'Israël, et de l'Etat tout entier. Il n'est pas anodin que ce soit précisément le journal Ha'aretz, organe de presse et porte-parole des élites laïques de gauche, qui ait pris pour cible le grand rabbin de Tsahal, lui consacrant de nombreux articles – toujours négatifs – et n'hésitant pas à faire sa "Une" sur des questions de société liées à l'armée, comme par exemple la place des femmes au sein de l'armée.
Tsahal, armée juive ou armée laïque ?
Mais c'est après l'opération "Plomb fondu" à Gaza, en janvier 2009, que les choses ont pris de l'ampleur et que la campagne médiatique contre le rabbin Rontski a redoublé d'intensité. Le 2 juillet 2009, le journal Ha'aretz publiait en première page la photo du rabbin Rontski, avec ce titre en "Une" : "Selon l'aumônier militaire en chef, les filles ne doivent pas servir dans Tsahal". Ce titre à sensation se fondait sur des propos anodins, tenus par le rabbin dans un cercle fermé, soulignant que selon la hala'ha [loi juive], le service militaire était réservé aux hommes. Or ce point de vue est celui de tous les rabbins, et l'affirmation de l'aumônier militaire n'avait rien d'extraordinaire. D'autant plus que le rabbin Rontski est connu pour son ouverture d'esprit et pour l'aide qu'il apporte aux soldates religieuses qui servent dans Tsahal. Mais cette citation, sortie de son contexte, n'était en fait qu'un prétexte pour relancer la polémique contre le grand rabbin. Dans leur article, les journalistes de Ha'aretz citaient, parmi les autres propos "scandaleux" du rabbin Rontski, cet extrait d'une brochure diffusée par l'aumônerie militaire : "La Torah interdit de renoncer à un millimètre de la terre d'Israël".
Quelques jours plus tard, cet argument était repris par plusieurs associations d'extrême-gauche, parmi lesquelles "Yesh Din" et "Chovrim Chtika" ("Brisons le silence"), qui reprochaient au rabbin Rontski d'avoir diffusé pendant l'opération militaire à Gaza "des documents de propagande nationaliste et politique extrémiste"... Dans une lettre adressée au ministre de la Défense, l'avocat Michael Sfard, représentant plusieurs groupuscules ultra-pacifistes, dont "Yesh Din" et Chalom Archav, réclamait ni plus ni moins que la destitution immédiate du rabbin en chef de Tsahal, revendication reprise dans un éditorial de Ha'aretz... Il est important de souligner que toutes ces organisations d'extrême-gauche sont largement financées par le New Israel Fund, dont le budget considérable provient de l'Union européenne. On comprend alors pourquoi ces organisations, et le journal Ha'aretz, ont choisi pour cible le rabbin Rontski. Celui-ci symbolise en effet à leurs yeux l'emprise grandissante du secteur sioniste religieux au sein de l'armée, qui se traduit par l'augmentation du nombre des officiers portant la kippacrochetée, constatée lors de l'Opération "Plomb durci".
Plus généralement, la campagne menée contre le rabbin Rontski par Ha'aretz et plusieurs organisations d'extrême-gauche, financées par l'Union européenne, constitue en fait une tentative visant à empêcher le renforcement de la prise de conscience juive au sein de Tsahal, et la montée en puissance du courant sioniste-religieux. Tous les acteurs de cette campagne n'ont pas exactement les mêmes motivations. Pour Ha'aretz et les élites laïques qu'il représente, il s'agit essentiellement de protéger leur position dominante dans la société israélienne, menacée par les nouvelles élites – notamment religieuses - qui émergent au cours de la dernière décennie. Pour "Yesh Din", "Chovrim chtika" et les autres groupuscules d'extrême-gauche financés par l'Union européenne, il s'agit d'affaiblir Israël pour le contraindre à faire des concessions à ses ennemis. Ce sont d'ailleurs les mêmes acteurs qui attaquent le rabbin Rontski – symbole de la montée en puissance du courant sioniste-religieux – et qui diffusent des fausses accusations de "crimes de guerre" soi-disant commis par Tsahal à Gaza.
(Extrait de mon livre La trahison des clercs d'Israël, La Maison d'Edition, 2016).