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Auschwitz et Israël : Entre Shoah et Renaissance nationale

January 24 2020, 10:32am

Posted by Pierre Lurçat

 

L’État d’Israël est bien plus « vieux » que les soixante-dix années de son existence nationale sur sa terre retrouvée. Croire que l'État juif est né en 1948, c'est faire preuve d'une erreur de perspective historique qui relève, dans le meilleur des cas, de l'ignorance. C'est ainsi que l'actrice américaine Natalie Portman peut déclarer, lors d'une récente polémique, qu'Israël « a été créé il y a tout juste 70 ans afin d'être un refuge pour les rescapés de la Shoah ». Cette présentation a certes le mérite de la simplicité, mais elle relève d'un raccourci historique trompeur. Car en réalité, l'État d'Israël était quasiment constitué avant 1948, et ses principales institutions ont été créées pendant la période du Mandat britannique, durant laquelle il existait déjà en tant que Yichouv, terme désignant la collectivité nationale pré-étatique d'avant l'Indépendance.

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Survivants de Buchenwald arrivant à  Haïfa, 1945

 

Et pourtant… Au-delà de l’équation faite entre la Shoah et la création d’Israël, parfois avec des arrière-pensées politiques pas toujours bien intentionnées, il reste que la concomitance des deux événements interroge la conscience universelle, au même titre que la conscience juive. Aux yeux de celle-ci, en effet, les deux événements, dans leur « solennité de granit » (André Neher), sont comme deux monuments immenses, l’ombre portée du premier, Auschwitz, masquant la lumière du second, la renaissance d’Israël. Nul ne peut rester indifférent à ces deux événements essentiels du vingtième siècle. On ne peut pas non plus lire sans frémir ces mots du prophète Ezéchiel, dont le sens est devenu tellement évident depuis 1945 : « Ossements desséchés, écoutez la parole de l'Éternel ! Voici que je vais faire passer en vous un souffle, et vous revivrez… Voici que je rouvre vos tombeaux, et je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple ! et je vous ramènerai au pays d'Israël ». 


 

L'ancien grand-rabbin d’Israël, Meir Lau, rescapé de Buchenwald, relate dans ses mémoires comment un de ses compagnons de détention lui a lu ce passage d’Ezéchiel et a commenté : « Nous sommes les ossements desséchés… L’Europe est notre cimetière. Dieu a dit au prophète Ezéchiel qu’Il ouvrirait les tombes pour nous extraire de ce charnier et nous ramener en Terre d’Israël ». Pour les rescapés des camps d'extermination, les paroles du prophète avaient pris un sens évident, qu'ils avaient vécu dans leur chair. La tentation est donc grande, pour la conscience juive ou chrétienne, d’établir un lien de causalité entre ces deux événements. Mais il faut résister à ce penchant pour la facilité, et rétablir la complexité des liens qui unissent Auschwitz et Israël. Car Israël n’est pas né de la Shoah, mais bien plutôt malgré la Shoah

 

L'État d'Israël n’est pas seulement l’État récent proclamé en 1948, né du démantèlement de l’empire britannique, au lendemain de la Shoah. Il est en réalité, à l’image du « pays ancien-nouveau » que le fondateur du sionisme politique, Theodor Herzl, avait décrit dans son roman Altneuland, paru en 1902, un État ancien et nouveau à la fois. Il est le surgeon qui a poussé sur le tronc de l'histoire juive plurimillénaire et le torrent d'eau vive, dont la source remonte aux débuts de l'histoire du peuple Juif. Il est le fruit tardif d'un rêve plusieurs fois millénaire, d'une promesse qui n'a jamais été oubliée et d'un espoir réaffirmé chaque année par des millions de Juifs dispersés aux quatre coins de la terre : « l'An prochain à Jérusalem! »

 

(Extrait de mon livre Israël, le rêve inachevé. Editions de Paris / Max Chaleil)

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Pourquoi les médias mentent-ils sur Israël? La construction de l’événement dans le discours anti-israélien

January 16 2020, 11:52am

Posted by Pierre Lurçat


 

La mise en accusation quasi-planétaire d’Israël est moins le résultat de la propagande palestino-islamiste, qu’un effet du fonctionnement du système médiatique. La condamnation unanime d’Israël, indépendamment de toute analyse des faits, témoigne d’abord du mode de formation et de diffusion de l’information journalistique…


Pierre-André Taguieff, Israël et la question juive

 

Grâce à Genet, nous avons compris… ce qu’était un événement, nous avons compris qu’un événement était tout le contraire d’un fait, nous avons compris que pour qu’un événement soit, il suppose de porter en lui une dimension métaphysique - il doit, comme phénomène, toucher à l’essence de ce qu’il représente

 

Eric Marty, Bref séjour à Jérusalem


 

Lors d’une récente soirée musicale et poétique donnée à Jérusalem par le journaliste français Patrick Poivre d’Arvor, ce dernier a proclamé son “amitié” pour les Juifs, avant de lancer, au détour d’une phrase, une accusation sans appel contre Israël, qui selon lui “humilierait” les Palestiniens, au lieu de poursuivre dans la voie du “dialogue”... La tentative d’un membre du public pour lui répondre fut vite étouffée par le modérateur du débat, qui préféra ne pas froisser cet hôte de marque, en rétablissant la vérité des faits. 

 

Pour comprendre les raisons profondes du mensonge des médias français  et de leurs acteurs (fussent-ils les mieux intentionnés) sur Israël, je propose de recourir à la distinction capitale établie par le professeur de littérature Eric Marty, entre le fait et l’événement. “Tout le contraire d’un fait” - cette définition de l’événement, citée en exergue au présent article, s’applique parfaitement au récit médiatique du conflit israélo-arabe, dans lequel les faits sont constamment déformés, mutilés, obscurcis ou escamotés. Mais il ne s’agit pas tant d’une volonté délibérée de tromper (qui existe parfois), que d’une conséquence presque inévitable de la posture, ou de ce que Pierre-André Taguieff appelle le “système médiatique”. 

 

Les médias “mentent comme ils respirent” : Charles Enderlin à Jérusalem


 

Comme l’écrit Eric Marty à un autre endroit, “la déformation, la désinformation sont pratiquement totales, aussi naturelles aux médias français que le fait de respirer”. Ainsi, les médias, selon Eric Marty, “mentent comme ils respirent” à propos d’Israël... Pourquoi? Parce que les médias ne se préoccupent guère des faits. lls cherchent - ou plutôt ils créent - des événements, c’est-à-dire des faits qui rentrent dans leur grille de lecture. Tout fait qui n’entre pas dans leur grille de lecture, qui ne lui correspond pas, ou qui la contredit, est évacué, éliminé, ou encore transformé et travesti pour lui correspondre.

 

Ainsi, au lendemain de l’assassinat à Hébron par un sniper palestinien de la petite Shalhevet Pass, bébé juif âgée d’à peine 1 an, le 26 mars 2001, la journaliste Catherine Dupeyron publiait dans le quotidien français Le Monde un article intitulé “Obsèques de la haine à Hébron pour la petite Shalhevet Pas”. La haine, comme on le comprenait en lisant l’article, n’était pas celle, bien avérée, des Palestiniens tueurs d’enfants juifs, mais celle, tout à fait imaginaire et supputée, des habitants juifs de Hébron, la ville des Patriarches, que la correspondante du Monde décrivait ainsi : “ville qui compte dix mille Palestiniens et près de quatre cent cinquante juifs radicaux”.

 

Enterrement de la petite Shalhevet H.y.d.


 

Dans cet exemple, l’assassinat délibéré de la petite Shalhevet Pass était ainsi éliminé, pour faire place à l’événement que constituait, aux yeux du journal Le Monde, les “obsèques de la haine” ou les “appels à la vengeance” des Juifs de Hébron. L’événement, comme dit Marty de manière lapidaire et saisissante, est “le contraire d’un fait”. Dans les faits, un sniper palestinien tue un bébé juif israélien. Mais ce fait, apparemment limpide dans sa cruauté et sa barbarie, donne lieu pour les médias à la création d’un événement contraire, qui est le prétendu appel à la haine des Israéliens. 

 

Bien entendu, on pourrait offrir une lecture moins radicale du travail médiatique que celle de Marty, en expliquant que les médias choisissent et sélectionnent les “faits”. Selon cette autre lecture, l’événement serait simplement un fait choisi et privilégié par les médias, et non plus le contraire d’un fait. Ainsi, entre le fait de l’assassinat du bébé juif, et le fait des appels à la vengeance, ils donneraient la préférence au second, qui cadre mieux avec leur grille de lecture.

 

Mais une telle description est bien en-deça de la réalité, comme le montre l’analyse d’Eric Marty à propos de Sabra et Chatila. Dans la relation médiatique de cet événement, il ne s’agit plus seulement de choisir et de sélectionner certains faits, mais aussi et surtout d’ériger certains faits en événements, ou plutôt de créer des événements, qui n’ont qu’un rapport lointain - le plus souvent d’inversion et de négation - avec les faits (1)

 

Le mythe de Sabra et Chatila

 

Ainsi, le fait de l’assassinat de Palestiniens par des phalangistes chrétiens est devenu un événement mythique, dans lequel Ariel Sharon, Tsahal, Israël, voire “les Juifs” sont les coupables... L’événement Sabra et Chatila, selon cette analyse, est bien le contraire des faits qui s’y sont déroulés. Mais cette nouvelle définition de l’événement médiatique est incomplète : “pour qu’un événement soit”, poursuit en effet Marty, “il suppose de porter en lui une dimension métaphysique”. Cette “dimension métaphysique” de l’événement est particulièrement saisissante dans le cas de Sabra et Chatila, où le massacre des Palestiniens par des phalangistes chrétiens est devenu un acte d’accusation contre… les Juifs. 

 

Jean Genet en visite dans un camp palestinien à Amman


 

Pour comprendre plus précisément cette dimension métaphysique de l’événement Sabra et Chatila, Eric Marty nous invite à lire ce qu’il appelle la “phrase primordiale et majeure” de Jean Genet, tirée de son livre Un captif amoureux : “Si elle ne se fût battue contre le peuple qui me paraissait le plus ténébreux, celui dont l’origine se voulait à l’Origine, qui proclamait avoir été et vouloir demeurer l’Origine… la révolution palestinienne m’eût-elle, avec tant de force, attiré?” Cette phrase, effectivement, est capitale, parce qu’elle donne la clé de compréhension non seulement de l’engagement de Jean Genet, qui se livre avec sincérité et lucidité, mais aussi de celui de très nombreux autres militants de la “cause palestinienne”... En ce sens, on a pu dire que la “chance” des Palestiniens était d’avoir pour adversaires les Juifs...

 

C’est à la lueur de cette affirmation capitale de Genet, qu’on comprend aussi la dimension métaphysique et mythique de Sabra et Chatila, et au-delà de cet événement, du conflit israélo-arabe dans sa totalité. L’événement Sabra et Chatila - comme celui de la Nakba, comme l’événement Deir Yassin et comme tant d’autres événements du même acabit - ne sont en effet que les maillons d’une même chaîne ininterrompue, qui remonte à la nuit des temps (c’est précisément la définition du mythe, qui renvoie presque toujours aux origines). C’est toujours le même spectacle qui est ainsi rejoué indéfiniment, et chaque partie est toujours assignée au même rôle (2) : le Juif est toujours assigné à son rôle d’assassin (assassin du Christ pour les chrétiens, assassin des prophètes pour les musulmans, assassin des Palestiniens pour le téléspectateur contemporain) et les "Palestiniens" sont toujours d'innocentes victimes, "humiliées" par Israël, selon l'expression de PPDA.

 

Pierre Lurçat

 

(1) Sur le rapport entre faits et événements dans les médias, voir aussi l’analyse éclairante de Neil Postman dans son livre récemment traduit en français, Technopoly, édition L’échappée.

(2) Comme me l’avait expliqué le regretté Haim Azses dans son séminaire sur la désinformation donné à Paris lors de la Première Intifada, il y a plus de 30 ans. 

 

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Mon cours sur “Les mythes de l’antisionisme”, donné dans le cadre de l’Université populaire du judaïsme fondée par Shmuel Trigano, est en ligne sur Akadem.

 

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Entretien avec le Rabbin Oury Cherki, directeur du Centre Noachide Mondial sur le sujet "Israël - le rêve inachevé"

January 5 2020, 09:13am

Posted by Pierre Lurçat

J'ai eu le grand plaisir de débattre avec le Rav Oury Cherki, directeur du Centre Noachide mondial, au sujet de mon livre "Israël, le rêve inachevé", de la vocation d'Israël et du lien entre l'Etat d'Israël actuel et l'Israël de la Bible. Débat animé par David Sabbah.

https://www.youtube.com/watch?v=TQqTXofk0m8

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Quand le cinéma israélien découvre la réalité des habitants du Sud du pays

January 3 2020, 09:51am

Posted by Pierre Lurçat et Judith Assouly

Quand le cinéma israélien découvre la réalité des habitants du Sud du pays

Ha Soussita shel Herzl est un film israélien original et émouvant, qui permet de découvrir des réalités rarement abordées dans le Septième Art israélien. Trop souvent, le cinéma israélien se complaît dans une vision “universaliste”, ou encore cède à la tentation de l’autocritique - au lieu de revendiquer le narratif propre à Israël.

 

C’est le grand mérite du film de David Kriner de faire (sans doute pour la première fois) un film qui parle de Sderot, de la vie sous les roquettes du Hamas et de ces réalités quotidiennes que la plupart des Israéliens (sans parler du reste du monde) ignorent. 

 

Son film permet de découvrir une réalité méconnue et aborde pour ainsi dire un “continent” inexploré de la vie en Israël, à une heure de route de Tel-Aviv : le Sud, Sderot, “Otef Azza”...

 

Comme l’a déclaré l’acteur principal du film, Miki Léon, “Tel Aviv ressemble à une bulle, à un pays dans le pays”.

 

Mais ce n’est pas le seul mérite du film (que de montrer cette réalité) : c’est aussi une belle histoire de paternité et d’apprentissage de la vie, basée sur l’histoire personnelle du réalisateur et scénariste, David Kriner, qui a lui-même enseigné le cinéma à Sderot, comme le héros du film. 

 

Le thème du cinéma permet aussi d’aborder les rapports entre le cinéma et la vie, entre le cinéma et la réalité. Les jeunes adolescents rebelles, avec lesquels le professeur de cinéma parvient à établir une relation de confiance, veulent décrire leur vie dans ce qu’elle a de plus dur. Yigal leur apprend le cinéma, et il reçoit en échange une belle leçon de vie et d’espoir.

 

VOIR la suite dans l’émission Cultura’Sion ici https://www.youtube.com/watch?v=rvjX60bA1m

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Découvrez mon blog consacré au cinéma israélien

http://cinema-israelien.over-blog.com/

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