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La Shoah comme révélateur de la pathologie antisioniste et l’antisémitisme musulman, Pierre Lurçat

May 5 2024, 09:06am

Posted by Pierre Lurçat

(Extrait de mon livre Les mythes fondateurs de l'antisionisme contemporain, qui vient d'être réédité aux éditions B.O.D.)

 

La place qu’occupe la Shoah dans le discours et dans l’idéologie antisioniste est un aspect essentiel à leur compréhension. Comme l’écrit le philosophe Elhanan Yakira, “l’antisionisme est un scandale, et c’est précisément sa nature pathologique que révèle le recours constant à la Shoah de la part des antisionistes” (1). Avant d’analyser de manière précise cette nature pathologique, nous voudrions donner plusieurs exemples de recours au thème de la Shoah (ou “variations autour du mythe du Shoah Business”), qui nous permettront de comprendre la finalité du mythe et de mieux cerner la nature véritable - et scandaleuse, pour reprendre l’expression de Yakira - de l’antisionisme.

 

Dans son livre Post-sionisme post-Shoah, capital pour notre sujet, Elhanan Yakira prend pour point de départ de sa réflexion, l’interrogation que suscite “l’utilisation de la Shoah comme arme idéologique”, employée pour “renforcer toutes sortes de diabolisations, disqualifications et délégitimations d’Israël”. L’hypothèse qu’il avance, pour expliquer ce paradoxe, est que “la Shoah est perçue à la fois comme la source, la raison, la cause et la seule justification possible de l’existence d’Israël”. Il faut donc récuser cette justification, pour supprimer la légitimité d’Israël. C’est ce paradigme central du discours antisioniste (s’attaquer à la Shoah comme justification de l’existence d’Israël), auquel il donne le nom de postulat dominateur

 

 

Observons que le discours antisioniste attribue quant à lui son obsession de la Shoah à une soi-disant omniprésence de celle-ci dans le discours officiel israélien (2). (Un peu comme dans l’histoire du patient obsédé sexuel, auquel le thérapeute montre différentes formes géométriques, qu’il interprète de manière récurrente comme des femmes nues, et qui finit par s’indigner : “C’est vous qui n’arrêtez pas de me montrer des images obscènes!”) L’antisioniste est lui aussi un obsédé qui s’ignore : il voit partout des images de la Shoah, dans le journal télévisé sur la situation à Gaza, en Cisjordanie, et jusque dans les rayons de son supermarché, où les fruits importés d’Israël suscitent chez lui une irrépressible envie de boycott…

 

C’est en ce sens qu’on peut d’ores et déjà analyser le discours antisioniste comme une pathologie politique. Tout comme l’antisémite voit des Juifs partout, l’antisioniste voit partout la main d’Israël (ou du Mossad, accusé par José Bové d’avoir organisé les incendies de synagogues en France au début des années 2000…). Cette pathologie est encore plus flagrante - comme nous le verrons - dans le cas des Juifs antisionistes radicaux, chez qui l’obsession anti-israélienne s’accompagne d’une démarche identitaire, que nous avons déjà analysée en recourant au concept de religion politique, et sur laquelle nous allons revenir dans le présent volet de notre exposé.

 

Un obsédé qui s’ignore : José Bové arrêté à Orly à son retour d’Israël

 

C’est aussi ce ‘postulat dominateur’ qui permet de comprendre le lien - a priori non évident - entre les militants et théoriciens de l’antisionisme et les auteurs négationnistes, lien longuement décrit et analysé par Elhanan Yakira, qui parle à ce sujet d’une communauté d’opprobre, laquelle réunit négationnistes intégraux à la Faurisson, tiers-mondistes anti-israéliens soutenant des positions négationnistes avec hésitation, et “négationnistes soft” prenant la défense de Faurisson par positionnement idéologique, comme Noam Chomsky.

 

A l’origine du mythe du Shoah business : le négationnisme arabe de la Shoah

 

Si l’on tente de déterminer l’origine de l’accusation de “Shoah-business”, c’est-à-dire de l’accusation portée contre Israël et le sionisme d’avoir exploité délibérément la Shoah (ou même d’y avoir contribué), il faut - là encore - tourner le regard vers l’obscur objet de la haine antisioniste, à savoir Israël. Shmuel Trigano, dans un livre important paru en 2005, rappelle que le négationnisme est une invention arabe palestinienne, tout autant qu’européenne. “Les Palestiniens ont inventé très tôt, entre 1945 et 1948, bien avant l’heure, la thèse négationniste. Oscillant entre la dénégation de l’extermination, qualifiée de simple “persécution/oppression” (idhitad) pour la minimiser et son “exagération choquante” produit d’un “complot sans pareil dans les temps modernes” des sionistes, ils n’hésitèrent pas, dès 1946, à voir dans la mémoire de la Shoah une ruse de propagande…” (3)

 

Trigano cite notamment le journal Filastin, lequel écrivait dès 1945 que “les Juifs ont grossièrement exagéré le nombre de leurs victimes en Europe, pour gagner le soutien mondial du fait de leur catastrophe imaginée. L’histoire montrera avec le temps que les Juifs sont ceux dont les pertes sont les moins importantes comparées à d’autres peuples et que leur propagande et leur marchandage à propos de ces victimes sont un moyen pour établir un Etat juif en Palestine”.

 

 

 

Ce que montre cette citation, c’est que la négation arabe de la Shoah, et l’accusation concomitante portée contre le sionisme d’avoir exploité celle-ci à des fins politiques, n’ont pas été importées dans le monde arabe, en provenance de pays occidentaux (selon l’argument souvent évoqué, selon lequel l’antisémitisme serait étranger au monde arabo-musulman et y aurait été introduit tardivement). Elles y sont apparues dès le lendemain de la guerre en 1945, bien avant que Faurisson et ses émules ne diffusent leurs théories négationnistes en France et ailleurs. La question n’est pas seulement chronologique : elle revêt une importance majeure, si l’on veut apprécier à sa juste mesure l’étendue et la nature du phénomène antisioniste et négationniste au sein du monde arabo-musulman.

 

L’antisémitisme arabo-musulman : produit d’importation ou fabrication locale?

 

L’historien Robert Wistrich observait à cet égard que “la judéophobie moyen-orientale était considérée quasiment par tous comme un élément du conflit arabo-israélien, exploité avec cynisme à des fins de propagande par les dirigeants arabes et les élites intellectuelles”. C’était, poursuit Wistrich, en citant Bernard Lewis, “quelque chose qui vient d’en haut, des dirigeants, plutôt que d’en bas, de la société - une arme politique et polémique, à mettre au rebut lorsqu’elle devient inutile”(4). Cette erreur de perspective, très largement répandue, consiste donc à minimiser l’antisémitisme musulman (et sa forme récente, l’antisionisme et le négationnisme), en y voyant un produit d’importation tardif, exogène au monde arabo-musulman et utilisé à des fins politiques par ses élites. 

 

G. Bensoussan : “L’antisémitisme musulman trouve sa source en lui-même”


 

Réfutant cette présentation simpliste et erronée, Georges Bensoussan observe que “ce serait une erreur de réduire l’antisémitisme arabo-musulman à une figure d’importation, même si l’on assiste ici, sans conteste, à l’islamisation des poncifs de l’antisémitisme occidental… Car, en réalité, l’antisémitisme musulman trouve sa source en lui-même. Le Coran abonde d’invectives sur les Juifs “traîtres”, et depuis que ces derniers ont rompu leur promesse antérieure avec Lui, les musulmans figurent le peuple élu de Dieu. Pour la plupart des commentateurs, le conflit israélo-arabe n’est que la poursuite de la lutte entre l’islam et les juifs”. A l’appui de cette dernière remarque, essentielle à la compréhension du contexte historico-culturel de l’antisionisme arabe contemporain (ou de ses origines historiques, dans le “temps long” de l’histoire musulmane), mentionnons cette phrase, déjà citée, tirée du quotidien égyptien Al-Ahram : “Notre guerre contre les Juifs est une vieille lutte, qui débuta avec Mahomet” (6).

 

Shmuel Trigano confirme cette analyse, en faisant remarquer que “la culture islamique n’avait pas à se forcer pour construire l’image du Juif falsificateur, dans la mesure où elle tient les Juifs (et les chrétiens) pour les falsificateurs de la parole de Dieu, le Coran” (7). Dans cette perspective, c’est toute la présentation chronologique, ou encore la généalogie traditionnelle de l’antisémitisme musulman qui est inversée : non seulement les musulmans n’ont pas eu besoin d’aller chercher l’antisémitisme en Europe (ce qu’ils ont fait, par ailleurs, notamment par le biais des chrétiens d’Orient, comme l’ont montré les travaux de Bat Ye’or, voir notre Introduction), mais en réalité, ils ont souvent été les premiers à développer certaines thématiques antijuives et antisionistes, dont ils ont trouvé le substrat dans leur propre univers culturel (8). Il convient donc de garder à l’esprit, avant de poursuivre plus avant notre analyse, cet élément essentiel que G. Bensoussan résume de manière limpide : “l’antisémitisme musulman trouve sa source en lui-même”.

 

(1) E. Yakira, Post-sionisme, Post-Shoah, p.1. Presses universitaires de France, 2010.

(2) Un exemple récent de ce phénomène est donné par le dernier livre du romancier israélien Ishaï Sarid, intitulé de manière significative Le monstre de la mémoire, publié aux éditions Actes Sud. Ce livre est présenté (de manière trop laudative) sur le site Akadem.

(3) S. Trigano, Les frontières d’Auschwitz p. 64, Librairie Générale Française 2005.

(4) R. Wistrich, “L’antisémitisme musulman, un danger très actuel”, Revue d’histoire de la Shoah, no. 180, Antisémitisme et négationnisme dans le monde arabo-musulman, la dérive.

(5) Revue d’histoire de la Shoah, no. 180. Antisémitisme et négationnisme dans le monde arabo-musulman, la dérive, op. cit. p. 6-7. 

(6) Al-Ahram, 26 novembre 1955.

(7) S. Trigano, Les frontières d’Auschwitz, p. 65

(8) C’est précisément cette affirmation du caractère endogène à la culture arabo-musulmane de l’antisémitisme qui a valu à l’historien Georges Bensoussan les déboires que l’on sait.

 

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Après le discours de Pithiviers : Un psychodrame français, Pierre Lurçat

July 18 2022, 18:13pm

Posted by Pierre Lurçat

Après le discours de Pithiviers : Un psychodrame français, Pierre Lurçat

Article paru sur Causeur.fr

 

En regardant les images de la commémoration de Pithiviers, ce dimanche 17 juillet, on ne pouvait s’empêcher de penser à ce que Shmuel Trigano désignait, dans un livre paru en 2005, comme le « psychodrame français » (1). Il y avait en effet, dans cette commémoration menée de main de maître par Emmanuel Macron – très à l’aise dans sa fonction de grand ordonnateur de cérémonie mémorielle – quelque chose d’un jeu de rôles et d’un théâtre bien huilé, dans lequel chacun tenait sa place, le Président, les époux Klarsfeld, les notables juifs, et jusqu’aux anciens déportés.

Il y avait aussi, osons-le dire, quelque chose d’indécent à entendre Emmanuel Macron se dire « très heureux » (sic) d’être là et parler, avec une émotion et une emphase dignes d’un grand acteur, de la déportation des Juifs de France, devant un parterre conquis d’avance. Non certes, que son émotion soit simulée. Non, l’indécence n’était pas celle du Président, ni celle des notables juifs, ces « grands prêtres de la nouvelle sacralité » (Trigano). Elle tenait à une réalité politique objective, qui se perpétue depuis plusieurs décennies, cette réalité politique qu’on désigne comme le « devoir de mémoire » ou de « vigilance » et que Trigano avait analysée comme « l’assignation victimaire des juifs découlant du devoir de mémoire ».

Le nouvel antisémitisme et l’ensauvagement de la France

Emmanuel Macron a en effet beau jeu de dénoncer l’antisémitisme qui « persiste, s’obstine et revient », citant Zola à peu de frais. Car en réalité, que fait la France et que font ses dirigeants contre l’antisémitisme ? Ils ne font même pas le minimum, qui consisterait à le dénoncer nommément, en identifiant ses auteurs véritables, et à le réprimer efficacement. Au-delà des « effets d’annonce grandiloquents » (pour lesquels Macron est particulièrement doué, reconnaissons-le), rien n’est fait contre cet « antisémitisme nouveau qui insulte et blesse et qui, lorsqu’il tue, s’épargne les assises et appelle à la haine sur les réseaux sociaux », comme l’écrit très justement Georges Bensoussan (2). Si ce « nouvel antisémitisme » s’épargne les assises, c’est parce qu’il jouit en France d’une totale impunité.

 

G. Bensoussan

G. Bensoussan

Mais cette impunité ne tient pas, comme on le croit parfois, à l’identité des victimes, mais bien plutôt à celle des assassins. Car les crimes contre  des Français non-Juifs sont tout autant passés sous silence, comme le rappelle utilement le dernier numéro du magazine Causeur. Il est plus facile pour les dirigeants de cette France ensauvagée de venir étaler leur émotion à Pithiviers, que de lutter contre la vague d’attaques au couteau qui frappe tous les Français, Juifs ou non. Il est plus facile de faire de Vichy un enjeu électoral et politique, avec la contribution d’une députée de LFI, que de reconnaître que ce débat historique n’a aucune importance pour la situation réelle des Juifs dans la France d’aujourd’hui et pour la situation des Français en général

La France et Israël

L’hypocrisie et l’indécence ne s’arrêtent pas là. Elles concernent un autre sujet, tout aussi essentiel. Celui du terrorisme palestinien, de l’incitation à la haine antijuive dans les manuels scolaires palestiniens et du négationnisme palestinien (3), que la diplomatie française finance et qu’elle encourage. Macron a beau jeu de citer Jacques Chirac, qu’il imite non seulement à Pithiviers, mais aussi à Jérusalem, lorsqu’il suscite un faux esclandre pour plaire à ses bailleurs de fonds arabes. Oui, la France d’Emmanuel Macron est tout aussi hypocrite que celle de Jacques Chirac et que celle de François Mitterrand, quand elle encense les Juifs morts, tout en soutenant à bout de bras Mahmoud Abbas et en menant sa politique hostile à Israël, sous couvert de soutenir le “processus de paix”. La diplomatie française demeure, quoi qu’en dise Emmanuel Macron, hostile au peuple Juif vivant à Sion et à Jérusalem, capitale d’Israël contre laquelle elle mène une nouvelle « croisade », aujourd’hui comme hier.

Pierre Lurçat

1. S. Trigano, Les frontières d’Auschwitz, Librairie générale française 2005.

2. G. Bensoussan, Le Figaro 16.7.2022.

3. Rappelons que Mahmoud Abbas est l’auteur d’une thèse de doctorat intitulée “La connexion secrète entre le sionisme et le nazisme”, dans laquelle il remet en cause l’existence des chambres à gaz.

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Samuel Willenberg, le révolté de Treblinka, par Pierre Lurçat

April 27 2022, 09:45am

Posted by Pierre Lurçat

 

(Extrait de mon livre Victor Soskice, Qui sauve un homme sauve l'humanité, qui vient de paraître aux éditions L’éléphant)

 

Entre Acco et Nahariya, sur la côte de la Méditerranée, à quelques kilomètres de la frontière nord d’Israël, se trouve le kibboutz Lohamei Hagetaot (“Les combattants des ghettos”). Fondé en 1949, le kibboutz abrite aussi le Musée des Combattants des ghettos, qui a pour particularité d’être le premier musée de la Shoah fondé en Israël, la même année que le kibboutz, et d’avoir été créé par des survivants de la Shoah, parmi lesquels plusieurs anciens combattants du ghetto de Varsovie. Quand on arrive par la route venant de Haïfa, on remarque tout d’abord l’aqueduc romain qui longe le kibboutz sur son côté Ouest. Le musée, dont la structure impressionnante est due à l’architecte Samuel Bickels, est presque vide, en ce début d’après-midi.

 

Nous parcourons les salles consacrées aux Justes des Nations et à la Résistance juive, avant de tomber en arrêt devant les sculptures réalisées par Samuel Willenberg. Ce sont des scènes terribles, tirées de la vie quotidienne dans le camp de Treblinka et reconstituées de mémoire, et qui semblent tirées de l’Enfer de Dante. J’ai bien connu Willenberg, car il était le “méhoutan” (mot intraduisible en français) de mon oncle Menahem – la fille du premier ayant épousé le fils du second – et je l’ai souvent croisé, étant adolescent, mais je n’ai compris que très tard le secret qui l’habitait. Dans la famille, on l’appelait familièrement “Igo”, de son nom de guerre. À l’époque, il m’intimidait, avec sa voix rauque et la manière qu’il avait de vous scruter de son regard bleu profond et intense. J’avais l’impression qu’il me dévisageait avec insistance, comme pour lire au fond de moi, et son regard me mettait mal à l’aise. J’étais trop jeune alors pour comprendre que ce n’était pas dû à un quelconque sentiment d’hostilité, mais au fait qu’il n’était pas entièrement ici, dans le monde que nous partageons avec nos contemporains.

 Detail

Son parcours, qu’il a relaté dans un livre de souvenirs traduit en français[1], est celui d’un survivant de Treblinka et d’un héros dont le courage n’avait d’égal que la modestie. Son père, Peretz, enseignant et peintre à Czestochowa, avait épousé une Russe orthodoxe qui avait fui la Révolution. Elle se convertit pour l’épouser. En 1941, après la création du ghetto de Czestochowa, Samuel et ses parents parviennent à échapper aux rafles, tandis que ses deux sœurs, Tamara et Ita, sont déportées. Arrêté lors de la liquidation du ghetto d’Opatów, Samuel est déporté à Treblinka à l’âge de dix-neuf ans. Suivant le conseil donné sur la rampe menant au camp, il se fait passer pour maçon, ce qui lui sauve la vie, alors que la plupart des membres du convoi sont immédiatement emmenés dans les chambres à gaz.

 

Le révolté de Treblinka

 

Samuel réussit à survivre entre octobre 1942 et août 1943, date de la révolte du camp, à laquelle il participe avec plusieurs centaines de prisonniers. Blessé à la jambe, il parvient à regagner Varsovie, où il retrouve son père, qui s’est caché du côté “aryen” de la ville. Il prend part au soulèvement de Varsovie dans les rangs de l’Armiya Krajova (l’armée de l’intérieur polonaise). Après la guerre, Samuel demeure plusieurs années en Pologne et se porte volontaire dans l’armée polonaise, où il devient officier, avant de partir en Israël en 1950. Il y travaille comme ingénieur au ministère du Logement jusqu’à sa retraite. Par la suite, il prend des cours de sculpture et guide des jeunes Israéliens venus visiter les camps en Pologne. Je me suis souvent demandé ce qui le poussait à revenir, chaque année pendant plusieurs décennies, dans ce pays qui avait été celui de son calvaire et celui de sa famille. Le désir de transmission ? Il aurait pu se contenter de donner des conférences dans les lycées en Israël. Ce n’est qu’en avril 2016, devant les sculptures exposées au musée du kibboutz, que j’ai trouvé la réponse à cette question.

 

 

Willenberg était le dernier survivant de la révolte de Treblinka, et à de nombreux égards, il était resté là-bas. Son corps avait certes survécu, et il donnait le sentiment d’une force incroyable, comme si le fait d’avoir enduré les privations et l’horreur des camps l’avait rendu à jamais invincible. Mais son âme, elle, était restée dans cet autre monde, ce monde de l’horreur et de l’indicible, que la nation la plus raffinée d’Europe avait créé pour y exterminer le peuple Juif. Un petit film émouvant, au musée du kibboutz, le montre évoquant, la voix tremblante, la révolte de Treblinka et ses compagnons d’infortune, dont les images n’ont cessé de le hanter jusqu’à son dernier jour, comme il l’explique, 70 ans plus tard : “Treblinka zeh Ani!” (Treblinka, c’est moi!) Cette déclaration n’était pas une fanfaronnade ou une affirmation saugrenue ; elle exprimait la quintessence de son être, la réalité de sa vie depuis les années terribles dont il n’était jamais sorti.

 

 

“Igo”, le lieutenant de l’armée polonaise, le révolté de Treblinka, n’avait en réalité jamais été entièrement libéré de là-bas. Les Allemands, dans leur volonté criminelle d’extermination, avaient réussi à tuer non seulement les morts, mais aussi, dans une certaine mesure, les survivants. En voyant le visage de Willenberg, au musée du kibboutz des combattants des ghettos, je me dis qu’il fallait le rencontrer, l’entendre encore une fois raconter sa vie et son destin incroyable. Hélas, il était trop tard… Samuel était décédé deux mois auparavant, à quelques jours de son quatre-vingt-dixième anniversaire. Une fois de plus, le temps m’avait pris de court, comme avec les rares survivants qui avaient connu Victor. Ainsi, pensai-je en sortant du musée des combattants des ghettos, j’avais cru échapper à Victor, en venant me reposer quelques jours en Israël, et je le retrouvai immanquablement, à travers Willenberg et les autres témoins de la période tourmentée dans laquelle il avait vécu et qui avait déterminé son cruel destin.

 

 

Mais cette découverte, loin de susciter en moi un nouvel accès de tristesse ou de découragement, me confirma que j’étais sur la bonne voie. J’avais mis plusieurs décennies à comprendre le secret de Samuel Willenberg, qui m’était apparu dans son éclatante vérité, lors de la visite au kibboutz Lohamei Hagetaot. A présent, je savais pourquoi je me devais d’écrire sur Victor, quoi qu’il m’en coûte, même s’il fallait y consacrer encore des nuits blanches et des mois entiers. Ce n’était pas seulement par fidélité au héros de mon adolescence et au sauveur de mon père. C’était aussi par fidélité à moi-même, à la promesse que je m’étais faite un jour en rencontrant, dans les circonstances extraordinaires que j’ai relatées, l’ami de Victor, André Simon. Mais aussi pour tous les autres témoins de sa brève existence, ceux que j’avais interviewés ou croisés – Jacqueline et son frère – et ceux que je n’avais pas eu le temps de rencontrer, comme Jac Remise, son camarade de classe. Il fallait que j’écrive la vie de Victor, que je lègue ce récit aux générations suivantes et que je lui offre, à mon tour, le tombeau de papier qui devait remplacer celui qu’il n’avait pas eu.

 

 


[1] Révolte à Treblinka, Ramsay 2004.

 

NB extrait de mon livre Victor Soskice, éditions l’éléphant. En vente sur Amazon, B.o.D. et dans toutes les bonnes librairies!

Amazon.fr : Irène Lurçat : Livres

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Paris 1943 - L’arrestation de Fanny et Florette

April 8 2021, 09:18am

Posted by Liliane Lurçat

Dans l’extrait qui suit, ma mère raconte le départ de son frère aîné en Palestine, en pleine guerre, et l’arrestation de ses cousines, Florette et Fanny, qui ne sont pas revenues de déportation. Ma fille aînée porte le prénom de la cousine Fanny Hyd. P. Lurçat

 

“Je reçois un jour une lettre de Christiane. Sur l’enveloppe, elle a écrit en gros caractères “urgent et confidentiel”. Elle me donne rendez-vous dans un endroit discret et m’explique que toute sa famille est recherchée par la police. Les flics sont des salauds, ils torturent les gens qu’ils arrêtent et leur mettent du poivre sur les parties. J’ai rencontré son frère dans le métro, il portait la barbe. Bonjour Louis ! Vous faites erreur, mademoiselle, je ne vous connais pas. La sœur de Christiane, Janette, c’est la grande copine de ma cousine Florette. Elle m’appelle la grande Liliane. Florette, enfant, était très livrée à elle-même. Elle est très peu allée à l’école. A 6 ans, elle a appris des danses acrobatiques dans un cirque, elle sait se contourner dans tous les sens. Sa mère a quitté la rue des Carmes, pour un logement du 3ème arrondissement. Un long couloir noir et puant, où de vilains messieurs vous agressent. Deux pièces obscures et minuscules, donnant sur une cour nauséabonde. Florette et sa sœur, Fanny, sont dehors toute la journée. Le père est joueur et épileptique et la mère se lamente.

 

La cousine Fanny

La vie de Florette a changé le jour où, après avoir hésité longtemps, elle a franchi le seuil du local des Jeunes Filles de France. “Je veux venir ici”. “Va te débarbouiller d’abord”, lui a répondu Janette. Elles sont devenues amies. Florette soigne sa toilette, Florette fait du camping et elle chante, elle a une belle voix sonore : “Allons au-devant de la vie, allons au-devant de l’amour”. Comme toutes les filles de la famille, elle a le sein fort, la joue rose et la lèvre charnue. Ss yeux sont noirs et brillants et elle rit d’un grand rire. Si un garçon l’approche, elle le rabroue d’une tape. Elle travaille, elle fait de la couture et elle en profite pour rafistoler les hardes des siens.

C’est une militante, elle lit les brochures du Parti, elle comprend le monde. Quand la guerre éclate, elle fait tourner la ronéo dans le petit logement. Elle sait, la veille, que c’est la grande Rafle de juillet. Elle dort chez nous. Au matin, Fanny arrive : ils arrêtent Papa et Maman. Elle y court. Elle s’interpose. “Viens avec!” Elle y va et Fanny aussi. Elle est partie pour rien, on les a tous séparés à Pithiviers. Elle est arrivée à Auschwitz, dans un convoi de femmes et d’enfants. La douche pour tout le monde. Le lendemain matin, elle a rencontré Janette, sa meilleure amie. Elles ont parlé toute la nuit. Florette est morte à 18 ans. Fanny est morte aussi, je ne sais où, Fanny est morte je ne sais quand. Elle n’avait pas beaucoup plus de 15 ans.

 

Menahem, le frère aîné

Les amitiés changent pendant l’Occupation. Le père n’est plus là, le frère aîné est parti pour la Palestine. Il s’intéressait trop à la Résistance et la mère avait peur. Les Allemands ont organisé un jour un échange entre sujets britanniques vivant dans les territoires occupés et prisonniers allemands en Palestine. Le frère est parti pour un long voyage en train, qui devait l’amener à Jérusalem, en contournant la Méditerranée. Il avait 17 ans. Le lecteur assidu de L’Heure joyeuse, l’enfant rêveur et absorbé a pris le grand tournant. Il sera un homme d’action, un militaire, un défenseur d’Israël. Par lui, la famille reprend racine en terre promise. Il réussit la vie rêvée par le père. Il épousera une petite Juive irakienne aux yeux bleus et vivra dans l’ambiance orientale d’une belle-mère, d’oncles et de tantes, de cousins et d’aïeuls centenaires, tous unis comme les doigts de la main. Mais dans ses rêves, les bouquinistes des quais de Seine garderont la bonne place. Plus de grand frère pour me guider vers les professions enviées du secrétariat. Ma vie? C’est mon affaire.

 

Extrait de Un parapluie pour monter jusqu’au ciel, de Liliane Lurçat

Disponible sur Amazon

 

 

“Ce livre vous donne un coup dans l’estomac. C’est un document extraordinaire, avec une grande force littéraire”.

Michel Gurfinkiel

“Un très beau livre”.

Monique Naccache, Times of Israel

“Il y a dans ce livre de Liliane Lurçat une acuité du regard qui le rapproche des caricaturistes… et les portraits qu’elle fait défiler en quelques coups de crayon alertes sont hauts en couleurs. Les portraits de ses parents sont des petits chefs-d’œuvre qui intègrent le physique, le psychologique et le sociologique, un peu comme Honoré Daumier”.

Olivier Ypsilantis, Zakhor Online

 

“Ce livre ravira les amoureux de Paris, qui le redécouvriront sous les yeux d'une enfant espiègle et libre, les amoureux d'histoire, qui auront la chance de lire le témoignage unique d'une enfant qui a survécu a la déportation par des concours de circonstance inhabituels, et ravira les amoureux de fins mots d'enfants et d'humour cocasse”.

Gabrielle Pittiglio, Amazon

“Les souvenirs de Liliane Lurçat sont écrits au présent, ce qui leur donne un rythme rapide et presque haletant…”

Liliane Messika, Mabatim.info

“Très beau récit auto-biographique, d'une époque où de nombreux quartiers de Paris étaient encore populaires. Petite histoire qui s'inscrit dans la grande, on rit volontiers à des situations décrites avec simplicité. Même dans une époque très compliquée, il reste toujours de l'espoir. A lire absolument…

Dominique Pulejo, Amazon 

 

Ce récit, sobre et dénué de sentimentalisme, d’une jeune Juive née en Palestine, mais dont la famille a dû s’installer à Paris, faute de travail à Jérusalem, est un témoignage, à la fois réaliste et émouvant. un très beau texte à l’écriture incisive et enlevée”. 

 

Evelyne Tschirhart, Lettres d’Israël

 

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Un récit de la perte et du don : Le tranchant de la lumière, d’Evelyne Tschirhart

August 13 2020, 18:49pm

Posted by Pierre Lurçat

Et soudain, au détour du sentier, la clairière s’était logée tout entière dans son regard ébloui avec, au-dessus d’elle, une large tache d’un bleu séraphin.

Alors une partie de son enfance avait surgi ; autrefois, dans la détresse de l’exil, elle avait dû trouver une forme de consolation dans ce contact nouveau avec la nature… Et, à cet instant, la nostalgie poignante de ce qui avait été une perte, en même temps qu’un don, avait fait surgir les images oubliées de Souzy, les avait révélées dans la lumière de la clairière où toutes les nuances de vert s’étageaient jusqu’au bleu”.


 

Comme tous les grands livres, on peut aborder Le tranchant de la lumière de différentes manières. A travers la quête d’une enfance perdue et retrouvée, c’est d’abord le récit poignant d’une enfant cachée pendant la Shoah, qui tente de reconstituer par les mots ce dont elle a été largement privée - une enfance marquée par la blessure de l’absence d’une mère internée à Drancy, disparue sans qu’elle sache si elle reviendrait un jour (“Faut-il donc toujours craindre de voir disparaître ceux qu’on aime?”). Mais le drame de la séparation et de la disparition (provisoire) de la mère n’est qu’un aspect du livre. 

 

En même temps que la perte, comme l’écrit l’auteur, il y a le don, que l’enfant saura faire vivre et fructifier. Ce don concomitant à la perte, il est tout d’abord celui d’un regard acéré sur le monde environnant. Très jeune, l’enfant recueillie par une tante et confiée à une nourrice en Essonne apprend ainsi à poser un regard étonné et curieux sur la nature qui l’entoure. Dans ce regard attentif, souvent émerveillé, on voit naître la vocation future de l’artiste, qui saura un jour faire revivre, sur sa pellicule ou sur la toile, les premières impressions de l’enfant qu’elle a été.

 

Si elle avait eu besoin de ce retour, ce n’était pas seulement pour revoir des lieux décisifs de son enfance qu’elle avait en partie enfouis. C’était aussi pour ressaisir dans son corps le sens si particulier de leur éclat. C’était bien cet éclat qu’elle avait recherché ou simplement reconnu par la suite, au cours de ses déambulations, à travers la photographie ou la peinture, sans toujours pouvoir en désigner l’origine. Il lui avait permis de voir les choses avec une intensité et une vérité qui l’apaisaient”.

 

 

Le “tranchant de la lumière”,  c’est aussi  cette omniprésence de la lumière et de son caractère insaisissable que la narratrice du livre tente de saisir, avec ses mots, avec son appareil photo, et de fixer sur le papier, par l’écriture et par la photographie. Car le photographe, tout comme l’écrivain, s’efforce d’immobiliser ce qui est par définition mouvant et instable : la réalité du monde qui nous entoure, tout comme celle du souvenir et du vécu intérieur. Les pages évoquant le village, les descriptions de la nature paisible et de la vie à la campagne sont parmi les plus belles du livre. La troisième dimension du livre (mais il y en a d’autres encore), c’est celle de la redécouverte de l’identité juive. 

 

Le livre s’ouvre ainsi sur la vision de l’église du village, qui surgit majestueuse, au-dessus du champ de maïs. Quand la narratrice retrouve la maison de sa tante, où elle a passé une partie de la guerre après l’internement de sa mère, le nom de la  rue des Fèves lui fait penser à la galette des Rois, ce “gâteau d’Epiphanie”. “La maison de tante Suzanne, c’était cette graine d’Epiphanie longtemps enfouie et qui germait en cet instant dans la douce chaleur de l’émotion”... Les références chrétiennes sont toujours présentes, de manière plus ou moins visible, dans cette terre de France qui demeure imbibée de son passé et de son histoire.

 

Les platanes, photo Evelyne Tschihart


 

Dans les dernières pages, le narrateur se trouve à Jérusalem, et elle se laisse guider par la foule jusqu’au “Mur des Lamentations”. “Ida ignorait à peu près tout de la religion de ses ancêtres, mais elle se sentait pourtant profondément imprégnée de cette ferveur qui s’exprimait là… Les mots de la prière lui manquaient mais sa fidélité à ce peuple était intacte et sereine, pour les suppliciés, pour sa mère, pour la transmission qui avait tant manqué et pour ce peuple qui vivait, ici et maintenant, dans sa fierté retrouvée”. Ainsi, le périple de la narratrice sur les traces de son séjour d’enfant caché en Essonne se double d’un autre voyage, à la fois extérieur et intime, en quête de son identité juive. C’est à Jérusalem qu’elle trouve une réparation au manque de la famille maternelle, dans ce voyage qui est “à la fois un retour aux sources et un moment d’apaisement”. Un très beau livre.

Pierre Lurçat

 

Evelyne Tschirhart, Le tranchant de la lumière, éditions Terra Cota 2013.

Site de l’auteur : http://www.tschirh-art.com/

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Auschwitz et Israël : Entre Shoah et Renaissance nationale

January 24 2020, 10:32am

Posted by Pierre Lurçat

 

L’État d’Israël est bien plus « vieux » que les soixante-dix années de son existence nationale sur sa terre retrouvée. Croire que l'État juif est né en 1948, c'est faire preuve d'une erreur de perspective historique qui relève, dans le meilleur des cas, de l'ignorance. C'est ainsi que l'actrice américaine Natalie Portman peut déclarer, lors d'une récente polémique, qu'Israël « a été créé il y a tout juste 70 ans afin d'être un refuge pour les rescapés de la Shoah ». Cette présentation a certes le mérite de la simplicité, mais elle relève d'un raccourci historique trompeur. Car en réalité, l'État d'Israël était quasiment constitué avant 1948, et ses principales institutions ont été créées pendant la période du Mandat britannique, durant laquelle il existait déjà en tant que Yichouv, terme désignant la collectivité nationale pré-étatique d'avant l'Indépendance.

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Survivants de Buchenwald arrivant à  Haïfa, 1945

 

Et pourtant… Au-delà de l’équation faite entre la Shoah et la création d’Israël, parfois avec des arrière-pensées politiques pas toujours bien intentionnées, il reste que la concomitance des deux événements interroge la conscience universelle, au même titre que la conscience juive. Aux yeux de celle-ci, en effet, les deux événements, dans leur « solennité de granit » (André Neher), sont comme deux monuments immenses, l’ombre portée du premier, Auschwitz, masquant la lumière du second, la renaissance d’Israël. Nul ne peut rester indifférent à ces deux événements essentiels du vingtième siècle. On ne peut pas non plus lire sans frémir ces mots du prophète Ezéchiel, dont le sens est devenu tellement évident depuis 1945 : « Ossements desséchés, écoutez la parole de l'Éternel ! Voici que je vais faire passer en vous un souffle, et vous revivrez… Voici que je rouvre vos tombeaux, et je vous ferai remonter de vos tombeaux, ô mon peuple ! et je vous ramènerai au pays d'Israël ». 


 

L'ancien grand-rabbin d’Israël, Meir Lau, rescapé de Buchenwald, relate dans ses mémoires comment un de ses compagnons de détention lui a lu ce passage d’Ezéchiel et a commenté : « Nous sommes les ossements desséchés… L’Europe est notre cimetière. Dieu a dit au prophète Ezéchiel qu’Il ouvrirait les tombes pour nous extraire de ce charnier et nous ramener en Terre d’Israël ». Pour les rescapés des camps d'extermination, les paroles du prophète avaient pris un sens évident, qu'ils avaient vécu dans leur chair. La tentation est donc grande, pour la conscience juive ou chrétienne, d’établir un lien de causalité entre ces deux événements. Mais il faut résister à ce penchant pour la facilité, et rétablir la complexité des liens qui unissent Auschwitz et Israël. Car Israël n’est pas né de la Shoah, mais bien plutôt malgré la Shoah

 

L'État d'Israël n’est pas seulement l’État récent proclamé en 1948, né du démantèlement de l’empire britannique, au lendemain de la Shoah. Il est en réalité, à l’image du « pays ancien-nouveau » que le fondateur du sionisme politique, Theodor Herzl, avait décrit dans son roman Altneuland, paru en 1902, un État ancien et nouveau à la fois. Il est le surgeon qui a poussé sur le tronc de l'histoire juive plurimillénaire et le torrent d'eau vive, dont la source remonte aux débuts de l'histoire du peuple Juif. Il est le fruit tardif d'un rêve plusieurs fois millénaire, d'une promesse qui n'a jamais été oubliée et d'un espoir réaffirmé chaque année par des millions de Juifs dispersés aux quatre coins de la terre : « l'An prochain à Jérusalem! »

 

(Extrait de mon livre Israël, le rêve inachevé. Editions de Paris / Max Chaleil)

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« J’ai eu seize ans à Drancy » : 21 janvier 1944 - 21 mars 1944, par Liliane Lurçat

May 1 2019, 19:44pm

drancy,rafles,shoah,liliane lurcatDans la nuit du 20 janvier I944, la concierge Marie vient frapper à notre porte : « C'est moi, Marie ». Nous habitons au 5-7 rue Frédéric Sauton, tout près de Notre Dame. Ma mère ouvre, sans méfiance. Marie ne vient pas seule, elle est suivie d'un homme petit au regard fuyant. Il est maigre, en civil, sans papiers officiels. Il a des vêtements avachis, usagés, d'une propreté douteuse, son regard est fuyant. Embarrassé et agressif ; « Je vous arrête ! ». Nous étions tous les trois, ma mère, mon  petit frère Sami et moi. Il fallait le suivre, avec une valise hâtivement bouclée. Aucun témoin, à part Marie.

J'ai encore une fois perdu l'occasion de me taire « Vous faites un bien sale métier ! » Furieux, il nous bouscule et nous  entraîne, dans les rues désertes et la nuit noire. Le noir de l’Occupation, tous les éclairages étant masqués.

Au Commissariat du Panthéon. Les grands hommes du Panthéon n'ont pas protesté, enfermés qu'ils sont dans leurs boîtes, sauf  celui qui tend un flambeau et qui m'effrayait tant quand j'étais petite.

Au commissariat du Panthéon, nous n'étions pas les premiers. Quelques  habitants du cinquième arrondissement, ramassés avant nous, étaient rassemblés près des toilettes malodorantes.

On ne se connaissait pas. On avait en commun d'être venus de Palestine, nous étions des sujets britanniques prisonniers sur parole, et nous devions signer chaque jour au poste de police à partir de l’âge de 15 ans.

 

Vers Drancy

Drancy, dernière étape avant Auschwitz pour des milliers de juifs vivant en France.

Je n'ai que ma mémoire pour faire surgir des bribes de ce passé, car notre séjour fut exceptionnellement long. Deux mois à Drancy, quand les déportés des rafles massives de la zone Sud n'y passaient que quelques jours.

 

Les conditions de notre ramassage  ont été calquées sur celles de juillet 1942 Les grandes rafles des juifs étrangers  commandées par Vichy. Les mêmes autobus ont suivi le même itinéraire, sans passer par le Vélodrome d'Hiver, directement vers Drancy. Nous n'étions que 300 : quelques hommes, surtout des femmes et des enfants.

 

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 Au cours de la nuit du 20 au 21 janvier 1944, dans ce commissariat du Panthéon un jeune policier me reconnaît. On se rencontrait au poste de police où je signais tous les jours depuis le jour de mes quinze ans, je bavardais avec lui sur le pas de la porte pendant  les alertes, fréquentes à l'époque. Il avait cru que j'étais anglaise. Sujet britannique, certes mais aussi juive. Il est parti à l'ambassade suisse prévenir qu'on arrêtait des sujets britanniques : « c'est une initiative de la police française » m'ont-ils dit:

 Lors de notre retour, en octobre 1944, il n'était plus là. Le commissaire était le même.

 

Au camp de  Drancy

drancy,rafles,shoah,liliane lurcatLes rafles de la zone Sud

 J'ai eu 16 ans à Drancy, le 13 mars 1944.

Au cours de ces deux mois commençaient les rafles de la zone sud

On voyait arriver des enfants affolés, extraits de pensionnats plus ou moins clandestins, perdus, errants solitaires.

Des jeunes gens plein de vigueur, qui chantaient aux corvées d'épluchage et qui gravaient leur nom sur des poteaux «  parti plein de courage pour travailler dans les camps  nom, âge ».Et toujours les convois femmes et enfants, ceux qui ont vu partir mes cousines Florette et Fanny en 1942, ceux destinés directement aux chambres à gaz.

 

Ce camp de Drancy était entièrement géré par des prisonniers juifs. Les deux allemands responsables étaient invisibles. Ils sont intervenus une seule fois pendant notre séjour quand des évadés ont été repris et se sont taillés les veines. Les Allemands ont voulu rassurer tout le monde en disant : « qu'on allait travailler mais pas mourir ».

 

drancy,rafles,shoah,liliane lurcatLe bloc 3 logeait «les privilégiés » : on retarde la déportation de certains, on en conservait d'autres, en particulier un international de football autrichien surnommé « l'homme aux chiens », car il parcourait la cour avec ses deux grands chiens. Il choisissait de temps en temps une jeune fille en lui promettant de la garder à Drancy. Puis il l’expédiait dans le convoi suivant.

 

J'ai parlé avec le directeur du camp, ancien directeur des Folies bergères. Les cuisiniers, petit gars de Boulogne sur Mer, vivaient dans la peur craignant la déportation. En deux mois, dans un espace restreint, j'ai eu le temps de voir et de regarder avec le sentiment d'invulnérabilité propre à la jeunesse qui ne croit pas au malheur.

 

Notre chambrée comprenait une cinquantaine de lit superposés en planches. Les jours de déportation on avait l'interdiction de regarder par les fenêtres. Ils nous menaçaient de tirer dans les fenêtres si ils nous voyaient quand les autobus embarquaient les déportes parce qu'on ne devait pas le voir, les autobus remplis partaient à la gare et directement de la gare à Auschwitz. On se couchait à plat ventre pour ne pas être vus et on regardait.

 

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Voyage vers Vittel

 

L'homme aux chiens aux ordres des Allemands nous a accompagné jusqu’à Vittel, camp des prisonniers de guerre qui accueillait toutes les personnes faisant partie des pays en guerre contre l'Allemagne. Notre misérable cohorte est arrivée à Vittel sous le regard étonné des prisonniers anglais, américains, russes...

L'homme aux chiens n'est pas reparti les mains vides : il ramenait avec lui des Juifs de Varsovie qui avaient acheté des passeports latino-américains. Beaucoup se sont suicidés en se jetant par la fenêtre… Mon père qui nous attendait dans ce camp savait déjà qu'il n'y avait plus aucun survivant de sa famille en Europe.

 

La hâte de tuer

drancy,rafles,shoah,liliane lurcatLes arrestations en zone sur étaient incroyablement bestiales : j'ai vu arriver des dames en peignoir de bain, embarquées sans vêtement. D'autres avec une boite à lait, arrêtées en bas de leur immeuble sans pouvoir remonter  prendre quelques objets personnels.

Des religieuses : femmes converties qui se sont déclarées juives.

Les brutes cyniques dans le genre de celui qui nous avait arrêtés, collabos de tous poils, abjects tortionnaires d'enfants et profiteurs de guerre : c'est eux qui faisaient la sale besogne pour Vichy.

Non jamais je ne pourrai oublier les enfants perdus raflés dans des lieux clandestins par d'ignobles créatures à visages déshumanisés.

Quand je suis rentrée le 21 octobre 44 à Paris, après huit mois dans le camp de Vittel destiné aux prisonniers de guerre, j'avais toujours seize ans mais j'ai laissé ma jeunesse dans les camps.

Plus jamais je ne serai tranquille ; plus jamais je ne l'ai été.

 

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 Liliane Lurçat 

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“Tréblinka, c’est moi !” : Le secret de Samuel Willenberg, par Pierre Lurçat

February 19 2019, 21:17pm

Posted by Pierre Lurçat

Ma rencontre avec la Shoah a pris plusieurs formes. Adolescent, j’avais lu le livre controversé de Jean-François Steiner, Treblinka, avant de découvrir les rescapés de la Shoah dans l’oeuvre de certains écrivains, dont Isaac Bashevis-Singer.

Ma mère, internée à Drancy, était née à Jérusalem dans la Palestine mandataire, et avait ainsi échappé à la déportation grâce aux papiers de “sujet de l’empire britannique” envoyés par l’oncle Nahman, auquel je dois aussi la vie.

Mais c’est bien plus tard que je rencontrai les premiers survivants en chair et en os, en débarquant à Haïfa lors de ma première visite en Israël, au début des années 1980. Les chiffres tatoués sur l’avant-bras d’une employée de la cafétéria du port me firent prendre conscience de la réalité de ce qui n’était auparavant qu’un événement abstrait.

Plus tard, chez mon oncle Menahem, je fis la connaissance de Samuel Willenberg, qui était le beau-père de mon cousin. Dans la famille, on l’appelait familièrement “Igo”, de son nom de guerre.

Son parcours, qu’il a relaté dans un livre de souvenirs traduit en français (Révolte à Treblinka, Ramsay 2004), est celui d’un survivant de Tréblinka et d’un héros dont le courage n’avait d’égal que la modestie.

Son père, Peretz, enseignant et peintre à Czestochova, avait épousé une Russe orthodoxe qui avait fui la Révolution. Elle se convertit pour l’épouser. En 1941, après la création du ghetto de Czestochova, Samuel et ses parents parviennent à échapper aux rafles, tandis que ses deux soeurs, Tamara et Ita, sont déportées.

Willenberg devant un dessin du camp de Tréblinka (photo Wikipedia)

Willenberg devant un dessin du camp de Tréblinka (photo Wikipedia)

Arrêté lors de la liquidation du ghetto d’Opatów, Samuel est déporté à Treblinka à l’âge de 19 ans. Suivant le conseil donné sur la rampe menant au camp, il se fait passer pour maçon, ce qui lui sauve la vie, alors que la plupart des membres du convoi sont immédiatement emmenés dans les chambres à gaz.

Samuel parvient à survivre à Tréblinka entre octobre 1942 et août 1943, date de la révolte à laquelle il participe avec plusieurs centaines de prisonniers. Blessé à la jambe, il parvient à regagner Varsovie, où il retrouve son père, qui s’est caché du côté “aryen” de la ville.

Il prend part au soulèvement de Varsovie dans les rangs de l’Armia Krajova (l’armée de l’intérieur polonaise). Après la guerre, Samuel demeura plusieurs années en Pologne et se porta volontaire dans l’armée polonaise, où il devint officier, avant de partir en Israël en 1950. Il y travaillera comme ingénieur au ministère du Logement jusqu’à sa retraite.

En uniforme d'officier polonais, avec son père

En uniforme d’officier polonais, avec son père (photo USHMM)

Par la suite, il prend des cours de sculpture et guide des jeunes Israéliens venus visiter les camps en Pologne. J’ai souvent rencontré Samuel, chez mon oncle Menahem où au moshav d’Oudim où il vivait, mais je n’ai compris que très tard le secret qui l’habitait.

En avril 2016, lors d’une visite au kibboutz Lohamei Ha-Gettaot, je découvris une de ses sculptures, représentant des détenus à Tréblinka. Dans une vidéo, il expliquait pourquoi il avait toute sa vie, continué de se rendre en Pologne et de raconter son expérience.

“Tréblinka c’est moi !” : cette déclaration n’était pas une fanfaronnade ou une affirmation saugrenue ; elle exprimait la quintessence de son être, la réalité de sa vie depuis les années terribles dont il n’était jamais sorti. “Igo”, le lieutenant de l’armée polonaise, le révolté de Tréblinka, dont il était le dernier survivant, n’était en vérité jamais sorti de là-bas.

Les Allemands, dans leur volonté criminelle d’extermination, avaient réussi à tuer non seulement les morts, mais aussi, dans une certaine mesure, les survivants.

En voyant le visage de Willenberg, au musée du kibboutz des combattants des ghettos, je me dis qu’il fallait le revoir, l’entendre encore une fois raconter sa vie et son destin incroyable. Hélas, il était trop tard… Samuel était décédé deux mois auparavant, à quelques jours de son quatre-vingt-dixième anniversaire.

יהיה זכרו ברוך והשם ייקום את דמם של ששת המיליונים

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Le terrifiant secret : La guerre de l’islam radical contre l’Occident et l’information étouffée, Pierre Lurçat

October 9 2018, 08:23am

Posted by Pierre Lurçat

Le terrifiant secret : La guerre de l’islam radical contre l’Occident et l’information étouffée, Pierre Lurçat

Dans un livre paru en France en 1981 consacré à l’historiographie de la Shoah (1), l’historien américain Walter Laqueur, disparu la semaine dernière à l’âge de 97 ans, abordait, parmi d’autres sujets essentiels, celui de savoir à quel moment et comment a été connue l’existence de la “Solution finale” , tant par les alliés et les pays neutres que par les Juifs eux-mêmes. Une des questions troublantes qu’il posait est celle de comprendre pourquoi la Shoah était un “terrifiant secret” : beaucoup savaient qu’elle était en train de se dérouler mais refusaient, chacun pour ses raisons spécifiques, à la fois psychologiques et politiques, d’assumer ce savoir. La même question peut être posée aujourd’hui face à la guerre que l’islam radical (2) a déclarée à l’Occident en général et à la France en particulier.

 

Walter Laqueur (1921-2018)

 

Pourquoi cette guerre déclarée par l’islam radical est-elle demeurée dans une large mesure un secret terrifiant, que beaucoup préfèrent taire ou ne pas voir? Cette question se pose, en premier lieu, concernant les responsables politiques français, qui étaient informés que des attentats (3) se préparaient mais n’ont pas voulu alerter l’opinion publique. Elle se pose également à l’égard des services de renseignement et de lutte antiterroriste français, qui savaient pertinemment que des attentats massifs risquaient de se produire, mais dont les mises en garde n’ont souvent pas été écoutées, ou n’ont pas été suivies d’effet. Elle se pose enfin concernant les médias français, dont plusieurs avaient titré, au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 : “Maintenant c’est la guerre”, comme si cette guerre avait commencé la veille et pas depuis de nombreuses années…

 

A de nombreux égards, les médias ont joué un rôle inverse de celui qu’ils doivent remplir : ils ont anesthésié le public au lieu de l’informer, ont voulu l’endormir au lieu de le réveiller, pour des raisons idéologiques. On donnera un seul exemple, caricatural : celui de cet article paru quelques semaines avant les attentats de 2015 dans Libération, expliquant doctement qu’Allahou Akbar n’était pas un cri de guerre (4), mais ce que “les musulmans murmurent à l’oreille des nouveaux-nés”. Ce dernier exemple illustre le double refus des politiques, des médias et d’une partie de la population française face à la guerre déclarée à la France par l’islam radical : refus d’écouter et refus de comprendre.

 

Le refus d’écouter le discours de l’islam radical

 

Le refus d’écouter est la première cause de la “surprise” affichée par certains médias français au lendemain du 13 novembre 2015, alors que “l’inscription était sur le mur”, pour reprendre l’expression parlante de la prophétie de Daniel. Depuis des années, de nombreux auteurs, y compris l’auteur de ces lignes, ont publié des dizaines de livres sur le sujet de l’islam radical, de son expansion et de la guerre qu’il mène contre l’Occident. Trop souvent, ils ont été empêchés de parler sur les grands médias, passés sous silence, quand ils n’ont pas été calomniés ou accusés “d’islamophobie”.

 

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Le fameux tableau de Rembrandt, Le festin de Balthazar, avec l'inscription sur le mur

tirée du livre de Daniel

 

Le discours de l’islam radical est aujourd’hui facilement accessible et décryptable en Occident et en France, notamment grâce au travail de l’institut MEMRI, qui traduit quotidiennement les médias du Moyen-Orient et “comble ainsi le fossé linguistique” entre l’Orient et l’Occident (5). MEMRI a traduit des dizaines d’articles et de communiqués de l’Etat islamique, contenant des menaces explicites contre la France, qui ont été mis gracieusement à la disposition des médias français (6). Malgré cela, le discours de l’islam radical demeure dans une large mesure minimisé, passé sous silence, voire totalement occulté par les médias français, y compris depuis janvier 2015.


Ce refus d’écouter a des causes multiples, dont certaines peuvent être comparées à celles du refus d’écouter les discours d’Hitler dans les années 1930. Face au mal radical, les individus et les démocraties préfèrent souvent adopter la politique de l’autruche, mettre la tête dans le sable et ne pas entendre les menaces de guerre, comme si le refus d’écouter pouvait retarder la guerre, ou l’empêcher d’avoir lieu… Le refus d’écouter est aussi un refus de savoir, car on peut écouter sans comprendre, et on peut “savoir sans savoir”, comme les Alliés “savaient” que la Solution finale était en cours dès 1942, mais ont refusé de tenir compte de ce savoir et d’agir en conséquence, comme l’a expliqué magistralement Walter Laqueur dans son ouvrage mentionné ci-dessus.

 

Le refus de comprendre l’islam radical

 

Face à l’islam radical, le refus d’écouter traduit souvent une incapacité de comprendre, dont il est à la fois une des causes et le symptôme : on ne peut pas comprendre ce qu’on refuse d’écouter, mais on ne peut pas non plus écouter ce qu’on refuse de comprendre. Dans mon livre Pour Allah jusqu’à la mort (7), paru en France en 2008, j’ai décrit la conversion à l’islam radical de dizaines de jeunes occidentaux, à une époque où ce phénomène encore minoritaire intéressait encore très peu les spécialistes. De rares monographies avaient été consacrées à quelques convertis fameux, comme le “Taliban américain” John Walker Lindh, mais la plupart n’étaient traités que comme des faits divers. Depuis lors, le phénomène des conversions à l’islam radical a pris une telle ampleur qu’il est mentionné presque quotidiennement par les médias, notamment avec l’enrôlement de jeunes Occidentaux, en particulier Français, dans le djihad en Syrie et dans les rangs de l’Etat islamique.

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Beaucoup d’auteurs ayant travaillé sur le thème de l’islam radical ont eu comme moi, le sentiment de ne pas être écoutés ou compris (8). Ils ont été des “lanceurs d’alerte”, que le grand public n’a pas toujours pu entendre, parce que leurs voix se sont fondues dans la masse, quand elles n’ont pas été délibérément tues ou disqualifiées. Le refus de comprendre est aussi celui d’interpréter une information qui existe, parfois même de manière pléthorique : on ne compte plus aujourd’hui le nombre de livres, d’articles, de sites Internet sur le thème de l’islam radical, en français et dans d’autres langues. Toute personne qui veut s’informer peut le faire, à condition de trouver des sources fiables. Mais beaucoup de grands médias occidentaux préfèrent adopter sur le sujet un discours politiquement correct, qui obscurcit les choses au lieu de les rendre plus claires.

 

Comme l'écrit Jacques Tarnero, "Le déni idéologique du réel reste la principale cause de notre incapacité à combattre le terrorisme qu’on n’ose pas nommer islamiste" (9). Le refus de désigner l'ennemi est ainsi le premier symptôme du refus de voir la guerre qui fait rage depuis longtemps. Au lieu de parler de l’islam radical, on préfère les termes plus vagues de salafisme ou de djihadisme, ou encore celui, très entendu ces derniers mois, de “radicalisation”. Ce concept trop général ne permet pas de cerner l’ennemi, ni de comprendre ses motivations (10). Après le choc des attentats en France et le dur réveil à la réalité de la guerre contre l’islam radical, la priorité devrait aussi être d’accepter d’écouter ce que disent nos ennemis et de prendre au sérieux leurs menaces.

Pierre Lurçat

 

Notes

(1)  Le terrifiant secret, la “Solution finale” et l’information étouffée, Gallimard 1981.

(2) J’emploie ici l’expression d’islam radical, traduite de l’américain (radical islam), plus claire que celles d’islamisme ou de djihadisme.

(3) La  version initiale de cet article est parue après les attentats du 13 novembre 2015.

(4) http://www.liberation.fr/desintox/2015/10/10/non-allahou-akbar-n-est-pas-un-cri-de-guerre_1400802

(5) http://www.memri.fr/#4

(6) Pour une liste récente de ces menaces, http://www.memri.fr/2015/11/15/menaces-de-lei-contre-la-france-et-la-belgique/

(7) Pour Allah jusqu’à la mort, éditions du Rocher, publié sous le nom de plume de Paul Landau.

(8) Comme Alexandre Del Valle, auteur de l’ouvrage pionnier paru après le 11 septembre, Le totalitarisme islamique à l’assaut des démocraties.

(9)http://www.huffingtonpost.fr/jacques-tarnero/etat-durgence-intellectue_b_8567234.htm

(10) Pour décrire la transformation de jeunes occidentaux en islamistes radicaux et en soldats du djihad, j’ai employé le concept de “double conversion”, la première étant celle à l’islam, et la seconde à l’islam radical.

 

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