Matti Caspi, l'artiste aux mille chansons, Pierre Itshak Lurçat
A Judith
Matti Caspi, qui fêtera ses 70 ans ce shabbat, fait partie du paysage musical israélien depuis plus de quarante ans. Ses premiers albums sont sortis dans les années 1970 et son dernier album date de 2017. De l'avis de la plupart des critiques, mais aussi du public, Matti Caspi est un des plus grands auteurs-compositeurs et interprètes de sa génération, et sa contribution à la chanson israélienne est immense. Portrait d'un artiste talentueux et exigeant.
Caspi est né en 1949 au kibboutz 'Hanita, en Galilée. Tout jeune, il apprend à jouer de la flûte, de la mandoline et de l'harmonica, puis étudie le piano au conservatoire de Nahariya, après que son père soit parvenu – au prix de nombreux efforts – à convaincre le kibboutz de faire l'acquisition d'un piano... Il effectue son service militaire dans la troupe "Lahakat Pikoud Darom". Pendant la guerre de Kippour, il chante aux côtés de Leonard Cohen devant les soldats de Tsahal, dans le Sinaï. Sa carrière musicale prend son envol au milieu des années 1970. Il sort son premier album en 1974, sur l'encouragement d'Arik Einstein. Son deuxième album, intitulé tout simplement "Matti Caspi" et sorti en 1976, a été élu en 2008 album le plus important des années 1970, et la plupart de ses titres sont devenus des classiques (Ir Atsouva, Brit Olam...).
Au cours de sa longue carrière musicale – qui n'est pas encore terminée – Matti Caspi a écrit près de 1000 chansons (!) et a composé, chanté et collaboré avec de nombreux autres artistes, comme par exemple Shlomo Gronich (avec qui il a sorti son premier disque en 1970), mais aussi Riki Gal, Yardena Arazi, Arik Sinaï, Gali Atari, Chava Alberstein ou Boaz Sharabi, pour lesquels il a composé de très nombreuses chansons. Son dernier album comprend une chanson interprétée en duo avec Yehudit Ravitz, avec qui il a collaboré il y a déjà longtemps. Mais l'artiste avec lequel Caspi a entretenu les liens les plus étroits est le célèbre chansonnier Ehoud Manor, disparu il y a quatre ans. Le titre du dernier album de Caspi est un hommage à Manor : c'est celui-ci, en effet, qui avait surnommé Caspi son "âme sœur"...
Un retour aux sources
Cet album est ainsi – dans une large mesure – un "retour aux sources" pour Caspi, tant par son style musical, que par le fait que les paroles de toutes les chansons sont écrites par Ehoud Manor, qui avait déjà écrit celles des premiers albums de Caspi, il y a presque quarante ans. On y retrouve la variété des genres et des sources d'inspiration caractéristique de son style musical. Celles-ci englobent à la fois la chanson hébraïque traditionnelle, la musique brésilienne (qu'il affectionne particulièrement), le jazz, mais aussi la musique classique et la musique tzigane, avec laquelle il a un lien familial (son grand-père était originaire de Roumanie).
Comme beaucoup d'artistes, Caspi entretient des rapports ambivalents avec les médias. Récemment encore, il déclarait ne pas lire les journaux depuis plus de 20 ans, ce qui est un exploit pour quelqu'un qui vit en Israël ! En réalité, Caspi a beaucoup souffert des atteintes à sa vie privée dans les journaux, et il s'est souvent exprimé en termes très durs (et parfois justifiés) contre les médias. Il a vécu plusieurs années aux Etats-Unis et au Canada, et sa décision de quitter le pays était liée à des raisons personnelles et familiales, après son divorce mouvementé. Mais il est revenu en Israël en 1997 et a été accueilli chaleureusement par le public (sa première apparition publique après son retour a fait l'objet d'un album).
En 2000, il a sorti son album "Duettim", composé comme son nom l'indique de duos avec des artistes aussi divers et fameux que Rami Klingstein, Shoshana Damari ou Ety Ankri. Un autre sujet sur lequel Matti Caspi ne mâche pas ses mots est celui de l'évolution de la musique en Israël, et en particulier du développement des programmes TV comme "Ko'hav Nolad". Il connaît bien le sujet, puisqu'il faisait partie du jury lors de la première saison de l'émission à succès, qu'il a ensuite quittée. Avec le recul, il ne la considère pas tant comme une "pépinière" de futurs chanteurs que comme un phénomène purement commercial.
Un chanteur à l'image d'Israël
Matti Caspi appartient à la génération des chanteurs nés avec l'Etat, et son œuvre musicale est à l'image de notre pays : variée, prolixe, talentueuse et sensible. Bien qu'il soit aimé du public, qui a toujours apprécié son talent, Caspi ne recherche pas la publicité et fuit les journalistes. Il n'est pas à proprement parler un "chanteur populaire", car il y a quelque chose en lui d'élitiste et d'exigeant, qui ne correspond pas aux normes actuelles du chanteur de variété. "Je n'ai jamais écrit de chansons pour qu'on les aime", explique-t-il sur son site officiel *.
"Si je procédais ainsi, je ne serais pas ce que je suis. J'écris les chansons qui viennent du plus profond de moi, et si elles ne m'émeuvent pas, alors je prefère les oublier. S'il y a deux autres personnes que cela émeut, alors cela suffit pour faire un public. Je ne veux pas décevoir mon public. Je ne peux pas écrire subitement quelque chose que tout le monde aimera, en utilisant seulement mon talent et pas mon inspiration".
La multiplication des "jeunes talents" (qui ne sont pas toujours si talentueux que ça...) et l'inflation qui caractérise le paysage musical actuel en Israël font parfois oublier les grands classiques, ceux qui ont écrit, composé et interprété les plus grands titres de la chanson israélienne. Mais en replaçant les choses dans la perspective de l'histoire musicale israélienne, on est obligé de constater que Matti Caspi, tout comme Arik Einstein, Ehoud Manor, Yehudit Ravitz et tant d'autres, restent inégalés et irremplaçables. Mazal tov Matti, et Ad Mea VeEssrim!
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