Je publie ici un extrait du préambule au livre Le mur de fer - Les Arabes et nous de Vladimir Jabotinsky, dans la traduction vient de paraître en français aux éditions L’éléphant. J’évoque le livre au micro d’Ilana Ferhadian sur Radio J. P. Lurçat
Aucune expression née de la plume féconde de Jabotinsky n’est aussi connue que celle du « Mur de fer », et aucune n’a sans doute donné lieu à autant de contresens. Avant d’examiner l’actualité de ses conceptions, arrêtons-nous sur certains des usages récents qui ont été faits du concept de « Mur de fer ». Parmi les nombreux exemples offerts par le discours politique israélien contemporain, nous en avons choisi deux, qui sont tous deux ceux de représentants de l’école des « Nouveaux historiens ». Le premier, Avi Shlaïm, a publié en 2001 un livre intitulé Le mur de fer, Israël et le monde arabedans lequel il fait de la doctrine du « Mur de fer » le symbole de l’intransigeance israélienne, qui aurait été la cause principale de la perpétuation du conflit israélo-arabe. Shlaïm fait remonter cette prétendue intransigeance à 1948, David Ben Gourion ayant selon lui renoncé à chercher un accord de paix avec les pays arabes, convaincu que le temps jouait en faveur d’Israël.
L’avis du second, Benny Morris, est très différent. Dans une interview au quotidien Ha’aretz datant de janvier 2004, il reprend ainsi à son compte la notion du « Mur de fer » dans l’acception que lui donne Jabotinsky, expliquant notamment qu'un « mur de fer est la politique la plus raisonnable pour la génération à venir », car « ce qui décidera de la volonté [des Arabes] à nous accepter sera seulement la force et la reconnaissance qu’ils ne sont pas capables de nous vaincre ». Malgré la divergence d’opinion entre Shlaïm et Morris, tous deux s’accordent pour dire que la doctrine du « Mur de fer » a été adoptée par l’ensemble des dirigeants israéliens, depuis Ben Gourion jusqu’à nos jours. Le premier y voit la cause de l’intransigeance israélienne, tandis que le second la considère comme la seule réponse possible à l’intransigeance arabe. La comparaison entre les deux est instructive, car elle montre que le « Mur de fer » est devenu depuis un siècle un concept fondamental du lexique politique israélien.
Peut-on dire pour autant que ce concept a été adopté dans les faits, c’est-à-dire dans la politique et dans la stratégie israélienne ? A cet égard, la réalité est plus contrastée. Si la doctrine de la dissuasion de Tsahal peut être globalement considérée comme l’application du « Mur de fer », la politique de défense israélienne n’est pas toujours conforme aux idées développées il y a cent ans par Jabotinsky. Ainsi, pour prendre un exemple récent, le système de défense « Kippat barzel » (« dôme d’acier ») mis en place par Tsahal autour de la bande de Gaza peut difficilement être considéré comme l’application du « Kir ha-Barzel » (« Mur de fer »), en dépit de la similarité des deux expressions.
Le « dôme d’acier », malgré toute sa perfection technologique, ne vise en effet pas à assurer une quelconque dissuasion pour Israël, face aux tirs de roquette incessants venant de Gaza, mais plutôt à protéger les civils israéliens, sans aucunement empêcher les groupes terroristes palestiniens de poursuivre leurs attaques. De ce fait, il illustre le paradoxe d’une armée toujours plus intelligente, mais de moins en moins audacieuse. Comme le savent bien les dirigeants de l’armée israélienne, seule une offensive terrestre au cœur de la bande de Gaza permettrait de démanteler les lanceurs de missiles, voire de mettre fin au pouvoir du Hamas, installé depuis le retrait de l’armée israélienne en 2006. Or, la protection toute relative offerte par le dispositif du « dôme d’acier » empêche en fait Tsahal de mener une telle offensive, en la dissuadant d’adopter une logique militaire plus coûteuse en vies humaines. La dissuasion s’exerce donc envers Israël et non envers ses ennemis.
Le « dôme d’acier » n’est donc aucunement l’application de la doctrine du « Mur de fer » élaborée par Jabotinsky il y a près de cent ans : il en est la négation. Cet exemple ne signifie toutefois pas que le « Mur de fer » aurait été totalement oublié, mais que cette notion est appliquée de manière variable, selon les circonstances et les différents fronts. Israël fait ainsi preuve depuis plusieurs années d’une audace impressionnante face à l’Iran, multipliant les opérations et les éliminations ciblées en territoire ennemi, tandis que sur le front de Gaza, Tsahal se montre beaucoup plus timorée, restant sur la défensive la plupart du temps. Cette disparité montre que l’éthos défensif – qui remonte aux débuts de Tsahal et avant encore, à l’époque du Yishouv – s’avère insuffisant, face à des ennemis farouchement déterminés.
Toute l’histoire de la stratégie de défense d’Israël, depuis la Haganah et les premiers efforts d’auto-défense à l’époque de Jabotinsky et jusqu’à nos jours, est marquée par une oscillation permanente entre deux pôles opposés : celui de l’éthos purement défensif, largement prédominant d’une part, et celui d’un éthos offensif, celui de l’unité 101 dans les années 1950 et de la « Sayeret Matkal » (unité d’élite de l’état-major), d’autre part. De toute évidence, c’est cet esprit offensif qui a permis à Tsahal de connaître ses victoires les plus éclatantes, celle de juin 1967 ou celle de l’opération Entebbe, pour ne citer que deux exemples. Malgré cela, l’armée israélienne demeure attachée à l’éthos purement défensif, pour des raisons complexes liées à son histoire et à ses valeurs fondatrices. La doctrine du « Mur de fer » demeure ainsi d’actualité, un siècle après avoir été formulée par Jabotinsky.
Les récents événements violents survenus en mai 2021 dans les villes mixtes d’Israël, et la persistance d’une opposition radicale à l’existence de l’Etat hébreu dans la région – malgré les avancées remarquables des accords Abraham – montrent que la dissuasion demeure une nécessité impérieuse, tant sur le front intérieur que sur les différents fronts extérieurs. L’aspiration à la paix qui caractérise le peuple Juif et l’Etat d’Israël ne doit pas éluder cette nécessité. Le pacifisme aveugle, il y cent ans comme aujourd’hui, menace la pérennité de l’existence d’un Etat juif souverain, au milieu d’un environnement encore largement hostile. Aujourd’hui comme hier, la paix repose sur la préparation à d’éventuels conflits, selon l’adage latin toujours actuel (« Si vis pacem, para bellum »), ou selon les mots de Jabotinsky : « le seul moyen de parvenir à un accord [de paix] est d’ériger un mur de fer ».
Benny Morris, historien israélien dont les travaux portent notamments sur la guerre d'Indépendance, fait partie de ces rares intellectuels qui ont le courage de changer d'avis, et de le dire publiquement. Dans l'extrait de l'interview qu'on lira ci-dessous, publiée en 2004, il explique pourquoi il a changé d'avis sur la guerre d'Indépendance et sur la nécessité de s'opposer par la force aux volontés génocidaires arabes, par tous les moyens, y compris ceux de la guerre et des transferts de population. Un témoignage qui n'a rien perdu de son actualité, 15 ans plus tard. A ma connaissance, son seul livre traduit en français est Victimes, histoire revisitée du conflit arabo-sioniste. P.L.
J’ai changé après l’an 2000. Je n’étais pas un grand optimiste même avant cela.
Vraiment, j’ai toujours voté Travailliste ou pour Meretz ou Sheli (un parti colombe à la fin des années 70), et en 1988 j’ai refusé de servir dans les Territoires et j’ai été emprisonné pour cela, mais j’ai toujours douté des intentions des Palestiniens.
Benny Morris
Les événements de camp David et ce qui a suivi dans leur sillage ont transformé mon doute en certitude.
Quand les Palestiniens ont rejeté la proposition (celle du Premier Ministre Ehud Barak) en juillet 2000 et la proposition de Clinton en décembre 2000, j’ai compris qu’ils étaient peu disposés à accepter la solution de deux-Etats.Ils veulent tout. Lod et Acre et Jaffa.
Si c’est ça, alors tout le processus d’Oslo était une erreur et il y a une défaut élémentaire dans l’opinion mondiale au sujet du mouvement de la Paix israélien.
Il fallait tenter Oslo. Mais aujourd’hui, il doit être clair que, du point de vue palestinien, Oslo a été une tromperie. Arafat n’a pas changé en pire, Arafat nous a simplement trompés. Il n’était jamais sincère dans sa volonté de compromis et de conciliation.
Croyez-vous vraiment qu’Arafat veuille nous jeter à la mer ?
Il veut nous renvoyer en Europe, vers la mer d’où nous venons. Il nous voit vraiment comme un Etat de Croisés et il pense à la précédente Croisade et il nous souhaite une fin de Croisés.
Je suis certain que les renseignements israéliens ont l’information claire prouvant que, dans des conversations internes, Arafat parle sérieusement d’un plan progressif (qui éliminerait Israël par étapes).
Arafat avec le cheikh Yassine
Mais le problème n’est pas simplement Arafat.L’élite nationale palestinienne tout entière est encline à nous voir comme des croisés et envisage le plan par étapes.
C’est pourquoi les Palestiniens ne sont pas honnêtement prêts à renoncer au droit au retour. Ils le préservent comme un instrument avec lequel ils détruiront l’Etat juif quand le moment viendra.
Ils ne peuvent pas tolérer l’existence d’un Etat juif - pas sur 80% du pays et ni même sur 30%. De leur point de vue, l’Etat palestinien doit couvrir toute la terre d’Israel.
Et si la solution de deux Etats n’est pas viable, même si un traité de paix est signé, il s’effondrera bientôt.
Idéologiquement, je soutiens la solution de deux Etats. C’est la seule alternative à l’expulsion des Juifs ou à l’expulsion des Palestiniens ou à une destruction totale.
Votre pronostic ne laisse pas beaucoup de place à l’espoir, n’est ce pas ?
C’est difficile pour moi aussi. Il n’y aura pas de paix pour la génération d’aujourd’hui. Il n’y aura pas de solution. Nous sommes destinés à vivre par l’épée.
Vos mots plutôt durs ne sont-ils pas une réaction exagérée à ces trois dures années de terrorisme ?
Les explosions des bus et des restaurants m’ont vraiment secoué. Elles m’ont fait comprendre la profondeur de la haine envers nous. Elles m’ont fait comprendre que l’hostilité Palestinienne, Arabe et Musulmane envers l’existence Juive ici nous amène au bord de la destruction.
L’attentat de la pizzeria Sbaro
Je ne vois pas les attentats suicides comme des actes isolés. Ils expriment la ferme volonté du peuple Palestinien. C’est ce que la majorité des Palestiniens veut. Ils veulent que ce qui arrive au bus nous atteigne tous.
Pourtant, nous aussi, avons la responsabilité de la violence et de la haine : l’occupation, les barrages de routes, les bouclages, peut être même la Nakba elle même.
Vous n’avez pas besoin de me dire ça. J’ai fait des recherches sur l’histoire Palestinienne. Je comprends très bien les raisons de cette haine. Les Palestiniens maintenant effectuent des représailles non seulement pour les bouclages d’hier mais aussi pour la Nakba.
Mais ce n’est pas une explication suffisante. Les peuples d’Afrique étaient opprimés par les puissances Européennes tout autant que nous opprimons les Palestiniens, mais néanmoins je ne vois pas de terrorisme africain à Londres, Paris ou Bruxelles. Les Allemands nous ont tués en plus grand nombre que nous avons tué de Palestiniens, mais nous ne nous faisons pas exploser dans des bus à Munich ou Nuremberg.
Alors il y a autre chose ici, quelque chose de plus profond, qui a à faire avec l’Islam et la culture Arabe.
Etes vous entrain de dire que le terrorisme Palestinien vient d’un problème culturel profond ?
Il y a un profond problème dans l’Islam. C’est un monde dont les valeurs sont différentes, un monde dans lequel la vie humaine n’a pas la même valeur qu’elle a en Occident. La liberté, la démocratie, l’ouverture et la créativité lui sont étrangers.
C’est un monde qui prend pour cible de ceux qui ne font pas partie du camp de l’Islam. La revanche est aussi importante ici. La revanche joue un rôle central dans la culture tribale Arabe.
Ainsi, les peuples se battent et la société qui les envoie n’a pas d’inhibitions morales. S’ils obtiennent des armes chimiques, biologiques ou atomiques, ils les utiliseront. S’ils le peuvent, ils commettront aussi un génocide.
Je veux insister sur ce point : une grande part de la responsabilité de la haine des Palestiniens repose sur nous. Après tout, vous nous avez vous même montré que les Palestiniens vivent une catastrophe historique.
C’est vrai. Mais lorsque quelqu’un doit gérer un tueur en série, ce n’est pas si important de découvrir pourquoi il est devenu un tueur en série. Ce qui est important est d’emprisonner le meurtrier ou de l’exécuter.
Expliquez nous cette image : qui est le tueur en série dans l’analogie ?
Les barbares qui veulent prendre notre vie.Les personnes que la société palestinienne envoie pour effectuer ces attaques terroristes, et d’une certaine façon la société palestinienne elle même aussi.
En ce moment, cette société est dans l’état d’un tueur en série. C’est une société très malade. Elle devrait être traitée de la façon dont nous traitons les individus qui sont des tueurs en série.
Qu’est ce que cela signifie ? Que devrions nous faire demain matin ?
Nous devons essayer de guérir les Palestiniens. Peut-être qu’au fil des années l’établissement d’un Etat Palestinien aidera au processus de guérison. Mais en attendant, jusqu’à ce que le médicament soit trouvé, ils doivent être contenus afin qu’ils ne réussissent pas à nous tuer.
Les emprisonner ? Imposer des bouclages ?
Quelque chose comme une cage doit être construite pour eux. Je sais que ceci semble horrible. C’est vraiment cruel. Mais nous n’avons pas le choix. Il y a là un animal sauvage qui doit être enfermé d’une façon ou d’une autre.
Guerre de barbares
Benny Morris, avez-vous rejoint la droite ?
Non, non. Je me considère toujours comme étant de Gauche. Je soutiens toujours le principe de deux Etats pour deux peuples.
Mais vous ne croyez pas que cette solution durera. Vous ne croyez pas en la paix
Selon mon opinion, nous n’aurons pas la paix, non.
Alors qu’elle est votre solution ?
Pour cette génération, il n’y a apparemment aucune solution. Etre vigilant, défendre notre pays autant que possible.
Oui. Un mur de fer est une bonne image. Un mur de fer est la politique la plus raisonnable pour la génération à venir.
Jabotinsky
Mon collègue Avi Shlein a décrit très bien ceci : ce que Jabotinsky a proposé est ce que Ben-Gurion a adopté. Dans les années 1950, il y a eu une dispute entre Ben-Gurion et Moshe Sharett. Ben-Gurion a dit que les Arabes ne comprenaient que la force et que cette force ultime est la seule chose qui les persuaderait d’accepter notre présence ici. Il avait raison.
Cela ne veut pas dire que nous n’avons pas besoin de diplomatie. A la fois envers l’Occident et pour nos propres consciences, il est important que nous travaillions à une solution politique.
Mais à la fin, ce qui décidera de leur volonté à nous accepter sera seulement la force. Seule la reconnaissance qu’ils ne sont pas capables de nous battre.
Pour un homme de gauche, vous parlez comme un homme de droite, ne pensez-vous pas ?
J’essaie d’être réaliste. Je sais que ça n’a pas toujours l’air politiquement correct, mais je pense que l’inexactitude politique empoisonne l’histoire dans tous les cas. Elle empêche notre capacité à voir la vérité.
Et je m’identifie aussi à Albert Camus. Il était considéré comme étant de gauche et comme une personne de grande valeur morale, mais lorsqu’il a fait référence au problème algérien il a placé sa mère avant la morale.
Préserver mon peuple est plus important que des concepts moraux universels.
Etes-vous un néo-conservateur ? Lisez vous la réalité historique actuelle selon Samuel Huntington ?
Je pense qu’il y a un clash entre les civilisations ici (comme le dit Huntington). Je pense que l’Occident aujourd’hui ressemble à l’Empire Romain du 4ème, 5ème et 6ème siècles : les barbares l’attaquent et pourraient le détruire.
Les Musulmans sont des barbares, alors ?
Je pense que les valeurs que j’ai mentionnées plus haut sont les valeurs des barbares - l’attitude face à la démocratie, la liberté, l’ouverture ; l’attitude face à la vie humaine. Dans ce sens, ce sont des barbares. Le monde Arabe tel qu’il est aujourd’hui est barbare.
Et selon votre opinion, ces nouveaux barbares sont véritablement une menace pour la Rome de notre temps ?
Oui. L’Occident est plus fort mais il n’est pas évident qu’il sache comment repousser cette vague de haine. Le phénomène de pénétration Musulmane de masse en Occident et leur colonisation là-bas crée une menace interne dangereuse.
Un processus similaire a eu lieu à Rome. Ils ont laissé rentrer les barbares et ils ont renversé l’empire de l’intérieur.
Est ce vraiment si dramatique ? Est ce que l’Occident est vraiment en danger ?
Oui. Je pense que la guerre entre les civilisations est la caractéristique principale du 21ème siècle.
Je pense que le Président Bush a tort lorsqu’il nie l’existence même de la guerre. Ce n’est pas seulement un problème concernant Ben Laden. C’est une lutte contre le monde entier qui épouse des valeurs différentes.
Et nous sommes en première ligne. Exactement comme les Croisés, nous sommes la branche vulnérable de l’Europe dans cette région.
La situation telle que vous la décrivez est vraiment dure. Vous n’êtes pas entièrement convaincu que nous pouvons survivre ici, n’est ce pas ?
La possibilité d’annihilation existe.
Est ce que vous vous décririez comme une personne apocalyptique ?
Le projet Sioniste entier est apocalyptique. Il existe dans un environnement hostile et dans un certain sens son existence n’est pas raisonnable. Ce n’était pas raisonnable qu’il réussisse en 1881 et ce n’était pas raisonnable qu’il réussisse en 1948 et ce n’est pas raisonnable qu’il réussisse maintenant. Néanmoins, il est arrivé jusqu’ici.
D’une certaine façon, c’est miraculeux. J’ai vécu les évènements de 1948, et 1948 prépare ce qui pourrait se produire ici.
Si le sionisme est si dangereux pour les Juifs et si le sionisme rend les Arabes si misérables, peut être est-ce une erreur ?
Non, le sionisme n’était pas une erreur. Le désir d’établir un Etat juif ici était légitime, positif. Mais étant donné le caractère de l’Islam et étant donné le caractère de la nation Arabe, c’était une erreur de penser qu’il serait possible d’établir un état tranquille qui vive en harmonie avec l’environnement.
Ce qui nous laisse, néanmoins, avec deux possibilités : ou un Sionisme tragique et cruel ou la renoncement au sionisme.
Oui. C’est comme ca. Vous l’avez exprimé différemment, mais c’est correct.
Seriez vous d’accord sur le fait que la réalité historique est intolérable, qu’il y a quelque chose d’inhumain à son propos ?
Oui. Mais c’est ainsi pour le peuple Juif, pas pour les Palestiniens.
Un peuple qui a souffert pendant 2 000 ans, qui a traversé l’holocauste, retrouve son patrimoine mais est jeté dans une nouvelle effusion de sang, c’est peut être la route vers l’annihilation. En terme de justice cosmique, c’est horrible.
C’est beaucoup plus choquant que ce qui est arrivé en 1948 à une petite partie de la nation arabe qui se trouvait alors en Palestine.
Alors ce que vous êtes entrain de me dire, c’est que vous considérez la Nakba palestinienne passée moins terrible que la possible Nakba juive future ?
Oui. La destruction pourrait être la fin de ce processus. Elle pourrait être la fin de l’expérience sioniste.
Et c’est vraiment ce qui me fait peur et me rend dépressif.
Le titre du livre que vous publiez maintenant en Hébreu est "Les Victimes." A la fin, alors, votre argument est que des deux victimes du conflit, nous sommes les plus grandes victimes ?
Oui. Exactement. Nous sommes les plus grandes victimes de l’Histoire et nous sommes aussi les plus grandes victimes potentielles… Nous sommes la partie la plus faible ici. Nous sommes une petite minorité dans un océan d’Arabes hostiles qui veulent nous éliminer.
Alors il est possible que lorsque leur désir sera réalisé, tout le monde comprendra ce que je suis en train de vous dire maintenant. Tout le monde comprendra que nous sommes les vraies victimes. Mais d’ici là, il sera trop tard.