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politique israelienne

Démocratie de la majorité ou “démocratie des valeurs?” Pierre Lurçat

March 28 2023, 11:57am

Posted by Pierre Lurçat

Aharon Barak

Aharon Barak

La Révolution constitutionnelle de 1992 et ses fondements idéologiques (I)

Pour comprendre comment la réforme judiciaire lancée il y a trois mois a été suspendue sous la pression de la rue et du « Deep State » israélien, il faut revenir quatre décennies en arrière, aux débuts de la Révolution constitutionnelle du juge Aharon Barak. C’est en effet ce dernier qui a imposé sa vision prémonitoire d’une « démocratie des valeurs », préférable selon lui à la démocratie de la majorité. Extrait de mon nouveau livre à paraître après Pessah. P.I.L.

NB J’étais ce matin l’invité de Daniel Haïk sur Radio Qualita pour commenter le discours de Benjamin Nétanyahou.

 

C’est seulement avec l’arrêt Bank Mizrahi de 1995 que la signification véritable des deux lois fondamentales de 1992 est apparue au grand jour. Dans cet arrêt, la Cour suprême a été appelée à examiner la question de savoir si la Knesset possédait ou non le pouvoir d’élaborer une Constitution et de limiter ainsi sa propre autorité législative (en s’interdisant de légiférer des lois anticonstitutionnelles), et si les lois fondamentales promulguées par la Knesset jouissaient d’un statut supra-législatif. Dans son avis majoritaire (celui du juge Barak), la Cour suprême a jugé que le pouvoir de la Knesset d’adopter une Constitution découlait de son pouvoir constituant.

 

Le juge Barak fonde son jugement sur la considération suivante, qui éclaire d’un jour particulier l’ensemble de la Révolution constitutionnelle qu’il a menée : « Une démocratie de la majorité seule, qui ne s’accompagne pas d’une démocratie de valeurs, n’est qu’une démocratie formelle et statistique. La vraie démocratie limite le pouvoir de la majorité afin de protéger les valeurs de la société ». Cette phrase, qui ne concerne pas directement le sujet de l’arrêt Bank Mizrahi, donne une des clés d’interprétation de la vision du monde du juge Barak en général et de sa conception de la démocratie en particulier, qui est aujourd’hui largement partagée par les opposants à la réforme judiciaire. Pour la résumer, nous pourrions dire qu’elle renferme une conception de la démocratie différente de la conception traditionnelle.

 

Ainsi, quand Barak oppose la « démocratie de la majorité » à la « démocratie des valeurs », il sous-entend que la majorité seule ne suffit pas à définir le régime démocratique, tel qu’il le conçoit. A ses yeux, le principe de la majorité n’est qu’une coquille vide, s’il ne s’accompagne pas de la « vraie démocratie », celle des valeurs. Cette opposition rappelle celle, d’inspiration marxiste, entre « démocratie formelle » et « démocratie réelle ». Aharon Barak n’a pourtant rien d’un marxiste, même si la manière dont il a théorisé et mené à bien la Révolution constitutionnelle, seul et sans demander l’avis de quiconque, peut faire penser aux autres grands théoriciens des révolutions des siècles passés.

 

« Démocratie de la majorité » ou « démocratie des valeurs » ?

 

L’idée que la « vraie démocratie limite le pouvoir de la majorité, afin de protéger les valeurs de la société » semble aujourd’hui aller de soi. Plus encore, pour beaucoup de nos contemporains, l’essence même de la démocratie réside précisément dans ces « valeurs de la société », bien plus que dans les règles de fonctionnement et dans les principes constitutifs du régime démocratique, qui sont considérés comme presqu’insignifiants. N’est-ce pas ce que nous disent aujourd’hui les opposants à la réforme judiciaire en Israël, qui manifestent au nom des droits de l’homme, mais aussi des droits des femmes, des droits LGBT, des droits des migrants, etc. ? Ces droits catégoriels, en particulier, semblent exprimer à leurs yeux la quintessence de la démocratie, bien plus que les élections libres et démocratiques et leur résultat… (Surtout, bien entendu, quand ce résultat est contraire à leurs opinions politiques).

 

Cette nouvelle conception de la démocratie, qui tend à s’imposer récemment en Occident et qui correspond à la notion d’un « Etat des droits » plutôt que d’un Etat de droit, est problématique pour au moins deux raisons. La première, qui a été souvent relevée depuis plusieurs décennies, tient au fait qu’elle évacue la notion essentielle du bien commun, pilier de la démocratie dans son acception classique, au profit des intérêts catégoriels. Bien entendu, on peut légitimement considérer que le bien commun consiste précisément à voir défendus la somme de tous les intérêts catégoriels… Mais l’inconvénient d’une telle définition est évident : que faire lorsque certains intérêts catégoriels entrent en conflit les uns avec les autres? C’est précisément ce qui se produit lorsque la Cour suprême doit trancher, par exemple, entre les droits des habitants des quartiers Sud de Tel-Aviv et ceux des migrants. Je laisse le lecteur deviner quels sont les droits auxquels elle donne la préférence…

 

La deuxième raison est plus essentielle encore. Si l’on admet que la démocratie est aujourd’hui « substantielle » et non plus « formelle », c’est-à-dire définie par la défense des « valeurs de la société », qui est habilité à définir ces valeurs ? Et comment faire lorsqu’elles ne sont pas partagées par tous et qu’apparaissent des conflits de valeurs? Le danger que renferme la conception d’Aharon Barak à cet égard réside précisément dans le fait qu’il considère que le juge est seul habilité à définir, apprécier et interpréter ce que sont ces « valeurs de la société »... C’est en effet la clé du rôle novateur qu’il attribue au juge, dans ses écrits théoriques sur le sujet comme dans ses jugements. A ses yeux, le juge est l’interprète des valeurs sociétales, et c’est à ce titre qu’il s’est arrogé le droit d’annuler des lois de la Knesset.

 

(Extrait de mon livre Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ? à paraître aux éditions L’éléphant, avril 2023).

Démocratie de la majorité ou “démocratie des valeurs?” Pierre Lurçat

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TRIBUNE - La démocratie est florissante en Israël

March 27 2023, 10:19am

Posted by Pierre Lurçat

TRIBUNE - La démocratie est florissante en Israël

Un groupe d'intellectuels s'affirment inquiets pour Israël dans les colonnes du Monde et affirment que la démocratie y est en danger, dénonçant une dérive autocratique et « illibérale » du nouveau gouvernement israélien. Le débat virulent qui se déroule aujourd'hui en Israël suscite la réflexion. Néanmoins, il mérite mieux que des prises de position à l'emporte-pièce. Si les signataires étaient mieux informés de ce qui se passe en Israël, ils ne reprendraient pas sans vérifier les slogans des manifestants et de ceux qui ont fait de la réforme judiciaire leur nouveau cheval de bataille.

 

En effet, contrairement aux mots d’ordre entendus en Israël, l'enjeu de cette réforme, qui est certes perfectible, n'est pas de porter atteinte au caractère démocratique de l'Etat hébreu, mais bien de le renforcer, en rétablissant un équilibre et une séparation des pouvoirs qui ont été bafoués depuis 1992 par la « Révolution constitutionnelle », proclamée à l'époque par le juge Aharon Barak. Lors d'une séance nocturne et en catimini, celui-ci avait alors réussi à faire voter par la Knesset – le Parlement israélien – deux lois fondamentales sur la dignité humaine et sur la liberté professionnelle. Ces deux lois fondamentales avaient été adoptées par une Knesset à moitié vide et leur signification véritable avait été cachée au public – y compris aux députés qui les avaient votées.

 

La Révolution constitutionnelle est effectivement passée quasiment inaperçue du public et des médias. Cette « Révolution constitutionnelle » qui fut quasiment le fait d'un seul homme est, pour le lecteur français, d'autant plus incroyable qu'elle ne repose sur aucune décision d’une assemblée législative ou constituante ; le juge Barak s'étant arrogé ex nihilo la compétence de proclamer qu'Israël était devenu du jour au lendemain une démocratie constitutionnelle. « C’est l’unique Constitution au monde qui est née de la décision d’un tribunal », s’était à l’époque exclamé le juge Moshé Landau.

 

La Cour suprême d'Israël est aujourd’hui la plus interventionniste du monde, agissant quotidiennement pour valider ou invalider les décisions du gouvernement, de l’administration ou de l’armée et empiétant sur les compétences des pouvoirs exécutif et législatif et ce, en l'absence de Constitution véritable. Réunissant les pouvoirs de la Cour de cassation, du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel, elle est devenue de facto le premier pouvoir en Israël. C'est cette situation inédite et sans équivalent dans le monde démocratique que l'actuelle réforme entend rectifier, en redonnant au Parlement et au gouvernement israéliens les pouvoirs qui leur ont été enlevés.

 

La virulence du débat public en Israël tient aussi au fait que ce débat politique et juridique en recouvre un autre, plus profond et jamais résolu depuis 1948, celui sur le caractère juif de l'État d'Israël. C'est en réalité ce dernier qui constitue l'enjeu véritable du vif débat actuel et non le caractère démocratique de l'État, qui n’est nullement remis en cause. L'actuelle coalition au pouvoir entend ainsi rétablir le fragile statu quo datant de l'époque de Ben Gourion et l'équilibre entre Juifs non-croyants et religieux, mis à mal par trois décennies d'activisme laïciste judiciaire d'une Cour suprême, autrefois très respectée. En entrant de plain-pied dans le débat politique et en prétendant abolir – au nom d’une idéologie progressiste – le caractère national juif de l’Etat d’Israël pour en faire un « Etat comme les autres », la Cour suprême a non seulement trahi l’esprit des fondateurs de l’Etat et de la Déclaration d’Indépendance, mais elle a aussi scié la branche sur laquelle elle est assise : la confiance du public israélien.

 

Contrairement à ce que laissent entendre ces pétitionnaires, le fait d’être un État juif n’est pas contradictoire avec l’idée de démocratie. Les écrits de Jean-Jacques Rousseau, ou plus récemment l’ouvrage d’Éric Nelson La république des hébreux, démontrent comment la tradition hébraïque a au contraire inspiré la pensée démocratique moderne en Occident. Il faut relire les textes des pères fondateurs du sionisme, de Herzl à Ben Gourion et Jabotinsky, ainsi que la Déclaration de l’Indépendance, pour constater que l’État Juif prévoit des droits égaux pour tous ses citoyens, Juifs ou Arabes, égalité qui est aussi une réalité sur le terrain. Comme le prouvent les très nombreuses manifestations qui se déroulent librement dans le pays, la démocratie en Israël est bien florissante.

 

PREMIERS SIGNATAIRES

 

Georges-Elia Sarfati (Philosophe), Yana Grinshpun (Analyste du discours), Roland Assaraf (Physicien), Pierre Lurçat (Avocat, écrivain), Jean-Pierre Lledo (Réalisateur), Ziva Postec (Cinéaste), Yves Mamou (Journaliste), Liliane Messika (Ecrivain, traductrice), Renée Fregosi (Philosophe), Philippe Karsenty (Homme d’affaires), Richard Rossin (Ecrivain, ancien secrétaire des Médecins sans Frontière), Paulette Touzard Dawidowicz (Présidente de l'association pour la Mémoire des enfants Juifs déportés du Nord Pas de Calais), Jean-Serge Lorach (Avocat Honoraire, ancien Vice-Président de la Licra), Alain Attlan (Membre d'honneur du CRIF Occitanie), Jean-Marie Gélinas (Président des ''Amitiés Québec – Israël''), Josiane Sberro (Educatrice), Paul Fenton (Professeur émérite), Rachel Israël (Psychanalyste), Jean-Loup Mordekhaï Msika (Plasticien), Abigail Yaari (Professeur de droit), Brigitte Ullmo Bliah (Avocate), Guy Sebag (Avocat), Johann Habib (Avocat), Philippe Bliah, (Avocat), Stephane Haddad (Avocat), Frédéric Zerbib (Avocat), Guy Sebag (Avocat), Elyeth Bettan, (Avocate-notaire), Bat Ye’or, (Ecrivain), Thérèse Zrihen-Dvir (Ecrivain), Gilles Falavigna (Editeur), Evelyne Tschirhart (Ecrivain), Albert Soued, (Journaliste, Ecrivain), David Benoliel (Philosophe), Olivier Veron (Editeur), Gérard Weisz (Essayiste), Gérard Rosenzweig, (Ecrivain, enseignant), Evelyne Gougenheim (Militante associative)

Marc Bruzstowki (Journaliste), Shraga Blum (Journaliste), Meir Ben-Hayoun (Journaliste), Ilan Saada (Journaliste), Claire Dana-Picard (Journaliste), Patricia Hassoun (Directrice de publication), Cyril Benichou (Consultant), Marc ROZENBAUM (Traducteur), Jean-Jacques Bretou (Traducteur), Yarcov Ben Denoun (Ecrivain), Ophrah Zelmati (Editeur),

Rudi Roth (Dr physique théorique), Jean-Louis Attyasse (Biologiste),, Gilles Ferréol (professeur des Universités), David Banon (Professeur), Maguy Serfaty-Fenton (Professeur Oxford), Gérard Darmon (Prof de Biophysique, fac de médecine), Roger Guedj (Universitaire), Colette Guedj (Universitaire), Véronique Lankar (Professeur), Maxime Maiman, Professeur d’Université CNAM Paris), Esther Baruch (Professeur),

Prof Bernard Belhassen (Cardiologue), Bernard Chiche (Chirurgien-dentiste), Pierre Boccara (Chirurgien), Guy SAMAMA (Chirurgien), Bruno Rosen (Gynécologue obstétricien), Paul Atlan (Gynécologue Bioéthicien), Dr Michel Assor (Chirurgien orthopédiste), Dr Amos Zot, Henry-Claude Dbjay (Chirurgien), Monique Azra (médecin), Pierre Nahum (médecin), Hervé Megaides (Médecin généraliste),

Alexandre Krivitzky (Psychanalyste), Edmond Richter (Psychothérapeute), Yana Wanda (Psychologue), Oriella Bliah (Pharmacienne), Nicole Zerah-Danan (pharmacienne), Avraham Zerah (dentiste), Corinne Krivitzky (Cadre supérieur de santé),

 

Claude Berger (Auteur), Yehuda Moraly (Professeur de théâtre), Shirel Benoliel (Artiste-peintre), Leila Shahak (cinéaste), Stephane Rougier (Musicien), Nicole Kelin (Fashion Designer), Hector Flak (Show Business), Katia Joffo (Coaching littéraire), Francoise Serrero (Anthropologue), Nejman Yves (Art consultant), Asher Zelmati (Coach professionnel),

Hanna Benoualid (Professeur), Georges Grunberg (Enseignant), Reine Darmon (Prof en collège), Florence Gay-Bellile (Directrice en formation), Sylvia Assouline (Enseignante), Anne Marie Dran (Éducatrice),

Daniel Bruch (Ingénieur), Michel Benoualid (Ingénieur), Adrien Azoulay (Directeur engineering pétrolier), Erick Azerhad (Ingénieur), Fabien Ghez (Ingénieur), William Doukhan (Technicien expert aéronautique), Michèle Mettoudi (Ingénieure), Charles SELLAM (Pilote Aviation Civile),

Michael Breisacher (Informaticien), Serge Amar (Ingénieur informatique), Elie Balouka (Informaticien), Marie Auteserre (Chargée d'informatique), Éléonore Breton (Développeuse web), Meyer Saghroun (Informaticien), Denise Chabah Alloul (Informaticienne),

Jean-Luc Scemama (Expert-comptable), Monique Adato (Expert-comptable), Jean-David Guitard (Conseiller bancaire), Josiane Flak (cadre bancaire), Serge Skrobacki, (cadre dirigeant), Albert Levy (Entrepreneur), Ofer Tassa (Ingénieur directeur d’entreprise), Siksik Serge (DRH), Abraham Bentolila (Consultant en gestion), Victor Perez (Commerce), Benjamin Zenou (Responsable commercial), Thierry Amouyal (Cadre commercial), Alain Turkieltaub (Directeur d’usine), Robert Allouche (Attaché de Direction Distribution Professionnelle), Bernard Hagège (Chef d'entreprises), Pierre Vasen (directeur commercial), BILE Hortense (Assistante agence de publicité ), André Bélilty (Expert-comptable),  Odélia Rafowicz (Gestionnaire de patrimoine), Linda MESSINE (Fonctionnaire),

Daniel Nathan, Karol Berkowicz, P. Haloua, Amram Ifergan, Rolland Aboucaya.

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Le conflit identitaire israélien (IV) : Face au monde ‘harédi : peur, ignorance et haine gratuite

March 24 2023, 09:57am

Posted by Pierre Lurçat

Shtisel : des hommes comme les autres

Shtisel : des hommes comme les autres

 

            Invité à une seouda de Pourim chez une amie à Jérusalem, j’y ai fait la connaissance d’un professeur à la retraite de l’université hébraïque, Menahem M., qui est une sommité dans son domaine (la langue et la littérature arabe). Cet homme affable et cultivé est un sabra très représentatif de sa génération (né dans les années 1930). Ayant combattu dans l’armée en tant qu’officier des renseignements militaires, il a connu de près plusieurs dirigeants israéliens et assumé des responsabilités dans l’administration civile de la Judée-Samarie, outre ses accomplissements professionnels.

 

Notre conversation a commencé de manière très banale : apprenant qu’il vivait depuis quarante ans à Katamon, quartier que je connais bien, je lui demandai si le quartier avait beaucoup changé. En réponse, il m’expliqua d’emblée que son immeuble abritait deux familles de Juifs pratiquants, mais qu’ils étaient très « supportables » ! Il avait aussitôt interprété ma question anodine comme si je parlais de la « haredisation » de Jérusalem, sujet d’inquiétude pour beaucoup de ses habitants non pratiquants.

 

Le professeur M. n’est pourtant pas un universitaire israélien « hiloni » typique : il m’expliqua faire le kiddoush tous les vendredis et le Seder « selon la halakha ». Par ailleurs, il range parmi les trois plus grandes catastrophes de l’histoire d’Israël depuis 1948 la guerre de Kippour et les accords d’Oslo. Sur ce dernier point, il m’avoua s’être trouvé en minorité à l’université hébraïque. Quand nous évoquâmes la figure de Moshé Dayan, pour lequel il n’avait aucune affinité, il me le décrit comme un Israélien empli de préjugés envers les Juifs de diaspora, évoquant les « tailleurs juifs de New York » comme l’aurait fait un journal antisémite du début du siècle passé.

 

Mais lorsque nous arrivâmes inéluctablement à parler de l’actualité, malgré tous mes efforts pour cantonner la conversation à l’histoire d’Israël sur laquelle il avait beaucoup à dire, ce que je craignais arriva. Il s’exclama : « Nous sommes gouvernés par des fascistes juifs ! »  Après le refrain sempiternel sur Smotrich et Ben Gvir, j’eus droit à un aveu plus intéressant à mon goût. Sa plus grande crainte était de voir Israël se transformer en théocratie juive, et il préférait « être enterré avant de voir cela arriver ».

 

En écoutant ces mots, je pensais à une phrase similaire du juge Aharon Barak, le « grand-prêtre » de la Révolution constitutionnelle, qui déclarait dans une récente interview à la chaîne Kan « préférer mourir » plutôt que de voir Israël se transformer en un Etat différent de celui qu’il dit aimer… Dans les deux cas, le refus de voir le pays se transformer conduit à préférer ne plus être de ce monde. Comme si l’évolution démographique était nécessairement synonyme de catastrophes à venir… En repensant à ma conversation, j’y ai décelé quelques éléments caractéristiques de l’attitude des médias mainstream et d’une large fraction de la population israélienne envers le monde harédi, que je voudrais exposer brièvement ici.

 

L’ignorance et la peur

 

            La première caractéristique de cette attitude est une grande ignorance, nourrie pas les médias israéliens qui entretiennent une image stéréotypée et le plus souvent négative du monde ‘harédi. Les évolutions profondes de la société israélienne depuis trois décennies, y compris à l’intérieur de la société juive ‘harédi (travail des femmes, enrôlement grandissant des jeunes hommes dans l’armée, etc.) n’ont pas modifié ces stéréotypes, qui sont utilisés par certains partis et hommes politiques, qui en ont fait leur fonds de commerce. Il y a bien sûr quelques exceptions, et certaines personnalités du monde ‘harédi jouissent d’une grande popularité, comme le chanteur Shuli Rand ou l’acteur et chanteur devenu rabbin Uri Zohar.

       Mais ces exceptions – qui appartiennent au monde du spectacle – ne remettent pas en cause les préjugés négatifs entretenus par les médias israéliens et partagés par une large partie de la population. Comme souvent, l’ignorance va de pair avec la peur. Le professeur Dan Schetman, Prix Nobel de chimie, déclarait récemment : “J’ai une peur mortelle des ‘Harédim… Ils nous prennent notre Etat”. On a peur de ce qu’on connaît peu ou mal, et la plupart des Israéliens ignorent le monde ‘harédi qui se trouve pourtant au cœur des grandes villes, et qui – contrairement à un stéréotype tenace – ne demande qu’à être connu et découvert. Le succès de la série « Shtisel » a pourtant montré que les ‘Harédim étaient des hommes comme les autres et qu’ils partageaient les mêmes préoccupations que l’ensemble des Israéliens.

 

L’épouvantail de la « coercition » religieuse

 

Cette peur est d’autant plus injustifiée que la notion même de coercition religieuse est étrangère au judaïsme. Comme me l’a expliqué le rabbin Ido Rakenitz, auteur d’un livre savant et passionnant sur l’Etat de la Torah démocratique, il est impossible de contraindre un Juif à faire une mitsva, celle-ci devant être accomplie de son plein gré pour être valable… [1] Selon lui, l’instauration d’un Etat de la Torah ne modifierait pas fondamentalement le régime politique israélien. D’autre part, la promulgation de lois inspirées par la Torah ne concernerait qu’une partie des lois en vigueur actuellement, car de nombreux domaines échappent à la halakha.

 

Pour illustrer cette réalité méconnue, Ido Rakenitz explique que la plupart des décisions quotidiennes échappent à la loi juive, car il existe un espace immense de liberté entre ce qui est obligatoire (commandements positifs) et ce qui est interdit (commandements négatifs). A titre de comparaison, dans la vision du monde du juge Aharon Barak, il n’existe aucun espace de liberté non soumis au droit, car « le monde entier est empli de droit » (dixit Barak)[2].

 

L’Etat de Torah démocratique ne serait ainsi, contrairement à l’idée reçue à cet égard, pas concerné par le respect du shabbat dans l’espace public! Pour comprendre ce paradoxe, le rabbin Rakenitz me renvoie à une responsa du Hazon Ish, célèbre rabbin et décisionnaire du siècle passé, qui explique que la coercition religieuse a pour objectif d’amener les Juifs à respecter les mitsvot. C’est pourquoi dans le monde actuel, elle est interdite, car elle entraînerait des réactions négatives au lieu d’avoir l’effet escompté. C’est pourquoi il s’oppose à toute initiative de coercition religieuse.

 

A cet égard, souligne Ido Rakenitz, c’est le camp « progressiste » qui est le moins démocratique, car il tente d’imposer au public sa vision du monde (à travers la Cour suprême ou les médias qui partagent ses conceptions). Le seul domaine où il existerait (et où il existe déjà) une « coercition religieuse » est celui du statut familial, à savoir le droit du divorce et de la filiation qui repose sur la halakha depuis 1948, en vertu du statu quo établi à l’époque par David Ben Gourion. (à suivre…)

 

Pierre Lurçat

 

[1] Voir notre article “Rencontres israéliennes : Ido Rechnitz Pour un État démocratique fondé sur la Torah”, Israël Magazine février 2023.

[2] Sur ce sujet je renvoie à mon livre à paraître, Comprendre la réforme judiciaire en Israël, gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ? Editions l’éléphant 2023.

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Le conflit identitaire israélien (III) : Royaume de David ou République de Galaad ?

March 20 2023, 14:35pm

Posted by Pierre Lurçat

Photo by Gili Yaari /Flash90

Photo by Gili Yaari /Flash90

Les seules explications politiques sont insuffisantes pour rendre compte de la violence du conflit intérieur actuel en Israël, qui dépasse tout ce qu’on a pu voir depuis plusieurs décennies. Il y a donc un niveau symbolique ou spirituel, qui permet seul de rendre compte de cette violence et de l’expliquer. Il porte sur l’identité profonde d’Israël en tant que peuple et en tant que nation. Israël doit-il être et sera-t-il un État juif conforme à sa vocation prophétique, ou bien un État occidental dans lequel le judaïsme serait réduit à la seule sphère privée, selon le modèle de l’émancipation – assimilation ?

Troisième volet de ma série d’articles consacrée au conflit identitaire israélien.

 

 

Pour illustrer ce conflit symbolique et spirituel, je voudrais m’arrêter dans les lignes qui suivent sur quelques éléments visuels aperçus dans les manifestations de rue actuelles et dans les médias, qui en rendent compte de manière quotidienne et quasi incessante, le plus souvent sous un angle sympathique et militant.

 

« Une image vaut mille mots ». L’adage déjà ancien reste valable aujourd’hui comme hier. L’analyse des slogans visuels et des symboles utilisés dans les manifestations contre la réforme judiciaire dans les rues d’Israël montre qu’ils sont très largement importés d’un contexte culturel américain, ce qui corrobore le fait qu’Israël est devenu le théâtre d’un affrontement culturel global entre deux visions du monde opposées, qui dépasse les frontières de notre petit-grand pays[1].

 

Margaret Atwood est une romancière américaine. Son roman La cape écarlate décrit un monde imaginaire et cruel, dans lequel un pouvoir tyrannique séquestre les femmes et les transforme en machines à procréer. Comment ce roman écrit en 1985 est-il devenu un des symboles marquants des manifestations actuelles en Israël ? Pour le comprendre, il faut s’arrêter sur le rôle des récits fondateurs et des mythes dans la mobilisation et dans la manipulation des foules.

 

Ce roman dystopique a été écrit, de l’aveu de son auteur, pour exprimer sa crainte de la droite religieuse américaine, après l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan. Le rapport avec la situation actuelle en Israël peut sembler ténu, mais c’est précisément la force des symboles de pouvoir être repris dans des contextes culturels différents… Hanna Benoualid écrit fort justement que nous les utilisons pour parler des cauchemars qui nous taraudent[2].

 

Cela est bien évident aujourd’hui en Israël, où les manifestations sont tout autant dirigées contre la réforme judiciaire que contre le cauchemar fantasmatique d’une théocratie juive. (J’ajoute que la notion même de « théocratie juive » est problématique, car le judaïsme a toujours distingué entre la prêtrise et la royauté). Dans ce contexte, le recours à un symbole visuel importé des États unis est d’autant plus significatif, qu’il permet de court circuiter tout débat rationnel sur la signification véritable d’un État juif et sur la place de la femme dans le judaïsme… En manifestant déguisées en servantes écarlates, les militantes féministes israéliennes évacuent l’objet véritable d’un débat possible et souhaitable et le remplacent par un objet symbolique et fantasmatique.

 

Cette manipulation symbolique et politique n’est donc pas un simple procédé rhétorique, celui qui consiste à identifier l’adversaire à un monstre pour mieux l’écarter (procédé bien connu qu’on désigne aujourd’hui comme délégitimation ou nazification). Elle est aussi et avant tout un mécanisme psychologique, qu’on pourrait décrire comme consistant en une auto-intoxication et comme un état de frayeur induit volontairement, comme sous l’effet de troubles psychotiques. En désignant le gouvernement de Binyamin Nétanyahou, sa politique et sa réforme judiciaire comme « la dictature », ou comme la « coercition religieuse », ses opposants « jouent à se faire peur ». Mais ce jeu est d’autant plus dangereux qu’ils finissent par croire aux symboles qu’ils agitent…

 

Cette manipulation du symbole de la « servante écarlate » et d’autres est d’autant plus significative, que le conflit culturel qui traverse Israël oppose en définitive, de manière schématique, la vision d’un État juif à celle d’un État occidental. En important dans l’espace public israélien des symboles et des thématiques venus des Etats Unis, les manifestants démontrent que leur combat est bien celui de valeurs étrangères à la culture israélienne (entendue au sens large). Ils défilent certes sous le drapeau bleu et blanc, récupéré au service de leur cause par un coup de génie publicitaire, mais leur cause est bien celle d’une culture étrangère, occidentale et américaine, qu’ils entendent imposer au peuple d’Israël. (à suivre…)

 

Pierre Lurçat

 

[1] Un autre exemple est le symbole du poing fermé, emprunté lui aussi aux Etats-Unis, où il a été notamment utilisé par les mouvements noirs américains dans les années 1960 et repris par la JDL.

[2] Je remercie Hanna Benoualid qui a porté à mon attention l’article d’Irit Linor évoquant Margaret Atwood, qu’elle a traduit sur son excellent blog Boker Tov Yerushalayim (wordpress.com).

 

 

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Le conflit identitaire israélien (III) : Royaume de David ou République de Galaad ?

March 20 2023, 14:35pm

Posted by Pierre Lurçat

Photo by Gili Yaari /Flash90

Photo by Gili Yaari /Flash90

Les seules explications politiques sont insuffisantes pour rendre compte de la violence du conflit intérieur actuel en Israël, qui dépasse tout ce qu’on a pu voir depuis plusieurs décennies. Il y a donc un niveau symbolique ou spirituel, qui permet seul de rendre compte de cette violence et de l’expliquer. Il porte sur l’identité profonde d’Israël en tant que peuple et en tant que nation. Israël doit-il être et sera-t-il un État juif conforme à sa vocation prophétique, ou bien un État occidental dans lequel le judaïsme serait réduit à la seule sphère privée, selon le modèle de l’émancipation – assimilation ?

Troisième volet de ma série d’articles consacrée au conflit identitaire israélien.

 

 

Pour illustrer ce conflit symbolique et spirituel, je voudrais m’arrêter dans les lignes qui suivent sur quelques éléments visuels aperçus dans les manifestations de rue actuelles et dans les médias, qui en rendent compte de manière quotidienne et quasi incessante, le plus souvent sous un angle sympathique et militant.

 

« Une image vaut mille mots ». L’adage déjà ancien reste valable aujourd’hui comme hier. L’analyse des slogans visuels et des symboles utilisés dans les manifestations contre la réforme judiciaire dans les rues d’Israël montre qu’ils sont très largement importés d’un contexte culturel américain, ce qui corrobore le fait qu’Israël est devenu le théâtre d’un affrontement culturel global entre deux visions du monde opposées, qui dépasse les frontières de notre petit-grand pays[1].

 

Margaret Atwood est une romancière américaine. Son roman La cape écarlate décrit un monde imaginaire et cruel, dans lequel un pouvoir tyrannique séquestre les femmes et les transforme en machines à procréer. Comment ce roman écrit en 1985 est-il devenu un des symboles marquants des manifestations actuelles en Israël ? Pour le comprendre, il faut s’arrêter sur le rôle des récits fondateurs et des mythes dans la mobilisation et dans la manipulation des foules.

 

Ce roman dystopique a été écrit, de l’aveu de son auteur, pour exprimer sa crainte de la droite religieuse américaine, après l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan. Le rapport avec la situation actuelle en Israël peut sembler ténu, mais c’est précisément la force des symboles de pouvoir être repris dans des contextes culturels différents… Hanna Benoualid écrit fort justement que nous les utilisons pour parler des cauchemars qui nous taraudent[2].

 

Cela est bien évident aujourd’hui en Israël, où les manifestations sont tout autant dirigées contre la réforme judiciaire que contre le cauchemar fantasmatique d’une théocratie juive. (J’ajoute que la notion même de « théocratie juive » est problématique, car le judaïsme a toujours distingué entre la prêtrise et la royauté). Dans ce contexte, le recours à un symbole visuel importé des États unis est d’autant plus significatif, qu’il permet de court circuiter tout débat rationnel sur la signification véritable d’un État juif et sur la place de la femme dans le judaïsme… En manifestant déguisées en servantes écarlates, les militantes féministes israéliennes évacuent l’objet véritable d’un débat possible et souhaitable et le remplacent par un objet symbolique et fantasmatique.

 

Cette manipulation symbolique et politique n’est donc pas un simple procédé rhétorique, celui qui consiste à identifier l’adversaire à un monstre pour mieux l’écarter (procédé bien connu qu’on désigne aujourd’hui comme délégitimation ou nazification). Elle est aussi et avant tout un mécanisme psychologique, qu’on pourrait décrire comme consistant en une auto-intoxication et comme un état de frayeur induit volontairement, comme sous l’effet de troubles psychotiques. En désignant le gouvernement de Binyamin Nétanyahou, sa politique et sa réforme judiciaire comme « la dictature », ou comme la « coercition religieuse », ses opposants « jouent à se faire peur ». Mais ce jeu est d’autant plus dangereux qu’ils finissent par croire aux symboles qu’ils agitent…

 

Cette manipulation du symbole de la « servante écarlate » et d’autres est d’autant plus significative, que le conflit culturel qui traverse Israël oppose en définitive, de manière schématique, la vision d’un État juif à celle d’un État occidental. En important dans l’espace public israélien des symboles et des thématiques venus des Etats Unis, les manifestants démontrent que leur combat est bien celui de valeurs étrangères à la culture israélienne (entendue au sens large). Ils défilent certes sous le drapeau bleu et blanc, récupéré au service de leur cause par un coup de génie publicitaire, mais leur cause est bien celle d’une culture étrangère, occidentale et américaine, qu’ils entendent imposer au peuple d’Israël. (à suivre…)

 

Pierre Lurçat

 

[1] Un autre exemple est le symbole du poing fermé, emprunté lui aussi aux Etats-Unis, où il a été notamment utilisé par les mouvements noirs américains dans les années 1960 et repris par la JDL.

[2] Je remercie Hanna Benoualid qui a porté à mon attention l’article d’Irit Linor évoquant Margaret Atwood, qu’elle a traduit sur son excellent blog Boker Tov Yerushalayim (wordpress.com).

 

 

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La crise politique en Israël : trois explications, Pierre Lurçat

March 12 2023, 16:27pm

Posted by Pierre Lurçat

La crise politique en Israël : trois explications, Pierre Lurçat

Les phénomènes politiques et sociaux, comme l’ensemble des phénomènes humains, ont rarement une explication unique. Dans les lignes qui suivent, je voudrais avancer trois explications possibles - qui ne s’excluent pas mutuellement – à la crise politique actuelle en Israël.

 

1ère explication : une immense manipulation politique et médiatique

 

Le premier niveau d'explication est celui du mensonge politique et médiatique sans précédent, auquel nous assistons depuis plusieurs semaines. Comme souvent, ce mensonge est d'autant plus efficace qu'il est grossier. En qualifiant de "putsch" et de "révolution" antidémocratique une réforme légitime, qui vise précisément à rétablir la séparation des pouvoirs et la démocratie authentique, les médias israéliens et les chefs de l’opposition recourent à une rhétorique mensongère éhontée, qui prétend priver les électeurs israéliens de leur victoire, sous couvert de "sauver la démocratie".

 

Il n'est pas anodin que cette manipulation politique et les manifestations qui l'accompagnent soient orchestrées avec le soutien logistique considérable des ONG à financement étranger, auxquelles la Cour suprême a donné un droit de regard sur la politique intérieure israélienne. A travers la protestation contre la réforme judiciaire, c'est en fait un enjeu de pouvoir fondamental qui se joue actuellement : le peuple d'Israël va-t-il reprendre le pouvoir qui lui a été confisqué par la Cour suprême, au moyen de l'intervention grandissante de cette pléiade d'ONG, véritable cheval de Troie de puissances étrangères, à l'intérieur de la vie publique israélienne ?

 

2eme explication : une guerre intestine

 

Ce qui nous amène à la deuxième explication, celle de la guerre intestine. Les appels répétés à la guerre fratricide et à l'effusion de sang des dirigeants de l'opposition, qui sont pour la plupart (à l'exception de Yair Lapid) des généraux en retraite, comme l'a observé récemment Shmuel Trigano, sont évidemment révélateurs. Dans l’ethos fondateur de la gauche israélienne, la guerre fratricide est toujours salvatrice, depuis la "Saison", l'Altalena et le "canon sacré" de David Ben Gourion et jusqu'à l'expulsion des valeureux habitants du Goush Katif, chassés jusqu'au dernier d'entre eux de leurs maisons manu militari pour faire la place au gouvernement du Hamas, avec la bénédiction de la Cour suprême (sauf une voix, celle du juge sépharade Edmond Levi, véritable “juste à Sodome”)

 

Dans la guerre fratricide que ce quarteron de généraux à la retraite appelle de tous ses vœux, tous les moyens sont légitimes, de l'incitation à la haine et au meurtre jusqu'à la désobéissance civile et au refus d'obéissance de soldats de réserve… A travers cette lutte intestine, c'est l'avenir d'Israël qui est en jeu, avenir qui est menacé par des acteurs étrangers puissants (démocrates américains, Union européenne, etc.) qui étaient déjà présents lors des précédentes phases de la lutte d'Israël pour sa survie. La gauche israélienne, à travers sa dernière mutation au visage wokiste - le camp hétéroclite des "Tout sauf Bibi" -  n'a aucun complexe à s'allier aux ennemis de l'extérieur et de l'intérieur pour atteindre ses objectifs.

 

3eme explication : un conflit d’identité

 

Les deux explications qui précèdent sont évidemment insuffisantes pour rendre compte de la violence du conflit intérieur actuel, qui dépasse de loin tout ce qu'on a pu voir depuis plusieurs décennies. Il y a donc un troisième niveau, symbolique ou spirituel, qui permet seul de rendre compte et d'expliquer cette violence. Ce niveau, largement impensé au sein de l’opposition, porte sur l'identité profonde d'Israël en tant que peuple et en tant que nation… Il peut être formulé ainsi : Israël doit-il être et sera-t-il un État juif conforme à sa vocation prophétique, ou bien un État occidental dans lequel le judaïsme serait réduit à la seule sphère privée, selon le modèle de l'émancipation - assimilation ?

 

Dans cette perspective, l'opposition violente et le mouvement de panique auxquels on assiste actuellement sont à la hauteur de l'espoir qu'un État plus juif fait naître chez ses partisans. Ce qui apparaît à ces derniers comme la réalisation des promesses bibliques semble pour les premiers signifier la fin de leur idéal laïc et occidental. Affrontement irréductible entre deux visions qu'on avait cru compatibles et qui s'avèrent aujourd'hui radicalement opposées. L'avenir dira si nous assistons à un progrès sur la voie de la rédemption ou bien, à Dieu ne plaise, à une terrible régression.

Pierre Lurçat

La conférence que j’ai donnée à Tel-Aviv sur “Les enjeux de la réforme judiciaire” est à présent en ligne ici :

(8) 28 02 23 Pierre Lurçat Les Enjeux De La Réforme Judiciaire En Israël Tlv - YouTube

 

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Le conflit identitaire israélien (I) : La tentation cananéenne

March 5 2023, 07:25am

Posted by Pierre Lurçat

Le conflit identitaire israélien (I) :  La tentation cananéenne

 

« Il n’est même pas possible d’imaginer les Juifs sans Dieu »

Dostoïevsky

 

Dans un article paru en 1915 dans une revue en russe, l’écrivain Sergei Boulgakov évoquait le défi principal du sionisme dans les termes suivants : « Tôt ou tard, les Juifs réaliseront la nécessité de résoudre un problème bien plus important et essentiel que celui qui est désigné aujourd’hui comme la “question juive” - à savoir, le problème de leur nature spirituelle. Ce problème ne peut être résolu sans un centre national… La plus grande difficulté pour le sionisme actuel est son incapacité à rétablir la foi ancestrale en voie de disparition, de sorte qu’il est contraint de se fier au seul principe national-ethnique…[1] »

 

Le diagnostic porté par l’écrivain russe de religion chrétienne il y a plus de cent ans pourrait bien constituer l’élément principal de la crise d’identité que traverse actuellement l’Etat d’Israël, sous couvert de débat politique et juridique. C’est en effet – au-delà du débat étroit sur la réforme judiciaire et le statut de la Cour suprême – la question cruciale de l’identité qui ressurgit aujourd’hui, avec une virulence rarement atteinte au cours des soixante-quinze années d’existence de l’Etat juif. Premier volet d’une série consacrée à la crise d’identité israélienne et à ses racines profondes.

 

Le conflit identitaire qui connaît actuellement une nouvelle poussée en Israël n’oppose pas seulement Juifs laics et religieux, partisans d’un Etat juif et sioniste et tenants d’un « Etat de tous ses citoyens », dont le caractère juif serait réduit à la portion congrue. Il oppose plus largement, pour reprendre une expression du Rav Léon Ashkénazi, ceux « qui sont venus en Israël pour ne plus être plus Juifs et ceux qui y sont venus pour l’être vraiment ».

 

La tentation cananéenne

 

Comme me l’a relaté Benny Ziffer, rédacteur en chef du supplément littéraire du quotidien Ha’aretz, le mouvement cananéen très influent dans les années 1950 a joué un rôle crucial dans la formation des élites politiques et culturelles israéliennes. « Les Cananéens voulaient faire évoluer le sionisme, et fonder un nationalisme sur le modèle français, dans lequel le lien à la terre n’aurait rien à voir avec la religion… Ils voulaient qu’Israël soit fondé sur le droit du sol et pas sur la filiation juive. Ils voulaient couper tous les liens avec le judaïsme. Ben Gourion a lutté contre eux car c’était quelque chose d’insupportable à ses yeux[2] ».

 

            La « tentation cananéenne »,  qui demeure présente jusqu’à aujourd’hui au sein d’une grande partie des anciennes élites israéliennes, n’exprime pas seulement un rejet du judaïsme de l’exil, de l’histoire et de la tradition juive. Elle signifie, à un niveau plus profond encore, le refus d’assumer la vocation d’Israël, telle que celle-ci est exprimée dans le Livre que le peuple Juif a donné à l’humanité et qui reste jusqu’à ce jour – malgré toutes les transformations intervenues dans la condition juive depuis trois mille ans – sa carte d’identité ; la Bible hébraïque. C’est en effet l’enjeu fondamental du conflit politique autour de la réforme judiciaire, qui touche en fait à la question cruciale de l’identité d’Israël en tant qu’Etat et en tant que nation.

 

Sommes-nous un « Etat comme les autres », un Etat occidental créé pour offrir un refuge aux Juifs persécutés, selon le modèle de l’Ouganda – un temps envisagé comme « asile de nuit » par le fondateur du sionisme politique, Theodor Herzl lui-même ?[3]  Sommes-nous un Etat juif, et si oui que signifie cette expression et comment faut-il l’interpréter ?[4]. De la réponse à cette question dépend largement le caractère de l’Etat et de ses institutions, mais plus encore, la nature des normes fondamentales autour desquelles ceux-ci s’organisent.

 

Comme le fait justement remarquer le rabbin Uri Cherki, c’est le caractère juif de l’Etat qui était la principale préoccupation du fondateur du sionisme politique et non son caractère démocratique. Ce n’est qu’à la suite du tour de passe-passe révolutionnaire accompli par le juge Aharon Barak dans les années 1990 que l’équation a été inversée et que le caractère démocratique de l’Etat est devenu l’aune à laquelle sont mesurées la légalité et la légitimité de toutes les décisions administratives, politiques, militaires et législatives. Bien plus encore qu’une simple question juridique et politique ou constitutionnelle, il y a là une question fondamentale qui touche aux normes fondatrices de l’Etat juif.

 

C’est précisément cette question fondamentale des normes fondatrices – et à travers elles, de l’identité de l’Etat d’Israël – qui explique la virulence du débat actuel, tant à l’intérieur de la société israélienne qu’à l’extérieur. Débat crucial, dont l’enjeu véritable dépasse de loin les seuls aspects politiques, juridiques ou socio-économiques auxquels on le réduit le plus souvent : enjeu métapolitique, pourrait-on dire, ou même métaphysique. L’Israël de la chair est-il l’Israël selon l’esprit, pour l’exprimer en termes chrétiens, ou pour le dire dans le langage de la tradition hébraïque : l’Etat juif est-il bien le continuateur de la vocation juive ? Or c’est précisément l’éventualité que la réponse à cette question soit positive qui effraie tellement ceux qui, au sein du peuple d’Israël, voudraient renoncer à cette vocation. (à suivre…)

 

[1] Cité par Raya Epstein, Post-Zionism and Democracy, in Israel and the Post-zionists, A nation at risk, ed. Shlomo Sharan, Sussex Academy Press 2003.

[2] Interview publiée en partie dans le dernier numéro d’Israël Magazine, mars 2023.

[3] Sujet que j’aborde dans mon livre Israël, le rêve inachevé, chapitre 2.

[4] Je renvoie à ce sujet au remarquable numéro de la revue Pardès qui vient de paraître, intitulé “Qu’est-ce qu’un Etat juif?” et issu d’un colloque éponyme tenu à Jérusalem en 2022.

Le conflit identitaire israélien (I) :  La tentation cananéenne

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Haine abyssale contre la famille Nétanyahou : l’explication de Benny Ziffer, Pierre Lurçat

March 2 2023, 14:14pm

Benjamin et Sarah Nétanyahou (Olivier Fitoussi/Pool)

Benjamin et Sarah Nétanyahou (Olivier Fitoussi/Pool)

Dans l’interview passionnante qu’il m’a donnée le mois dernier pour Israël Magazine, Benny Ziffer, rédacteur en chef du supplément littéraire du journal Ha’aretz et proche de la famille Nétanyahou, revient sur la haine abyssale envers le Premier ministre et sa famille. Ses explications permettent de comprendre les images choquantes d’une foule de manifestants séquestrant Sarah Nétanyahou dans son salon de coiffure, au nom de leur conception bien particulière de la “démocratie”. P. Lurçat

 

Benny Ziffer : “Je suis satisfait du Premier ministre. J’espère qu’il sera assez dominant pour faire régner l’ordre (dans son gouvernement). A son âge, il est comme Ben Gourion, centriste non pas parce qu’il aurait évolué dans ses opinions mais parce que la gauche a soudain quasiment disparu et toute la carte politique a bougé. Je pense que tout comment Ben Gourion en son temps, il va transformer les partenaires les plus extrémistes de sa coalition en hommes politiques responsables. Le meilleur exemple concernant les LGBT. Quand Amir Ohana avait prononcé son discours d’investiture à la Knesset, les députés ultra-orthodoxes étaient sortis de la salle. Aujourd’hui ils sont restés !

Ben Gourion avait fait la même chose avec Itshak Shamir, ex-dirigeant du Lehi qui avait pris part à l’assassinat de Bernadotte. Il l’avait intégré dans les rangs du Mossad.

 

P.L Comment expliquer la haine abyssale envers Nétanyahou?

B.Z. Tout simplement, la jalousie. Bibi a le profil d’un homme de gauche… Son père était le rédacteur en chef de l’Encyclopédie hébraïque, avec Y. Leibowitz. Il fait partie des anciennes élites. Au sein de l’élite sioniste révisionniste, il a réussi. S’il avait fait une carrière universitaire, personne n’aurait trouvé à y redire… Son père était un outsider.

Je pense que la haine contre Bibi est aussi la prolongation de la haine contre Begin et contre la droite, qui est très ancienne.Aujourd’hui la droite ne s’excuse plus. Bibi est libéral. Son père avait été radical dans sa jeunesse, mais il est ensuite devenu un universitaire et un historien respecté. En tant qu’historien, on regarde les choses de l’extérieur…

 

Haine abyssale contre la famille Nétanyahou : l’explication de Benny Ziffer, Pierre Lurçat

 

P.L Et Sarah Nétanyanou ?

B.Z. Je pense que la haine à son égard est liée à la misogynie qui fait partie de l’éthos israélien… Cette vulgarité israélienne s’en prend toujours aux femmes.  Elle est à cet égard une victime idéale… Lorsque j’ai commencé à écrire sur Sarah Nétanyahou, les gens me disaient “J’ai vu qu’elle était comme ci et comme ça…” Alors qu’ils ne faisaient que colporter des rumeurs.

Aujourd’hui, cela s’est calmé. Juste avant les élections, Raviv Drucker a fait un nouveau film sur les enregistrements de Sarah, et il n’a pas eu de rating. Je pense que quelque chose est arrivé lors des dernières élections. La gauche a été quasiment effacée.

 

P.L. Ils se sont autodétruits… Ils sont déconnectés de la réalité ?

B.Z. Ils se préoccupent de choses futiles… Ils ont dépensé toute leur énergie sur des histoires de haine personnelle. Ce qui est bien chez Nétanyahou c’est sa patience. “Le génie est une longue patience” (rires). Il a cette patience…

En Israël on n’aime pas les personnalités fortes, comme Sarah et comme Bibi Nétanyahou. Je compare cela à l’antisémitisme et je l’ai dit souvent. Sarah n’est pas une sainte… J’ai été souvent invité chez eux. Mais l’antisémitisme consiste à déceler chez quelqu’un une faiblesse et à en faire l’essentiel.

 

P.L C’est ce que Jabotinsky appelle “l’antisémitisme des choses”...

B.Z. Absolument. Weizmann a dit que l’antisémitisme consiste à détester les Juifs plus qu’ils ne le méritent… Faire d’un détail la chose essentielle. Depuis que les réseaux sociaux existent, on attend des dirigeants qu’ils soient parfaits…

L'interview de B. Ziffer dans ISRAEL MAGAZINE

L'interview de B. Ziffer dans ISRAEL MAGAZINE

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L’enjeu essentiel de la réforme judiciaire : rétablir les droits de la majorité, Pierre Lurçat

February 26 2023, 08:28am

Posted by Pierre Lurçat

L’enjeu essentiel de la réforme judiciaire : rétablir les droits de la majorité, Pierre Lurçat

 

Au vu du pouvoir hégémonique sans précédent que la Cour suprême israélienne a acquis au cours des trois dernières décennies, il est difficile de faire revenir les choses en arrière, au statu quo ante. Les juges de la Cour suprême israélienne ont acquis un pouvoir auquel ils ne semblent pas prêts de renoncer. C’est pourquoi le changement ne peut pas venir de l’intérieur du système judiciaire. Il ne peut venir que de la Knesset et du gouvernement. La vox populi a montré son impuissance lors des grandes manifestations du public ultra-orthodoxe dans les années 1990, qui n’ont amené aucun changement, pas plus que les différentes initiatives venant d’autres milieux (comme le projet de Constitution par consensus de Ruth Gabizon et de Yaakov Madan).

 

Comme je l’écrivais en 2020, "pour rétablir les droits du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, ce sont le gouvernement et la Knesset qui doivent eux-mêmes se faire l’instrument d’une contre-révolution démocratique. C’est ce qu’avait commencé à faire Ayelet Shaked lors de son mandat au ministère de la Justice. Il est indispensable qu’un grand parti politique adopte pour cheval de bataille le rétablissement de l’équilibre des pouvoirs et des prérogatives de la Knesset".

 

Ce qui est en jeu dans la réforme judiciaire actuelle en Israël est emblématique du débat politique dans de nombreux autres pays occidentaux, comme la France ou les USA. Ici comme là-bas, des “minorités tyranniques” ont réussi à imposer leurs vues, sur bien des sujets très divers, contre les conceptions majoritaires de leurs concitoyens. Sur des thèmes comme l’immigration ou l’identité nationale en France comme en Israël, mais aussi sur le droit de la famille, etc., ces minorités actives se sont servies du pouvoir judiciaire pour imposer leurs vues.

 

Ce n’est pas un hasard si la Cour suprême israélienne, autrefois considérée comme le fleuron de la démocratie israélienne, est aujourd’hui devenue une institution hyper politisée, qui a perdu son aura et sa réputation d’impartialité. Dans le sillage de la Révolution constitutionnelle, la Cour suprême israélienne est en fait devenue le principal obstacle au jeu des institutions démocratiques. En réalité, comme nous avons tenté de le montrer, le juge Aharon Barak, tout comme ses élèves et successeurs, est tout le contraire d’un démocrate.

 Le juge Aharon Barak contre la démocratie, Pierre Lurçat

 

En bon élève de Lénine, il a utilisé les institutions démocratiques et le langage du droit pour asseoir son pouvoir. En Israël comme ailleurs dans le monde occidental, les deux pouvoirs qui se sont érigés en “maîtres du jeu” démocratique sont précisément les deux pouvoirs non élus, qui ne rendent de compte à personne : le pouvoir judiciaire (expression dont nous avons montré le caractère problématique) et le pouvoir médiatique.

 

En vidant de son sens la notion d’État juif et démocratique, la Cour suprême israélienne, depuis Aharon Barak, a porté atteinte au fragile équilibre sur lequel repose la société israélienne, constituée de secteurs multiples, porteurs de valeurs diverses et souvent contradictoires. Il importe aujourd’hui de rétablir cet équilibre, en restaurant un indispensable consensus national et en renforçant le caractère juif de l’État. Contrairement aux conceptions radicales d'Aharon Barak, le caractère juif de l’État ne menace pas la démocratie israélienne, il en est le ciment. C’est le vide engendré par le rejet du projet de droit israélien fondé sur les sources hébraïques qui a ouvert la voie à la situation actuelle.

 

Le but du sionisme politique a en effet toujours été de créer un État juif (avec certes des divergences quant au contenu de cette notion). Le caractère démocratique de cet État allait de soi, mais n’a jamais été un objectif en soi. Paradoxalement, c’est l’atteinte au caractère juif de l’État qui a affaibli de manière dangereuse le jeu démocratique des institutions, en imposant au peuple israélien des valeurs étrangères. Réaffirmer le caractère juif de l’État permettra de préserver la démocratie israélienne. La contre-révolution constitutionnelle a commencé, mais est loin d’être achevée. L’enjeu, en Israël comme ailleurs, dépasse de loin le seul problème institutionnel et politique. Il s’agit aussi et surtout de préserver l’idéal démocratique et de rendre au peuple le droit de choisir son destin.

Pierre Lurçat

(Extrait adapté de mon article “Comment la Cour suprême est devenue le premier pouvoir en Israël, revue Pardès no. 67 2021)



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LES ENJEUX DE LA RÉFORME JUDICIAIRE EN ISRAËL 

 

Pour connaître les enjeux de la réforme judiciaire actuelle, il est indispensable de connaître son contexte historique et notamment celui de la « révolution constitutionnelle » menée par le Président de la Cour Suprême Aharon Barak dans les années 1990.

Pierre Lurçat, juriste, écrivain et essayiste, expliquera au cours d’une conférence la situation actuelle au regard de l’histoire du droit israélien et de celle de la Cour Suprême, le mardi 28 février à 19:00 dans les locaux de la Wizo

35, rue King Georges

Tel Aviv

PAF : 30 shekels. 

(Sans réservation)

 Venez nombreux poser vos questions

 

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Ce que m'avait dit Yariv Levin: « rendre le pouvoir au peuple d’Israël » Pierre Lurçat

February 21 2023, 09:00am

Posted by Pierre Lurçat

Ce que m'avait dit Yariv Levin: « rendre le pouvoir au peuple d’Israël »  Pierre Lurçat

Contrairement à une "fake news" véhiculée par certains médias israéliens, l'actuelle réforme menée par le ministre de la Justice ne sort pas de nulle part, et n'a rien à voir avec le procès intenté à Benjamin Nétanyahou. Elle a été longtemps et soigneusement préparée par l'actuel ministre de la Justice, Yariv Levin, qui m'en avait parlé dans l'interview qu'il m'avait accordée en janvier 2012, il y a tout juste 11 ans. Je republie ici l'article paru dans Israël Magazine P.L.

Par une froide journée de janvier, je me suis rendu à la Knesset pour rencontrer Yariv Levin, représentant de la « jeune garde » du Likoud qui a fait parler de lui récemment en proposant plusieurs textes de lois sur des questions sensibles, comme l’élection des juges à la Cour suprême ou la lutte contre le boycott d’Israël. Malgré son image de député très combattif et activiste, c’est un homme affable, au discours posé et réfléchi. Il se présente comme le « législateur le plus actif » au sein du Likoud – ayant initié ou participé à la rédaction de nombreuses propositions de lois sur des sujets aussi importants que la protection du patrimoine foncier, les conditions de détention trop faciles faites aux terroristes ou la suppression des droits sociaux de l’ex-député félon Azmi Bishara. Rencontre avec un homme politique qui veut donner, enfin, le pouvoir réel – et pas seulement la majorité à la Knesset – à la droite israélienne.

Yariv Levin me reçoit dans son bureau de président de la « Commission de la Knesset ». C’est un député relativement jeune (il a 43 ans) issu d’une famille politiquement engagée : les parents de sa mère faisaient partie de l’Irgoun, et l’oncle de celle-ci, Eliahou Lenkin, était le commandant de l’Altalena, le fameux bateau affrété par l’Irgoun qui fut bombardé, avec sa précieuse cargaison d’armes destinées aux combattants de la guerre d’Indépendance et des dizaines de Juifs à bord – dont plusieurs survivants de la Shoah – sur l’ordre du commandant du Palma’h, un certain Itshak Rabin… Le « Sandak » lors de la circoncision de Yariv Levin n’était autre que Menahem Begin, à l’époque chef de l’opposition et futur Premier ministre.

Avec de tels antécédents, il n’est pas étonnant que Levin ait attrapé très jeune le virus de la politique ! Il a en effet débuté son activité publique alors qu’il était étudiant, après avoir servi dans les Renseignements militaires (où il a dirigé un cours de traduction de l’arabe au sein de l’armée). Après avoir exercé la profession d’avocat,  il a été élu vice-président du Barreau d’Israël, ce qui lui a permis de connaître de l’intérieur le monde judiciaire. C’est sans doute une des raisons qui l’ont amené à se pencher de près sur le dossier brûlant de l’élection des juges à la Cour suprême. Il y a quelques semaines encore, Levin déclarait ainsi que cette institution, souvent considérée comme le fleuron de la démocratie israélienne, avait été accaparée par « une minorité de groupuscules d’extrême-gauche qui voulaient imposer leurs valeurs à la société tout entière… »

Pour changer cette situation, il s’est attaqué à la racine du problème : le système d’élection des juges à la Cour suprême, qui explique que la majorité des juges représentent le courant laïc de gauche, alors qu’il n’y a presque aucun juge religieux ou habitant de Judée Samarie… La question de l’élection des juges n’est pas purement technique, car comme me l’explique Yariv Levin, sous la présidence du juge Aharon Barak, la Cour suprême s’est attribué des compétences exorbitantes, au mépris du principe de séparation des pouvoirs, essentiel au fonctionnement de la démocratie. A ses yeux, Barak incarne la « dictature juridique ». Sous sa présidence, la Cour suprême a ainsi voulu transformer Israël en « État de tous ses citoyens », en effaçant progressivement le caractère juif de l’État.

Un autre sujet qui l’occupe est celui du boycott et de la délégitimation d’Israël sur la scène internationale. A cet égard, il a initié une loi pour retirer tout financement public aux organismes qui soutiennent le boycott. Comme me l’explique Yariv Levin, « la majorité du peuple en Israël penche vers la droite, mais la gauche et l’extrême-gauche bénéficient du soutien de pays étrangers ». L’exemple le plus criant est celui du rapport Goldstone, dont toutes les accusations mensongères ont été formulées par des groupuscules israéliens financés par l’Union européenne ! Face à ces interventions intolérables dans la politique israélienne, Levin œuvre sans relâche pour rendre à Israël sa souveraineté et son indépendance.

Rendre à Israël sa souveraineté

Le point commun entre tous les combats qu’il mène est le constat qu’il faut rendre le pouvoir au peuple, qui en a été dépossédé par plusieurs facteurs, parmi lesquels il cite notamment la bureaucratie, les médias, la Cour suprême et l’intervention de pays étrangers dans la vie politique israélienne. « Il ne suffit pas d’être au pouvoir », résume Levin. « Il faut rendre à la Knesset les compétences qui lui ont été prises par le pouvoir judiciaire et par la bureaucratie ». Un exemple de cette situation est celui des conseillers juridiques, qui ont acquis au cours des dernières décennies un pouvoir grandissant, au point que « les conseillers juridiques des ministres sont devenus les véritables décideurs », ce qui est en totale contradiction avec le principe de séparation des pouvoirs et l’essence de la démocratie.

En conclusion de notre entretien, je demande à Yariv Levin si Jabotinsky, le père fondateur de la droite israélienne, et Menahem Begin ont encore une place dans la vie politique actuelle. Il me répond sans hésiter de manière affirmative : « Il est réjouissant de voir qu’après avoir été longtemps mis à l’écart et oublié, Jabotinsky est aujourd’hui très présent dans la vie politique ». Levin affirme trouver dans les écrits de « Jabo » une source constante d’inspiration pour son action. 

Jabotinsky, qui était un grand démocrate, avait évoqué jadis la possibilité qu’un citoyen arabe soit vice-président du futur État juif. « Mais il n’avait évidemment pas pensé à quelqu’un comme Hanin Zouabi », ironise Levin, faisant allusion à la députée arabe qui était montée sur le bateau  terroriste Marmara. Très actif dans la défense des citoyens druzes israéliens, Levin s’oppose farouchement à la reconnaissance de droits nationaux pour les Arabes palestiniens. Il a aussi promu la loi sur le référendum, pour que tout abandon de souveraineté sur une partie d’Israël soit soumis à un vote populaire. 

Yariv Levin: « rendre le pouvoir au peuple d’Israël » - Israel Magazine

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CONFERENCE EXCEPTIONNELLE!

LES ENJEUX DE LA RÉFORME JUDICIAIRE EN ISRAËL 

Pour connaître les enjeux de la réforme judiciaire actuelle, il est indispensable de connaître son contexte historique et notamment celui de la « révolution constitutionnelle » menée par le Président de la Cour Suprême Aharon Barak dans les années 1990.

Pierre Lurçat, juriste, écrivain et essayiste, expliquera au cours d’une conférence la situation actuelle au regard de l’histoire du droit israélien et de celle de la Cour Suprême, le mardi 28 février à 19:00 dans les locaux de la Wizo

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Photo de Sarah Nisani (Lurçat)

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