De la “guerre éclair” à la guerre longue : Comment l’Iran a imposé sa doctrine de la « guerre longue » à Israël
L’éditorial du journal Le Monde publié hier matin (26.12.23) s’intitule : « A Gaza, la guerre sans fin de Benyamin Nétanyahou ». L’éditorialiste – qui fait sans doute partie des journalistes-militants qui peuplent aujourd’hui la rédaction du quotidien de référence français – cite le Premier ministre israélien, qui a déclaré tout récemment que « ça sera une longue guerre qui n’est pas près de finir ». Et d’enfoncer le clou : « Le premier ministre israélien semble aujourd’hui considérer que l’état de guerre permanent, qu’il s’efforce d’installer en jouant sur la soif de revanche de son opinion publique, pourrait lui offrir une planche de salut ».
L’explication a de quoi séduire le lecteur lambda, en quête d’explications simplistes qui frisent les théories du complot. Nétanyahou – aux yeux du quotidien français, comme d’une partie des médias israéliens – reste le « coupable » idéal. Mais ceux qui veulent vraiment comprendre pourquoi cette guerre ne fait que commencer doivent chercher l’explication principale un peu plus loin dans le temps. Elle remonte en effet à septembre 1980, quand a débuté la guerre Iran-Irak.
C’est alors, explique le général de réserve Gershon Hacohen dans les colonnes d’Israel Hayom[1], que l’Iran a développé sa doctrine de la guerre longue. L’offensive surprise de l’Irak contre les champs de pétrole du Khuzestân devait, selon les projets de l’Irak, s’achever dans un délai de quinze jours. Mais l’ayatollah Khomeiny – qui venait tout juste d’accéder au pouvoir – loin de reconnaître sa défaite militaire, refusa toute concession territoriale et transforma ce conflit en une interminable guerre de position, qui dura huit longues années et fit plusieurs centaines de milliers de morts chez les deux belligérants.
La résistance acharnée de l’armée iranienne, conduite par les Gardiens de la Révolution islamique, est devenue depuis une source d’inspiration pour les mouvements « proxy » de l’Iran dans notre région, le Hamas et le Hezbollah. Ajoutons que la doctrine de la « guerre longue » est conforme à la dimension eschatologique de l’islam politique, partagée par la plupart des mouvements islamistes contemporains. L’Iran, en appliquant sa doctrine de la « guerre longue » au conflit avec Israël, tente ainsi de priver l’Etat juif des avantages de la stratégie de la « guerre courte », développée par David Ben Gourion dès les premières années de l’Etat.
Pour empêcher Israël d’obtenir une victoire rapide, le Hamas et le Hezbollah ont ainsi, explique encore Hacohen, employé deux éléments essentiels : le premier est l’installation de batteries de missiles éparpillées sur un vaste territoire, permettant de poursuivre les tirs contre Israël pendant de longs mois, y compris après le début des opérations terrestres, comme c’est le cas aujourd’hui à Gaza. Le second élément est l’édification de moyens de défense et d’obstacles très denses, tant en surface qu’en-dessous du sol, au cœur des villes, rendant impossible pour Tsahal une victoire rapide en territoire ennemi.
Ce sont ces éléments de la doctrine militaire iranienne de la « guerre longue » qui expliquent pourquoi le conflit risque de durer encore de longs mois, comme l’ont bien compris les soldats et les officiers qui se battent actuellement avec bravoure à Gaza. Loin d’être découragés et de s’effilocher, comme la fameuse « toile d’araignée » à laquelle Nasrallah avait comparé Israël, nos soldats et la société israélienne tout entière montrent en effet leur résilience et leur capacité d’endurance. Ad hanitsahon !
P. Lurçat
J’ai dressé un premier bilan de la guerre actuelle au micro de Richard Darmon sur Studio Qualita : Qu'est-ce qui a changé pour Tsahal dans cette guerre ? -IMO#220 (studioqualita.com) |
[1] G. Hacohen, “L’ère des guerres courtes est finie” (hébreu), Israel Hayom 26.12.23.