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reforme judiciaire

Comment l’establishment judiciaire a rendu possible le 7 octobre (III): Ces juristes qui ont empêché la mobilisation de Tsahal et de l’armée de l’air

September 3 2024, 14:30pm

Posted by Pierre Lurçat

Comment l’establishment judiciaire a rendu possible le 7 octobre (III):  Ces juristes qui ont empêché la mobilisation de Tsahal et de l’armée de l’air

Comment l’establishment judiciaire a rendu possible le 7 octobre (I) La Cour suprême et la première brèche dans la barrière autour de Gaza - VudeJerusalem.over-blog.com

Comment l’establishment judiciaire a rendu possible le 7 octobre (II): La Cour suprême, cheval de Troie des ennemis d’Israël ? - VudeJerusalem.over-blog.com

Dans un article publié en février 2024 dans ces colonnes, je posais la question de savoir où était l'armée de l'air à l'heure fatidique où des milliers de citoyens sans défense étaient attaqués, pourquoi aucune escouade n'est-elle venue bombarder les hordes du Hamas et leurs supplétifs et pourquoi pas un seul avion n'était dans le ciel au-dessus de Gaza ? Des informations rendues publiques la semaine dernière permettent enfin d’apporter une réponse à cette question, qui a taraudé de nombreux Israéliens depuis le 7 octobre.

 

Selon le scoop diffusé par Avi Weiss, rédacteur en chef adjoint du site The Com, ce sont les juristes du département du procureur militaire qui ont retardé l’entrée en action de l’armée de l’air le 7 octobre. “Ils ont été les premiers mobilisés”, raconte Weiss au micro de Galit ben Horin. “Une centaine de juristes du département du procureur militaire de Tsahal étaient présents à la “Kyria” – la base de l’état-major au centre de Tel-Aviv – dès 8 heures du matin, samedi 7 octobre. Comme l’a confirmé le général (retr.) Uzi Dayan, ce sont de soi-disant “problèmes juridiques” qui ont empêché l’armée de l’air d’intervenir contre les colonnes du Hamas à la frontière de Gaza. Quelques tirs de semonce et bombardements d’avions et d’hélicoptères de combat – présents dans des bases à quelques minutes de Gaza – auraient pourtant suffit à mettre en déroute les soldats du Hamas et leurs supplétifs…

 

Mais ces tirs n’ont pas eu lieu. Les commandants de l’armée de l’air attendaient le “feu vert” du procureur militaire et du conseiller juridique du gouvernement, feu vert qui n’est jamais arrivé. Pourquoi ? Un des éléments les plus stupéfiants révélés par le journaliste Avi Weiss, au micro de Galit Ben Horin, est que l’establishment judiciaire a exigé une décision officielle du gouvernement décrétant l’état de guerre, décision qui était en vérité totalement superflue, dès lors que le Premier ministre avait lui-même déclaré que le pays était en guerre dès 11 heures du matin. Mais l’armée de l’air – comme ses chefs l’avaient répété ad nauseam pendant les mois fatidiques qui ont précédé le 7 octobre – a préféré obéir aux juristes plutôt qu’au gouvernement[1].

 

Comme l’explique encore Avi Weiss, "il est probable, mais cela reste à prouver, que personne n’a mis au courant Netanyahou que les juristes interdisaient à l’aviation d’intervenir. Depuis des années, l’armée israélienne fonctionne de façon indépendante. Donc, tous les échanges avec les juristes militaires sont considérés comme internes à l’armée et confidentiels, par conséquent nul besoin de tenir les politiques au courant".

 

Ce que signifie ce scoop (qui n’a pas été relayé par les grands médias israéliens – alignés sur l’opposition actuelle et pratiquant une information très sélective –) c’est que l’armée de l’air a failli à sa mission essentielle, celle de protéger les frontières et les citoyens d’Israël, pour la raison précise qu’elle n’a pas voulu obéir au gouvernement, préférant attendre les consignes de l’establishment judiciaire… La réalité sinistre annoncée pendant les longs mois de lutte fratricide contre la réforme judiciaire – celle d’une armée refusant d’obtempérer aux ordres d’un gouvernement considéré comme illégitime – s’est finalement matérialisée le 7 octobre. Ce sont les citoyens en arme, les policiers et quelques unités d’infanterie et de blindés qui ont sauvé le pays d’une catastrophe encore plus grande, tandis que l’armée de l’air, elle, ne bougeait pas…

 

Pour conclure – provisoirement – sur ce sujet, j’ajouterai une note personnelle à l’attention des lecteurs opposés à la réforme judiciaire. Celle-ci, comme il s’avère aujourd’hui de manière tragique, est une nécessité vitale pour que notre pays puisse se défendre contre ses ennemis. L’establishment judiciaire, comme j’ai essayé de le démontrer dans cette série d’articles, a émasculé notre armée et l’a empêché de protéger notre pays. Même en acceptant l’argument discutable[2], selon lequel la réforme rendrait Israël moins démocratique, il reste à choisir entre un pays “plus démocratique” mais à la merci de ses ennemis, et un pays “moins démocratique”, mais capable de survivre. Et toi, ami lecteur, préfères-tu être “démocratique”, ou être vivant ?

P. Lurçat

 

 

 

[1] Remarquons au passage que la déclaration d’état de guerre faite par le Premier ministre est un des exemples classiques illustrant le “pouvoir performatif” du langage, c’est-à-dire la capacité d’énoncer une réalité qui s’auto-réalise dès lors qu’elle est affirmée… Mais dans la nouvelle réalité créée par l’establishment judiciaire en Israël, le pouvoir exécutif a été peu à peu privé de toutes ses prérogatives, y compris celle, cruciale, de déclarer l’état de guerre.

[2] Argument que j’ai longuement contesté dans mon livre Quelle démocratie pour Israël?

Le dernier volume de la bibliothèque sioniste, consacré à David Ben Gourion et intitulé L’Etat d’Israël et l’avenir du peuple Juif, vient de paraitre aux éditions de l’éléphant.

Le dernier volume de la bibliothèque sioniste, consacré à David Ben Gourion et intitulé L’Etat d’Israël et l’avenir du peuple Juif, vient de paraitre aux éditions de l’éléphant.

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Comment l’establishment judiciaire a rendu possible le 7 octobre (III): La Cour suprême, cheval de Troie des ennemis d’Israël ?

August 15 2024, 07:43am

Posted by Pierre Lurçat

Comment l’establishment judiciaire a rendu possible le 7 octobre (III): La Cour suprême, cheval de Troie des ennemis d’Israël ?

Un spectacle inhabituel s’est déroulé la semaine dernière devant la Cour suprême. J’avais relaté dans ces colonnes, il y a deux ans, une audience à la Cour suprême concernant un recours contre la démolition d’une maison de terroristes. J’y décrivais la machine bien huilée permettant aux familles des terroristes, défendues par des avocats payés par des ONG israéliennes, de plaider en toute quiétude devant les juges, tandis que les familles des victimes juives du terroriste arabe n’avaient aucun statut devant la Cour ! A l’époque, j’étais venu accompagner une poignée de militants de l’association Im Tirtsu, qui venaient soutenir les familles des victimes et les encourager.

 

Depuis lors, bien des choses ont changé en Israël… Et le spectacle auquel on a assisté la semaine dernière à Jérusalem en est l’illustration. Certes, la Cour suprême demeure identique à elle-même et fidèle à ses valeurs perverties (voir le second volet de cette série d’articles), qui n’ont rien à voir avec la morale juive et avec l’impératif de justice qui est au cœur de notre Tradition. Mais une chose cruciale a changé : le peuple d’Israël. Oui, notre peuple a changé, car il a pris conscience de sa force et il a décidé de dire au monde entier sa vérité, notre vérité et de crier que le Roi était nu.

 

Le peuple d’Israël – dans son immense majorité – n’accepte plus la réalité insupportable dans laquelle l’Autorité palestinienne (qui n’a jamais condamné les atrocités du 7 octobre) a le droit d’intenter un recours devant la Cour suprême d’Israël, pour améliorer les “conditions de détention” des terroristes de la Nouhba. C’est ce que sont venues dire la semaine dernière des dizaines de familles de soldats et de victimes du 7 octobre devant les juges, qui étaient médusés. Pour la première fois de leur carrière, comme l’ont fait remarquer plusieurs commentateurs, les juges de la Cour suprême étaient confrontés au peuple d’Israël ! Et la machine judiciaire bien huilée, qui rend une justice très partisane et orientée, a pour la première fois depuis des décennies, été empêchée de fonctionner, pendant la durée d’une audience.

 

Pour comprendre comment nous en sommes arrivés à cette situation kafkaïenne et à cette summa injuria, il faut retracer brièvement l’évolution de la jurisprudence de la Cour suprême. Jusqu’aux années 1980, une distinction claire était faite entre les domaines du droit et de la politique, les juges s’interdisant “d’entraîner la Cour dans un débat public et politique sur des sujets sensibles ou controversés”, selon les mots du juge Haïm Cohen dans le premier arrêt Ressler datant des années 1970. Vingt ans plus tard, dans l’arrêt Ressler de 1986, le juge Aharon Barak exposa sa conception totalitaire d’un droit omniprésent, en abolissant toute distinction entre droit et politique: “Il n’existe aucune action à laquelle le droit ne s’applique pas… Toute action peut être ‘enfermée’ dans une norme juridique… La nature de l’action en question n’a aucune incidence, qu’elle soit politique ou non[1].

 

Concrètement, l’extension du domaine d’intervention de la Cour suprême se fit en élargissant les portes du tribunal à toutes sortes d’associations (ONG) à l’agenda radical, qui étaient jadis privées de la possibilité de recourir en raison des règles strictes de la qualité à agir. Désormais, la Cour ouvre grand ses portes à n’importe quelle ONG prétendant défendre les “droits de l’homme”, dans une optique bien particulière : il s’agit toujours des droits des Palestiniens, érigés en “peuple-victime”, selon la vision du monde antisioniste que nous connaissons bien.

 

Ces ONG aux conceptions radicales sont financées par l’Union européenne, la Fondation Soros et d’autres acteurs hostiles à Israël, ce qui n’empêche pas les juges de les écouter complaisamment et de leur donner trop souvent raison. Ainsi, depuis quatre décennies, la Cour suprême est devenue un véritable cheval de Troie pour les ennemis d’Israël, qui contestent régulièrement les décisions du gouvernement, de la Knesset ou de l’armée devant “Bagatz” et obtiennent régulièrement gain de cause. Le peuple d’Israël a été ainsi privé progressivement du pouvoir de décider de son destin, au profit de ses ennemis, qui sont autorisés “légalement” à contester n’importe quelle décision. (à suivre…)

 

[1] Les deux citations sont tirées de mon livre Quelle démocratie pour Israël? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges? Editions l’éléphant 2023.

Comment l’establishment judiciaire a rendu possible le 7 octobre (III): La Cour suprême, cheval de Troie des ennemis d’Israël ?

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Démocratie ou oligarchie ? Pourquoi la réforme judiciaire doit se poursuivre, Pierre Lurçat

July 31 2023, 08:41am

Posted by Pierre Lurçat

Manifestation contre l’expulsion du Goush Katif

Manifestation contre l’expulsion du Goush Katif

« Les différends publics doivent être réglés dans le cadre des institutions existantes… Aucun Etat démocratique ne peut accepter ceux qui utilisent la rhétorique de la démocratie et des droits de l’homme, tout en agissant pour semer l’anarchie ».

 

A. Barak, Bagatz S. Malka et A. Vangrover c. Etat d’Israël, 2005)[1]

 

 

Dans un éditorial surprenant, publié vendredi dans Makor Rishon, Haggai Segal dresse un réquisitoire cinglant contre la politique du gouvernement concernant la réforme judiciaire, qu’il conclut par un appel à licencier le ministre de la Justice Yariv Levin. L’argument principal de Segal est que la tentative de faire passer la réforme coûte que coûte équivaut à rentrer dans le mur et que le prix à payer ne justifie pas de poursuivre dans cette voie. Il faut donc reléguer au placard la réforme pour se consacrer à d’autres sujets plus importants… Cet avis est partagé par d’autres commentateurs, au sein du monde sioniste religieux et également au sein du Likoud.

 

Or, en réalité, la réforme judiciaire n’est pas seulement un dossier parmi d’autres. Elle conditionne l’exercice du pouvoir par le gouvernement actuel et par la coalition élue en novembre dernier. L’expérience amère des huit derniers mois montre en effet que le vote d’une majorité d’Israéliens – la plus stable depuis cinq élections – est vide de sens, s’il ne s’accompagne pas d’un retour du pouvoir au peuple et à la Knesset, qui en ont été dépossédés depuis plusieurs décennies par un gouvernement des juges, soutenu par les médias et par l’establishment, comme je l’ai montré dans un livre récent*.

 

Plus encore, la crise actuelle démontre – si besoin était – que la justice fonctionne actuellement en Israël selon le modèle de l’ex-URSS ou de l’Ancien Régime français d’avant 1789. Elle a un double visage et utilise des normes différentes, selon que les justiciables font partie des anciennes élites (celles qui manifestent chaque semaine à Kaplan et ailleurs), ou du « petit peuple » de droite, qui a porté Nétanyahou au pouvoir. Ce « deux poids deux mesures » est particulièrement flagrant dans la manière dont la justice israélienne considère les manifestations, le blocage de route et les appels à la sédition et au refus de servir dans Tsahal. La citation en exergue du juge Barak montre comment la justice israélienne considère les manifestants appartenant au « mauvais camp » idéologique…

 

Dix-huit ans après le désastreux retrait du Goush Katif et l‘expulsion de ses habitants, les témoignages de ceux qui se sont alors opposés à cette décision fatidique affluent ces dernières semaines. Des centaines de manifestants arrêtés et incarcérés pour avoir seulement « projeté » de bloquer des routes ou pour avoir effectivement bloqué la circulation d‘axes routiers secondaires… Des jeunes filles et garçons mineurs de 14 et 15 ans emprisonnés pendant plusieurs semaines, avec l’aval de la Cour suprême (qui sait par ailleurs faire preuve de clémence envers les terroristes arabes et leurs familles… vérifiant l’adage du Talmud, « celui qui a pitié du méchant est inique envers le Juste ») Des officiers de Tsahal démis de leurs fonctions pour avoir simplement exprimé des doutes sur la justesse de l’expulsion des habitants Juifs du Goush Katif et avoir refusé de participer à cette mission pour laquelle l’armée n’était pas qualifiée….

 

Cette injustice et ce « deux poids deux mesures » flagrants montrent que le système judiciaire – et au-delà de lui, l’ensemble des pouvoirs non élus et de l’establishment israélien – fonctionnent largement selon le modèle de la justice de Sodome, ou selon celui de l’Ancien régime en France : « Selon que vous serez puissant ou misérable… » C’est cette injustice flagrante et cette inégalité intolérable, lovées au cœur des institutions israéliennes (justice, armée, université, etc.) qu’il appartient aujourd’hui au gouvernement de réparer, pour faire d’Israël une démocratie authentique, et non une oligarchie judiciaire. Il est frappant de constater que tous les groupements qui prétendent aujourd’hui imposer leur point de vue à la Knesset et au gouvernement (médecins, pilotes, universitaires, etc.) le font au nom de leur statut de privilégiés, tout en scandant le mot « démocratie », qui a été vidé de son sens authentique.

 

Le chantage intolérable (et souvent illégal, dans le cas des médecins par exemple) qu’ils prétendent exercer est une raison supplémentaire pour refuser tout compromis avec eux. En définitive, Haggai Segal se trompe. De même qu’on ne négocie pas avec des terroristes,  on ne cède pas au chantage de castes privilégiées anti-démocratiques, prêtes à mettre le pays à feu et à sang pour imposer leur point de vue. La réforme doit se poursuivre, pour mettre fin aux privilèges des castes oligarchiques et rétablir les droits de la majorité et ceux du peuple d’Israël, afin que notre pays devienne enfin une démocratie authentique et octroie des droits égaux à tous.

P. Lurçat

 

* Mon livre Quelle démocratie pour Israël ? est publié aux éditions l’éléphant, disponible sur B.o.D, Amazon, à la librairie française de Tel-Aviv et auprès de l’éditeur (editionslelephant@gmail.com)

 

[1] Ces propos du juge Barak concernaient des manifestants opposés au retrait du Goush Katif…

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Shmuel Trigano. La crise israélienne. Essai d’analyse

July 28 2023, 07:36am

Posted by Shmuel Trigano

Shmuel Trigano. La crise israélienne. Essai d’analyse

Je reproduis ici l'analyse lumineuse de la crise israélienne par Shmuel Trigano. P.L.

Comment définirait-on objectivement sous tous les cieux le fait qu’un nombre important de pilotes réservistes de l’armée de l’air déclarent qu’ils opteraient pour un statut d’objecteurs de conscience si le gouvernement légal et légitime franchissait une certaine ligne rouge, par eux définie?

Formellement, cette mise en demeure serait tenue pour l’ultimatum politique à l’adresse de l’Etat d’un corps de de l’armée de l’air. Cela s’appelle, un putsch comme on en voit toujours en Afrique noire ou en Amérique latine. L’armée ou l’une de ses composantes prend le pouvoir et dicte sa politique au gouvernement. C’est toujours le prologue d’un régime dictatorial à venir.

Une junte putschiste ?

Dans notre cas, quelle figure politique donne un visage à cette dictature potentielle car il y a toujours une incarnation du pouvoir dans une dictature? Dans le cas d’Israël, plusieurs généraux, chefs du renseignement, deux chefs d’États, tous à la retraite et n’ayant rencontré que l’échec en politique électorale, appellent explicitement depuis des semaines à renverser un pouvoir issu des élections et du parlement, mais qu’ils tiennent pour illégitime, jusqu’à envisager de « verser le sang », Même si ces personnalités n’apparaissent pas sur la scène systématiquement, même si elles ne sont pas les leaders officiels du mouvement qui secoue la société israélienne, il y a donc objectivement, formellement, une junte potentielle qui demain pourrait haranguer la foule en dictateurs. Parmi ces généraux, au bout de plusieurs mois d’agitation, émerge avec clarté la figure d’Ehud Barak, ancien chef d’Etat major et ex premier ministre.

L’objectif de ces « ex » est motivé avant tout, dans leurs dires mêmes, par une haine personnelle de Natanyahou dans laquelle ils ont entrainé le pays depuis plusieurs années. Cependant, leurs anciennes fonctions confèrent une crédibilité au jugement qu’ils portent sur la situation, soit le danger d’une dictature de la droite et de Natanyahou.

Ce qui est troublant, c’est de constater que ces personnalités appelant à la désobéissance civile n’ont encouru aucune mise en garde des autorités judiciaires et policières, avouant ainsi par les faits leur connivence avec les fauteurs de trouble. La comparaison est souvent faite avec le traitement violent d’autres manifestations du passé, comme celle qui a accompagné le retrait de Gaza, la manifestation contre la discrimination des Juifs éthiopiens, des ultra-orthodoxes… Police, justice, médias (armée ?) ont donné à entendre dans ces jours de chaos qu’ils représentaient plus la « Protestation » que l’Etat… Le seul aéroport d’Israël a pu ainsi être bloqué deux fois, les voies rapides autour de Tel Aviv plusieurs fois, etc…

Un « Quartier général » ?

Sur le plan du pouvoir intrinsèque du mouvement qui porte « La Protestation », il est apparu au fil du temps que ce qui se présentait comme le mouvement spontané de citoyens inquiets était en fait mis en œuvre par un « quartier général», composé d’associations dites de la « société civile », de personnalités,  souvent riches et influentes (dont Ehud Barak), de publicitaires, d’agents de relations publiques dont les produits (achetés par la protestation) couvrent les routes et les rues de tout Israël, sans compter les soutiens financiers considérables provenant d’ONG et de forces  politiques étrangères. Ces activistes ont fait preuve d’une grande performance dans l’organisation et la prise en mains idéologique d’une grande masse de population.

L’intervention étrangère (dans le financement de la Protestation) pose déjà question sur ses finalités : quels pouvoirs sert-elle ? Sans doute (sans rire) la « démocratie » ! Ce dernier point n’est pas risible si l’on pense à la politique commencée par Georges Bush dont le projet était d’intervenir en faveur de l’extension de la « démocratie » dans le monde[1]. Si tel était le cas (la manipulation étrangère) on aurait du mal à voir dans la « protestation » un phénomène « démocratique » authentique. Par ailleurs l’intervention de l’Etat américain dans le débat sur la Réforme judiciaire est évidente à tout le monde. Biden veut-il « occuper » Natanyahou pour qu’il ne dérange pas terme son pacte avec l’Iran nucléaire ?

Je remarque qu’il y a dans le groupe qui gère et dirige « la protestation » une tentation au passage à l’acte sur le plan de l’action, j’entends la « rébellion », la « guerre civile », sans cesse agitées comme une menace. Le groupement dénommé « Frères d’armes », parmi les leaders, porte dans son nom même tout un programme, de même la « Force Kaplan » (Koakh Kaplan) du nom de l’esplanade de Tel Aviv où la Protestation se réunit chaque semaine se donne l’aspect d’une force d’intervention au service du Q.G.

Dans cette description, il est capital de rappeler le rôle des grands médias : ils ont accrédité la « Protestation », prenant parti à son avantage, excluant du débat les représentants de la coalition au pouvoir, fait circuler les mots d’ordre des organisateurs…. L’étude du discours médiatique sera sans doute faite dans l’avenir. Ce sont ces médias qui ont dressé l’ordre du jour, la terminologie du débat (ou de son absence), et se sont posés comme le barème du jugement moral. Le fait qu’au lendemain du vote de la Loi au parlement tous les journaux aient vendu leur première page aux barons du High Tech (à quel prix !) pour publier une page entièrement noire, en signe de « deuil », est le signe éclatant que la presse écrite a renoncé à son rôle journalistique dans le débat démocratique contre espèces sonnantes et trébuchantes.

Les formes idéologiques : la Réforme comme leurre

A l’examen, ce n’est pas la réforme juridique qui est en jeu. Si elle est la cause déclarée du soulèvement, le débat à son propos est quasiment inexistant et on peut être sûr que le citoyen lambda qui manifeste contre elle ne l’a pas lue et ne sait pas pourquoi il manifeste si ce n’est pour ce qu’on lui a dit (les médias) être en jeu. Il manifeste avec la dernière énergie contre la « dictature » en puissance. Les slogans de chaque semaine montrent aussi clairement que ce n’est pas la réforme qui est en jeu. Chaque semaine un autre sujet est avancé : le High Tech, la médecine, les orthodoxes, l’éducation, la place du judaïsme…

En un mot la Réforme cache la réalité de cette opération politique, soit l’empêchement du fonctionnement du gouvernement de NatanyahouElle est un leurre qui détourne le regard de ce qui est à l’œuvre : une prise de pouvoir non démocratique, au nom de la démocratie. Le projet de réforme en plusieurs étapes fournit aussi un critère de mesure de l’intensité de l’action à programmer au fil de chaque étape. Autant d’occasions d’une montée en puissance de la protestation, de lignes rouges à ne pas franchir…

 
Au fur et à mesure des semaines les organisateurs de la protestation donnent un aperçu du démantèlement de l’Etat qu’ils sont capables de réaliser (économie, High Tech, médecine, etc).  C’est un dispositif très machiavélique qui a pour finalité d’abattre le pouvoir de l’Etat en le ficelant dans les dispositifs de la réforme, déclinée dans tous les domaines (jusqu’aux médecins !!) tout en menaçant le public d’un danger invraisemblable et pas du tout crédible pour qui vit en Israël, soit la « dictature ». L’énormité de la menace ne repose sur aucun fondement rationnel de sorte que l’observateur ne peut que rester sans voix devant cette disproportion. La manipulation plonge le public dans un état psychique de sidération.

L’idéologie de la protestation est donc marquée – propre de tout fait idéologique- par un décalage abyssal entre ses affirmations et la réalité objective, tant en ce qui concerne la portée de la réforme que le danger supposé encouru. J’ai une scène en mémoire : le tonnerre d’applaudissements qui a suivi la présentation par les pilotes de leur pétition dans un auditorium: ils applaudissent à la défaite militaire  programmée de leur pays à laquelle leurs familles et eux-mêmes n’échapperont pas! 

La panique et la masse

La vraie question sociologique qui est posée est donc moins celle de la manipulation idéologique, dont les structures et processus nous sont clairs, que celle de la panique qu’elle a déclenchée et de la foule qu’elle a réunie, une foule où l’on vient en famille, où se mêlent des enfants, une foule angoissée par le « récit » (le story telling fabriqué par le QG) radical qu’on lui a servi. Qu’est-ce qui, dans la société israélienne, a fait qu’un terrain soit favorable à cette manipulation ? Il y a des traits de la psychologie des masses qui entrent en compte mais plus vraisemblablement le rapport à soi des individus de « l’Etat de Tel Aviv », comme peuple et cadre de socialité.  On opposait, autrefois dans le débat sur le postsionisme, deux versions d’Israël : l’Etat de Tel Aviv et l’Etat de Jérusalem. Ce sont les fondements l’Etat qui sont en jeu. On a pu voir ainsi se manifester dans les parages de la manifestation des formes stupéfiantes de haine des Juifs, de ceux qui portent les signes de leur mode de vie, stupéfiante, sous la mer de drapeaux d’Israël massivement agités.

Je n’écarte pas de cet état de faits l’impact de 5 ans de crises gouvernementales scandés par les procès de Natanyahou, qui ont constitué au niveau de toute une société un véritable rituel quotidien du bouc émissaire. Aujourd’hui ces procès pour corruption, mis en scène chaque soir par les télévisions, s’effondrent un par un, révélant la responsabilité écrasante des autorités judiciaires et policières qui ont instruit le dossier. Les promoteurs de la Protestation ont su sans doute les provoquer de longue date et les entretenir au fil de plusieurs années en préparation du moment présent comme le donne à entendre Ehud Barak dans une récente révélation (où un général lui prédisait qu’après son échec électoral on viendrait un jour le chercher (pour sauver Israël), quand le Yarkon charrierait des corps de Juifs » !

Nous connaissons cette stratégie en France que je nommerais le « coup Le Pen », une stratégie inventée par Mitterrand pour garder le pouvoir à une gauche déclinante. Elle consiste à écarter un vote prévisible à droite en enfermant l’électorat dans un choix forcé : « ou vous votez pour moi, ou vous aurez le fascisme ». Cette stratégie a pulvérisé le système politique français, entrainant un véritable chaos partisan. Le président français actuel n’est au pouvoir que parce qu’il a réitéré ce bluff : au pouvoir, sans majorité avec, au parlement, une extrême gauche postmoderniste, elle-même issue de la décomposition du socialisme. Le « coup Le Pen « en Israël s’est donné plus qu’un « Le Pen » : à Natanyahou il a rajouté deux autres épouvantails, les députés Ben Gvir et Smotrich, agitant leur spectre jusqu’aux États Unis, une opération qui permet d’annuler les résultats des élections et la « respectabilité » de la coalition dont ces députés sont membres, et donc d’entraver l’action du gouvernement. Il n’y aura ainsi peut-être pas de garde nationale que promouvait Ben Gvir pour rétablir l’autorité de l’Etat dans le territoire israélien, que ce soit dans le Negev avec le « far west » de la population bédouine, en Galilée avec la criminalité inter-arabe et l’expansion de la mafia et du système de la « protection », à Jérusalem et en Judée Samarie avec les attentats islamistes. La police et l’armée s’avèrent jusqu’à ce jour incapables de contenir et corriger cette décomposition. J’oubliais la menace d’un « Front intérieur », c’est à dire d’une révolte arabe en temps de guerre avec Gaza ou avec le Hezbollah. C’est de cette situation qu’a hérité la coalition de droite au pouvoir et que « la protestation » veut entretenir objectivement.  Il faudrait d’ailleurs impliquer dans cette analyse le rôle qu’a joué la Cour suprême dans les limites qu’elle a imposé au pouvoir exécutif dans sa capacité de pouvoir s’affronter comme il faut à une situation de désagrégation de l’Etat et de la sécurité collective. Quelle compétence a la Cour suprême pour intervenir dans le domaine régalien et la stratégie du gouvernement élu ?

La base sociale

Il est évident que la base sociale de la Protestation rassemble une bonne partie des élites socio-économiques et politiques. C’est la manifestation des « gens bien ».  Leurs représentants viennent faire leur tour de piste successivement : les milliardaires du High Tech qui menacent de retirer leur capital des banques israéliennes, les médecins qui annulent les rendez-vous médicaux des quidam mais pas leurs heures de réception prohibitives dans le « privé », les dirigeants de grands réseaux de distribution qui décident de fermer les grands centres commerciaux (comme le réseau Big, obligeant leurs employés au chômage), les directeurs de banque, sans oublier les Universités, les Officiers de l’armée de l’air… L’underdog israélien est absent dans cette foule obnubilée par un danger qu’elle croit imminent. Lui, il va au travail, à l’École et il comprend que son vote (64 députés sur 120) ne sert à rien s’il n’est pas mis en tutelle par ceux qui se recommandent de la gauche ( ?!). Son accession au pouvoir est présentée comme le triomphe de l’obscurantisme, de l’oppression, de l’archaïsme: le contraire de la « démocratie ». Ses journalistes, ses députés, ses citoyens sont malmenés quoiqu’ils fassent. Mais, pour l’instant, pas de rébellion, ils assistent stupéfaits à ce délire collectif que rien de rationnel ne justifie et dans la majeure partie témoignent de beaucoup de circonspection. La droite n’a organisé à ce jour que deux grandes manifestations. Sans doute a joué la conscience du peuple juif dans lequel ils comptent naturellement ceux qui aujourd’hui les stigmatisent et cherchent à annuler leur vote en les délégitimant dans leur condition même. Il y aurait encore beaucoup à dire sur une autre ligne de conflits sociaux dans la société israélienne, notamment en rapport avec la branche sépharade du peuple juif, un conflit non pas ethnique mais opposant deux visions civilisationnelles de ce que doit promettre l’accès à la condition souveraine du peuple juif. 

Avant et après

Quelle que soit la suite des événements, rien ne sera plus comme avant : le statut du pouvoir exécutif et donc du Parlement d’où il est issu a été ébranlé. Demain, n’importe quel groupe ou formation sociale voudra poser ses conditions à l’Etat en le menaçant. Le système mafieux de la « protection » qui fait actuellement des ravages en Israël notamment en Galilée et dans le Néguev gagnerait le système politique. Le verdict des urnes aura perdu toute respectabilité. C’est aussi l’armée dans son institution qui a été ébranlée avec la fronde des objecteurs. Deviendra-t-elle un pôle qui échappera à la volonté de l’Etat et deviendra un acteur politique?  L’Israël des colonels ?… C’est toute une partie des citoyens, les électeurs de la droite, qui risquent aussi de penser qu’ils ne sont pas égaux et ne sont pas des citoyens respectables. C’est leur vote majoritaire que la Protestation a voulu effacer et mettre en résidence surveillée. Le principe de majorité cèderait la place à des gouvernements d’« union nationale » obligeant la droite élue au partage de pouvoirs avec une gauche minoritaire qui ne serait ainsi jamais en minorité.

Le premier choc de la post-démocratie postmoderniste

Une autre dimension est à l’œuvre dans la crise israélienne: on y sent l’influence de la nouvelle idéologie dominante[2] qui décide aujourd’hui de l’ordre du jour dans tous les régimes démocratiques de l’Occident. Cette idéologie, le post modernisme, est née dans les milieux intellectuels français du marxisme finissant dans les années 1950-1970,  puis elle s’est développée dans les campus américains pour revenir ensuite inonder tous les pays démocratiques. Elle porte une nouvelle utopie de grande envergure, inquiétante quant à ses conséquences (voire toutes les idéologies secondaires et non « démocratiques » qu’elle a suscitées : Woke, décolonialisme, islamo-gauchisme…).

Cette idéologie, outre ses nombreuses répercussions, promeut un régime politique qu’on peut définir comme la post-démocratie.  Le « post » de la démocratie est significatif : ça ressemble à la démocratie mais ce n’est pas de la démocratie… A l’énumération de ses caractéristiques on mesurera à quel point l’emprise de cette idéologie explique la crise israélienne. Quels sont ses traits principaux ?

Son projet général est le démantèlement de la modernité dans tous ses aspects : la « déconstruction » de toutes ses instances (d’où le « post »), et avant tout de la nation qui fut le cadre même du régime démocratique. En l’occurrence, les appels à l’étranger (Etats-Unis comme Europe) contre le gouvernement national, dans le domaine politique comme économique, le démantèlement de l’armée avec la déclaration des pilotes alors qu’Israël est en temps de guerre larvée, la déclaration symptomatique d’un des chefs du mouvement (« le problème du Hezbollah n’est pas le mien mais celui de Natanyahou ») comme celle  du général (!) Yair Golan déclarant que le Hezbollah et le Hamas n’étaient pas les vrais ennemis d’Israël, soit le déni du destin national commun : autant de discours on ne peut plus explicites.

La post-démocratie oppose les minorités à la majorité, les droits de l’Homme aux droits du citoyen, la « différence » à l’égalité. C’est bien ce qui se passe dans notre cas : la Protestation  dénie la légitimité de la majorité qui a porté au pouvoir la coalition. Elle revendique de rester au pouvoir avec cette dernière qui aurait ainsi besoin du consentement de la minorité pour gouverner. C’est au nom de sa « différence » et pas de l’égalité démocratique qu’elle exige cela malgré son « échec aux élections. En essentialisant la démocratie elle se dit incarner celle-ci bien que minoritaire. Il n’y a ainsi plus de citoyens, mais des minorités qui doivent trouver un accord entre elles, certaines ayant plus de droits que d’autres. La démocratie n’est donc plus « représentative » mais participative. Son essence est censée l’emporter sur la procédure et les règles. Ainsi une force politique pourrait incarner « La démocratie » tout en se dispensant du processus démocratique. On voit alors apparaitre de nouveaux acteurs que qui contestent la souveraineté de l’Etat démocratique : les ONG, libres d’intervenir contre l’Etat par le biais du pouvoir judiciaire (la Cour suprême), fussent-elles manipulées par les États étrangers ou des groupes d’intérêt. Cette nouvelle donne s’accompagne du court-circuitage du pouvoir de l’Etat et du parlement. Dans l’ère de la globalisation, le cadre national étatique s’efface dans une supposée « communauté internationale ». Le parlement et l’exécutif s’efface devant le pouvoir judiciaire appelé à forger les nouvelles normes dans  la condition humaine elle-même (cf. le « transhumanisme »). Dans la démocratie, la loi vient du peuple et le pouvoir judiciaire l’applique, dans la post-démocratie le pouvoir judiciaire décide en dernier recours de la Loi. Une sorte de « théocratie judiciaire » se crée, dans laquelle les décisions des juges comme la loi semblent descendre du ciel et s’imposer au parlement ; Dans le cas israélien le « principe de raisonnabilité qui vient d’être annulé autorisait le juge à décider en fonction de ce qu’il estime « raisonnable » et non d’une loi ou du droit.

La dimension juive

C’est la seule dimension que je ne traiterai pas dans ce cadre. Je dirais que, sur un plan global, nous assistons à une régression à l’ethos du 19 ème siècle, d’avant le sionisme, une condition juive engloutie dans la Shoah et à laquelle le sionisme politique avait ouvert une voie de salut (qui s’avère aujourd’hui limitée dans le temps). Un nouveau projet existentiel pour le peuple juif dans son pays et son Etat s’impose qui clarifiera la nature et la finalité de la communauté politique étatique et nationale israélienne, et notamment le statut du judaïsme.

Demain se verront sans doute mis en question par la protestation deux autres secteurs de population : le secteur religieux et ultra-orthodoxe (à propos de la conscription de cette population) puis plus tard les Israéliens de Judée Samarie (à travers la question de la prise en charge de leur défense par Tsahal).

Mais le chaos constitutionnel n’est pas clos. Dès le lendemain du vote de la loi sur la raisonnabilité, par le Parlement sept associations de la supposée « société civile », en fait les organisateurs de la protestation, ont présenté devant la Cour suprême des pétitions demandant l’annulation de la loi votée par le Parlement pour in-constitutionalité. La conseillère juridique du gouvernement vient aussi relancer la question de l’empêchement de Natanyahou à exercer pleinement ses fonctions du fait des procès en cours qui le concernent… Le clash du pouvoir exécutif et judiciaire est déjà programmé.

© Shmuel Trigano

Shmuel Trigano est Professeur émérite des Universités


Notes

[1] Les « printemps arabes » en furent la marque (notamment la chute de Moubarack en Egypte, pourtant allié des Américains «; voir sue ces questions l’article de Lee Smith dans la revue Tablet (https://www.tabletmag.com/contributors/lee-smith)

[2] Cf. Shmuel Trigano, La nouvelle idéologie dominante, le post modernisme (Hermann Philosophie, 2012).  Prix 2013 des Impertinents du Figaro. Traduction hébraïque (ed. Carmel).

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Après l’adoption de la loi restreignant le critère de raisonnabilité : Une première victoire sur le chemin du second Ma’apah

July 25 2023, 09:58am

Posted by Pierre Lurçat

Herzl Makov devant le portrait de Jabotinsky (photo P.Lurçat/Israël Magazine)

Herzl Makov devant le portrait de Jabotinsky (photo P.Lurçat/Israël Magazine)

Dans une interview passionnante qui paraîtra dans la prochaine livraison d’Israël Magazine, Herzl Makov, qui dirige le centre Begin à Jérusalem et connaît de près tous les dirigeants actuels et passés de la droite israélienne – de Menahem Begin à Binyamin Nétanyahou – m’a raconté comment il menait depuis toujours le même combat, en tant que lycéen membre du Betar, puis en tant que pilote de l’armée de l’air, et aujourd’hui au centre Begin : le combat pour la « toda’a », c’est-à-dire pour la conscience et le récit des événements, ce qu’on appelle aujourd’hui le « narratif ».

 

Depuis 1948 et avant même, en effet, c’est la gauche qui a imposé son propre narratif, que ce soit concernant l’histoire d’Israël et du mouvement sioniste (« Le narratif sioniste dominant a mis en avant la Deuxième Alyah, en effaçant tout ce qui avait précédé… », explique Makov), ou concernant l’histoire politique du pays. Le centre Begin a ainsi exhumé récemment une photo de Pawel Frankel, dirigeant mythique de l’insurrection juive dans le ghetto de Varsovie[1]. Un article retraçant cette découverte historique a été refusé par toutes les revues d’histoire spécialisées en Israël ! Et jusqu’à récemment encore, Yad Vashem pratiquait également une vision sélective de l’histoire, en minimisant le rôle du mouvement sioniste révisionniste dans la résistance juive. Et les exemples sont légion…

 

*

 

 

Paradoxalement, malgré le « Ma’apah » – l’arrivée au pouvoir de Menahem Begin en 1977 – les choses n’ont pas fondamentalement changé. Il suffit d’écouter les médias israéliens « mainstream » (Galei Tsahal ou les chaînes de TV 11, 12 et 13) pour s’en rendre compte. Depuis l’arrivée au pouvoir du dernier gouvernement Nétanyahou, ils imposent leur narratif et leur vocabulaire, en parlant de « changement de régime » ou de « révolution judiciaire » pour désigner l’actuelle réforme, dont certains éléments essentiels (comme la restriction du critère de raisonnabilité) ont pourtant été soutenus par des membres de l’actuelle opposition (qui s’en cachent bien aujourd’hui).

 

C’est pourquoi le vote hier, à une majorité écrasante, de l’amendement à la Loi fondamentale sur le système judiciaire, est une victoire importante. En restreignant l’usage abusif du critère de raisonnabilité, qui permettait aux juges et à la Cour suprême en particulier d’annuler n’importe quelle décision publique, aux motifs qu’elle ne serait pas « raisonnable », de manière arbitraire et sans aucun fondement légal, la Knesset va rendre au pouvoir élu un peu du pouvoir qui lui a été confisqué par la Cour suprême, depuis la Révolution constitutionnelle du juge Aharon Barak en 1992.

 

L’enjeu de cette décision dépasse de loin le cadre strictement légal et judiciaire. Il s’agit en fait, comme je l’ai décrit dans mon livre Quelle démocratie pour Israël ?*, de permettre au gouvernement et aux élus du peuple d’appliquer la politique pour laquelle ils ont reçu mandat du peuple. Cet enjeu est d’autant plus crucial que le « gouvernement des juges », tel qu’il existe aujourd’hui en Israël s’exerce toujours dans un sens hostile au pouvoir de la droite, majoritaire dans l’opinion et dans les urnes, mais minoritaire au sein des élites non élues. Ces dernières, qui représentent grosso modo la minorité ashkénaze laïque de gauche[2], n’en finissent pas de s’accrocher à un pouvoir qu’elles ont perdu depuis longtemps dans les urnes.

 

Il s’agit ainsi en fait, aujourd’hui comme hier, de parachever le premier Ma’apah survenu en 1977, par lequel la droite est arrivée au pouvoir, pouvoir qui lui a été très vite confisqué par les vieilles élites de gauche (et ce n’est évidemment pas un hasard si la montée en puissance du « gouvernement des juges » a suivi de près l’accession au pouvoir de la droite israélienne, après 30 ans d’hégémonie du Mapaï). C’est ce second Ma’apah qui commence aujourd’hui. C’est une première victoire, mais la bataille ne fait que commencer.

 

P. Lurçat

 

* Mon livre Quelle démocratie pour Israël ? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ? éditions l’éléphant 2023, est en vente sur Amazon, B.o.D et à la librairie du Foyer à Tel-Aviv.

 

 

 

[2] Ceux que le sociologue Baruch Kimmerling avait qualifiés d’Ahousalim (אשכנזי, חילוני, ותיק, סוציאליסט, לאומי- ציוני), dans son livre The End of Ashkenazi Hegemony, paru en 2001.

 

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Pourquoi faut-il restreindre l'utilisation du critère de « raisonnabilité »? P. Lurçat

July 11 2023, 08:03am

Posted by Pierre Lurçat

Pourquoi faut-il restreindre l'utilisation du critère de « raisonnabilité »? P. Lurçat

 

Une fois de plus, des milliers d’Israéliens manifestent dans les rues, bloquent les autoroutes et l’aéroport et crient à la « Dictature ». Savent-ils seulement pourquoi ? Dans les lignes qui suivent, j’explique comment le critère de « raisonnabilité » a été élargi depuis 1992 et permet aujourd’hui à la Cour suprême d’annuler n’importe quelle loi ou décision gouvernementale ou administrative. C’est cette situation que la loi adoptée hier par la Knesset entend réformer pour revenir au statu quo ante et à une véritable séparation des pouvoirs.

La loi adoptée hier par la Knesset consiste à restreindre le critère de « raisonnabilité » (Ilat ha-svirout). Observons d’emblée que ce critère n’a pas été inventé par le juge Aharon Barak, et qu’il existait avant 1992. Dans le common law (droit des États-Unis et du Royaume-Uni), le critère de raisonnabilité (« the reasonable person standard ») peut se résumer de la façon suivante : il désigne un acte approprié, ou une personne qui agit de façon rationnelle, habituelle et ordinaire en fonction de circonstances précises.

Mais c’est la manière dont ce critère est utilisé par la Cour suprême qui a grandement évolué depuis lors. Comme le rappelle l’ancien ministre de la Justice Daniel Friedmann, avant la Révolution constitutionnelle, la Cour suprême utilisait le critère de raisonnabilité pour intervenir dans des domaines très étroits, notamment en matière d’arrêtés municipaux ou de réglementation d’application de la loi.

            Ainsi, en 1959, la Cour suprême invalida une ordonnance prise en 1952 concernant les compagnies de services portuaires, en jugeant que « la question du caractère raisonnable est un aspect de l’excès de pouvoir et, par conséquent, il peut et devrait y avoir un parallèle étroit dans la manière dont l’examen judiciaire de tous les types de législation déléguée est possible ». Cette décision illustre de manière frappante la différence entre la conception du rôle de la Cour suprême dans la période dite « classique » (jusqu’aux années 1980) et dans sa période activiste. En 1959, le critère de « raisonnabilité » n’était utilisé que pour sanctionner un excès de pouvoir, conformément à la théorie de l’excès de pouvoir qui est un fondement classique du contrôle de la légalité des actes administratifs, en France comme en Israël.

            Aharon Barak, de son côté, a élargi sans aucune limite l’application du critère de raisonnabilité, en le transformant en moyen de contrôle par la Cour suprême de n’importe quel acte ou décision de l’administration, mais aussi du gouvernement et des ministres, de l’armée, etc. Cet élargissement disproportionné est non seulement contraire à la conception classique du contrôle des actes administratifs, mais il est aussi contraire au principe de séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, le critère de raisonnabilité permet ainsi à la Cour suprême de remettre en question n’importe quel acte ou décision de n’importe quelle personne physique ou morale, à tous les échelons, en disant ce qui est « raisonnable » et ce qui ne l’est pas.

 

            Parmi les nombreuses critiques qui ont été formulées contre cet élargissement du critère de raisonnabilité, citons celle du juge Asher Grunis, qui est devenu par la suite le dixième président de la Cour suprême : « L’expertise du tribunal concerne les questions de compétence et de vices de procédure… Par contre, le tribunal n’a aucun avantage ou expertise supplémentaire sur le sujet du caractère raisonnable ». Cette appréciation, formulée dans le jugement sur le recours formé contre la nomination de Haïm Ramon au poste de vice-Premier ministre en 2007, met l’accent sur un élément important de l’extension du domaine du justiciable concomitant à l’élargissement de l’emploi du critère de raisonnabilité.

            C’est cette situation inédite et sans équivalent dans aucun pays du monde que la réforme vient rectifier, en ramenant l’utilisation du critère de raisonnabilité à des dimensions plus… raisonnables. En annulant (ou en restreignant drastiquement) le recours au critère de raisonnabilité, la réforme judiciaire entend mettre fin non seulement à la compétence exorbitante et au droit de regard que la Cour suprême s’est arrogés sur l’ensemble des décisions et actes publics ou privés, mais aussi à l’incertitude juridique que le recours constant au critère de raisonnabilité, devenu entièrement subjectif, a introduite dans le droit israélien.

P. Lurçat

(Extrait de mon livre Quelle démocratie pour Israël ? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ? Editions l’éléphant 2023. En vente sur Amazon, B.o.D et à la librairie du Foyer à Tel-Aviv)

 

Pourquoi faut-il restreindre l'utilisation du critère de « raisonnabilité »? P. Lurçat

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Shmuel Trigano. Du coup d’Etat au coup monté, cette fois-ci, on est fixé !

June 7 2023, 13:38pm

Posted by Shmuel Trigano

Shmuel Trigano. Du coup d’Etat au coup monté, cette fois-ci, on est fixé !

J’avais remarqué dans quelques textes[1] sur la crise israélienne qu’il restait un pan obscur, rebelle aux explications rationnelles et sociologiques qu’on pouvait en donner. Le symptôme le plus fort était le côté délirant et abusif du discours qui accompagnait et accompagne toujours la “protestation”. Je pense notamment à l’évocation aberrante d’une menace de “dictature” qui planerait sur la “démocratie israélienne”. Je pense aussi à l’incitation à la guerre civile par des généraux à la retraite. 

Comme je ne trouvais pas dans les faits de réalités confirmant cette “menace”, je l’avais attribuée à un état de la psychologie collective. De récents faits nouveaux m’obligent à plus de précision, et à tenir compte également des erreurs politiques de certains membres de la coalition au pouvoir, notamment le caractère intempestif et massif de la proposition de loi sur la Réforme judiciaire, ou les expressions maladroites de députés de partis religieux, autant de dérapages qui ont nourri dans des esprits peu au faite des choses, la crainte de “la dictature” ! 

Un autre trait ne laissait pas d’inquiéter : l’absence d’un leadership responsable et reconnu comme tel, dirigeant et guidant la “protestation” au point de lui intimer un but, un ordre du jour, une modération si besoin était. Au contraire, on a pu avoir l’impression que les leaders improvisés qui haranguaient épisodiquement les foules étaient à la traîne des mots d’ordre émanant de la “protestation” (désormais la dénomination journalistique de ce mouvement), comme si celle-ci avait été un mouvement spontané surgi de la masse des citoyens, ce qui devait authentifier la crédibilité de ses demandes. Ces leaders se livrèrent au contraire à une surenchère de la radicalité, appelant à la guerre civile, à la rébellion, à la lutte armée…

Et pourtant au fur et à mesure de la répétition de la manifestation du samedi soir, il apparaissait que son déploiement n’était pas erratique mais construit et programmatique, organisé de main de maitre

Et pourtant au fur et à mesure de la répétition de la manifestation du samedi soir, il apparaissait que son déploiement n’était pas erratique mais construit et programmatique, organisé de main de maitre pour gérer de telles foules sur un long terme. De même, les happenings qui au fur et à mesure remplaçaient les slogans usés ne pouvaient pas avoir été improvisés. Qui donc les concevait et les promouvait ?

On commença à chercher le pourquoi du comment. Qui donc avait construit un tel scénario ? De même, manifestement des sommes d’argent très importantes nourrissaient ces manifestations. Qui avait payé pour cette masse de drapeaux, brandis comme pour cacher le véritable enjeu, antidémocratique et antinational de la protestation ? Qui a payé, paie, actuellement même, la campagne d’affichage municipal gigantesque qui couvre les rues des villes et des autoroutes, accusant la coalition des pires actes et désignant à la vindicte publique des députés et des ministres représentés comme des brigands ?  Derrière cette campagne, combien de cabinets publicitaires ont-ils été enrôlés ? Qui paie ? Qui décide des mots d’ordre ? 

On a évoqué le financement américain. Un article fort éclairant paru dans le magazine juif américain Tablet apporta des preuves d’un financement américain au sommet. On a évoqué aussi le milliardaire Soros, les habituelles ONG des “droits de l’homme”… C’est bien ce ce que donnaient à comprendre les slogans de la “protestation” en appelant à l’intervention de puissances occidentales pour sauver les Israéliens du fascisme. 

En un mot, tout nous disait qu’il y avait une direction à ce mouvement, dotée d’un budget considérable, et d’un projet politique, qui n’était pas apparente et qui construisait de toutes pièces un “mouvement” social, une manipulation idéologique des masses, en les inscrivant dans une série de happenings destinés à nourrir le théâtre de semaine en semaine : d’abord les HighTéchistes, puis les banquiers, puis les agences de notation, puis les réservistes, puis les pilotes, puis les religieux, puis les députés du Likoud et que sais-je encore, chaque jour une scène de théâtre nouvelle s’est ouverte dans un scénario qui devait montrer le démembrement pièce à pièce de l’Etat, du peuple juif, du sionisme, avec des appels de pied lancés à l’ennemi par ci par là, et l’appel au secours des Etats-Unis et de l’Europe.

Il ne faut pas négliger une pièce capitale de ce système de manipulation des foules : la complicité totale des médias qui mirent en forme le leurre de l’enjeu qui serait la réforme judiciaire  reconstruite dans le langage journalistique comme “coup d’Etat de régime” (en hébreu “hafikha mishtarite”), “renversement de régime”.

Aujourd’hui, nous savons désormais quelle est la source de ce grand théâtre aux scènes multiples

Aujourd’hui, nous savons désormais quelle est la source de ce grand théâtre aux scènes multiples. C’est un de ses fondateurs et principaux animateurs, un avocat connu, Gilead Scher, un proche d’Ehud Barak  qui en a révélé l’origine dans le podcast d’Amir Oren[2]. C’est autour de lui que la première réunion des instigateurs de la “protestation” [3] a eu lieu, deux semaines donc avant la formation du gouvernement sorti des urnes, C’est-à-dire trois semaines avant la proposition de loi sur la Réforme judiciaire présentée par le nouveau ministre de la justice Yariv Levin. La “protestation” était donc en marche avant même que la proposition de loi n’en ait été formulée ! 

Selon les dires de Gilead Scher, les sondages privés montraient que Natanyahou serait élu. Il fallait, pour ce groupe, se préparer à faire obstacle à cette élection qui n’annoncerait rien de bon sinon l’avènement d’un « gouvernement de l’”obscurité”. Il fallait réunir des forces et lever des fonds importants. Ce soir, le mardi 6 juin où j’écris ces lignes, nous apprenons qu’il y a un million cent mille shekels à dépenser. Ces personnalités sont, semble-t-il, proches du milieu du général à la retraite Ehud Barak dont les discours violents et radicaux, l’appel à la guerre civile ont été remarqués.

La manipulation de l’opinion visait à cacher sous le voile vertueux de la démocratie en danger un refus de reconnaître le verdict des urnes

Du calendrier de ce groupe de personnalités, il découle donc que le principe même de ce que l’on appela plus tard sous une forme trompeuse “la protestation” a précédé l’objet déclaré de cette dernière, à savoir: le danger de dictature et de totalitarisme que ferait peser sur Israël la réforme judiciaire projetée. La critique de cette dernière était donc un leurre pour tromper la galerie, agiter la foule sur la base de dangers autant irréels que terrifiants, accrédités par certains hommes politiques, des généraux, des gens d’autorité, de surcroît à la retraite, qui devaient donner le change et affoler les Israéliens moyens.

La manipulation de l’opinion visait à cacher sous le voile vertueux de la démocratie en danger un refus de reconnaître le verdict des urnes et le projet de mettre hors-jeu le Parlement démocratique et d’empêcher le pouvoir légalement élu de prendre en mains les affaires. La réunion de la coalition au pouvoir et de l’opposition chez le président de l’Etat, en vue d’un compromis, illustre clairement ce contournement du parlement et de la majorité des électeurs. Il prenait en otage le gouvernement nouvellement élu en agitant la rue et en l’accusant de fascisme et de totalitarisme…

A quelles fins ultimes ? Si je me réfère à l’histoire de l’élite de pouvoir israélienne, le but est toujours le même depuis Ben Gourion et le pouvoir travailliste des origines : récuser et délégitimer la droite israélienne et marginaliser le poids des électeurs d’origine sépharade, majoritaires, “soupçonnés” d’être à droite et proches du traditionalisme religieux, tenir à distance les secteurs religieux, et surtout conserver leur influence à toutes les élites qui se sont relayées au pouvoir depuis l’Etat travailliste, alors que ces élites ne représentent plus la majorité électorale, le tout enveloppé dans un emballage distingué et “démocratique”, quitte à se mettre sous la tutelle (imaginaire) d’un Occident imaginaire, mâtiné aujourd’hui de post-modernisme. 

Le vecteur de cette évolution a bien été la chasse à l’homme de plusieurs années menée contre Natanyahou, à l’occasion de multiples procès taillés sur mesure contre lui et qui plus ils avancent, plus ils dévoilent leurs irrégularités, leurs mensonges, le dévoiement du droit, de la police, du pouvoir judiciaire : un procès dont les médias ont fait une histoire à épisode, diffuse chaque soir depuis des années comme un feuilleton sur les écrans de télévision, montrant la collusion du pouvoir judiciaire et de police. C’est l’origine de la haine gratuite qui a rongé du dedans le peuple israélien, des hommes politiques jaloux de Natanyahou et qui a vu le pouvoir judiciaire prendre en otage le système politique au fil d’une élection presque tous les ans.

Il ne leur reste plus qu’à se joindre au BDS palestinien

Quel peut être l’avenir de ce mouvement qui est, semble-t-il, à bout de souffle ? Sa seule action aujourd’hui est la violence, battre, invectiver des passants orthodoxes dans la rue, harceler les députés de la coalition au pouvoir, dégrader toute cérémonie publique, travailler contre Israël à l’étranger. Il ne leur reste plus qu’à se joindre au BDS palestinien. 

Les spécialistes de sécurité sont inquiets : risque-t-on le meurtre de personnalités ? Il y a une telle violence et un tel délire ! On voit apparaître sur la scène une catégorie d’Israéliens inconnus auparavant qui sont les vrais animateurs de la guerre civile : Crime Minister, Akhim la neshek ! ( “Frères d’armes” en français : tout un programme). Pour les avoir vus à la TV, je dirais même qu’ils ont l’air inquiétant. Ils portent le rictus du nihilisme. On sent les anarchistes, les Black Blocks[4], une mouvance qu’on n‘a pas encore vraiment vue en Israël alors qu’on la retrouve dans plusieurs pays européens où ils ne se manifestent que pour détruire, pleins d’un ressentiment social violent. Israël semble ne pas échapper à un tel phénomène…
Le peuple juif se tient à un carrefour de son destin. La majorité silencieuse doit se ressaisir. Et il n’y a aucune fatalité !  

© Shmuel Trigano

Shmuel Trigano est Professeur émérite des Universités


Notes

[1] Quatre articles parus sur Tribune juive et que l’on trouve aussi sur Menora.fr

“La crise israélienne” (30 janvier) “Que se passe-t-il en Israël ? Un putsch “démocratique” ?  (1er Février), https://www.tribunejuive.info/2023/01/28/shmuel-trigano-que-se-passe-t-il-en-israel-un-putsch-democratique/

“Les israélites israéliens…” (13 février) “Démocratie ou théocratie judicaire ?” (16 février)https://www.tribunejuive.info/2023/02/14/shmuel-trigano-democratie-ou-theocratie-judiciaire/

[2] Afarkasete Amir Oren avec Gilad Scher, le 28 mai à 11h 35

https://rotter.net/forum/scoops1/797464.shtml

[3] Tout d’abord Guilead Scher, Yossi Kutshik, Dany Halouts,le milliardaire  Orni Petroushka. Puis deux semaines après Edna Zilber, Shikma Bresler, Ilan  Shiloakh  Amos Malka, Yehuda Adar pour la logistique qui nomma Eran Schwartz pour la mise en pratique (directeur du “QG de la lutte”), Eyal Navé ,en charge ( !) de la protestation des réservistes), Mital Levi Tal ( QG du HighTech)

[4] Le terme désigne un mouvement radical et violent né à Berlin dans les années 1980 dans les milieux anarchistes et autonomistes. De noir vêtus et cagoulés, ils se confrontant à la police lors de manifestations publiques.

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Face aux ONG – cheval de Troie de pays étrangers :Pourquoi la réforme judiciaire est-elle essentielle pour rétablir la souveraineté israélienne ?

May 31 2023, 07:14am

Posted by Pierre Lurçat

Face aux ONG – cheval de Troie de pays étrangers :Pourquoi la réforme judiciaire est-elle essentielle pour rétablir la souveraineté israélienne ?

 

La reculade du gouvernement israélien sur la loi pour lutter contre les ONG étrangères antisionistes met sur le devant de la scène la question cruciale de la souveraineté de l’Etat d’Israël, face aux menées subversives de l’Union européenne, des Etats-Unis et d’autres acteurs menant une politique hostile à Israël, par le biais d’un bataillon d’ONG qu’ils financent. Or cette question est étroitement liée à celle de la réforme judiciaire et de la Cour suprême.

 

C’est en effet cette dernière qui, en ouvrant ses portes aux ONG antisionistes dans les années 1990, a permis à celles-ci de devenir un véritable Cheval de Troie et un acteur hostile au sein même de la société et de la vie publique israéliennes. Dans les lignes suivantes, extraites de mon livre Quelle démocratie pour Israël ?, j’explique comment est apparu le “contentieux anti-israélien” devant la Cour suprême, de manière concomitante à l’extension de son domaine de compétence :

 

« Nous allons illustrer par quelques exemples cette extension du domaine de compétence de la Cour suprême théorisée et mise en œuvre par le juge Barak. Dès lors que la distinction entre domaine justiciable et domaine non justiciable et que la séparation entre droit et politique ont été abolies, la Cour suprême est intervenue de manière grandissante dans quasiment tous les domaines de la vie publique : État et religion, éducation, politique étrangère et sécurité, nominations de haut-fonctionnaires et de ministres, etc. On aurait peine à trouver un seul domaine dans lequel elle n’intervient pas aujourd’hui.

En ouvrant largement ses portes à des acteurs hostiles à Israël et à des ONG souvent financées par des pays étrangers – promouvant un agenda « progressiste » et antisioniste plus ou moins radical – la Cour suprême a permis l’émergence d’un « contentieux anti-israélien », qui représente aujourd’hui une part importante de son activité.

A titre d’exemples de ce contentieux, citons notamment les recours formés régulièrement contre les décisions de l’échelon sécuritaire et militaire en matière de lutte contre le terrorisme, telles que les destructions des maisons des terroristes (mesure qui remonte en fait à la période de Mandat britannique), les « assassinats ciblés » de chefs terroristes, les procédures militaires telles que la « procédure du voisin » et d’autres décisions prises par Tsahal, y compris en temps de guerre[1].

Des ONG telles que B’Tselem, Adalah ou le « Comité contre la destruction de maisons » se sont ainsi spécialisées dans le dépôt de recours récurrents devant la Cour suprême pour contester les décisions de l’armée israélienne. De ce fait, l’armée a dû parfois modifier celles-ci sur des sujets aussi cruciaux que le choix des cibles militaires pendant les opérations contre le Hamas à Gaza, ou le tracé de la barrière de sécurité protégeant le territoire israélien contre les intrusions de terroristes.

Un autre arrêt très remarqué a été l’arrêt Qa’adan de 1995[2]. Dans cette affaire emblématique, un requérant arabe de Galilée, soutenu par l’Association des droits civiques, a contesté devant la Cour suprême le refus de l’Agence juive de laisser sa famille s’installer dans le village de Qatzir, construit par l’Agence juive. Dans sa décision, le juge Barak a expliqué que « l’État n’est pas en droit d’allouer des terres publiques à l’Agence juive en vue d’y construire un village sur une base discriminatoire entre Juifs et Arabes ».

Ce faisant, la Cour suprême déclarait « illégale » la politique d’implantation juive qui a permis le peuplement de régions entières et qui constitue un des piliers du projet sioniste. Au lendemain de cette décision très polémique, le ministre de la Justice d’alors, Yossi Beilin, en tirait la conclusion logique en réclamant le démantèlement pur et simple de l’Agence juive ». (à suivre...)

P. Lurçat


[1] Voir concernant la « procédure du voisin », Human Shields | B'Tselem (btselem.org)

[2] Bagatz 6698/95, Qa’adan v. Administration of Israel Lands et al.

(Extrait de mon livre Quelle démocratie pour Israël ? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ? Editions l’éléphant 2023. Disponible sur Amazon, Fnac, B.O.D et à la librairie du Foyer à Tel-Aviv)

 

Je donnerai une conférence sur ce sujet lundi 5 juin à 19h00 à l’espace francophone d’Ashdod

 

J’ai présenté mon livre au micro de Cathy Choukroun sur Studio Qualita, ici.

Face aux ONG – cheval de Troie de pays étrangers :Pourquoi la réforme judiciaire est-elle essentielle pour rétablir la souveraineté israélienne ?

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Conférence : Quelle démocratie pour Israël?

April 28 2023, 08:16am

Posted by Pierre Lurçat

Conférence : Quelle démocratie pour Israël?

J'aurai le plaisir de présenter mon nouveau livre, "Quelle démocratie pour Israël?", dimanche 30 avril à 19h30 (heure d'Israël) en Zoom (lien ci-dessous).

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Merci de vous connecter un peu avant pour être certain de pouvoir y assister (places limitées)

 

La violente polémique et les manifestations publiques incessantes suscitées depuis quelques mois en Israël par le projet de réforme judiciaire posent une question essentielle. Comment expliquer que des dizaines de milliers d’Israéliens manifestent en scandant « Démocratie ! », alors même que l’objectif affiché de la réforme judiciaire est précisément de renforcer la démocratie et l’équilibre des pouvoirs ? Il y a là, de toute évidence, deux conceptions opposées de la nature du régime démocratique.

Pour comprendre les enjeux de ce débat fondamental, il est nécessaire de revenir en arrière, aux débuts de la « Révolution constitutionnelle » menée par le juge Aharon Barak dans les années 1980 et 1990. C’est depuis lors que la Cour suprême s’est octroyée la compétence de dire le droit à la place du législateur, d’annuler les décisions du gouvernement et de l’administration, les nominations de fonctionnaires et de ministres et les décisions des commandants de l’armée, etc. Aucun domaine n’échappe plus à son contrôle omniprésent.

Dans son nouveau livre, Pierre Lurçat retrace l’histoire de cette Révolution passée inaperçue du grand public et explique les enjeux du projet de réforme actuel, en la replaçant dans son contexte historique. Il rappelle ainsi pourquoi Israël ne possède pas de Constitution et montre comment l’extension du domaine de la compétence de la Cour suprême a affaibli les pouvoirs exécutif et législatif, en la transformant de facto en premier pouvoir.

Replaçant la problématique israélienne dans un contexte plus vaste – celui de la montée en puissance d’un « gouvernement des juges » dans la plupart des pays occidentaux, il s’interroge également sur les causes profondes de l’engouement pour la notion d’un pouvoir des juges et du rejet concomitant de la démocratie représentative et du pouvoir politique en général.

Quelle démocratie pour Israël : Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges? Editions L'éléphant 2023. Disponible sur Amazon, B.o.D et dans les bonnes librairies (sur commande).

Conférence : Quelle démocratie pour Israël?

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La crise politique en Israël : trois explications, Pierre Lurçat

March 12 2023, 16:27pm

Posted by Pierre Lurçat

La crise politique en Israël : trois explications, Pierre Lurçat

Les phénomènes politiques et sociaux, comme l’ensemble des phénomènes humains, ont rarement une explication unique. Dans les lignes qui suivent, je voudrais avancer trois explications possibles - qui ne s’excluent pas mutuellement – à la crise politique actuelle en Israël.

 

1ère explication : une immense manipulation politique et médiatique

 

Le premier niveau d'explication est celui du mensonge politique et médiatique sans précédent, auquel nous assistons depuis plusieurs semaines. Comme souvent, ce mensonge est d'autant plus efficace qu'il est grossier. En qualifiant de "putsch" et de "révolution" antidémocratique une réforme légitime, qui vise précisément à rétablir la séparation des pouvoirs et la démocratie authentique, les médias israéliens et les chefs de l’opposition recourent à une rhétorique mensongère éhontée, qui prétend priver les électeurs israéliens de leur victoire, sous couvert de "sauver la démocratie".

 

Il n'est pas anodin que cette manipulation politique et les manifestations qui l'accompagnent soient orchestrées avec le soutien logistique considérable des ONG à financement étranger, auxquelles la Cour suprême a donné un droit de regard sur la politique intérieure israélienne. A travers la protestation contre la réforme judiciaire, c'est en fait un enjeu de pouvoir fondamental qui se joue actuellement : le peuple d'Israël va-t-il reprendre le pouvoir qui lui a été confisqué par la Cour suprême, au moyen de l'intervention grandissante de cette pléiade d'ONG, véritable cheval de Troie de puissances étrangères, à l'intérieur de la vie publique israélienne ?

 

2eme explication : une guerre intestine

 

Ce qui nous amène à la deuxième explication, celle de la guerre intestine. Les appels répétés à la guerre fratricide et à l'effusion de sang des dirigeants de l'opposition, qui sont pour la plupart (à l'exception de Yair Lapid) des généraux en retraite, comme l'a observé récemment Shmuel Trigano, sont évidemment révélateurs. Dans l’ethos fondateur de la gauche israélienne, la guerre fratricide est toujours salvatrice, depuis la "Saison", l'Altalena et le "canon sacré" de David Ben Gourion et jusqu'à l'expulsion des valeureux habitants du Goush Katif, chassés jusqu'au dernier d'entre eux de leurs maisons manu militari pour faire la place au gouvernement du Hamas, avec la bénédiction de la Cour suprême (sauf une voix, celle du juge sépharade Edmond Levi, véritable “juste à Sodome”)

 

Dans la guerre fratricide que ce quarteron de généraux à la retraite appelle de tous ses vœux, tous les moyens sont légitimes, de l'incitation à la haine et au meurtre jusqu'à la désobéissance civile et au refus d'obéissance de soldats de réserve… A travers cette lutte intestine, c'est l'avenir d'Israël qui est en jeu, avenir qui est menacé par des acteurs étrangers puissants (démocrates américains, Union européenne, etc.) qui étaient déjà présents lors des précédentes phases de la lutte d'Israël pour sa survie. La gauche israélienne, à travers sa dernière mutation au visage wokiste - le camp hétéroclite des "Tout sauf Bibi" -  n'a aucun complexe à s'allier aux ennemis de l'extérieur et de l'intérieur pour atteindre ses objectifs.

 

3eme explication : un conflit d’identité

 

Les deux explications qui précèdent sont évidemment insuffisantes pour rendre compte de la violence du conflit intérieur actuel, qui dépasse de loin tout ce qu'on a pu voir depuis plusieurs décennies. Il y a donc un troisième niveau, symbolique ou spirituel, qui permet seul de rendre compte et d'expliquer cette violence. Ce niveau, largement impensé au sein de l’opposition, porte sur l'identité profonde d'Israël en tant que peuple et en tant que nation… Il peut être formulé ainsi : Israël doit-il être et sera-t-il un État juif conforme à sa vocation prophétique, ou bien un État occidental dans lequel le judaïsme serait réduit à la seule sphère privée, selon le modèle de l'émancipation - assimilation ?

 

Dans cette perspective, l'opposition violente et le mouvement de panique auxquels on assiste actuellement sont à la hauteur de l'espoir qu'un État plus juif fait naître chez ses partisans. Ce qui apparaît à ces derniers comme la réalisation des promesses bibliques semble pour les premiers signifier la fin de leur idéal laïc et occidental. Affrontement irréductible entre deux visions qu'on avait cru compatibles et qui s'avèrent aujourd'hui radicalement opposées. L'avenir dira si nous assistons à un progrès sur la voie de la rédemption ou bien, à Dieu ne plaise, à une terrible régression.

Pierre Lurçat

La conférence que j’ai donnée à Tel-Aviv sur “Les enjeux de la réforme judiciaire” est à présent en ligne ici :

(8) 28 02 23 Pierre Lurçat Les Enjeux De La Réforme Judiciaire En Israël Tlv - YouTube

 

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