N.d.R. Ecrit à une époque où le phénomène des convertis à l’islam radical et au djihad était encore relativement marginal, ce livre décrit de manière prémonitoire l’explosion actuelle des conversions et du recours de l’Etat islamique et des autres mouvements islamistes aux djihadistes d’origine occidentale. Neuf ans après sa parution, Evelyne Tschirhart a relu Pour Allah jusqu’à la mort, enquête sur les convertis à l’islam radical.
Ce livre n’est pas récent, puisqu’il fut publié en 2008. Pourtant il est d’une brûlante actualité. Il s’agit de la description et de l’analyse minutieuse et fort bien documentée, du parcours de jeunes convertis qui finissent par s’engager dans le djihad, dans tous les pays européens, aux Etats-Unis ou en Australie.
Ce livre est mené comme une enquête, ce qui le rend facile à lire et passionnant.
Qui sont ces jeunes ? Pourquoi se convertissent-ils ? Pourquoi vont-ils jusqu’à tuer et se sacrifier pour le djihad ? Autant de questions brûlantes dont on cerne bien des éléments de réponse mais où il reste, cependant, une part d’inconnu.
Bien sûr, nos sociétés n’apportent plus grand-chose de spirituel pour nourrir cette quête du sens présente chez les jeunes. Sens qu’ils ne trouvent ni dans leur religion (quand ils en ont une), ni dans la famille, lorsque celle-ci se désagrège trop souvent, ni dans l’autorité parentale qui s’est largement émoussée avec l’idéologie de permissivité et de droits de l’enfant, sans que les devoirs soient jamais évoqués. Quant à l’école, elle n’apprend plus rien et la transmission des connaissances : de la littérature, de la philo et de l’histoire a été remplacée par un saupoudrage sans chronologie, sans soubassement solide et surtout remplacée par un catéchisme des droits de l’homme.
Mais, comme le constate l’auteur à travers l’itinéraire des convertis à l’islam, cela ne suffit pas à expliquer pourquoi ces jeunes s’embarquent dans une religion – certes accueillante, mais qui les mène, généralement à un radicalisme que rien ne laissait imaginer. (Il y a une série TV américaine : « Sleeper cell » qui montre bien comment des jeunes se convertissent puis se sacrifient en tuant le maximum de gens au cours d’un terrible attentat. Elle est passée en France il y a quelques années mais n’a pas fait beaucoup de bruit et, lorsque je me trouvais aux USA en 2008, j’en avais parlé à de jeunes Américains qui disaient que c’était exagéré et surtout anti-islam) !
Adam Gadahn, le converti américain d’Al-Qaïda
Pour enrôler des jeunes en mal de sens, ou d’aventures ou parce qu’ils sont influencés par des camarades, il faut qu’ils trouvent devant eux une idéologie forte et convaincante : celle de l’islam ou de l’islamisme. (Personnellement je ne vois pas la différence car l’islamisme n’est-il pas la partie émergée de l’islam ? Je ne veux pas dire par là que tous les musulmans sont des terroristes, bien sûr, mais il est évident qu’ils ont beaucoup de mal à s’opposer à l’islamisme.)
À l’époque de ma jeunesse, comme à celle de nos parents, il y avait la possibilité de croire en un monde meilleur grâce au communisme. On a vu les résultats et on a vite déchanté des lendemains qui chantent. Et puis, après la guerre, peu étaient prêts à prendre les armes.
Une question se pose : quand on voit, comme l’expose l’auteur de façon très claire que depuis plusieurs décennies, l’islam se répand dans nos banlieues et dans l’Europe entière, on est effrayé de constater que rien n’est fait pour freiner une islamisation de plus en plus visible, parce qu’elle se veut visible. Paul Landau le souligne : s’il n’y avait pas des salafistes embusqués un peu partout, des mosquées politiquement actives, il n’y aurait pas autant de convertis et de postulants au djihad.
Il est donc urgent de prendre des mesures drastiques et j’ajoute qu’un tel livre permet à ceux qui sont encore ignorants de réfléchir aux conséquences prévisibles de ces conversions qui se multiplient. Or cela ne semble pas vraiment interroger ceux qui nous gouvernent. Mais doit-on s’étonner ?
John Walker Lindh, le “taliban américain”
J’ai été particulièrement intéressée par le passage sur les convertis allemands. Il se trouve que j’étais à Berlin en juin dernier, chez des amis et j'ai été frappée par l’engouement de certains pour des réfugiés Syriens mais aussi Ouighours dont ils s’occupent ; il semble qu’ils soient les nouveaux damnés de la terre pour ces intellectuels en mal de cause à servir. Ils étaient évidemment tout à fait d’accord avec la politique « suicidaire » d’Angela Merkel. La culpabilité allemande (des parents) doit-elle conduire à un tel aveuglement, une telle haine de soi ? Au train où vont les choses, les conversions vont exploser.
Or en 2007 déjà, en Allemagne, des attentats de grande envergure se préparaient contre une caserne américaine par des convertis allemands de souche. Les terroristes furent arrêtés avant la mise à exécution de leur projet mais la population allemande commença dès lors à prendre conscience du danger terroriste sur son propre territoire. Et Paul Landau de s’interroger : « comment expliquer que des jeunes Allemands, Français, Américains décident de se convertir précisément au moment où l’image de l’islam n’a jamais été aussi mauvaise, et où il devient beaucoup moins confortable d’être musulman en Occident ? » C’est une question à laquelle l’auteur tente d’apporter des éléments d’élucidation dans la seconde partie de l’ouvrage.
Muriel Degauque, la première femme kamikaze occidentale convertie à l’islam
Le passage où il est question des femmes d’origine musulmane qui s’engagent dans le djihad est aussi bien vu. Il s’explique certainement en grande partie par le statut d'infériorité dans laquelle les femmes sont maintenues dans les pays arabo-musulmans, mais aussi et de plus en plus, dans les banlieues des villes européennes. On comprend que ce soit un moyen pour elles de « s’émanciper » et de trouver, même au prix de la mort, cette égalité qui leur est refusée. C’est cher payé !
L’auteur balaie l’idée reçue que les djihadistes seraient des désespérés, des incultes, des dérangés mentaux, comme on tend à le faire croire encore aujourd’hui dans certains médias qui s’efforcent de trouver des circonstances atténuantes à ces criminels. Cela a été parfaitement démontré lorsqu’on a eu connaissance du pedigree de ceux qui ont commis les attentats du 11 septembre ou celui de Casablanca, sans parler de ceux qui se sont déroulés récemment en Europe.
L’analyse du désir de reconquête d’une Andalousie mythique est aussi très instructive. J’ignorais, par exemple, que le nombre de convertis était aussi important en Espagne qui fut islamisée pendant huit siècles. Il s’agit là, comme le dit l’auteur, d’un enjeu symbolique. On apprend que « le thème du retour de l’islam en Espagne est omniprésent dans le discours islamique contemporain, et les convertis y occupent une place importante ». Selon Paul Landau, « l’Arabie saoudite, n’a pas ménagé ses efforts pour exercer une influence et promouvoir le retour de l’islam en terre hispanique. » Une communauté musulmane a été formée à Cordoue, à Grenade qui comptent un nombre croissant de convertis. On peut donc penser que cette « reconquête » est en marche.
Dans un chapitre très important : « les convertis, maillon essentiel de la stratégie islamique», Paul Landau analyse avec acuité l’importance de la conversion pour le projet totalitaire islamique. Si durant les conquêtes musulmanes, dès la période de la Mecque, les mécréants étaient convertis de force, ils pouvaient garder la vie s’ils payaient l’impôt ; s’ils refusaient et la conversion et l’impôt, ils étaient tués.
Enfin, dans le chapitre : « la double conversion des convertis à l’islam radical », Paul Landau explique que si tous les convertis ne deviennent pas djihadistes, beaucoup passent à l’étape suivante parce qu’ils trouvent sur leur chemin, par des rencontres ou dans certaines mosquées, des gens qui leur font franchir l’étape suivante, à savoir l’adhésion au projet politique de l’islam conquérant.
J’ai lu pas mal de livres sur l’islam, le monde arabo-musulman : Bat Ye’or, Alexandre del Valle, Anne-Marie Delcambre etc, et je pense que le livre de Paul Landau a le mérite rare de nous donner une vision claire du phénomène djihadiste chez les convertis. C’est un livre bien construit, très pédagogique qui nous offre une vision claire, documentée, analysée, mais sans conclusions définitives, même si on suit aisément la pensée de l’auteur. Ce livre est d’autant plus important qu’il s’intéresse à un phénomène qui n’est pas en passe de s’arrêter. On est effrayé de constater que le monde occidental est attaqué par une pieuvre tentaculaire qui avance lentement mais sûrement. Ce qui est angoissant c’est que, malgré le travail considérable des Services de renseignement, notamment en France, nos hommes politiques continuent à mettre la tête dans le sable.
Le Figaro du 22/02/2017, titrait : « La politique de dé-radicalisation est un échec». Selon deux sénatrices, Esther Benbassa et Catherine Trohendlé, sur le « de-endoctrinement, le de-embrigadement et réinsertion des djihadistes en France et en Europe, » témoigne de l’échec des politiques publiques nationales menées depuis trois ans maintenant. Des échecs dus au choix et à la mise en œuvre des programmes, mais aussi au fait que passé un certain stade de la radicalisation islamiste, le chemin de retour est impossible. »
Ce constat n’a rien de surprenant. Nous sommes toujours dans la perspective absurde de la rééducation. On ne peut que conseiller à tous les adeptes de la « désintoxication » pour les salles de shoot, de la dé-conversion, pour les convertis à l’islam de lire le livre de Paul Landau, d’une brûlante actualité, et de réfléchir, tant qu’il est encore temps – mais il est peut-être déjà trop tard, à mettre un coup d’arrêt à cette islamisation, si l’on ne veut pas devoir se convertir de force.
E.T.
Paul Landau, Pour Allah jusqu’à la mort, enquête sur les convertis à l’islam radical. Ed. du Rocher 2008.