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De l’affaire Arlosoroff à aujourd’hui : Cette gauche israélienne et juive qui confond l’ennemi et l’adversaire

June 17 2021, 10:10am

Posted by Pierre Lurçat

 

Le camp de la paix a toujours un “mauvais Israël” contre lequel s’affirmer, une exclusion d’autrui à travers laquelle il s’identifie lui-même. Son identité est fondamentalement une identité du ressentiment.

Shmuel Trigano

 

Il est encore trop tôt pour faire le bilan de l’ère Nétanyahou et pour “enterrer” - comme l’ont déjà fait plusieurs éditorialistes et observateurs - celui qui, de l’avis de ses partisans comme de certains de ses détracteurs, est déjà entré dans l’Histoire comme un des grands dirigeants d’Israël à l’époque moderne. Mais, au lendemain de la formation du gouvernement le plus bizarre et le plus hétéroclite qu’Israël ait jamais connu, on peut tirer quelques leçons de cette campagne électorale et de son résultat. Le phénomène qui nous intéresse ici, au-delà même de la haine, qui a visé depuis plusieurs années Binyamin Nétanyahou, totalement irrationnelle et injustifiée (mais n’est-ce pas le propre de toute haine?), est celui de la confusion qu’une certaine gauche israélienne entretient délibérément entre ses adversaires et ses ennemis. 

 

Ce phénomène n’est pas nouveau. On pourrait même dire qu’il est inscrit dans l’ADN d’une fraction non négligeable de la gauche israélienne et juive, celle qui trouve ses racines historiques et politiques pas tant dans le sionisme travailliste des pères fondateurs, que dans la Troisième Internationale et dans le bolchévisme le plus pur et dur (au sens propre, comme le reconnaissait jadis Ben Gourion, en n’hésitant pas à se qualifier lui-même de “bolchévique”, au début des annés 1920) (1). C’est cette confusion dangereuse et lourde de conséquences dont nous voyons aujourd’hui les fruits amers. 

 

Comme l’écrivait Shmuel Trigano il y a vingt ans, “Le camp de la paix a toujours un “mauvais Israël” contre lequel s’affirmer, une exclusion d’autrui à travers laquelle il s’identifie lui-même” (2). On ne saurait mieux décrire l’identité du nouveau gouvernement des “anti-Bibi”, qu’aucun ciment idéologique ou politique ne réunit, sinon leur détestation abyssale envers Nétanyahou. La coalition des “anti-Bibi” a préféré faire alliance avec les islamistes des Frères musulmans, pour chasser du pouvoir son adversaire, c’est-à-dire qu’elle a fait alliance avec ses ennemis pour triompher de son adversaire.

 

Manifestation anti-Bibi

 

Cette politique de l’exclusion et du ressentiment, nous l’avons vue à l’œuvre, tout au long de l’histoire du sionisme politique, à chaque fois que les tenants du sionisme socialiste ont prétendu exclure leurs adversaires, tantôt du marché du travail dans le Yishouv des années 1920 et 1930 (en exigeant des travailleurs la carte de la Histadrout), tantôt de l’alyah (en privant les jeunes du Betar de certificats d’immigration). Elle a également visé l’apport du sionisme de droite à la fondation de l’État d’Israël, exclusion qui ne concerne pas seulement l’historiographie du sionisme (3), mais aussi les manuels d’histoire utilisés dans les lycées israéliens.

 

Depuis l’assassinat d’Arlosoroff (le 16 juin 1933) et jusqu’à nos jours,  cette fraction de la gauche sioniste s’est servie de la violence et des accusations de violence à des fins politiques - pour asseoir et maintenir son hégémonie (l’affaire Arlosoroff est survenue alors que le mouvement sioniste révisionniste était à son apogée) et elle a accusé ses adversaires, en recourant à la “reductio ad hitlerum” (bien avant que l’expression ne soit forgée par Leo Strauss au début des années 1950). La reductio a hitlerum, dont sont aujourd’hui victimes Israël et ses défenseurs sur la scène publique, est ainsi dans une large mesure une invention de cette gauche juive - sioniste et non sioniste -  à l’époque de Zeev Jabotinsky, que David Ben Gourion avait surnommé “Vladimir Hitler”.

 

Jabotinsky

 

Un exemple frappant, et presque ridicule, de cette confusion entre l’adversaire politique et l’ennemi nous a été donné dimanche dernier par la chanteuse Avinoam Nini, bien connue pour ses opinions radicales, qui a comparé Nétanyahou et… Haman, lors de la manifestation festive organisée par la gauche israélienne au lendemain de l’annonce du départ de B. Nétanyahou. Cette comparaison est d’autant plus choquante que Nétanyahou est sans doute le Premier ministre israélien qui a le plus œuvré pour protéger l’Etat juif contre les Haman modernes véritables que sont les dirigeants iraniens. Cet épisode révélateur montre précisément comment cette frange de la gauche à laquelle appartient la chanteuse confond Haman et Esther, réservant sa haine à ses adversaires politiques, tout en se montrant pleine d’indulgence envers nos ennemis. Il n’y a là, hélas, rien de nouveau sous le soleil.

Pierre Lurçat

NB Article paru sur le site Menora.info

1. Voir notamment l’article de Y. Nedava, “Ben Gourion et Jabotinsky”, dans Between two visions [hébreu] Rafael Hacohen éd. Jérusalem.

2. S. Trigano, L’ébranlement d’Israël, Seuil 2002. 

3. En hébreu, et aussi en français, Cf. mon article “Redonner à Jabotinsky son visage et sa place dans l'histoire du sionisme”, http://vudejerusalem.over-blog.com/2021/04/redonner-a-jabotinsky-son-visage-et-sa-place-dans-l-histoire-du-sionisme-pierre-lurcat.html

 

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“Nous devons dire merci à Nétanyahou,l’homme qui a sauvé nos vies”, Benny Ziffer

March 21 2021, 14:08pm

Posted by Benny Ziffer

Je reproduis ci-dessous l’article publié ce matin par Benny Ziffer dans les colonnes d’Aroutz 7 (Israel National News). Ziffer est un écrivain, poète et journaliste, mais il est surtout connu comme rédacteur en chef du supplément littéraire du journal Ha’aretzFrancophile, il est ami avec l’écrivain Michel Houellebecq, qu’il a contribué à faire connaître au public israélien.

J’ajoute que je partage, comme des millions de nos concitoyens, le sentiment exprimé par B. Ziffer, que j’avais déjà exprimé bien avant le Covid-19, envers la famille Nétanyahaou et le Premier ministre, qui porte bien son nom (en hébreu, Nétanyahou signifie “Dieu nous l’a donné”’). Je débattrai des élections israéliennes mardi prochain à 19h30 heure d’Israël sur i24, face à Jean-Pierre Filiu. 

Pierre Lurçat

 

 

“Nous devons entamer cette semaine fatidique avec l’espoir que mardi, nous renforcerons Nétanyahou aux élections, pour la raison purement pragmatique qu’il est un excellent Premier ministre.

 

Mardi, souhaitons que le peuple punisse dans les urnes les dirigeants de ce qu’on appelle la gauche sioniste, le centre-gauche avec ses différentes branches, pour s’être égarés, avoir abandonné tout sens de la responsabilité nationale et s’être perdus dans leur vanité, tout ce qui leur reste étant de s’époumoner : “‘Rak lo Bibi!” (“Tout sauf Bibi!”)

 

Mardi, nous devons montrer aux médias malfaisants qui poursuivent de leur vindicte Nétanyahou et le Likoud, en utilisant des stéréotypes antisémites pour diaboliser les Juifs orthodoxes, au mépris de l’intelligence des téléspectateurs - qu’ils n’ont aucune influence sur nous. En dépit de l’incitation et de la diabolisation permanente - nous voterons justement pour Nétanyahou. Peut-être ainsi apprendront-ils à être plus équilibrés et plus dignes.

 

Mardi, nous devons dire merci à l’homme qui a sauvé nos vies, au sens littéral.

 

Benny Ziffer (photo : Ziv Koren)

 

A la veille des élections, il faut prier pour que les manifestants de la rue Balfour noient leur désespoir dans l’alcool et n’aillent pas voter mardi matin. Et s’ils se lèvent quand même pour aller voter, que leur désespoir leur fasse mettre un bulletin blanc dans l’urne.

 

Mardi, nous devons démontrer que la haine pathologique envers Nétanyahou et sa famille ne bénéficie pas à ceux qui la propagent, et que Nétanyahou restera au pouvoir pour de nombreuses années encore…

 

Mardi, nous devons assurer encore des années de sécurité et de prospérité et de calme, et non, à D. ne plaise, de chaos et de folie, si Nétanyahou ne parvenait pas à former un gouvernement. Car il suffirait de quelques heures sans direction à la tête de notre pays, pour que nos ennemis extérieurs tentent de nous anéantir, au sens littéral. 

 

Voter pour Nétanyahou, c’est à mes yeux voter en faveur d’un projet divin réussi et de la grâce divine qui a été accordée à Israël, depuis le Ciel - ne serait-ce que par la sagesse qui consiste à ne pas rejeter un tel cadeau de D.ieu.


Mardi, je me lèverai tôt et j’iraivoter pour lui, comme pour remplir un commandement sacré. Ce commandement est celui d’aimer le peuple d’Israël de toute notre âme et de tous nos moyens. Et il n’est pas de meilleur moyen d’exprimer  cet amour qu’en votant pour Byniamin Nétnyahou.

Benny Ziffer

Texte original : https://www.inn.co.il/news/471556

 

Nétanyahou et sa femme Sarah, montrant le sceau biblique qui porte son nom

LIRE AUSSI:

http://vudejerusalem.over-blog.com/2019/04/pour-comprendre-benjamin-netanyahou-sans-fard-ni-caricature-quelques-liens-sur-la-famille-sioniste-revisionniste-de-jabotinsky-a-net


 

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Au lendemain de l’accord Israël-Émirats arabes unis : La victoire de la “doctrine Nétanyahou”, par Pierre Lurçat

August 19 2020, 10:37am

Posted by Pierre Lurçat


 

S’il est encore prématuré de porter un jugement définitif sur l’accord de normalisation entre Israël et les Émirats arabes annoncé la semaine dernière, on peut déjà tirer quelques conclusions provisoires. Le premier constat qui s’impose est celui de la victoire de la vision stratégique que Binyamin Nétanyahou a progressivement réussi à imposer, concernant les rapports entre Israël et le monde arabe. De l’avis de la plupart des commentateurs israéliens, y compris les plus hostiles, il s’agit d’un coup de maître diplomatique sans précédent. Comme l’écrit Ehud Ya’ari, cet accord marque le triomphe de la doctrine Nétanyahou, qui prône notamment la marginalisation progressive de l’Autorité palestinienne et l’effacement de la notion de “Deux États pour deux peuples”, sur laquelle a largement reposé la diplomatie israélienne depuis les accords d’Oslo.

 

Cette vision stratégique est inséparable de la politique menée par Nétanyahou depuis deux décennies face à la menace iranienne - qu’il a été un des premiers à prendre au sérieux, avec une constance remarquable, prêchant parfois dans le désert et contre l’avis de certains chefs des renseignements militaires et du Mossad (1) - et dont elle constitue le versant diplomatique. La normalisation des liens avec les pays arabes sunnites illustre ainsi la seconde facette de la doctrine Nétanyahou face à l’Iran et à ses alliés - Hezbollah, Hamas et autres - qui s'est manifestée ces dernières années par l’étroite collaboration militaire et sécuritaire - le plus souvent loin des projecteurs - entre Israël et les pays du Golfe. 


 

Une vision stratégique à la hauteur de celle de Ben Gourion


 

L’alliance israélo-arabe face à l’Iran

 

Contrairement aux affirmations de ses nombreux détracteurs, non seulement Nétanyahou ne s’est pas trompé sur la menace iranienne (qu’il aurait selon eux exagérée, voire carrément “inventée”), mais il a aussi évalué justement l’opportunité que celle-ci représentait du point de vue diplomatique et stratégique, pour instaurer une alliance israélo-arabe face à l’Iran et à ses proxies, alliance dont nous voyons actuellement les premiers fruits. A cet égard, la vision stratégique de Byniamin Nétanyahou peut être comparée - par sa profondeur et par sa portée, à celle de David Ben Gourion. Ce dernier avait préconisé, dans les années 1950, l’établissement de liens avec les pays du “deuxième cercle” non arabe - Iran, Turquie et Ethiopie - afin de desserrer l’étau des pays arabes limitrophes d’Israël.

 

La doctrine Nétanyahou a consisté à exploiter le vieux différend arabo-perse (2) et à ériger l’État juif en rempart des pays de l’axe sunnite modéré. Mais ce qui a pu sembler au premier abord n’être qu’une convergence d’intérêts de circonstance, provisoire et fragile, s’avère être aujourd’hui une véritable alliance, profonde et durable, qui est sur le point de se matérialiser par l’établissement de relations diplomatiques pleines et entières et par un rapprochement à long terme entre Israël et plusieurs pays arabes dans le Golfe, (et peut-être aussi en Afrique du Nord).

 

Face à la menace iranienne : une constance remarquable

 

La justesse de la vision stratégique de B. Nétanyahou est d’autant plus éclatante aujourd’hui, qu’il a pendant longtemps tergiversé, en semblant adopter le narratif mensonger des “Deux États pour deux peuples”, notamment lors de son fameux discours de Bar-Ilan en 2013. Or, non seulement Nétanyahou n’a pas poursuivi sur la voie de la création d’un État palestinien, empruntée par tous ses prédécesseurs depuis l’époque des accords d’Oslo, mais il a en fait été celui qui a enfoncé le dernier clou dans le cercueil de la notion illusoire et néfaste d’un nouvel État arabe à l’Ouest du Jourdain. Ce faisant, Nétanyahou a fait voler en éclats le mythe de la centralité de la “question palestinienne” - entretenu pendant plusieurs décennies par la Ligue arabe, mais aussi par l’Organisation de la conférence islamique, l’Union européenne ou l’ONU, mythe à la création duquel ont par ailleurs largement contribué des intellectuels juifs et israéliens, depuis l’époque du Brith Shalom et jusqu’à nos jours. (3)

 

En acceptant de conclure un accord avec Israël sans le faire dépendre d’un quelconque “règlement” de la question palestinienne (règlement tout aussi illusoire que la notion d’un “Etat palestinien” arabe à l’ouest du Jourdain), les Emirats arabes ont montré qu’ils avaient compris que cette dernière n’était nullement une priorité arabe, mais constituait en réalité un obstacle et une entrave à la réalisation des intérêts arabes. A l’encontre de la politique du pire adoptée par les dirigeants de l’OLP et de l’AP depuis 1964, qui n’ont “jamais raté une occasion de rater une occasion”, les dirigeants sunnites du Golfe ont, de leur côté, montré qu’ils étaient disposés à saisir toutes les occasions de faire progresser la normalisation et le rapprochement avec l’État juif, dans l’intérêt commun bien compris de leurs pays et d’Israël.

 

La question, qui demeure actuellement ouverte, de la souveraineté israélienne en Judée-Samarie et sur le Mont du Temple, constitue la troisième facette - et la plus obscure - de la doctrine Nétanyahou. Sur ce sujet crucial, il a montré une fois de plus son pragmatisme absolu et son rejet de toute position idéologique. L’avenir dira si l’attentisme (trop?) prudent manifesté par Nétanyahou sur cette question permettra bientôt à Israël d’instaurer une souveraineté juive pleine et entière à l’Ouest du Jourdain, en profitant de l’occasion historique offerte par le président Donald Trump, ou bien s’il signifiera une nouvelle occasion manquée pour réaliser la promesse millénaire du retour du peuple Juif dans le coeur de son patrimoine.

 

Pierre Lurçat

 

(1) Le triumvirat des chefs de la sécurité israélienne entre 2008 et 2011 –  Gaby Ashkénazi, le chef du Mossad Meir Dagan et le directeur du Shin Beth [sécurité intérieure] Avi Dichter – s’étaient concertés, sous la direction apparente de Shimon Pérès, pour contrecarrer les plans du Premier ministre de l’époque Benjamin Nétanyahou contre l’Iran. Voir https://www.dreuz.info/2016/10/07/le-testament-de-shimon-peres-israel-la-bombe-atomique-et-liran/

(2) Lequel ne recouvre pas exactement la division chiites-sunnites, contrairement à ce qu’on affirme souvent, comme le montre le fait que le Hamas est soutenu par l’Iran.

(3) Je renvoie sur ce point à mon livre La trahison des clercs d’Israël, La maison d’édition 2016.

 

Nétanyahou et sa femme Sarah, montrant le sceau biblique qui porte son nom

 

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Israël, “démocratie illibérale”? Réponse à une intellectuelle confinée

May 13 2020, 15:28pm

J’avais bien aimé le premier livre d’Eva Illouz, Pourquoi l’amour fait mal. C’était en 2012, quand elle vivait encore en Israël, avant qu’elle ne devienne directrice d’études à l’EHESS et, selon l’expression consacrée, une des “intellectuelles les plus importantes de sa génération” (1). A quel moment est-elle devenue la “grande sociologue” célèbrée par le Nouvel Observateur et d’autres médias, qui lui donnent régulièrement la parole pour commenter l’actualité? Est-ce au moment où elle a commencé à faire du dénigrement d’Israël un de ses thèmes de prédilection ? L’hypothèse demande à être vérifiée.

 

 

Quoi qu’il en soit, dans sa dernière intervention médiatique en date, intitulée “Depuis les ténèbres, qu’avons-nous appris”, Eva Illouz se montre en parfait exemple de ce qu’on pourrait appeler “l’intellectuel confiné”. Je veux parler de ces intellectuels qui ont tiré, pour leçon principale de la crise actuelle, la confirmation de l’exactitude de leurs propres idées. Ils n’ont pas  retiré une virgule à leurs propos d’avant le Coronavirus, dans lequel ils ont trouvé l’occasion inespérée de faire l’auto-promotion de leur discours (2). 

 

Le concept de “démocratie illibérale”, créé par le politiste américain Fareed Zakaria en 1997 et entré depuis dans le lexique politique contemporain, rappelle à certains égards l’ancienne distinction marxiste entre “libertés formelles” et “libertés réelles”, et le concept  actuellement très en vogue de “populisme” (ou de “peuplocratie”) (3). A l’origine, “l’illibéralisme” décrit des régimes comme celui de Viktor Orban en Hongrie, ou celui du parti Droit et Justice en Pologne. Parmi ceux qui ont décrit Israël comme une “démocratie illibérale”, citons Jean-Pierre Filiu et à sa suite, Dominique Moïsi et Alexis Lacroix.

 

Eva Illouz a de son côté employé l’expression de “démocratie illibérale” pour qualifier Israël en 2018, dans un article publié dans Ha’aretz et repris dans Le Monde (4). Elle y écrivait notamment: Ce qui est le plus surprenant, c’est que pour promouvoir ses politiques illibérales, Netanyahu est prêt à snober et à rejeter la plus grande partie du peuple juif, ses rabbins et intellectuels les plus reconnus...”. L’idée d’un divorce entre Israël (dirigé par la droite) et la diaspora juive américaine (largement acquise au parti démocrate) était alors maniée comme un épouvantail par les opposants de Nétanyahou. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et l’efficacité de la politique israélienne dans la crise du Covid-19 amène de nombreux Juifs, aux Etats-Unis et ailleurs, à envisager leur avenir en Israël.


 

La Cour suprême la plus puissante au monde - Jérusalem

 

Cela n’empêche pas Eva Illouz de continuer de parler de ‘démocratie illibérale”, en écrivant que : “Les démocraties illibérales telles qu’Israël, la Pologne, la Turquie et la Hongrie se sont servies de la crise du coronavirus pour faire croire que le Reichstag était en feu et en ont profité pour suspendre les libertés civiles et révoquer le pouvoir du parlement et des tribunaux (Netanyahou a ainsi échappé au procès qui l’attendait le 17 mars)”. Ce morceau d’anthologie appelle quelques commentaires. Tout d’abord, Israël n’a pas “suspendu les libertés civiles”, mais plus simplement confiné sa population - exactement comme l’ont fait la France et les autres “démocraties libérales” - avec une efficacité dont atteste le faible nombre de victimes du Covid-19 (un “détail” qui semble échapper à Eva Illouz). 

 

Pourquoi Mme Illouz réserve-t-elle ses critiques aux seules “démocraties illibérales” et surtout à Israël, alors que les mesures adoptées en Israël sont similaires à celles adoptées (souvent avec moins de succès, en raison d’hésitations et de mauvaise gestion) dans les autres pays démocratiques? Quant à la “révocation du pouvoir du parlement et des tribunaux”, on se demande si l’auteur de ces propos est vraiment informée de ce qui se passe en Israël. Comparer Israël - où les mesures prises l’ont été sous le contrôle tatillon d’une Cour suprême, qui est sans doute la plus puissante au monde - à la Hongrie de Viktor Orban (5), qui a voté une loi d’urgence sans limite, relève dans le meilleur des cas de la malhonnêteté intellectuelle. 

 

 

Déconfinez-vous, Mme Illouz! 

(Photo ANTJE BERGHAEUSER. LAIF-REA)

 

Je ne sais pas d’où vient la détestation d’Israël qui anime Eva Illouz. Mais j’ai envie de lui dire : “déconfinez-vous!” Sortez de votre confinement intellectuel dans la tour d’ivoire de l’EHESS, pour aller à la rencontre du réel. Arrêtez d’abreuver vos lecteurs du Nouvel Obs de mensonges et d’inexactitudes concernant Israël, démocratie vivante dont bien des pays du monde, y compris celui dans lequel vous avez élu domicile, feraient bien de s’inspirer. Israël, une “démocratie illibérale”? Non : Israël, démocratie libérale, Etat juif et démocratique et lumière des nations.

Pierre Lurçat

 

(1) D’après le Journal du Dimanche. https://www.lejdd.fr/Culture/Livres/la-sociologue-eva-illouz-la-sexualite-est-une-marchandise-3948495

(2) Un autre exemple d’intellectuel confiné, est le philosophe italien Gorgio Agamben, sur lequel nous reviendrons.

(3)  Fareed Zakaria, « The Rise of Illiberal Democracy », Foreign Affairs, no 76,‎ novembre- décembre 1997. Voir aussi F. Zakaria, The Future of Freedom: Illiberal Democracy at Home and Abroad, New York, W.W. Norton, 2003 ; tr. fr. Daniel Roche : L’Avenir de la liberté, Paris, Odile Jacob, 2003. Cité par P.A. Taguieff, L’Islamisme et nous (Paris, CNRS Éditions, 2017), p. 234, note 143. Sur le concept de “peuplecratie”, voir le livre intéressant de Ilvo Diamanti et Marc Lazar, Peuplecratie, La métamorphose de nos démocraties, Gallimard 2019, qui observe que le “populisme est un des mots les plus confus du vocabulaire de la science politique”. Sur le "néo-populisme", lire l'ouvrage éclairant de Pierre-André Taguieff, Le nouveau national-populisme, Paris, CNRS éditions, .

A travers cette abondance de néologismes plus ou moins pertinents, on entrevoit souvent la volonté idéologique de disqualifier des adversaires politiques démocratiquement élus. 

(4) Une version en ligne est aimablement fournie par le site agencemediapalestine.fr, ici.

(5) Lequel revendique l’idée de “créer un Etat illibéral”, voir https://budapestbeacon.com/full-text-of-viktor-orbans-speech-at-baile-tusnad-tusnadfurdo-of-26-july-2014/

 

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Binyamin Nétanyahou, le Coronavirus et le Mont du Temple

March 15 2020, 09:47am

1. La conférence de presse donnée par le Premier ministre israélien Binyamin Nétayahou jeudi soir, et celles qui ont suivi, dans lesquelles il a annoncé une série de mesures contre le Coronavirus, sont un modèle de ce que Nétayahou sait le mieux faire. Ferme, décidé, combattif, résolu : il s’est montré sous son meilleur visage, celui d’un chef d’Etat qui sait à la fois prendre des décisions vitales, sans tergiverser, et qui s’adresse à son peuple “à hauteur des yeux” (selon l’expression hébraïque). Nétanyahou s’est exprimé non seulement en dirigeant responsable, mais en véritable père de la nation, trouvant des accents paternels pour parler aux citoyens d’Israël. C’est dans ces moments de crise et d’incertitude que Nétanyahou est à son mieux, et qu’il sait parfois trouver des accents churchilliens, comme je l’écrivais il y a un an à propos du dossier iranien (1) : 

"La constance avec laquelle Binyamin Nétanyahou dénonce le péril iranien, depuis des années, n’a en effet d’égal que celle avec laquelle Churchill dénonçait Hitler en 1940, à une époque où nul ne connaissait encore les horreurs de la Shoah. Les temps ont certes changé à bien des égards, mais le danger du totalitarisme demeure tout aussi actuel. Les illusions mortelles du pacifisme se sont dissipées depuis longtemps dans le fracas des attentats et des espoirs de paix trompeurs. Israël n’a pas besoin aujourd’hui de promesses fallacieuses à la Chamberlain, mais de dirigeants courageux et lucides : en un mot, d’un “Churchill d’Israël”. Je n’ai rien à ajouter à ces mots écrits en mars 2019, sinon pour dire que Nétanyahou a su adopter la même attitude aujourd’hui, face à une menace d’un type bien différent.

 

Le “Churchill” israélien?

 

2. Mais cette fermeté et cette résolution exemplaires, face à l’Iran ou au Coronavirus, qui devraient servir de modèle à bien des dirigeants actuels, (comme l’insipide Emmanuel Macron), contrastent avec l’attitude beaucoup moins courageuse de Nétanyahou sur un autre dossier, qui n’a rien à voir en apparence : celui du Mont du Temple. On se souvient des émeutes déclenchées en 1996 suite au percement d’un tunnel archéologique, dont les musulmans avaient prétendu qu’il “mettait en danger la mosquée”, selon la calomnie inventée par le mufti pro-nazi Al-Husseini dans les années 1930 (2). Depuis cette époque, c’est-à-dire depuis le début de son premier mandat de Premier ministre, Nétanyahou s’est montré sur ce dossier sensible d’une prudence excessive, et pour ainsi dire timoré, en donnant corps à l'épouvantail agité par certains dirigeants musulmans et par ceux du Shin-Beth,qui voudraient faire croire que le Har Habayit est un "baril de poudre".... 

 

Or,  cette attitude qu’il partage avec tous les dirigeants israéliéns à ce jour, est une double erreur, psychologique et politique. Psychologiquement, elle renforce les musulmans dans leur complexe de supériorité, en les confortant dans l’idée que l’islam est destiné à dominer les autres religions et que ces dernières ne peuvent exercer leur culte qu’avec l’autorisation et sous le contrôle des musulmans, c’est-à-dire en étant des “dhimmis”. Politiquement, elle confirme le sentiment paranoïaque de menace existentielle que l’islam croit déceler dans toute manifestation d’indépendance et de liberté de ces mêmes dhimmis à l’intérieur du monde musulman. 

 

Paradoxalement, la souveraineté juive à Jérusalem est perçue comme une menace pour l’islam précisément de par son caractère incomplet et partiel : les Juifs sont d’autant plus considérés comme des intrus sur le Mont du Temple, qu’ils n’y sont pas présents à demeure et qu’ils y viennent toujours sous bonne escorte, comme des envahisseurs potentiels. L’alternative à cette situation inextricable et mortifère consisterait, comme l’avait bien vu l’écrivain et poète Ouri Zvi Greenberg, à asseoir notre souveraineté entière et sans partage sur le Mont du Temple, car “celui qui contrôle le Mont contrôle le pays”.

 

Moshé Dayan sur le Mont du Temple, juin 1967

Moshé Dayan sur le Mont du Temple, juin 1967

 

3. Quel rapport entre ces deux sujets? Le Mont du Temple n’est pas seulement le lieu des sacrifices et le premier Lieu saint du judaïsme ; il incarne aussi le rôle prophétique d’Israël parmi les nations, comme l’ont bien compris des centaines de millions de chrétiens dans le monde, qui tournent leurs yeux vers Jérusalem, source de la bénédiction pour le monde entier. C’est précisément la raison pour laquelle le renouvellement des prières juives sur le Har Habayit, loin de déclencher de nouveaux affrontements et effusions de sang, pourra amener la vie et la bénédiction au monde entier, selon les paroles des Prophètes d’Israël.

 

Pierre Lurçat


 

(1) “Le Churchill d’Angleterre et le Churchill d’Israël”.

http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/01/le-churchill-d-angleterre-et-le-churchill-d-israel-par-pierre-lurcat.html

(2) “Al-Aqsa en danger, une invention de la propagande arabe”. https://www.causeur.fr/israel-jerusalem-alaqsa-terrorisme-145787

Sur le sujet de l’attitude à adopter sur le Mont du Temple, je renvoie à mon livre Israël, le rêve inachevé, Éditions de Paris/Max Chaleil 2018.

 

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Donald Trump, bienfaiteur du peuple Juif, par Pierre Lurçat

February 11 2020, 15:49pm

Posted by Pierre Lurçat

NB Je remets en ligne cet article au lendemain des élections présidentielles américaines. Quel que soit le résultat final, D. Trump est déjà entré dans l'Histoire.

 

Comme l’écrivait la semaine dernière Caroline Glick (1), le plan Trump a mis fin au cauchemar d’Oslo et au paradigme mensonger, qui a régné sur la politique étrangère américaine (et dans une large mesure, sur la politique intérieure israélienne) pendant 27 ans. Ce paradigme mensonger et meurtrier vient d’être officiellement rejeté par la plus grande nation du monde, écrit encore Glick, ajoutant que “le plan Trump est comme l’image inversée d’Oslo. A présent, c’est aux Palestiniens de faire la preuve de leur engagement envers la paix”. J’ajoute que, selon toute évidence et connaissant les antécédents de leurs dirigeants, ceux-ci vont rejeter ce plan, tout comme les précédents, et Israël sera pleinement justifié à étendre - avec 53 ans de retard - sa pleine souveraineté sur l’ensemble de la Judée et de la Samarie.

 

Plus précisément, Israël a reçu du président Donald Trump ce qu’aucun président américain n’a jamais donné - ou même laissé espérer - à aucun dirigeant de l’Etat juif depuis 1948 : la reconnaissance du droit du peuple Juif sur sa patrie ancestrale, qui ne se trouve pas - n’en déplaise aux dirigeants français et aux diplomates du quai d’Orsay (et à leurs homologues en Occident et dans le monde arabe), dans l’étroite bande côtière reconnue par la communauté internationale, mais bien à Jérusalem réunifiée, à Hébron, à Sichem et dans toute l’étendue de la rive Ouest du Jourdain, c’est-à-dire la Judée et la Samarie.


 

Donald Trump et Binyamin Nétanyahou

 

Alors que certains commentateurs s’obstinent à prétendre que Trump n’est pas l’ami d’Israël, et que son plan ne va rien régler et apporter de nouvelles guerres (ou une “troisième Intifada”, déjà annoncée à d’innombrables reprises par des commentateurs abusés par la guerre psychologique palestinienne), l’évidence est aujourd’hui indéniable. Donald Trump est bien, comme l’a souvent répété B. Nétanyahou au cours des derniers mois, le meilleur ami qu’Israël a jamais eu à la Maison blanche. Cela n’a en soi rien de très étonnant, si l’on veut bien prendre un peu de recul et de hauteur par rapport aux événements dramatiques des dernières semaines. Les amis véritables d’Israël ont joué, depuis 1948 et bien avant, un rôle essentiel dans le Retour du peuple Juif sur sa terre et dans la fondation et le renforcement de son État. 

 

Dans le quartier de Jérusalem où j’ai le privilège de vivre, de nombreuses rues rappellent les noms de ces amis véritables, dont certains sont injustement oubliés du grand public. Wyndham Deedes, John Patterson, Lloyd George, Masaryk, Wedgwood… Je voudrais évoquer ici deux d'entre eux. Patterson, soldat intrépide et chasseur de lions, commanda la Légion juive, première armée à avoir combattu sous un drapeau juif à l’époque moderne. Il était proche du professeur Bentsion Nétanyahou, et c’est en son honneur que ce dernier nomma son deuxième fils Yoni. 

 

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Les soldats de la Légion juive, Yom Kippour 5678. Jabotinsky est au premier rang

 

Voici le portrait que dresse de lui Jabotinsky dans ses mémoires : “C’était un homme de grande taille, mince, élancé, aux yeux intelligents et rieurs et je compris immédiatement son accent anglais, la “magie irlandaise” et avec cela, une qualité caractéristique d’un protestant fils de protestants : ce chrétien se sentait chez lui dans le monde de la Bible hébraïque. Ehoud et Ifta’h, Gideon et Shimshon, David et Avner - à ses yeux étaient vivants, ils étaient des amis personnels, presque ses camarades et ses voisins du club de cavalerie de la rue Piccadilly. Je m’en réjouis, l’illusion biblique permet parfois de masquer l’absence de beauté de l’existence galoutique…” (2)

 

Patterson

 

Quant à Lloyd George, il avait été, selon le témoignage du petit-fils de Balfour, comme ce dernier “bercé dans son enfance par les chants du roi David et les récits bibliques, et il avait étudié l’Ancien Testament. De ce fait, il lui paraissait naturel et légitime que les Juifs retournent vivre en Terre sainte, et que les chrétiens les soutiennent dans cette entreprise", selon le témoignage de Lord Roderick Balfour, arrière-petit-fils du frère d’Arthur Balfour, Gerald William Balfour. (3)

 

Donald Trump s’inscrit dans cette lignée de bienfaiteurs du peuple Juif et de son Etat. Le fait que beaucoup de gens, qui se croient intelligents en niant l’évidence, professent aujourd’hui à son encontre un mépris injustifié (4) ne change rien au jugement que l’Histoire portera sur lui. Car Trump est déjà entré dans l’histoire du peuple Juif et dans l’Histoire tout court, aux côtés de Lord Balfour, de John Patterson et de tant d’autres amis de Sion et d’Israël.

 


 

Notes

(1) http://carolineglick.com/the-oslo-blood-libel-is-over/

(2) Extrait de l’Histoire de ma vie de Jabotinsky.

(3) https://www.jpost.com/Edition-Francaise/Moyen-Orient/La-d%C3%A9claration-Balfour-toujours-sur-le-banc-des-accus%C3%A9s-513397

(4) Noter dans ce contexte, le dernier numéro du Point, qui marque un léger infléchissement du "Trump-bashing" dans la presse française.

https://www.lepoint.fr/versions-numeriques/

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La puéricultrice, le professeur de droit et le “peuple stupide” : Une fable politique israélienne

November 27 2019, 12:47pm

Posted by Pierre Lurçat

Deux informations figuraient lundi dernier en pages intérieures des journaux israéliens. La première faisait état d’une “puéricultrice” - une auxiliaire puéricultrice plus exactement - qui avait décidé de décrocher la photo du Premier ministre, Binyamin Nétanyahou, du mur du jardin d’enfants, et avait filmé cet acte “militant” pour le poster sur les réseaux sociaux. La seconde information faisait état des déclarations d’un professeur de droit, Mordehaï Kremnitzer, souvent présenté comme un “constitutionnaliste de premier rang”, qui a dit : “Seul un peuple stupide peut encore croire que M. Netanyahou doit demeurer à son poste”. Ces deux informations sont en réalité les deux revers d’un même phénomène, qu’on pourrait désigner comme le rejet de la démocratie au nom du "droit". 


 

Le Premier ministre israélien B. Nétanyahou

 

Quand la puéricultrice prétend retirer la photo de Nétanyahou “jusqu’à ce qu’il établisse son innocence”, elle montre son ignorance de la présomption d’innocence, laquelle est - il est vrai - bafouée depuis des années par les médias, avec la complicité de la police ou du ministère public qui les abreuvent incessamment de "fuites", dans le cas de Nétanyahou et dans de nombreux autres. Le sentiment de la puéricultrice est largement compréhensible, au vu du “blitz” médiatique auquel ont été soumis les citoyens israéliens, depuis l’annonce dramatique de l’acte d’accusation contre leur Premier ministre, faite par le procureur de l’Etat il y a quelques jours. En réalité, ce “blitz” dure depuis bien plus longtemps : des mois, et même des années. Le plus étonnant, dans ce contexte, c’est qu’une large partie du peuple d’Israël continue d’exprimer sa confiance à Nétanyahou, en dépit de ce lavage de cerveau quotidien auquel il est soumis jour après jour de la part des grands médias. (Ceux-là mêmes dont Nétanyahou est accusé d’avoir voulu “acheter” la complaisance…)

 

L’attitude du Pr Kremnitzer est plus préoccupante que celle de la puéricultrice. Car son affirmation, “seul un peuple stupide peut encore croire que Nétanyahou doit rester en fonction”, ne relève pas de l’ignorance, mais bien d’un aplomb et d’une ‘houtzpa caractéristiques de l’attitude de nombreux membres des élites médiatiques et judiciaires israéliennes. Le problème de Kremnitzer, pour dire les choses autrement, n’est pas qu’il ignore le droit, mais bien plutôt qu’il le connaît très bien et qu’il est prêt à déformer sciemment le sens obvie des lois de l’Etat d’Israël, pour les adapter à ses opinions politiques. La loi est en effet claire et limpide : d’après l’article 18 de la Loi fondamentale sur le gouvernement, seule la Knesset est habilitée à destituer un Premier ministre, et seulement une fois qu'il a été condamné pour une infraction déshonorante. Aucune disposition de loi n’oblige un Premier ministre à démissionner, pour la seule raison qu’il est inculpé ou qu’il fait l’objet d’un acte d’accusation. 

 

Et c’est là que réside le coeur du problème : si la loi est aussi claire, comment le Pr Kremnitzer peut-il qualifier de “stupide” le peuple, dont les attentes sont conformes à la loi? La réponse à cette question se trouve dans un livre écrit il y a déjà plusieurs décennies par un autre juriste distingué, le juge Aharon Barak, The judge in a democracy. Celui-ci se considère en effet  comme « créateur du droit » et donc comme au-dessus des lois – même fondamentales – comme il l’affirme explicitement dans ses nombreux écrits (1). On comprend dès lors l’affirmation du Pr Kremnitzer : le peuple est “stupide”, parce qu’il croit encore que les lois sont votées par la Knesset et inscrites dans le Sefer Hahoukim - le livre des lois de l’Etat d’Israël. Car ce qui compte, en définitive, n’est pas le texte de loi voté par la Knesset, mais l’interprétation qu’en donnent les juges à la Cour suprême et le Procureur de l’Etat (lesquels n’ont été élus par personne) !
 

Aharon Barak

 

Le Pr Kremnitzer est ainsi tout à fait représentatif de ces élites judiciaires - qui ressemblent de plus en plus à un Etat dans l’Etat (Deep State en anglais) - et qui ont franchi récemment toutes les lignes rouges de la démocratie et de l’Etat de droit, aveuglées par leur volonté d’en finir avec le pouvoir de Nétanyahou. Au premier rang d’entre elles, se trouve le Procureur de l’Etat, dont le cabinet s'est transformé en officine politique. Derrière le Procureur, il y  a la Cour suprême, qui est devenue le premier pouvoir en Israël depuis plusieurs décennies, depuis le jour où le juge Aharon Barak a décrété que “tout était justiciable” et où il s’est arrogé le pouvoir anticonstitutionnel d'interpréter comme bon lui semble ou d’abroger purement et simplement toute loi de la Knesset (2).

 

Et derrière le Procureur et la Cour suprême, il y a les grands médias israéliens (avec des exceptions, heureusement) qui se sont largement rangés derrière cette offensive politico-judiciaire, au nom du slogan “Tout sauf Bibi!”, qu’ils répètent comme un mantra depuis de nombreuses années. Comment sortir de cette situation ? La réponse n'est pas simple. Mais l'objectif, lui, est clair. Il faut défendre l’Etat de droit, et rétablir la souveraineté du peuple et de la Knesset et les prérogatives du pouvoir exécutif et législatif, largement entamées ces dernières années par un “pouvoir judiciaire” arrogant,  qui n’a pas sa place dans un régime démocratique (3). 

Dernière remarque : le professeur de droit a en commun avec la puéricultrice de prendre les citoyens israéliens pour des enfants. Mais le “peuple stupide”, méprisé par ces élites arrogantes, saura faire la différence entre les lois votées par la Knesset et les diktats que celles-ci veulent lui imposer au nom du “droit”. Car le peuple, quoi qu’en pensent M. Kremnitzer et consorts, n’est pas stupide.

Pierre Lurçat

 

(1) A. Barak, The Judge in a Democracy, Princeton University Press 2001.

(2) Sur les conceptions de A. Barak, voir “Aharon Barak et la religion du droit, le fondamentalisme juridique au coeur du débat politique israélien’”.

http://vudejerusalem.over-blog.com/2019/03/aharon-barak-et-la-religion-du-droit-i-le-fondamentalisme-juridique-au-coeur-du-debat-politique-israelien-actuel-pierre-lurcat.html

(3) Voir notre article, “Mettre fin au gouvernement des juges et rendre le pouvoir au peuple d’Israël”.http://vudejerusalem.over-blog.com/2017/09/mettre-fin-au-gouvernement-des-juges-et-rendre-le-pouvoir-au-peuple-israelien-pierre-lurcat.html

 

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Le “Deep State” contre l’État de droit : Les racines de la crise politique en Israël

November 22 2019, 08:45am

Posted by Pierre Lurçat

 

Deep State, "l'État profond": l'expression évoque le titre d'une série d'espionnage. S'agit-il d'un véritable "État dans l'État", ou plus simplement du pouvoir de l'administration et des groupes de pression, qui s'oppose parfois à celui des élus du peuple ? Plus précisément, il pourrait s’agir de tous ceux qui - au sein de l’administration, de l'armée, de l’économie ou des médias - se donnent pour tâche non pas de servir l’Etat, le peuple et le gouvernement qu’il s’est donné, mais au contraire de renverser ce dernier par des moyens non démocratiques, pour servir leurs propres intérêts, matériels ou idéologiques. Quelle que soit l'acception précise qu'on lui donne, ce concept permet de comprendre les causes profondes de la situation politique sans précédent que traverse l'État d'Israël depuis plusieurs mois… Comme l’écrit la commentatrice israélienne Caroline Glick, “l’usurpation du pouvoir des élus par “l’État profond” au cours des trois dernières décennies est la question politique la plus brûlante en Israël aujourd’hui”. (1)


 


 

Crise politique et institutionnelle

 

La situation actuelle, que les médias israéliens décrivent par le terme hébraïque de "plonter" (sac de nœuds), n'est pas tant un blocage des institutions et des mécanismes électoraux, que l'aboutissement d'un long processus d'érosion du pouvoir politique, celui de la Knesset et de l'exécutif, face à la montée en puissance d'un véritable “pouvoir judiciaire”, plein de morgue et d'hybris. Si l'on voulait dater le début de ce processus de manière précise, on pourrait prendre comme point de départ la fameuse affaire du compte en dollars, en 1977, durant laquelle le Premier ministre avait été contraint de démissionner pour avoir détenu quelques centaines de dollars sur un compte aux États-Unis, ce qui s’expliquait tout naturellement par le fait qu’il y avait été ambassadeur (2). Cette infraction dérisoire permit au procureur de l’État de l’époque d’affirmer son pouvoir, en obtenant la démission du Premier ministre. C’est au cours de cette affaire que fut ainsi fixé le dangereux précédent, selon lequel un dirigeant élu "devait" démissionner, lorsqu'il était inculpé par le procureur de l'État. 

 

Ce que la plupart des commentateurs ont alors (et depuis lors) célébré comme une victoire de l'État de droit contre la "corruption", était en réalité une pure et simple invention juridique, qui marqua le début d'un processus d'effritement des  prérogatives de l'exécutif, rognées par un "pouvoir judiciaire" de plus en plus puissant, processus dont nous voyons aujourd'hui les conséquences dramatiques. Il n'est pas anodin que le Premier ministre d'alors s'appelait Itshak Rabin. Quant au procureur de l'État, il n'était autre qu'Aharon Barak, le théoricien et le maître d'œuvre de la "Révolution constitutionnelle", qui a permis à la Cour suprême de devenir la cour la plus activiste du monde et le premier pouvoir en Israël. Ce faisant, il a  ébranlé le fragile équilibre des trois branches de l'État, exécutif, législative et judiciaire, en créant un “pouvoir judiciaire” qui n’a pas sa place dans une démocratie authentique. (3)


 

Itshak et Léa Rabin


 

Ceux qui voudraient aujourd'hui que Benjamin Netanyahou démissionne, avant même d'être inculpé, ou dès lors qu'il le sera, ne font que tirer les conséquences logiques du précédent créé à l'époque par Aharon Barak. Mais ce précédent, quoiqu'on pense de son opportunité morale et politique, n'avait juridiquement aucun fondement solide. D'après la Loi fondamentale sur le Gouvernement, en effet, seule la Knesset est habilitée à destituer un Premier ministre en exercice, selon une procédure détaillée et précise. La théorie de la "démission forcée" du Premier ministre a été créée ex nihilo par le juge Aharon Barak, qui se considère lui même comme "créateur du droit" et donc comme au-dessus des lois - même fondamentales - comme il l'affirme explicitement dans ses nombreux écrits. (4)

 

Putch judiciaire et chantage politique

 

Si la "praklitout" (le cabinet du procureur de l'État) se comporte aujourd'hui avec une telle arrogance - au point que le ministre de la Justice lui-même a cru bon de dénoncer ses pratiques, lors d'une intervention sans précédent dans l'histoire d'Israël - c'est précisément au nom de cette conception erronée et dangereuse, qui voudrait que des employés de l'État puissent défaire ce que les électeurs ont décidé. Que ces employés parlent au nom du droit et de "l'État de droit" ne change rien à l'affaire. La comparaison avec la procédure d'impeachment américaine est instructive : aux États Unis, seul le Congrès peut décider de lancer une telle procédure, exceptionnelle.

 

Dans l'État d'Israël d'aujourd'hui, la compétence exorbitante que s'est arrogée, sans fondement légal véritable, le procureur de l'État lui permet ainsi de faire tomber n'importe quel Premier ministre, avec la complicité active de la police et de médias complaisants. Car c'est bien de cela qu'il s'agit dans les affaires Netanyahou, comme l'a reconnu Avishai Mandelblit dans un accès de sincérité. Si Netanyahou démissionne, les procédures seront annulées, avait-il expliqué l’été dernier, comme l’avait à l’époque révélé le Jerusalem Post ! Or de deux choses l'une : s'il a commis une infraction, il doit être poursuivi même après son éventuelle démission, ce qui montre bien que l'objectif poursuivi par Mandelblit est avant tout politique.

 

Nous sommes ici au coeur de la réalité paradoxale de la crise politique actuelle. Ceux qui n'ont que les mots d'État de droit a la bouche, ne cherchent en réalité qu'une seule chose, regagner par un artifice juridique le pouvoir qu'ils ont perdu par les urnes (5). Et c'est précisément parce qu'ils sont convaincus que l'ère Netanyahou touche à sa fin, que la formation d'une coalition devient impossible et presque superflue… A quoi bon négocier en effet, si Benny Gantz peut espérer obtenir le pouvoir sans effort, d'ici quelques mois ou quelques semaines, quand le procureur aura "démis" Netanyahou de ses fonctions ? Dans un régime où le Premier ministre est “démis” par un procureur, les élections deviennent un luxe inutile.


 

Des élections superflues : Nétanyahou et Gantz

 

Pourtant, il est important de le répéter, il ne s'agit pas seulement d'un affrontement entre partisans et adversaires de M. Netanyahou. Car le pouvoir démesuré du procureur de l'État et de ses alliés pourra demain s'exercer contre tout Premier ministre élu, fût-il de gauche, comme Itshak Rabin a l'époque du compte en dollars. Cette épée de Damoclès, qui plane désormais sur la tête de tout dirigeant élu n'est pas, comme voudraient le faire croire ses partisans, un "chien de garde" de la démocratie. Elle est bien plutôt, comme l'a expliqué l'avocat américain Alan Dershowitz, un "chien d'assaut" contre la démocratie et ses institutions. Et nous en revenons ici au problème de l'État dans l'État, - ou de la "praklitout dans la praklitout" - pour reprendre l'expression du ministre de la justice Amir Ohana. 

 

Le "Deep state" israélien ne menace pas seulement le pouvoir de Benjamin Netanyahou. Il menace et porte atteinte - et a déjà porté un coup dangereux - au fonctionnement de la démocratie israélienne. Le remède à cette situation préoccupante existe, et il ne réside pas dans la réforme du système électoral, comme on l'entend souvent dire. Le remède passe par l'annulation du pouvoir exorbitant de la Cour suprême et du procureur de l'État, en redonnant aux élus du peuple, à la Knesset et au gouvernement, les compétences qui leur reviennent selon les lois fondamentales de l'État d'Israël, expression de la volonté générale et de la souveraineté populaire. Il faut mettre fin au Deep State pour préserver la démocratie.

Pierre Lurçat

 

(1) https://carolineglick.com/israels-deep-state-takes-aim-at-netanyahu/ Parmi les autres auteurs ayant parlé du Deep State à propos d’Israël, le Dr Martin Sherman, ancien conseiller du Premier ministre Itshak Shamir. http://www.israelnationalnews.com/Articles/Article.aspx/23539

(2) Un règlement interne du ministère des Finances autorisait une telle détention, comme le rappela plus tard le ministre de la Justice Yaakov Neeman. Voir https://frblogs.timesofisrael.com/le-jour-ou-itshak-rabin-fut-contraint-a-demissionner-par-aharon-barak-2/

(3) Comme le rappelle Pierre Manent, spécialiste de philosophie politique, dans des pages très éclairantes d’un ouvrage paru il y a une quinzaine d’années, la notion d’État de droit et celle de séparation des pouvoirs qui en découle, donnent lieu à de fréquentes fausses interprétations. En particulier, écrit-il, “On se trompe souvent sur la thèse de Montesquieu, ou on s’en fait une idée confuse. Il n’y a pas pour lui le pouvoir judiciaire. La forme et la fonction de celui-ci dépendent du régime politique. Dans le régime monarchique, dans la France du temps de Montesquieu, il importe que le judiciaire soit véritablement un pouvoir distinct et consistant, faute de quoi le régime serait despotique… Dans le régime républicain moderne, la fonction et la nature du judiciaire sont toutes différentes. La liberté y est produite et garantie par le jeu des deux autres pouvoirs (législatif et exécutif, P.L.) et par les effets que ce jeu induit. Le judiciaire n’y est donc pas le gardien de la liberté, comme il l’était dans la monarchie. Et même, pour aider à la liberté, il doit en quelque sorte disparaître comme pouvoir”. Cf. P. Manent, Cours familier de philosophie politique, Gallimard 2004.

(4) Voir notamment A. Barak, The Judge in a Democracy, Princeton University Press 2001.

(5) Voir notre article “La faculté de l’inutile : la justice israélienne au service des ennemis de la démocratie”. http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/02/la-faculte-de-l-inutile-la-justice-israelienne-au-service-des-ennemis-de-la-democratie-par-pierre-lurcat.html

 

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Quand Alain Finkielkraut reprend à son compte les thèses manichéennes de Jean-Pierre Filiu, par Pierre Lurçat

June 23 2019, 11:32am

Posted by Pierre Lurçat

Jean-Pierre Filiu vient de réitérer sa vision manichéenne et caricaturale d'Israël au micro complaisant d'Alain Finkielkraut, dans son émission Répliques sur France-Culture. J'ai déjà eu l'occasion de dire ce que je pensais des positions radicales de J.P Filiu. Mais que dire de la tribune qui lui est offerte par Alain Finkielkraut?

Non, M. Finkielkraut, ce ne sont pas les "400 000 colons" (habitants juifs de Judée-Samarie) qui sont l'obstacle à la paix entre Israël et ses voisins! Non, M. Finkielkraut, Binyamin Nétanyahou n'a pas "participé à l'incitation" ayant conduit à l'assassinat d'Itshak Rabin z.l. ! En offrant une tribune à Jean-Pierre Filiu et à ses thèses délirantes, vous participez à diffuser le "Israël-bashing" et la haine d'Israël dont vous êtes vous-même victime.

 

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Alain Finkielkraut en habit d'académicien

Pour écouter l'émission Répliques sur France Culture :

https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/ou-va-israel-0

Israël / Nétanyahou : Cinq contre-vérités de Jean-Pierre Filiu - Pierre Lurçat pour InfoEquitable

Dans son brûlot anti-israélien, Main basse sur Israël. Nétanyahou et la fin du rêve sioniste, récemment paru en France, l’historien et militant Jean-Pierre Filiu dresse un portrait caricatural du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, et à travers lui, de la démocratie israélienne. Nous exposons ici certains des mensonges les plus flagrants auxquels recourt J.P. Filiu pour étayer ses conceptions radicales, qui consistent à opposer un Israël des Pères fondateurs, idéalisé pour les besoins de sa thèse, à l’Israël actuel, qu’il noircit et décrit de manière caricaturale.

 

 

(I) “Main basse sur Israël” ? Délégitimer la démocratie israélienne

 

Le premier mensonge réside dans le titre même du livre de M. Filiu, Main basse sur Israël. Nétanyahou et la fin du rêve sioniste. Car Benjamin Nétanyahou n’a pas fait “main basse”  sur Israël - expression qui sous-entend qu’il se serait emparé du pouvoir par la force… Nétanyahou a été élu démocratiquement, à quatre reprises, ce qui fait de lui le dirigeant qui a été le plus souvent plébiscité par l’électorat israélien. Derrière ce mensonge sémantique, c’est en fait la légitimité de la droite israélienne à gouverner le pays qui est contestée.

 

(II) Nétanyahou et l’assassinat d’Itshak Rabin

 

Il (Nétanyahou) a entretenu le climat de haine qui favorise, en 1995, l’assassinat de Rabin, ainsi que le montre le documentaire d’Amos Gitai, le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin, (2015)”.

 

Jean-Pierre Filiu, interview à Libération

 

L’accusation selon laquelle Nétanyahou aurait “incité” ou “participé à l’incitation” ayant mené à l’assassinat d’Itshak Rabin est une accusation récurrente, qui revient régulièrement sous la plume des opposants au Premier ministre israélien. Mais elle ne résiste pas à l’examen des faits. Comme l’a montré le journaliste du quotidien Ha’aretz, Anshel Pfeffer, dans sa récente biographie de Nétanyahou, ce dernier n’a jamais “incité” à l’assassinat d’Itshak Rabin, directement ou indirectement. Ce sont, comme l’écrit Pfeiffer (peu suspect de sympathies pour la droite israélienne, et lui-même membre de la corporation journalistique) “les médias israéliens qui ont inventé le narratif de ‘l’incitation qui a conduit au meurtre de Rabin’. Et qui ont dépeint Nétanyahou comme ‘le principal responsable de cette incitation’.

 

(III) Le sionisme révisionniste : un sionisme radical?

 

“[Nétanyahou] nous renvoie à la genèse d’Israël. Il incarne la revanche de Zeev Jabotinsky, leader de l’aile droite du mouvement sioniste, sur le fondateur travailliste Ben Gourion. Il réécrit le récit national aux dépens de celui des pionniers progressistes d’Israël”.

Jean-Pierre Filiu, Libération 10/1/2019

 

Dans le portrait caricatural qu’il dresse de Benjamin Nétanyahou, J.P. Filiu recourt à un procédé polémique trompeur, en prétendant que celui-ci incarnerait une vision radicale du sionisme, à laquelle il prétend opposer le “sionisme des origines”, travailliste, fondé sur une vision optimiste et humaniste. Selon Filiu, Nétanyahou aurait hérité sa vision sioniste radicale et pessimiste de son père, Bentsion Nétanyahou, proche du fondateur du sionisme révisionniste, Vladimir Jabotinsky. Mais cette description simpliste pèche par omission.

 

Contrairement à ce que prétend Filiu, le sionisme révisionniste (c’est-à-dire le sionisme de droite) n’est pas une version radicale et pessimiste du sionisme. Il entend au contraire “réviser” le sionisme pour revenir aux fondamentaux de son père fondateur, Théodor Herzl. Ce dernier, comme on le sait, était marqué par la vision optimiste d’un sionisme pacifique, devant être réalisé au moyen d’une charte internationale, garantie par les puissances de l’époque. “Zurück zum Charter” (“Revenons à la Charte”) : c’est par ces mots que Jabotinsky a défini sa vision du sionisme, légaliste et humaniste à l’instar de celle de Theodor Herzl.


 

Jabotinsky : un sionisme légaliste et humaniste


 

(IV) La loi fondamentale “Israël Etat nation” :

 

Dans la loi fondamentale de juillet 2018, Nétanyahou ne mentionne pas le terme démocratie”.

Jean-Pierre Filiu, interview à France-Inter

 

La loi-fondamentale sur Israël Etat-nation du peuple juif n’apporte aucun élément fondamentalement nouveau par rapport à la Déclaration d’Indépendance de 1948. Son objet est précisément de rappeler des évidences qui ont été largement oubliées depuis lors, comme le fait qu’Israël est un Etat juif. Cette loi, comme je l’ai expliqué, vient s’insérer de manière logique dans l’édifice constitutionnel, aux côtés des deux éléments déjà édifiés depuis 1948. Le premier élément était celui des Lois fondamentales décrivant le fonctionnement des institutions (Knesset, Président de l’Etat, etc.). Le second était celui des droits de l’homme, qui sont énoncés dans les deux lois fondamentales de 1992. Le troisième élément, qui faisait défaut jusqu’alors, était celui du caractère juif de l’Etat, ou si l’on préfère de la “carte d’identité” de l’Etat d’Israël.


 

(V) Nétanyahou, inspirateur d’une politique et d’un mode de gouvernement brutal?

 

C’est lui qui a introduit cette violence dans le débat politique israélien. Et cela n’a fait que s’aggraver… Aujourd’hui, elle s’exerce contre la gauche, mais aussi la justice, la presse, les ONG et même la police, ils seraient tous unis dans un complot pour l’abattre ! Ce phénomène nous concerne tous, c’est ce qu’on découvre à l’échelle mondiale avec Trump, un mode de gouvernement brutal que Nétanyahou a banalisé”.

 

Jean-Pierre Filiu, interview à Libération

 

Si l’on en croit Filiu, Nétanyahou ne serait pas seulement l’ami de Trump, du hongrois Viktor Orban et des autres dirigeants les plus conservateurs et populistes de la planète. Il serait en réalité l’inspirateur d’un “mode de gouvernement brutal” que ces derniers auraient calqué… En réalité, la violence du débat politique israélien ne date pas de Nétanyahou. Dans sa vision simpliste et caricaturale de l’histoire d’Israël, Filiu idéalise la période de l’hégémonie travailliste, qui a duré trois décennies et a été marquée par une violence politique qui n’avait rien à envier à celle d’aujourd’hui. Ben Gourion, que Filiu se plaît à idéaliser, obnubilé par son entreprise visant à noircir le portrait de Nétanyahou, n’a pas toujours été un modèle de démocratie, et il s’est ainsi employé à délégitimer ses opposants, de Jabotinsky à Menahem Begin. C’est seulement l’arrivée de ce dernier au pouvoir, en 1977, qui a introduit l’alternance dans la vie politique israélienne.

Pierre Lurçat

https://infoequitable.org/cinq-contre-verites-de-jean-pierre-filiu/

Si vous souhaitez reproduire cet article, merci de demander ici une autorisation écrite préalable.

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Le nouveau Premier ministre d’Israël s’appelle… Binyamin Nétanyahou par Pierre Lurçat

April 10 2019, 11:50am

Posted by Pierre Lurcat

 

Le 9 avril 2019, Daleth bé-Nissan 5778, restera un jour marqué d’une pierre blanche pour le peuple d’Israël. La démocratie israélienne s’y est en effet montrée sous son meilleur jour. Au terme de longues semaines d’une campagne électorale virulente, marquée par des échanges d’insultes, des arguments démagogiques, une désinformation sans précédent et des calomnies quotidiennes, le peuple s’est prononcé. Son verdict est sans appel : il a redonné mandat à Binyamin Nétanyahou pour présider au destin d’Israël. Rappelez-vous bien cette date: elle marque sans doute le début d’une nouvelle ère pour Israël.

 

 

Rappelez-vous bien cette date, car les médias - en France et ailleurs - vont dès demain reprendre leur litanie anti-israélienne, en prétendant que Nétanyahou n’est pas l’élu du peuple et le représentant de la seule démocratie du Moyen-Orient, mais qu’il est un “populiste nationaliste” représentant “l’extrême-droite nationaliste et religieuse”, pour citer un ancien ministre des Affaires étrangères français. L’intervention grossière du président Emmanuel Macron dans la campagne électorale israélienne n’aura été que la partie visible de l’iceberg de la diplomatie française qui s’efforce depuis des lustres, par des moyens visibles ou cachés, d’affaiblir l’Etat juif, au nom d’une politique hostile traditionnelle remontant aux années 1930, que le regretté Michel Darmon qualifiait avec raison de “croisade”, aux relents prononcés d’antisémitisme (1).

 

Rappelez-vous bien cette date, car en Israël même, les médias et les vieilles élites de la gauche vont très vite entamer à nouveau le refrain qu’elles ne cessent de déclamer depuis des mois et des années : “Nétanyahou n’est pas capable de gouverner Israël. Il doit être jugé et condamné”. Après avoir perdu tout espoir de faire tomber Nétanyahou par la voie démocratique, ils vont reprendre leurs manigances pour priver le peuple israélien du résultat de son vote. La Cour suprême - qui est devenue depuis trois décennies le premier pouvoir en Israël - les médias majoritairement acquis à l’opposition, les “élites” des mondes des arts, de la culture et de l’université qui n’ont jamais accepté le “Ma’apa’h” - l’arrivée au pouvoir de la droite en 1977 et surtout celle du successeur de Menahem Begin et d’Itshak Shamir, Binyamin Nétanyahou - vont reprendre leur travail de sape.

 

Mais rien de tout cela ne pourra changer cette réalité simple et dérangeante, que ses ennemis à l’extérieur, et ses adversaires à l’intérieur ont beaucoup de mal à accepter: Nétanyahou est le Premier ministre d’Israël! Il est, comme je l’écrivais il y a quelques semaines, le seul candidat qui peut aujourd’hui diriger Israël. Et ses accomplissements politiques et diplomatiques en font un des meilleurs Premiers ministres qu’a connus Israël depuis 1948. Il est le digne fils du professeur Bentsion Nétanyahou (2).


 

Bentsion Netanyahou et son fils, lors d’une cérémonie en souvenir de Yoni

 

Comme l’écrit avec clairvoyance Caroline Glick, il existe un écart considérable entre l’image de Nétanyahou véhiculée par les médias israéliens et sa personnalité véritable. C’est en effet Binyamin Nétanyahou qui a “transformé Israël en puissance économique et militaire” et a utilisé cette puissance économique pour “asseoir une nouvelle stratégie diplomatique”. Nétanyahou, conclut Glick (4), est le “dirigeant le plus important qu’a connu Israël depuis Ben Gourion” et aussi le plus sous-estimé. Je partage sans réserve le jugement de Caroline Glick, candidate sur la liste de la Nouvelle Droite israélienne, dont on ne sait pas à l’heure où j’écris ces lignes si elle entrera à la Knesset.

 

Mais j’ajouterai à ces mots une chose - cruciale à mes yeux. Si Nétanyahou a montré sa dimension de dirigeant et d’homme politique sur le plan de la diplomatie et de la politique étrangère, tissant des relations d’égal à égal avec les chefs des plus grandes puissances et hissant de fait Israël au rang qui lui revient de puissance sur la scène des nations, il lui reste à accomplir la même chose sur le plan intérieur.

 

Nétanyahou deviendra un des grands dirigeants de l’Etat d’Israël moderne, s’il parvient à résoudre un des problèmes les plus brûlants de la société israélienne, que les grands partis politiques ont largement négligé depuis longtemps : celui de la situation économique et sociale. L’Etat d’Israël, au cours de ses 70 années d'existence, est en effet passé presque sans transition d'un régime économique socialiste à un régime ultra-libéral ou, pour reprendre les termes de Jabotinsky, de « l'esclavage socialiste » au « capitalisme sauvage ». Il reste aujourd'hui à accomplir le programme de Jabotinsky, en édifiant une société plus égalitaire, réalisant ainsi l'idéal de justice sociale de la Bible hébraïque. (3)

 

Rappelez-vous bien la date du 9 avril 2019. Nétanyahou a été réélu pour la cinquième fois à la tête d’Israël. Le petit-fils du rav Nathan Milikovsky, qui adopta le nom de plume de “Nétanyahou” - qui signifie “Dieu nous a donné”, est d’ores et déjà entré dans l’histoire d’Israël.

Pierre Lurçat

NB j'ai commenté les résultats des élections ce matin sur Studio Qualita

https://www.youtube.com/watch?v=KfBnI6rOiVA

Nétanyahou et sa femme Sarah, montrant le sceau biblique qui porte son nom

 

(1) Voir sur ce sujet le livre indispensable de David Pryce-Jones, Un siècle de trahison, La diplomatie française et les Juifs, 1894-2007, Denoël 2007.

(2) Je consacre un chapitre de mon dernier livre à la figure marquante de Bentsion Nétanyahou.

(3) Je renvoie sur ce sujet à mon livre Israël, le rêve inachevé. Editions de Paris 2018.

 

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