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sexualite

L’intention d’amour, de Shmuel Trigano : Esquisse d’une anthropologie hébraïque

April 27 2021, 11:14am

Posted by Pierre Lurçat

Les éditions de L’éclat ont récemment réédité le livre de Shmuel Trigano, L’intention d’amour, sous-titré “Désir et sexualité dans le Livre des Maîtres de l’âme de R. Abraham ben David de Posquières”. Ce dernier est un rabbin et kabbaliste connu sous son acronyme, le “Rabad”. Comme l’explique l’auteur en introduction, le Livre des maîtres de l’âme (Sefer Baalé-Hanefech) est “un des rares textes que la tradition a consacrés spécifiquement à la sexualité”. Le Rabad l’envisage du point de vue de la halakha, la loi juive, mais Trigano s’intéresse de son côté à la philosophie qui en est le soubassement. Il ne s’agit pourtant pas ici de la “sexualité”, au sens où nous l’entendons en Occident. En effet, écrit Trigano, “la notion de “corps” est quasiment absente de tout ce texte sur la sexualité”. Non pas en raison d’un rejet du corps et de ses contraintes, mais au contraire, parce que l’anthropologie juive qui se déploie dans ce texte n’envisage jamais le corps autrement que comme réceptacle de l’âme, la nefech, “qui est au coeur de l’analyse”. 

 

 

Pour comprendre la vision juive de la sexualité, il faut donc au préalable oublier la dichotomie occidentale (chrétienne et post-chrétienne) du corps et de l’âme. Car même le concept d’âme, dans son acception occidentale, est impropre pour traduire la nefech hébraïque. Celle-ci, explique Trigano, citant le théologien protestant Daniel Lys, “concerne l’être humain, qui vit dans l’histoire, et cet être humain fait partie du peuple d’Israël, qui a conscience que son histoire se déroule devant Dieu”. On comprend, à la lecture de cette définition, tout ce qui sépare l’anthropologie juive des conceptions auxquelles nous a habituées la vision occidentale de l’homme. A travers l’étude de “l’intention d’amour”, c’est en effet toute la conception hébraïque de l’homme, créé “Betselem Elohim”, à l’image de Dieu, qui transparaît.

 

C’est précisément cet aspect du Livre des maîtres de l’âme qui lui donne son caractère étonnamment actuel. Tout d’abord, parce que le judaïsme a reconnu l’importance (voire la prééminence) du désir et du plaisir féminin, bien avant Simone de Beauvoir et le féminisme occidental (lequel est bien pauvre et ambivalent, en comparaison de la vision hébraïque du féminin). Ensuite, parce que le judaïsme rejette la notion de “devoir conjugal” (c’est à l’homme qu’incombe le seul devoir qui existe en la matière) et qu’il a reconnu la notion de “viol conjugal” plusieurs siècles avant que celle-ci ne soit sanctionnée par la jurisprudence des tribunaux en France (à la fin des années 1990 seulement !) (1) Mais l’aspect le plus actuel du livre est encore ailleurs : il est dans la définition même du masculin, du féminin et dans celle de l’homme qui en ressort. Ce thème est d’ailleurs celui d’un autre ouvrage collectif récemment publié par Shmuel Trigano, Parent 1 Parent 2? L’enjeu anthropologique.



 

 

 

L’intention d’amour est la réédition d’un texte publié par S. Trigano en 1985 dans la revue Pardès, puis sous forme de livre aux éditions L’éclat, en 2007. Dans son introduction à la présente édition, l’auteur fait l’observation suivante : “C’est souvent après coup qu’on prend la mesure de l’importance d’une recherche dans un cheminement intellectuel… En redécouvrant ce texte passé, je me suis rendu compte que j’entamais le début d’une réflexion qui devait me conduire à concevoir la problématique de la “part gardée”, source génératrice d’autres ouvrages depuis, Philosophie de la Loi, l’origine de la politique dans la Tora, en 1991, La séparation d’amour, une éthique d’alliance en 1996”.

 

Quelle est donc cette “part gardée” dans le domaine de la sexualité? Elle est, explique Trigano, l’auto-limitation de l’homme, “qui ouvre le champ à l’apparition de la partenaire et rend donc possible l’intention (qui donne son titre au livre, L’intention d’amour P.L) et le consentement”. Il faut donc, poursuit-il, “qu’il y ait un reste inconsommé, laissé intact, potentiel, qui sauve l’intention et préserve son authenticité”. Ce “reste” désigne “la part de vide et d’inaccompli qui subsiste dans la relation”.

 

 

S. Trigano rapproche ce concept du “reste” dans la relation d’amour des “notions classiques définissant Israël comme la part de Dieu”, et des concepts de prémices, de la ‘Hala, “de la dîme sur les récoltes, c’est-à-dire ce qui n’est pas consommé dans la jouissance du monde”. On touche ici à une catégorie originale de la pensée hébraïque qui permet de comprendre la sexualité non pas, comme le fait l’Occident moderne et post-moderne, comme une dimension à part - érigée aujourd’hui en fondement d’une “identité sexuelle”, notion totalement impensable dans la tradition d’Israël -, mais comme un élément indissociable de la personne humaine, des relations homme-femme et de l’établissement de la famille. C’est précisément parce que la pensée hébraïque refuse l’autonomie de la sexualité - pour ne l’envisager que dans sa conception anthropologique globale - qu’elle permet de répondre aux dérives actuelles du “genre” et à la dilution des notions fondatrices du masculin et du féminin. Ici, comme ailleurs, la pensée hébraïque ouvre un horizon salvateur à un Occident en perdition.

Pierre Lurçat

1. Voir à ce sujet https://www.franceculture.fr/droit-justice/devoir-conjugal-contre-viol-conjugal-histoire-dune-reconnaissance-laborieuse

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Parution de Seuls dans l’Arche, Israël laboratoire du monde

J’ai le plaisir d’annoncer la parution de mon livre Seuls dans l’Arche, Israël laboratoire du monde. Réflexion menée entre mars 2020 et mars 2021, ce livre aborde la crise mondiale provoquée par la pandémie du Covid-19 sous l’angle inédit de la double tradition juive et occidentale, nourri de la lecture de rabbins et de philosophes, de sociologues et de poètes.

 

Pour “sortir de l’Arche” et retrouver nos libertés, mises à mal par les politiques anti-Covid, il faut au préalable retrouver l’idée même de la liberté humaine, qui n’est pas seulement la liberté individuelle ou la protection de la confidentialité des données, auxquelles elle se réduit trop souvent aujourd’hui.

 

Il s’agit, bien plus fondamentalement, du libre-arbitre, mis à mal par des décennies d’assauts répétés venant des tenants d’une définition mécaniste de l’homme, considéré tantôt comme un système neuronal, tantôt comme un animal un peu plus évolué (thèse de Yuval Harari dans Homo Sapiens). Pour que la “sortie de l’Arche” ait un sens, il faut repenser l’homme, afin de refonder le monde sur de nouvelles bases plus solides. 

 

Il s’agit en effet de la définition même de l’homme et de sa spécificité, qu’il est urgent de réaffirmer aujourd’hui. Si Israël est aujourd’hui devenu le phare d’une humanité malade, pionnier de la vaccination et de la sortie de crise, ce n’est pas un hasard. Le monde attend en effet d’Israël - au-delà d’un modèle sanitaire - qu’il réaffirme la vieille parole venue du Sinaï.

 

Confinés depuis un an dans l’Arche, nous espérons entrevoir la colombe porteuse de la branche d’olivier qui annoncera la décrue puis la fin du Déluge et le retour sur la terre ferme et chaleureuse, augurant d’un nouveau départ pour une humanité plus juste et plus confiante.

Pierre Lurçat

Le livre est disponible uniquement sur Amazon.

Les demandes de service de presse sont les bienvenues : pierre.lurcat@gmail.com

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La sexualité dans le judaïsme et dans l'islam : le jour et la nuit, Pierre Lurçat

September 20 2018, 11:29am

Posted by Pierre Lurçat

La sexualité dans le judaïsme et dans l'islam : le jour et la nuit, Pierre Lurçat

Nous avons lu hier, pendant la journée la plus sainte du calendrier juif, les passages du Lévitique sur les interdits sexuels. C'est l'occasion de réfléchir sur la conception juive de la sexualité, et sur celle de l'islam. Dans ce domaine, comme dans d'autres, le rapport de filiation lointaine entre les deux 'religions' (concept évidemment discutable concernant le judaïsme, qui est à la fois une religion et une nation) n'est presque plus décelable, tant l'islam s'est éloigné de sa source juive.

L'article qu'on lira ci-dessous, publié par le site de l'institut MEMRI, éclaire le rapport très particulier de l'islam à la sexualité et aux relations entre les hommes et les femmes. Au-delà de la lecture particulière que ce cheikh d'origine américaine, diplômé d'une grande université, fait des textes de l'islam sur ce sujet capital, c'est la question plus générale, et cruciale aujourd'hui,  de la place de la femme dans l'islam qui est posée. A titre de comparaison, rappelons-nous des beaux textes de notre Tradition sur le 'Ona', le droit de la femme au plaisir et le devoir que l'homme a de lui procurer... Peut-on imaginer deux conceptions plus éloignées? 

Voir les extraits vidéo sur MEMRI TV

 

Le cheikh canadien-américain Azhar Nasser : Un époux a droit à des « rapports intimes » quand il le désire et peut frapper sa femme « pour sauver le mariage »

 

Lors d’un cours donné le 15 septembre 2018 au Centre islamique Az-Zahraa de Richmond, en Colombie-Britannique, le cheikh chiite américain Azhar Nasser a débattu du « verset ‘comment battre sa femme’ » dans le Coran. Selon lui, du fait qu'un homme entretient sa femme, il a droit à des rapports intimes quand il le souhaite et d’après certaines sources, il est interdit à l'épouse de refuser ou de retarder cette intimité, « de crainte que les anges ne demandent à Allah de la priver de Sa miséricorde ».  Et d’ajouter que selon certains érudits, une femme ne peut quitter la maison sans l’autorisation de son mari, car il pourrait la désirer pendant son absence.

 

Dans le cadre de sa conférence, intitulée « Battue & meurtrie », Nasser a déclaré que dans « les cas extrêmes », lorsque la femme est « impudique », l'homme doit d'abord l’admonester, et si cela ne fonctionne pas, il doit séparer les lits pour « montrer son mécontentement ». Puis, s'il estime que cela peut « régler le problème et sauver le mariage », il peut la battre. Né et élevé au Michigan et diplômé de l'Université du Michigan, Azhar Nasser réside actuellement à Richmond, B.C., Canada. Cette allocution fait partie d'une série de conférences données au Centre islamique Az-Zahraa. Elle a été postée sur ses pages YouTube et Facebook. Extraits :

 

Azhar Nasser : Allons au verset, le verset qualifié de « verset ‘comment battre sa femme’ ». Si vous avez une application du Coran sur votre téléphone, j’aimerais que vous suiviez dans le texte. […]

 

Depuis le début, Allah appelle le mari « le gardien des femmes ». Allah a accordé certains privilèges aux hommes et Il a accordé certains privilèges aux femmes. Ils ont des droits différents. Le droit de l'épouse est qu'elle a le droit d'être entretenue. […]

 

Le mari, parce que vous l’entretenez, parce que vous lui fournissez un toit et de la nourriture, et que vous assumez des responsabilités financières… Parce que vous remplissez cette responsabilité, Allah vous donne un droit. Quel est ce droit ? Le droit au plaisir. Les juristes ont mentionné deux droits, le premier est que vous avez droit aux [rapports] intimes. […]

 

Le premier droit qu'Allah a donné à l'homme est que, lorsqu'il désire avoir des rapports intimes avec sa femme, elle ne peut pas le lui refuser […]

 

En fait, nous avons des récits disant que l'épouse ne devrait même pas retarder les rapports intimes, si le mari les désire. […]

 

Nous parlons d’une femme qui, lorsque son mari l'appelle, pour être intime avec elle, lui dit « plus tard, plus tard, plus tard », jusqu'à ce qu'il s'endorme, ce qui signifie qu'elle retarde ce droit conjugal. Le Saint Prophète dit qu'une telle femme, les anges demandent à Allah de la priver de Sa miséricorde. […]

 

Il [l’époux] peut lui donner des ordres de l'aube au crépuscule, le seul ordre qu’elle doit exécuter, sur le plan islamique, est s’il l’appelle pour être avec elle - l'intimité. Et certains juristes disent qu'elle ne peut quitter la maison sans son autorisation, et certains juristes ont dit que le second droit est également lié au premier, car il pourrait la désirer et si elle est absente, cela posera un problème. […]

 

Nous parlons d'un cas extrême où elle n'est pas vertueuse, elle désobéit à Dieu et ne surveille pas sa pudeur, le mari a peur, il devient suspect, il y a des signes d'infidélité. […]

 

Allah dit, vous n'êtes pas autorisé à les frapper, d'abord, admonestez-les. Parlez. Si vous avez quelques doutes, si son comportement vous insupporte, si vous sentez qu'elle ne garde pas sa chasteté, admonestez-les. C'est le numéro un. Si cela ne marche pas, séparez les lits pour exprimer votre mécontentement. Si cela ne fonctionne pas, c'est à ce moment que le verset dit : « Frappez-les. » Les érudits disent, vous ne faites que monter d’un cran au numéro trois, frappez-les… et cela comporte certaines conditions. Vous ne le faites que si vous sentez que cela peut régler le problème. L’objectif des coups ici n’est pas de punir. Il est de discipliner et de régler le problème pour sauver le mariage. […]

 

L’imam Al-Bakr dit : « Vous devez les frapper avec un siwak. » Vous connaissez les miswaks ? La petite branche utilisée pour l'hygiène dentaire ? Vous les frappez avec quelque chose de ce type.

 

http://memri.fr/2018/09/20/le-cheikh-canadien-americain-azhar-nasser-un-epoux-a-droit-a-des-rapports-intimes-quand-il-le-desire-et-peut-frapper-sa-femme-pour-sauver-le-mariage/

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