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Une étincelle d’hébreu : Mishkan, le tabernacle et la sainteté du monde, Pierre Lurçat

April 5 2024, 13:05pm

Une étincelle d’hébreu :  Mishkan, le tabernacle et la sainteté du monde, Pierre Lurçat

 

Le judaïsme, à l’inverse de l’islam – dont toute la “sacralité” passe par l’instinct de violence et de meurtre, comme l’a montré René Girard – se préoccupe sans cesse de l’humanité et de la rédemption universelle, et pas seulement (comme il en a souvent été accusé à tort) du destin particulier du peuple Juif. Ce dernier a vocation à devenir un “peuple de prêtres” au service de l’humanité tout entière.

 

Cela apparaît bien dans la construction du Tabernacle (le “mishkan”, משכן) relatée dans les sections hebdomadaires du livre de Vayiqra que nous lisons actuellement. Le “huitième jour” donnant son nom à la parashat Chemini, qui est celui de l’inauguration du Mishkan, a été, dit le Talmud, “un jour de joie pour le Saint béni soit-Il comme celui de la création des cieux et de la terre”. C’est en effet, explique le Rav Léon Ashkénazi, la première fois dans l’histoire de l’humanité que la présence divine, la Chekhina (שכינה), va résider sur terre de façon définitive…

 

Vé-shakhanti bétokham”: Et je résiderai parmi eux” (ושכנתי בתוכם). L’idée que D.ieu puisse résider sur terre, parmi les hommes et non dans un Ciel lointain, est étrangère à bien des religions et cultures païennes, et sans doute également aux deux grandes religions qui se réclament de leur filiation avec le judaïsme. En réalité, cette idée essentielle au judaïsme a été méconnue par les musulmans tant que par les chrétiens. Les premiers, obsédés par la conquête matérielle et par la propagation de l’islam au fil de l’épée, sont imperméables à la notion même de sainteté, comme le montre bien l’utilisation qu’ils font de leurs mosquées à Gaza, Sichem et ailleurs, les transformant en dépôts d’armes et de munitions…

 

Les seconds, ayant fait de Jésus l’incarnation de D.ieu sur terre, ont en fait méconnu l’idée de sanctification du monde, en prétendant contre toute évidence que le monde était déjà rédimé. Ainsi, le message essentiel du judaïsme (“Soyez saints, car Je suis saint”) demeure tout aussi actuel aujourd’hui qu’hier, et l’impératif de sanctification du monde est encore plus urgent et essentiel à l’heure où Israël, de retour sur sa terre, se voit appelé à refaire de Jérusalem et du Temple reconstruit le centre spirituel et le poumon d’un monde en exil de sainteté authentique. Chabbat chalom!

P. Lurçat

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Une étincelle d’hébreu : Hashem Ish mil'hama, L’Eternel est un soldat

November 22 2023, 08:41am

Posted by Pierre Lurçat

Une étincelle d’hébreu : Hashem Ish mil'hama, L’Eternel est un soldat

La guerre qui a commencé le jour de Simhat Torah est l’occasion de relire nos textes fondateurs et d’y trouver un sens nouveau. La « Shirat ha-Yam », le Cantique de la mer que nous lisons tous les matins dans la prière quotidienne contient cette expression mystérieuse, tirée du livre de l’Exode : « L’Eternel est le maître des batailles, l’Eternel est son nom ». Que signifie cette expression, Ish mil’hama, en quoi l’Eternel peut-il être qualifié de « Ish » et comment son Nom est-il lié à la guerre ?

 

            A ces questions d’ordre théologique, nous avons reçu une réponse éclatante depuis le début de la guerre. Comme l’explique le rav Yoav Ouriel, dans un cours de Torah diffusé depuis le front où il actuellement mobilisé, « le peuple d’Israël a découvert un nouveau Nom de Dieu… Découvrir un nouveau Nom de Dieu, c’est comme expérimenter une nouvelle Création ! Il y a des facettes du Créateur que nous ne connaissions pas jusqu’à ce jour. ‘’L’Eternel maître des batailles” est un nouveau Nom de Dieu ».

 

            Mais en réalité, l’expression Ish mil’hama signifie autre chose que la traduction qu’en donne la Bible du rabbinat français, sous la direction du grand-rabbin Zadoc Kahn, de « maître des batailles ». Ish mil’hama veut dire littéralement un « homme de guerre », c’est-à-dire un soldat. Cette expression, ce nouveau Nom de D.ieu, comme l’explique le rav Yoav Ouriel, signifie que D.ieu combat avec nos soldats, Il est bien présent sur le champ de bataille de Gaza, comme en ont attesté des dizaines de soldats et d’officiers qui combattent en ces moments mêmes contre l’ennemi.

 

            Après le grand Hilloul Hashem, la « profanation du Nom » du 7 octobre, et ce que certains ont voulu interpréter comme un « Hester Panim », un voilement de la face de D.ieu, nous assistons à présent au grand dévoilement de la présence divine, d’un D.ieu qui combat avec Son peuple, contre Ses ennemis. Oui, « Hashem Ish mil’hama, Hashem Shemo ! »

           

P. Lurçat

NB Mon nouveau livre, Face à l’opacité du monde, paraît ces jours-ci aux éditions l’éléphant. Il est disponible sur Amazon, B.O.D et dans les bonnes librairies. Je l’ai évoqué à l’antenne d’Antoine Mercier sur sa chaîne Youtube Mosaïque.

Une étincelle d’hébreu : Hashem Ish mil'hama, L’Eternel est un soldat

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Rencontres israéliennes : Ido Rechnitz, Pour un État démocratique fondé sur la Torah

May 21 2023, 09:12am

Posted by Pierre Lurçat

Le rav Ido Rechnitz

Le rav Ido Rechnitz

(Article paru dans Israël Magazine)

NB J'invité mes lecteurs à écouter la conférence donnée par G.E. Sarfati sur le thème "Israël et le fantasme de la théocratie", disponible ici

Ma rencontre avec le rabbin Ido Rechnitz se déroule quelques semaines après les élections, alors que le nouveau gouvernement n’est toujours pas constitué et que les médias israéliens sont remplis d’éditoriaux dramatiques annonçant la prochaine constitution d’un gouvernement « d’extrême-droite », qui va transformer Israël en État théocratique digne de l’Iran des ayatollahs… Je viens justement de lire le dernier livre publié par Ido Rechnitz, au titre mystérieux de L’État de la Torah démocratique, paru récemment aux éditions du centre « Mishpaté Eretz » à Jérusalem. Pour comprendre de manière plus approfondie le débat qui agite la société israélienne sur le sujet crucial des rapports entre État et religion, j’ai décidé de rencontrer son auteur.

 

Ido Rechnitz me reçoit dans les bureaux du centre Mishpaté Eretz, à Katamon, où il travaille en tant que chercheur. Après une maîtrise en sciences politiques à l’université Bar Ilan, il a achevé un doctorat en pensée juive à l’université d’Ariel. Son dernier livre, tiré de son doctorat, aborde la question de « l’État toranique démocratique » à travers trois figures essentielles : le grand-rabbin Itshak Herzog, le rabbin Eliezer Waldenberg et le rabbin Shlomo Goren. Le choix de ces trois rabbins s’explique par le fait qu’ils ont tous les trois élaboré une doctrine politique fondée sur la Torah et qu’ils abordent notamment la question de la théocratie juive.

 

Je lui demande d’emblée si l’État de la Torah envisagé par ces trois rabbins constitue une théocratie. « C’est un type de théocratie » me répond-il sans hésiter. Le mot théocratie fait évidemment peur aujourd’hui, mais la notion de « théocratie juive » n’a en fait peu de chose en commun avec les régimes théocratiques qui existent aujourd’hui à travers le monde, surtout dans le monde musulman. Ainsi, précise Ido Rechnitz, l’Iran est une théocratie « démocratique » en apparence, où se déroulent des élections, mais qui est en fait un régime totalitaire, comme cela est aujourd’hui évident. L’Arabie saoudite, de son côté, est une théocratie de type monarchique. Mais que signifie une théocratie juive ?

 

Qu’est-ce qu’une théocratie juive ?

 

Pour le comprendre, il faut tenter d’oublier tout ce qui nous vient à l’esprit en entendant le mot théocratie, tellement connoté négativement depuis des siècles, pour revenir aux sources. Le premier contresens à cet égard consiste à croire – comme le laissent penser les hommes politiques qui agitent aujourd’hui le spectre de l’Iran – qu’une théocratie juive serait nécessairement l’équivalent du régime de Téhéran. Le second contresens, tout aussi erroné, consiste à confondre théocratie juive et État dirigé par la halakha (loi juive).

 

Le premier à avoir utilisé l’expression d’« État halakhique » (Medinat Halakha), aujourd’hui devenue polémique, était en fait David Ben Gourion, lors du fameux débat autour de la question « Qui est juif ? » dans les années 1950. Dans l’esprit du grand public en Israël et ailleurs, l’État halakhique est entièrement régi par la loi religieuse, c’est donc un État où il ne reste guère de place pour la liberté de conscience et pour la liberté en général… C’est précisément cet épouvantail de l’État théocratique dirigé par des rabbins qu’on agite aujourd’hui dans le débat politique israélien.

 

Or, dans une théocratie juive, explique le rabbin Rechnitz, les lois de la Torah sont les lois de l’État, mais les rabbins ne sont pas les dirigeants. Les lois de la Torah autorisent en effet une législation humaine, c’est-à-dire une législation par la Knesset telle qu’elle existe aujourd’hui. L’instauration d’un État de la Torah ne modifierait donc pas fondamentalement le régime politique, mais uniquement le système juridique et législatif. D’autre part, la promulgation de lois inspirées par la Torah ne concernerait qu’une partie des lois en vigueur actuellement, car de nombreux domaines échappent à la halakha. Pour illustrer cette réalité méconnue, Ido Rechnitz explique que la plupart des décisions quotidiennes échappent à la loi juive.

 

Dans le domaine juridique, l’ensemble du droit pénal et de la politique publique sont ainsi en dehors du champ d’application de la loi juive, mais relèvent seulement de l’esprit de la Torah. Dès le treizième siècle, le Rashba (Rabbi Shmuel ben Avraham) avait ainsi expliqué que le système de justice pénal de la Torah (reposant sur deux témoins en matière de preuve) n’était pas effectif, et qu’il fallait donc se fier à la justice civile, c’est-à-dire non juive. Concrètement, cela veut dire que l’État de droit de la Torah conserverait les lois actuelles en matière de procédure et de droit pénal.

 

Contre la coercition religieuse

 

A ma question de savoir quels domaines du droit seraient les plus affectés par une telle révolution, Ido Rechnitz me répond qu’il s’agit de domaines techniques et très peu polémiques, comme le droit des contrats ou de la responsabilité civile, c’est-à-dire le droit civil. D’autre part, l’instauration d’un État fondé sur la Torah sur le plan du droit n’a rien à voir avec la question du respect des commandements religieux (mitsvot), qui continuerait de relever de la liberté de chacun. L’État de Torah démocratique ne serait en fait, contrairement à l’idée reçue à cet égard, pas concerné par le respect du shabbat dans l’espace public !

 

Pour comprendre ce paradoxe, mon interlocuteur me renvoie à une responsa du Hazon Ish, célèbre rabbin et décisionnaire du siècle passé, qui explique que la coercition religieuse a pour objectif d’amener les Juifs à respecter les mitsvot. Toutefois, dans le monde actuel, elle est interdite, car elle entraînerait des réactions négatives, de rejet de la Torah. C’est pourquoi il s’oppose à toute initiative de coercition religieuse. A cet égard, souligne Ido Rechnitz, c’est le camp « progressiste » qui est le moins démocratique, car il tente d’imposer au public ses conceptions (à travers la Cour suprême ou les médias qui partagent ses conceptions). Le seul domaine où il existerait (et où il existe déjà) une « coercition religieuse » est celui du statut familial, à savoir le droit du divorce et de la filiation qui repose sur la halakha depuis 1948, en vertu du statu quo établi à l’époque par David Ben Gourion.

 

Vers la Deuxième République d’Israël ?

 

Comment peut-on instaurer un État de Torah démocratique ? A cette question essentielle, le rav Rechnitz répond sans hésiter : « Il faut convaincre le peuple d’Israël qu’il souhaite ce changement ». Cela ne peut pas se faire par des moyens détournés ou en abusant de l’opinion publique… Il se dit favorable à un vote de la Knesset à une majorité qualifiée, de 70 ou 80 députés sur 120 et compare cela aux changements de régime intervenus en France entre la Première et la Troisième République. « C’est un changement de régime, qui conduira à la Deuxième République d’Israël ». C’est précisément pour cette raison que le rabbin Rechnitz préfère employer l’expression « État de la Torah » que celle de théocratie, aux connotations très négatives. Le plus important à ses yeux est d’œuvrer en vue de persuader du bien fondé d’un État de Torah, par des moyens démocratiques.

 

En conclusion, je lui demande à quoi ressemblera l’État de Torah, et en quoi il diffèrera de l’État d’Israël actuel. « Commençons par ce qui ne changera pas. Le régime parlementaire, la Knesset qui continuera de légiférer et d’édicter des lois, à condition de ne pas contredire la Torah… Nous passerons en revue la législation israélienne, dont une grande partie restera inchangée. Le changement le plus important sera de remplacer la Cour suprême par un Beth Din Gadol (tribunal toranique suprême), ce qui suppose de former des juges compétents ». Au terme de notre entretien, je quitte mon interlocuteur avec le sentiment que l’État de Torah démocratique est un idéal tout à fait accessible, même s’il reste beaucoup à faire pour convaincre le public israélien qu’il est souhaitable et réalisable. Mais comme le disait Herzl, « Si vous le voulez, ce ne sera pas un rêve… »

(c) Pierre Lurçat et Israël Magazine  -Reproduction soumise à autorisation expresse par écrit

Rencontres israéliennes : Ido Rechnitz, Pour un État démocratique fondé sur la Torah

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Lettre ouverte à Alain Finkielkraut et à quelques autres Juifs fascinés par l’Eglise, Pierre Lurçat

November 14 2022, 09:40am

Posted by Pierre Lurçat

Lettre ouverte à Alain Finkielkraut et à quelques autres Juifs fascinés par l’Eglise, Pierre Lurçat

 

Cher Alain Finkielkraut,

 

J’avais tout d’abord pensé adresser cette lettre ouverte à Gad Elmaleh et à vous conjointement, pour les raisons que vous allez bientôt comprendre. Finalement, j’ai décidé de vous l’envoyer à vous seul. J’ai souvent ri - comme beaucoup - en regardant les sketches de Gad, y compris celui où il évoque sa préférence pour les enterrements catholiques, tellement plus grandioses et impressionnants que les enterrements juifs… J’ai ri alors, parce que j’ignorais évidemment que l’humoriste parlait très sérieusement et que ce “ballon d’essai” annonçait d’autres révélations bien plus fracassantes encore. Celle qu’il dit avoir reçue de la Vierge Marie, qui “l’accompagne à chaque instant, y compris sur scène” et celle qu’il a faite tout récemment au grand public, de sa conversion à la religion catholique.

 

J’ai donc choisi de vous écrire à vous seul, cher Alain Finkielkraut. Car bien entendu, votre cas n’a rien à voir avec celui de l’humoriste. J’aurais presque envie de dire que tout vous sépare... Il est originaire du Maroc, alors que vous êtes né à Paris de parents Juifs venus de Pologne, tout comme mes grands-parents. Il est un homme de spectacle, alors que vous êtes un homme de pensée et de plume. Il se dit attiré par la religion catholique depuis tout jeune, alors que vous êtes un philosophe non croyant et ne pratiquez aucune religion. Et pourtant… Dans votre dernière émission Répliques, en compagnie de l’acteur Fabrice Lucchini, avec lequel vous entretenez des liens d‘amitié, vous répondez à une question très personnelle sur vos liens avec la religion catholique[1]. Je cite mot à mot votre échange :

 

“Fabrice Lucchini : Ce qui est beau c’est votre amour de Pascal, illustré admirablement dans l’émission avec Pierre Manent… J’ai l’impression que vous êtes à deux doigts,..

A Finkielkraut : De me convertir ?

F. L. Je le dis solennellement, vous qui êtes d’une communauté qui n’est pas chrétienne, vous êtes à deux doigts de franchir… Un Finkielkraut chrétien, un Finkielkraut réconcilié, voilà ce qui va se passer dans les mois qui vont arriver…

A.F. (Rires)

F.L Oui, auditeurs de France Culture, ce moment est rare… Cet homme qui a si bien parlé du judaïsme, cet homme qui a démontré sa passion pour la langue française, n’est pas loin de se convertir !

A.F. Je pourrais répondre quand même…”

 

L’entretien alors change de sujet, car Fabrice Lucchini déclame une fable de La Fontaine et on reste sur l’impression que l’échange précédent était une farce… Mais votre interlocuteur revient à la charge, comme un missionnaire zélé, avec un plaisir gourmand dans la voix :

 

F.L. Et la conversion Alain ?

A.F.  Alors… Et ensuite je reviendrai à la question de la langue. Non il n’est pas question que je me convertisse, mais il est vrai que je suis… fasciné par la proposition chrétienne[2]. Je ne me convertirai pas, parce que les Juifs persistent dans leur être, quand bien même ils ne croient plus en Dieu, majoritairement… C’est d’ailleurs pour moi-même un mystère, mais c’est comme ça. Pour ce qui est de la proposition chrétienne, je suis fasciné par le fait que le Christ a dit sur la Croix, “Mon Dieu, Mon Dieu, ou mon Père, mon père, pourquoi m’as-tu abandonné ? Non seulement il l’a dit ; mais c’est dans les Evangiles. Et la peinture, les grands chefs d’œuvre de la peinture, sont des descentes de Croix. Donc, le christianisme nous montre la mort… Il ne nous dissimule rien de la mort. Alors il retire à la mort son dard venimeux, il y a la résurrection du Christ, peut-être, mais il y la mort..

Et il y a cette phrase bouleversante, je trouve que c’est le génie du christianisme et ça je n’ai pas peur de le dire, parce qu’aucune religion n’est allée jusque-là, jusque faire mourir son Messie, mourir Dieu même. Voilà ce que j’aime, mais il n’est pas question de conversion…

F.L. Ce n’est pas évident, votre exaltation... Pourquoi c’est unique ?

A.F. Tout d’un coup il y a la finitude, la souffrance de la mort, dont le Christ lui-même, par laquelle passe le Christ… Et au cœur de l’Evangile, au cœur de la Bonne nouvelle, il y a cette phrase-là, pourquoi m’as-tu abandonné., je trouve que c’est au cœur de la croyance quelque chose d’incroyable”.

 

Si j’ai retranscrit intégralement cet échange étonnant, qui ne défigurerait pas un roman de votre ami Philip Roth ou de son jeune émule Joshua Cohen, c’est parce qu’il nous dit beaucoup sur la condition juive en France (et ailleurs en exil) aujourd’hui. Bien entendu, vous avez, tout comme Gad Elmaleh, choisi le ton de l’humour et de la farce pour aborder ce sujet délicat et douloureux. Mais il n’aura échappé à aucun de vos auditeurs que, rebondissant sur l’amorce se voulant drôle de Lucchini, qui prend à parti les auditeurs de France Culture en prétendant annoncer votre conversion, vous avez répondu le plus sérieusement du monde, et malgré votre refus de la conversion, votre ami Lucchini n’a pas été déçu…

 

Je ne fais pas partie des “gardiens de la foi” juive, et mon propos n’est pas de vous faire reproche d’envisager une conversion, que vous dites écarter sans hésitation et sans la moindre ambiguïté, contrairement à votre compatriote Gad Elmaleh. La question, à mes yeux, dépasse de loin celle de la conversion, qui est d'ailleurs beaucoup plus répandue qu’on ne le pense. Après tout, des milliers de Juifs se convertissent chaque jour à toutes sortes de religions, parfois sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose. Il y a eu et il y a encore des Juifs communistes, des Juifs trotskystes, des Juifs staliniens, et il y a aujourd’hui des Juifs bouddhistes, des Juifs wokistes et même des Juifs convertis à l’islam radical[3]

 

Ce qui est grave à mes yeux, c’est la fascination que vous dites ressentir pour le christianisme, et la manière dont vous l’expliquez à votre interlocuteur, en citant le passage des Evangiles, “Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné”... Car voyez-vous, cher Alain Finkielkraut, cette phrase que vous dites bouleversante et qui illustre à vos yeux le “génie du christianisme”, cette phrase n’est pas chrétienne, mais bien juive, puisqu’elle est tirée des Psaumes du Roi David ! “Eli, Eli, lama hazavtani ?” est un verset du Psaume 22, bien connu de tout Juif qui respecte sa tradition, verset qui a été souvent mis en musique par des artistes israéliens contemporains. En faire la preuve éclatante du “génie du christianisme” est aussi erroné que d’affirmer, par exemple que le christianisme aurait “inventé” l’idée d’amour ou que "tu aimeras ton prochain comme toi-même" serait une maxime chrétienne.

 

Voilà toute la tragédie que révèle cet échange badin entre deux amoureux de la littérature française sur France Culture : il révèle l’étendue insondable de l’assimilation juive en France et de son corollaire, l’ignorance ! Oui, on peut être comme vous, cher Alain Finkielkraut, un lettré et un amoureux des Lettres françaises, avoir été élu à l’Académie française, et être dans le même temps, un ‘Am-Haaretz[4]. J’imagine la déception que notre ami commun Benny Lévy éprouverait en écoutant cet échange, et quelle admonestation il aurait pu vous faire, lui qui avait vainement tenté d’inculquer quelques notions de judaïsme à ses deux anciens camarades de la rue d’Ulm, BHL et vous…

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En vous réécoutant, en constatant une fois de plus combien était sincère votre rejet de la conversion et votre fascination concomitante pour le Christ (oui le Christ, dont vous prononcez le nom sans la moindre réserve ; "Oï ya broch!" comme disait ma grand-mère, qui parlait la même langue que la vôtre), j’ai repensé à un grand écrivain et un grand Juif français, Edmond Fleg. Fleg avait en effet tout comme vous été fasciné par le Christ. Mais cela se passait avant la Shoah, et il n’avait pas 73 ans comme vous mais une vingtaine d’années. Il avait lui aussi joué avec l'idée de la conversion et était même parti visiter la Palestine d'alors, "sur les traces du Christ".

 

Le récit de ce voyage est un magnifique témoignage de “Techouva”, de retour à son peuple, à sa terre et à la tradition de ses pères. Livre que je vous invite à relire, cher Alain Finkielkraut, en même temps que le livre des Psaumes et celui de Kohelet.  Je vous invite donc à étudier votre héritage juif, avant d'en percevoir la beauté plagiée dans la religion et dans la culture des autres. Vous y trouverez les trésors que notre peuple a donnés à l'humanité et vous verrez aussi que, quoi qu'en pense Fabrice Lucchini et quoi que vous en pensiez vous-même, le christianisme n’a rien à "proposer" à Israël, pas plus aujourd’hui qu’hier.

Pierre Lurçat

 

 

 

[1] Je remercie vivement mon ami Michael Grynszpan qui m’a signalé cet échange et l’émission dont il est tiré.

[2] La proposition chrétienne est le titre du dernier livre de Pierre Manent, auquel A. Finkielkraut a consacré récemment une émission. J'ajoute que j'avais lu et apprécié en son temps le remarquable Cours de philosophie politique de P. Manent.

[3] Sujet que j’ai abordé naguère dans mon livre Pour Allah jusqu’à la mort, Enquête sur les convertis à l’islam radical.

[4] Je précise que cette expression ne désigne pas un lecteur du journal Ha’aretz que vous connaissez trop bien, cher Alain, mais un homme sans éducation.

L’adoration de Jésus enfant, Gerrit van Honthorst

L’adoration de Jésus enfant, Gerrit van Honthorst

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La Ménorah, par Théodor Herzl

December 4 2021, 17:24pm

Posted by Theodor Herzl

La Ménorah, par Théodor Herzl

Le récit qu’on lira ci-dessous a été rédigé par Herzl en 1897, et est paru dans le journal du mouvement sioniste Die Welt, le 31 décembre 1897, quelques mois après le Premier Congrès sioniste. Autobiographique, il en dit long sur le parcours du fondateur du sionisme politique, sur son “retour au judaïsme” concomitant à l’élaboration de son projet politique. On connaît en effet souvent le début du parcours de Théodor Herzl, généralement décrit comme un Juif assimilé, et sa “découverte” du sionisme, concomitante à l’affaire Dreyfus. On connaît beaucoup moins la dimension proprement juive de son cheminement et son retour au Judaïsme.

 

Herzl a en effet, comme il l’explique lui-même dans ce texte essentiel, fait téchouva, non pas en se mettant à pratiquer les préceptes religieux du judaïsme, mais en faisant Retour à son peuple et à son identité. Il a aussi décrit dans ses livres le futur Etat d’Israël et le Temple reconstruit à Jérusalem (1). Comme l’explique Georges Weisz, dans son ouvrage novateur sur le “Visionnaire de l’Etat”, Herzl “s’identifie au Shamash, le serviteur de la Lumière”, et “c’est ce rôle” qu’il a “effectivement joué dans la Résurrection d’Israël sur sa terre” (2).

P. Lurçat

 

 

“Il était un homme, qui avait ressenti au plus profond de son être la détresse d’être juif. Il avait, par ailleurs, une situation personnelle satisfaisante. Il jouissait d’une large aisance et, de plus, il était heureux dans sa profession puisqu’il pouvait créer ce que voulait son cœur : il était artiste. Quant à son origine juive et à la foi de ses pères, il s’en était depuis longtemps désintéressé - lorsque, avec un mot d’ordre nouveau, réapparut la vieille haine. Avec beaucoup de ses contemporains, notre ami crut d’abord que cette tourmente était passagère. Mais loin de s’améliorer, la situation alla en s’aggravant, et les attaques, quoique ne le visant pas personnellement, lui furent une douleur sans cesse renaissante, si bien que, bientôt, son âme tout entière ne fut plus qu’une plaie sanglante. Il arriva alors que ces souffrances intimes et qu’il taisait l’incitèrent à méditer sur leur source, c’est-à-dire sur son Judaïsme même ; et, ce qui n’aurait pu sans doute arriver en des jours meilleurs, parce qu’il s’en trouvait déjà si éloigné, il advint qu’il se mit à l’aimer, ce Judaïsme, d’une tendresse profonde. Et même, de cette tendresse particulière il ne se rendit point tout d’abord, un compte exact, jusqu’au jour où des sentiments obscurs, une pensée se dégagea, claire et forte, qu’il ne tarda d’ailleurs pas à exprimer : c’était la pensée que, pour échapper à la détresse juive, il n’y a pas d’autre chemin que le retour au Judaïsme.

 

Lorsque ses meilleurs amis, ceux qui se trouvaient dans une situation analogue à la sienne, l’apprirent, il y eut des hochements de tête significatifs, et l’on crut que sa raison était troublée. Car comment trouver un remède dans ce qui était fait pour aggraver et exaspérer le mal ? Mais lui, se disait que si la misère morale était devenue à ce point sensible,  c’était parce que les nouveaux Juifs n’avaient plus ce contrepoids, que leurs pères, mieux trempés, trouvaient en eux-mêmes. Derrière son dos, le persiflage allait bon train ; d’aucuns lui riaient franchement au nez, mais il ne fut point ébranlé par les vaines remontrances des gens, dont il n’avait eu jusque-là l’occasion d’apprécier ni le bon sens, ni la profondeur du jugement ; il supporta avec sérénité les plaisanteries, bonnes ou mauvaises. Et comme, au reste, sa conduite ne paraissait pas déraisonnable, on finit par le laisser se livrer en paix à sa marotte - que d’aucuns désignaient plus durement comme une manie.

 

Quant à notre ami, avec la logique patiente qui lui était propre, il tirait des prémisses de son idée, une conséquence après l’autre. Parmi les transitions par lesquelles il dut passer, il y en avait qui lui étaient pénibles, quoique, par fierté, il n’en laissa rien voir. En sa qualité d’homme et d’artiste, pénétré de conceptions toutes modernes, il avait en lui des coutumes, des manières d’être qui n’avaient rien de juif, et son esprit, initié aux civilisations des peuples modernes, en avait reçu une empreinte ineffaçable. Comment concilier tout cela avec son retour au Judaïsme? Ce lui fut une source de conflits intimes : il eut même des doutes sur l’exactitude de sa pensée directrice, de son “idée maîtresse”. Peut-être cette génération d’hommes, qui avaient grandi sous l’influence de civilisations étrangères, n’était-elle plus guère capable d’accomplir ce retour au Judaïsme, dans lequel il avait découvert la solution du problème? Mais la génération suivante l’accomplirait bien, elle, si on la guidait à temps dans la bonne voie. Et, dès lors, il se préoccupa de ses enfants, pour que ceux-ci, au moins, devinssent Juifs, par l’éducation qu’ils recevraient chez eux.

 

Photo : Onegshabbat.blogspot.com

Photo : Onegshabbat.blogspot.com

 

Auparavant, il avait laissé passer sans s’y arrêter la fête qui, à travers tant de siècles, a fait rayonner, dans l’éclat des petites lumières traditionnelles, le souvenir glorieux des Macchabées. Cette fois-ci, il en profita pour ménager à ses enfants, un beau souvenir pour les années à venir. Il s’agissait d’implanter de bonne heure dans ces jeunes âmes, l’amour de leur antique race. Il fit venir une Ménorah, et lorsque, pour la première fois, il tint entre les mains le candélabre aux neuf branches, un sentiment indéfinissable l’emplit. C’est qu’aux jours déjà lointains de son enfance, de petites lumières toutes semblables avaient brillé dans la maison paternelle - et maintenant, une douceur en émanait, je ne sais quoi de familier, d’intime. Cette tradition ne lui apparaissait point comme une chose du passé, froide et morte ;  elle avait traversé les générations sans rien perdre de sa vie intense - chaque petite flamme s’allumant d’une autre, jusqu’à la forme, si ancienne, de la Ménorah qui sollicita sa réflexion.

 

De quelle période datait la conception primitive de ce candélabre ? Sans doute, c’est à l’arbre qu’il emprunte ses formes essentielles: au milieu, le tronc, avec de chaque côté quatre branches, se dressant l’une sous l’autre, pour atteindre toutes la même hauteur. Plus tard, le symbolisme d’une autre époque y ajouta la neuvième branche, plus courte que les autres, qui se trouve en avant et porte le nom de serviteur. Combien de mystères les générations successives ont-elles ajouté à cette forme d’un art si simple à l’origine, et qui emprunte directement à la nature! Et notre ami songea, en son âme d’artiste, à donner une nouvelle vie à cette forme rigide et fixe de la Ménorah, à désaltérer ses racines, comme celles d’un arbre. Le nom même de la Ménorah, que désormais il prononçait, chaque soir, devant ses enfants, sonnait agréablement à ses oreilles. Des lèvres enfantines, surtout, le mot glissait avec un son d’un charme tout spécial

 

La première bougie fut allumée, et on raconta l’origine de cette fête. L’histoire merveilleuse de cette flamme qui, jadis, dans le Temple, vécut tout à coup si longtemps, puis le retour de l’exil babylonien ; la reconstruction du second Temple, les exploits des Macchabées. Notre ami racontait à ses enfants ce qu’il savait. Ce n’était pas beaucoup, assurément, mais c’était assez pour eux. Le second soir, à la seconde flamme, ce furent eux qui lui refirent les récits de la veille ; et, à mesure qu’ils lui racontaient ce que, pourtant, ils tenaient de lui-même, tout lui apparut nouveau et d’une beauté singulière. A partir de ce moment, il se fit une fête d’accroître chaque soir le nombre des lumières. Une flamme après, l’autre se dressa, et avec les enfants, le père rêvait à la douce clarté. Ce fut bientôt plus qu’il ne pouvait, et ne voulait leur dire, car ils ne l’auraient pas compris.

 

En prenant la résolution de rentrer au sein du Judaïsme, et en proclamant ouvertement cette décision, il avait cru accomplir uniquement un devoir d’honnêteté et de raison. Il n’avait point soupçonné qu’il pourrait y trouver, par surcroît, la satisfaction de son ardente aspiration vers le beau. Ce fut pourtant ce qui arriva. La Ménorah, avec sa clarté croissante, était un objet de beauté, qui suggérait de bien nobles pensées. De sa main experte, il dessina alors le projet d’une Ménorah nouvelle, qu’il voulait offrir à ses enfants pour l’année suivante. Librement, il développa le motif primitif des huit branches, s’élevant à droite et à gauche du tronc, jusqu’à la même hauteur et qui s’étendent dans le même plan. Il ne se crut point lié par une tradition rigide ; il créa du nouveau, en puisant directement aux sources naturelles, laissant là les interprétations de toutes sortes, quelque justes qu’elles puissent être d’ailleurs. Lui, tendait uniquement au beau rempli de joie. Mais s’il se permit d’apporter du mouvement dans les formes figées, il en respecta l’ordonnance générale, le style antique et noble. Ce fut un arbre aux branches élancées, terminées comme par des calices ouverts ; et de ces calices fleurs devaient sortir des lumières.

 

 

A cette occupation, au milieu de ses pensées, la semaine s’écoula. Le huitième jour arriva, et toutes les lumières brillaient, sans oublier même la neuvième - la servante fidèle - qui jusque-là, n’avait servi qu’à allumer les autres. Maintenant, une grande clarté rayonnait de la Ménorah. Les yeux des enfants rayonnaient.

 

Pour notre ami, s’évoquait là le symbole de l’embrasement de la nation. D’abord, une lumière solitaire, il fait noir encore, et la lumière unique a l’air triste. Puis, elle trouve un compagnon, puis un autre, et un autre encore. Les ténèbres doivent reculer. C’est auprès de la jeunesse, chez les pauvres, que s’allume d’abord la flamme, puis d’autres les rejoignent, tous ceux qui sont épris de Droit, de Vérité, de Liberté, tous ceux qui aiment le Progrès, l’Humanité, le Beau. Et lorsque, enfin, toutes les lumières sont unies en une clarté rayonnante, l’oeuvre accomplie nous remplit d’admiration et de joie. Et nul poste ne donna plus de joie que celui de serviteur auprès de la Lumière.

Théodor Herzl

Paru en français dans L’avenir illustré, 30 décembre 1929.

Theodor Herzl | My Jewish Learning

1. Je renvoie sur ce sujet à mon livre Israël, le rêve inachevé, éditions de Paris/Max Chaleil 2018.

2. Voir G. Weisz, Theodor Herzl, Une nouvelle lecture; L’Harmattan 2006, p. 117.

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Olivier Ypsilantis - Mon intérêt pour les choses juives – 3/5

August 18 2021, 11:16am

Posted by Olivier Ypsilantis

Olivier Ypsilantis - Mon intérêt pour les choses juives – 3/5

Pierre Lurçat : Vous avez intitulé un article de votre blog “La judéité comme la dernière forme d’aristocratie“, est-ce que vous vous considérez comme un “aristocrate”, et est-ce qui vous rapproche du peuple Juif ?

 

Olivier Ypsilantis : Je vais commencer par vous répondre indirectement. L’antisémitisme est vulgaire, profondément vulgaire, toujours, il est vulgaire même – et surtout – lorsqu’il se veut distingué. Il y a parmi les antisémites des gens très intelligents et cultivés ; ils ne constituent pas le gros de la troupe mais il y en a et commencer par considérer tous les antisémites comme des crétins incultes c’est déjà perdre le combat contre l’antisémitisme. Rien de plus grave que de méjuger l’ennemi. L’antisionisme est lui aussi presque toujours vulgaire : il est rare qu’il ne serve pas de désodorant à l’antisémitisme…

Au cours de sa très longue histoire, le peuple juif a été très souvent moqué et bafoué lorsqu’il n’a pas été massacré. Il a certes connu des périodes apaisées mais il savait, et à raison, que le danger flottait au-dessus de lui. Cette menace n’était pas seulement présente en terres chrétiennes mais aussi en terres musulmanes comme l’a montré Georges Bensoussan dans sa somme « Juifs en pays arabes – Le grand déracinement, 1850-1975 ». Et permettez-moi d’ouvrir une autre parenthèse, c’est aussi (et peut-être même d’abord) parce que Georges Bensoussan a dérangé la petite image convenue d’une cohabitation tout en douceur entre Juifs et Musulmans (principalement arabes) qu’il a été traîné en justice pour islamophobie.

 

 

J’ai vécu vingt-cinq en Espagne, et notamment à Cordoue, en Andalousie. J’ai étudié de près les manœuvres (et les mensonges) de la gauche espagnole dans son ensemble, mensonges touchant à la Guerre Civile et à ses causes mais aussi à la période musulmane dans la péninsule ibérique. A en croire sa propagande, les Juifs et les Chrétiens auraient coulé des jours particulièrement heureux dans ce qui était alors un émirat puis un califat. Il est vrai que l’islam de la péninsule a été particulièrement fécond (il ne faut pas oublier la période des taifas) et que les rapports entre les trois religions y ont été grosso modo meilleurs qu’en beaucoup d’autres lieux à d’autres époques. J’ai une affection particulière pour la période de l’émirat avec la dynastie des Omeyyades issue d’un rescapé d’un massacre organisé par les Abbassides. Mais l’histoire de l’Espagne musulmane s’étend sur plusieurs siècles pleins de violences, rien à voir avec le petit tableau (idéologique) tout rose composé par Roger Garaudy : violences entre Musulmans, entre dynasties, entre Arabes et Berbères, sans oublier les muladíes, ces Chrétiens convertis à l’islam mais qui se révoltèrent contre le mépris que professaient les Arabes envers tout ce qui n’était pas arabe. Et n’oubliez pas que Maïmonide a pris le chemin de l’exil suite à la conquête de Cordoue par les Almohades, une dynastie d’origine berbère. Et Averroès le Musulman ? Lui aussi a eu de graves problèmes avec les Almohades. Rien n’est simple contrairement à ce que veut nous faire accroire Roger Garaudy, rien ! Mais si pour l’authentique historien tout est complexe, pour l’idéologue (et Roger Garaudy n’est qu’un idéologue) tout est simple puisqu’il formate le réel de manière à ce qu’il entre dans le cadre de son idéologie.

Mais j’arrête avec Roger Garaudy (un méprisable négationniste par ailleurs), ce qui pourrait me conduire à vous exposer l’attitude de la mairie de Cordoue (alors de gauche) et ce partant de la gauche espagnole dans son ensemble à l’égard d’Israël ; et je puis vous dire que ça pue, que ça empeste et qu’il y a longtemps que j’ai renversé la table.

J’en reviens à cette notion d’aristocratie, en sens générique du terme entendons-nous. Cet acharnement contre le peuple juif est un acharnement de masse contre un peuple très ancien et porteur d’un message très particulier qui en fait un message universel. Si le peuple juif n’était qu’une secte occupée à diverses bizarreries, il ne m’intéresserait pas tant et je passerais. J’ai très tôt pressenti que le peuple juif, ce peuple à la fois très ancien et très moderne, très moderne parce que très ancien, que ce peuple très particulier et universel, universel parce que très particulier, était porteur d’un message, un message qui ne s’adressait pas seulement au peuple juif mais à tous et sans l’intermédiaire de Jésus-Christ ou de Mahomet.

Pourquoi mon intérêt pour « les choses juives » – et je reprends votre expression ? Je reviens sur ce que j’ai écrit. C’est en grande partie parce que le peuple juif est si particulier et donc universel que je l’étudie et l’écoute. Au fond, tous ceux qui s’en prennent « aux Juifs » s’en prennent plus ou moins consciemment à un substrat sur lequel nous reposons tous, eux et nous, un substrat dont ils sont en priorité les responsables et en aucun cas les propriétaires. Ils sont les dépositaires de quelque chose qui est destiné à l’humanité mais qui est passé par eux et qu’ils ont reçu alors qu’ils étaient à peine juifs, encore à moitié païens. Simone Weil ne comprend pas ou n’a pas voulu comprendre que dans le Premier Testament ce sont les Juifs qui sont les plus durement secoués par les instances supérieures, par Adonaï, car ce peuple qui s’efforce de sortir de sa gangue idolâtre retombe dans l’idolâtrie, l’adoration du Veau d’Or par exemple.

Le peuple juif a donc été témoin de quelque chose qu’il a reçu et qu’il doit transmettre à l’humanité. Il en est le gardien et le vecteur. A ce propos, la notion de « Peuple élu » est toujours aussi mal comprise, je puis l’affirmer car je parcours des fils de discussions sur des sites et des blogs et cette accusation ne cesse de revenir. Les Juifs se considérant comme le Peuple élu sont tenus de s’expliquer (ils sont en quelque sorte traînés devant les tribunaux) et ne doivent pas s’étonner d’avoir été et d’être si maltraités…

Le peuple juif est un Témoin, dépositaire de l’Origine, non pas jaloux, parfois méfiant, car après s’être fait traiter et se faire encore traiter de tous les noms, il arrive que l’on se referme. Non, je ne suis pas judéolâtre comme on m’accuse parfois de l’être. Le schmock est aussi présent chez les Juifs qu’ailleurs. Et je vais reprendre le bon mot d’un vieil ami aujourd’hui décédé, rescapé d’Auschwitz, qui me dit un jour, en se prenant la tête à deux mains : « Vous savez, Olivier, quand un Juif est con il est vraiment con, plus con que tous les autres ».

Le peuple juif a les caractéristiques de l’aristocratie : l’ancienneté (peuple de l’Origine et donc peuple Témoin), il est minoritaire, il est pétri d’exigences et d’abord envers lui-même. Le Peuple élu n’a pas été élu pour flemmarder et se pavaner dans les Hauteurs, au-dessus de la masse des goyim…

Puisqu’il est question d’aristocratie, je vais parler de ma famille, de ma femme. Je l’ai rencontrée pour la première fois en l’église polonaise de la rue Saint-Honoré, à Paris, un bel ensemble XVIIe siècle. J’étais assis dans les derniers rangs et elle dans les premiers rangs. Je la revois donc. Elle revenait de vacances, grande brune bronzée (elle dépassait presque tout le monde dans l’assistance) au nez busqué et aux cheveux noirs. Je me suis dit : c’est une fille d’Israël. Pourquoi ? Nous faisions partie d’un groupe de pèlerins qui s’apprêtait à partir en autocar pour la Pologne, pour le grand pèlerinage de Częstochowa. La Pologne était alors un pays assez fermé et ce pèlerinage était l’occasion de la visiter en y marchant quelque trois cent cinquante kilomètres, de la visiter sans faire du tourisme au sens commun du mot.

Donc, en observant cette jeune femme en l’église polonaise de la rue Saint-Honoré, je me suis dit, comme malgré moi, c’est une juive convertie, réaction étrange, j’en conviens, ridicule même mais c’est ainsi. J’apprendrai peu après qu’elle portait le nom d’un grand-maître de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

Nous avons eu trois enfants et leur avons donné les noms suivants : Sarah, Raquel et David. A ce propos, je me souviens qu’un homme s’était proposé de nous guider dans la vieille ville de Jérusalem. Habituellement je refuse les guides, mais l’attitude de cet homme avait quelque chose d’émouvant. Il était juif d’origine irakienne. Devant le tombeau de David (en compagnie de notre fils David), de fait un cénotaphe, je lui ai dit que notre fils s’appelait David, et que ses deux sœurs s’appelaient Rachel et Sarah.  Il m’a regardé les yeux écarquillés en s’exclamant (en anglais) : « Vous m’avez dit que vous n’étiez pas juifs, ce n’est pas possible ! Ce sont les noms de deux des quatre matriarches d’Israël et du plus grand roi d’Israël ! » J’ai eu un instant le sentiment que je lui avais menti.

Environ deux ou trois ans après cette visite à Jérusalem, je me suis mis en tête de suivre le tracé de deux branches coupées dans l’arbre généalogique de ma femme. C’était comme si une voix me disait : « Tu dois trouver ! » Je vais passer pour un illuminé, mais c’est ainsi, comme pour Marianne Cohn, « l’inconnue de Montauban ». Mais cette double enquête allait s’avérer beaucoup plus aisée. Une branche se découvrit sans tarder, via Internet. L’autre se découvrit suite à une recherche un peu plus prolongée mais relativement simple. Ces deux branches me conduisirent au monde ashkénaze, d’Altona (dans les environs de Hambourg) à la Lorraine.

Concernant mon article intitulé « La judéité comme la dernière forme d’aristocratie », je ne le renie pas, quitte à déplaire à plus d’un. Mais entendons-nous, l’aristocratie en question est combattante, toujours sur la brèche, devant répondre à des exigences posées par elle-même et assez terribles. Que certains Juifs flemmardent et ne se cassent pas la nénette est une autre affaire. Et puis il y a Israël ; mais j’y viendrai dans la question suivante.

Puisque nous évoquons l’aristocratie, restons-y avec ce propos devenu très ambigu, car il ne l’était probablement pas dans l’esprit de Stanislas de Clermont-Tonnerre, ce propos que vous citez dans « Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain » : « Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et accorder tout aux Juifs comme individus ». Ce propos m’a préoccupé très jeune et je vous suis reconnaissant de ne pas être un dévot des Lumières, comme trop de Juifs, les Lumières qui reposent sur un paradigme trompeur ainsi que vous le dites. J’évoque volontiers la part obscure des Lumières, quitte à me faire passer pour un affreux réactionnaire, ce dont je me moque car un réactionnaire est tout simplement un homme qui réagit. Donc, j’ai très vite pressenti que dans la belle formule de cet homme il y avait quelque chose d’inquiétant qui (à l’insu de son auteur) ouvrait la voie à un antisémitisme rajeuni, plus vigoureux que l’ancien. Je ne savais pas que Stanislas de Clermont-Tonnerre deviendrait l’un de mes parents par alliance. Ce lien n’a fait que m’inciter à réfléchir encore plus encore à cette remarque qui transporte d’aise bien des Juifs qui n’y voient que la face lumineuse, des Juifs qui ne s’éprouvent probablement que comme autant d’individus et non comme une nation ou un peuple. Ainsi que vous le faites remarquer (et vous me confirmez dans ce que j’ai toujours éprouvé), les Juifs ne sont ni une nation, ni une religion mais les deux à la fois, d’où le dialogue de sourds, trop souvent, à leur sujet. Cette particularité nation/religion a permis au peuple juif de survivre. L’Émancipation a certes amoindri l’antijudaïsme (l’antisémitisme religieux) mais il a conduit à l’antisémitisme sécularisé, raciste, biologique, plus meurtrier encore. Une fois encore, il ne s’agit pas de s’en prendre à l’homme de bonne volonté que fut Stanislas de Clermont-Tonnerre et de toujours l’envisager dans son contexte, très précis.

La formule de Stanislas de Clermont-Tonnerre se poursuit ainsi (lire l’intégralité de ce discours prononcé fin décembre 1789) : « Il faut refuser tout aux juifs comme nation et accorder tout aux juifs comme individus ; il faut méconnaître leurs juges ; ils ne doivent avoir que les nôtres ; il faut refuser la protection légale au maintien de leur corporation judaïque ; il faut qu’ils ne fassent dans l’État ni un corps politique ni un ordre ; il faut qu’ils soient individuellement citoyens. Mais, me dira-t-on, s’ils ne veulent pas l’être ? Eh bien, s’ils veulent ne l’être pas, qu’ils le disent, et alors, qu’on les bannisse. II répugne qu’il y ait dans l’État une société de non-citoyens et une nation dans la nation. Enfin, l’état présumé de tout homme domicilié dans un pays est d’être citoyen ». A méditer.

Et des souvenirs me reviennent, d’un coup. Ma grand-mère maternelle qui appartenait à une ancienne famille grecque m’a parlé plusieurs fois des Juifs lorsque j’étais enfant. Et lorsqu’elle m’en parlait sa voix tremblait. Je me souviens même que des larmes coulèrent sur ses joues. Je ne sais que dire. Elle avait un type fortement sémite ou, plus exactement, méditerranéen – je ne sais vraiment pas à quoi correspond le type sémite. Au cours de l’Occupation, elle faillit être prise dans une rafle de Juifs ; je crois que ce souvenir l’a marqué à jamais – une Madame Klein en quelque sorte…

Dans la partie grecque de ma famille, les Juifs étaient toujours évoqués avec respect : ils étaient considérés comme des égaux par l’ancienneté, la richesse de la culture, etc. On n’insistait guère sur les immenses différences entre la culture grecque et la culture juive. Son attitude se résumait à : nous sommes (très) différents mais nous sommes égaux, et c’est bien ainsi. Ma mère m’a rapporté que son grand-père lui disait que si les Grecs et les Juifs s’entendaient plutôt bien c’est parce qu’ils étaient pareillement bons en affaires. Je ne sais ce que vaut cette considération, mais je la rapporte.

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

https://zakhor-online.com/

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Olivier Ypsilantis - Mon intérêt pour les choses juives – 1/5

August 12 2021, 14:54pm

Posted by Olivier Ypsilantis

Olivier Ypsilantis

Olivier Ypsilantis

Je reproduis ici l'article en feuilleton publié par Olivier Ypsilantis sur son excellent blog, dont je recommande au passage vivement la lecture, Zakhor Online. P. Lurçat

 

Pierre Lurçat : Votre blog contient de nombreuses entrées concernant Israël, le judaïsme et les Juifs. D’où vient cet intérêt pour les choses juives et à quand remonte-t-il ?

Olivier Ypsilantis : Je vais devoir parler de moi, et probablement trop. Mais qu’importe ! Je me demande souvent, en marchant, au volant, avant de m’endormir ou au cours d’insomnies, bref, je me demande très souvent et dans des situations très diverses pourquoi Israël, le judaïsme et les Juifs sont en moi un questionnement constant ou presque. Je reste incapable d’apporter une réponse complète à cette question mais très jeune j’ai d’abord été intrigué puis irrité et enfin révolté par l’antisémitisme et l’antisionisme ; et ces choses traînent un peu partout, comme de la poussière, comme de l’ordure.

Simone Weil avec laquelle j’entretiens des rapports très agités dit quelque part dans « Pensées sans ordre » : « Tout ce qui dans le christianisme est inspiré de l’Ancien Testament est mauvais… » Cette remarque que je juge révoltante, je l’ai simplement inversée – et, de fait, je la portais en moi bien avant de lire Simone Weil –, soit : « Tout ce qui dans le christianisme n’est pas inspiré de l’Ancien Testament est mauvais… ». Je ne parle et ne parlerai qu’en mon nom, sans aucune volonté de plaire ou de déplaire ; et je ne suis pas ici pour distribuer bons points et mauvais points.

Je dois d’abord dire que je me sens généralement plus chez moi lorsque j’écoute un rabbin ou un intellectuel juif que lorsque j’écoute un membre de l’Église ou un intellectuel chrétien ; et je ne nie pas que l’Église soit riche en puissantes personnalités et que des intellectuels chrétiens soient vivifiants.

Si des rabbins (et il y a des médiocres et des barbons parmi eux comme partout) me stimulent, c’est d’abord parce qu’il me semble qu’ils me soufflent à l’oreille : Tu réfléchis ; tandis que les membres de l’Église me disent d’une voix qui décourage la réplique : Tu crois ! Saint Paul (j’ai au moins autant de problèmes avec lui qu’avec Simone Weil) déclare (voir son Épître aux Romains) que c’est la Croyance qui amène le Salut – qui conduit au Salut. C’est intéressant mais je reste au bord de la route, je ne parviens pas monter dans l’autocar des Croyants qui roule sans frein vers le Salut. Je marche donc au bord de la route avant de m’en écarter. Je rencontrerai bien quelqu’un qui me recevra et m’invitera à un tête-à-tête, un rabbin peut-être ou un Juif préoccupé de son histoire et peut-être de la mienne.

 

Le passage de la mer Rouge, enluminure arménienne

 

Les Juifs croient eux aussi, ils croient en des faits historiques (et ils sont nombreux) qui constituent leur héritage (la sortie d’Égypte, le don de la Torah sur le Sinaï, etc.). Mais si cet héritage structure et donne volontiers de l’énergie, il n’est pas de nature à apporter le salut à celui qui l’accepte. Rien dans l’histoire d’Israël n’est de nature à apporter le salut au croyant. La sortie d’Égypte a sauvé le peuple d’Israël de l’esclavage mais y croire n’apporte pas pour autant le Salut éternel. Et j’en reviens à ce que je disais : l’histoire d’Israël telle qu’elle est relatée dans la Bible semble plutôt murmurer : Tu réfléchis. Je ne suis pas juif mais pour cette raison entre autres nombreuses raisons je me sens juif. Le Second Testament, le chrétien donc, semble plutôt dire : Tu crois ! Par exemple, tu crois en l’Incarnation, au Dieu fait homme, un dogme central du christianisme – le christianisme est riche en dogmes. Un dogme ne se discute pas. On l’accepte ou on lui tourne le dos sans un mot, en haussant éventuellement les épaules.

Un Chrétien à la foi très active m’a dit un jour que ma curiosité intellectuelle pouvait être un obstacle à la foi (chrétienne), qu’elle était volontiers une marque d’orgueil. Ce Chrétien que je n’ai pas voulu blesser opposait dans une vaste composition Foi et Connaissance. L’une et l’autre ne sont d’ailleurs pas incompatibles et croire en Dieu n’empêche pas l’astrophysicien d’étudier honnêtement l’Univers et le généticien d’étudier non moins honnêtement le génome codé dans l’ADN et ainsi de suite. A ce propos, le monothéisme juif est l’un des moteurs (et peut-être le plus puissant) qui ont conduit à la science moderne. Et si la Connaissance est un obstacle à la Foi, et bien je choisis la Connaissance tout en sachant qu’elle sera toujours fragile et imparfaite, tout en sachant que ce que je connais en regard de ce qui est connu (et je ne parle même pas de l’inconnu, infiniment plus vaste que le connu) ne sera jamais qu’un grain de sable dans un océan.

Je repense souvent à cette remarque qui a commencé par m’irriter puis que j’ai analysée et qui m’a permis de comprendre en partie ce qui m’éloignait du christianisme et me rapprochait du judaïsme. Pourquoi le christianisme s’est-il développé de la sorte ? Pourquoi n’est-il pas resté un courant parmi d’autres dans le judaïsme ? Chrétiens et Musulmans se sont trop souvent affirmés en cultivant une hostilité plus ou moins marquée envers les Juifs, envers le peuple de l’Origine, porteur de la Révélation et de la Loi. Certes, les Chrétiens ont fait des efforts, notamment avec Vatican II (1962-1965) et la reconnaissance d’Israël par le Saint-Siège (1993-1994). Je ne cherche pas des poux dans la tête des Chrétiens, je m’efforce d’exprimer clairement ce qui me préoccupe depuis longtemps et me préoccupera probablement jusqu’à la fin.

J’ai souvent des problèmes avec les Chrétiens lorsqu’il est question des Juifs, du judaïsme et d’Israël. Sur les sites et blogs où il m’est arrivé d’intervenir, j’ai senti de leur part une certaine irritation et, vraiment, je ne cherchais en rien à les provoquer, j’ai mieux à faire et je n’ai pas pour mission de les irriter, de les provoquer. Sur un blog où sévissaient des individus diversement de gauche, j’étais considéré comme un Juif qui n’osait (ou ne voulait) se présenter comme tel, comme un judéolâtre, et, surtout, comme un sioniste, désignation qui dans bien des petites têtes flirte avec « fasciste » (voire « nazi »), « impérialiste », « génocidaire », « raciste » et j’en passe.

Les antisionistes ! Il ne s’agit même plus de l’autocar des Croyants mais de hordes qui se perdent derrière la ligne d’horizon et qui tantôt trottinent tantôt galopent vers… le Salut peut-être : car il y a bien un sous-jacent religieux dans l’antisionisme. Il n’est pas possible d’expliquer autrement une telle ferveur.

Mais j’en reviens à la manière dont certains Chrétiens (par ailleurs très courtois) voient les Juifs – en tant que représentants du judaïsme. Ils voient les Juifs comme des gens avec lesquels il faut être très gentil, un peu comme avec une vieille dame mal assurée sur ses jambes et à moitié aveugle à qui il faut donner le bras pour la soutenir et la guider… Vous imaginez où je veux en venir. Pour ma part, je trouve que malgré son grand âge, le judaïsme reste très jeune et déjà parce qu’il ne traîne pas derrière lui ces lourds mécanismes théologiques comme en traîne le christianisme. Au fond, Tu réfléchis permet de conserver la forme…

Le christianisme et l’islam ont voulu kidnapper le judaïsme, le kidnapper après l’avoir détroussé. Ils l’ont fait chacun à leur manière – l’islam étant d’un certain point de vue plus proche du judaïsme. Mais sachant qu’ils avaient commis des méfaits, l’un et l’autre, et une fois encore chacun à leur manière, se sont employés et s’emploient encore (les Musulmans à présent d’une manière beaucoup plus soutenue et agressive) à dissimuler ces méfaits. Ils y parviennent d’une manière très efficace par l’inversion victimaire. Les Chrétiens ont remisé l’accusation de déicide même si elle sait se manifester indirectement (il y aurait un article à écrire à ce sujet). Les Musulmans quant à eux n’hésitent pas à traiter les Juifs d’assassins des Prophètes (dont Jésus). Et cette affaire religieuse se reporte dans l’aire politique puisque les Juifs (les Israéliens) sont accusés de tous les maux à l’égard des Palestiniens qui n’hésitent pas à reprendre des images christiques (à commencer par la Crucifixion) pour évoquer leurs malheurs. L’accusation médiévale de meurtre rituel est également recyclée : les Juifs aiment s’en prendre aux enfants palestiniens et blablabla. Lorsque les sornettes à caractère religieux deviennent des sornettes à caractère politique, les choses semblent empirer.

Donc, on a fait la poche des Juifs quand on ne les a pas kidnappés, ligotés et bâillonnés ; mais ce sont toujours eux les coupables, hier et aujourd’hui et probablement demain. Ce renversement victimaire est toujours très actif et efficace ; il entraîne de gros de la troupe, Chrétiens, post-Chrétiens et Musulmans. Il est vrai que des individus réfléchissent, reniflent la supercherie et envisagent le rôle central et résolument positif d’Israël pour le monde. Ils ne sont pas nombreux, vraiment pas nombreux. Je ne cherche pas à mettre Israël au-dessus de toute critique, mais je refuse toute critique envers Israël qui suppose son amoindrissement ou sa disparition, point à la ligne.

Je le redis, le judaïsme n’a pas de théologie, contrairement au christianisme. L’étude de cette théologie est certes passionnante (l’étude est toujours passionnante) mais la finalité de ces énormes constructions me reste mystérieuse. Elles impressionnent par leur volume et leur hauteur, mais pour le reste… Le judaïsme ne s’embarrasse pas de telles constructions et convie à l’Alliance, la Brit.

J’ai tendance à penser (et de ce point de vue je me sens juif) que tout messie qui est déjà venu est un faux messie. Ce point de vue ne facilite pas mes relations avec les Chrétiens. J’ai les plus grandes difficultés à effectuer la liaison – le saut – entre Jésus et le Christ. Ce petit trait d’union entre Jésus et Christ qui donne Jésus-Christ me semble hâtif et relever d’un tour de passe-passe. Certes, on me rétorquera : Tu crois ! Mais une autre voix me dit : Tu réfléchis. Tu réfléchis ! Quelle prétention me dira le Chrétien ! Avec tes moyens si limités ! Allez, un effort, tu crois et tu seras sauvé ! Martin Buber écrit quelque part (il me faudra trouver la référence) : « Telle est notre foi, la foi d’Israël : la Rédemption du monde est l’accomplissement de la création. Celui qui voit en Jésus le Messie qui accomplit l’histoire, celui qui l’élève à une place si haute, cesse d’être l’un de nous ; et s’il prétend contester notre foi en la Rédemption, alors nos chemins se séparent ». En fait, ce qui pose problème ce n’est pas la foi de Jésus mais la foi en Jésus, ce n’est pas la personne du Christ qui reste incompréhensible mais tout l’appareil théologique qui l’entoure et qui à certains moments semble même le soutenir. Je veux bien croire mais j’aime comprendre, surtout ce qui dépasse mon entendement…  Et vous vous souvenez du bon mot de David Ben Gourion, rapporté dans « Les premiers Israéliens » de Tom Seguev. Pour tempérer l’enthousiasme d’un participant à une rencontre au cours de laquelle était débattue l’identité juive, David Ben Gourion alors Premier ministre déclara (je cite de mémoire) que le Messie n’était pas venu et qu’il ne l’attendait pas, que lorsque son adresse figurerait dans l’annuaire il ne serait plus le Messie, que la seule utilité du Messie est qu’il ne vienne pas car l’attente du Messie est plus importante que le Messie lui-même et que le peuple juif vit dans cette attente et que sans elle et sa croyance en Lui le peuple juif n’existerait pas.

Au cours d’une conférence intitulée « Le renouveau du judaïsme », Martin Buber déclarait : « Ne pourrions-nous dire à ceux qui nous proposent aujourd’hui un rapprochement avec le christianisme : ce qui, au sein du christianisme, est créateur n’est pas le christianisme mais le judaïsme. »

Une petite anecdote pour terminer cette réponse (qui pourrait ne jamais finir). Il y a quelques jours, j’ai poussé la porte d’une église d’Espagne. Il faisant très chaud et j’ai apprécié la fraîcheur de cette belle construction. J’ai suivi la célébration et le sermon m’a ému. Plus question du « Nouvel Israël » (l’expression n’est plus employée mais les mécanismes qui la portent sont encore très actifs, et j’ai pris bien des notes à ce sujet) mais du Shabbat, de l’importance du Shabbat, « cette création juive fondamentale pour les Juifs mais aussi pour nous ». Et le célébrant s’est efforcé d’en exprimer l’importance suivant un discours assez proche de celui de Benjamin Gross – peut-être avait-il lu « Shabbat : un instant d’éternité ». Mais ce n’est pas tout : il a placé quelques mots d’hébreu dans son sermon. En l’écoutant, je me suis mis à espérer. Je me suis dit que le rapt que nous avons trop souvent opéré chez les Juifs allait se faire don. Car le judaïsme donne, ne cesse de donner et souvent sans le savoir. Certes, on peut se servir chez lui et en abondance car le judaïsme est généreux ; mais si nous le faisons, faisons-le avec reconnaissance, c’est-à-dire en commençant par citer nos sources et en cessant de nous contorsionner. Une fois encore, nous sommes dans l’inversion victimaire, si efficace ; nous accusons de vol celui que nous volons, nous accusons de violence celui que nous frappons.

J’en reviens au sermon en question. L’insertion de mots hébreux est très importante. Pour ma part, elle est essentielle. Je ne parle pas et ne lis pas cette langue ; mais la petite centaine de mots hébreux que je connais me permet lorsque je prononce l’un d’eux, à l’occasion, d’établir une proximité intellectuelle mais aussi affective avec un univers particulier, d’éprouver une ambiance unique. André Chouraqui évoquait sa traduction de la Bible en disant notamment qu’il a voulu rendre au Dieu de la Bible son nom d’origine qui est Adonaï Elohim, et non employer son équivalent grec ou latin. Dans la vie quotidienne, j’aime faire usage de mots hébreux.

Et j’en reviens à votre question. Mon intérêt pour les choses juives a des origines très diverses. Il tient en partie à mon étonnement au cours de célébrations chrétiennes, étonnement lié au fait que j’ai assez tôt éprouvé qu’il y avait dans les fondations de cette religion mondiale des… disons… des bizarreries, et qu’il me fallait enquêter, sans nécessairement chercher un coupable, mais enquêter. Et de l’antijudaïsme, je suis passé à l’antisionisme, car il y a un lien tenace entre ces deux choses. Je n’aime pas les affirmations massives, mais il en est une que je n’hésite pas à exprimer : l’antisémitisme et l’antisionisme sont incompréhensibles si aussi longtemps que l’on néglige l’antijudaïsme. Ce dernier n’explique pas tout mais il est en quelque sorte le point de passage obligé vers l’appréhension de ces phénomènes.

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

https://zakhor-online.com/?p=20510

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L’intention d’amour, de Shmuel Trigano : Esquisse d’une anthropologie hébraïque

April 27 2021, 11:14am

Posted by Pierre Lurçat

Les éditions de L’éclat ont récemment réédité le livre de Shmuel Trigano, L’intention d’amour, sous-titré “Désir et sexualité dans le Livre des Maîtres de l’âme de R. Abraham ben David de Posquières”. Ce dernier est un rabbin et kabbaliste connu sous son acronyme, le “Rabad”. Comme l’explique l’auteur en introduction, le Livre des maîtres de l’âme (Sefer Baalé-Hanefech) est “un des rares textes que la tradition a consacrés spécifiquement à la sexualité”. Le Rabad l’envisage du point de vue de la halakha, la loi juive, mais Trigano s’intéresse de son côté à la philosophie qui en est le soubassement. Il ne s’agit pourtant pas ici de la “sexualité”, au sens où nous l’entendons en Occident. En effet, écrit Trigano, “la notion de “corps” est quasiment absente de tout ce texte sur la sexualité”. Non pas en raison d’un rejet du corps et de ses contraintes, mais au contraire, parce que l’anthropologie juive qui se déploie dans ce texte n’envisage jamais le corps autrement que comme réceptacle de l’âme, la nefech, “qui est au coeur de l’analyse”. 

 

 

Pour comprendre la vision juive de la sexualité, il faut donc au préalable oublier la dichotomie occidentale (chrétienne et post-chrétienne) du corps et de l’âme. Car même le concept d’âme, dans son acception occidentale, est impropre pour traduire la nefech hébraïque. Celle-ci, explique Trigano, citant le théologien protestant Daniel Lys, “concerne l’être humain, qui vit dans l’histoire, et cet être humain fait partie du peuple d’Israël, qui a conscience que son histoire se déroule devant Dieu”. On comprend, à la lecture de cette définition, tout ce qui sépare l’anthropologie juive des conceptions auxquelles nous a habituées la vision occidentale de l’homme. A travers l’étude de “l’intention d’amour”, c’est en effet toute la conception hébraïque de l’homme, créé “Betselem Elohim”, à l’image de Dieu, qui transparaît.

 

C’est précisément cet aspect du Livre des maîtres de l’âme qui lui donne son caractère étonnamment actuel. Tout d’abord, parce que le judaïsme a reconnu l’importance (voire la prééminence) du désir et du plaisir féminin, bien avant Simone de Beauvoir et le féminisme occidental (lequel est bien pauvre et ambivalent, en comparaison de la vision hébraïque du féminin). Ensuite, parce que le judaïsme rejette la notion de “devoir conjugal” (c’est à l’homme qu’incombe le seul devoir qui existe en la matière) et qu’il a reconnu la notion de “viol conjugal” plusieurs siècles avant que celle-ci ne soit sanctionnée par la jurisprudence des tribunaux en France (à la fin des années 1990 seulement !) (1) Mais l’aspect le plus actuel du livre est encore ailleurs : il est dans la définition même du masculin, du féminin et dans celle de l’homme qui en ressort. Ce thème est d’ailleurs celui d’un autre ouvrage collectif récemment publié par Shmuel Trigano, Parent 1 Parent 2? L’enjeu anthropologique.



 

 

 

L’intention d’amour est la réédition d’un texte publié par S. Trigano en 1985 dans la revue Pardès, puis sous forme de livre aux éditions L’éclat, en 2007. Dans son introduction à la présente édition, l’auteur fait l’observation suivante : “C’est souvent après coup qu’on prend la mesure de l’importance d’une recherche dans un cheminement intellectuel… En redécouvrant ce texte passé, je me suis rendu compte que j’entamais le début d’une réflexion qui devait me conduire à concevoir la problématique de la “part gardée”, source génératrice d’autres ouvrages depuis, Philosophie de la Loi, l’origine de la politique dans la Tora, en 1991, La séparation d’amour, une éthique d’alliance en 1996”.

 

Quelle est donc cette “part gardée” dans le domaine de la sexualité? Elle est, explique Trigano, l’auto-limitation de l’homme, “qui ouvre le champ à l’apparition de la partenaire et rend donc possible l’intention (qui donne son titre au livre, L’intention d’amour P.L) et le consentement”. Il faut donc, poursuit-il, “qu’il y ait un reste inconsommé, laissé intact, potentiel, qui sauve l’intention et préserve son authenticité”. Ce “reste” désigne “la part de vide et d’inaccompli qui subsiste dans la relation”.

 

 

S. Trigano rapproche ce concept du “reste” dans la relation d’amour des “notions classiques définissant Israël comme la part de Dieu”, et des concepts de prémices, de la ‘Hala, “de la dîme sur les récoltes, c’est-à-dire ce qui n’est pas consommé dans la jouissance du monde”. On touche ici à une catégorie originale de la pensée hébraïque qui permet de comprendre la sexualité non pas, comme le fait l’Occident moderne et post-moderne, comme une dimension à part - érigée aujourd’hui en fondement d’une “identité sexuelle”, notion totalement impensable dans la tradition d’Israël -, mais comme un élément indissociable de la personne humaine, des relations homme-femme et de l’établissement de la famille. C’est précisément parce que la pensée hébraïque refuse l’autonomie de la sexualité - pour ne l’envisager que dans sa conception anthropologique globale - qu’elle permet de répondre aux dérives actuelles du “genre” et à la dilution des notions fondatrices du masculin et du féminin. Ici, comme ailleurs, la pensée hébraïque ouvre un horizon salvateur à un Occident en perdition.

Pierre Lurçat

1. Voir à ce sujet https://www.franceculture.fr/droit-justice/devoir-conjugal-contre-viol-conjugal-histoire-dune-reconnaissance-laborieuse

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Parution de Seuls dans l’Arche, Israël laboratoire du monde

J’ai le plaisir d’annoncer la parution de mon livre Seuls dans l’Arche, Israël laboratoire du monde. Réflexion menée entre mars 2020 et mars 2021, ce livre aborde la crise mondiale provoquée par la pandémie du Covid-19 sous l’angle inédit de la double tradition juive et occidentale, nourri de la lecture de rabbins et de philosophes, de sociologues et de poètes.

 

Pour “sortir de l’Arche” et retrouver nos libertés, mises à mal par les politiques anti-Covid, il faut au préalable retrouver l’idée même de la liberté humaine, qui n’est pas seulement la liberté individuelle ou la protection de la confidentialité des données, auxquelles elle se réduit trop souvent aujourd’hui.

 

Il s’agit, bien plus fondamentalement, du libre-arbitre, mis à mal par des décennies d’assauts répétés venant des tenants d’une définition mécaniste de l’homme, considéré tantôt comme un système neuronal, tantôt comme un animal un peu plus évolué (thèse de Yuval Harari dans Homo Sapiens). Pour que la “sortie de l’Arche” ait un sens, il faut repenser l’homme, afin de refonder le monde sur de nouvelles bases plus solides. 

 

Il s’agit en effet de la définition même de l’homme et de sa spécificité, qu’il est urgent de réaffirmer aujourd’hui. Si Israël est aujourd’hui devenu le phare d’une humanité malade, pionnier de la vaccination et de la sortie de crise, ce n’est pas un hasard. Le monde attend en effet d’Israël - au-delà d’un modèle sanitaire - qu’il réaffirme la vieille parole venue du Sinaï.

 

Confinés depuis un an dans l’Arche, nous espérons entrevoir la colombe porteuse de la branche d’olivier qui annoncera la décrue puis la fin du Déluge et le retour sur la terre ferme et chaleureuse, augurant d’un nouveau départ pour une humanité plus juste et plus confiante.

Pierre Lurçat

Le livre est disponible uniquement sur Amazon.

Les demandes de service de presse sont les bienvenues : pierre.lurcat@gmail.com

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La sexualité dans le judaïsme et dans l'islam : le jour et la nuit, Pierre Lurçat

September 20 2018, 11:29am

Posted by Pierre Lurçat

La sexualité dans le judaïsme et dans l'islam : le jour et la nuit, Pierre Lurçat

Nous avons lu hier, pendant la journée la plus sainte du calendrier juif, les passages du Lévitique sur les interdits sexuels. C'est l'occasion de réfléchir sur la conception juive de la sexualité, et sur celle de l'islam. Dans ce domaine, comme dans d'autres, le rapport de filiation lointaine entre les deux 'religions' (concept évidemment discutable concernant le judaïsme, qui est à la fois une religion et une nation) n'est presque plus décelable, tant l'islam s'est éloigné de sa source juive.

L'article qu'on lira ci-dessous, publié par le site de l'institut MEMRI, éclaire le rapport très particulier de l'islam à la sexualité et aux relations entre les hommes et les femmes. Au-delà de la lecture particulière que ce cheikh d'origine américaine, diplômé d'une grande université, fait des textes de l'islam sur ce sujet capital, c'est la question plus générale, et cruciale aujourd'hui,  de la place de la femme dans l'islam qui est posée. A titre de comparaison, rappelons-nous des beaux textes de notre Tradition sur le 'Ona', le droit de la femme au plaisir et le devoir que l'homme a de lui procurer... Peut-on imaginer deux conceptions plus éloignées? 

Voir les extraits vidéo sur MEMRI TV

 

Le cheikh canadien-américain Azhar Nasser : Un époux a droit à des « rapports intimes » quand il le désire et peut frapper sa femme « pour sauver le mariage »

 

Lors d’un cours donné le 15 septembre 2018 au Centre islamique Az-Zahraa de Richmond, en Colombie-Britannique, le cheikh chiite américain Azhar Nasser a débattu du « verset ‘comment battre sa femme’ » dans le Coran. Selon lui, du fait qu'un homme entretient sa femme, il a droit à des rapports intimes quand il le souhaite et d’après certaines sources, il est interdit à l'épouse de refuser ou de retarder cette intimité, « de crainte que les anges ne demandent à Allah de la priver de Sa miséricorde ».  Et d’ajouter que selon certains érudits, une femme ne peut quitter la maison sans l’autorisation de son mari, car il pourrait la désirer pendant son absence.

 

Dans le cadre de sa conférence, intitulée « Battue & meurtrie », Nasser a déclaré que dans « les cas extrêmes », lorsque la femme est « impudique », l'homme doit d'abord l’admonester, et si cela ne fonctionne pas, il doit séparer les lits pour « montrer son mécontentement ». Puis, s'il estime que cela peut « régler le problème et sauver le mariage », il peut la battre. Né et élevé au Michigan et diplômé de l'Université du Michigan, Azhar Nasser réside actuellement à Richmond, B.C., Canada. Cette allocution fait partie d'une série de conférences données au Centre islamique Az-Zahraa. Elle a été postée sur ses pages YouTube et Facebook. Extraits :

 

Azhar Nasser : Allons au verset, le verset qualifié de « verset ‘comment battre sa femme’ ». Si vous avez une application du Coran sur votre téléphone, j’aimerais que vous suiviez dans le texte. […]

 

Depuis le début, Allah appelle le mari « le gardien des femmes ». Allah a accordé certains privilèges aux hommes et Il a accordé certains privilèges aux femmes. Ils ont des droits différents. Le droit de l'épouse est qu'elle a le droit d'être entretenue. […]

 

Le mari, parce que vous l’entretenez, parce que vous lui fournissez un toit et de la nourriture, et que vous assumez des responsabilités financières… Parce que vous remplissez cette responsabilité, Allah vous donne un droit. Quel est ce droit ? Le droit au plaisir. Les juristes ont mentionné deux droits, le premier est que vous avez droit aux [rapports] intimes. […]

 

Le premier droit qu'Allah a donné à l'homme est que, lorsqu'il désire avoir des rapports intimes avec sa femme, elle ne peut pas le lui refuser […]

 

En fait, nous avons des récits disant que l'épouse ne devrait même pas retarder les rapports intimes, si le mari les désire. […]

 

Nous parlons d’une femme qui, lorsque son mari l'appelle, pour être intime avec elle, lui dit « plus tard, plus tard, plus tard », jusqu'à ce qu'il s'endorme, ce qui signifie qu'elle retarde ce droit conjugal. Le Saint Prophète dit qu'une telle femme, les anges demandent à Allah de la priver de Sa miséricorde. […]

 

Il [l’époux] peut lui donner des ordres de l'aube au crépuscule, le seul ordre qu’elle doit exécuter, sur le plan islamique, est s’il l’appelle pour être avec elle - l'intimité. Et certains juristes disent qu'elle ne peut quitter la maison sans son autorisation, et certains juristes ont dit que le second droit est également lié au premier, car il pourrait la désirer et si elle est absente, cela posera un problème. […]

 

Nous parlons d'un cas extrême où elle n'est pas vertueuse, elle désobéit à Dieu et ne surveille pas sa pudeur, le mari a peur, il devient suspect, il y a des signes d'infidélité. […]

 

Allah dit, vous n'êtes pas autorisé à les frapper, d'abord, admonestez-les. Parlez. Si vous avez quelques doutes, si son comportement vous insupporte, si vous sentez qu'elle ne garde pas sa chasteté, admonestez-les. C'est le numéro un. Si cela ne marche pas, séparez les lits pour exprimer votre mécontentement. Si cela ne fonctionne pas, c'est à ce moment que le verset dit : « Frappez-les. » Les érudits disent, vous ne faites que monter d’un cran au numéro trois, frappez-les… et cela comporte certaines conditions. Vous ne le faites que si vous sentez que cela peut régler le problème. L’objectif des coups ici n’est pas de punir. Il est de discipliner et de régler le problème pour sauver le mariage. […]

 

L’imam Al-Bakr dit : « Vous devez les frapper avec un siwak. » Vous connaissez les miswaks ? La petite branche utilisée pour l'hygiène dentaire ? Vous les frappez avec quelque chose de ce type.

 

http://memri.fr/2018/09/20/le-cheikh-canadien-americain-azhar-nasser-un-epoux-a-droit-a-des-rapports-intimes-quand-il-le-desire-et-peut-frapper-sa-femme-pour-sauver-le-mariage/

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