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Le « Brith Shalom » et la création de l’université hébraïque de Jérusalem

July 25 2019, 06:42am

Posted by Pierre Lurçat


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La cérémonie d'inauguration au Mont Scopus

 

Il y a aujourd’hui 91 ans jour pour jour, l’université hébraïque de Jérusalem ouvrait ses portes sur le mont Scopus 1. Il est difficile d’apprécier à sa juste valeur le rôle que cette institution, devenue un pôle d’excellence reconnu dans le monde entier, a rempli dans la vie universitaire, intellectuelle, économique et politique du Yishouv, puis de l’État juif, de 1925 jusqu’à nos jours. La liste des anciens élèves passés par le campus de l’universita ha-ivrit contient un véritable « Who’s Who » de l’establishment politique, juridique, médiatique et littéraire de l’Israël contemporain. Mais c’est un aspect différent que le présent article entend aborder : celui des orientations politiques prises dès l’origine par certains des enseignants de l’université, qui ont fait de cette institution un cheval de bataille contre le sionisme politique, puis contre plusieurs dirigeants de l’État d’Israël, de David Ben Gourion à Benjamin Nétanyahou.

brith shalom,buber,gershom scholem,sionisme,université hébraïqueDans la première partie de ce chapitre2, nous avions vu comment Martin Buber, jeune protégé de Theodor Herzl (qui le nomma rédacteur en chef de l’organe du mouvement sioniste, Die Welt) et figure prometteuse de la jeunesse sioniste étudiante, devint rapidement un opposant farouche de son mentor, reprochant au « Visionnaire de l’État » de n’être « pas suffisamment juif ». Dans le même temps, Buber abandonna définitivement l’idée sioniste pour devenir le chantre de l’État binational, posant les fondements théoriques du programme défendu par une frange non négligeable de la gauche israélienne jusqu’à nos jours.

Dans ce combat politique contre le sionisme politique, il fut soutenu par plusieurs intellectuels juifs d’origine allemande, qui furent à ses côtés les animateurs du mouvement Brith Shalom (« Alliance pour la paix »), première organisation juive pacifiste en Eretz-Israël et lointain ancêtre de Chalom Archav. Parmi ces derniers, citons les noms de l’économiste et sociologue Arthur Ruppin, des philosophes Hans Kohn, Hugo Bergmann et du spécialiste de la Kabbale, Gershom Scholem. Albert Einstein associa également son nom aux prises de position de Brith Shalom, sans en être officiellement membre. Comment ces grands esprits juifs de l’époque, en principe favorables à l’idée sioniste, furent-ils amenés à soutenir des conceptions qui allaient finir par heurter les fondements mêmes du sionisme politique ? Cette question dépasse le cadre restreint de notre article. Disons simplement que les facteurs culturels allemands jouèrent un rôle important à cet égard, et notamment la propension à l’idéalisme et l’influence des concepts inspirés de la philosophie kantienne.

 

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L’impératif catégorique de la coexistence judéo-arabe

Quel était le credo politique de l’Alliance pour la Paix ? Il peut se résumer en une phrase : favoriser à tout prix la coexistence judéo-arabe en Palestine, érigée en principe essentiel (une sorte d’impératif catégorique kantien), quitte à renoncer pour cela à l’objectif fondamental du sionisme, celui d’un État juif, à la place duquel il fallait se contenter d’un simple « foyer culturel juif ». Comme l’a montré, de manière fort convaincante, Yoram Hazony dans son livre essentiel, L’État juif, Sionisme, postsionisme et destins d’Israël (3), l’influence des idées de Brith Shalom s’exerça bien au-delà du petit cercle d’intellectuels juifs allemands qui partageaient ces conceptions utopistes. Gershom Scholem, qui enseigna à l’université hébraïque de 1925 à 1965, était parfaitement conscient de l’influence considérable exercée par le cercle restreint dont il faisait partie, comme en témoigne sa lettre à Walter Benjamin, datée du 1er août 1931 :

 

« Le petit cercle de Jérusalem, auquel j’appartiens, avait formulé et appuyé l’exigence d’une orientation nette du sionisme, dont la pierre de touche devait être la question arabe… D’autre part, depuis 1929, une campagne extrêmement violente a été lancée contre nous… A la suite de tout ceci, le congrès a voté une résolution, ouvertement dirigée contre nous, sur ‘l’objectif final’ du sionisme (4). Si l’on prenait à la lettre cette résolution, il en résulterait automatiquement que nous ne serions plus des ‘sionistes’ au sens de l’organisation… Il est vrai que, bon gré mal gré, on se décidera à faire la politique extérieure défendue par nous (ce nous représente moins de vingt personnes, des ‘intellectuels déracinés’ comme on dit ici, et qui néanmoins ont exercé une influence considérable) » (5). La « campagne extrêmement violente » dénoncée par Scholem fut en réalité une réponse aux coups de boutoir portés par le Brith Shalom contre l’Organisation sioniste et contre le sionisme politique lui-même, à la suite des pogromes arabes de 1929.

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Loin de modérer leur vision utopiste d’une « coexistence judéo-arabe » au lendemain des sanglants événements de l’été 1929 qui firent 67 morts à Hébron, les principaux porte-parole de l’Alliance pour la paix saisirent en effet l’occasion pour renouveler leurs attaques contre les dirigeants sionistes, coupables à leurs yeux de s’entêter à réclamer un État juif malgré l’opposition violente (et justifiée à leurs yeux) des Arabes… Le plus virulent et le premier à réagir en ce sens fut Martin Buber, qui déclara ainsi, lors d’une réunion de Brith Shalom à Berlin, en octobre 1929 : « Si nous nous étions préparés à vivre en véritable harmonie avec les Arabes, les derniers événements n’auraient pas pu se produire ». Pour parvenir à cette harmonie, Buber appelait les Juifs à « se familiariser avec l’islam » et à « trouver une entente culturelle avec l’arabisme », préalables à la création d’un Etat binational judéo-arabe 6. Ce faisant, Buber et les autres intellectuels pacifistes imputaient aux dirigeants du Yishouv la responsabilité des pogromes qui les avaient frappés, selon un mode de raisonnement qui a depuis lors été repris ad nauseam par la gauche pacifiste juive.

 

 

D’après Hazony, les conceptions radicales et minoritaires de Brith Shalom ont réussi à s’imposer dans l’État d’Israël, au point qu’elles ont finalement triomphé, à titre posthume, en assénant au sionisme politique une défaite presque fatale. Sans partager le pessimisme de Hazony, on ne peut que le suivre dans son raisonnement, lorsqu’il écrit : « le coup de force institutionnel le plus spectaculaire réalisé par l’Alliance pour la Paix fut son influence sur l’université hébraïque de Jérusalem, qui exerça une hégémonie culturelle incontestée dans la Palestine juive ». L’université hébraïque avait en effet été conçue et imaginée par les fondateurs du sionisme politique, dont elle devait exprimer la quintessence dans le monde académique. Herzl lui-même avait demandé au représentant de la Sublime Porte, alors maître en Palestine, de créer une université juive. Zvi Hermann Shapira, rabbin et mathématicien, avait défendu l’idée d’une université hébraïque lors du Premier Congrès sioniste, à Bâle en 1897. Avant cela, les Hovevei Tsion (« Amants de Sion ») avaient émis l’idée d’une telle université lors de la Conférence de Katowicz, en 1884.

 

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Le rabbin Avraham Itshak Hacohen Kook, grand-rabbin de la Palestine sous mandat britannique, avait parfaitement saisi l’enjeu et les risques que renfermait la création de l’université hébraïque. Dans son discours prononcé lors de la cérémonie d’inauguration, le 1er avril 1925, il exprima ce double sentiment d’espoir et de crainte. Son propos, souvent déformé à des fins polémiques par des milieux juifs orthodoxes antisionistes, qui considéraient sa participation à la cérémonie de Jérusalem comme une trahison, était en effet marqué par l’appréhension de voir l’université hébraïque participer de la tendance assimilationniste présente au sein du peuple juif depuis les débuts de son histoire. Sur ce point comme sur d’autres, la vision du rav Kook s’avéra prémonitoire. Portée sur les fonts baptismaux par tous les dirigeants du Yishouv et saluée par l’ensemble du peuple juif comme un véritable avènement messianique, l’université hébraïque allait très vite échapper, tel un Golem, aux mains de ses fondateurs, pour devenir un ferment de l’idéologie antisioniste et ultra-pacifiste. 

 

Pierre I. Lurçat

(Extrait de mon livre La trahison des clercs d'Israël, La maison d'édition 2016)

Notes

 

1 Lire la belle description de la cérémonie d’inauguration faite par Dan Almagor, « Une répétition générale de la cérémonie de déclaration de l'Indépendance ».

 

2 P.I. Lurçat, « Le péché originel de la gauche israélienne (I) Martin Buber et le sionisme : histoire d’une trahison ».

 

3 Yoram Hazony, L’État juif, Sionisme, postsionisme et destins d’Israël, traduction de Claire Darmon, éditions de l’éclat 2007.

 

4 Cette résolution fut exigée par le leader de l’aile droite du mouvement sioniste, Zeev Jabotinsky, qui entendait ainsi protester contre les atermoiements de Weizmann et de l’exécutif sioniste, lesquels refusaient de déclarer ouvertement que le but du sionisme était la création d’un Etat juif. Lorsque le congrès refusa (contrairement à l’affirmation de G. Scholem) de voter cette résolution, Jabotinsky déchira sa carte de délégué, dans un geste théâtral, déclarant : « Ceci n’est pas un congrès sioniste ! ». Voir ma postface à son autobiographie, que j’ai eu le plaisir et l’honneur de traduire en français, Histoire de ma vie, éd. Les Provinciales, p. 221.

 

5 Cité dans G. Scholem, Walter Benjamin, histoire d’une amitié, page 195, c’est moi qui souligne P.I.L.).

 

6 Cité par Y. Hazony, op. cit. page 259.

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“On dit qu’il existe un pays…” Mutation et paradoxes de l’identité culturelle israélienne (I) Pierre Lurçat

July 19 2019, 08:54am

Posted by Pierre Lurçat

“On dit qu’il existe un pays…”  Mutation et paradoxes de l’identité culturelle israélienne (I)  Pierre Lurçat

A Judith, 

באהבה ובהצלחה

 

La naissance d’une tradition israélienne” : c’est le titre d’un article passionnant de Yoav Shorek dans le numéro de juin 2018 de la revue Hashiloah, qui paraît à Jérusalem depuis trois ans et dont il est le rédacteur en chef (1). L’auteur y explique notamment comment la volonté d’édifier en Israël une culture entièrement laïque et de créer un “Nouveau juif”, qui caractérisait le projet culturel sioniste pendant plusieurs décennies, a fait place depuis peu à l’élaboration d’une synthèse originale, dans laquelle identité juive et identité israélienne ne sont plus contradictoires, mais complémentaires. 

 

Il ne s’agit pas seulement”, écrit Shorek, “d’un changement du rapport à l’identité juive, mais aussi d’une transformation du caractère de l’identité civile israélienne”. Selon lui, la réalité israélienne contemporaine s’inscrit en faux contre l’idée du “Nouveau juif”, mais aussi contre la conception sioniste-religieuse, qui voudrait que “le sionisme laïc ait achevé son rôle” (de fondateur de l’Etat) et qu’il appartiendrait désormais aux membres du courant sioniste-religieux (les fameuses “kippot srougot”) de construire “l’étage supérieur, celui de Jérusalem, du Retour à Sion”. En effet, poursuit Shorek, c’est “l’identité israélienne qui devient la tradition partagée par tous - tradition qui n’est ni laïque ni religieuse”.

 

Cette présentation, résumée ici très succinctement, a le mérite d’offrir une vision un peu plus complexe de la réalité d’Israël aujourd’hui, que l’opposition sommaire et simpliste entre “religieux” et “laïcs”, dont on fait souvent l’aleph et le tav du débat culturel et politique israélien. (2) Pour illustrer le propos de Yoav Shorek, je voudrais évoquer ici la figure d’un des grands écrivains de langue hébraïque, mal connu du public francophone mais très présent dans la vie culturelle israélienne : Shaul Tchernikovsky.

 

Shaul Tchernikovsky

 

Shaul Tchernikovsky (1875-1943), décédé il y a tout juste 66 ans, est un des plus grands poètes de la Renaissance nationale hébraïque. Né en Ukraine, il étudie à Odessa où il publie ses premiers poèmes, avant de partir étudier la médecine à Heidelberg, puis à Lausanne. Il exerce quelques années en Russie, et combat dans l’armée russe en tant que médecin. Il émigre en Eretz-Israël en 1931 et y séjourne jusqu’à son décès en 1943. Outre ses poèmes, il a aussi traduit en hébreu plusieurs oeuvres majeures de la littérature mondiale, parmi lesquelles L’Iliade et L’Odyssée d’Homère, mais aussi Sophocle, Shakespeare, Molière, Pouchkine, Goethe, Heine, Byron, Shelley, etc.

 

Culture populaire et culture savante

 

Si ses traductions des plus grands classiques de la littérature européenne confèrent à Tchernikovsky une place de choix dans le Panthéon des lettres d’Israël, c’est par ses poèmes qu’il est demeuré présent jusqu’à aujourd’hui dans la vie culturelle. Ceux-ci ont en effet été mis en musique par les plus grands compositeurs de chansons populaires israéliens, parmi lesquels Yoel Angel et Nahum Nardi.  Plusieurs des chanteurs les plus connus ont interprété ces chansons, et notamment Naomi Shemer et Shlomo Artsi (3). En cela, Tchernikovsky n’est pas différent de plusieurs autres auteurs classiques de son époque, au premier rang desquels il faut mentionner Haïm Nahman Bialik (et de la génération suivante, comme Léa Goldberg). 

 

Tous ont en effet en commun d’être à la fois considérés comme des auteurs “classiques”, étudiés au lycée en Israël aujourd’hui (pas suffisamment…) et objets de nombreuses études littéraires savantes, mais aussi d’avoir vu leurs poèmes mis en musique par des chanteurs et d’être ainsi entrés dans la culture “populaire”. Ce faisant, la frontière entre auteurs classiques et contemporains, entre culture populaire et culture “savante”, a été largement abolie, ce qui constitue sans doute un trait original de la culture israélienne. C’est un des aspects que nous abordons, Judith et moi, dans notre nouvelle émission culturelle, diffusée sur Studio Qualita.

 

Pierre Lurçat

 

(1) www.hashiloach.org.il 

(2) J’ajoute que ce sujet est le thème de mon livre Israël, le rêve inachevé. Quel Etat pour le peuple Juif? Editions de Paris 2018.

 

(3) Le poème “On dit qu’il existe un pays…” (Omrim yeshna Eretz) dont nous donnons les paroles ci-dessous a été interprété notamment par Naomi Shemer et par Shlomo Artsi.

 

פָּגַע בְּאָח כְּהִגָּמְלוֹ,

פּוֹרֵשׂ אֵלָיו שָׁלוֹם –

וְאוֹר לָאִישׁ וְחָם לוֹ.

 

אַיָּם:

אוֹתָהּ אֶרֶץ,

כּוֹכְבֵי אוֹתָהּ גִּבְעָה?

מִי יַנְחֵנוּ דֶרֶךְ

יַגִּיד לִי הַנְּתִיבָה?

 

כְּבָר

עָבַרְנוּ כַמָּה

מִדְבָּרִיוֹת וְיַמִּים,

כְּבָר הָלַכְנוּ כַמָּה,

כֹּחוֹתֵינוּ תַמִּים.

 

כֵּיצַד

זֶה תָעִינוּ?

טֶרֶם הוּנַח לָנוּ?

אוֹתָהּ אֶרֶץ-שֶׁמֶשׁ,

אוֹתָהּ לֹא מָצָאנוּ.

 

אוּלַי – – –

כְּבָר אֵינֶנָּהּ?

וַדַּאי נִטַּל זִיוָהּ!

דָּבָר בִּשְׁבִילֵנוּ

אֲדֹנָי לֹא צִוָּה – – –

 

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Vel d'Hiv : le jour où Robert Badinter a eu “honte” d’être juif, Pierre Lurçat

July 17 2019, 16:29pm

Posted by Pierre Lurçat

Robert Badinter fait beaucoup parler de lui ces temps-ci. Il a récemment publié un livre très remarqué sur sa grand-mère, Idiss. Et il vient de lancer un “cri de colère” contre l’antisémitisme. Avec une vitalité peu ordinaire, à 91 ans, M. Badinter découvre - mieux vaut tard que jamais - la réalité de l’antisémitisme en France. Mais ce cri tardif m’a remémoré un autre “cri de colère” de Robert Badinter, auquel j’ai assisté en première ligne.

 

Le “cri de colère” de Robert Badinter contre les Juifs

 

C’était en juillet 1992. J’étais alors un jeune Juif de 25 ans, et je dirigeais le mouvement des étudiants sionistes Tagar, tout en préparant mon alyah. Ce jour-là, nous étions venus au Vel d’Hiv, lieu de sinistre mémoire, pour interpeller le président de la République, François Mitterrand. Nous avions distribué un tract, en pointant l’ambiguïté de la position de Mitterrand vis-à-vis du régime de Vichy et son refus de reconnaître la responsabilité de l’Etat français (et, accessoirement, de mettre fin à la tradition de dépôt d’une gerbe sur la tombe du maréchal Pétain, à l’île d’Yeu). A nos yeux, comme à ceux des anciens déportés et survivants de la Shoah qui étaient venus se recueillir en ce lieu symbolique, il était scandaleux que le président de la République puisse venir au Vel d’Hiv dans ces conditions.

 

Quand François Mitterrand est arrivé sur les lieux, il a été accueilli par des huées, des sifflets et des cris : “Mitterrand à Vichy!”. Robert Badinter, le visage contorsionné par un rictus de haine, a alors prononcé un discours d’une extrême violence, tout entier dirigé contre… les militants juifs, qui lui avaient “fait honte”! A la sortie de la manifestation, j’ai été interpellé par deux policiers en civil, et j’ai passé la  nuit au poste, accusé “d’insulte au président de l’Etat”. Si je relate aujourd’hui ce souvenir, ce n’est pas pour rallumer de vieilles polémiques, mais parce qu’il me semble significatif de cette période de l’histoire de France et des Juifs en France, dont il est important de conserver la mémoire.

 

Au-delà de la personne de Robert Badinter, qui importe guère, c’est en effet le bilan d’une époque historique et d’une politique qui sont en jeu. Les années Mitterrand resteront, dans l’histoire des Juifs de France comme dans l’histoire française en général, celles d’une grande confusion morale et politique. Il est emblématique de cette confusion, que celui qui a su s’entourer de nombreux ministres et amis juifs soit resté également fidèle à ses amitiés de jeunesse, tissées à l’époque du régime de Vichy. Or, le procès de Vichy a depuis longtemps été fait en France, notamment grâce aux efforts incessants des époux Klarsfeld et des FFDJF, mais aussi d’autres militants juifs de la mémoire (1). Mais il reste à écrire l’histoire d’une période cruciale pour comprendre le déclin de la France (et celui de la communauté juive française).


 

Robert Badinter et François Mitterrand

 

Car beaucoup des éléments essentiels de ce déclin se sont mis en place pendant les années Mitterrand. Ainsi, le “Nouvel antisémitisme”, apparu sur le devant de la scène publique lors de “l’Intifada des banlieues”, au début des années 2000, a été décrit dans deux livres importants : La nouvelle judéophobie, de Pierre-André Taguieff, et Les territoires perdus de la République de Georges Bensoussan. Si l’on prend la peine de relire les témoignages de professeurs réunis par ce dernier, on constatera que les phénomènes qu’ils décrivent sont apparus au début des années 1990, pendant le deuxième mandat de François Mitterrand.

 

C’est en effet à cette époque - celle de SOS Racisme et de l’idéologie antiraciste triomphante - qu’a émergé cette configuration monstrueuse qu’Alain Finkielkraut devait décrire, bien plus tard, comme un “antiracisme antisémite” (2). Pour comprendre comment la France est devenue ce qu’elle est aujourd’hui, et comment l’antisémitisme a pu ressurgir avec une telle intensité et une telle violence, il faut aussi se rappeler qui était vraiment François Mitterrand, l’ami de René Bousquet, entouré de Juifs et d’anciens vichyssois. Car c’est dans la confusion morale et politique des années Mitterrand qu’est né le Nouvel antisémitisme actuel.


 

Le “Nouvel antisémitisme”, fruit tardif des années Mitterrand

 

Et Robert Badinter? Il a crié sa honte face aux militants juifs de la mémoire, mais il n’a jamais eu honte des fréquentations de Mitterrand, de la francisque et de la gerbe déposée chaque année à l’île d’Yeu, sur la tombe du maréchal Pétain. Au contraire, il s’est obstiné jusqu’à tout récemment à nier l’évidence  - l’amitié entre Mitterrand et Bousquet - pour sauver le souvenir de sa propre amitié avec François Mitterrand. Il n’est pas le seul dans ce cas : la plupart des “Juifs de cour” qui entouraient Mitterrand ont, à des degrés divers, préféré sauver le souvenir de leur amitié et ne pas se dédire, plutôt que d’affronter leurs erreurs et celles de leur mentor et ami. Je ne citerai pas leurs noms, connus de tous. Mais leur responsabilité est grande, face à l’histoire du judaïsme français et face à son inquiétante situation actuelle. A cet égard, le cri de Robert Badinter contre l’antisémitisme paraît bien tardif et dérisoire.

Pierre Lurçat

 

(1) Le Betar et le Tagar ont été parties prenantes de nombreux combats menés par les époux Klarsfeld avec les FFDJF. Sur ce point, je renvoie à mon livre (inédit) L’étoile et le poing. Activisme politique et auto-défense juive en France depuis 1967.

(2) L'expression est en fait due à Pierre-André Taguieff, qui l'avait employée publiquement dès 1982. Voir Annie Kriegel, Israël est-il coupable ?, Paris, Robert Laffont, 1982. 

 

Mitterrand (à droite) et le maréchal Pétain, octobre 1942

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J'ajoute sur ce dossier le texte de ma mère, Liliane Lurçat, écrit en 2014.

 

Dans ce pays détruit, bateau fantôme livré à toutes les rancoeurs
et à toutes  les haines inassouvies ,
Un revenant surgit soudain : Badinter, ami de Mitterrand


Il avait l'âme délicate, l'idée d'un homme coupé en deux le révulsait.
Pour son confort moral, il supprima la peine de mort

Le déchaînement des violences  et des crimes ne l'affecta pas,
l'impunité  des récidivistes pas davantage, sa clémence
pour les assassins  allait de pair avec sa froideur pour les victimes:
son coeur n'allait pas vers les victimes, mais vers les assassins

Tant pis pour tous ceux qui ont perdu leur vie dans des conditions
souvent atroces: les monstres relâchés sont ivres  de leur impunité

On n'entendait plus parler de lui, depuis si longtemps, 
qu'on ne savait même pas si il était encore vivant
mort ou vivant qui pouvait bien le sortir de son néant?

Un cri soudain le réveille et le surprend 
"mort aux juifs"!
ce cri résonne à présent  dans les rues  et dans  les cités
de la France des héritiers de Mitterrand et de Vichy

Fils de déporté, il en est soudain bouleversé
On n'est pas, impunément, ami des anciens de Vichy.

 

liliane lurçat,robert badinter,mitterrand

 

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Le jour où Israël assumera pleinement sa souveraineté sur le Mont du Temple et en Judée-Samarie...

July 2 2019, 11:06am

Posted by Pierre Lurçat

https://www.youtube.com/watch?v=pV3F035R4j4

Au micro de Richard Darmon, j'évoque le sujet de mon livre Israël, le rêve inachevé, et la question de l'identité de l'Etat d'Israël, dans ses aspects historiques, politiques et idéologiques. Cette question est cruciale à la fois pour la définition du caractère juif et/ou occidental de l'Etat hébreu, mais aussi pour lui permettre de trouver sa place au Moyen-Orient et dans le concert des nations.

Contrairement au paradigme trompeur du "processus de paix" et à la formule illusoire des "Territoires contre la paix", celle-ci ne viendra pas en renonçant à des territoires constitutifs de notre identité, ni en voulant échapper à notre identité véritable. Israël n'est pas un projet occidental destiné à "apporter en Orient les bienfaits de la civilisation" (conception laïque du sionisme politique).

C'est seulement le jour où Israël aura enfin choisi d'assumer pleinement son identité hébraïque et sa souveraineté dans tous les territoires libérés de Judée-Samarie et sur le Mont du Temple, que sa présence au Moyen-Orient sera acceptée par les nations.

 

Pierre Lurçat VudeJerusalem.over-blog.com

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Non, Eurabia n'est pas une "théorie du complot"! Franz-Olivier Giesbert

June 25 2019, 10:31am

Posted by Franz Olivier Giesbert

 

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Quand Alain Finkielkraut reprend à son compte les thèses manichéennes de Jean-Pierre Filiu, par Pierre Lurçat

June 23 2019, 11:32am

Posted by Pierre Lurçat

Jean-Pierre Filiu vient de réitérer sa vision manichéenne et caricaturale d'Israël au micro complaisant d'Alain Finkielkraut, dans son émission Répliques sur France-Culture. J'ai déjà eu l'occasion de dire ce que je pensais des positions radicales de J.P Filiu. Mais que dire de la tribune qui lui est offerte par Alain Finkielkraut?

Non, M. Finkielkraut, ce ne sont pas les "400 000 colons" (habitants juifs de Judée-Samarie) qui sont l'obstacle à la paix entre Israël et ses voisins! Non, M. Finkielkraut, Binyamin Nétanyahou n'a pas "participé à l'incitation" ayant conduit à l'assassinat d'Itshak Rabin z.l. ! En offrant une tribune à Jean-Pierre Filiu et à ses thèses délirantes, vous participez à diffuser le "Israël-bashing" et la haine d'Israël dont vous êtes vous-même victime.

 

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Alain Finkielkraut en habit d'académicien

Pour écouter l'émission Répliques sur France Culture :

https://www.franceculture.fr/emissions/repliques/ou-va-israel-0

Israël / Nétanyahou : Cinq contre-vérités de Jean-Pierre Filiu - Pierre Lurçat pour InfoEquitable

Dans son brûlot anti-israélien, Main basse sur Israël. Nétanyahou et la fin du rêve sioniste, récemment paru en France, l’historien et militant Jean-Pierre Filiu dresse un portrait caricatural du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, et à travers lui, de la démocratie israélienne. Nous exposons ici certains des mensonges les plus flagrants auxquels recourt J.P. Filiu pour étayer ses conceptions radicales, qui consistent à opposer un Israël des Pères fondateurs, idéalisé pour les besoins de sa thèse, à l’Israël actuel, qu’il noircit et décrit de manière caricaturale.

 

 

(I) “Main basse sur Israël” ? Délégitimer la démocratie israélienne

 

Le premier mensonge réside dans le titre même du livre de M. Filiu, Main basse sur Israël. Nétanyahou et la fin du rêve sioniste. Car Benjamin Nétanyahou n’a pas fait “main basse”  sur Israël - expression qui sous-entend qu’il se serait emparé du pouvoir par la force… Nétanyahou a été élu démocratiquement, à quatre reprises, ce qui fait de lui le dirigeant qui a été le plus souvent plébiscité par l’électorat israélien. Derrière ce mensonge sémantique, c’est en fait la légitimité de la droite israélienne à gouverner le pays qui est contestée.

 

(II) Nétanyahou et l’assassinat d’Itshak Rabin

 

Il (Nétanyahou) a entretenu le climat de haine qui favorise, en 1995, l’assassinat de Rabin, ainsi que le montre le documentaire d’Amos Gitai, le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin, (2015)”.

 

Jean-Pierre Filiu, interview à Libération

 

L’accusation selon laquelle Nétanyahou aurait “incité” ou “participé à l’incitation” ayant mené à l’assassinat d’Itshak Rabin est une accusation récurrente, qui revient régulièrement sous la plume des opposants au Premier ministre israélien. Mais elle ne résiste pas à l’examen des faits. Comme l’a montré le journaliste du quotidien Ha’aretz, Anshel Pfeffer, dans sa récente biographie de Nétanyahou, ce dernier n’a jamais “incité” à l’assassinat d’Itshak Rabin, directement ou indirectement. Ce sont, comme l’écrit Pfeiffer (peu suspect de sympathies pour la droite israélienne, et lui-même membre de la corporation journalistique) “les médias israéliens qui ont inventé le narratif de ‘l’incitation qui a conduit au meurtre de Rabin’. Et qui ont dépeint Nétanyahou comme ‘le principal responsable de cette incitation’.

 

(III) Le sionisme révisionniste : un sionisme radical?

 

“[Nétanyahou] nous renvoie à la genèse d’Israël. Il incarne la revanche de Zeev Jabotinsky, leader de l’aile droite du mouvement sioniste, sur le fondateur travailliste Ben Gourion. Il réécrit le récit national aux dépens de celui des pionniers progressistes d’Israël”.

Jean-Pierre Filiu, Libération 10/1/2019

 

Dans le portrait caricatural qu’il dresse de Benjamin Nétanyahou, J.P. Filiu recourt à un procédé polémique trompeur, en prétendant que celui-ci incarnerait une vision radicale du sionisme, à laquelle il prétend opposer le “sionisme des origines”, travailliste, fondé sur une vision optimiste et humaniste. Selon Filiu, Nétanyahou aurait hérité sa vision sioniste radicale et pessimiste de son père, Bentsion Nétanyahou, proche du fondateur du sionisme révisionniste, Vladimir Jabotinsky. Mais cette description simpliste pèche par omission.

 

Contrairement à ce que prétend Filiu, le sionisme révisionniste (c’est-à-dire le sionisme de droite) n’est pas une version radicale et pessimiste du sionisme. Il entend au contraire “réviser” le sionisme pour revenir aux fondamentaux de son père fondateur, Théodor Herzl. Ce dernier, comme on le sait, était marqué par la vision optimiste d’un sionisme pacifique, devant être réalisé au moyen d’une charte internationale, garantie par les puissances de l’époque. “Zurück zum Charter” (“Revenons à la Charte”) : c’est par ces mots que Jabotinsky a défini sa vision du sionisme, légaliste et humaniste à l’instar de celle de Theodor Herzl.


 

Jabotinsky : un sionisme légaliste et humaniste


 

(IV) La loi fondamentale “Israël Etat nation” :

 

Dans la loi fondamentale de juillet 2018, Nétanyahou ne mentionne pas le terme démocratie”.

Jean-Pierre Filiu, interview à France-Inter

 

La loi-fondamentale sur Israël Etat-nation du peuple juif n’apporte aucun élément fondamentalement nouveau par rapport à la Déclaration d’Indépendance de 1948. Son objet est précisément de rappeler des évidences qui ont été largement oubliées depuis lors, comme le fait qu’Israël est un Etat juif. Cette loi, comme je l’ai expliqué, vient s’insérer de manière logique dans l’édifice constitutionnel, aux côtés des deux éléments déjà édifiés depuis 1948. Le premier élément était celui des Lois fondamentales décrivant le fonctionnement des institutions (Knesset, Président de l’Etat, etc.). Le second était celui des droits de l’homme, qui sont énoncés dans les deux lois fondamentales de 1992. Le troisième élément, qui faisait défaut jusqu’alors, était celui du caractère juif de l’Etat, ou si l’on préfère de la “carte d’identité” de l’Etat d’Israël.


 

(V) Nétanyahou, inspirateur d’une politique et d’un mode de gouvernement brutal?

 

C’est lui qui a introduit cette violence dans le débat politique israélien. Et cela n’a fait que s’aggraver… Aujourd’hui, elle s’exerce contre la gauche, mais aussi la justice, la presse, les ONG et même la police, ils seraient tous unis dans un complot pour l’abattre ! Ce phénomène nous concerne tous, c’est ce qu’on découvre à l’échelle mondiale avec Trump, un mode de gouvernement brutal que Nétanyahou a banalisé”.

 

Jean-Pierre Filiu, interview à Libération

 

Si l’on en croit Filiu, Nétanyahou ne serait pas seulement l’ami de Trump, du hongrois Viktor Orban et des autres dirigeants les plus conservateurs et populistes de la planète. Il serait en réalité l’inspirateur d’un “mode de gouvernement brutal” que ces derniers auraient calqué… En réalité, la violence du débat politique israélien ne date pas de Nétanyahou. Dans sa vision simpliste et caricaturale de l’histoire d’Israël, Filiu idéalise la période de l’hégémonie travailliste, qui a duré trois décennies et a été marquée par une violence politique qui n’avait rien à envier à celle d’aujourd’hui. Ben Gourion, que Filiu se plaît à idéaliser, obnubilé par son entreprise visant à noircir le portrait de Nétanyahou, n’a pas toujours été un modèle de démocratie, et il s’est ainsi employé à délégitimer ses opposants, de Jabotinsky à Menahem Begin. C’est seulement l’arrivée de ce dernier au pouvoir, en 1977, qui a introduit l’alternance dans la vie politique israélienne.

Pierre Lurçat

https://infoequitable.org/cinq-contre-verites-de-jean-pierre-filiu/

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“Do bin ich geboren” : la petite fille de Jérusalem, par Pierre Lurçat

June 7 2019, 10:38am

 

Dans les dernières années de sa longue vie, ma mère se plaisait à parler yiddish, langue de son enfance qu’elle n’avait jamais oubliée, sans guère la pratiquer. Le yiddish était resté ancré quelque part, au tréfonds de sa mémoire. Lorsque je lui disais au téléphone, dans mes pauvres rudiments de yiddish faits de bribes glanées de sa bouche, complétées par des souvenirs de l’allemand étudié au lycée, que je l’appelais de “Yerousholoyeïm” (Jérusalem), elle me répondait immanquablement, avec un éclat de fierté dans la voix : “Do bin ich geboren!” - “C’est là que je suis née !” Elle ne s’en était jamais cachée. Ses origines n’étaient pas un secret honteux, enfoui sous le masque d’un nouveau nom acquis par mariage ou par naturalisation, comme chez certains juifs étrangers qui étaient, comme elle, devenus Français par mariage ou par naturalisation.

 

 

La petite Lipah Kurtz était certes devenue, dans des circonstances que je raconterai, Liliane Kurtz, puis Liliane Lurçat. Son nom et son prénom ne dénotaient aucune ascendance étrangère, et son visage au regard pénétrant, son front haut et son nez droit ne trahissaient guère ses origines. Mais jamais, au grand jamais, pas même pendant la période de l’Occupation, elle n’avait cherché à dissimuler celles-ci. Bien au contraire, elle les dévoilait au détour d’une phrase, dans une conversation anodine avec le facteur, avec un chauffeur de taxi ou un voisin de palier : “Vous savez, je suis née à Jérusalem…”. Elle portait fièrement ses origines yérosolymitaines, sans ostentation mais sans s’en cacher. La Jérusalem où elle était née - dans l’hôpital de la rue des Prophètes - et avait vécu quelques mois, avant de partir en France, pour y revenir brièvement à l’âge de trois ans, était bien différente de la métropole d’aujourd’hui. C’était une petite ville provinciale, poussiéreuse et somnolente, aux ruelles en terre battue, qu’arpentaient les commerçants - vendeurs de “tamar Hindi” - et les chameliers (un des premiers et rares souvenirs qu’elle avait gardés de sa prime enfance à Jérusalem).


 

Un chamelier à Jérusalem, 1928

 

Jérusalem en 1928, année de sa naissance, était une ville orientale, excentrée aux confins de l’empire ottoman, dont la domination avait pris fin dix ans auparavant, pour laisser place au mandat britannique. La communauté juive qui l’habitait était encore réduite, répartie entre les représentants de l’Ancien Yishouv, juifs religieux vivant de la ‘Halouka (c’est-à-dire l’aumône) et ceux du Nouveau Yishouv, pionniers sionistes laïcs, comme l’étaient mes grands-parents. Une photo de famille de l’époque, dont la couleur sépia trahit l’ancienneté - elle date de 1928 - montre mes grands-parents maternels entourés des frères et soeurs de ma grand-mère et de leurs parents, posant avec solennité chez un photographe de Jérusalem. Ma grand-mère, Chaya Kurtz, tient dans ses bras un bébé emmailloté, selon l’habitude d’alors, qui n’est autre que ma mère, Lipah. C’est la première et quasiment la seule photographie montrant ma mère bébé, petite fille de Jérusalem.


 

 

 

Quand et pourquoi mes grands-parents maternels s’étaient-ils installés à Jérusalem? Je n’ai pas de réponse précise à cette question, qui demeure entourée de mystère, ajoutant encore un parfum d’exotisme aux circonstances entourant la naissance de ma mère. Etait-ce là que vivaient les parents de Chaya, ou peut-être son mari y travaillait-il, après avoir mis fin à son errance perpétuelle de pionnier? Quoi qu’il en soit, c’était dans cette ville qu’ils s’étaient rencontrés et mariés, selon le récit familial transmis oralement par ma mère, qu’aucun document écrit ne venait attester.


 

Joseph Kurtz, mon grand-père

 

Mon grand-père, Joseph Kurtz, originaire de Cracovie, était “monté” en Israël juste après la Première Guerre mondiale, animé par l’idéologie sioniste socialiste et la volonté de construire le pays nouveau. En authentique “halouts”, il avait défriché les marécages et pavé les routes, allant d’un endroit à un autre, sans jamais s’installer à demeure, dans le cadre du Bataillon du Travail (Gdoud ha-Avoda) qui portait bien son nom, car ses membres étaient de véritables soldats, engagés corps et âme au service de leur mission édificatrice. Joseph avait aussi appartenu, sans doute brièvement, aux Chomrim, ces gardes à cheval qui protégeaient les kibboutz contre les incursions de maraudeurs et les attaques de bandes arabes. Une  photo de l’époque le montre, vêtu du costume bédouin prisé des Chomrim, un sabre dans les mains, coiffé d’une keffiah.


 

Chaya Kurtz, ma grand-mère

 

Ma grand-mère, Chaya Kurtz, née Shatzky, était venue en Palestine avec ses frères et soeurs et leurs parents. Sa grand-mère, Madame Landau, possédait une entreprise de textile à Bialystok, qu’elle avait vendue pour affréter un navire, et emmener des jeunes Juifs en Eretz-Israël. Sur la photo de famille couleur sépia, on la voit, entourée de sa famille : ses trois soeurs Fanya, Esther et Bluma, et leur frère Nahman. Je ne sais rien de la rencontre de mes grands-parents, sinon qu’ils se marièrent à Jérusalem, où sont nés ma mère et son frère aîné, Menahem, et qu’ils vécurent ensemble toute leur vie, jusqu’à la mort de Joseph, survenue l’année de ma naissance.

 

Liliane Lurçat z.l.

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Partez en Israël avec un métier en poche! Devenez Agent immobilier

May 29 2019, 14:33pm

Posted by Pierre Lurçat

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Europe : les élites contre les peuples? Le nouvel impérialisme européen face au réveil des Etats-Nations, Pierre Lurçat

May 26 2019, 13:11pm

Posted by Pierre Lurçat

Europe : les élites contre les peuples?  Le nouvel impérialisme européen face au réveil des Etats-Nations, Pierre Lurçat

Je remets en ligne cet article à l'occasion des élections européennes, qui posent de nouveau la question du clivage grandissant entre l'Union européenne et les peuples qui y vivent. P.L.

Chez les élites arrogantes et émancipées vivant dans un espace sans territoire ni frontières, l’usage accusateur du terme “populisme” va souvent de pair avec un mépris du peuple, un mépris affiché doublé d’une crainte des mauvais penchants prêtés à ceux qui restent attachés à leur patrie, se sentent enracinés et héritiers d’une longue histoire, et veulent conserver leur identité culturelle.

Pierre-André Taguieff, Le nouveau national-populisme


 

L’appel de 30 écrivains pour “sauver la maison Europe” illustre le divorce grandissant entre les élites intellectuelles et les peuples en Occident. Comme l’avait démontré Raya Epstein, il y a plus de 15 ans, l’Union européenne incarne aujourd’hui la “nouvelle église du totalitarisme”. La démocratie véritable n’est pas du côté de ceux qui prétendent “sauver” l’Europe contre une “vague populiste”, qualificatif péjoratif et largement infondé dont ils ont affublé les peuples européens en quête de liberté. Dans ce nouvel affrontement idéologique et politique, Israël doit incarner la “lumière des Nations”, en réaffirmant la notion hébraïque de l’identité nationale, à la source de laquelle les nations modernes se sont abreuvées.


 

Le politologue américain Daniel Pipes a récemment pointé avec justesse le divorce grandissant entre Israël et les juifs européens, observant ce paradoxe : “lorsque Matteo Salvini, le ministre italien de l’Intérieur, s’est récemment rendu à Jérusalem, qu’il a saluée comme la capitale d’Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu l’a qualifié de « grand ami d’Israël ». De retour chez eux, cependant, les Juifs libéraux italiens (Daniel Pipes emploie le mot “libéral” au sens américain, qui correspond grosso modo au concept français d’intellectuels de gauche) dénonçaient Salvini pour son prétendu « racisme contre les étrangers et les migrants ».

 

Matteo Salvini et Benjamin Netanyahu, le 12 décembre à Jérusalem (Crédit : GPO)


 

Mais ce paradoxe n’est qu’un aspect d’un phénomène plus vaste, dont  il importe de saisir l’ampleur et les conséquences. Le divorce observé par Pipes ne concerne pas seulement, en effet, les juifs progressistes italiens, européens et américains, d’une part, et Israël de l’autre. Car ce clivage interne au monde juif n’est en réalité que l’aspect particulier d’un phénomène plus global, qu’on peut qualifier de divorce grandissant entre les peuples occidentaux et leurs élites. L’appel publié par 30 écrivains internationaux, sous l’égide de Bernard-Henri Lévy, pour sauver la “maison Europe” contre le danger des “populismes” et du “repli souverainiste” est révélateur de ce clivage qui s’est creusé depuis plusieurs décennies.

 

Ces écrivains - parmi lesquels le turc Orhan Pamuk, le français Milan Kundera ou l’israélien David Grossman - se trompent de combat, et se trompent surtout (et trompent leurs lecteurs) dans les mots qu’ils emploient. Car leur manifeste ne comporte aucune démonstration : il repose tout entier sur un syllogisme, qu’on peut résumer ainsi : “l’Europe c’est bien, les peuples européens c’est mal”. L’idéologie qui anime ces intellectuels (dont certains sont, faut-il le préciser, de grands écrivains, auteurs d’oeuvres majeures) est bien résumée par BHL dans une interview au journal suisse Le Temps. Lorsque le journaliste lui demande s’il ne faut pas davantage écouter les peuples, BHL répond sans se démonter :  “arrêtons de sacraliser le peuple. En Europe, le peuple ne doit pas être le seul souverain!” Il s’agit bien, dans l’esprit de l’auteur de L’idéologie française, d’opposer sa conception très particulière de la “démocratie” à l’idée de pouvoir du peuple qu’il délégitime. Mais si la démocratie ne désigne plus la souveraineté populaire, que signifie-t-elle?

 

La démocratie totalitaire contre les peuples

 

Les ressorts profonds de cette idéologie, qui oppose la “démocratie” (qu’ils prétendent incarner) et le peuple (toujours soupçonné de ‘populisme”), ont été analysés en 2003 par la politologue israélienne Raya Epstein, dans un article lumineux publié dans un ouvrage collectif intitulé Israël et les posts-sionistes. Une nation en danger (1). Raya Epstein montre comment l’Union européenne incarne le phénomène de la “démocratie totalitaire”, concept qu’elle emprunte à Jacob Talmon. L’idée force de Talmon, réinterprétée par Epstein, est que la notion occidentale de démocratie recouvre en fait deux réalités bien différentes, et pour ainsi dire opposées. A la conception américaine de la “démocratie libérale” s’oppose une certaine conception jacobine et française de la démocratie, que Talmon qualifie de “démocratie totalitaire”.


 

Une conception jacobine remontant à la Révolution française


 

L’affrontement actuel entre des élites post-nationales animées par une idéologie qui rejette l’idée de nation et d’Etat-nation (2) et les peuples d’Europe ne peut être compris sans rappeler ses racines historiques. L’analyse de Raya Epstein montre bien qu’il s’agit en fait d’un débat ancien, dont les origines remontent au moins à la Révolution française et à ses prolongements historiques. Yoram Hazony, chercheur israélien en science politique, vient de publier un ouvrage essentiel sur le sujet, La vertu du nationalisme (3). Son analyse rejoint celle d’Epstein, mais il utilise des concepts quelque peu différents. Pour Hazony, ce qui se joue actuellement c’est le vieux conflit - récurrent au cours de l’histoire depuis l’Antiquité - entre les empires et leur volonté hégémonique totalitaire d’une part, et les peuples épris de liberté, dont Israël est le prototype, d’autre part.

 


 

Les lignes qui suivent donnent un aperçu des thèses de Hazony : “Mes amis libéraux (là encore, au sens américain, c’est-à-dire des intellectuels de gauche) semblent ne pas comprendre que la construction libérale qu’ils soutiennent est une forme d’impérialisme… Tout comme les Pharaons et les rois de Babylone, les empereurs romains et l’église catholique romaine, jusqu’à récemment, ainsi que les marxistes au siècle dernier, les “progressistes” ont aux aussi leur grande théorie sur la manière d’apporter la paix et la prospérité au mond entier, en abolissant les frontières et en unissant l’humanité sous leur propre domination universelle. Infatués de la clarté intellectuelle de cette vision, ils dédaignent le processus laborieux de consulter la multitude des peuples qui doivent, selon eux, embrasser leur vision de ce qui est bon. Et comme tous les impérialistes, ils sont prompts à exprimer leur dégoût, leur mépris et leur colère lorsque leur vision de la paix rencontre l’opposition de ceux dont ils sont certains qu’ils retireront un immense bénéfice en se soumettant tout simplement”.

 

Ainsi, l’opposition actuelle à Israël de la part des tenants de ce nouvel impérialisme n’est qu’un nouvel épisode de l’antagonisme récurrent de tous les empires au cours de l’histoire, envers Israël, peuple particulariste hostile à toute forme d’impérialisme (4). L’un des aspects les plus frappants de cet impérialisme est toutefois la perte du sens commun et l’instauration d’un dogmatisme universel, qui abolit tout débat authentique, dans des domaines aussi divers que la politique, les questions de société ou… le climat. Comme l’écrit Hazony, “les élites occidentales, dont les opinions sont aujourd’hui homogénéisées conformément au nouvel ordre libéral, ont de plus en plus de mal à reconnaître la nécessité de tolérer des points de vue divergents… La tolérance, tout comme le nationalisme, devient une relique du passé”. Yoram Hazony qualifie très pertinemment cette attitude dogmatique de “doctrine de l’infaillibilité”, ce en quoi le nouvel “empire libéral universel” ressemble étonnamment à l’empire catholique médiéval.

Pierre Lurçat

 

(1) Paru en anglais, sous le titre Postzionism and democracy. On comprend, en lisant ce livre essentiel, que le post-sionisme était à la fois l’application à Israël du projet post-national, et le “laboratoire d’idées” des élites occidentales partageant l’idéologie post-nationale, qui ont soutenu sans aucune réserve le processus d’Oslo, jusque dans ses dérives les plus meurtrières… Il fallait que la “paix” soit imposée à Israël, par la force des accords soutenus par la communauté internationale et par la violence du terrorisme palestinien qui n’a jamais cessé.

(2) On en donnera pour preuve récente la campagne lancée contre la Loi fondamentale sur “Israël Etat nation du peuple juif”, dans laquelle la gauche israélienne a été soutenue par les grands médias et par une large frange de l’intelligentsia en Occident.

(3) Paru en anglais, sous le titre The virtue of Nationalism, Basic Books.

(4) Ce qui n’empêche pas que des individus juifs se soient enrôlés au service des différents impérialismes, et notamment du communisme pour ne parler que du 20e siècle.

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Hommage à Liliane Lurçat 1928-2019 par Evelyne Tschirhart

May 24 2019, 09:25am

Posted by Evelyne TSCHIRHART

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Liliane Lurçat vient de nous quitter. Insuffisamment connue du grand public, bien qu’elle ait publié de nombreux ouvrages, elle eut cependant un vrai succès d’estime auprès de ceux qui se sont intéressés à l’école et à sa lente destruction depuis bientôt cinquante ans. Son dernier livre, co-signé avec Laurent Lafforgue[1], des enseignants et philosophes : « La débâcle de l’école, une tragédie incomprise »[2] sonnait le tocsin afin de susciter un sursaut des autorités de l’Éducation nationale, sursaut qui ne s’est pas produit car l’Institution s’est enlisée encore plus avant dans une vision de l’école égalitariste et déstructurante, qui ne pouvait que déboucher sur des résultats catastrophiques et une inégalité toujours plus grande.

Docteur en Psychologie et docteur es Lettres, elle a été directrice de recherche au CNRS. Ses investigations l’ont menée à enquêter dans les écoles maternelles et primaires de Paris et de la région parisienne pendant toute sa carrière.

Enseignante, j’avais pris connaissance des œuvres de Liliane Lurçat dans les années 1990 quand j’ai été confrontée à la destruction programmée de l’école de Jules Ferry, imposée par les « penseurs » de l’éducation qui sévissent, hélas, encore aujourd’hui.

Parmi les lectures critiques que je faisais à cette époque, Liliane Lurçat fut pour moi un guide des plus précieux car elle abordait l’origine et le cheminement idéologique de cette destruction en s’appuyant sur des exemples à la fois historiques et concrets, dans un ouvrage capital : « La destruction de l’enseignement élémentaire et ses penseurs »[3]. Ses livres sont aux antipodes du discours abscons des idéologues des sciences de l’éducation et riches d’une expérience sur le terrain permettant de comprendre les mécanismes qui allaient déstructurer l’école et abolir la transmission qui avait pourtant fait ses preuves depuis la troisième République.

 

Sa connaissance de l’enfant, de ses besoins spatiaux-temporels, de son développement psychologique et cognitif l’ont amenée à démontrer, notamment, que les nouvelles méthodes d’apprentissage de la lecture : globale et semi-globale mais aussi du calcul, se sont avérées désastreuses et ont constitué un handicap dans les apprentissages de base, dès l’école primaire. Dans son livre : « La destruction de l’enseignement élémentaire et ses penseurs », Liliane Lurçat nous permet d’appréhender les idéologies à l’œuvre qui ont empêché la plupart des élèves de maîtriser la langue. Car il y a bien eu destruction volontaire d’un système qui, sans être parfait, permettait à tous les enfants, quelque fût leur milieu, d’accéder à des connaissances de base essentielles.

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Cette destruction a commencé avec l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en abandonnant la méthode syllabique au profit d’une méthode aléatoire : globale et semi-globale et en dissociant la lecture de l’écriture. Ce découplage s’est révélé catastrophique si l’on considère le nombre d’élèves qui suivent aujourd’hui des séances d’orthophonie pour- soi-disant- dyslexie. La pensée gauchiste visait, à travers ces transformations, jamais évaluées, à faire croire que la lecture ne doit pas être « l’exclusivité d’une élite savante et cultivée » et, pour qu’elle soit accessible à tout le monde, qu’il « faut apprendre à lire de manière fonctionnelle, des écrits eux-mêmes fonctionnels. » D’où l’idée que chacun a le temps d’apprendre à lire, à son rythme (et pourquoi pas tout au long de la vie, proclameront les nouveaux pédagogues). Par ailleurs, Liliane Lurçat fait une critique exhaustive d’un certain Foucambert, parmi d’autres idéologues, qui voulait « déscolariser la lecture ».

« Foucambert interprète l’opposition des méthodes en termes révolutionnaires. Dans quel but ? C’est la fin de l’école républicaine, annonce-t-il, « ce qui est certain, c’est que le comportement alphabétique est devenu superflu ». « L’ère de l’alphabétisation est en train de s’achever. » Mais pas celle de l’écrit, poursuit Liliane Lurçat, on va donc remplacer l’alphabétisation par la « lecturisation » car « l’école n’a plus guère de raison d’être en tant qu’instrument d’alphabétisation », elle doit « rompre avec ses pratiques historiques ».

Ce que veulent ces penseurs, c’est la Révolution ! Thème que Vincent Peillon reprendra plus tard.

De façon minutieuse, Liliane Lurçat a démontré comment des idéologues de gauche, sous couvert de recherche scientifique ont abandonné les méthodes traditionnelles qui avaient fait leurs preuves pour favoriser des théories aventureuses, bien qu’expérimentales et procédant de l’idée que l’école traditionnelles reproduisait les inégalités sociales (Bourdieu).

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Dans un autre livre tout aussi important : « Vers une école totalitaire »[4] Liliane Lurçat avait révélé, en pionnière qu’elle était, que les penseurs des Sciences de l’éducation par la mise en place du « pédagogisme », faisaient de la pédagogie « en soi » le moteur de la connaissance au détriment des disciplines. Cette confusion conduisit à imposer un projet pédagogique appliqué dans les IUFM[5]  où les « compétences » allaient remplacer les connaissances afin de créer un homme nouveau. L’illettrisme s’est répandu et du même coup, la fonction enseignante s’est disqualifiée auprès des enfants et des parents. Sont apparues alors les « zones d’éducation prioritaire[6] », généralement dans les banlieues à forte population immigrée et les « penseurs » de l’éducation, loin de remettre en cause leurs théories fumeuses, ont décidé que l’école devait se mettre à la portée de ces élèves en difficulté sociale.  Liliane Lurçat écrit à ce sujet :

« Le modèle que sous-tend l’expérience des ZEP présente une analogie troublante avec l’Affirmative Action aux États Unis. L'Affirmative Action consiste à favoriser les défavorisés en introduisant notamment dans l’appréciation des résultats des étudiants, des considérations de race et de sexe. »

Nous sommes loin de la formation d’hommes libres, nourris de la tradition et ayant acquis les outils de base pour s’approprier des connaissances et développer une pensée autonome. Liliane Lurçat avait déjà analysé qu’à la place des connaissances fondamentale, s’installait une politique de bourrage de crâne afin de faire des élèves de bons petits soldats formatés aux idées des « droits de l’homme »

« Le discours est principalement politique et il répète des thèmes ambiants : lutter contre le racisme, ouvrir les frontières, faire voter les immigrés et les étrangers. L’influence de la télévision est également très forte, elle fournit des modèles et suggère les désirs et les identifications. »

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Cette analyse était non seulement juste mais elle s’avérait prémonitoire. En effet, tous ces thèmes étrangers aux connaissances allaient se développer par la suite et faire de l’école une immense caisse de résonnance à la bien-pensance, par exemple en supprimant des pans entiers de l’histoire de France, au profit de l’histoires de régions du monde, en imposant l’apprentissage de l’arabe à l’école, en réduisant les grands classiques de la littérature à la portion congrue, en imposant la théorie du genre dès le plus jeune âge et ses corolaires que sont la prise en compte des LBTG et des sexualités choisies.[7] L’école s’est arrogé le droit d’éduquer sans instruire !

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Spécialiste de la petite enfance, Liliane Lurçat a été une pionnière dans les études concernant la relation des enfants à une télévision mortifère. Dans son livre : « Le temps prisonnier, des enfances volées par la télévision[8] » elle analyse les effets délétères de l’abandon des jeunes enfants devant l’écran télévisuel. Comment enfants et adolescents sont devenus captifs d’un univers violent, décervelant, qui ne permet aucun travail de l’imagination mais conduit le jeune cerveau à absorber, sans toujours les comprendre, des images séductrices qui s’imposent sans lui laisser la possibilité de les soumettre à une distance raisonnable ou à la vraisemblance. La télévision, pour beaucoup de jeunes devient une drogue, une addiction qui les soumet souvent à une vision faussée, voire caricaturale du monde. Ce qui ne peut manquer d’avoir de graves conséquences sur leur vie psychique et leur jugement. On le voit quotidiennement avec la violence qui se développe dans les cours d’école, sans parler des scènes pornographiques qui font des ravages chez les très jeunes et les adolescents. Ajoutons, que l’image est plus attractive parce qu’immédiate ; elle se substitue à la lecture et à l’effort que celle-ci oblige mais qui est d’une richesse incomparable.

Enfin, je ne saurais rendre cet hommage à Liliane Lurçat, écrivain et penseur, sans évoquer, grâce au blog de Pierre Lurçat, son fils[9], les persécutions nazies qu’elle eut à subir en tant que Juive, lors de son internement à Drancy en 1944 quand elle était encore adolescente.

Cette discrimination dramatique ne l’a pas empêchée d’aimer la France mais aussi de constater avec tristesse, bien avant les dernières années de sa vie, comment notre pays se délite sous les coups d’une immigration totalement incontrôlée, refusant de s’intégrer et qui est à l’origine d’un antisémitisme violent qu’on croyait révolu et d’un antichristianisme avéré. Elle qui avait émigré en France, y avait fait des études universitaires et avait apporté une contribution intellectuelle de premier ordre à la France, nous a quittés avec sans doute un sentiment d’inquiétude et de tristesse face aux périls qui noircissent notre avenir. Par bonheur, ses enfants, petits - enfants et arrière - petits enfants font et feront fructifier l’héritage qu’elle et son époux, le philosophe et scientifique François Lurçat[10], leur ont transmis.

Ses livres sont propres à éclairer ceux qui veulent comprendre comment nous en sommes arrivés là, dans cet état de dé-instruction qui cause des ravages parmi les jeunes qui n’ont pas la possibilité de quitter l’école publique pour des établissements privés hors contrat où l’on dispense un véritable enseignement de la transmission des connaissances. L’école égalitaire promise par les idéologues, s’est muée en une école de la discrimination par l’argent.

                                                                                                           Evelyne Tschirhart

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[1] Laurent Lafforgue  Médaille Field de mathématiques.

[2] Laurent Lafforgue, Liliane Lurçat, La débâcle de l’école ; une Tragédie incomprise 2007 éditions François-Xavier de Guibert

[3] Liliane Lurçat : « La destruction de l’enseignement élémentaire et ses penseurs » éditions françois -Xavier de Guibert 1998.

[4] Liliane Lurçat : « Vers une école totalitaire ? L’enfance massifiée à l’école et dans la société. » éditions François -Xavier de Guibert 1998.

[5] IUFM : institut de formation des maîtres.

[6]  Les ZEP : zones d’éducation prioritaire.

[7] Voir à ce sujet Evelyne Tschirhart : « L’école du désastre, Lâcheté à droire… Destruction à gauche. » éditions de Paris Max Chaleil 2018.

[8] Liliane Lurçat : Le temps prisonnier, des enfances volées par la télévision, édition Desclée de Brouwer - 1995

[9]  Pierre Lurçat – avocat et écrivain, auteur notamment de « Israël, le rêve inachevé » éditions de Paris, Max Chaleil 2018.

[10]  François Lurçat : « La science suicidaire, Athènes sans Jérusalem. » Editions françoise-Xavier de Guibert 1999.

 

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