Overblog
Follow this blog Administration + Create my blog
VudeJerusalem.over-blog.com

etat-nation

Comprendre la Loi fondamentale sur l’Etat-nation (II): la question de l’égalité des droits, par Pierre Lurçat, avocat

December 22 2020, 16:17pm

Posted by Pierre Lurçat

Comprendre la Loi fondamentale sur l’Etat-nation (II): la question de l’égalité des droits, par Pierre Lurçat, avocat

Alors que la Cour suprême, dans ce qui constitue la deuxième phase de la Révolution constitutionnelle entamée dans les années 1990 et sa transformation en premier pouvoir en Israël, prétend examiner la "légalité" de la Loi fondamentale sur Israël Etat-nation, il importe de bien comprendre la signification véritable de cette loi. Analyse.

 

Dans la première partie de cet article, nous avons vu que la Loi fondamentale sur l’Etat-nation s’inscrivait dans le droit fil des textes fondant la légitimité de l’Etat d’Israël selon le droit  international, et notamment de la Déclaration Balfour de 1917 et de la Résolution 181 des Nations Unies de 1947. Nous voudrions à présent nous attarder sur la question controversée de l’égalité et sur les arguments de ceux qui affirment que cette loi porte atteinte à l’égalité des citoyens non-juifs de l’Etat d’Israël.

 

Première affirmation : l’égalité des droits mentionnée dans la Déclaration d’Indépendance a été délibérément omise dans la Loi fondamentale, qui abolit ainsi la notion d’égalité.

 

Cette affirmation, entendue très souvent au cours des dernières semaines, exprime une incompréhension fondamentale du système juridique israélien et de la structure de l’édifice législatif, en Israël et dans les pays démocratiques en général. Elle repose en effet sur l’idée erronée qu’une nouvelle loi aurait automatiquement pour effet d’abroger les lois précédentes. Il n’en est pas du tout ainsi ! Non seulement la Loi fondamentale n’a pas pour effet d’abroger les lois antérieures - mais elle vient en réalité les compléter (1).

 

Pour analyser la place de la Loi fondamentale sur l’Etat-nation au sein de l’édifice juridique et constitutionnel israélien, je propose de recourir à l’image du puzzle. Chaque loi fondamentale vient en effet s’insérer dans un ensemble plus vaste dont elle constitue un élément. La complémentarité de chacun des éléments de ce puzzle tient à la fois à des raisons procédurales (le législateur israélien ayant décidé de recourir au système de l’élaboration d’une Constitution par étapes, en s’inspirant notamment du modèle allemand d’après 1949), et à des raisons de fond (2).

 

Sur le fond en effet, la Loi fondamentale sur l’Etat-nation vient s’insérer de manière logique dans l’édifice constitutionnel, aux côtés des deux éléments déjà édifiés depuis 1948. Le premier élément était celui des Lois fondamentales décrivant le fonctionnement des institutions (Knesset, Président de l’Etat, etc.). Le second était celui des droits de l’homme, qui sont énoncés dans les deux lois fondamentales de 1992. Le troisième élément, qui faisait défaut jusqu’alors, était celui du caractère juif de l’Etat, ou si l’on préfère de la “carte d’identité” de l’Etat d’Israël.

Résultat de recherche d'images pour "knesset"

La carte d'identité de l'Etat (photo : la Knesset)

 

 

Dernier point, qu’il n’est pas inutile de rappeler : la Déclaration d’Indépendance affirme certes que tous les citoyens d’Israël bénéficient de droits égaux, sans distinction d’origine. Mais elle mentionne également le droit au Retour, qu’elle réserve exclusivement aux Juifs et à leurs descendants, ce qui montre bien qu’elle n’est pas motivée uniquement par un souci d’égalité.

 

Deuxième affirmation : la Loi fondamentale sur l’Etat-nation vient consacrer une inégalité de fait entre citoyens juifs et non juifs.

 

Cette affirmation procède là encore d’une vision erronée de la réalité, tant politique que juridique, de l’Etat d’Israël. En réalité, il n’existe pas d’inégalité, de jure ou de facto, entre les citoyens de l’Etat d’Israël. Ceux-ci bénéficient en effet des mêmes droits politiques et sociaux, quelle que soit leur appartenance religieuse ou ethnique, conformément aux termes de la Déclaration d’Indépendance de 1948. Ceux qui dénoncent une prétendue inégalité contestent en réalité la nature même de l’Etat d’Israël en tant qu’Etat-nation du peuple juif, comme on l’a bien vu lors de la manifestation organisée samedi dernier à Tel-Aviv, au cours de laquelle les manifestants arabes israéliens ont brandi des drapeaux palestiniens !


 


Manifestation contre la Loi sur l’Etat nation à Tel-Aviv

 

Pour illustrer l’inanité de cette affirmation, prenons l’exemple le plus marquant, celui de la langue. Selon les opposants à la Loi fondamentale, celle-ci aurait rabaissé le statut de l’arabe, auparavant langue officielle à égalité avec l’hébreu, pour en faire une langue de second rang. Cette affirmation contient plusieurs contre-vérités. Tout d’abord, l’arabe n’a jamais été la langue officielle de l’Etat d’Israël. Il a en réalité bénéficié d’un statut de langue officielle avant 1948, pendant la période du Mandat britannique, mais ce statut a été abrogé de facto quand l'Etat d’Israël naissant a choisi l’hébreu comme langue officielle. Israël n’est pas, et n’a jamais été depuis 1948 un Etat binational, ou un Etat pratiquant le bilinguisme, contrairement à d’autres Etats.

 

Le statut spécial dont bénéficie la langue arabe en Israël est à la fois l’héritage de la période mandataire et la conséquence de l’interventionnisme de la Cour suprême en faveur des minorités arabes en Israël. Ainsi, un arrêt de 1999 a obligé les municipalités des villes abritant une minorité arabe à utiliser cette langue sur tous les panneaux de circulation dans leur ressort juridictionnel (Bagats 4112/99). La Loi fondamentale ne remet pas en cause le statut spécial acquis par la langue arabe au sein de l’Etat d’Israël : celui-ci est en effet confirmé à l’article 4 (b) et (c) - ce dernier précisant que la Loi ne porte atteinte à aucun droit acquis avant son entrée en vigueur.

 

En réalité, comme l’explique le professeur Martin Sherman, ceux qui s’opposent à la loi au nom de l’égalité des droits confondent deux catégories de droits bien différentes. D’une part, les droits civiques et libertés publiques, qui sont garantis en Israël à tous les citoyens sans distinction d’origine ethnique ou religieuse, depuis la Déclaration d’Indépendance et sous le contrôle tatillon de la Cour suprême, championne de l’égalité. D’autre part, les droits nationaux revendiqués à titre collectif, qui sont réservés au seul peuple Juif, au nom de son droit à l’autodétermination. Sur ce dernier point, aucun compromis n’est possible, sauf à transformer Israël en Etat binational.

Pierre Lurçat

 

(1) Cela est d’autant plus vrai, s’agissant d’une Loi fondamentale, c’est-à-dire d’une loi ayant une valeur supérieure aux lois “normales”, et selon certains avis quasi-constitutionnelle. Si on accepte l’hypothèse (soutenue par une partie des auteurs et juristes israéliens) que les Lois fondamentales sont des éléments de la Constitution en voie de création de l’Etat d’Israël, on comprend d’autant mieux comment la Loi fondamentale sur l’Etat-nation vient compléter les Lois fondamentales précédentes, et notamment la Loi sur la liberté et la dignité humaine de 1992

(2) Sur les notions de Loi fondamentale et de Constitution par étapes, je renvoie au chapitre 13 de mon livre La trahison des clercs d’Israël, La Maison d’édition 2016.

Mon intervention au récent colloque organisé par Dialogia, “Où va la démocratie ?” est en ligne sur Akadem, https://akadem.org/conferences/colloque/politique/dialogia-democratie/dialogia-ou-va-la-democratie-/45247.php.

_____________________________________________________________________

ABONNEZ VOUS AU BLOG VU DE JERUSALEM ET RECEVEZ TOUS LES ARTICLES DES LEUR PARUTION!

 

See comments

Europe : les élites contre les peuples? Le nouvel impérialisme européen face au réveil des Etats-Nations, Pierre Lurçat

May 26 2019, 13:11pm

Posted by Pierre Lurçat

Europe : les élites contre les peuples?  Le nouvel impérialisme européen face au réveil des Etats-Nations, Pierre Lurçat

Je remets en ligne cet article à l'occasion des élections européennes, qui posent de nouveau la question du clivage grandissant entre l'Union européenne et les peuples qui y vivent. P.L.

Chez les élites arrogantes et émancipées vivant dans un espace sans territoire ni frontières, l’usage accusateur du terme “populisme” va souvent de pair avec un mépris du peuple, un mépris affiché doublé d’une crainte des mauvais penchants prêtés à ceux qui restent attachés à leur patrie, se sentent enracinés et héritiers d’une longue histoire, et veulent conserver leur identité culturelle.

Pierre-André Taguieff, Le nouveau national-populisme


 

L’appel de 30 écrivains pour “sauver la maison Europe” illustre le divorce grandissant entre les élites intellectuelles et les peuples en Occident. Comme l’avait démontré Raya Epstein, il y a plus de 15 ans, l’Union européenne incarne aujourd’hui la “nouvelle église du totalitarisme”. La démocratie véritable n’est pas du côté de ceux qui prétendent “sauver” l’Europe contre une “vague populiste”, qualificatif péjoratif et largement infondé dont ils ont affublé les peuples européens en quête de liberté. Dans ce nouvel affrontement idéologique et politique, Israël doit incarner la “lumière des Nations”, en réaffirmant la notion hébraïque de l’identité nationale, à la source de laquelle les nations modernes se sont abreuvées.


 

Le politologue américain Daniel Pipes a récemment pointé avec justesse le divorce grandissant entre Israël et les juifs européens, observant ce paradoxe : “lorsque Matteo Salvini, le ministre italien de l’Intérieur, s’est récemment rendu à Jérusalem, qu’il a saluée comme la capitale d’Israël, le Premier ministre Benjamin Netanyahu l’a qualifié de « grand ami d’Israël ». De retour chez eux, cependant, les Juifs libéraux italiens (Daniel Pipes emploie le mot “libéral” au sens américain, qui correspond grosso modo au concept français d’intellectuels de gauche) dénonçaient Salvini pour son prétendu « racisme contre les étrangers et les migrants ».

 

Matteo Salvini et Benjamin Netanyahu, le 12 décembre à Jérusalem (Crédit : GPO)


 

Mais ce paradoxe n’est qu’un aspect d’un phénomène plus vaste, dont  il importe de saisir l’ampleur et les conséquences. Le divorce observé par Pipes ne concerne pas seulement, en effet, les juifs progressistes italiens, européens et américains, d’une part, et Israël de l’autre. Car ce clivage interne au monde juif n’est en réalité que l’aspect particulier d’un phénomène plus global, qu’on peut qualifier de divorce grandissant entre les peuples occidentaux et leurs élites. L’appel publié par 30 écrivains internationaux, sous l’égide de Bernard-Henri Lévy, pour sauver la “maison Europe” contre le danger des “populismes” et du “repli souverainiste” est révélateur de ce clivage qui s’est creusé depuis plusieurs décennies.

 

Ces écrivains - parmi lesquels le turc Orhan Pamuk, le français Milan Kundera ou l’israélien David Grossman - se trompent de combat, et se trompent surtout (et trompent leurs lecteurs) dans les mots qu’ils emploient. Car leur manifeste ne comporte aucune démonstration : il repose tout entier sur un syllogisme, qu’on peut résumer ainsi : “l’Europe c’est bien, les peuples européens c’est mal”. L’idéologie qui anime ces intellectuels (dont certains sont, faut-il le préciser, de grands écrivains, auteurs d’oeuvres majeures) est bien résumée par BHL dans une interview au journal suisse Le Temps. Lorsque le journaliste lui demande s’il ne faut pas davantage écouter les peuples, BHL répond sans se démonter :  “arrêtons de sacraliser le peuple. En Europe, le peuple ne doit pas être le seul souverain!” Il s’agit bien, dans l’esprit de l’auteur de L’idéologie française, d’opposer sa conception très particulière de la “démocratie” à l’idée de pouvoir du peuple qu’il délégitime. Mais si la démocratie ne désigne plus la souveraineté populaire, que signifie-t-elle?

 

La démocratie totalitaire contre les peuples

 

Les ressorts profonds de cette idéologie, qui oppose la “démocratie” (qu’ils prétendent incarner) et le peuple (toujours soupçonné de ‘populisme”), ont été analysés en 2003 par la politologue israélienne Raya Epstein, dans un article lumineux publié dans un ouvrage collectif intitulé Israël et les posts-sionistes. Une nation en danger (1). Raya Epstein montre comment l’Union européenne incarne le phénomène de la “démocratie totalitaire”, concept qu’elle emprunte à Jacob Talmon. L’idée force de Talmon, réinterprétée par Epstein, est que la notion occidentale de démocratie recouvre en fait deux réalités bien différentes, et pour ainsi dire opposées. A la conception américaine de la “démocratie libérale” s’oppose une certaine conception jacobine et française de la démocratie, que Talmon qualifie de “démocratie totalitaire”.


 

Une conception jacobine remontant à la Révolution française


 

L’affrontement actuel entre des élites post-nationales animées par une idéologie qui rejette l’idée de nation et d’Etat-nation (2) et les peuples d’Europe ne peut être compris sans rappeler ses racines historiques. L’analyse de Raya Epstein montre bien qu’il s’agit en fait d’un débat ancien, dont les origines remontent au moins à la Révolution française et à ses prolongements historiques. Yoram Hazony, chercheur israélien en science politique, vient de publier un ouvrage essentiel sur le sujet, La vertu du nationalisme (3). Son analyse rejoint celle d’Epstein, mais il utilise des concepts quelque peu différents. Pour Hazony, ce qui se joue actuellement c’est le vieux conflit - récurrent au cours de l’histoire depuis l’Antiquité - entre les empires et leur volonté hégémonique totalitaire d’une part, et les peuples épris de liberté, dont Israël est le prototype, d’autre part.

 


 

Les lignes qui suivent donnent un aperçu des thèses de Hazony : “Mes amis libéraux (là encore, au sens américain, c’est-à-dire des intellectuels de gauche) semblent ne pas comprendre que la construction libérale qu’ils soutiennent est une forme d’impérialisme… Tout comme les Pharaons et les rois de Babylone, les empereurs romains et l’église catholique romaine, jusqu’à récemment, ainsi que les marxistes au siècle dernier, les “progressistes” ont aux aussi leur grande théorie sur la manière d’apporter la paix et la prospérité au mond entier, en abolissant les frontières et en unissant l’humanité sous leur propre domination universelle. Infatués de la clarté intellectuelle de cette vision, ils dédaignent le processus laborieux de consulter la multitude des peuples qui doivent, selon eux, embrasser leur vision de ce qui est bon. Et comme tous les impérialistes, ils sont prompts à exprimer leur dégoût, leur mépris et leur colère lorsque leur vision de la paix rencontre l’opposition de ceux dont ils sont certains qu’ils retireront un immense bénéfice en se soumettant tout simplement”.

 

Ainsi, l’opposition actuelle à Israël de la part des tenants de ce nouvel impérialisme n’est qu’un nouvel épisode de l’antagonisme récurrent de tous les empires au cours de l’histoire, envers Israël, peuple particulariste hostile à toute forme d’impérialisme (4). L’un des aspects les plus frappants de cet impérialisme est toutefois la perte du sens commun et l’instauration d’un dogmatisme universel, qui abolit tout débat authentique, dans des domaines aussi divers que la politique, les questions de société ou… le climat. Comme l’écrit Hazony, “les élites occidentales, dont les opinions sont aujourd’hui homogénéisées conformément au nouvel ordre libéral, ont de plus en plus de mal à reconnaître la nécessité de tolérer des points de vue divergents… La tolérance, tout comme le nationalisme, devient une relique du passé”. Yoram Hazony qualifie très pertinemment cette attitude dogmatique de “doctrine de l’infaillibilité”, ce en quoi le nouvel “empire libéral universel” ressemble étonnamment à l’empire catholique médiéval.

Pierre Lurçat

 

(1) Paru en anglais, sous le titre Postzionism and democracy. On comprend, en lisant ce livre essentiel, que le post-sionisme était à la fois l’application à Israël du projet post-national, et le “laboratoire d’idées” des élites occidentales partageant l’idéologie post-nationale, qui ont soutenu sans aucune réserve le processus d’Oslo, jusque dans ses dérives les plus meurtrières… Il fallait que la “paix” soit imposée à Israël, par la force des accords soutenus par la communauté internationale et par la violence du terrorisme palestinien qui n’a jamais cessé.

(2) On en donnera pour preuve récente la campagne lancée contre la Loi fondamentale sur “Israël Etat nation du peuple juif”, dans laquelle la gauche israélienne a été soutenue par les grands médias et par une large frange de l’intelligentsia en Occident.

(3) Paru en anglais, sous le titre The virtue of Nationalism, Basic Books.

(4) Ce qui n’empêche pas que des individus juifs se soient enrôlés au service des différents impérialismes, et notamment du communisme pour ne parler que du 20e siècle.

See comments

Israël “Etat d’apartheid”? Contre-vérités et propagande mensongère autour de la Loi “Israël Etat-nation du peuple Juif”, par Pierre Lurçat, avocat

August 6 2018, 16:20pm

Posted by Pierre Lurçat

Israël “Etat d’apartheid”? Contre-vérités et propagande mensongère autour de la Loi “Israël Etat-nation du peuple Juif”, par Pierre Lurçat, avocat

Israël “Etat d’apartheid”? Contre-vérités et propagande mensongère autour de la Loi “Israël Etat-nation du peuple Juif”, par Pierre Lurçat, avocat

 

“Tes destructeurs et les auteurs de ta ruine sortiront de toi”.

Isaïe 49, 17

 

Depuis le vote par la Knesset de la Loi fondamentale “Israël Etat-nation du peuple Juif”, les opposants à la loi en Israël, relayés par certains médias internationaux hostiles à Israël, propagent de nombreuses contre-vérités à son sujet, par ignorance ou par malveillance. Le présent article vise à rétablir certaines vérités fondamentales sur ce sujet important.

 

Une “loi controversée”, partisane et “contraire aux principes fondateurs de l’Etat d’Israël?”

 

Loi controversée” : par cette expression, les médias entendent discréditer le contenu de la loi avant même de l’avoir exposé. En réalité, cette loi fondamentale a été adoptée par une majorité absolue de 62 députés de la Knesset contre 55. (A titre de comparaison, la “Loi fondamentale sur la dignité et la liberté humaine” avait été adoptée en 1992 à une majorité de 32 voix contre 21). A noter : le principal artisan de la Loi, Avi Dichter, était au moment où il a entamé le travail législatif, il y a huit ans, membre du parti centriste Kadima, aux côtés de Tsippi Livni, qui mène aujourd’hui la campagne de l’opposition contre la Loi, ce qui montre bien qu’il ne s’agit pas d’un texte partisan ou “d’extrême-droite”...

 

Une loi qui bouleverse le statu-quo, et transforme Israël en Etat-nation du peuple Juif?

 

Selon certains de ses opposants, cette loi serait contraire aux “fondements d’un Etat juif et démocratique” (selon les termes de la pétition signée par plusieurs centaines d’intellectuels israéliens, qui ne l’ont apparemment pas bien lue). En réalité, la Loi fondamentale s’inscrit dans la suite logique de la Déclaration d’indépendance de 1948, dont elle reprend les éléments essentiels. Elle ne “transforme” pas Israël en Etat-nation du peuple Juif, ce qu’il a toujours été conformément aux principes du sionisme politique et à la volonté de ses pères fondateurs. La loi se contente, plus modestement, de réaffirmer le caractère juif de l’Etat et le droit à l’autodétermination du peuple Juif dans le cadre d’un Etat-nation, deux notions essentielles qui étaient largement considérées comme acquises depuis 1948 et faisaient depuis toujours partie du consensus à l’intérieur d’Israël.

 

Une loi contraire à la Déclaration d’indépendance de 1948?

 

C’est sans doute la contre-vérité la plus flagrante. Non seulement la Loi fondamentale n’est pas contraire à la Déclaration d’Indépendance, mais elle vient en réalité réaffirmer les principes essentiels de cette dernière. Pourquoi? Parce que le consensus exprimé dans la Déclaration d’indépendance de 1948 a été largement érodé au cours des dernières années, et notamment depuis que la Cour suprême a entrepris de porter atteinte au caractère juif de l’Etat d’Israël, depuis le début des années 1990, en prétendant remplacer l’Etat juif par un “Etat de tous ses citoyens”, selon la volonté affichée de son président, le juge Aharon Barak (1).

 

 

David Grossman, emporté par l’excès et l’emphase

 

Une loi excluant les minorités non juives de la pleine citoyenneté = une loi d’apartheid?

 

Cette accusation est la plus dangereuse de toutes, car elle accrédite la notion d’un “Etat d’apartheid” utilisée depuis des décennies par les ennemis d’Israël, notion à laquelle des intellectuels israéliens renommés apportent aujourd’hui leur caution morale. C’est ainsi que l’écrivain David Grossman écrit, dans les colonnes de Ha’aretz (repris et traduit intégralement par Libération), que “le Premier ministre d’Israël s’est déterminé à ne pas mettre fin à l’occupation et à la situation d’apartheid dans les Territoires occupés, mais, au contraire, à les intensifier et à les transférer de ces territoires au cœur de l’Etat d’Israël”. Ce faisant, il commet une double erreur. Erreur historique et politique tout d’abord, car il n’y a pas, et il n’y a jamais eu de situation d’apartheid en Israël, ni à l’intérieur de la “ligne verte”, ni dans les territoires de Judée-Samarie (2).

 

Erreur morale ensuite, parce qu’en accusant le gouvernement de vouloir instaurer un régime d’apartheid à l’intérieur d’Israël, Grossman n’efface pas seulement la frontière physique entre le “petit Israël” d’avant 1967 et les territoires bibliques de Judée et de Samarie. Il abolit aussi et surtout la mince frontière rhétoriquequi séparait encore, jusqu’à hier, la gauche sioniste de l’extrême-gauche antisioniste. En considérant désormais que la “réalité d’apartheid” - qu’il avait auparavant cru déceler dans les “territoires occupés” - menace l’ensemble de l’Etat d’Israël, David Grossman laisse sa pensée dériver, emporté par l’excès et l’emphase, au point de rejoindre dans son discours les contempteurs les plus radicaux du sionisme. Sa dénonciation de “l’apartheid” est désormais reprise par les médias du monde entier, et pas seulement par ceux qui ont fait de la détestation d’Israël leur marque de fabrique.

 

La dérive de la gauche israélienne

 

Entraînés par le courant de leur détestation envers B. Nétanyahou, les intellectuels de la gauche israélienne sont en train de franchir allègrement toutes les lignes rouges et de détruire les derniers éléments restés encore intacts du consensus national, déjà largement effrité par les accords d’Oslo et par le retrait de Gaza. Cette fuite en avant de la gauche israélienne se traduit notamment par son jeu dangereux à l’égard de la minorité druze, dont elle incite certains éléments radicaux (qui sont loin de représenter l’ensemble du public druze), en risquant de mettre à mal l’alliance scellée dans le sang des soldats de Tsahal, établie depuis 70 ans entre druzes et Juifs en Israël.

 

 

L’alliance scellée dans le sang entre Juifs et druzes


 

Comme l’écrit dans les colonnes d’Israel Hayom l’éditorialiste Amnon Lord, observateur attentif de la vie politique israélienne, et notamment de la gauche dont il est lui-même issu, “un grand écrivain israélien (3) a affirmé autrefois que “l’histoire juive tout entière nous montre que l’élite juive a toujours été en danger de faillite morale, alors que le petit peuple (N.d.T. “Am’ha” en hébreu) a constitué la colonne vertébrale du peuple Juif. Il en a été ainsi à l’époque du Premier et du Deuxième Temple, et aussi à la veille de la Shoah. L’élite a toujours été encline à l’auto-destruction. L’identité juive a été préservée par le petit peuple”. Et Amnon Lord conclut: “La Loi sur l’Etat-nation a été conçue pour le petit peuple. L’Etat juif a été fondé pour que des brutes - intellectuelles et physiques - ne viennent plus menacer les Juifs”. Ou pour dire les choses en d’autres termes, ceux du prophète Isaïe que nous avons lus samedi dernier dans la Haftara, “Tes destructeurs et les auteurs de ta ruine sortiront de toi”.

 

Pierre Lurçat

 

Notes

1. Je renvoie à ce sujet à mon article “Comment la gauche israélienne est devenue une minorité tyrannique”, Vu de Jérusalem, 5 février 2018.

2. Dans un discours prononcé à l’occasion du Jour des soldats tombés en Israël, David Grossman avait déjà dénoncé la “réalité d’apartheid dans les territoires occupés” (thème devenu son cheval de bataille depuis son livre Le vent jaune paru en 1988).

3. J’invite mes lecteurs perspicaces à trouver le nom de cet écrivain, qui n’est pas mentionné par Amnon Lord, et à me soumettre leurs suggestions à pierre.lurcat@gmail.com

__________________________________________________________________________

Prochaine formation à l'examen d'agent immobilier à Jérusalem / Tel-Aviv

Formation à l’examen d’agent immobilier israélien

Session août-septembre 2018 – Tel Aviv 

La prochaine formation à l'examen d'agent immobilier aura lieu du 28 août au 5 septembre à Tel-Aviv, en vue de l’examen d’agent immobilier israélien qui se tiendra le 23 octobre 2018. Au terme de la formation et après avoir réussi l’examen, les élèves pourront obtenir la carte professionnelle permettant d’exercer la profession d’agent immobilier (metave’h) en Israël, dans une agence ou à leur compte. * Une formation est également prévue à Jérusalem, me contacter.

J’ai mis en place cette formation depuis 2006 en Israël, et j’ai préparé plusieurs centaines d’Olim francophones (avec un taux de réussite dépassant 75%) à l’examen organisé par le ministère israélien de la Justice, seul habilité à délivrer la carte professionnelle. Important : il n’est pas nécessaire d’être israélien pour travailler comme agent immobilier en Israël !

Niveau d'hébreu exigé

Cet examen est un examen théorique portant sur le droit israélien, qui a lieu 4 fois par an en Israël. Il s’agit d’un QCM (questionnaire à choix multiple), ce qui signifie qu’il n’est pas indispensable de savoir écrire en hébreu. Il n'est pas non plus nécessaire d'avoir un très bon niveau de lecture pour suivre le cours. Un niveau moyen est suffisant, à condition de fournir un travail personnel en plus des cours de préparation.

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à me contacter par email pierre.lurcat@gmail.com ou par téléphone au 050 286 5143 ou 06 80 83 26 44  (France).

 

Pierre Lurçat, avocat au barreau israélien, spécialiste de la formation aux examens de droit

See comments