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L’islam, la violence et le sacré : trois explications, Pierre Lurçat

April 24 2022, 07:51am

Posted by Pierre Lurçat

Emeutiers palestiniens en chaussures à l'intérieur de la mosquée Al-Aqsa

Emeutiers palestiniens en chaussures à l'intérieur de la mosquée Al-Aqsa

L’islam, la violence et le sacré : trois explications, Pierre Lurçat

 

L’observateur attentif de l’actualité, en France, en Israël ou ailleurs, n’aura pas manqué de constater que le mois du Ramadan, mois le plus sacré du calendrier musulman, est aussi celui qui est marqué chaque année par une vague de violences. Ce “secret” est évidemment bien gardé par la plupart des médias et des hommes politiques occidentaux, qui préfèrent s’afficher lors de repas de l’Iftar et faire des déclarations d’amitié et de “dialogue interreligieux”. Mais ce n’est pas sur la question de cette attitude – marquée par l’hypocrisie ou par la condescendance – que je voudrais m’interroger ici.

 

Une question plus essentielle encore est en effet de savoir comment s’explique ce lien entre violence et sacré. Est-il intrinsèque à l’islam et peut-il dans ce cas être modifié ? Les images d’émeutiers lançant des projectiles incendiaires depuis la mosquée Al-Aqsa sur le Mont du Temple, et même à l'intérieur de la mosquée, auraient dû soulever l’étonnement des médias français, si seulement ils les avaient diffusées. Comment comprendre que des musulmans puissent eux-mêmes profaner l’endroit qu’ils disent considérer comme sacré, au nom de leur opposition irréductible à l’Etat d’Israël?

 

La première réponse possible est qu’il ne s’agit pas de l’islam tout entier, mais d’une branche bien particulière de l’islam – à savoir, l’islam politique des Frères musulmans, dont sont issues les principaux mouvements islamistes (du Hamas à Al-Qaïda), comme je l’ai montré dans mon livre Le sabre et le Coran. De fait, la plupart des attentats terroristes à notre époque émanent de mouvements radicaux qui partagent tous une vision particulière de la religion musulmane, mobilisée au service d'objectifs politiques et dans laquelle le Djihad a été érigé en “sixième pilier”’ de l’islam. Quoique juste, cette réponse est loin d’épuiser le sujet.

 

Une autre réponse est donnée par Marie-Thérèse Urvoy dans un livre récent *. Le Coran lui-même, explique-t-elle, est marqué par une “ambiguïté initiale" et par une “tension interne entre visée spirituelle et ambition d’emprise sur le monde”. La vie même du Prophète permet de comprendre cette dualité. En effet, dans sa période mecquoise, celui-ci est persécuté et se considère comme victime, ce qui l’amène à prêcher la patience et le pardon des offenses. Plus tard, devenu un chef de guerre victorieux, il appelle au djihad contre les mécréants, proclamés ennemis de l’islam. L’orientation guerrière du texte coranique apparaît ainsi dans la fameuse Sourate 9, qui appelle au “combat dans le Sentier de Dieu”, expression promise à un brillant (et sanglant) avenir.

 

La troisième réponse tient à ce que René Girard appelle – dans son livre La violence et le sacré – le “désir mimétique”, qui engendre la violence dans les sociétés primitives. A de nombreux égards, l’islam n’a pas réussi à dépasser cette étape de l’histoire commune aux grandes religions, et reste jusqu’à ce jour empêtré dans une vision binaire du monde, où la violence demeure la clé d’appréhension et de résolution des conflits. Comment l’islam, auquel la notion même d'histoire est largement étrangère, pourra-t-il évoluer et faire son aggiornamento? La réponse appartient aux musulmans eux-mêmes. Quant à l’Occident, il devrait soutenir toutes les forces progressistes et réformistes authentiques au sein du monde musulman, au lieu de chercher des alliances contre nature avec les Frères musulmans et leurs épigones.

Pierre Lurçat

 

* Islam et islamisme, frères ennemis ou frères siamois? Editions Artège 2022. Ma recension détaillée du livre de M.-T. Urvoy paraîtra dans le prochain numéro de la revue Commentaire.

L’islam, la violence et le sacré : trois explications, Pierre Lurçat

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"Al Aqsa en danger" : aux origines d'un slogan mensonger, par Pierre Lurçat

April 18 2022, 12:42pm

Posted by Pierre Lurçat

N.B. J'ai abordé ce sujet ce matin au micro de Daniel Haïk sur Radio Qualita

C’est au début des années 1930 que la mosquée Al-Aqsa et Jérusalem deviennent des éléments centraux de l’opposition arabe au sionisme, et qu’apparaît un slogan mensonger qui a fait couler depuis des rivières de sang : « Al Aqsa est en danger ! »

Ce slogan a été entendu à de nombreuses reprises ces dernières semaines, tant dans la bouche des prédicateurs et chefs radicaux du Hamas et du mouvement islamiste arabo-palestinien, que dans celle des dirigeants du Fatah et de l’Autorité palestinienne, tous unis dans la même détestation d’Israël et du peuple juif. Mais son invention remonte à une époque déjà lointaine *, où se sont mis en place les principaux acteurs et paramètres de l’affrontement actuel.

J’ai décrit dans mon livre Le Sabre et le Coran ** l’implication des Frères musulmans égyptiens dans la question palestinienne, par l’intermédiaire du Mufti de Jérusalem, Hadj Amin Al-Husseini. Celui-ci a joué un rôle clé dans l’établissement d’une « alliance germano-islamique », qui n’était pas de pure circonstance : le père fondateur du mouvement national palestinien était en effet un nazi convaincu, qui a passé plusieurs années à Berlin pendant la Deuxième Guerre mondiale, diffusant des émissions de propagande à destination des pays musulmans et œuvrant avec acharnement pour convaincre le régime nazi d’inclure les Juifs de Palestine dans la « Solution finale ».

Al-Husseini, les Frères musulmans et le nazisme : une alliance oubliée

C’est Amin Al-Husseini qui a convaincu le mouvement des Frères musulmans égyptiens – matrice de l’islamisme contemporain – de faire de la guerre contre les Juifs et de la question de Jérusalem un élément central de leur propagande, à une époque où ils ne manifestaient aucun intérêt pour ce qui se passait dans la Palestine mandataire voisine. Certains écrivains et hommes politiques égyptiens avaient même exprimé leur sympathie pour le mouvement sioniste, à l’instar du célèbre penseur musulman Rashi Rida, rédacteur en chef du journal Al-Manar.

Al-Husseini avec un dignitaire nazi

Tout change en 1936, année des émeutes arabes fomentées par le Mufti de Jérusalem, qui marquent le début de l’implication des Frères musulmans dans la question palestinienne. Au début de l’été 1936, le Haut Comité arabe de Jérusalem, dirigé par Al-Husseini, envoie ainsi des émissaires en Egypte afin de mobiliser les autorités religieuses, gouvernementales et les médias en faveur de la cause arabe en Palestine. Pour sensibiliser l’opinion, ils prétendent que les Juifs ont voulu « profaner les Lieux Saints » de Jérusalem, soi-disant pour « reconstruire le Troisième Temple sur l’emplacement de la mosquée d’Omar ». Cette rumeur est propagée par les mosquées dans toute l’Egypte, les prédicateurs affirmant que c’est une obligation religieuse pour chaque musulman de s’engager dans le djihad en faveur de la Palestine.

Cet épisode fondateur, largement méconnu, a ainsi permis de poser les bases de l’affrontement idéologique, dont nous vivons aujourd’hui les derniers rebondissements. Le slogan « Al Aqsa en danger » n’a pas été inventé par le Hamas ou par Mahmoud Abbas, le faux modéré dirigeant de l’Autorité palestinienne, qui poursuit le même but que ses nouveaux alliés de Gaza, par des moyens parfois différents. Il remonte à 1936, année cruciale qui voit s’édifier l’alliance entre le fondateur du mouvement national palestinien et les Frères musulmans égyptien.

 

Hitler et le fondateur du mouvement national palestinien, Al-Husseini

Cette alliance est décisive dans l’histoire du mouvement palestinien, tant sur le plan idéologique que sur celui des organisations politiques. En effet, tant le Fatah que le Hamas – ces deux jumeaux que les médias présentent trop souvent comme des adversaires – sont largement issus des Frères musulmans. Le Hamas est la branche palestinienne du mouvement islamiste égyptien, et le dirigeant historique du Fatah, Yasser Arafat, a fait partie dans sa jeunesse des Frères musulmans.

On comprend mieux alors la suite des événements : l’accusation calomnieuse « Al Aqsa en danger », devenue un élément central de la propagande arabe à l’époque de l’alliance entre Hitler et le Mufti de Jérusalem, n’a jamais disparu. Elle réapparaît régulièrement, chaque fois que le conflit s’essouffle et qu’il est nécessaire d’ajouter un peu d’huile sur le feu. Les dirigeants palestiniens, de l’AP ou du Hamas, n’ont même plus besoin aujourd’hui de faire appel aux prédicateurs des mosquées pour diffuser ce slogan mensonger : ils sont aidés par les médias arabes et occidentaux, organes de propagande tout aussi efficaces que les appels des mosquées.

 Pierre Lurçat

* Bien avant que ne se pose la question de la prière juive sur le Mont du Temple, dont la propagande arabe relayée par certains Israéliens voudrait faire aujourd’hui le nœud du conflit…

** Paul Landau, Le Sabre et le Coran, Tariq Ramadan et les Frères musulmans à la conquête de l’Europe, éditions du Rocher 2005.

Calaméo - Le sabre et le Coran

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Aux sources de l’antisémitisme musulman : Les Juifs dans le Coran, de Meir Bar-Asher, par Pierre Lurçat

May 4 2021, 13:06pm

Posted by Pierre Lurçat

Aux sources de l’antisémitisme musulman : Les Juifs dans le Coran, de Meir Bar-Asher, par Pierre Lurçat

 

Voilà un livre qui arrive à point nommé. Alors que l’antisémitisme musulman fait des ravages en France et ailleurs, et qu’une nouvelle flambée de haine se déchaîne, la question mérite d’être posée : le Coran est-il antisémite? Cette question brûlante et souvent taboue (voir le procès intenté à l’historien Georges Bensoussan, “coupable” d’avoir laissé entendre qu’il existait un antisémitisme musulman ancestral), a fait l’objet de nombreuses polémiques, mais de peu d’études savantes récentes. Elle renvoie à d’autres questions, tout aussi cruciales. Quelle est l’attitude du Coran et de la tradition de l’islam envers les Juifs? Celle-ci est-elle univoque, ou bien a-t-elle plusieurs facettes?


 


 

C’est à ces questions que répond le livre du professeur Meir Bar-Asher, qui dirige le département de Langues et de Littérature arabes de l’université hébraïque de Jérusalem. L’auteur y aborde des questions diverses et variés, telles que l’histoire des relations avec les Juifs à l’époque de Muhammad, la représentation des juifs et la présence des récits bibliques dans le Coran, la comparaison entre loi juive et loi coranique, ou encore les sources coraniques de la dhimma - le statut des juifs dans l’islam (1). Il consacre aussi un chapitre à la place des Juifs dans l’islam chiite, dont l’actualité est tout aussi brûlante, alors que l’Iran vient de marquer le 40e anniversaire de la Révolution khomeiniste.

 

Les juifs sont très présents dans le Coran; qui les qualifie tantôt de Banu-Isra’il (Enfants d’Israël, expression calquée de l’hébreu), al-yahûd (juifs) ou encore ahl al-kitab (peuple du Livre). Cette dernière expression est ambivalente, explique Bar-Asher, car le “peuple du Livre est parfois qualifié dans la tradition musulmane “d’âne chargé de livres”, c’est-à-dire un peuple porteur d’un héritage dont il n’est pas digne. Cette qualification renvoie à l’accusation récurrente envers les juifs, selon laquelle ils auraient “falsifié” les textes sacrés dont ils étaient dépositaires.

 

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre l’appellation de “meilleure communauté”, par laquelle le Coran désigne les musulmans (Sourate 3-110). Si les musulmans sont devenus la “meilleure communauté”, c’est en effet parce que les juifs ont failli à leur mission et que Dieu les a donc punis. L’islam incarnerait alors le “Nouvel Israël”, dans une optique théologique qui rappelle celle de la polémique chrétienne antijuive et du “Verus Israël”.

 

 

L’auteur montre bien comment l’attitude envers les juifs est motivée par des considérations diverses, qui tiennent à la fois à la volonté de se démarquer et de s’affranchir des sources juives (concernant par exemple le calendrier et certains aspects du rite) et à des visées politiques, liées aux rapports conflictuels que le prophète a entretenus avec les juifs à Médine. Bar-Asher fait le lien entre les aspects historiques et l’actualité récente. Ainsi, le fameux hadith des pierres et des arbres est repris dans la Charte du Hamas et dans le discours islamiste contemporain (2).

 

Le Coran appelle-t-il au meurtre des Juifs?

 

Cette question a défrayé l’actualité il y a quelques mois, lors de la parution du Manifeste contre le nouvel antisémitisme, signé par 250 personnalités françaises demandant aux autorités musulmanes de déclarer obsolètes les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants. Ce manifeste a suscité de nombreuses réactions hostiles du monde arabo-musulman (3). Sur ce sujet crucial, l’auteur du livre s’est récemment exprimé dans les médias français, affirmant “on ne peut pas dire que le Coran dit de tuer les juifs”.

 

Les musulmans pensent-ils que le Coran leur enjoint de tuer les juifs?

 

Mais la question n’est pas tant, pour paraphraser un islamologue français, de savoir si le Coran dit de tuer les juifs, que de savoir si des musulmans pensent que le Coran leur enjoint de tuer les juifs… (4) A cet égard, il est erroné d’affirmer, comme le fait M. Bar Asher, que “le Nouveau Testament ne se prête pas moins à une lecture ‘antijuive’ que le Coran”. Car comme il le remarque lui-même, la doctrine de l’Eglise concernant les juifs a été révisée de fond en comble par le Concile Vatican II. Il reste donc pour l’islam à mener lui aussi son aggiornamento, pour remplacer, selon les termes de Jules Isaac, l’enseignement du mépris par un enseignement de l’estime...


 

En conclusion de son étude, M. Bar Asher dresse le constat d’un “flot constant de cours et de sermons qui cherchent à rendre actuelles les paroles par lesquelles le Coran critique les juifs et les délégitimise. D’autres voix tentent de se faire entendre au sein du monde musulman ; mais il faut bien constater qu’aujourd’hui elles sont loin d’être dominantes et rencontrent peu d’écho”. Ayant travaillé pour l’institut MEMRI, qui tente de faire écho à ces autres voix, je ne peux, hélas, que confirmer ce constat. Écrit dans un langage simple et accessible, cet ouvrage enrichira les connaissances et la réflexion de tous ceux qui s’interrogent sur le réveil de l’islam contemporain et sur ses conséquences dramatiques.

Pierre Lurçat

 

Meir Bar-Asher, Les juifs dans le Coran. Albin Michel 2019 (Cet article est initialement paru en 2019).

 

(1) Sujet sur lequel l’auteur reproche de manière quelque peu péremptoire et tout à fait déplacée à Bat Ye’or de reprendre dans son livre Le dhimmi le stéréotype du “combattant fanatique brandissant une épée dans une main et le Coran dans l’autre”. Je plaide "coupable" d'avoir moi aussi utilisé cette image parlante, et bien fondée au regard de l'histoire de la conquête musulmane, en intitulant un de mes livres Le Sabre et le Coran. Bat Ye'or a répondu dans ces colonnes aux accusations de M. Bar Asher.

(2) Voir à ce sujet “La Prophétie de la Pierre et de l’Arbre, un hadith antisémite largement utilisé”, http://memri.fr/2018/07/31/un-hadith-antisemite-la-prophetie-de-la-pierre-et-de-larbre-videos-et-rapports-de-memri/

(3) Voir notamment :

http://memri.fr/2018/08/28/le-manifeste-contre-le-nouvel-antisemitismeppelant-a-frapper-dobsolescence-des-versets-du-coran-pronant-la-violence-suscite-la-colere-des-instances-musulmans-et/

(4) La citation exacte d’Olivier Roy est “La question n'est pas : “Que dit vraiment le Coran ?”, mais : “Que disent les musulmans sur ce que dit le Coran ?”  A cet égard, on ne peut séparer le Coran de ses interprètes et des Hadith, lesquels sont parfois encore plus radicaux que le texte coranique lui-même, comme le hadith des arbres et des pierres, qui procède d’un antisémitisme radical et apocalyptique, comme je l’ai montré au sujet de la Charte du Hamas. http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/04/1987-2018-le-hamas-un-mouvement-islamiste-apocalyptique-par-pierre-lurcat.html

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L’introuvable profil psychologique ou psychiatrique des terroristes de l’islam, Pierre Lurçat

April 28 2021, 13:26pm

Posted by Pierre Lurçat

 

L’introuvable profil psychologique ou psychiatrique des terroristes de l’islam, Pierre Lurçat

 

La récente décision de la Cour de Cassation en France, tout comment la vague d’attaques anti-juives menées en Israël à l’occasion du Ramadan, remettent à l’ordre du jour le débat ancien sur le soi-disant “profil psychologique” des terroristes islamistes et la tentative récurrente de “psychiatriser” ces assassins, pour mieux effacer ou diluer leur responsabilité - et la nôtre… Je publie ici un extrait de mon livre Pour Allah jusqu’à la mort, Enquête sur les convertis à l’islam radical, dans lequel je résume l’état des recherches sur la question. P.L.

 

 

“Marc Sageman, psychiatre, sociologue et ancien agent de la CIA en Afghanistan, a côtoyé de près les djihadistes et a assisté à l’émergence du noyau d’activistes à l’origine de l’organisation Al-Qaida. Il est l’auteur d’une enquête approndie sur les acteurs du djihad, dans laquelle il démonte les différentes théories à la mode sur le profil psychologique et sociologique des terroristes [1].

 

Son travail est fondé sur un échantillon représentatif d’acteurs du djihad salafiste mondial, constitué de moudjahidine sur lesquels on dispose d’informations suffisamment détaillées, provenant de sources publiques telles que les actes et transcriptions de procès, documents officiels, articles de presse et autres sources disponibles sur Internet. Il a mené une enquête aussi rigoureuse que possible, en remettant en question la fiabilité des informations collectées – notamment celles émanant de journalistes ou d’autres sources qu’il estime n’être pas toujours crédibles. Ses conclusions vont à l’encontre de la plupart des théories en vogue sur le sujet depuis plusieurs décennies.

 

Sageman réfute tout d’abord l’idée largement répandue selon laquelle le terrorisme se nourrirait de « la misère et des inégalités » et constituerait « la seule arme dont disposent les démunis et les sans-pouvoir contre les Etats tout-puissants ». Cette idée reçue, trop souvent répétée dans les médias et dans des ouvrages spécialisés, ne s’applique pas du tout au djihad salafiste mondial, pas plus d’ailleurs qu’aux cas évoqués précédemment (Allemagne et Israël notamment). « Près des trois quarts des moudjahidine salafistes du djihad mondial sont issus des classes supérieure ou moyenne », constate Sageman. Quant à Ben Laden lui-même, il est l’héritier d’une fortune accumulée par son père, fondateur d’une entreprise de travaux publics prospère… Les convertis à l’islam radical dont nous avons retracé les itinéraires ne correspondent pas non plus à l’image d’Epinal du “desperado” issu d’un milieu défavorisé, puisque la plupart sont issus des classes moyennes, quelques-uns de familles ouvrières (en France notamment) tandis que d’autres proviennent de la bourgeoisie libérale (aux Etats-Unis et en Allemagne).

 

Sageman réfute ensuite l’idée du terroriste ignorant et peu éduqué, ce qui en ferait un “candidat idéal au lavage de cerveau”. Dans l’ensemble, constate-t-il, « les moudjahidine salafistes ont reçu une éducation nettement supérieure à celle de leurs parents”. Ce constat rejoint celui fait par de nombreux observateurs concernant les islamistes en général, dont beaucoup ont été formés dans les meilleures universités occidentales. L’historienne Bat Ye’or observe ainsi que les idéologies islamistes « se sont développées – non point dans un milieu obscurantiste et traditionnel – mais chez des intellectuels diplômés des universités américaines et européennes [2] ». Daniel Pipes donne des exemples concrets pour illustrer ce fait souvent méconnu : Hassan Tourabi, leader islamiste soudanais, est diplômé de l’université de Londres et de la Sorbonne. Abbassi Madani, leader du FIS algérien, possède un doctorat en éducation de l’université de Londres. Moussa Abou Marzouk, chef de la branche politique du Hamas, est diplômé de l’université de Louisiane. Quant à Fat’hi Shiqaqi, dirigeant du Jihad islamique palestinien, il déclara dans une interview être un lecteur assidu des grands classiques de la littérature occidentale, de Sophocle et Shakespeare à Dostoïevski, Tchekhov et Sartre [3]...

 

Oussama Ben Laden

 

Enfin, Sageman s’attaque aux explications psychologiques, qui voudraient que les terroristes souffrent de maladie mentale ou de troubles de la personnalité. Cette hypothèse repose sur la croyance répandue, qui fait de tout criminel un psychopathe. Mais elle n’est pas confirmée par les innombrables études qui ont tenté de définir une quelconque pathologie du terroriste. Jerrold Post, chercheur américain, fondateur du Centre de psychologie politique, est parvenu à la conclusion que les études sur la psychologie du terrorisme ne permettaient de déceler aucun caractère pathologique, et il cite plusieurs auteurs qui partagent ce constat. Pour Martha Crenshaw, « la caractéristique la plus remarquable des terroristes est leur normalité [4] ». 

 

Marc Sageman parvient à la même conclusion, après avoir étudié la personnalité d’un échantillon de dix moudjahidine d’Al-Qaida, dont Oussama ben Laden, Ayman Al-Zawahiri, Mohammed Atta ou Zacarias Moussaoui. Il réfute tour à tour les thèses les plus répandues sur la personnalité du terroriste : théories du « narcissisme pathologique », de la paranoïa ou de la « personnalité autoritaire ». Sa conclusion est que toutes les recherches menées depuis plus de trente ans ont conclu à l’inexistence d’un profil psychologique du terroriste. Le plus étonnant en l’occurrence est que des chercheurs continuent, malgré cela, à s’évertuer à trouver des preuves d’une pathologie du terroriste, envers et contre tout, comme si le constat presque unanime des recherches antérieures ne tirait pas à conséquence… Mais cela est un autre sujet.

 


[1] M. Sageman, Understanding Terror Networks, University of Pennsylvania Press, 2004, traduit en français sous le titre Le vrai visage des terroristes, Denoël, 2006.

[2] Bat Ye’or, Juifs et chrétiens sous l’islam, les dhimmis face au défi intégriste, Berg International, 1994, p. 202.

[3] Daniel Pipes, « The Western Mind of Radical Islam », First Things, décembre 1995, traduit en français dans L’islam radical, Cheminements 2008.

[4] Martha Crenshaw, « The causes of Terrorism », Comparative Politics 13 (1981), cité par Jerrold Post, « Terrorist Psycho-Logic », in Walter Reich (éd.), Origins of Terrorism, Cambridge University Press 1990.

Pour Allah jusqu’à la mort est paru en 2006 aux éditions du Rocher.

 

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Donald Trump, l’Amérique et l’identité d’Israël : une explication, Pierre Lurçat

November 24 2020, 07:58am

Posted by Pierre Lurçat

 

Je donnerai à ta descendance toutes ces provinces, et par ta descendance seront bénies toutes les nations du monde” (Genèse 26-4)

 

Comme l’expliquait avec émotion le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo lors de sa visite en Israël la semaine dernière, après s’être rendu sur le site d’Ir David - capitale du Roi David il y a trois mille ans - la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël “est une simple reconnaissance de la réalité. Il est insensé que les Etats-Unis ne l’aient jamais fait jusqu’à ce jour” (1). Ces quelques mots ne suffisent toutefois pas à décrire l’importance du changement radical apporté par l’administration Trump dans les relations entre les Etats-Unis et Israël. Celui-ci va bien au-delà de la politique et des relations internationales, telles que nous les comprenons généralement et touche à un aspect bien plus profond des rapports entre les peuples, qu’on peut définir comme celui de la reconnaissance de l’identité collective authentique d’Israël.

 

Si l’on veut apprécier à leur juste mesure les accomplissements réalisés par le président américain Donald Trump pendant les quatre années de son mandat, il faut en effet envisager ceux-ci non pas comme des événements qui s’inscrivent dans le “temps court” de la vie politique et de la relation médiatique de l’actualité. Car ils s’inscrivent en réalité dans le temps long de l’histoire, et plus précisément, dans le temps spécifique à l’histoire juive et à l’histoire d’Israël, c’est-à-dire dans le temps des Toledot, concept hébraïque qui désigne, selon l’enseignement de Manitou, l’histoire des engendrements et le développement de l’identité humaine, et pas seulement l’histoire événementielle (2). 



 

Signature des Accords Abraham à la Maison Blanche

 

Pour prendre toute la mesure de ce changement radical, il faut revenir sur une des conséquences les plus remarquables de la politique de l’administration Trump au Moyen-Orient : la signature des “Accords Abraham” et l’établissement de relations diplomatiques entre Israël et plusieurs pays du Golfe. Contrairement à tous les accords de paix qui les ont précédés, les Accords Abraham” reposent non pas sur la cession de territoires par Israël, mais sur la reconnaissance pleine et entière du peuple Juif et de son identité nationale (3). Il ne s’agit pas seulement de la reconnaissance politique d’un Etat, mais aussi de l’acceptation de l’identité profonde d’Israël, celle qu’on ne peut définir uniquement par les termes du droit international. Il s’agit en fait, pour la première fois dans l’histoire des relations entre Israël et le monde arabo-musulman, d’un accord fondé non seulement sur des intérêts communs, mais aussi sur la conviction qu’Israël représente une chance et une bénédiction pour les pays de la région.

 

Les accords Abraham reposent ainsi - comme leur nom l’indique - sur la reconnaissance explicite par plusieurs dirigeants des pays du Golfe d’une filiation commune et sur leur compréhension de la promesse faite à Abraham, qui apparaît à plusieurs reprises dans le récit biblique : “Par ta descendance seront bénies toutes les nations du monde”. Or, c’est là précisément que réside le “secret” permettant de comprendre toute la portée, véritablement révolutionnaire, de la nouvelle politique instaurée sous l’administration Trump. Pendant plusieurs décennies, Israël a en effet poursuivi - avec l’encouragement des Etats-Unis et de nombreux pays occidentaux, de la Ligue arabe et d’autres acteurs de la politique internationale - une paix illusoire, qui reposait entièrement sur le principe mensonger de “la paix contre les territoires” et sur la négation de sa propre identité. 



 

Le mensonge d’Oslo : nier l’identité d’Israël



 

Le mensonge d’Oslo était largement le fruit de la volonté de certains Israéliens, encouragés par l’Europe notamment, d’échapper à l’identité collective authentique d’Israël (4). Comme l’avait affirmé à l’époque l’écrivain David Grossmann, avec une  absolue franchise : “Ce qui est demandé aujourd’hui aux Juifs vivant en Israël, ce n’est pas seulement de renoncer à des territoires géographiques. Nous devons aussi réaliser un “redéploiement” – voire un retrait total – de régions totales de notre âme… Comme la “pureté des armes”… Comme être un “peuple spécial” ou un peuple élu (Am Segoula)” (5). Or les accords Abraham, toute comme la nouvelle direction insufflée par l’administration Trump à la politique américaine à l’endroit d’Israël, reposent au contraire sur la reconnaissance du peuple Juif en tant que “peuple spécial” (Am Segoula), c’est-à-dire en tant que peuple qui apporte la bénédiction à toutes les nations. 

 

On comprend dès lors l’extrême froideur avec laquelle l’Union européenne et la France d’Emmanuel Macron ont accueilli les Accords Abraham et l’obstination presque diabolique (“perseverare diabolicum…”) avec laquelle elles s’entêtent à soutenir la fiction palestinienne. Dans l’inconscient collectif européen, l’Etat juif demeure le Juif des Etats, c’est-à-dire le représentant du peuple honni et maudit, qui a fini par trouver un refuge sur un bout de terre qui ne lui appartient pas… Il n’est pas anodin que la France souhaite d’une part bénéficier des avancées réalisées par Israël en tant que “start-up nation”, mais refuse d’autre part de reconnaître l’identité d’Israël et ses droits à Jérusalem et en Judée-Samarie. Car dans le schéma traditionnel de la diplomatie française, Israël incarne encore et toujours la figure du Juif maudit mais utile, prêteur d’argent ou conseiller des Princes, mais rien de plus. (6)



 

Bénéficier de la “start-up nation” en niant l’identité d’Israël : E. Macron et B. Nétanyahou



 

Or c’est bien sur ce point fondamental, et rarement exprimé dans les relations internationales, que repose toute la nouveauté apportée par l’administration Trump, tellement décriée par les chancelleries et les médias de la vieille Europe. Donald Trump, digne représentant d’une Amérique qui n’a jamais oublié le récit biblique sur lequell elle est fondée, est le premier dirigeant à avoir donné à l’Etat juif son statut véritable de peuple spécial (Am Segoula), c’est-à-dire de peuple “par lequel sont bénies toutes les nations du monde”. A ce titre, Trump est déjà entré dans l’Histoire, comme un moderne Cyrus et comme un bienfaiteur d’Israël. Il est le premier dirigeant américain - et espérons-le, pas le dernier, dont  la politique envers Israël est guidée non par les éditoriaux du New York Times ou par les sondages, mais par la promesse plus actuelle que jamais, faite à Abraham à l’aube de l’histoire juive.

Pierre Lurçat

 

1. Voir le commentaire du Rav Manitou-Askénazi sur la parachat Toledot, Leçons sur la Torah, Albin Michel.

2. Propos rapportés par Odaya Krish-Hazony dans Makor Rishon, 20.11.2020.

3. Depuis les accords entre Israël et l’Egypte de 1978, et jusqu’aux accords d’Oslo de 1992, en passant par les accords avec la Jordanie. Tous ont instauré dans le meilleur des cas une paix froide, reposant sur le principe trompeur des “territoires contre la paix”. 

4. Je me permets de renvoyer sur ce sujet à mon livre Israël, le rêve inachevé, et à la présentation que j’en ai faite au micro de Richard Darmon, et dans un entretien avec le rav Uri Cherki.

5. Cité par Y. Hazony, L’État juif. Sionisme, post-sionisme et destins d’Israël, éditions de l’éclat 2007, page 113.

6. Sur le lien entre antisémitisme et diplomatie française, voir le livre classique de David Pryce-Jones, La diplomatie française et les Juifs.

 

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EN LIBRAIRIE - Jour de Sharav à Jérusalem

Longtemps épuisé, mon livre Jour de Sharav à Jérusalem est de nouveau disponible, en format Kindle et en format papier.

 

Le « sharav », c'est le vent du désert qui souffle parfois sur Jérusalem, ce qui donne son titre à l'une des nouvelles de cet agréable recueil. Né à Princeton aux États-Unis, l'auteur, qui a grandi en France, vit désormais à Jérusalem. Les textes, très courts mais finement ciselés, qu'il nous offre, se présentent comme autant d'hommages à la cité du roi David. (Jean-Pierre Allali, Crif.org)
 

Avec son livre si poétique, Pierre Itshak Lurçat nous offre toute une palette de couleurs d’émotions. Parfois, c’est la musique que l’on entend presque, tant sa présence revient comme une nostalgie lancinante de ses années de jeunesse, mais aussi comme la résonance de son intégration en Israël. (Julia Ser)
 

Lurçat n’est pas un portraitiste phraseur. C’est l’amour du peuple juif qui le porte et il est contagieux. La Ville Sainte qui le fascine abrite ses émotions et offre un écrin à ces histoires. « A Jérusalem, qu’on le veuille ou non, on est porté vers le haut » confie Lurçat. La photo en couverture du livre prend alors tout son sens. Ces destins qui traversent ces pages sont comme les cordes de cette harpe, tendus vers le ciel, qui vibrent en harmonie, traversés par un impératif d’élévation. (Katie Kriegel, Jerusalem Post)

Lisez ce livre, et relisez-le. Il mérite de prendre place à côté des meilleurs écrits de la littérature franco-isréalienne ou israélo-française… Le vibrato de ce livre tient aussi à cette structure particulière où chaque abacule vit sa vie pour mieux participer à la composition. Il est beau ce petit livre, entre Paris et Jérusalem, entre passé et présent, entre ici et là-bas. Comment ne pas y être sensible ? (Olivier Ypsilantis)

 

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Comment lit-on la Torah à Bahreïn : “Be-Reshit” ou les prémisses de la récolte de l’Éternel

September 6 2020, 12:10pm

Posted by Pierre Lurçat

 


 

“Bienvenue à Bahreïn!”, déclarait la semaine dernière avec ravissement un journaliste bahreïni, en hébreu, à une collègue de la chaîne israélienne Kan, médusée. “J’aime la langue hébraïque, la langue des Prophètes et du Roi David” poursuivait le jeune homme avec un grand sourire, dans un hébreu parfait, avant d’expliquer qu’il aimait Jérusalem,”capitale du Roi David” et qu’il appréciait tout particulièrement la chanteuse Ofra Haza. Mais le plus étonnant était la conclusion: “Mon mot préféré en hébreu est Bereshit, le premier mot de la Torah”.


 

 

Pour comprendre les raisons cachées de l’engouement que l’hébreu et Jérusalem suscitent chez ce jeune habitant de Bahreïn - et peut-être aussi le sens profond des événements que nous vivons actuellement - il faut s’arrêter sur la signification du mot Bereshit, premier mot de la Bible. La traduction la plus courante de Bereshit (בראשית) est “Au commencement”, mais elle n’épuise évidemment pas le sens du verset qui ouvre la Genèse. Comme l’explique Rashi, citant un verset du prophète Jérémie, “le monde a été créé pour Israël, que l’écriture appelle le commencement de Sa moisson” (ראשית תבואתו).

 

Ce verset fameux est commenté par le Rabbi Shnéour Zalman de Lady, un des grands maîtres du hassidisme, en expliquant que “Tout comme un homme qui sème pour récolter davantage, Dieu, désirant que s’accroisse la révélation de la divinité dans le monde, a semé Israël qui est sa récolte” (1). Ainsi, au cours de son exil interminable, le peuple Juif a pu - selon cette explication - diffuser la parole de Dieu parmi les nations, avec plus ou moins de succès… Mais à présent que l’exil prend fin et que le peuple Juif revient sur sa terre, quel sens nouveau donner au verset de Jérémie? Et quel rapport avec le jeune homme de Bahreïn et son amour pour l’hébreu et pour Israël? 

 

Cérémonie des Bikourim, Vallée de Jézréel, 1950

 

Un élément de réponse à cette question nous a été donné dans la parasha Ki Tavo, que nous avons lue ce shabbat, qui commence par ces mots : “Quand tu seras arrivé dans le pays que l’Eternel ton Dieu te donne en héritage… tu prendras des prémisses de tous les fruits”. (ראשית כל פרי האדמה). Comme l’explique le rav Ashkénazi- Manitou, l’offrande des prémisses est étroitement liée à l’entrée en Terre d’Israël. Ainsi, l’explication communément admise du “rôle d’Israël parmi les nations”, liant l’exil à la diffusion de la parole divine, est à présent renversée et la mitsva des Prémisses prend une signification nouvelle et pour ainsi dire contraire.

 

Car c’est seulement maintenant, une fois Israël revenu sur sa terre, qu’Israël devient véritablement “Reshit tévouato”, les “prémisses de la moisson divine”. Et c’est maintenant que “tous les peuples de la terre commencent à voir que le nom de l’Eternel est associé au tien”, c’est-à-dire au nom d’Israël, peuple de Dieu. Voilà ce qu’un jeune habitant arabe de Bahreïn - et des millions d’autres personnes à travers le monde - comprennent aujourd’hui, en lisant Bereshit et en voyant les prodiges que le peuple d’Israël, “prémisse de Sa moisson”, réalise sur sa Terre retrouvée…

Pierre Lurçat

 

(1) Cité par Josy Eisenberg et Adin Steinsaltz z.l. dans leur beau livre Le chandelier d’Or, Verdier 1988.

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Binyamin Nétanyahou, le Coronavirus et le Mont du Temple

March 15 2020, 09:47am

1. La conférence de presse donnée par le Premier ministre israélien Binyamin Nétayahou jeudi soir, et celles qui ont suivi, dans lesquelles il a annoncé une série de mesures contre le Coronavirus, sont un modèle de ce que Nétayahou sait le mieux faire. Ferme, décidé, combattif, résolu : il s’est montré sous son meilleur visage, celui d’un chef d’Etat qui sait à la fois prendre des décisions vitales, sans tergiverser, et qui s’adresse à son peuple “à hauteur des yeux” (selon l’expression hébraïque). Nétanyahou s’est exprimé non seulement en dirigeant responsable, mais en véritable père de la nation, trouvant des accents paternels pour parler aux citoyens d’Israël. C’est dans ces moments de crise et d’incertitude que Nétanyahou est à son mieux, et qu’il sait parfois trouver des accents churchilliens, comme je l’écrivais il y a un an à propos du dossier iranien (1) : 

"La constance avec laquelle Binyamin Nétanyahou dénonce le péril iranien, depuis des années, n’a en effet d’égal que celle avec laquelle Churchill dénonçait Hitler en 1940, à une époque où nul ne connaissait encore les horreurs de la Shoah. Les temps ont certes changé à bien des égards, mais le danger du totalitarisme demeure tout aussi actuel. Les illusions mortelles du pacifisme se sont dissipées depuis longtemps dans le fracas des attentats et des espoirs de paix trompeurs. Israël n’a pas besoin aujourd’hui de promesses fallacieuses à la Chamberlain, mais de dirigeants courageux et lucides : en un mot, d’un “Churchill d’Israël”. Je n’ai rien à ajouter à ces mots écrits en mars 2019, sinon pour dire que Nétanyahou a su adopter la même attitude aujourd’hui, face à une menace d’un type bien différent.

 

Le “Churchill” israélien?

 

2. Mais cette fermeté et cette résolution exemplaires, face à l’Iran ou au Coronavirus, qui devraient servir de modèle à bien des dirigeants actuels, (comme l’insipide Emmanuel Macron), contrastent avec l’attitude beaucoup moins courageuse de Nétanyahou sur un autre dossier, qui n’a rien à voir en apparence : celui du Mont du Temple. On se souvient des émeutes déclenchées en 1996 suite au percement d’un tunnel archéologique, dont les musulmans avaient prétendu qu’il “mettait en danger la mosquée”, selon la calomnie inventée par le mufti pro-nazi Al-Husseini dans les années 1930 (2). Depuis cette époque, c’est-à-dire depuis le début de son premier mandat de Premier ministre, Nétanyahou s’est montré sur ce dossier sensible d’une prudence excessive, et pour ainsi dire timoré, en donnant corps à l'épouvantail agité par certains dirigeants musulmans et par ceux du Shin-Beth,qui voudraient faire croire que le Har Habayit est un "baril de poudre".... 

 

Or,  cette attitude qu’il partage avec tous les dirigeants israéliéns à ce jour, est une double erreur, psychologique et politique. Psychologiquement, elle renforce les musulmans dans leur complexe de supériorité, en les confortant dans l’idée que l’islam est destiné à dominer les autres religions et que ces dernières ne peuvent exercer leur culte qu’avec l’autorisation et sous le contrôle des musulmans, c’est-à-dire en étant des “dhimmis”. Politiquement, elle confirme le sentiment paranoïaque de menace existentielle que l’islam croit déceler dans toute manifestation d’indépendance et de liberté de ces mêmes dhimmis à l’intérieur du monde musulman. 

 

Paradoxalement, la souveraineté juive à Jérusalem est perçue comme une menace pour l’islam précisément de par son caractère incomplet et partiel : les Juifs sont d’autant plus considérés comme des intrus sur le Mont du Temple, qu’ils n’y sont pas présents à demeure et qu’ils y viennent toujours sous bonne escorte, comme des envahisseurs potentiels. L’alternative à cette situation inextricable et mortifère consisterait, comme l’avait bien vu l’écrivain et poète Ouri Zvi Greenberg, à asseoir notre souveraineté entière et sans partage sur le Mont du Temple, car “celui qui contrôle le Mont contrôle le pays”.

 

Moshé Dayan sur le Mont du Temple, juin 1967

Moshé Dayan sur le Mont du Temple, juin 1967

 

3. Quel rapport entre ces deux sujets? Le Mont du Temple n’est pas seulement le lieu des sacrifices et le premier Lieu saint du judaïsme ; il incarne aussi le rôle prophétique d’Israël parmi les nations, comme l’ont bien compris des centaines de millions de chrétiens dans le monde, qui tournent leurs yeux vers Jérusalem, source de la bénédiction pour le monde entier. C’est précisément la raison pour laquelle le renouvellement des prières juives sur le Har Habayit, loin de déclencher de nouveaux affrontements et effusions de sang, pourra amener la vie et la bénédiction au monde entier, selon les paroles des Prophètes d’Israël.

 

Pierre Lurçat


 

(1) “Le Churchill d’Angleterre et le Churchill d’Israël”.

http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/01/le-churchill-d-angleterre-et-le-churchill-d-israel-par-pierre-lurcat.html

(2) “Al-Aqsa en danger, une invention de la propagande arabe”. https://www.causeur.fr/israel-jerusalem-alaqsa-terrorisme-145787

Sur le sujet de l’attitude à adopter sur le Mont du Temple, je renvoie à mon livre Israël, le rêve inachevé, Éditions de Paris/Max Chaleil 2018.

 

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Comment un livre prémonitoire avait décrit le phénomène des convertis à l’islam radical en 2008, par Evelyne Tschirhart

October 6 2019, 10:19am

Posted by Evelyne TSCHIRHART

 N.d.R. Ecrit à une époque où le phénomène des convertis à l’islam radical et au djihad était encore relativement marginal, ce livre décrit de manière prémonitoire l’explosion actuelle des conversions et du recours de l’Etat islamique et des autres mouvements islamistes aux djihadistes d’origine occidentale. Neuf ans après sa parution, Evelyne  Tschirhart a relu Pour Allah jusqu’à la mort, enquête sur les convertis à l’islam radical

 

Ce livre n’est pas récent, puisqu’il fut publié en 2008. Pourtant  il est d’une brûlante actualité. Il s’agit de la description et de l’analyse  minutieuse et fort bien documentée, du parcours de jeunes convertis qui finissent  par s’engager dans le djihad, dans tous les pays européens, aux Etats-Unis ou en Australie.

Ce livre est mené comme une enquête, ce qui le rend facile à lire et passionnant.

Qui sont ces jeunes ? Pourquoi se convertissent-ils ? Pourquoi vont-ils jusqu’à tuer et se sacrifier pour le djihad ?  Autant de questions brûlantes dont on cerne bien des éléments de réponse mais où il reste, cependant, une part d’inconnu.

Bien sûr, nos sociétés n’apportent plus grand-chose de spirituel pour nourrir cette quête du sens présente chez les jeunes. Sens qu’ils ne trouvent ni dans leur religion (quand ils en ont une), ni dans la famille, lorsque celle-ci se désagrège trop souvent, ni dans l’autorité parentale qui s’est largement émoussée avec  l’idéologie de permissivité et de droits de l’enfant, sans que les devoirs soient jamais évoqués. Quant à l’école, elle n’apprend plus rien et la transmission des connaissances : de la littérature, de la philo et de l’histoire a été remplacée par un saupoudrage sans chronologie, sans soubassement solide et surtout remplacée par un catéchisme des droits de l’homme.

Mais, comme le constate l’auteur à travers l’itinéraire des convertis à l’islam, cela ne suffit pas à expliquer pourquoi ces jeunes s’embarquent dans une religion – certes accueillante, mais qui les mène, généralement à un radicalisme  que rien ne laissait imaginer. (Il y a une série TV américaine : « Sleeper cell » qui montre bien comment des jeunes se convertissent puis se sacrifient en tuant le maximum de gens au cours d’un terrible attentat. Elle est passée en France il y a quelques années mais  n’a pas fait beaucoup de bruit et, lorsque je me trouvais aux USA en 2008, j’en avais parlé à de jeunes Américains qui disaient que c’était exagéré et surtout anti-islam) !

Adam Gadahn, le converti américain d’Al-Qaïda

Pour enrôler des jeunes en mal de sens, ou d’aventures ou parce qu’ils sont influencés par des camarades,  il faut qu’ils trouvent devant eux une idéologie forte et convaincante : celle de l’islam ou de l’islamisme. (Personnellement je ne vois pas la différence car l’islamisme n’est-il pas la partie émergée de l’islam ? Je ne veux pas dire par là que tous les musulmans sont des terroristes, bien sûr, mais il est évident qu’ils ont beaucoup de mal à s’opposer à l’islamisme.)

À l’époque de ma jeunesse, comme à celle de nos parents, il y avait  la possibilité de croire en un monde meilleur grâce au communisme. On a vu les résultats et on a vite déchanté des lendemains qui chantent. Et puis, après la guerre, peu étaient prêts à prendre les armes.

Une question se pose : quand on voit, comme l’expose l’auteur de façon  très claire que depuis plusieurs décennies, l’islam se répand dans nos banlieues  et dans l’Europe entière, on est effrayé de constater que rien n’est fait pour freiner une islamisation de plus en plus visible, parce qu’elle se veut visible. Paul Landau le souligne : s’il n’y avait pas des salafistes embusqués un peu partout, des mosquées politiquement actives, il n’y aurait pas autant de convertis et de postulants au djihad.

Il est donc urgent de prendre des  mesures drastiques et j’ajoute qu’un tel livre permet à ceux qui sont encore ignorants de réfléchir aux conséquences prévisibles de ces conversions qui se multiplient. Or cela ne semble pas vraiment interroger ceux qui nous gouvernent. Mais doit-on s’étonner ?

John Walker Lindh, le “taliban américain”

J’ai été particulièrement intéressée par le passage sur les convertis allemands. Il se trouve que j’étais à Berlin en juin dernier, chez des amis et j'ai été frappée par l’engouement de certains pour des réfugiés Syriens mais aussi Ouighours dont ils s’occupent ; il semble qu’ils soient les nouveaux damnés de la terre pour ces intellectuels en mal de cause à servir. Ils étaient évidemment tout à fait d’accord avec la politique « suicidaire » d’Angela Merkel.  La culpabilité allemande (des parents) doit-elle conduire à un tel aveuglement, une telle haine de soi ? Au train où vont les choses, les conversions vont exploser.

Or en 2007 déjà, en Allemagne, des attentats de grande envergure se préparaient contre une caserne américaine par des convertis allemands de souche. Les terroristes furent arrêtés avant  la mise à exécution de leur projet mais la population allemande commença dès lors à prendre conscience du danger terroriste sur son propre territoire. Et Paul Landau de s’interroger : « comment expliquer que  des jeunes Allemands, Français, Américains décident de se convertir précisément au moment où l’image de l’islam n’a jamais été aussi mauvaise, et où il devient beaucoup moins confortable d’être musulman en Occident ? » C’est une question à laquelle l’auteur tente d’apporter des éléments d’élucidation dans la seconde partie  de l’ouvrage.

Muriel Degauque, la première femme kamikaze occidentale convertie à l’islam

Le passage où il est question des femmes d’origine musulmane qui s’engagent dans le djihad est aussi bien vu. Il s’explique certainement en grande partie par  le statut d'infériorité dans laquelle les femmes sont maintenues dans les pays arabo-musulmans, mais aussi et de plus en plus, dans les banlieues des villes européennes. On comprend que ce soit  un moyen pour elles de « s’émanciper » et de trouver, même au prix de la mort, cette égalité qui leur est refusée. C’est cher payé !

L’auteur balaie l’idée reçue  que les djihadistes seraient des désespérés,  des incultes, des dérangés mentaux, comme on tend à le faire croire encore aujourd’hui dans certains médias qui s’efforcent de trouver des circonstances atténuantes à ces criminels. Cela a été parfaitement démontré lorsqu’on a eu connaissance du pedigree de ceux qui ont commis les attentats du 11 septembre ou celui de Casablanca, sans parler de ceux qui se sont déroulés récemment en Europe.

L’analyse du désir de reconquête  d’une Andalousie mythique est aussi très instructive. J’ignorais, par exemple, que le nombre de convertis était aussi important en Espagne qui fut islamisée pendant huit siècles. Il s’agit là, comme le dit l’auteur, d’un enjeu symbolique. On apprend que « le thème du retour de l’islam en Espagne est omniprésent dans le discours islamique contemporain, et les convertis y occupent une place importante ». Selon Paul Landau, « l’Arabie saoudite, n’a pas ménagé ses efforts pour exercer une influence et promouvoir le retour de l’islam en terre hispanique. » Une communauté musulmane a été formée à Cordoue, à Grenade qui comptent un nombre croissant de convertis. On peut donc penser que cette « reconquête » est en marche.

Dans un chapitre très important : « les convertis, maillon essentiel de la stratégie islamique», Paul Landau analyse avec acuité l’importance de la conversion pour le projet totalitaire islamique. Si durant les conquêtes musulmanes, dès  la période de la Mecque, les mécréants étaient convertis de force, ils pouvaient garder la vie s’ils payaient l’impôt ; s’ils refusaient et la conversion et l’impôt, ils étaient tués.

Enfin, dans le chapitre : « la double conversion des convertis à l’islam radical », Paul Landau explique que si tous les convertis ne deviennent pas djihadistes, beaucoup passent à l’étape suivante parce qu’ils trouvent sur leur chemin, par des rencontres ou dans certaines mosquées, des gens qui leur font franchir l’étape suivante, à savoir l’adhésion au projet politique de l’islam conquérant.

J’ai lu pas mal de livres sur l’islam, le monde arabo-musulman : Bat Ye’or, Alexandre del Valle, Anne-Marie Delcambre etc, et je pense que le livre de Paul Landau a le mérite rare de nous donner une vision claire du phénomène djihadiste chez les convertis. C’est un livre bien construit, très pédagogique qui nous offre une vision claire, documentée, analysée, mais sans  conclusions définitives, même si on suit aisément la pensée de l’auteur. Ce livre est d’autant plus important qu’il s’intéresse à un phénomène qui n’est pas en passe de s’arrêter. On est effrayé de constater que le monde occidental est attaqué par une pieuvre tentaculaire qui avance lentement mais sûrement. Ce qui est angoissant c’est que, malgré le travail considérable des Services de renseignement, notamment en France, nos hommes politiques continuent à mettre la tête dans le sable.

Le Figaro du 22/02/2017, titrait : « La politique de dé-radicalisation est un échec». Selon deux sénatrices, Esther Benbassa et  Catherine Trohendlé, sur le « de-endoctrinement, le de-embrigadement et réinsertion des djihadistes en France et en Europe, » témoigne de l’échec des politiques publiques nationales menées depuis trois ans maintenant. Des échecs dus au choix  et à la mise en œuvre des programmes, mais aussi au fait que passé un certain stade de la radicalisation islamiste, le chemin de retour est impossible. »

Ce constat n’a rien de surprenant. Nous sommes toujours dans la perspective absurde de la rééducation. On ne peut que conseiller à tous les adeptes de la « désintoxication » pour les salles de shoot, de la dé-conversion, pour les convertis à l’islam de lire le livre de Paul Landau, d’une brûlante actualité, et de réfléchir, tant qu’il est encore temps – mais il est peut-être déjà trop tard, à mettre un coup d’arrêt à cette islamisation, si l’on ne veut pas devoir se convertir de force.

E.T.

 

Paul Landau, Pour Allah jusqu’à la mort, enquête sur les convertis  à l’islam radical. Ed. du Rocher 2008.

 

 

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Israël - Gaza : accepter la “pax islamica” du Hamas? par Pierre Lurçat

May 7 2019, 09:17am

Posted by Pierre Lurçat

Israël - Gaza :  accepter la “pax islamica” du Hamas? par Pierre Lurçat

 

La question la plus préoccupante que soulèvent les événements des dernières semaines (1) à la frontière de Gaza - au-delà même des capacités offensives grandissantes du Hamas, qui se sont manifestées lors du dernier round d’affrontements, trop vite avorté - est celle de savoir si le gouvernement de Binyamin Nétanyahou n’est pas tombé dans le piège du Hamas, consistant à vouloir monnayer une paix illusoire en “achetant” la tranquillité, selon le modèle de la “pax islamica” et du statut de la dhimma.

 

1 - Cessez-le-feu ou guerre unilatérale ?

 

Selon ce modèle, Israël aurait “payé” un cessez-le-feu temporaire, en renonçant une fois de plus à mener l’opération militaire qu’il ne cesse de repousser depuis des mois, et en laissant de nouveau entrer à Gaza des matières premières et l’argent du Qatar, dans ce qui ressemble de plus en plus à une forme de chantage, conforme à la conception musulmane des relations avec les dhimmis, c’est-à-dire avec les protégés de l’islam.

Incendies à la frontière de Gaza

Une guerre unilatérale

 

Ce que les médias, en Israël et ailleurs, qualifient hâtivement de cessez-le-feu est en réalité une situation de guerre intolérable, dans laquelle le Hamas attaque les villes et les civils israéliens et incendie les champs avoisinants de la frontière de manière incessante depuis des mois. C’est une guerre unilatérale, dans laquelle l’ennemi nous attaque sans cesse, tandis que nous faisons semblant que tout va bien et que la vie continue normalement (“business as usual”).

 

Les habitants du sud d’Israël ont eu raison de protester, depuis plusieurs semaines, contre cette situation inacceptable, et aussi contre le comble de l’absurde : à savoir l’approvisionnement quasiment ininterrompu (à de rares exceptions) de Gaza en électricité, en carburant et en autres denrées de première nécessité, alors même que les attaques incendiaires et autres se poursuivent contre Israël.

Quelle solution pour rétablir le calme entre Israël et Gaza?  Pierre Lurçat

2 - Approvisionner Gaza ou acheter un semblant de tranquillité?

 

Cette situation absurde est une insulte au bon sens que rien ne saurait justifier. Aucun impératif, moral ou juridique, ne nous oblige en effet à approvisionner nos ennemis, pendant qu’ils nous attaquent. Il y a là une perversion de la morale, en vertu de laquelle Israël laisse le Hamas bombarder et incendier les localités avoisinantes de Gaza, tout en veillant au bien-être des habitants de Gaza.

 

J’ai décrit, dans mon livre La trahison des clercs d’Israël, les racines intellectuelles de cette morale dévoyée, qui veut que nous appliquions des normes supérieures à celles de toutes les nations civilisées, à l’endroit d’ennemis qui, eux, ne respectent aucune des normes les plus élémentaires, y compris envers leurs propres citoyens. Il est grand temps de repenser entièrement les normes éthiques de Tsahal, pour lui insuffler une morale juive authentique.

 

3 - Kippat Barzel ou Kir Habarzel ?

 

Le système de défense antimissiles “Kippat Barzel” développé par Tsahal depuis quelques années représente certes une prouesse technologique.  Mais il représente aussi une défaite, sur le plan militaire et psychologique. Comme l’a reconnu cette semaine une journaliste de Galei Tsahal, la radio de l’armée, ce système a en effet, en fin de compte - au-delà de sa réussite partielle pour intercepter les roquettes tirées depuis Gaza - la conséquence néfaste de nous empêcher de riposter, et de porter ainsi atteinte à notre capacité de dissuasion. Intercepter des roquettes avant leur point de chute est certes appréciable, mais une dissuasion véritable exigerait de mettre l’ennemi hors d’état de les lancer.

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A cet égard, Kippat Barzel ressemble à un immense parapluie troué, qui constitue une arme défensive très insuffisante et comporte des effets pervers, en nous dispensant d’une contre-attaque indispensable, comme l’a montré l’amère expérience des dernières années. Kippat Barzel est en réalité la négation du Kir Habarzel - la muraille d’acier - concept développé par Jabotinsky dans son fameux article de 1923, qui est au fondement de la doctrine stratégique de Tsahal. Ce dernier signifie en effet qu’il faut dissuader l’ennemi de nous attaquer, et pas seulement se défendre contre ses attaques incessantes.

 

Selon cette conception,  la paix et la sécurité ne viendront pas en élaborant des systèmes de défense de plus en plus perfectionnés pour intercepter les missiles du Hamas, du Hezbollah et de l’Iran, en faisant comme si Israël était un territoire neutre, placé sous la protection d’un immense parapluie de verre. Elles ne viendront qu’en ripostant avec toute la force nécessaire et en attaquant les ennemis qui nous menacent, portant la guerre sur leur territoire - comme l’a fait Tsahal lors des guerres victorieuses de 1956, 1967 et 1973, jusqu’à ce qu’ils demandent grâce et renoncent à leurs intentions belliqueuses.

Pierre Lurçat.

(1) article publié initialement en novembre 2018.

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A propos des juifs dans le Coran : Réponse à Meir Bar Asher, par Bat Ye’or

April 12 2019, 14:07pm

Posted by Bat Ye'or

 

Le texte qu’on lira ci-dessous m’a été adressé par Bat Ye’or, suite à ma recension du livre de Meir Bar Asher, Les juifs dans le Coran. Malgré son sujet pointu, il ne s’agit pas d’une querelle d’érudits. En réalité, Bat Ye’or répond ici à une accusation d’islamophobie qui est devenue un enjeu intellectuel et politique de premier plan dans l’Europe et le monde actuels. Ce faisant, elle donne aussi un aperçu passionnant de sa conception de l’histoire et de la “vérité historique”, et de l’actualité de ses travaux sur la dhimmitude. On mesure en la lisant ce qui sépare une intellectuelle libre et engagée, ayant introduit dans le lexique politique contemporain des concepts nouveaux et indispensables à la compréhension de notre monde (dhimmi, Eurabia) et un universitaire enfermé dans sa tour d’ivoire, qui doit nécessairement se soucier de ce qu’on peut et qu’on ne peut pas dire, dans le monde bien étriqué de l’université actuelle.

P. Lurçat

 

Bat Ye’or - (Photo P.Lurçat)

Il est stupéfiant de trouver parfois chez des érudits distingués des généralités dépourvues de sens. Il en est ainsi du livre de Meir M. Bar Asher, Les juifs dans le Coran, par ailleurs fort instructif.  Reprenant une citation de Bernard Lewis, éclairé selon ses thuriféraires, d’une infaillibilité de jugement plus avérée que celle du pape, l’auteur utilise l’image d’un guerrier musulman le sabre dans une main, le Coran dans l’autre, pour dénoncer avant l’heure, les islamophobes. D’un trait de plume, Bar Asher me situe dans cette catégorie. Tout d’abord cette image d’un guerrier musulman qui serait l’emblème du jugement primaire des islamophobes n’est pas de conception antimusulmane. Bien au contraire. Elle provient de cette littérature jihadiste du moyen-âge visant à stimuler les musulmans à s’enrôler dans la guerre sainte contre les mécréants. L’attribuer à une quelconque « islamophobie » juive ou chrétienne qui viendrait salir indûment la belle tapisserie de la tolérance islamique, est pire qu’une négligence, elle est incorrecte.

 

 

Le Sabre et le Coran : logo des Frères musulmans

 

Le deuxième point concerne le concept de vérité dont parle Lewis dans la citation concernée. Il n’y a pas de vérité dans la recherche historique. Il y a les faits et les conjectures susceptibles d’être toujours corrigées. Sur quels arguments se fondent Bar Asher pour décrédibiliser mon travail ? Sur lequel de mes livre ? sur l’interprétation de quels hadiths, de quelle loi, de quel événement historique dont je serais coupable ? La note qu’il m’attribue se réfère à mon livre Le Dhimmi, publié en 1980, mais la référence dans la Bibliographie cite l’édition de 2017. Or les deux ne sont pas pareilles. Laquelle Bar Asher a-t-il lue ?

Mais voyons cela de plus près. N’a-t-il pas lu que j’écrivais en 1980 que le statut des dhimmis avait évolué « selon les situations et les périodes », phrase appelée à un grand avenir car elle est toujours répétée et qu’il écrit aussi ? Tous deux nous attribuons, mais à plus de trente ans de différence, le statut du dhimmi à la littérature juridique post-coranique (BY p.18-19), nous mentionnons l’érudition des juifs d’Arabie de la période de Mahomet constatée par leurs contemporains arabes, l’absence de documents prouvant leur culpabilité dans divers événements les concernant, les sources chrétiennes de certaines lois de la dhimma, auxquelles je consacre tout un chapitre dans mon livre Juifs et Chrétiens sous l’Islam (1994). Les événements se rapportant à la vie de Mahomet, à ses combats contre les tribus païennes et contre les juifs, sont tirés des mêmes sources et ne diffèrent en rien. Donc sur ce plan je ne suis pas parmi les haineux, à moins d’y classer aussi Bar Asher.

Mon chapitre III (Ier partie) sur la protection étrangère n’exprime rien de particulièrement choquant puisque le Professeur Goitein m’en avait félicité, je l’avais d’ailleurs largement développé dans le Dhimmi anglais pour lequel il voulait faire une recension. De plus il n’y a aucune contradiction entre ce que j’écris sur ce sujet en 1980 et ce que Lewis publie lui-même en 1984, un livre très admiré par Bar Asher.    

Dans mon chapitre V nous abordons le même domaine de recherche déjà abondamment commenté par des islamologues chevronnés. Nous affirmons que la dhimma fut une élaboration post-coranique exigée par l’administration d’un immense empire créé par des guerres de conquêtes rassemblant une multitude de peuples indigènes non-musulmans et non-arabes. J’écris aussi que le sort des juifs d’Arabie devint le prototype du statut légal des peuples non-musulmans des empires islamiques comme l’attestent, souvent en préambule, de très nombreux textes juridiques musulmans. Et là aussi nous exprimons les mêmes opinions évidentes. Le contenu de ce chapitre se référant aux sources coraniques de la dhimma, à ses emprunts aux coutumes juridiques des peuples asservis, à sa datation et sa systématisation ne diffèrent en rien de ce que j’ai écrit en 1980 et beaucoup plus détaillé en 1994.

Le dhimmi, édition de 1980

 

Bar Asher me reproche de n’avoir pas étudié chaque lieu et chaque époque. Peut-être n’a-t-il pas lu mon introduction où je décris ma démarche : « Il appartient aux historiens de déterminer les variations de cette condition (dhimmie) selon les époques et les régions. Pour notre part, nous avons seulement indiqué ses différentes facettes : politiques, religieuses, sociales. Au cours de ce travail, le caractère typologique de la condition dhimmi, tant dans sa structure légale que dans son contexte humain, nous a paru dépasser le cadre de l’histoire…(p. 11) »  Autrement dit Bar Asher me reproche de négliger un sujet dont j’annonce en préambule qu’il n’est pas le mien. Il n’est pas le premier à le faire. Il m’accuse aussi d’adopter un stéréotype n’envisageant que la mort ou la conversion pour le non-musulman, l’image du guerrier tenant le sabre et le Coran. Mais tous mes livres examinent le troisième choix donné aux vaincus non-païens du jihad, celui de la dhimmitude. Il y a là une contradiction logique aberrante. C’est même le titre de mon livre : Le Dhimmi, celui qui a choisi une autre voie que la mort ou la conversion.

 

Par ailleurs et dès le début, j’annonce que je n’étudie pas la condition juive exclusivement et je précise : « En effet, l’étude d’une seule minorité, qui serait extraite arbitrairement d’un ensemble, pourrait en déformer le panorama, et cela particulièrement dans l’empire arabo-islamique, constitué d’une mosaïque d’ethnies diverses. » (p.13). J’ai toujours écrit sur le dhimmi – d’où le titre de mon livre – et sur la dhimmitude, c’est-à-dire une condition juridique commune aux juifs et aux chrétiens et un destin collectif juif et chrétien. Cela m’a valu nombres d’anathèmes. Les livres de Bernard Lewis et de Bar Asher sur les juifs ou de Mark Cohen ne traitent pas du même sujet que moi. Nous n’avons pas non plus les mêmes définitions. Ils parlent de groupes religieux minoritaires, j’examine des ethnies majoritaires devenues dans leur propre pays minoritaires par le processus de la dhimmitude et l’application de la charia. Mes contempteurs ne comprennent même pas mon domaine d’études puisqu’ils le récusent tout simplement et démolissent mes ouvrages par une critique inappropriée car nous ne parlons pas des mêmes choses. Ils refusent comme la peste le mot dhimmitude dont ils nient la matière historique alors qu’elle constitue l’essentiel de ma recherche. Elle est précisément cette troisième voie qu’ils appellent tolérance choisie par les vaincus du jihad, pour échapper à la mort, l’esclavage ou l’islamisation.

 

C’est pourquoi Bar Asher déclare que la dhimma a été abolie et n’existe plus, alors que je dirai que la mondialisation du jihad génère les effets de la dhimmitude sur la planète. Car le jihad s’active pour imposer la dhimmitude. La dhimma dont parle Bar Asher sont des recueils de lois inscrites dans des livres. On peut s’arrêter à cette lecture. La dhimmitude c’est un système politico-social de survie induit par ces lois. Aussi, poussant plus loin la réflexion, on constate que ces lois supposées annulées génèrent aujourd’hui la politique de réislamisation nationale d’Erdogan, ses relations avec le résidu chrétien arménien ou grec (statut des propriétés des patriarcats, culte, liberté d’opinion), sa volonté de reconquête des Balkans, son déni des droits d’Israël, ex-province ottomane où la présence juive, surtout à Jérusalem, fut soumise à des restrictions extrêmement sévères. Les effets de la dhimma sont évidents même en Egypte malgré l’esprit d’ouverture et de progrès du général Sissi.  

En Europe la loi du blasphème contre les mécréants impose aux Etats occidentaux des mesures draconiennes et une auto-censure généralisée de leurs populations.  L’obligation pour les juifs de subir le joug de la dhimmitude est à l’origine du déni de son histoire et de la campagne de diffamation planétaire visant à supprimer la souveraineté de l’Etat hébreu et à effacer les noms originaux de ses territoires. Les discriminations religieuses et professionnelles qui frappent les chrétiens dans le monde musulman visent, par les destructions et la terreur, à leur imposer les lois de la dhimmitude qu’ils enfreignent. Les terribles épreuves infligées à Assia Bibi, à sa famille et à sa communauté résultent de ces lois, du préjugé d’impureté qui lui est attribué et du refus d’accepter son témoignage parce que chrétienne. Je reconnais volontiers que depuis longtemps des forces de changement œuvrent dans le monde musulman afin qu’émergent une société islamique moderne, libérée des entraves de la charia. Nous ne pourrons les aider qu’en dénonçant ces formes de dhimmitude modernes présentes dans la mondialisation.

Bat Ye’or

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