Le Dr Haggi Ben Artsi, frère de Sarah Nétanyahou, bien connu pour son opposition virulente aux compromis avec les terroristes, m'avait accordé cette interview il y a quelques années pour Israël Magazine, dans laquelle il évoque son célèbre beau-frère, mais aussi des sujets brûlants comme le terrorisme et la manière de le vaincre, et l’héroïsme des Makkabim.
J'ai rencontré pour la première fois le Dr Haggi Ben Artsi lors de la veillée de Hochana Rabba(dernier jour de Souccot) organisée par l'association Almagor, qui défend les familles des victimes du terrorisme et s'oppose à la libération de terroristes *. J'avais souvent entendu parler de lui, comme d'un éducateur hors-pair et comme d'un militant. Mais aux yeux du grand public, Ben Artsi est surtout connu comme étant le beau-frère du Premier Ministre : il est en effet le frère de Sarah Nétanyahou. Haggi Ben Artsi a accepté, en exclusivité pour Israël Magazine, de dire tout ce qu'il pense, au sujet des négociations en vue de libérer Gilad Shalit, de l'attidude de l'Europe envers Israël et, bien entendu, de son célèbre beau-frère.
Le Dr Ben Artsi enseigne la Bible et l'histoire juive à l'université Bar Ilan. Nous nous rencontrons au collège d'enseignement supérieur Lifchitz à Jérusalem, où il donne des cours aux élèves enseignants. Il m'accueille avec quelques mots de français, souvenir de ses études au lycée, juste avant la guerre des Six Jours, qui ont pris fin brutalement après le fameux discours du général De Gaulle sur le "peuple sûr de lui et dominateur", lorsque le professeur de français de Ben Artsi a déclaré qu'il interrompait ses cours, en signe de protestation. Cette anecdote donne le ton de notre entretien : Ben Artsi est un homme érudit qui ne mâche pas ses mots et qui ne manque pas d'humour. Il est né en 1950 et a grandi à Tivon, près de Haïfa. Il a étudié à la yechiva et a combattu lors de la guerre de Kippour.
Ben Artsi n'aime pas trop parler de lui, ni de sa famille, préférant entrer dans le vif du sujet : l'affaire Gilad Shalit et son action pour empêcher la libération de centaines de terroristes, qui risque de causer des dizaines d'attentats et des centaines de victimes... Il se sent investi d'une mission personnelle à ce sujet, comme il l'a expliqué le soir d'Hochana Rabba, lors de la veillée d'Almagor qui se tenait en face de la résidence du Premier Ministre. Ben Artsi a interpellé à de nombreuses reprises Bibi sur ce sujet, allant jusqu'à organiser tout seul une contre-manifestation devant son bureau à Jérusalem ! Je lui demande pourquoi ce sujet lui tient tellement à cœur, et en quoi il considère que Bibi a trahi ses convictions politiques à cet égard.
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"Bibi est l'homme politique israélien qui s'est opposé le plus fermement à la libération de terroristes, lors du premier 'échange' – la fameuse transaction Jibril – en 1986", rappelle Ben Artsi. Jusqu'à cette date, Israël avait toujours refusé avec détermination de remettre en liberté des terroristes, préférant lancer des opérations audacieuses pour tenter de libérer les otages, comme celle d'Entebbé – au cours de laquelle fut tué Yoni Nétanyahou, le frère de Bibi. Quand le gouvernement d'union nationale Shamir-Pérès accepta pour la première fois de libérer des centaines de terroristes, en 1986, Nétanyahou était ambassadeur d'Israël aux Nations unies. Il prit alors publiquement position contre son gouvernement, fait exceptionnel pour un ambassadeur. La 'transaction Jibril' fut la cause principale du déclenchement de la première Intifada.
L'héritage de Yoni Nétanyahou
Par la suite, Nétanyahou s'exprima très souvent sur ce sujet et publia même un livre sur la manière de lutter contre le terrorisme [traduit en français sous le titre Combattre le terrorisme]. Quand Bibi a-t-il changé d'avis sur ce sujet ? Lorsqu'il est devenu Premier Ministre pour la première fois, en 1996, Israël a tenté de liquider le chef du Hamas, Khaled Mashal, en Jordanie. Les agents du Mossad ont été capturés, et Amman a exigé pour les relâcher la libération du cheikh Yassine. Bibi a accepté, en affirmant que Yassine était déjà vieux et qu'il ne poursuivrait pas ses activités terroristes... Cette évaluation s'est malheureusement avérée entièrement infondée.
Haggi Ben Artsi interpelle souvent Nétanyahou, publiquement ou lors de leurs conversations privées, en lui rappelant son engagement passé. "Je lui dis, sois fidèle à l'héritage de Yoni, qui est tombé [à Entebbé] pour ne pas accepter le chantage des terroristes... Et si tu n'es pas capable d'assumer cet héritage, alors démissionne !" Ben Artsi avait dit la même chose à Ariel Sharon, avant le retrait de Gaza. Je lui demande comment les Juifs francophones, très sensibles à la cause de Gilad Shalit, peuvent se mobiliser sans tomber dans le piège du Hamas. "Il y a beaucoup de choses à faire, mais il ne faut pas capituler aux exigences de nos ennemis", martèle Ben Artsi. A ses yeux, toute la campagne pour libérer Shalit en échange de centaines de terroristes est une arme psychologique pour affaiblir Israël.
"L'Allemagne et la France nous combattent aujourd'hui de manière très intelligente, en faisant croire qu'elles sont nos amies... Mais l'Europe n'a pas changé depuis l'époque de la Shoah, comme le dit Bentsion Nétanyahou, le père de Bibi *. La meilleure manière pour nos ennemis d'affaiblir Israël est de faire en sorte que nous cédions au terrorisme". C'est ainsi, explique Ben Artsi, que l'Europe finance des dizaines d'organisations d'extrême-gauche, comme Chalom Archav ou Betselem, qui reçoivent des millions d'euros pour affaiblir Israël.
Hannoukah et le souvenir d'Emmanuel Moreno z.l.
Haggi Ben Arsti a publié il y a quelque temps un petit livre consacré à la fête de Hannoukah, pour raconter l'histoire des Makkabim sous une forme condensée. Ce livre est aussi un hommage à un grand soldat d'Israël, tombé pendant la Deuxième Guerre du Liban, que Ben Artsi connaissait bien : Emmanuel Moreno z.l. "C'était un héros, à la fois dans l'armée, dans sa émouna [confiance en Dieu] et dans ses qualités humaines". Moreno était l'élève de Ben Artsi au lycée Hartman de Jérusalem. "J'avais ressenti qu'il était un élève exceptionnel". Emmanuel Moreno était lieutenant-colonel dans la fameuse "Sayeret Matkal", l'unité d'élite la plus prestigieuse de Tsahal. Il a commandé des opérations restées secrètes jusqu'à ce jour, au point que sa photo n'a jamais été publiée... Moreno est aussi le plus haut-gradé parmi les soldats d'origine française tombés pour la défense d'Israël.
"C'est seulement après sa mort que j'ai appris ce qu'il avait fait", raconte Ben Artsi. Dans la postface à son livre sur Hannoukah, traduit en français par le rav Yossef Attoun, Haggi Ben Artsi écrit ces lignes, d'une actualité toujours aussi brûlante, à la veille de la fête des Lumières : "Emmanuel Moreno n'est plus avec nous, mais l'esprit qui l'animait, l'esprit des Hachmonayim [Hasmonéens] qui a ressurgi à notre génération, continuera d'éclairer notre chemin". En lisant ces lignes dans le livre du Dr Ben Artsi, je réalise soudain que notre rencontre tombe à point nommé. Israël est confronté, aujourd'hui comme hier, à un choix décisif : combattre le terrorisme sans concession, ou capituler... Résister aux pressions américaines et européennes, ou céder ; lancer des opérations audacieuses contre nos ennemis, ou alors libérer des centaines de terroristes qui vont reprendre leur combat contre nous.
Je lui demande en conclusion, qui est vraiment Binyamin Nétanyahou ? Ses électeurs de droite ont été trop souvent déçus, et se demandent encore aujourd'hui ce qui l'emportera, entre la tradition jabotinskienne incarnée par son père, et les pressions étrangères et celles des médias israéliens et de l'aile gauche de sa coalition. Haggi Ben Artsi est convaincu qu'au fond de lui, Bibi est resté un patriote authentique. A la veille de la parution de cet entretien, il s'apprête à publier une lettre ouverte au Premier Ministre, dans laquelle il cite un passage de son livre, où Bibi expliquait pourquoi il ne fallait pas libérer de terroristes. Ben Artsi exhorte à nouveau son beau-frère à ne pas céder au chantage du Hamas et à retrouver l'esprit qui l'animait autrefois, en poursuivant la tradition de courage et d'héroïsme de son frère Yoni, d'Emmanuel Moreno et des Makkabim.
* Voir "Meir Indor, Almagor et la défense des victimes du terrorisme", Israël Magazine, novembre 2008.
** Voir "Bentsion Nétanyahou, historien, militant sioniste et père de Premier Ministre", Israël le rêve inachevé, Editions de Paris / Max Chaleil.