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benjamin netanyahou

Réponse à Frédéric Encel, qui accuse Israël d’être une « voyoucratie » et au CRIF qui cautionne ses propos

January 12 2023, 17:10pm

Posted by Pierre Lurçat

F. Encel recevant un Prix du Ministère français des Affaires étrangères : géopoliticien ou politicien?

F. Encel recevant un Prix du Ministère français des Affaires étrangères : géopoliticien ou politicien?

 

Cher Frédéric,

 

Tu me permettras de te tutoyer, en souvenir de notre ancienne amitié, lorsque nous étions étudiants à Paris et que tu n’avais pas encore entamé ton brillant parcours à l’institut de sciences politiques de Grenoble. A l’époque, nous partagions la même passion pour Israël et pour le sionisme, qui nous paraissait alors un idéal lointain. Trois décennies et demie plus tard, nos chemins ont divergé ; tu as mené ta carrière en France, qui t’a mené aux « sommets » de la géopolitique française, tandis que j’ai fait mon alyah et vis à Jérusalem depuis 30 ans.

 

Si je t’écris aujourd’hui publiquement, c’est parce que tu viens de publier sur le site du CRIF une interview dans laquelle – tout en revendiquant une « géopolitique humaniste » (sic) et en prônant une « Europe puissante » – tu qualifies Israël de « voyoucratie ». Je ne remets pas en question tes compétences de géopoliticien, que tu as prouvées en publiant plusieurs livres intéressants, depuis ta Géopolitique de Jérusalem que j’avais lue autrefois. Non, cher Frédéric, ce qui m’attriste et me choque, c’est la manière dont tu disqualifies le nouveau gouvernement israélien et voues aux gémonies notre petit pays, dans des termes qui conviendraient mieux au Monde diplomatique ou à L’Humanité qu’à un site communautaire juif (lequel aurait été mieux inspiré de ne pas laisser passer ces propos outranciers et insultants).

 

Car vois-tu, « voyoucratie » signifie, selon le Larousse, le « Pouvoir exercé par des voyous », ou le « gouvernement des voyous ». Est-ce vraiment ainsi que tu considères notre pays, la seule démocratie du Moyen-Orient, comme nous le proclamions alors, lorsque nous militions ensemble dans les rangs du Tagar, mouvement des étudiants juifs de France ? J’ai du mal à le croire. Je préfère penser que tu es, toi aussi, désinformé, à force de lire Le Monde et les autres médias français et que tu devrais venir plus souvent ici, au lieu d’asséner tes jugements à l’emporte-pièce depuis Paris.

 

Si l’envie te prenait de nous rendre visite, je pourrais te faire rencontrer Betsalel Smotrich, qui n’a selon toi « rien à faire au sein du gouvernement d’un État de droit » (depuis quand es-tu devenu l’autorité morale, habilitée à décider qui a le droit de siéger au gouvernement d’Israël ?) Tu constaterais que c’est un homme très intelligent et qui pourra sans aucun doute t’en apprendre beaucoup sur notre pays et sur notre Etat, que tu crois connaître. On peut certes ne pas partager ses opinions ou celles d’Itamar Ben Gvir, c’est ton droit le plus strict. Moi-même, en tant que traducteur et disciple de Jabotinsky, je peux comprendre ceux qui préféraient le Likoud d’autrefois à celui d’aujourd’hui. Mais je ne m’autoriserai jamais à insulter le gouvernement israélien comme tu le fais aujourd’hui.

 

Quant aux « actes tout à fait répréhensibles aux yeux de la loi israélienne » qu’auraient commis « Smotrich et Ben Gvir » selon toi, je te rappellerai ici quelques faits de notre jeunesse militante, puisque tu te permets de juger et de condamner sans appel les ministres du gouvernement de notre Etat. Quand nous étions tous deux militants du Tagar, branche étudiante du Betar, certains notables de la communauté nous qualifiaient aussi de « voyous ». A l’époque, tu savais bien que la justice était de notre côté, quand nous sifflions Robert Badinter au Vel D’Hiv, quand nous taguions « Arafat assassin » sur les murs, ou quand nous défilions fièrement avec le drapeau d’Israël dans les rues de Paris. Cela faisait-il de nous des « voyous » ?

 

Mais sans doute cette lettre est vaine, car tu évolues aujourd’hui dans des sphères bien différentes de celles que nous fréquentions jadis. Peut-être est-ce pour cela que tu te crois désormais autorisé à décider qui doit siéger dans le gouvernement israélien… et qui a la « compétence dans les domaines sécuritaires et/ou militaires » (quelles sont les tiennes pour écrire cela ?) J’ai appris que tu avais été nommé Chevalier de l’ordre du mérite et que tu avais reçu un « Grand Prix de géopolitique » décerné par le ministère des Affaires étrangères et que t’a remis le ministre en personne ! Je me suis laissé dire que tu entretenais des relations très amicales avec M. Le Drian, ce même ministre du quai d’Orsay qui « mettait en garde Israël contre le risque d’apartheid” » (« Oï a broch » aurait dit ma grand-mère).

 

Bien entendu, ceci ne justifie pas cela. On peut faire carrière en France, sans pour autant renoncer à ses convictions et à son passé. Il n’est plus nécessaire, comme à l’époque de Heine, de se convertir ou de renoncer à son identité pour être un bon Français. Qualifier Israël de « voyoucratie » ne t’apportera aucune distinction et aucun honneur (à moins que tu ne brigues le poste de ministre des Affaires étrangères ?) Je te prie donc, cher Frédéric, au nom de nos engagements et de notre lointaine amitié, de relire tes propos et de réfléchir à leur sens. L’erreur est humaine, mais comme tu le sais bien, « perseverare diabolicum ». Je terminerai par le salut traditionnel du Betar, dont tu n’as peut-être pas oublié le sens, celui de Yossef Trumpeldor, de Jabotinsky et des autres héros de notre jeunesse, Tel-Haï !


Pierre Lurçat

 

PS A Monsieur Yonathan Arfi, président du CRIF,

 

Est-ce vraiment le rôle du CRIF de publier des propos qui incriminent Israël et son gouvernement, surtout lorsqu’ils sont ceux d’un géopoliticien juif, considéré (à tort ?) comme pro-israélien ? Comment pourrez-vous encore protester quand les médias français insultent Israël et le qualifient de « démocratie illibérale » ou de « démocratie illusoire », si le CRIF lui-même cautionne le qualificatif de « Voyoucratie » apposé à l’Etat juif ? Et comment pensez-vous être accueilli par un ministre du gouvernement d’Israël lorsqu’il saura ce que vous publiez sur votre site ?

 

 

VERBATIM – LES PROPOS DE F. ENCEL SUR LE SITE DU CRIF

 

« Sur l’État hébreu, ce qui me préoccupe plus que la droitisation et le nationalisme – après tout, un nationaliste fervent, Begin, fit la paix avec l’Égypte, et un autre, Sharon, évacua toute la bande de Gaza – c’est la voyoucratie. Smotrich et Ben Gvir ont tenu des propos et commis des actes tout à fait répréhensibles aux yeux de la loi israélienne et, en outre, n’ont strictement aucune compétence dans les domaines sécuritaires et/ou militaires qu’ils prétendent révolutionner. Ces individus objectivement extrémistes n’ont à mon sens rien à faire au sein du gouvernement d’un État de droit, et pas davantage un Arié Derhy déjà lourdement condamné dans l’exercice de ses fonctions ministérielles et à nouveau mis en examen ! Jamais nulle part la voyoucratie n’est positive. »

L'entretien du Crif - Frédéric Encel, géopolitologue et essayiste : "Aux Européens d’avancer vers l’Europe puissance !" | Crif - Conseil Représentatif des Institutions Juives de France

F. Encel à la tribune d'une conférence du Tagar, 1992

F. Encel à la tribune d'une conférence du Tagar, 1992

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Le secret de la longévité politique de Binyamin Nétanyahou, par Pierre Lurçat

November 7 2022, 12:46pm

Posted by Pierre Lurçat

Le secret de la longévité politique de Binyamin Nétanyahou, par Pierre Lurçat

 

Au-delà des qualificatifs – souvent erronés ou excessifs – que les médias utilisent à son endroit, Binyamin Nétanyahou demeure à de nombreux égards une énigme. L’ancien et nouveau Premier ministre israélien, qui vient de remporter une victoire politique éclatante et qui a ravi à David Ben Gourion le record de longévité à ce poste, est tantôt décrit comme un modèle de pragmatisme – voire d’opportunisme politique – tantôt comme un idéologue de droite. Qui est-il vraiment ?

 

La biographie que lui a consacré le journaliste Anshel Pfeffer (1) apporte des éléments de réponse à cette question, qui continue de tarauder les meilleurs observateurs de la scène politique israélienne depuis plus de deux décennies. En tant que contributeur du quotidien Ha’aretz – qui n’épargne pas le Premier ministre et sa famille – Pfeffer a réussi à écrire une biographie équilibrée, en évitant de tomber dans l’excès ou dans la caricature. Il décrit ainsi, dans les premiers chapitres de son livre, l’environnement dans lequel a grandi Benjamin, ses deux frères Ido et Yoni (qui trouvera la mort lors de l’opération héroïque de sauvetage des otages à Entebbé), et leurs parents, le professeur Bentsion Nétanyahou et sa femme.

 

L’auteur relate avec talent l’ascension politique de Nétanyahou, d’abord au sein de l’ambassade d’Israël aux Etats-Unis, où il devient le protégé de Moshe Arens, puis en tant qu’ambassadeur aux Nations-Unis, en 1984, où il se fait remarquer pour ses talents de diplomate et d’orateur hors-pair. Dès cette époque, le jeune Benjamin Nétanyahou fait en effet preuve de dons exceptionnels pour la « hasbara » (terme difficile à traduire qui désigne la capacité de défendre une politique), à la tribune et dans les coulisses des Nations unies. Pfeffer rapporte ainsi la manière dont « Bibi » utilise des éléments visuels pour appuyer son argumentation, n’hésitant pas à projeter un film montrant un diplomate tentant vainement de téléphoner au Liban pour illustrer l’état d’anarchie régnant dans le pays. Trente ans plus tard, il utilisera des moyens similaires pour démontrer au monde entier la duplicité de l’Iran.

 

La qualité majeure de Benjamin Nétanyahou, tel qu’il ressort du livre d’Anshel Pfeffer, est incontestablement celle d’animal politique. Doté d’un charisme exceptionnel, il sait manœuvrer à travers les écueils de la politique intérieure israélienne, et fait montre d’une capacité d’analyse et de compréhension rarement égalées par ses pairs. Issu d’une famille jabotinskienne réputée, mais relativement à l’écart de la vie politique du fait de son exil aux Etats-Unis, Nétanyahou parvient à doubler plusieurs concurrents parmi les “Princes du Likoud” – et notamment David Lévy, qui deviendra un rival féroce.

 

Dans des pages intéressantes de son ouvrage, Pfeffer montre les rapports ambivalents entre Bibi et Itshak Shamir, qui le considère comme superficiel et incapable de résister aux pressions. Un des chapitres les plus instructifs est celui qui retrace le premier mandat de Nétanyahou, arrivé au pouvoir contre toute attente, en 1996, au lendemain de l’assassinat d’Itshak Rabin (au sujet duquel Pfeffer dissipe la calomnie voulant que Bibi ait participé à des manifestations “incitant” au meurtre…(2) A l’âge de 46 ans, il devient le plus jeune Premier ministre israélien depuis 1948.

 

Quelle a été l’influence de sa famille sur Bibi ? Sur ce point crucial – que j’aborde dans un de mes livres, dans un chapitre consacré à Bentsion Nétanyahou (3) – l’auteur apporte des éléments de réponse intéressants. Ainsi, on découvre comment “Bibi” a souffert du sentiment d’insatisfaction que son père éprouvait à son égard. « Il aurait sans doute fait un meilleur ministre des Affaires étrangères que Premier ministre », dira un jour Bentsion de son fils, pour la plus grande joie de ses adversaires. Le dernier chapitre du livre s’intitule, de manière éloquente, « Stuck on top », « coincé au sommet ».

 

 

A l’heure où ces lignes sont écrites, « Bibi » donne toujours l’impression d’être irremplaçable, y compris aux yeux de ses plus farouches adversaires. Au-delà de ses succès indéniables – en diplomatie notamment et en économie – les « années Bibi » auront aussi été celles d’une lente et irrésistible érosion de la force de dissuasion de Tsahal, après les retraits de Gaza et du Sud-Liban aux conséquences désastreuses, orchestrés par deux de ses prédécesseurs, Ariel Sharon et Ehoud Barak.

 

Nétanyahou deviendra un des plus grands dirigeants de l’Etat d’Israël moderne, s’il parvient à résoudre un des problèmes les plus brûlants de la société israélienne, que les grands partis politiques ont largement négligé depuis longtemps : celui de la situation économique et sociale. L’Etat d’Israël, au cours de ses 70 années d'existence, est en effet passé presque sans transition d'un régime économique socialiste à un régime ultra-libéral ou, pour reprendre les termes de Jabotinsky, de « l'esclavage socialiste » au « capitalisme sauvage ». Il reste aujourd'hui à accomplir le programme de Jabotinsky, en édifiant une société plus égalitaire, réalisant ainsi l'idéal de justice sociale de la Bible hébraïque. (3)

 

Pierre Lurçat

 

Notes

(1) Anshel Pfeffer, Bibi: The Turbulent Life and Times of Benjamin Netanyahu: Basic Books 2018.

(2) Rappelons que le fameux poster représentant Itshak Rabin z.l en uniforme S.S. était la création de l’agent du Shabak, Avishaï Raviv.

(3) Je renvoie sur ce sujet le lecteur au premier tome de la Bibliothèque sioniste que j’ai fondée, Vladimir Jabotinsky, La rédemption sociale, éléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque, éditions L’éléphant 2021.

(Une version initiale de cet article est parue en novembre 2018)

 

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Le Mur de Fer

Le public français ne connaît pas, ou à peine, Vladimir Jabotinsky. Pierre Lurçat remédie à cette méconnaissance avec brio en publiant une traduction des textes fondateurs de ce visionnaire, publiés entre 1916 et 1929 en les éclairant d’une introduction historique et philosophique pointue.

Liliane Messika, Causeur.fr

« Les arabes et nous, le Mur de fer », Jabotinsky raconté par Pierre Lurçat au micro d’Ilana Ferhadian

 

Il faut remercier Pierre Lurçat pour son travail de traduction et de présentation de cet ouvrage. Il permet au lecteur, peu familier de l’action et de l’œuvre de Vladimir Jabotinsky, de découvrir un penseur du politique à travers son engagement pour le sionisme… Ses écrits sont là, nourrissent notre réflexion, et attestent d’une lucidité peu commune

 

Evelyne Tschihrart, Dreuz.info

 

 

 

Le secret de la longévité politique de Binyamin Nétanyahou, par Pierre Lurçat

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Binyamin Nétanyahou, le Coronavirus et le Mont du Temple

March 15 2020, 09:47am

1. La conférence de presse donnée par le Premier ministre israélien Binyamin Nétayahou jeudi soir, et celles qui ont suivi, dans lesquelles il a annoncé une série de mesures contre le Coronavirus, sont un modèle de ce que Nétayahou sait le mieux faire. Ferme, décidé, combattif, résolu : il s’est montré sous son meilleur visage, celui d’un chef d’Etat qui sait à la fois prendre des décisions vitales, sans tergiverser, et qui s’adresse à son peuple “à hauteur des yeux” (selon l’expression hébraïque). Nétanyahou s’est exprimé non seulement en dirigeant responsable, mais en véritable père de la nation, trouvant des accents paternels pour parler aux citoyens d’Israël. C’est dans ces moments de crise et d’incertitude que Nétanyahou est à son mieux, et qu’il sait parfois trouver des accents churchilliens, comme je l’écrivais il y a un an à propos du dossier iranien (1) : 

"La constance avec laquelle Binyamin Nétanyahou dénonce le péril iranien, depuis des années, n’a en effet d’égal que celle avec laquelle Churchill dénonçait Hitler en 1940, à une époque où nul ne connaissait encore les horreurs de la Shoah. Les temps ont certes changé à bien des égards, mais le danger du totalitarisme demeure tout aussi actuel. Les illusions mortelles du pacifisme se sont dissipées depuis longtemps dans le fracas des attentats et des espoirs de paix trompeurs. Israël n’a pas besoin aujourd’hui de promesses fallacieuses à la Chamberlain, mais de dirigeants courageux et lucides : en un mot, d’un “Churchill d’Israël”. Je n’ai rien à ajouter à ces mots écrits en mars 2019, sinon pour dire que Nétanyahou a su adopter la même attitude aujourd’hui, face à une menace d’un type bien différent.

 

Le “Churchill” israélien?

 

2. Mais cette fermeté et cette résolution exemplaires, face à l’Iran ou au Coronavirus, qui devraient servir de modèle à bien des dirigeants actuels, (comme l’insipide Emmanuel Macron), contrastent avec l’attitude beaucoup moins courageuse de Nétanyahou sur un autre dossier, qui n’a rien à voir en apparence : celui du Mont du Temple. On se souvient des émeutes déclenchées en 1996 suite au percement d’un tunnel archéologique, dont les musulmans avaient prétendu qu’il “mettait en danger la mosquée”, selon la calomnie inventée par le mufti pro-nazi Al-Husseini dans les années 1930 (2). Depuis cette époque, c’est-à-dire depuis le début de son premier mandat de Premier ministre, Nétanyahou s’est montré sur ce dossier sensible d’une prudence excessive, et pour ainsi dire timoré, en donnant corps à l'épouvantail agité par certains dirigeants musulmans et par ceux du Shin-Beth,qui voudraient faire croire que le Har Habayit est un "baril de poudre".... 

 

Or,  cette attitude qu’il partage avec tous les dirigeants israéliéns à ce jour, est une double erreur, psychologique et politique. Psychologiquement, elle renforce les musulmans dans leur complexe de supériorité, en les confortant dans l’idée que l’islam est destiné à dominer les autres religions et que ces dernières ne peuvent exercer leur culte qu’avec l’autorisation et sous le contrôle des musulmans, c’est-à-dire en étant des “dhimmis”. Politiquement, elle confirme le sentiment paranoïaque de menace existentielle que l’islam croit déceler dans toute manifestation d’indépendance et de liberté de ces mêmes dhimmis à l’intérieur du monde musulman. 

 

Paradoxalement, la souveraineté juive à Jérusalem est perçue comme une menace pour l’islam précisément de par son caractère incomplet et partiel : les Juifs sont d’autant plus considérés comme des intrus sur le Mont du Temple, qu’ils n’y sont pas présents à demeure et qu’ils y viennent toujours sous bonne escorte, comme des envahisseurs potentiels. L’alternative à cette situation inextricable et mortifère consisterait, comme l’avait bien vu l’écrivain et poète Ouri Zvi Greenberg, à asseoir notre souveraineté entière et sans partage sur le Mont du Temple, car “celui qui contrôle le Mont contrôle le pays”.

 

Moshé Dayan sur le Mont du Temple, juin 1967

Moshé Dayan sur le Mont du Temple, juin 1967

 

3. Quel rapport entre ces deux sujets? Le Mont du Temple n’est pas seulement le lieu des sacrifices et le premier Lieu saint du judaïsme ; il incarne aussi le rôle prophétique d’Israël parmi les nations, comme l’ont bien compris des centaines de millions de chrétiens dans le monde, qui tournent leurs yeux vers Jérusalem, source de la bénédiction pour le monde entier. C’est précisément la raison pour laquelle le renouvellement des prières juives sur le Har Habayit, loin de déclencher de nouveaux affrontements et effusions de sang, pourra amener la vie et la bénédiction au monde entier, selon les paroles des Prophètes d’Israël.

 

Pierre Lurçat


 

(1) “Le Churchill d’Angleterre et le Churchill d’Israël”.

http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/01/le-churchill-d-angleterre-et-le-churchill-d-israel-par-pierre-lurcat.html

(2) “Al-Aqsa en danger, une invention de la propagande arabe”. https://www.causeur.fr/israel-jerusalem-alaqsa-terrorisme-145787

Sur le sujet de l’attitude à adopter sur le Mont du Temple, je renvoie à mon livre Israël, le rêve inachevé, Éditions de Paris/Max Chaleil 2018.

 

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Rencontre avec Haggi Ben Artsi : "Retrouver l'esprit d'héroïsme de Hannoukah", Pierre Lurçat

December 4 2018, 15:43pm

Rencontre avec Haggi Ben Artsi : "Retrouver l'esprit d'héroïsme de Hannoukah", Pierre Lurçat

 

Le Dr Haggi Ben Artsi, frère de Sarah Nétanyahou, bien connu pour son opposition virulente aux compromis avec les terroristes, m'avait accordé cette interview il y a quelques années pour Israël Magazine, dans laquelle il évoque son célèbre beau-frère, mais aussi des sujets brûlants comme le terrorisme et la manière de le vaincre, et l’héroïsme des Makkabim.

 

J'ai rencontré pour la première fois le Dr Haggi Ben Artsi lors de la veillée de Hochana Rabba(dernier jour de Souccot) organisée par l'association Almagor, qui défend les familles des victimes du terrorisme et s'oppose à la libération de terroristes *. J'avais souvent entendu parler de lui, comme d'un éducateur hors-pair et comme d'un militant. Mais aux yeux du grand public, Ben Artsi est surtout connu comme étant le beau-frère du Premier Ministre : il est en effet le frère de Sarah Nétanyahou. Haggi Ben Artsi a accepté, en exclusivité pour Israël Magazine, de dire tout ce qu'il pense, au sujet des négociations en vue de libérer Gilad Shalit, de l'attidude de l'Europe envers Israël et, bien entendu, de son célèbre beau-frère.

 

 

Le Dr Ben Artsi enseigne la Bible et l'histoire juive à l'université Bar Ilan. Nous nous rencontrons au collège d'enseignement supérieur Lifchitz à Jérusalem, où il donne des cours aux élèves enseignants. Il m'accueille avec quelques mots de français, souvenir de ses études au lycée, juste avant la guerre des Six Jours, qui ont pris fin brutalement après le fameux discours du général De Gaulle sur le "peuple sûr de lui et dominateur", lorsque le professeur de français de Ben Artsi a déclaré qu'il interrompait ses cours, en signe de protestation. Cette anecdote donne le ton de notre entretien : Ben Artsi est un homme érudit qui ne mâche pas ses mots et qui ne manque pas d'humour. Il est né en 1950 et a grandi à Tivon, près de Haïfa. Il a étudié  à la yechiva et a combattu lors de la guerre de Kippour.

 

 

Ben Artsi n'aime pas trop parler de lui, ni de sa famille, préférant entrer dans le vif du sujet : l'affaire Gilad Shalit et son action pour empêcher la libération de centaines de terroristes, qui risque de causer des dizaines d'attentats et des centaines de victimes... Il se sent investi d'une mission personnelle à ce sujet, comme il l'a expliqué le soir d'Hochana Rabba, lors de la veillée d'Almagor qui se tenait en face de la résidence du Premier Ministre. Ben Artsi a interpellé à de nombreuses reprises Bibi sur ce sujet, allant jusqu'à organiser tout seul une contre-manifestation devant son bureau à Jérusalem ! Je lui demande pourquoi ce sujet lui tient tellement à cœur, et en quoi il considère que Bibi a trahi ses convictions politiques à cet égard.

 

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J’ai le grand plaisir d’annoncer la parution de mon nouveau livre, ISRAEL, LE REVE INACHEVE, paru aux éditions de Paris / Max Chaleil

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"Bibi est l'homme politique israélien qui s'est opposé le plus fermement à la libération de terroristes, lors du premier 'échange' – la  fameuse transaction Jibril – en 1986", rappelle Ben Artsi. Jusqu'à cette date, Israël avait toujours refusé avec détermination de remettre en liberté des terroristes, préférant lancer des opérations audacieuses pour tenter de libérer les otages, comme celle d'Entebbé – au cours de laquelle fut tué Yoni Nétanyahou, le frère de Bibi. Quand le gouvernement d'union nationale Shamir-Pérès accepta pour la première fois de libérer des centaines de terroristes, en 1986, Nétanyahou était ambassadeur d'Israël aux Nations unies. Il prit alors publiquement position contre son gouvernement, fait exceptionnel pour un ambassadeur. La 'transaction Jibril' fut la cause principale du déclenchement de la première Intifada.

Bibi Myriam Peretz.jpg

L'héritage de Yoni Nétanyahou

Par la suite, Nétanyahou s'exprima très souvent sur ce sujet et publia même un livre sur la manière de lutter contre le terrorisme [traduit en français sous le titre Combattre le terrorisme]. Quand Bibi a-t-il changé d'avis sur ce sujet ? Lorsqu'il est devenu Premier Ministre pour la première fois, en 1996, Israël a tenté de liquider le chef du Hamas, Khaled Mashal, en Jordanie. Les agents du Mossad ont été capturés, et Amman a exigé pour les relâcher la libération du cheikh Yassine. Bibi a accepté, en affirmant que Yassine était déjà vieux et qu'il ne poursuivrait pas ses activités terroristes... Cette évaluation s'est malheureusement avérée entièrement infondée.

 

Haggi Ben Artsi interpelle souvent Nétanyahou, publiquement ou lors de leurs conversations privées, en lui rappelant son engagement passé. "Je lui dis, sois fidèle à l'héritage de Yoni, qui est tombé [à Entebbé] pour ne pas accepter le chantage des terroristes... Et si tu n'es pas capable d'assumer cet héritage, alors démissionne !" Ben Artsi avait dit la même chose à Ariel Sharon, avant le retrait de Gaza. Je lui demande comment les Juifs francophones, très sensibles à la cause de Gilad Shalit, peuvent se mobiliser sans tomber dans le piège du Hamas. "Il y a beaucoup de choses à faire, mais il ne faut pas capituler aux exigences de nos ennemis", martèle Ben Artsi. A ses yeux, toute la campagne pour libérer Shalit en échange de centaines de terroristes est une arme psychologique pour affaiblir Israël.

 

 

"L'Allemagne et la France nous combattent aujourd'hui de manière très intelligente, en faisant croire qu'elles sont nos amies... Mais l'Europe n'a pas changé depuis l'époque de la Shoah, comme le dit Bentsion Nétanyahou, le père de Bibi *. La meilleure manière pour nos ennemis d'affaiblir Israël est de faire en sorte que nous cédions au terrorisme". C'est ainsi, explique Ben Artsi, que l'Europe finance des dizaines d'organisations d'extrême-gauche, comme Chalom Archav ou Betselem, qui reçoivent des millions d'euros pour affaiblir Israël.

 

Hannoukah et le souvenir d'Emmanuel Moreno z.l.

 

HANNOUKAH.jpg

Haggi Ben Arsti a publié il y a quelque temps un petit livre consacré à la fête de Hannoukah, pour raconter l'histoire des Makkabim sous une forme condensée. Ce livre est aussi un hommage à un grand soldat d'Israël, tombé pendant la Deuxième Guerre du Liban, que Ben Artsi connaissait bien : Emmanuel Moreno z.l. "C'était un héros, à la fois dans l'armée, dans sa émouna [confiance en Dieu] et dans ses qualités humaines". Moreno était l'élève de Ben Artsi au lycée Hartman de Jérusalem. "J'avais ressenti qu'il était un élève exceptionnel". Emmanuel Moreno était lieutenant-colonel dans la fameuse "Sayeret Matkal", l'unité d'élite la plus prestigieuse de Tsahal. Il a commandé des opérations restées secrètes jusqu'à ce jour, au point que sa photo n'a jamais été publiée... Moreno est aussi le plus haut-gradé parmi les soldats d'origine française tombés pour la défense d'Israël.

 

"C'est seulement après sa mort que j'ai appris ce qu'il avait fait", raconte Ben Artsi. Dans la postface à son livre sur Hannoukah, traduit en français par le rav Yossef Attoun, Haggi Ben Artsi écrit ces lignes, d'une actualité toujours aussi brûlante, à la veille de la fête des Lumières : "Emmanuel Moreno n'est plus avec nous, mais l'esprit qui l'animait, l'esprit des Hachmonayim [Hasmonéens] qui a ressurgi à notre génération, continuera d'éclairer notre chemin". En lisant ces lignes dans le livre du Dr Ben Artsi, je réalise soudain que notre rencontre tombe à point nommé. Israël est confronté, aujourd'hui comme hier, à un choix décisif : combattre le terrorisme sans concession, ou capituler... Résister aux pressions américaines et européennes, ou céder ; lancer des opérations audacieuses contre nos ennemis, ou alors libérer des centaines de terroristes qui vont reprendre leur combat contre nous.

 

 

Je lui demande en conclusion, qui est vraiment Binyamin Nétanyahou ? Ses électeurs de droite ont été trop souvent déçus, et se demandent encore aujourd'hui ce qui l'emportera, entre la tradition jabotinskienne incarnée par son père, et les pressions étrangères et celles des médias israéliens et de l'aile gauche de sa coalition. Haggi Ben Artsi est convaincu qu'au fond de lui, Bibi est resté un patriote authentique. A la veille de la parution de cet entretien, il s'apprête à publier une lettre ouverte au Premier Ministre, dans laquelle il cite un passage de son livre, où Bibi expliquait pourquoi il ne fallait pas libérer de terroristes. Ben Artsi exhorte à nouveau son beau-frère à ne pas céder au chantage du Hamas et à retrouver l'esprit qui l'animait autrefois, en poursuivant la tradition de courage et d'héroïsme de son frère Yoni, d'Emmanuel Moreno et des Makkabim.

 

* Voir "Meir Indor, Almagor et la défense des victimes du terrorisme", Israël Magazine, novembre 2008.

** Voir "Bentsion Nétanyahou, historien, militant sioniste et père de Premier Ministre", Israël le rêve inachevé, Editions de Paris / Max Chaleil.

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