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post-sionisme

Où était l’armée de l’air le 7 octobre? Ces “Gatekeepers” qui ont laissé entrer l’ennemi (III)

February 26 2024, 15:33pm

Un sentiment de supériorité et d'invincibilité

Un sentiment de supériorité et d'invincibilité

 

Au cours des mois qui ont précédé le 7 octobre, on a entendu à plusieurs reprises des officiers supérieurs de Tsahal, y compris des anciens généraux et chefs d’état-major, affirmer sans sourciller qu’ils n’obtempéreraient pas aux ordres du gouvernement de B. Nétanyahou. Le summum de ces appels à l'insubordination a été atteint lorsque des pilotes et des anciens dirigeants de l'armée de l'air ont affirmé qu’ils n’obéiraient pas aux ordres, y compris pour attaquer l’Iran et sa capacité nucléaire ! Or, le jour fatidique du 7 octobre, l’armée de l’air était aux abonnés absents… Y a-t-il un lien entre cette absence tragique et les appels à l’insubordination qui l’ont précédée ? Et si oui, quel est-il ? Troisième volet de notre série d’articles consacrés aux “Gatekeepers” qui ont failli dans leur mission de défense d’Israël.

 

Pourquoi le 7 octobre ? Ces “Gatekeepers” qui ont ouvert la porte à l’ennemi (I), Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

Pourquoi le 7 octobre ? (II) Ces “Gatekeepers” qui ont oublié qui était l’ennemi, Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

 

Une des questions les plus obsédantes que se posent des millions d'Israéliens et de Juifs à travers le monde depuis le 7 octobre est celle de savoir où était Tsahal, lorsque les hordes barbares de Gaza ont envahi le territoire israélien. Il ne s'agit pas d'une question théorique ou théologique, comme celle de savoir où était D.ieu pendant la Shoah… Non, il s'agit d'une question très simple et concrète. Où était Tsahal, où étaient ses chefs et ses officiers, et pourquoi ont-ils mis plusieurs heures avant de réagir, alors même que des centaines de soldats et de civils avaient déjà, eux, réagi et affluaient vers la frontière de Gaza ?

 

Cette question obsédante se pose avec une acuité décuplée s'agissant de l'armée de l'air, considérée depuis plusieurs décennies comme le fleuron de l'armée israélienne et devenue le pilier de sa doctrine stratégique de défense depuis 1967. Où était l'armée de l'air, pourquoi aucune escouade n'est-elle venue bombarder les hordes du Hamas et leurs supplétifs, pourquoi pas un seul avion n'était dans le ciel au-dessus de Gaza, à l'heure fatidique où des milliers de citoyens sans défense étaient attaqués ? La réponse définitive sera sans doute, espérons-le, donnée un jour par une commission d'enquête.  Une série documentaire de la chaîne publique Kan11 permet d’ores et déjà d’apporter des éléments de réponse.

 

Ha-Ahat” (“The One”) relate l'histoire d'une unité de l'armée de l'air, l'escouade 201, en octobre 1973. Le reportage nous plonge dans la vie quotidienne des pilotes pendant les heures critiques de la guerre de Kippour. On y découvre leur courage qui confine parfois à l’héroïsme (ainsi, un des pilotes fait prisonnier raconte avoir dit à un pilote égyptien, rencontré après la guerre : “vous avez utilisé de l’électricité (pour nous torturer) et nous avez brisé des cannes sur le dos, et nous n’avons rien dit… Je vais te révéler un secret : ‘Si vous m’aviez chatouillé, j’aurais tout raconté !”). Mais on découvre aussi leurs faiblesses et leur sentiment de supériorité et d'invincibilité, qui se mêle aux remords éprouvés après l’opération au cours de laquelle ils ont descendu par erreur un avion civil libyen, qui avait pénétré l’espace aérien d’Israël. La journaliste Sima Kadmon – elle-même ancienne soldate de l’unité – se focalise sans cesse sur les remords et sur le sentiment de culpabilité, comme si c’était l’aspect le plus important dans le vécu de ces soldats d’élite.

 

Un des moments clés du reportage est ainsi celui où un des pilotes exprime son sentiment à l’égard du gouvernement actuel (la série a été diffusée en septembre 2023). Lorsque Sima Kadmon lui demande ce qu’il répondrait à son petit-fils, s’il lui demandait s’il doit être incorporé dans l’armée, il répond sans hésiter : “Je lui dirais, mon cher petit-fils, je veux te dire qu’il n’est pas bon de mourir pour notre patrie… Et je souhaite que tu protèges ta vie. Et si tu dois prendre des risques pour ta vie, que cela soit pour la paix et pas pour la guerre…”. La journaliste insiste, en remarquant que c’est un message très troublant pour un jeune homme qui s’apprête à entrer dans l’armée… L'ancien pilote répond alors qu’il sait parfaitement ce que signifie qu’il n’est pas bon de mourir pour sa patrie. Car, explique-t-il, “notre pays a changé de visage. Ce n’est pas le pays duquel nous décollions alors…

 

Cette déclaration sans ambages d’un pilote n’est pas un acte isolé. Elle représente un état d’esprit hélas très présent au sein de ces anciennes élites de l’armée de l’air, qui ont subi en octobre 1973 un traumatisme dont elles ne se sont jamais remises. Ces anciennes élites ont joué un rôle clé – notamment à travers le mouvement “Ahim Laneshek” (Frères d'armes) – dans les manifestations incessantes qui ont prétendu faire tomber le gouvernement démocratiquement élu de l’Etat d’Israël, au cours des mois de luttes fratricides qui ont précédé le 7 octobre. A cet égard, elles portent une part de responsabilité dans ce qui s’est produit le jour fatidique de Simhat Torah.

 

La bonne nouvelle est toutefois que, même si l’armée de l’air était aux abonnés absents le 7 octobre, pour des raisons qui demeurent inexpliquées à ce jour, et même si une partie des élites au sein même de Tsahal a adopté un discours post-sioniste et anti-démocratique, à l’instar de ce pilote de l’unité 201, la jeunesse d’Israël, dans son immense majorité, reste profondément sioniste et continue de penser qu’il est “bon de mourir pour sa patrie”. Elle l’a prouvé le 7 octobre et continue de le démontrer chaque jour de la guerre la plus longue qu’Israël a connue depuis 1948.

P. Lurçat

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Pourquoi le 7 octobre ? Ces “Gatekeepers” qui ont ouvert la porte à l’ennemi (I), Pierre Lurçat

January 26 2024, 07:06am

Posted by Pierre Lurçat

Ami Ayalon (au centre)

Ami Ayalon (au centre)

 

Comment les “Gatekeepers”, ces gardiens de la sécurité d’Israël et ces grands soldats, se sont-ils mués en promoteurs de slogans pacifistes aussi simplistes, et presque puérils, que “c’est avec ses ennemis qu’on fait la paix” ? Et quelle est leur responsabilité dans l’échec colossal du 7 octobre ? Premier volet.

 

Le 24 janvier, alors qu’Israël pleurait et enterrait les morts du terrible accident militaire de la veille, deux Israéliens publiaient chacun une tribune dans le quotidien Le Monde, connu pour son hostilité endémique envers l’Etat juif. Le premier, Elie Barnavi, expliquait pourquoi, après s’être opposé pendant les 100 premiers jours de la guerre à un “cessez-le-feu immédiat”, il avait fini par rejoindre le camp des défaitistes, qui affirment que “la guerre s’enlise” et qu’Israël ne peut pas gagner face au Hamas. Le second, Ami Ayalon, va encore plus loin dans le défaitisme : il explique tout simplement que la victoire est impossible et qu’Israël doit “repenser le concept d’ennemi”.

 

Ami Ayalon n’est pas simplement un intellectuel comme Barnavi. Ancien commandant de la Marine, il a été le patron du Shin-Beth (service de sécurité intérieure) entre 1996 et 2000. En 2012, il a participé activement au documentaire de Dror Moreh, The Gatekeepers (“Les gardiens”), dans lequel plusieurs anciens dirigeants du Shin-Beth évoquaient leurs problèmes de conscience et donnaient leur point de vue sur le conflit israélo-arabe. Ce film, tout comme la récente interview d’Ayalon dans Le Monde, permettent de comprendre l’univers conceptuel d’une large partie de l’establishment sécuritaire israélien depuis au moins trois décennies. On y découvre ce que pensent ceux qui – plus que tout autre secteur de la vie publique en Israël – portent la responsabilité de l’échec colossal du 7 octobre.

 

A ce titre, il faut écouter et lire ce que dit Ayalon. Il incarne un visage de l’Israël laïc, de gauche et pacifiste, dont l’influence sur les décisions essentielles pour le pays est inversement proportionnelle à son poids électoral (Ami Ayalon a été membre du Parti travailliste, aujourd’hui moribond). On y découvre surtout les valeurs et le mode de pensée de ces anciennes élites qui continuent, en grande partie, à modeler la politique d’Israël. Ayalon, soldat d’élite qui a pris part à toutes les guerres d’Israël entre 1967 et la première Intifada, a commandé la prestigieuse “Shayetet”, unité d’élite de la marine. A cet égard, on peut le comparer à Ehoud Barak, Ariel Sharon, Yitshak Rabin, ou bien d’autres grands soldats qui ont “tourné casaque”, pour devenir des promoteurs de “plans de paix” tous aussi foireux les uns que les autres, des accords d’Oslo aux retraits de Gaza et du Sud-Liban qui ont installé le Hamas et le Hezbollah aux portes d’Israël.

 

Des grands soldats devenus pacifistes

 

Comment ces “Gatekeepers”, ces gardiens de la sécurité d’Israël et ces grands soldats se sont-ils mués en promoteurs de slogans pacifistes – aussi simplistes et presque puérils – que “C’est avec ses ennemis qu’on fait la paix” ? Ayalon apporte des éléments de réponse à cette question cruciale, qui interroge l’histoire récente d’Israël mais aussi son avenir. Quand le journaliste lui demande si le retrait d’une partie des troupes israéliennes de Gaza signifie un tournant dans la guerre, il lui répond : “Je crois que cette question va bien au-delà des détails de cette campagne militaire. Au fond, quelle est la situation ? Notre problème réside dans la tension entre la terreur et les droits de l’homme. Toutes les démocraties libérales sont confrontées à un conflit entre violence terroriste et droits fondamentaux”.

 

Cette réponse qui peut sembler anodine met en évidence un aspect crucial du débat intérieur israélien et de la vision du monde de cet establishment sécuritaire et militaire, dont Ayalon est la parfaite incarnation : leur incapacité de penser Israël autrement que dans le cadre conceptuel de l’Occident et de la démocratie libérale, qu’ils voudraient que l’Etat juif incarne. Ce point essentiel permet à la fois de comprendre leur attitude envers les ennemis d’Israël (“Nous renonçons donc aux droits d’une minorité dans l’idée que nous allons combattre le terrorisme. Et nous ne comprenons pas qu’un jour, sans doute, nous allons nous féliciter d’avoir tué des bad guys, mais que nous aurons perdu notre identité”) et leur vision de ce qu’est et de ce que doit être Israël.

 

En décrivant le conflit entre Israël et ses ennemis selon le modèle réducteur de l’affrontement entre les démocraties et le terrorisme, l’ancien patron du Shin-Beth montre qu’il n’a pas compris une dimension importante du conflit, qui est apparue le 7 octobre dans sa criante évidence. Le Hamas, contrairement à Al-Qaïda, n’a pas seulement voulu tuer des Juifs et porter un coup symbolique à Israël (comme les terroristes du 11 septembre). Il a voulu (et réussi de manière partielle et momentanée) envahir le territoire israélien pour le conquérir.

 

Cette dimension territoriale propre à l’islam est, paradoxalement, un aspect crucial de ce qui échappe aux “Gatekeepers” devenus pacifistes, comme à l’ensemble du “camp de la paix” israélien. Ceux qui prétendaient échanger “les territoires contre la paix” s’avèrent ainsi les promoteurs d’une vision totalement inadéquate du conflit, dont leur “impensé” occulte bien des aspects essentiels. Dans la suite de cet article, nous verrons comment cet impensé concerne également l’identité juive de l’Etat d’Israël. (à suivre…)

Pierre Lurçat

 

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