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armee d'israel

Le secret de l’armée israélienne vu par l'écrivain S. J. Agnon

April 8 2024, 08:23am

Posted by Pierre Lurçat

Agnon avec Ben Gourion

Agnon avec Ben Gourion

 

Le texte qu’on lira ci-dessous est exceptionnel à plusieurs titres. Shmuel Joseph Agnon, écrivain israélien et Prix Nobel de littérature, y aborde un sujet très actuel : celui de l’armée d’Israël. Les réflexions d’Agnon – sur les liens entre force physique et force spirituelle et sur le pacifisme notamment – demeurent étonnamment pertinentes pour la situation d’Israël aujourd’hui. Elles ont été publiées dans le quotidien Maariv à la veille de Simhat Torah en 1974 – c’est-à-dire il y a tout juste 59 ans et demi – sur l’initiative de la journaliste (et future membre de la Knesset) Geoula Cohen. Agnon est d'autant plus actuel qu'il est, tout comme son œuvre, à cheval entre deux mondes : celui de la tradition et celui de la modernité, celui de l'ancien Yishouv et celui des pionniers sionistes. Son regard sur la question brûlante des rapports entre armée et judaïsme est d'autant plus précieux. Bonne lecture ! P. Lurçat

“Je crois qu’il n’y a pas de force physique sans force spirituelle, qu’il n’y a pas de force sans Torah. En d’autres termes, aucun pouvoir physique ne se suffit à lui-même s’il ne provient pas d’un lieu de pouvoir spirituel, que nous appelons un « idéal ». Votre question concernant « l’Éternel des armées » et l’armée d’Israël est très profonde et difficile. En fait, j’ai une opinion arrêtée à ce sujet, mais j’ai besoin de clarifier un peu plus la raison pour laquelle j’ai cette idée. Il est écrit au sujet de Dieu que, sur le mont Sinaï, Il est apparu comme un vieil homme enveloppé dans un talith, et à la traversée de la mer Rouge, Il est apparu comme un guerrier. C’est ainsi qu’Israël devrait être lorsque nous devons nous engager dans des affaires spirituelles, enveloppés dans un talith ; mais quand c’est un temps de guerre, à Dieu ne plaise, alors même un époux sort de la chambre nuptiale et la mariée elle-même de dessous le dais nuptial !

Nous devons toujours croire que les deux sont interdépendants. S’il y a la sécurité, il y a aussi la possibilité de s’engager dans les affaires de la Torah ; s’il y a de la Torah, il y a de la force, s’il y a de la force, il y a de la Torah. Nous voyons avec Bar Kokhba que ses soldats observaient les mitsvot, c’est-à-dire qu’ils n’oubliaient pas les commandements de Dieu, et c’est ainsi que notre armée devrait être : non pas une armée pour une armée, ce que vous appelez un culte du pouvoir, mais plutôt pour l’amour de la Torah. Si je suis capable d’habiter ici, dans mon quartier de Jérusalem, Talpiot, qui est juste à la frontière, et d’étudier une page de la Guemara, c’est parce que je sais que l’armée israélienne me protège…

Je pense que l’armée n’est pas une partie de plaisir, mais s’adonner au pacifisme est une mauvaise affaire. En ce qui concerne nos pacifistes habituels, qui se prélassent dans leur pacifisme, les Sages ont déjà dit : « Quiconque fait miséricorde aux cruels finit par être cruel envers les miséricordieux ». J’ai reçu la visite d’un membre de l’Hashomer HaTzair, ce mouvement de jeunesse de gauche. En réponse à l’opinion qu’il m’a exprimée, j’ai répondu que le temps où le peuple d’Israël tendait le cou pour le massacre est révolu. Ils prétendent qu’une armée et la guerre ne conviennent pas au peuple d’Israël. Est-il « convenable » que notre ennemi nous massacre et que nous soyons massacrés ? En ce qui concerne l’ère messianique, il est dit : « Une nation ne lèvera pas l’épée contre une nation » (Isaïe 2 :4), mais pour y parvenir, nous devons être dignes du messie.

Autrefois, j’ai écrit une parabole satirique, « Le loup habitera avec l’agneau », sur les émeutes arabes de 1929 [publiées dans la revue Moznayim en 1930]. Je n’avais pas l’intention de m’en prendre, Dieu nous en préserve, à des personnes déterminées, mais seulement aux idéaux du pacifisme. Je n’ai pas formé mon opinion à partir d’idéologies, ni du pacifisme ni de son contraire. J’ai été instruit sur le pacifisme à mes dépens [P.L. lorsque la maison d’Agnon à Jérusalem a été dévastée dans les attaques arabes]. Mais cette histoire a provoqué un tollé à l’époque parmi les pacifistes du mouvement Brit Shalom [qui plaidait pour la coexistence judéo-arabe et renonçait à l’espoir d’un État juif], jusqu’à ce que tous, sauf un, Arthur Ruppin, prennent leurs distances… Ce n’est qu’avec le temps, après un peu d’introspection, qu’ils ont renouvelé leur amitié.

Je n’aime pas l’armée. Je ne parlerais pas d’une armée de Gentils de cette façon. Je ne suis pas touché par quoi que ce soit de pratique ou de technique. Une fois, j’étais à Yad Vashem le jour du Souvenir, et ils ont utilisé toutes sortes d’effets spéciaux, comme des torches et des choses comme ça, des choses qu’il y a quarante ans ou plus, je ne pouvais pas tolérer dans les théâtres de Reinhardt en Allemagne. Je veux vous dire, je sais que tout le monde est excité par le défilé de l’armée le jour de l’indépendance ; Je sais que les femmes sont très enthousiastes à ce sujet, mais cela ne m’impressionne pas... Pourtant, quand j’ai vu, ici, dans le quartier de Talpiot, les jeunes hommes de la guerre de libération, comment ils nous défendaient et comment ils venaient de leurs postes les veilles de Shabbat pour entendre le Kiddouch, alors je n’ai pas pu retenir mes larmes…”

(Traduit à partir de la version en anglais publiée par la Jewish Review of Books, “The Secret of Our Army’s Endurance” - Jewish Review of Books)

« Si je suis capable d’habiter ici, dans mon quartier de Jérusalem, Talpiot, qui est juste à la frontière, et d’étudier une page de la Guemara, c’est parce que je sais que l’armée israélienne me protège… »

« Si je suis capable d’habiter ici, dans mon quartier de Jérusalem, Talpiot, qui est juste à la frontière, et d’étudier une page de la Guemara, c’est parce que je sais que l’armée israélienne me protège… »

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Où était l’armée de l’air le 7 octobre? Ces “Gatekeepers” qui ont laissé entrer l’ennemi (III)

February 26 2024, 15:33pm

Un sentiment de supériorité et d'invincibilité

Un sentiment de supériorité et d'invincibilité

 

Au cours des mois qui ont précédé le 7 octobre, on a entendu à plusieurs reprises des officiers supérieurs de Tsahal, y compris des anciens généraux et chefs d’état-major, affirmer sans sourciller qu’ils n’obtempéreraient pas aux ordres du gouvernement de B. Nétanyahou. Le summum de ces appels à l'insubordination a été atteint lorsque des pilotes et des anciens dirigeants de l'armée de l'air ont affirmé qu’ils n’obéiraient pas aux ordres, y compris pour attaquer l’Iran et sa capacité nucléaire ! Or, le jour fatidique du 7 octobre, l’armée de l’air était aux abonnés absents… Y a-t-il un lien entre cette absence tragique et les appels à l’insubordination qui l’ont précédée ? Et si oui, quel est-il ? Troisième volet de notre série d’articles consacrés aux “Gatekeepers” qui ont failli dans leur mission de défense d’Israël.

 

Pourquoi le 7 octobre ? Ces “Gatekeepers” qui ont ouvert la porte à l’ennemi (I), Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

Pourquoi le 7 octobre ? (II) Ces “Gatekeepers” qui ont oublié qui était l’ennemi, Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

 

Une des questions les plus obsédantes que se posent des millions d'Israéliens et de Juifs à travers le monde depuis le 7 octobre est celle de savoir où était Tsahal, lorsque les hordes barbares de Gaza ont envahi le territoire israélien. Il ne s'agit pas d'une question théorique ou théologique, comme celle de savoir où était D.ieu pendant la Shoah… Non, il s'agit d'une question très simple et concrète. Où était Tsahal, où étaient ses chefs et ses officiers, et pourquoi ont-ils mis plusieurs heures avant de réagir, alors même que des centaines de soldats et de civils avaient déjà, eux, réagi et affluaient vers la frontière de Gaza ?

 

Cette question obsédante se pose avec une acuité décuplée s'agissant de l'armée de l'air, considérée depuis plusieurs décennies comme le fleuron de l'armée israélienne et devenue le pilier de sa doctrine stratégique de défense depuis 1967. Où était l'armée de l'air, pourquoi aucune escouade n'est-elle venue bombarder les hordes du Hamas et leurs supplétifs, pourquoi pas un seul avion n'était dans le ciel au-dessus de Gaza, à l'heure fatidique où des milliers de citoyens sans défense étaient attaqués ? La réponse définitive sera sans doute, espérons-le, donnée un jour par une commission d'enquête.  Une série documentaire de la chaîne publique Kan11 permet d’ores et déjà d’apporter des éléments de réponse.

 

Ha-Ahat” (“The One”) relate l'histoire d'une unité de l'armée de l'air, l'escouade 201, en octobre 1973. Le reportage nous plonge dans la vie quotidienne des pilotes pendant les heures critiques de la guerre de Kippour. On y découvre leur courage qui confine parfois à l’héroïsme (ainsi, un des pilotes fait prisonnier raconte avoir dit à un pilote égyptien, rencontré après la guerre : “vous avez utilisé de l’électricité (pour nous torturer) et nous avez brisé des cannes sur le dos, et nous n’avons rien dit… Je vais te révéler un secret : ‘Si vous m’aviez chatouillé, j’aurais tout raconté !”). Mais on découvre aussi leurs faiblesses et leur sentiment de supériorité et d'invincibilité, qui se mêle aux remords éprouvés après l’opération au cours de laquelle ils ont descendu par erreur un avion civil libyen, qui avait pénétré l’espace aérien d’Israël. La journaliste Sima Kadmon – elle-même ancienne soldate de l’unité – se focalise sans cesse sur les remords et sur le sentiment de culpabilité, comme si c’était l’aspect le plus important dans le vécu de ces soldats d’élite.

 

Un des moments clés du reportage est ainsi celui où un des pilotes exprime son sentiment à l’égard du gouvernement actuel (la série a été diffusée en septembre 2023). Lorsque Sima Kadmon lui demande ce qu’il répondrait à son petit-fils, s’il lui demandait s’il doit être incorporé dans l’armée, il répond sans hésiter : “Je lui dirais, mon cher petit-fils, je veux te dire qu’il n’est pas bon de mourir pour notre patrie… Et je souhaite que tu protèges ta vie. Et si tu dois prendre des risques pour ta vie, que cela soit pour la paix et pas pour la guerre…”. La journaliste insiste, en remarquant que c’est un message très troublant pour un jeune homme qui s’apprête à entrer dans l’armée… L'ancien pilote répond alors qu’il sait parfaitement ce que signifie qu’il n’est pas bon de mourir pour sa patrie. Car, explique-t-il, “notre pays a changé de visage. Ce n’est pas le pays duquel nous décollions alors…

 

Cette déclaration sans ambages d’un pilote n’est pas un acte isolé. Elle représente un état d’esprit hélas très présent au sein de ces anciennes élites de l’armée de l’air, qui ont subi en octobre 1973 un traumatisme dont elles ne se sont jamais remises. Ces anciennes élites ont joué un rôle clé – notamment à travers le mouvement “Ahim Laneshek” (Frères d'armes) – dans les manifestations incessantes qui ont prétendu faire tomber le gouvernement démocratiquement élu de l’Etat d’Israël, au cours des mois de luttes fratricides qui ont précédé le 7 octobre. A cet égard, elles portent une part de responsabilité dans ce qui s’est produit le jour fatidique de Simhat Torah.

 

La bonne nouvelle est toutefois que, même si l’armée de l’air était aux abonnés absents le 7 octobre, pour des raisons qui demeurent inexpliquées à ce jour, et même si une partie des élites au sein même de Tsahal a adopté un discours post-sioniste et anti-démocratique, à l’instar de ce pilote de l’unité 201, la jeunesse d’Israël, dans son immense majorité, reste profondément sioniste et continue de penser qu’il est “bon de mourir pour sa patrie”. Elle l’a prouvé le 7 octobre et continue de le démontrer chaque jour de la guerre la plus longue qu’Israël a connue depuis 1948.

P. Lurçat

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Une étincelle d’hébreu : “Tsava katan vé-khakham”, la “petite armée intelligente” a fait long feu

December 26 2023, 11:09am

Posted by Pierre Lurçat

Une étincelle d’hébreu :  “Tsava katan vé-khakham”, la “petite armée intelligente” a fait long feu

Parmi les expressions de l’avant 7 octobre qui sont tombées en désuétude depuis, il en est une dont les conséquences ont failli être mortelles pour Israël : la “petite armée intelligente” (Tsava katan vé-khakham). En gros, l’idée des promoteurs de ce slogan était qu’à l’ère de la technologie, Tsahal n’avait pas besoin de reposer sur un aussi large réservoir humain que par le passé, et qu’on pouvait allègrement tailler dans les budgets des divisions de réserve et dans celui de l’infanterie.

            Comme le rappelle Caroline Glick dans un article passionnant, traduit par le site Mabatim, l’auteur de cette doctrine n’est autre qu’Ehoud Barak, ancien chef d’état-major qui fut aussi l'un des plus mauvais Premiers ministres qu'a connus Israël. La guerre qui se déroule depuis 80 jours est la preuve que le moment n’est pas encore venu où “le loup cohabitera avec l’agneau” (et même quand il sera venu, mieux vaudra être le loup, comme a dit Woody Allen). En attendant, Tsahal doit rester l’armée du peuple (Tsava ha-Am) et redevenir une armée offensive, toujours prête à riposter et à attaquer de manière préventive, toujours sur le pied de guerre pour défendre notre petit pays.

Une autre leçon de l’après 7 octobre est que nous devons développer une industrie de l’armement qui soit orientée non seulement vers l’exportation (comme elle l’est aujourd’hui), mais aussi vers l’auto-suffisance et l’indépendance de l’armée israélienne, au lieu de dépendre de l’approvisionnement d’autres pays, fussent-ils nos meilleurs alliés comme les Etats-Unis. Comme l’écrivait l’écrivain H. Brenner il y a cent ans, “Ce n’est pas que nous n’avons pas encore dépassé le militarisme, nous ne l’avons pas encore atteint”.

P. Lurçat

J’ai dressé un premier bilan de la guerre actuelle au micro de Richard Darmon sur

Studio Qualita :

Qu'est-ce qui a changé pour Tsahal dans cette guerre ? -IMO#220 (studioqualita.com)

 

 

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