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droit juif de la guerre

Face à la guerre en Israël : Les préjugés persistants du monde (post-)chrétien envers les Juifs

November 16 2023, 15:55pm

Posted by Pierre Lurçat

BHL et Arielle Dombasle : le "visage du Christ"?

BHL et Arielle Dombasle : le "visage du Christ"?

 

1.

« J’ai tout de suite vu le visage du Christ et quelque chose de sombre comme de la cendre dans les yeux », relate Arielle Dombasle en évoquant sa rencontre avec Bernard Henri Lévy. L’anecdote relève de la presse « People », mais elle en dit long sur le regard que les chrétiens portent sur les Juifs. Or celui-ci a des conséquences qui vont bien au-delà des relations interpersonnelles, et qui concernent la politique et la géopolitique. Le « visage du Christ » ne désigne pas seulement à cet égard la manière dont le Juif est perçu physiquement, encore aujourd’hui, mais également celle dont est perçu l’Etat d’Israël et dont ses actions sont appréciées, et soutenues ou critiquées dans l’ensemble du monde occidental, chrétien et post-chrétien.

 

Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter l’interview sidérante donnée par le président français Emmanuel Macron à la BCC le 11 novembre, dans laquelle il « exhortait Israël » à « cesser de bombarder des civils » à Gaza. Au-delà de la versatilité et de l’hypocrisie du discours, déjà relevées dans ces colonnes et largement condamnées, il y a ici la manifestation d’une incapacité de juger l’événement autrement qu’à travers le regard du téléspectateur, c’est-à-dire du spectateur abreuvé d’images, qui ne peut que « condamner », « réprouver » ou « s’indigner », sous le coup de l’émotion, sans être capable de s’extraire de ce jugement émotionnel à l’emporte-pièce pour analyser l’événement.

 

2.

C’est précisément cette propension de l’homme contemporain à ne juger l’événement qu’à travers des images et les émotions qu’elles suscitent qui permet au Hamas de marquer des points dans l’opinion publique et de capitaliser sur chaque mort de civil à Gaza. Paradoxalement, c’est donc le Hamas qui a intérêt à maximiser le nombre de victimes civiles dans la population de Gaza, alors qu’Israël a intérêt à minimiser le nombre de victimes civiles (et fait tout son possible pour). Ce paradoxe tient aussi au fait que le Hamas (comme les autres organisations djihadistes) sanctifie la mort, alors qu’Israël sanctifie la vie.

 

Et le monde chrétien ? Il est apparemment encore et toujours tenté de porter sur Israël un regard déformé par deux mille ans de préjugés et « d'enseignement du mépris », comme disait Jules Isaac. Comment expliquer autrement l'attitude d'un Jospin, évoquant la « Loi du Talion » pour décrire la riposte israélienne, ignorant apparemment que la loi du Talion est en réalité une règle de proportionnalité (la fameuse proportionnalité!), qui a représenté un immense progrès par rapport aux habitudes de vengeance sans limite qui avaient cours dans le monde avoisinant de l’Israël antique, et qui sont encore usitées chez les ennemis d’Israël[1]. On reproche ainsi à Israël sa propension à la « vengeance » et au « Talion », au lieu d’apprécier son sens de la justice et de la retenue jusque dans la guerre.

 

3.

La persistance d’un regard chrétien déformé sur les Juifs dans un monde largement laïcisé montre que les préjugés ont la vie dure. Le fameux « dialogue judéo-chrétien » aurait-il échoué ? Cinquante ans après le décès de Jules Isaac, dont l’anniversaire est célébré ces jours-ci, la question mérite d'être posée. Mais en vérité, la réponse à cette question appartient aux chrétiens bien plus qu'aux Juifs. Car la question cruciale qui se pose aujourd'hui à Israël n'est pas celle de nos relations avec le monde chrétien (ou encore avec le monde musulman opposé à l'axe du Mal Iran-Hamas). Elle est celle de savoir qui nous sommes et pourquoi nous combattons.

 

            Or ces deux questions sont liées. C’est précisément lorsqu’Israël se refuse à assumer sa propre identité, celle du peuple de Dieu combattant pour la justice et pour le bien absolu, que les chrétiens et les musulmans contestent son identité et son droit sur la terre d’Israël. Quand Israël aura pleinement assumé – comme il commence à le faire ces dernières semaines – sa vocation de « Peuple Saint » et de « Peuple de Dieu », alors les autres peuples finiront par le reconnaître, et selon la prophétie d’Isaïe, « La montagne de la maison du Seigneur sera affermie sur la cime des montagnes et toutes les nations y afflueront ».

 

P. Lurçat

 

NB Mon nouveau livre, Face à l’opacité du monde, paraît ces jours-ci aux éditions l’éléphant. Il est disponible sur Amazon, B.O.D et dans les bonnes librairies. Je l’ai évoqué à l’antenne d’Antoine Mercier sur sa chaîne Youtube Mosaïque.

 

[1] Sur la déformation de la Loi du Talion dans l’Occident chrétien, voir Rafael Drai, Le mythe de la loi du Talion, éditions Hermann.

 
Face à la guerre en Israël :   Les préjugés persistants du monde (post-)chrétien envers les Juifs

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Comment vaincre face au Hamas : Pourquoi le « Code éthique de Tsahal » est devenu obsolète, Pierre Lurçat

October 24 2023, 13:39pm

Posted by Pierre Lurçat

Comment vaincre face au Hamas : Pourquoi le « Code éthique de Tsahal » est devenu obsolète, Pierre Lurçat

 

Parmi les nombreuses conceptions qui se sont avérées obsolètes, au lendemain du samedi noir du 7 octobre 2023, il en est une qui pourrait jouer un rôle crucial dans la capacité d’Israël à triompher du Hamas et à assurer la sécurité d’Israël dans l’avenir. Je veux parler du fameux « Code éthique de Tsahal ». Comme l’expliquait le rabbin et mathématicien Eliahou Zini, il y a déjà 18 ans, « le code éthique de Tsahal affirme que l’objectif de Tsahal est de ‘faire entrave aux efforts de l’ennemi visant à perturber le cours normal de la vie’, comme si “la défense d’Israël se réduisait à la mise en place d’un abri pour sa population »[1].

 

Ces lignes rédigées en 2006 exposent de manière prémonitoire la situation absurde à laquelle nous sommes parvenus, après plusieurs décennies durant lesquelles le post-sionisme a régné au sein des universités israéliennes (comme celle où enseignait l’auteur du Code éthique de Tsahal, Asa Kasher), des médias et d’une large partie de l’establishment sécuritaire et militaire. Aux yeux du distingué professeur de philosophie, Tsahal aurait pour objectif de « faire entrave aux efforts de l’ennemi » et non pas de vaincre, d’annihiler ou de détruire l’ennemi. Fort heureusement, les chefs de Tsahal et les dirigeants de notre petit pays semblent avoir compris – mieux vaut tard que jamais - après la terrible piqûre de rappel du 7 octobre, que nos ennemis avaient, quant à eux, la volonté de nous exterminer, et qu’il fallait en conséquence détruire le Hamas, et pas seulement « faire entrave à ses efforts ».

 

La différence n’est pas purement sémantique. En réalité, ce sont tous les présupposés et les fondements philosophiques et moraux du code éthique de Tsahal qui sont erronés. Parmi ces présupposés, j’en désignerai trois. Le premier est celui selon lequel l’ennemi aurait pour objectif de « perturber le cours normal de la vie » des citoyens israéliens. L’ennemi – qu’il s’agisse du Hamas, du Hezbollah, de l’Iran, du Djihad islamique ou même du Fatah – a pour unique et constant objectif de détruire Israël et de tuer tous les Juifs. « Perturber le cours normal de la vie » est un euphémisme insupportable, qui relève d’un langage totalement déconnecté de la réalité dans laquelle nous vivons.

 

Le second présupposé est celui de la « dignité humaine », ou même de l’humanité de nos ennemis. Quand le code éthique de Tsahal explique doctement que « Tsahal et ses soldats sont tenus de préserver la dignité humaine » et que « tous les êtres humains ont une valeur inhérente, indépendamment de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur sexe ou de leur statut », il s’agit d’une erreur de perspective, à la fois militaire et morale. Imagine-t-on l’armée américaine affirmer qu’elle veut « préserver la dignité humaine des Allemands » en pleine Deuxième Guerre mondiale ?

 

Entraver l’ennemi ou l’éradiquer ?

 

Le troisième présupposé, sans doute le plus nocif, est celui selon lequel l’objectif de Tsahal serait limité à contrecarrer les projets de nos ennemis, et non à les vaincre. Comme je l’écrivais en 2018, le problème fondamental auquel Israël est confronté aujourd’hui n’est pas militaire, mais avant tout moral. Il s’agit essentiellement d’un problème de perception de soi et d’aveuglement volontaire. On peut le définir dans les termes suivants : Israël ne sait pas comment triompher du Hamas, parce qu’il est dépourvu de la conviction intime, tant morale que politique, que la victoire est possible et nécessaire.

 

Au lendemain de la terrible attaque de Simhat Torah, il faut croire et espérer que la société israélienne a enfin acquis cette conviction intime et que nos soldats, qui sont pleins d’ardeur guerrière et de détermination, pourront mener à bien leur mission nécessaire jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la victoire totale, sans être entravés par un « Code éthique » inadapté et déconnecté de la réalité. A cet égard, un signe encourageant est cet encart publié dans plusieurs journaux ce shabbat :

 

« Code moral de l’armée d’Israël - Je suis prêt à me sacrifier pour sauver le peuple d’Israël. Les ennemis doivent être anéantis et non pas neutralisés. La population qui soutient le terrorisme est un ennemi. Un ordre qui met en danger la vie de civils ou de soldats pour préserver l’ennemi est un ordre illégal. C’est un impératif moral de détruire le mal, dans l’intérêt de l’humanité entière ».

 

Ce nouveau « code moral » se termine par un verset de la Bible, tiré des Psaumes du roi David, qui était aussi un grand chef de guerre : « Je poursuis mes ennemis, je les atteins ; point de relâche que je ne les aie détruits ». Tout lecteur sensé comprendra combien ces paroles du Psalmiste sont bien plus cohérentes et adaptées à la guerre contre le Hamas que les considérations idéalistes d’un professeur de philosophie, auteur d’un « code éthique de Tsahal », devenu du jour au lendemain entièrement obsolète depuis le 7/10. (à suivre…)

 

P. Lurçat

 

 

[1] Eliahou Zini, “Code éthique ou matraquage politique”, Forum Israël No. 3, “Le temps de la guerre”, éditions Ivriout 2006. Cité dans mon livre La trahison des clercs d’Israël, La Maison d’édition 2016.

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"Terrorisons les barbares" - Face à la cruauté du Hamas, l’humanité d’Israël est-elle justifiée? par Pierre I. Lurçat

August 28 2018, 20:26pm

Posted by Pierre Lurçat

"Terrorisons les barbares" - Face à la cruauté du Hamas, l’humanité d’Israël est-elle justifiée? par Pierre I. Lurçat

 

La Cour suprême autorise cinq malades de Gaza à se rendre à Jérusalem”. Cette information a fait la “Une” de l’actualité en Israël. Les médias français et occidentaux, eux, l’ont passée à la trappe. Ils préfèrent titrer, comme Libération, “Gaza, génération estropiés”, en faisant passer Israël et le peuple Juif pour des assassins, conformément à l’imagerie antisémite séculaire. Mais mon propos n’est pas ici de déplorer une fois de plus les mensonges des médias occidentaux. La question qui me préoccupe est celle - plus fondamentale, voire cruciale - de notre propre vérité. Qui sommes-nous, ou plutôt qui voulons-nous être? Un modèle de moralité et d’angélisme dans un monde barbare?

Libération : l’imagerie antisémite séculaire

Est-ce que la vocation de “Lumière des nations” que nous assignent nos Prophètes consiste à soigner les proches de nos pires ennemis, ceux qui gardent en otages nos soldats - morts ou vivants - pour obtenir des concessions de notre part, en attendant de lancer un nouvel assaut meurtrier contre nos civils ? Ou peut-être sommes-nous victimes d’une terrible illusion, d’une erreur de perspective à laquelle nous ont habitués des centaines d’années d’existence galoutique, loin des préoccupations de la vie nationale, durant lesquelles nous avons désappris le sens véritable des injonctions bibliques et talmudiques?

 

Plus encore qu’elle ne nous apprend sur la désinformation et le mensonge permanent des médias occidentaux concernant Israël, la décision de la Cour suprême doit nous faire réfléchir sur la psychologie de nos ennemis et la nôtre, et sur l’asymétrie fondamentale du conflit qui nous oppose à nos voisins. Elle nous invite surtout à comprendre ce que signifie véritablement la vocation morale d’Israël. Loin de vouloir faire l’éloge d’Israël, en démontrant une fois de plus combien nous sommes humains et nos ennemis inhumains, je prétends affirmer ici que notre humanité débordante est un défaut et une faille dans notre cuirasse, que nos ennemis savent exploiter pour nous affaiblir. Et elle n’est même pas conforme à notre Tradition authentique...

 

Un présupposé d’humanité mensonger

Car la décision de juges siégeant à Jérusalem repose sur un présupposé d’humanité, qui est totalement faux ! Elle fait l’hypothèse que nos ennemis sont des hommes comme nous et qu’en leur montrant un visage d’hommes, nous les inciterons à dévoiler eux aussi leur humanité. Or c’est, hélas, le contraire qui est vrai… Plus nous sommes enclins à faire preuve d’humanité avec eux, plus ils se jouent de nous et se montrent cruels. Cette vérité éternelle avait déjà été énoncée par nos Sages dans le Talmud : « Celui qui a pitié des méchants, finit par se montrer cruel envers les justes… » Le peuple qui vit à Sion a éprouvé dans sa chair la réalité tragique de cet adage, lorsque le gouvernement Sharon, voulant mettre fin à la « cruelle occupation  de Gaza », a fait preuve de l’inhumanité la plus flagrante envers les Justes qui peuplaient les yichouvim du Goush Katif.

La synagogue détruite de Névé Dekalim : une inhumanité flagrante

 

Nous avons lu shabbat dernier la parasha de Ki Tetsé, qui commence par le verset : “Lorsque tu iras en guerre contre tes ennemis, que l'Éternel, ton Dieu, les livrera en ton pouvoir, et que tu leur feras des prisonniers”, au sujet duquel Rachi commente : “Il s’agit d’une guerre facultative, car dans les guerres pour Eretz-Israël il ne saurait être question de faire des prisonniers”. Si nous pensons que les mots de Rachi font encore sens aujourd’hui, alors nous ne pouvons faire l’économie de nous interroger sur la signification de ce commentaire, si terrible puisse-t-il paraître à la conscience juive contemporaine, façonnée par l’idée occidentale d’origine chrétienne, de la dichotomie entre droit et morale, entre pouvoir séculier et religion.

 

Comment agir face à des loups sauvages?

Dans un article très éclairant écrit après la Deuxième Guerre du Liban, dans la défunte revue francophone Forum-Israël, le rav Oury Cherki abordait la question de “l’éthique juive de la guerre”, et citait une réponse du rav A.I . Hacohen Kook au rav Zaïdel, qui lui avait demandé pourquoi la tradition juive impose des guerres si violentes et parfois si cruelles (1). Le rav Kook répondit :

“Pour ce qui est des guerres, il était impossible à une époque où nos voisins étaient des loups sauvages, que seul Israël ne fasse pas la guerre, car alors, les nations se seraient liguées pour nous exterminer. Bien au contraire, c’était une chose indispensable. Il fallait terroriser les barbares, en employant également des moyens cruels, tout en gardant l’espoir d’amener l’humanité à ce qu’elle devrait être. Mais il ne faut pas avancer le temps, et se croire à l’époque messianique quand on n’y est pas”.

Cette réponse énonce plusieurs vérités très actuelles sur l’attitude qu’Israël devrait adopter face au Hamas.  Premièrement, face à un ennemi barbare, on se doit d’être cruel. En d’autres termes, il faut “terroriser les terroristes”. (Et qu’on ne vienne pas nous dire que les civils de Gaza sont “innocents”. Car comme l’explique le Rav Cherki, la distinction entre des soldats “coupables” et des civils “innocents” repose sur un syllogisme erroné). Enfin, l’espoir de faire progresser l’humanité vers des normes morales plus élevées n’est pas aboli, mais il concerne les temps messianiques, qui ne sont pas encore là.

 

Rav Kook : “Il fallait terroriser les barbares”

Comme je l’écrivais au lendemain du carnage d’Itamar : Nos ennemis ne changeront pas. C’est donc à nous de changer ! Cessons de nous comporter en modèles d’humanisme, en agneaux dans un monde de loups. Devenons une fois pour toutes, comme l’exigeait Jabotinsky, une ‘race fière et cruelle’. Alors que le Hamas se prépare activement au prochain round contre Israël, l’heure n’est pas aux marques d’humanité envers le Hamas, ses dirigeants et leurs familles, mais au renforcement de notre capacité de résistance et de contre-offensive. L’heure est à ‘terroriser les barbares’, selon l’injonction du Rav Kook.

Pierre Itshak Lurçat

Note

(1) Epitres du rav Kook, Igrot Re’ia, vol. 1 p. 100, cité par O. Cherki, art. cit. C’est moi qui souligne. Je renvoie également sur ce sujet à mes articles “Israël face au Hamas, Samson enchaîné”, et “Tsahal applique-t-elle trop bien le droit de la guerre face au Hamas?”, ainsi qu’aux chapitres de mon livre La trahison des clercs d’Israël consacrés au droit juif de la guerre.

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