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chretiens et juifs

Face à la guerre en Israël : Les préjugés persistants du monde (post-)chrétien envers les Juifs

November 16 2023, 15:55pm

Posted by Pierre Lurçat

BHL et Arielle Dombasle : le "visage du Christ"?

BHL et Arielle Dombasle : le "visage du Christ"?

 

1.

« J’ai tout de suite vu le visage du Christ et quelque chose de sombre comme de la cendre dans les yeux », relate Arielle Dombasle en évoquant sa rencontre avec Bernard Henri Lévy. L’anecdote relève de la presse « People », mais elle en dit long sur le regard que les chrétiens portent sur les Juifs. Or celui-ci a des conséquences qui vont bien au-delà des relations interpersonnelles, et qui concernent la politique et la géopolitique. Le « visage du Christ » ne désigne pas seulement à cet égard la manière dont le Juif est perçu physiquement, encore aujourd’hui, mais également celle dont est perçu l’Etat d’Israël et dont ses actions sont appréciées, et soutenues ou critiquées dans l’ensemble du monde occidental, chrétien et post-chrétien.

 

Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter l’interview sidérante donnée par le président français Emmanuel Macron à la BCC le 11 novembre, dans laquelle il « exhortait Israël » à « cesser de bombarder des civils » à Gaza. Au-delà de la versatilité et de l’hypocrisie du discours, déjà relevées dans ces colonnes et largement condamnées, il y a ici la manifestation d’une incapacité de juger l’événement autrement qu’à travers le regard du téléspectateur, c’est-à-dire du spectateur abreuvé d’images, qui ne peut que « condamner », « réprouver » ou « s’indigner », sous le coup de l’émotion, sans être capable de s’extraire de ce jugement émotionnel à l’emporte-pièce pour analyser l’événement.

 

2.

C’est précisément cette propension de l’homme contemporain à ne juger l’événement qu’à travers des images et les émotions qu’elles suscitent qui permet au Hamas de marquer des points dans l’opinion publique et de capitaliser sur chaque mort de civil à Gaza. Paradoxalement, c’est donc le Hamas qui a intérêt à maximiser le nombre de victimes civiles dans la population de Gaza, alors qu’Israël a intérêt à minimiser le nombre de victimes civiles (et fait tout son possible pour). Ce paradoxe tient aussi au fait que le Hamas (comme les autres organisations djihadistes) sanctifie la mort, alors qu’Israël sanctifie la vie.

 

Et le monde chrétien ? Il est apparemment encore et toujours tenté de porter sur Israël un regard déformé par deux mille ans de préjugés et « d'enseignement du mépris », comme disait Jules Isaac. Comment expliquer autrement l'attitude d'un Jospin, évoquant la « Loi du Talion » pour décrire la riposte israélienne, ignorant apparemment que la loi du Talion est en réalité une règle de proportionnalité (la fameuse proportionnalité!), qui a représenté un immense progrès par rapport aux habitudes de vengeance sans limite qui avaient cours dans le monde avoisinant de l’Israël antique, et qui sont encore usitées chez les ennemis d’Israël[1]. On reproche ainsi à Israël sa propension à la « vengeance » et au « Talion », au lieu d’apprécier son sens de la justice et de la retenue jusque dans la guerre.

 

3.

La persistance d’un regard chrétien déformé sur les Juifs dans un monde largement laïcisé montre que les préjugés ont la vie dure. Le fameux « dialogue judéo-chrétien » aurait-il échoué ? Cinquante ans après le décès de Jules Isaac, dont l’anniversaire est célébré ces jours-ci, la question mérite d'être posée. Mais en vérité, la réponse à cette question appartient aux chrétiens bien plus qu'aux Juifs. Car la question cruciale qui se pose aujourd'hui à Israël n'est pas celle de nos relations avec le monde chrétien (ou encore avec le monde musulman opposé à l'axe du Mal Iran-Hamas). Elle est celle de savoir qui nous sommes et pourquoi nous combattons.

 

            Or ces deux questions sont liées. C’est précisément lorsqu’Israël se refuse à assumer sa propre identité, celle du peuple de Dieu combattant pour la justice et pour le bien absolu, que les chrétiens et les musulmans contestent son identité et son droit sur la terre d’Israël. Quand Israël aura pleinement assumé – comme il commence à le faire ces dernières semaines – sa vocation de « Peuple Saint » et de « Peuple de Dieu », alors les autres peuples finiront par le reconnaître, et selon la prophétie d’Isaïe, « La montagne de la maison du Seigneur sera affermie sur la cime des montagnes et toutes les nations y afflueront ».

 

P. Lurçat

 

NB Mon nouveau livre, Face à l’opacité du monde, paraît ces jours-ci aux éditions l’éléphant. Il est disponible sur Amazon, B.O.D et dans les bonnes librairies. Je l’ai évoqué à l’antenne d’Antoine Mercier sur sa chaîne Youtube Mosaïque.

 

[1] Sur la déformation de la Loi du Talion dans l’Occident chrétien, voir Rafael Drai, Le mythe de la loi du Talion, éditions Hermann.

 
Face à la guerre en Israël :   Les préjugés persistants du monde (post-)chrétien envers les Juifs

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Olivier Ypsilantis - Mon intérêt pour les choses juives – 3/5

August 18 2021, 11:16am

Posted by Olivier Ypsilantis

Olivier Ypsilantis - Mon intérêt pour les choses juives – 3/5

Pierre Lurçat : Vous avez intitulé un article de votre blog “La judéité comme la dernière forme d’aristocratie“, est-ce que vous vous considérez comme un “aristocrate”, et est-ce qui vous rapproche du peuple Juif ?

 

Olivier Ypsilantis : Je vais commencer par vous répondre indirectement. L’antisémitisme est vulgaire, profondément vulgaire, toujours, il est vulgaire même – et surtout – lorsqu’il se veut distingué. Il y a parmi les antisémites des gens très intelligents et cultivés ; ils ne constituent pas le gros de la troupe mais il y en a et commencer par considérer tous les antisémites comme des crétins incultes c’est déjà perdre le combat contre l’antisémitisme. Rien de plus grave que de méjuger l’ennemi. L’antisionisme est lui aussi presque toujours vulgaire : il est rare qu’il ne serve pas de désodorant à l’antisémitisme…

Au cours de sa très longue histoire, le peuple juif a été très souvent moqué et bafoué lorsqu’il n’a pas été massacré. Il a certes connu des périodes apaisées mais il savait, et à raison, que le danger flottait au-dessus de lui. Cette menace n’était pas seulement présente en terres chrétiennes mais aussi en terres musulmanes comme l’a montré Georges Bensoussan dans sa somme « Juifs en pays arabes – Le grand déracinement, 1850-1975 ». Et permettez-moi d’ouvrir une autre parenthèse, c’est aussi (et peut-être même d’abord) parce que Georges Bensoussan a dérangé la petite image convenue d’une cohabitation tout en douceur entre Juifs et Musulmans (principalement arabes) qu’il a été traîné en justice pour islamophobie.

 

 

J’ai vécu vingt-cinq en Espagne, et notamment à Cordoue, en Andalousie. J’ai étudié de près les manœuvres (et les mensonges) de la gauche espagnole dans son ensemble, mensonges touchant à la Guerre Civile et à ses causes mais aussi à la période musulmane dans la péninsule ibérique. A en croire sa propagande, les Juifs et les Chrétiens auraient coulé des jours particulièrement heureux dans ce qui était alors un émirat puis un califat. Il est vrai que l’islam de la péninsule a été particulièrement fécond (il ne faut pas oublier la période des taifas) et que les rapports entre les trois religions y ont été grosso modo meilleurs qu’en beaucoup d’autres lieux à d’autres époques. J’ai une affection particulière pour la période de l’émirat avec la dynastie des Omeyyades issue d’un rescapé d’un massacre organisé par les Abbassides. Mais l’histoire de l’Espagne musulmane s’étend sur plusieurs siècles pleins de violences, rien à voir avec le petit tableau (idéologique) tout rose composé par Roger Garaudy : violences entre Musulmans, entre dynasties, entre Arabes et Berbères, sans oublier les muladíes, ces Chrétiens convertis à l’islam mais qui se révoltèrent contre le mépris que professaient les Arabes envers tout ce qui n’était pas arabe. Et n’oubliez pas que Maïmonide a pris le chemin de l’exil suite à la conquête de Cordoue par les Almohades, une dynastie d’origine berbère. Et Averroès le Musulman ? Lui aussi a eu de graves problèmes avec les Almohades. Rien n’est simple contrairement à ce que veut nous faire accroire Roger Garaudy, rien ! Mais si pour l’authentique historien tout est complexe, pour l’idéologue (et Roger Garaudy n’est qu’un idéologue) tout est simple puisqu’il formate le réel de manière à ce qu’il entre dans le cadre de son idéologie.

Mais j’arrête avec Roger Garaudy (un méprisable négationniste par ailleurs), ce qui pourrait me conduire à vous exposer l’attitude de la mairie de Cordoue (alors de gauche) et ce partant de la gauche espagnole dans son ensemble à l’égard d’Israël ; et je puis vous dire que ça pue, que ça empeste et qu’il y a longtemps que j’ai renversé la table.

J’en reviens à cette notion d’aristocratie, en sens générique du terme entendons-nous. Cet acharnement contre le peuple juif est un acharnement de masse contre un peuple très ancien et porteur d’un message très particulier qui en fait un message universel. Si le peuple juif n’était qu’une secte occupée à diverses bizarreries, il ne m’intéresserait pas tant et je passerais. J’ai très tôt pressenti que le peuple juif, ce peuple à la fois très ancien et très moderne, très moderne parce que très ancien, que ce peuple très particulier et universel, universel parce que très particulier, était porteur d’un message, un message qui ne s’adressait pas seulement au peuple juif mais à tous et sans l’intermédiaire de Jésus-Christ ou de Mahomet.

Pourquoi mon intérêt pour « les choses juives » – et je reprends votre expression ? Je reviens sur ce que j’ai écrit. C’est en grande partie parce que le peuple juif est si particulier et donc universel que je l’étudie et l’écoute. Au fond, tous ceux qui s’en prennent « aux Juifs » s’en prennent plus ou moins consciemment à un substrat sur lequel nous reposons tous, eux et nous, un substrat dont ils sont en priorité les responsables et en aucun cas les propriétaires. Ils sont les dépositaires de quelque chose qui est destiné à l’humanité mais qui est passé par eux et qu’ils ont reçu alors qu’ils étaient à peine juifs, encore à moitié païens. Simone Weil ne comprend pas ou n’a pas voulu comprendre que dans le Premier Testament ce sont les Juifs qui sont les plus durement secoués par les instances supérieures, par Adonaï, car ce peuple qui s’efforce de sortir de sa gangue idolâtre retombe dans l’idolâtrie, l’adoration du Veau d’Or par exemple.

Le peuple juif a donc été témoin de quelque chose qu’il a reçu et qu’il doit transmettre à l’humanité. Il en est le gardien et le vecteur. A ce propos, la notion de « Peuple élu » est toujours aussi mal comprise, je puis l’affirmer car je parcours des fils de discussions sur des sites et des blogs et cette accusation ne cesse de revenir. Les Juifs se considérant comme le Peuple élu sont tenus de s’expliquer (ils sont en quelque sorte traînés devant les tribunaux) et ne doivent pas s’étonner d’avoir été et d’être si maltraités…

Le peuple juif est un Témoin, dépositaire de l’Origine, non pas jaloux, parfois méfiant, car après s’être fait traiter et se faire encore traiter de tous les noms, il arrive que l’on se referme. Non, je ne suis pas judéolâtre comme on m’accuse parfois de l’être. Le schmock est aussi présent chez les Juifs qu’ailleurs. Et je vais reprendre le bon mot d’un vieil ami aujourd’hui décédé, rescapé d’Auschwitz, qui me dit un jour, en se prenant la tête à deux mains : « Vous savez, Olivier, quand un Juif est con il est vraiment con, plus con que tous les autres ».

Le peuple juif a les caractéristiques de l’aristocratie : l’ancienneté (peuple de l’Origine et donc peuple Témoin), il est minoritaire, il est pétri d’exigences et d’abord envers lui-même. Le Peuple élu n’a pas été élu pour flemmarder et se pavaner dans les Hauteurs, au-dessus de la masse des goyim…

Puisqu’il est question d’aristocratie, je vais parler de ma famille, de ma femme. Je l’ai rencontrée pour la première fois en l’église polonaise de la rue Saint-Honoré, à Paris, un bel ensemble XVIIe siècle. J’étais assis dans les derniers rangs et elle dans les premiers rangs. Je la revois donc. Elle revenait de vacances, grande brune bronzée (elle dépassait presque tout le monde dans l’assistance) au nez busqué et aux cheveux noirs. Je me suis dit : c’est une fille d’Israël. Pourquoi ? Nous faisions partie d’un groupe de pèlerins qui s’apprêtait à partir en autocar pour la Pologne, pour le grand pèlerinage de Częstochowa. La Pologne était alors un pays assez fermé et ce pèlerinage était l’occasion de la visiter en y marchant quelque trois cent cinquante kilomètres, de la visiter sans faire du tourisme au sens commun du mot.

Donc, en observant cette jeune femme en l’église polonaise de la rue Saint-Honoré, je me suis dit, comme malgré moi, c’est une juive convertie, réaction étrange, j’en conviens, ridicule même mais c’est ainsi. J’apprendrai peu après qu’elle portait le nom d’un grand-maître de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

Nous avons eu trois enfants et leur avons donné les noms suivants : Sarah, Raquel et David. A ce propos, je me souviens qu’un homme s’était proposé de nous guider dans la vieille ville de Jérusalem. Habituellement je refuse les guides, mais l’attitude de cet homme avait quelque chose d’émouvant. Il était juif d’origine irakienne. Devant le tombeau de David (en compagnie de notre fils David), de fait un cénotaphe, je lui ai dit que notre fils s’appelait David, et que ses deux sœurs s’appelaient Rachel et Sarah.  Il m’a regardé les yeux écarquillés en s’exclamant (en anglais) : « Vous m’avez dit que vous n’étiez pas juifs, ce n’est pas possible ! Ce sont les noms de deux des quatre matriarches d’Israël et du plus grand roi d’Israël ! » J’ai eu un instant le sentiment que je lui avais menti.

Environ deux ou trois ans après cette visite à Jérusalem, je me suis mis en tête de suivre le tracé de deux branches coupées dans l’arbre généalogique de ma femme. C’était comme si une voix me disait : « Tu dois trouver ! » Je vais passer pour un illuminé, mais c’est ainsi, comme pour Marianne Cohn, « l’inconnue de Montauban ». Mais cette double enquête allait s’avérer beaucoup plus aisée. Une branche se découvrit sans tarder, via Internet. L’autre se découvrit suite à une recherche un peu plus prolongée mais relativement simple. Ces deux branches me conduisirent au monde ashkénaze, d’Altona (dans les environs de Hambourg) à la Lorraine.

Concernant mon article intitulé « La judéité comme la dernière forme d’aristocratie », je ne le renie pas, quitte à déplaire à plus d’un. Mais entendons-nous, l’aristocratie en question est combattante, toujours sur la brèche, devant répondre à des exigences posées par elle-même et assez terribles. Que certains Juifs flemmardent et ne se cassent pas la nénette est une autre affaire. Et puis il y a Israël ; mais j’y viendrai dans la question suivante.

Puisque nous évoquons l’aristocratie, restons-y avec ce propos devenu très ambigu, car il ne l’était probablement pas dans l’esprit de Stanislas de Clermont-Tonnerre, ce propos que vous citez dans « Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain » : « Il faut tout refuser aux Juifs comme nation et accorder tout aux Juifs comme individus ». Ce propos m’a préoccupé très jeune et je vous suis reconnaissant de ne pas être un dévot des Lumières, comme trop de Juifs, les Lumières qui reposent sur un paradigme trompeur ainsi que vous le dites. J’évoque volontiers la part obscure des Lumières, quitte à me faire passer pour un affreux réactionnaire, ce dont je me moque car un réactionnaire est tout simplement un homme qui réagit. Donc, j’ai très vite pressenti que dans la belle formule de cet homme il y avait quelque chose d’inquiétant qui (à l’insu de son auteur) ouvrait la voie à un antisémitisme rajeuni, plus vigoureux que l’ancien. Je ne savais pas que Stanislas de Clermont-Tonnerre deviendrait l’un de mes parents par alliance. Ce lien n’a fait que m’inciter à réfléchir encore plus encore à cette remarque qui transporte d’aise bien des Juifs qui n’y voient que la face lumineuse, des Juifs qui ne s’éprouvent probablement que comme autant d’individus et non comme une nation ou un peuple. Ainsi que vous le faites remarquer (et vous me confirmez dans ce que j’ai toujours éprouvé), les Juifs ne sont ni une nation, ni une religion mais les deux à la fois, d’où le dialogue de sourds, trop souvent, à leur sujet. Cette particularité nation/religion a permis au peuple juif de survivre. L’Émancipation a certes amoindri l’antijudaïsme (l’antisémitisme religieux) mais il a conduit à l’antisémitisme sécularisé, raciste, biologique, plus meurtrier encore. Une fois encore, il ne s’agit pas de s’en prendre à l’homme de bonne volonté que fut Stanislas de Clermont-Tonnerre et de toujours l’envisager dans son contexte, très précis.

La formule de Stanislas de Clermont-Tonnerre se poursuit ainsi (lire l’intégralité de ce discours prononcé fin décembre 1789) : « Il faut refuser tout aux juifs comme nation et accorder tout aux juifs comme individus ; il faut méconnaître leurs juges ; ils ne doivent avoir que les nôtres ; il faut refuser la protection légale au maintien de leur corporation judaïque ; il faut qu’ils ne fassent dans l’État ni un corps politique ni un ordre ; il faut qu’ils soient individuellement citoyens. Mais, me dira-t-on, s’ils ne veulent pas l’être ? Eh bien, s’ils veulent ne l’être pas, qu’ils le disent, et alors, qu’on les bannisse. II répugne qu’il y ait dans l’État une société de non-citoyens et une nation dans la nation. Enfin, l’état présumé de tout homme domicilié dans un pays est d’être citoyen ». A méditer.

Et des souvenirs me reviennent, d’un coup. Ma grand-mère maternelle qui appartenait à une ancienne famille grecque m’a parlé plusieurs fois des Juifs lorsque j’étais enfant. Et lorsqu’elle m’en parlait sa voix tremblait. Je me souviens même que des larmes coulèrent sur ses joues. Je ne sais que dire. Elle avait un type fortement sémite ou, plus exactement, méditerranéen – je ne sais vraiment pas à quoi correspond le type sémite. Au cours de l’Occupation, elle faillit être prise dans une rafle de Juifs ; je crois que ce souvenir l’a marqué à jamais – une Madame Klein en quelque sorte…

Dans la partie grecque de ma famille, les Juifs étaient toujours évoqués avec respect : ils étaient considérés comme des égaux par l’ancienneté, la richesse de la culture, etc. On n’insistait guère sur les immenses différences entre la culture grecque et la culture juive. Son attitude se résumait à : nous sommes (très) différents mais nous sommes égaux, et c’est bien ainsi. Ma mère m’a rapporté que son grand-père lui disait que si les Grecs et les Juifs s’entendaient plutôt bien c’est parce qu’ils étaient pareillement bons en affaires. Je ne sais ce que vaut cette considération, mais je la rapporte.

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

https://zakhor-online.com/

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Olivier Ypsilantis - Mon intérêt pour les choses juives – 2/5

August 15 2021, 10:54am

Posted by Olivier Ypsilantis

Olivier Ypsilantis - Mon intérêt pour les choses juives – 2/5

Je reproduis ici l'article en feuilleton publié par Olivier Ypsilantis sur son excellent blog, dont je recommande au passage vivement la lecture, Zakhor Online. P. Lurçat

Pierre Lurçat : Vous définiriez-vous comme un ami d’Israël, comme philosémite ou comme un défenseur d’Israël, ou autrement ?

 

Olivier Ypsilantis : Je n’aime pas l’appellation « philosémite » pour une raison très simple. Aujourd’hui, à l’heure où la langue grecque, latine et les humanités sont de moins en moins enseignées, à l’heure où la culture générale de type classique est de plus en plus négligée, on voit se multiplier les mots à tonalité savante, dans le genre « homophobe », « islamophobe » et j’en passe. Donc, je préfère m’écarter de ces mots à consonance grecque qui traînent dans la bouche d’incultes qui cherchent à se passer un vernis savant avec des mots à caractère « scientifique », des mots dont la puissance de choc leur semble irrésistible.

Me présenter comme un défenseur d’Israël serait prétentieux. Je ne suis pas David Ben Gourion, je ne suis pas Moshé Dayan, je ne suis pas un combattant de la Guerre d’Indépendance ou de la guerre des Six Jours, je n’appartiens pas au Shayeret Matkal ou au Mossad. Pourtant, en 2014, au moment de la guerre à Gaza, je me suis engagé comme volontaire chez Tsahal, dans une immense base du Néguev. J’y ai travaillé durant trois semaines, dans la chaleur et la poussière, un travail très intense qui m’a enivré, je dois le dire. Je ne faisais que de la logistique arrière, j’étais en quelque sorte un homme de ménage, mais je savais que j’étais là où je devais être – et j’étais simplement heureux de porter l’uniforme de Tsahal.

La base où j’ai travaillé est très importante. C’est une base où convergent en cas d’alerte de très nombreux soldats pour s’y équiper avant de partir éventuellement au combat. Nous étions responsables des casques, des paquetages, de l’armement, des trousses de secours, bref de tout ce qui est nécessaire au combat. Tout en travaillant dans ces hangars, nous savions qu’il y avait un fort lien entre les potentiels combattants et nous. Je m’éprouve donc comme un défenseur d’Israël, ce qui est très prétentieux, un tout petit défenseur, au plus bas échelon. Mais dans une échelle, tous les échelons tiennent aux mêmes montants…

 

5 versions pour un volontariat au sein de la meilleure armée du monde – Par  Bely | Telavivre

Volontaires de Sar-El

 

J’ai effectué un deuxième séjour chez Tsahal, en Galilée, près de la frontière libanaise, et je compte en faire un troisième, avec ma femme. Le travail y était beaucoup moins rude, soutenu mais moins rude. J’étais affecté à l’entretien de pièces de Merkava II (l’histoire de ce blindé et sa conception sont passionnantes) et à celui de casques de tankistes dans un vaste local technique avec ses compartiments. J’avais mon coin, avec mes brosses, mes pinceaux métalliques, mes tournevis, mes pinces, ma ponceuse-visseuse-perceuse, mon papier de verre, mes pots de peinture, mes pinceaux et je dois en oublier. Une fois encore, j’étais là où je devais être, tout simplement. L’air conditionné n’était pas désagréable et aidait, je dois le dire. Je faisais du petit entretien qui ne demandait aucune compétence technique particulière, rien qu’une certaine minutie. Mais j’ai très vite compris que le travail que j’accomplissais devait être bien fait afin de pouvoir être poursuivi par des personnes plus qualifiées ; je l’ai compris lorsqu’une pièce m’a été renvoyée parce que je n’avais pas fait correctement ce qui m’avait été demandé, par distraction probablement. Une fois encore, j’accomplissais un modeste travail mais qui s’insérait dans une chaîne somme toute assez complexe dans laquelle j’avais ma part.

J’en reviens à votre question. Je refuse le terme philosémite (même si je le suis) pour la raison que je viens de vous exposer. Je préfère ami d’Israël ou défenseur d’Israël, même si ce dernier titre me semble bien lourd à porter. Mais attention ! En tant que non-Juif et issu d’une famille chrétienne, j’apporte une précision. Je tiens à me démarquer d’un certain sionisme chrétien, du christianisme évangélique selon lequel la renaissance de l’État d’Israël (1948) en accord avec les prophéties bibliques prépare le retour de Jésus en Christ de gloire de l’Apocalypse. Je respecte toutes celles et tous ceux qui aident Israël, d’une manière ou d’une autre, je respecte donc le christianisme évangélique, très efficace dans son aide. Mais je ne vais pas en Israël pour préparer Son retour et déjà parce que je me méfie de saint Paul et que je ne parviens pas à établir le lien entre Jésus et le Christ, entre un rabbin juif parmi tant d’autres et le plus imposant des êtres théologiques de l’histoire de l’humanité.

Car je crois au Messie mais dans le sens juif, soit un Messie à venir, pas un Messie qui est venu et qui reviendra, ce qui est une manière de boucher l’histoire humaine. Me comprendra-t-on ? Une fois encore, je respecte infiniment Jésus le Juif, ce que j’en perçois ; mais le Christ, cet être théologique, me pose problème. Tant qu’à faire, je préfère me promener du côté des créatures hybrides de la mythologie grecque. Au moins ne font-elles pas de prosélytisme et elles sont franchement esthétiques et amusantes, avec leur côté BD.

Défenseur d’Israël… Je m’efforce de défendre Israël par l’écrit, avec des articles à caractère polémique dans lesquels je dis ce que je pense des antisémites et des antisionistes, pour ne citer qu’eux ; mais ce sont les articles à caractère historique et culturel qui dominent dans ce que j’écris, sur le présent blog tout au moins. Je me méfie de l’actualité, des actualités. Leur tintamarre occulte. Je préfère prendre appui sur l’histoire et la culture qui dans le cas des Juifs sont des aires immenses. Il y a même eu des Juifs en Chine ; je les évoque sur ce blog. Je ne suis pas coupé des actualités. Je les lis presque quotidiennement dans quatre langues, ce qui est peu ; tant de langues me restent inconnues. Je préfère cependant envisager la profondeur historique, ce que je fais par exemple avec le sionisme, un mot qui suffit à donner de l’urticaire à des citoyens de diverses obédiences. Le problème de l’antisioniste, c’est qu’il n’a le plus souvent aucune connaissance du sionisme, de son histoire dense et complexe. Remarquez, il n’a pas à s’en faire : en tant qu’antisioniste il considère qu’il appartient au camp du Bien – on ne cesse de le conforter dans ce sens. Il peut donc s’épargner la connaissance, ce chemin qui n’en finit pas, splendide, mais où la fatigue et le découragement vous saisissent parfois. Beaucoup préfèrent s’affaler dans leur canapé et avaler ce qui leur est servi, soit la tambouille antisioniste. Je pourrais aller plus loin : il y a quelque chose de scatologique chez les antisémites et les antisionistes. J’y reviendrai mais pas dans le cadre de ces questions.

Etiam si omnes, ego non est un cri de guerre et de ralliement. Je ne vais pas entrer dans l’histoire de cette devise qui est aussi celle de la famille de Clermont-Tonnerre, devise qui a à voir avec saint Pierre au jardin de Gethsémani, devise qui a été reprise par Philipp von Boeselager en signe de résistance au nazisme, une figure que j’ai évoquée sur ce blog. Pour ma part, cette devise signifie mon engagement auprès d’Israël en tant qu’État. Je ne vous cache pas qu’être sioniste n’est pas une sinécure. On est sans cesse sommé de s’expliquer tandis que les antisionistes se prélassent dans leurs canapés, hamacs, chaises-longues et balancelles ; et on ne se fait pas beaucoup de potes. Mais ne pratiquant que très peu le canapé et la chaise-longue, jamais le hamac et la balancelle, et détestant le genre pote, je ne vais pas me plaindre.

D’où me vient cet attachement au judaïsme, au peuple juif et à Israël ? J’ai donné des éléments de réponse mais la question reste. Je fais avec ce mystère qui m’occupe souvent. J’ai pensé consulter un psychanalyste, un psychiatre même, juif ou goy, qu’importe !

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J’en reviens à Jésus. Pour David Flusser, spécialiste israélien de l’histoire des origines du christianisme, comme pour Shmuel Safraï, spécialiste de l’histoire du second Temple, Jésus appartenait au monde des rabbins ; il était donc proche des Pharisiens, et les indices à ce sujet ne manquent pas. Je me suis souvent demandé pourquoi l’Église s’est tant acharnée contre ces derniers. Pourquoi ne s’en est-elle pas prise plus durement aux Sadducéens, ces collaborateurs des Romains soucieux de leurs seuls privilèges ? Cet acharnement m’a très vite mis mal à l’aise ; et je n’ai pas tarder à comprendre que ce sont les Pharisiens qui ont porté le judaïsme, que c’est par cette branche que le judaïsme est venu jusqu’à nous et bien vivant. Or, en l’attaquant, l’Église affirmait plus encore sa prétention à être le « Nouvel Israël ». Non, ce n’est pas un hasard si l’Église s’en est prise et s’en prend encore et de diverses manières aux Pharisiens. La dénonciation des Pharisiens figure explicitement dans les textes fondateurs du christianisme. Vatican II a fait ce qu’il a pu, mais on ne peut s’en prendre aux textes fondateurs.

Le mouvement pharisien était une arborescence dans laquelle figurait depuis le Ier siècle av. J.-C. un courant dit hassidique, ancêtre du hassidisme du XVIIIe siècle bien que sensiblement différent. Selon Shmuel Safraï, Jésus aurait été un hassid et à ce sujet son argumentation est captivante. Et si Jésus n’a pas été un hassid, les éléments d’identification ne manquent pas entre les relations que Jésus entretenait avec les Pharisiens et celles que les hassidim entretenaient avec les rabbins. En fait, tout ce que je lis sur Jésus et qui me retient a été écrit par des Juifs, et des Juifs religieux et pratiquants.

Et le christianisme dans toute cette immense affaire ? J’ai souvent le sentiment que le christianisme tel qu’il est venu à nous est du judaïsme « infecté » par le monde grec et romain, ce qui a donné une chose étrange et énorme dans laquelle j’erre, à la fois émerveillé (voir l’immensité de la production artistique activée par les Églises chrétiennes) mais un peu perdu. L’étude du judaïsme m’aide à reprendre mes esprits, je crois pouvoir dire les choses ainsi.

Je vais vous dire quelque chose qui vous paraîtra peut-être étrange – et une fois encore, je respecte a priori toutes les croyances religieuses. J’aimerais que les Chrétiens et les Musulmans (re)deviennent d’authentiques juifs. Bon, ce que je dis n’est pas très trendy, mais le meilleur moyen de survivre aux modes est de ne pas y succomber et de les regarder passer avec amusement ou indifférence.

(à suivre)

Olivier Ypsilantis

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