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L'assassinat de Rabin et le faux messianisme de la paix, Pierre Lurçat

November 4 2018, 09:21am

Posted by Pierre Lurçat

"la trahison des clercs d'israël",osloLe soir fatidique du samedi 4 novembre 1995, des millions d’Israéliens ont entendu la voix grave d’Eytan Haber, directeur du cabinet de Rabin, déclarant dramatiquement à la radio : « Memshelet Israël modia be-tadema…» (« Le gouvernement israélien annonce avec stupéfaction…»). Le pays traversait alors des semaines d’angoisse et de colère, marquées par des attentats presque quotidiens et par le sentiment, partagé par de nombreux Israéliens, que le gouvernement d’Itshak Rabin et de Shimon Pérès était insensible aux victimes juives, civils innocents qui étaient comme sacrifiés sur l’autel de la « paix », devenue une sorte de Moloch exigeant chaque semaine son tribut sanglant.

 

Cette période est déjà lointaine, et un narratif bien différent s’est imposé dans les médias français et internationaux et aussi, dans une certaine mesure, en Israël même, en vertu duquel on entend présenter les accords d’Oslo comme une occasion manquée pour la paix au Moyen-Orient, qui aurait été perdue lorsque les balles de l’assassin de Rabin ont « tué le processus de paix ». Ce narratif est mensonger parce que le processus d’Oslo n’est pas mort à Tel Aviv. Non seulement il s’est poursuivi après l’assassinat de Rabin, mais il a même perduré bien au-delà, aucun Premier ministre, y compris Benjamin Nétanyahou, n’ayant eu le courage de dire une fois pour toutes qu’Oslo était mort et que les accords cent fois violés par la partie palestinienne étaient nuls et abrogés.

 

Le souci de vérité et d’exactitude oblige toutefois à reconnaître que le « processus de paix » - avec son cortège de morts, de mensonges et la réécriture concomitante de l’histoire en adoptant le point de vue palestinien, pour mieux faire accepter l’intronisation d’Arafat, puis de Mahmoud Abbas en « chefs d’État » – n’est pas né à Oslo. Yossi Beilin a certes été l’architecte des accords d’Oslo, avec son mentor Shimon Pérès et quelques autres, qui ont manipulé l’opinion publique israélienne, en faisant fi de l’opposition interne au parti travailliste et de la volonté du Premier ministre Rabin lui-même, demeuré jusqu’à son dernier souffle hostile aux conceptions de son rival historique.

 

 

Mais le socle idéologique et psychologique sur lequel reposent les accords n’est pas apparu du jour au lendemain, comme la création ex nihilo d’une poignée d’universitaires et d’idéologues coupés des réalités du Moyen-Orient. En vérité, force est de reconnaître que le faux messianisme de la paix qui a triomphé à Oslo était déjà en germe dans la société israélienne et dans l’esprit de ses dirigeants depuis longtemps, et notamment depuis la guerre de Kippour. Les choix fatidiques de 1993 sont en grande partie la suite logique des événements dramatiques de l’automne 1973, et c’est le traumatisme de Kippour qui a mené à celui d’Oslo et à ses suites.

"la trahison des clercs d'israël",oslo

 

Le premier à avoir compris, dans le camp arabe, la transformation qu’avait subie l’État d’Israël au lendemain de la « guerre d’octobre » fut Anouar Al-Sadate. Un certain discours le présente aujourd’hui, à l’instar de Rabin, comme un « faucon devenu colombe ». Mais ce raccourci journalistique est faux et trompeur, pour l’un comme pour l’autre. Il faut relire le dernier discours de Rabin à la Knesset pour comprendre qu’il n’a jamais renié son passé ; et il faut relire le discours de Sadate à Jérusalem , pour comprendre qu’il est lui aussi resté fidèle à ses engagements et à sa vision, conforme à la doctrine politique de l’Égypte établie depuis la Révolution des officiers libres en 1952. Le plus farouche ennemi d’Israël, admirateur d’Hitler dans sa jeunesse , ne s’est pas transformé du jour au lendemain en ami des Juifs : il a tout simplement compris que la meilleure façon de vaincre Israël était de se servir de la paix comme d’un cheval de Troie pour affaiblir et diviser l’opinion israélienne, et pour obtenir par la négociation ce que les armées arabes n’avaient pu remporter sur les champs de bataille.

 

 (Extrait de mon livre La trahison des clercs d'Israël, La Maison d'Edition)

 

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13 septembre 1993 - 13 septembre 2018 : L’histoire secrète d’Oslo - ou comment Arafat a détruit la gauche israélienne, Pierre Lurçat

September 13 2018, 13:05pm

Posted by Pierre Lurçat

13 septembre 1993 - 13 septembre 2018 : L’histoire secrète d’Oslo - ou comment Arafat a détruit la gauche israélienne, Pierre Lurçat

13 septembre 1993 - 13 septembre 2018 :

L’histoire secrète d’Oslo - ou comment Arafat a détruit la gauche israélienne, Pierre Lurçat

 

Un des plus graves dommages politiques causés par le processus d’Oslo - pendant le bref et dramatique intermède du retour de la gauche au pouvoir, entre 1992 et 1996 - aura été de porter un coup fatal à la gauche sioniste d’antan, celle du Mapaï historique, en l’entraînant dans une surenchère menée par des idéologues coupés des réalités du Moyen-Orient, qui ont réussi à imposer leurs conceptions radicales aux dirigeants du parti travailliste. Comme le relate Yigal Carmon, président de MEMRI et ancien conseiller de plusieurs Premiers ministres israéliens, dans un article passionnant sur l’histoire cachée des accords d’Oslo (1), Arafat, Yossi Beilin et Shimon Pérès ont amené Rabin à “transgresser tous les tabous et franchir toutes les lignes rouges”, en négociant avec l’OLP et en acceptant la création d’une entité arabe souveraine à l’ouest du Jourdain.


 

Dans son compte-rendu détaillé du processus ayant conduit à la signature sur la pelouse de la Maison Blanche, le 13 septembre 1993, Yigal Carmon montre bien comment le Premier ministre Rabin a petit à petit été conduit à céder sur tous les principes bien ancrés de la diplomatie israélienne, établis depuis plusieurs décennies. Entré à contre-coeur dans le processus de négociation des accords - qui avaient été négociés secrètement et à son insu par Yossi Beilin, Yair Hirshfeld et Ron Pundak - Rabin a finalement accepté toutes les conditions posées par l’OLP et par Arafat, chef terroriste intronisé en “partenaire de paix” sans avoir renoncé à aucun élément de son idéologie radicale et guerrière.


 

Ainsi, la Charte de l’OLP appelant à la destruction de l’Etat d’Israël ne fut pas abrogée, ni même modifiée (2). De manière symbolique et révélatrice, Arafat insista pour participer en personne à la cérémonie de signature sur la pelouse de la Maison Blanche, en étant revêtu de son uniforme militaire (qualifié pour l’occasion par les négociateurs israéliens de “costume vert”, euphémisme caractéristique de la Novlangue utilisée durant tout le “processus de paix”). Arafat se refusa d’ailleurs à proclamer la “fin de l’Intifada” ou de la “lutte armée’, comme l’y exhortait la partie israélienne. Bien au contraire, dans un discours à la mosquée de Johannesburg prononcé le 10 mai 1994, quelques mois après la signature des accords d’Oslo, il expliqua en arabe à son auditoire que les accords de paix étaient en réalité une “trêve provisoire”, sur le modèle de la trêve signée par le Prophète aux débuts de l’islam, et que le djihad pour “libérer Jérusalem” se poursuivrait.



 


 

En imposant leurs vues au parti travailliste et à l’Etat d’Israël tout entier, les idéologues des accords d’Oslo n’ont pas seulement amené une catastrophe pour leur pays, dont le tribut sanglant versé sur l’autel de la “paix” n’est que l’aspect le plus visible. Ils ont aussi causé un préjudice quasiment irréversible au parti travailliste, phagocytée par son aile gauche, ce “camp de la paix” qui ressemble étonnamment aux “mouvements de la paix”, comme en connaissait l’ancien bloc soviétique. Une des nombreuses conséquences de ce bouleversement politique a été le désastreux épisode Kadima, qui s’est notamment traduit par la Deuxième Guerre du Liban.


 

L’élection d’Avi Gabaï - venu des rangs de la droite et apparemment soucieux de rapprocher son parti des couches populairs de l’électorat israélien - a pu faire croire un moment à un retour du parti travailliste vers les positions du Mapaï historique. A cet égard, Gabaï aurait pu confirmer le mouvement de recentrage de la vie politique israélienne auquel on assiste ces dernières années. Un tel recentrage impliquerait l’abandon définitif du discours convenu sur la “solution à deux Etats”, en ramenant au coeur du débat les questions cruciales - largement négligées depuis Oslo - qui touchent à la société et à l’économie israélienne.


 

Pierre Lurçat

 

(1) “Oslo, l’histoire derrière la poignée demain”, http://memri.fr/2017/10/02/oslo-lhistoire-derriere-la-poignee-de-main/

(2) voir à ce sujet l’article de Claude Tencer, “La charte palestinienne est toujours en vigueur”, https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/la-charte-palestinienne-est-7217

(3) Voir https://iris.org.il/quotes/joburg.htm

 

 

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