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15 mai 1948 - 15 mai 2021 : Le mythe de la Nakba : l'origine d’un mot et le début d’une falsification de l’histoire, Pierre Lurçat

May 15 2021, 18:49pm

Posted by Pierre Lurçat

(Extrait de mon livre Les mythes fondateurs de l'antisionisme, à paraître)

Selon plusieurs sources convergentes, c’est sous la plume de Constantin Zureiq, célèbre intellectuel syrien, né dans un foyer grec orthodoxe de Damas, que le terme de Nakba serait entré dans le dictionnaire politique arabe, avant de pénétrer dans le lexique politique contemporain.

 

« La défaite des Arabes en Palestine n’est pas une calamité passagère ni une simple crise, mais une catastrophe (Nakba) dans tous les sens du terme, la pire qui soit arrivée aux Arabes dans leur longue histoire pourtant riche en drames », assène Zureiq en ouverture de son ouvrage “Ma’an al-Nakba” (“Signification de la catastrophe”).

 

En réalité, pourtant, Zureiq n’avait pas tant à l’esprit la “catastrophe” de la naissance d’Israël, que celle de l’enlisement arabe dans le passé et du refus arabe de la modernité, comme il ressort de cette citation extraite de ce même livre :

 

La raison de la victoire des sionistes est que celui-ci [Israël] est enraciné dans la modernité occidentale, alors que la plupart d’entre nous y sommes encore hostiles. Ils (les sionistes) vivent dans le présent et dans le futur, alors que nous continuons de vivre dans les rêves du passé et de nous enivrer de sa gloire disparue”.

 

Recrues de l’Armée de libération arabe à Beersheva, 1948

 

On ne saurait mieux décrire l’attitude actuelle des dirigeants palestiniens, qui brandissent la Nakba comme une arme de guerre contre Israël, au lieu de tourner leur regard vers l’avenir… Comme l’explique Shmuel Trigano (1) :

 

La défaite de leurs armées et l’échec de leur politique, qui avait refusé le partage de la Palestine mandataire, se voient ainsi, avec la « Nakba », réécrits sous la forme stupéfiante d’une injustice congénitale dont ils seraient les victimes, attachée à l’existence même d’Israël qui, pour se constituer, aurait dépossédé de sa terre un peuple innocent afin de prendre sa place. D’agresseurs les Palestiniens deviennent des victimes. Et l’extermination d’autrui devient pitié et compassion pour soi même”.

 

On est ici au coeur de ce qu’on pourrait appeler le complexe d’infériorité-supériorité, profondément ancré dans la conscience arabo-musulmane, qui consiste à transformer toute défaite en accusation contre l’autre et à remplacer toute autocritique par une démonisation de l’autre, chargé de tous les maux, selon le principe bien connu du bouc émissaire. La Nakba, dans cette perspective, devient pour les arabes une manière facile de faire porter aux Israéliens et aux Juifs la responsabilité de leur défaite et de leur incapacité à affronter leur propre histoire.

 

La première Nakba : 1920 et non 1948

 

En réalité, contrairement à la version généralement admise aujourd'hui de l’origine de l’expression Nakba dans le vocabulaire politique arabe contemporain, celle-ci n’est pas née après 1948. La première Nakba ne date en effet pas de 1948, mais de 1920 ! L’expression “am al-nakba” (“année de la Nakba”) désigne ainsi l’année 1920, et on la trouve sous la plume de l’historien arabe chrétien renommé Georges Antonius, dans son livre fameux The Arab Awakening (Le réveil arabe) : 


 


 

« L’année 1920 porte un nom maudit dans les annales arabes : on l’appelle l’Année de la Catastrophe (Am al-nakba). Elle vit les premiers soulèvements armés qui eurent lieu pour protester contre la colonisation d’après-Guerre, imposée aux pays arabes par les Alliés. Cette année-là, de graves révoltes eurent lieu en Syrie, en Palestine, et en Iraq ».

 

Ainsi, la première Nakba des Arabes de Palestine n’a pas eu lieu en 1948, mais en 1920, et elle ne concernait pas la guerre israélo-arabe, mais le partage de la “Grande Syrie” entre les deux puissances coloniales française et britannique. Comme le rappelle le professeur Steven Plaut, qui a été un des premiers à relever l’utilisation originelle du mot Nakba dès 1920 (2) :

 

“Quand les forces alliées chassèrent les Turcs du Levant, les deux puissances principales, la Grande Bretagne et la France, se partagèrent le butin. La Grande-Bretagne obtint la Palestine, y compris ce qui est aujourd'hui la Jordanie, tandis que la France obtenait le Liban et la Syrie.

Le problème était que les Arabes palestiniens se considéraient comme Syriens et étaient considérés comme tels par d’autres Syriens. Les Arabes palestiniens étaient furieux de ce qu'une barrière artificielle fût érigée au sein de leur patrie syrienne par les puissances coloniales infidèles – une frontière qui allait séparer les Arabes syriens du nord des Arabes syriens du sud, plus tard nommés, à tort, "Palestiniens".

La majeure partie des Arabes palestiniens avaient en fait émigré en Palestine, depuis la Syrie et le Liban, au cours des deux générations précédentes, majoritairement pour profiter de l'amélioration des conditions de vie et des opportunités de travail offertes par l'immigration sioniste et les capitaux qui affluaient dans la région. En 1920, les deux groupes d'Arabes syriens, ceux de Syrie et ceux de Palestine, déclenchèrent des émeutes violentes et meurtrières.

 

Rebelles dans la Ghouta en 1925 - pendant la “Grande révolte syrienne”

 

La “Nakba” désigne donc, dans son sens historique premier, la “catastrophe” du partage du Proche-Orient entre Français et Britanniques et de la fin de l’éphémère “Royaume de Syrie”, avec sa partition en Syrie du Nord et Syrie du Sud. Elle n’a rien à voir avec Israël, ni avec les “Palestiniens” (terme qui n’existait pas en 1920, les Arabes de Palestine mandataire se considérant eux-mêmes comme des Arabes et des habitants de la “Syrie du Sud” (Souriya al-Janubiyya).

Pierre Lurçat

 

NB Retrouvez la suite de mon cours sur le “mythe de la Nakba”, donné dans le cadre de l’Université populaire du judaïsme, en ligne ici, sur le site AKADEM.


 

Notes

(1) https://www.jforum.fr/les-trois-ages-du-mythe-de-la-nakba-une-deconstruction.html

(2) Voir “Comment la Nakba prouve la fiction d’une nation palestinienne” http://lessakele.over-blog.fr/article-19408041.html.

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Qu’est-ce que l’antisionisme? Pierre Lurçat

December 6 2019, 12:18pm

Posted by Pierre Lurçat

Après l’agression dont a été victime Alain Finkielkraut, en février 2019, le débat sur la nature de l’antisionisme a fait irruption dans les médias français, et jusque dans les couloirs du Parlement, où il a été question de pénaliser l’antisionisme, en en faisant une catégorie de l’antisémitisme…[1] Le président français Emmanuel Macron a lui-même déclaré que “l’antisionisme (était) une des formes modernes de l’antisémitisme…”.

 

Pour mémoire, le samedi 15 février 2019, le philosophe  Alain Finkielkraut était pris à partie par un manifestant en marge d’un cortège des Gilets jaunes, violemment insulté, et traité de "sale sioniste de merde". L’incident a soulevé une vive émotion en France et suscité un large débat.

 

 

La nature même de l’insulte incite à la réflexion : de toute évidence, lorsqu’on traite un intellectuel juif de “sale sioniste”, le mot sioniste tient lieu de mot-codé, dont le signifiant véritable est “juif”. Ainsi, dans la France aujourd’hui, comme dans l’URSS jadis, ou dans certains pays arabes, comme nous le verrons, “sioniste” est devenu pour certains l’équivalent de “juif”.

 

C’est en ce sens qu’on a pu soutenir que l’antisionisme était la forme la plus récente de l’antisémitisme. Mais, au-delà des polémiques et des joutes idéologiques, qu’en est-il vraiment? Qu’est-ce que l’antisionisme? S’agit-il de la dernière mutation de l’antisémitisme? Est-il seulement un discours radical, maniant slogans et insultes, ou bien peut-être une véritable idéologie, qui mérite d’être analysée, étudiée et si besoin réfutée?

 

Qu’y a-t-il de commun entre le manifestant parisien qui traite Alain Finkielkraut de “sale sioniste”, l’intellectuel arabe qui se dit “antisioniste” par conviction nationaliste ou islamiste, ou encore l’intellectuel juif assimilé qui prétend, lui, s’opposer au sionisme, “au nom du judaïsme”?

 

De toute évidence, il y a là des manifestations très diverses - voire totalement disparates - d’un phénomène multiforme, qu’on a peine à ranger sous le même vocable d’antisionisme. La différence entre ses manifestations très variées est-elle une simple différence de degré, ou bien s’agit-il de phénomènes véritablement distincts?

 

Prenons un exemple. Entre les deux énoncés “L’Amérique soutient Israël” et “Les Juifs dirigent l’Amérique”, il y a, de toute évidence, une différence de nature. Le premier énoncé est une affirmation factuelle, apparemment objective, qu’on peut évidemment discuter, mais qui ne contient aucun jugement de valeur apparent. Un premier glissement sémantique s’opère toutefois, lorsqu’on passe de l’énoncé “L’Amérique soutient Israël”, à “L’Amérique soutient toujours Israël”, puis à “Israël est l’instrument de l’impérialisme américain”. Nous sommes là, toutefois, dans une simple amplification du message, qui demeure malgré tout largement similaire.

 

 

Le véritable “saut” conceptuel s’effectue, lorsque l’énoncé précédent, “Israël est l’instrument de l’impérialisme américain” (ou occidental), devient cette-fois “Israël dirige la politique américaine”, ou encore, de manière plus lapidaire et radicale, “Les Juifs dirigent l’Amérique”. Cette fois-ci, le glissement sémantique n’est plus seulement quantitatif, mais qualitatif. On change de registre, et pour ainsi dire de paradigme…

 

L’historien des idées Pierre-André Taguieff définit ce procédé rhétorique, qu’on rencontre souvent dans le discours polémique, comme consistant à élargir “la cible de la stigmatisation”[2].  Il en donne pour exemple le passage de l’énoncé “tous les Juifs sont des criminels”, à l’énoncé “tous les criminels sont des Juifs”. Ce procédé rhétorique est utilisé de manière récurrente dans le discours antisioniste.

 

On en donnera un autre exemple, dans un cadre différent, avec l’affirmation que “tous les Israéliens sont des soldats”. Cette affirmation a servi au cheikh islamiste Youssouf Al-Qardawi, autorité sunnite proche de la mouvance des Frères musulmans, pour justifier les attentats du Hamas contre des civils israéliens. Dans ce cas précis, l’élargissement de la “cible de la stigmatisation”, équivaut à élargir la cible des attentats, c’est-à-dire les victimes permises par le droit islamique. Le discours antisioniste a ainsi des conséquences tout à fait concrètes, puisque la rhétorique de la haine est mise au service de la violence politique et terroriste, qu’elle justifie et qu’elle alimente.

 

Il y a donc bien, pour répondre à notre question préliminaire, une différence de degré entre ces différentes formes d’antisionisme.

 

RETROUVER LA SUITE SUR AKADEM,

 

http://www.akadem.org/sommaire/cours/sciences-politiques-les-mythes-de-l-antisionisme-pierre-lurcat/racines-et-visages-de-l-antisionisme-30-10-2019-115388_4873.php

 

[1] Débat qui a abouti à la résolution du Parlement adoptant la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA).

[2] La Judéophobie des Modernes, p. 261. Odile Jacob 2008.

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Les mythes de l'antisionisme - Mon nouveau cours en ligne dans le cadre de l'Université populaire du judaïsme

October 17 2019, 10:05am

Posted by Pierre Lurçat

Les mythes de l'antisionisme - Mon nouveau cours en ligne dans le cadre de l'Université populaire du judaïsme

Mon cours en ligne sur "Les mythes de l'antisionisme" débutera le 15 novembre, dans le cadre de l'Université populaire du judaïsme fondée et dirigée par le Pr Shmuel Trigano.

AKADEM_UNIPOPU
L’Université populaire
du judaïsme

 

Description

Le discours antisioniste actuel se décline autour de quelques thèmes majeurs, qui doivent être répertoriés et analysés, pour comprendre les ressorts et les failles de cette idéologie. La Nakba, “Sionisme = racisme”, “Israël, État d’apartheid”, etc. ne sont pas seulement des slogans, mais aussi des éléments d’une argumentation élaborée, dont il importe de décrypter la logique interne et de démonter l’articulation. Après avoir replacé l’antisionisme dans son contexte historique, nous en analyserons les principales thématiques.

 

L’enseignant
Pierre Lurçat. Avocat et traducteur. Membre du desk francophone de l’institut MEMRI à Jérusalem. Auteur de plusieurs livres sur l’islam radical, Israël et le sionisme, parmi lesquels Israël, le rêve inachevé. Quel Etat pour le peuple juif? (éd. de Paris 2018), Pour Allah jusqu’à la mort : Enquête sur les convertis à l’islam radical (éditions du Rocher 2008) et la traduction de l’Histoire de ma vie de Jabotinsky Les provinciales 2011).

 

Renseignements et inscription (gratuite) :

http://universitedujudaisme.akadem.org/cours/sciences-po/

http://akadem.imadiff.net/

 

 

Présentation

 

 

Qu’est-ce que l’antisionisme? La dernière mutation de l’antisémitisme? Un discours radical, maniant slogans et insultes, ou bien une véritable idéologie, méritant d’être analysée, étudiée et si besoin est réfutée? Quoi de commun entre le passant qui traite Alain Finkielkraut de “sale sioniste”, au cours d’une manifestation parisienne, l’intellectuel arabe qui se dit antisioniste par conviction nationaliste, ou l’intellectuel juif assimilé qui prétend, lui, s’opposer au sionisme “au nom du judaïsme”? De toute évidence, il y a là des manifestations très diverses  - voire totalement disparates - d’un phénomène multiforme, qu’on a peine à ranger sous le même vocable d’antisionisme. 


 

Dans le cadre de ce cours - qui s’étend sur six sessions - nous nous attacherons à répertorier et analyser les thèmes majeurs du discours et de l’idéologie antisioniste, pour comprendre les ressorts et les failles de cette idéologie. La Nakba, “l’exploitation de la Shoah par Israël”, “Sionisme = racisme”, “Israël, État d’apartheid”, etc. ne sont pas seulement des slogans, mais ce sont aussi des éléments d’une argumentation élaborée, dont il importe de décrypter la logique interne et de démonter l’articulation. Après avoir replacé l’antisionisme dans son contexte historique, nous en analyserons les principales thématiques.

 

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