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1942-2024 : Yaïr Stern, le poète combattant du Léhi, par Pierre Lurçat

February 4 2024, 09:41am

Posted by Pierre Lurçat

 

Il y a tout juste 82 ans, Avraham Stern – plus connu sous le nom de guerre de « Yaïr » - mourrait à Tel-Aviv, abattu par la police britannique dans l’appartement du quartier de Florentine où il se cachait. Le chef du Léhi n’était pas seulement un combattant et un dirigeant de l’ombre : c’était avant tout un poète, qui avait étudié les lettres classiques à l’université hébraïque et auquel un brillant avenir était promis… Mais Yaïr ne voulait pas devenir professeur. Il avait fait vœu de donner sa vie à la lutte pour l’indépendance d’Israël : « Tu m’es consacrée, ô ma patrie », écrivait-il dans un poème fameux. Il refusa pendant de longues années de convoler en justes noces avec sa compagne, Roni, sachant qu’elle n’aurait pas la chance d’être son épouse pour très longtemps… Le 12 février 1942, Stern tombait sous les balles anglaises, et « Yaïr » entrait dans la légende. Retour sur une figure héroïque et méconnue.

Né le 23 décembre 1907 à Souwalki, en Pologne, Avraham est le fils de Mordehaï Stern, dentiste et de Léa, sage-femme. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, son père reste en Pologne, prisonnier des Allemands, tandis que sa mère s’enfuit avec ses enfants en Russie, où ils passeront plusieurs années. Le jeune Avraham va ainsi s’imprégner de l’atmosphère particulière de la « patrie du socialisme », en pleine Révolution, et il sera membre d’un groupe de pionniers communistes. Lorsqu’il rentre en Pologne, en 1921, il maîtrise la langue russe, en plus de l’hébreu et du polonais, dans lequel il lit les poètes de la littérature romantique polonaise. Mais l’adolescent juif épris de lettres est déjà habité par une autre passion, dévorante, qui va l’emmener loin des paysages d’Europe orientale dans lesquels il a grandi : le sionisme. C’est ainsi qu’à dix-huit ans, il émigre en Eretz-Israël et s’installe à Jérusalem.

A cette époque, en 1925, l’université hébraïque est encore une institution modeste, qui vient tout juste d’ouvrir ses portes sur le mont Scopus. C’est là qu’Avraham entame ses études de lettres classiques (grecques et latines). Très vite, il est remarqué par ses professeurs, excellant en toutes les matières. Dénué de moyens, il vit d’une modeste bourse et de cours privés qu’il donne à des lycéens. Mais, loin de s’enfermer dans la tour d’ivoire des études, Stern rejoint une association étudiante sioniste, « Houlda ». En 1929, alors que les émeutes arabes viennent d’éclater, il s’enrôle dans la Haganah et prend part à la défense de Jérusalem. Lors de la scission au sein de la Haganah, en 1931, il s’engage dans les rangs de l’Irgoun, aux côtés de David Raziel. Yaïr dirige l’organe du mouvement clandestin, Hametsouda, où il publie ses premiers poèmes et notamment le fameux « Soldats anonymes » qui deviendra après sa mort l’hymne du Léhi.

 

Yair et sa femme Roni

Devenir professeur, ou mourir en combattant ?

En 1932, Stern achève ses études à Jérusalem et part à Florence pour y faire un doctorat sur « Eros dans la poésie grecque ». Comme Jabotinsky, son aîné, il subit l’influence des dirigeants italiens du Risorgimento. Mais la beauté de l’Italie ne lui fait pas oublier Sion ! Ainsi, lorsque sa compagne, Roni, lui fait part de l’offre alléchante de l’université hébraïque, qui lui propose de devenir professeur à Jérusalem, il refuse sans hésiter, déclarant qu’il préfère « mourir comme soldat anonyme que devenir un professeur fameux pendant cinquante ans… » Prémonition ou prophétie ? Dès cette époque, les poèmes de « Yaïr » sont marqués par une vision saisissante de la catastrophe qui approche, mais aussi de son destin personnel. « Aujourd’hui j’écris avec le stylo, demain avec l’épée - Aujourd’hui avec l’encre, demain avec mon sang  - Aujourd’hui sur le papier, demain – sur le dos de l’homme ». Comme Jabotinsky et d’autres, il pressent la Shoah. A la demande de David Raziel, commandant de l’Irgoun, il se rend à Varsovie pour acheter des armes.

 

Lorsqu’il rentre en Eretz-Israël, en 1934, il renonce définitivement à sa carrière littéraire pour se vouer corps et âme au combat pour l’indépendance d’Israël. Pourtant, il continue d’écrire des poèmes, se considérant comme un poète-combattant, comme il l’écrit dans ces lignes : « Les Cieux nous ont donné le Livre et l’épée – Le destin a tranché : Soldat et poète ». En 1938, il retourne en Pologne pour organiser des cellules secrètes de l’Irgoun, embryon d’une future armée juive qui devra libérer la Palestine mandataire du joug anglais, conformément au projet du mouvement sioniste révisionniste, dont l’Irgoun est la branche militaire. Mais la guerre va bouleverser tous ces plans… La publication du « Livre blanc » de mai 1939, par lequel l’Angleterre interdit toute émigration juive en Eretz-Israël, convainc une grande partie des militants de l’Irgoun que l’alliance avec la Grande-Bretagne a définitivement pris fin. Aussi après la mort de « Jabo » (août 1940), alors que le Betar et l’Irgoun se trouvent orphelins, Yaïr publie les « Onze Principes de la Renaissance », document constitutif d’une nouvelle organisation, les Combattants pour la Liberté d’Israël, plus connue sous son acronyme, Léhi. Le dernier des 18 principes est la reconstitution du Temple de Jérusalem. 

 

Contrairement à l’Irgoun et à la Haganah, qui ont conclu une trêve avec l’Angleterre au nom de la lutte contre l’Allemagne nazie, le Léhi considère que la libération de la patrie passe avant le combat contre le nazisme. Cette attitude jusqu’au-boutiste vaudra aux hommes du Léhi la haine féroce des autres mouvements clandestins, qui iront jusqu’à dénoncer les soldats de Yaïr aux autorités anglaises. Lorsque le Léhi abat trois membres de la police britannique, en janvier 1942, les Anglais lancent une chasse à l’homme contre Yaïr, dont la tête a été mise à prix. Le 12 février, l’ennemi public numéro 1 est cerné, dans l’appartement de la rue Mizrahi à Tel-Aviv, et un inspecteur de police anglais l’abat à bout portant en prétendant qu’il aurait tenté de s’enfuir… Avraham Stern est mort, le mouvement qu’il a créé est décapité et ses hommes sont pourchassés et dénoncés aux Anglais. Mais la légende de « Yaïr » est bien vivante ! 

 

  Le fils de Yair, qui porte son nom, entouré d’I. Shamir et de N. Yellin Mor, lors de la première  hazkara publique de son pèreen 1949

 

Un musée perpétue aujourd’hui la figure de Yaïr, à Tel-Aviv, dans la maison même où il a trouvé la mort (rebaptisée rue Stern), en plein quartier de Florentine. Par une curieuse ironie de l’histoire, le poète qui avait renoncé à ses études gréco-latines dans la ville de Florence est tombé en combattant à Tel-Aviv, dans un quartier portant le nom de David Florentine, Juif grec qui avait acheté le terrain…  Deux ans après la mort de Yaïr, le Léhi est reconstitué sous la direction d’un triumvirat (Nathan Yelin-Mor, Israël Eldad et Itshak Shamir, futur Premier ministre d’Israël), et le combat reprend contre l’occupant anglais, sans répit et sans pitié… L’assassinat de Lord Moyne au Caire en 1944 et les autres actions d’éclat menées par le Léhi jusqu’en 1948 joueront un rôle essentiel dans la fin du mandat britannique. Le reste appartient à l’histoire d’Israël.

Pierre Lurçat
 

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DEJA PARUS

JABOTINSKY, La rédemption sociale. Eléments de philosophie sociale de la Bible hébraïque.

JABOTINSKY, Questions autour de la tradition juive. Etat et religion dans la pensée du Rosh Betar.

GOLDA MEIR, La maison de mon père, fragments autobiographiques.

 

A PARAITRE :

JABOTINSKY, Les Arabes et nous, le mur de fer.

NORDAU. Textes sionistes.

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"Soldats anonymes" (Hayalim Almonim), l'hymne du LEHI d'Avraham Stern

February 7 2021, 18:42pm

Posted by Pierre Lurçat

 

Le Yahrzeit de Yair Stern, fondateur du LEHI (Lohamei Herout Israël, Les combattants pour la Liberté d’Israël) qui a eu lieu aujourd'hui (25 Shevat) est l’occasion de revenir sur l’apport de “Yaïr” au sionisme et à la fondation de l’Etat juif auquel il a donné sa vie. Je publie ci-dessous la traduction française de son poème “Soldats anonymes”, devenu l’hymne du Lehi.

 

Yair (Avraham) Stern (1907-1942)



 

“Soldats anonymes, nous allons sans uniforme

Au milieu de la peur et des ténèbres

Nous avons été recrutés pour toute la vie

Et seule la mort nous libèrera.

 

Par les journées rouges de destruction et de mort

Par les nuits noires du désespoir,

Dans les villes, les villages, nous lèverons l’étendard

Sur lequel est inscrit : défense et conquête.

 

Nous n’avons pas été recrutés par le fouet

Comme une foule d’esclaves

Pour verser notre sang sur une terre étrangère

Notre volonté - être toujours des homme libres

Notre rêve  - mourir pour notre terre.

 

De tous côtés, surgissent des obstacles

Que le destin cruel a placés sur notre chemin

Mais les ennemis, les espions et les prisons

Ne parviendront pas à nous arrêter.

 

Si nous tombons dans les rues, les maisons,

Nous serons enterrés en cachette, dans la nuit.

Des milliers d’autres se lèveront à notre place

Pour combattre et conquérir à tout jamais.

 

Par les larmes des mères, qui ont perdu leurs fils

Et par le sang des purs enfants

Comme par un ciment, nous attacherons nos corps

Comme des briques, et nous édifierons la patrie”.

 

 Yaïr Stern

 

Pour en savoir plus sur Yair Stern :

http://vudejerusalem.over-blog.com/2020/02/aujourd-hui-j-ecris-avec-la-plume-demain-j-ecrirai-avec-mon-sang-le-sionisme-revolutionnaire-d-avraham-stern.html

Le livre de Gerold Frank, "Le groupe Stern attaque", paru chez Robert Laffont en 1964.

 

Yair Stern, le poète combattant du Lehi

A l’occasion du 70e anniversaire de la mort d’Avraham (Yair) Stern, assassiné par la police britannique à Tel-Aviv le 12 février 1942, la 1e chaîne de télévision israélienne a diffusé en 2012 un documentaire exceptionnel sur la figure légendaire du combattant de l’ombre, fondateur et dirigeant du Lehi, réalisé par son fils.

Ce dernier, qui porte le prénom de guerre de Yair, a voulu à travers ce film suivre les traces de ce père qu’il n’a pas connu. Ancien directeur général de la télévision israélienne, Stern est en effet né en 1942, quelques mois seulement après la disparition tragique du chef du Lehi. Cet élément confère à son film une dimension supplémentaire : plus qu’un documentaire historique, il s’agit d’un film initiatique relatant la recherche par un fils des traces de son père, illustre combattant qu’il n’a connu qu’à travers les témoignages de ceux qui l’ont côtoyé, et au premier plan, de sa mère, Roni.

Le film nous emmène de Pologne en Eretz-Israël, puis en Italie, jusqu’au dénouement tragique, dans une petite rue du quartier de Florentine à Tel-Aviv. Né en Pologne en 1907, le jeune Avraham Stern monte en Israël à l’âge de 17 ans et étudie, d’abord au lycée Gymnasia Ivrit de Jérusalem, puis à l’université hébraïque (qui est à l’époque une institution encore modeste). Très vite, il se révèle un étudiant doué, passionné de littérature, de poésie et de lettres classiques.  

Engagé en 1929 dans la Haganah, il rejoint bientôt les rangs de l’Irgoun, organisation clandestine proche du mouvement sioniste révisionniste de Jabotinsky. A cette période déjà, il écrit des poèmes marqués par sa vision très particulière du combat national juif, et notamment son fameux Hayalim Almonim (« Soldats anonymes »), qui deviendra après sa mort l’hymne du Lehi.

En 1934 il part à Florence, faire un doctorat sur « Eros dans la poésie grecque ». Le film montre bien comment Yair est partagé entre sa passion des lettres classiques et son engagement politique. Dans une scène particulièrement émouvante, son fils retrouve les appréciations élogieuses des professeurs de Stern dans les archives de l’université catholique de Florence (de nombreux étudiants d’Eretz Israël partaient à l’époque étudier en Italie, comme le relate l’ancien ambassadeur Jacob Tsur dans son beau livre, Prière du matin).

Avraham Stern est tellement doué que, lorsque sa compagne lui fait part de l’offre alléchante de l’université hébraïque, qui lui propose de devenir professeur à Jérusalem, il refuse sans hésiter, déclarant qu’il préfère « mourir comme soldat anonyme que devenir un professeur fameux pendant cinquante ans… » Prémonition ou prophétie ?

Dès cette époque, les poèmes de « Yair » sont marqués par une vision saisissante de la catastrophe qui approche, mais aussi de son destin personnel. « Aujourd’hui j’écris avec le stylo, demain avec l’épée. Aujourd’hui avec l’encre, demain avec mon sang… » Comme Jabotinsky et d’autres, il pressent la Shoah. A la demande de David Raziel, commandant de l’Irgoun, il se rend à Varsovie pour acheter des armes.

Un aspect émouvant du film est la relation passionnée de Yair avec Roni, qui deviendra sa femme, après de nombreuses années d’hésitation : le combattant de l’ombre refuse en effet de lui faire partager son sort. Comme il l’écrit dans un de ses plus fameux poèmes, il a épousé la cause sioniste, ce qui laisse peu de place à la vie de famille… « Tu m’es consacrée, ô ma patrie ! ». Le Lehi, issu d’une scission au sein de l’Irgoun , représente la ligne maximaliste de ceux qui ne renonceront jamais au combat contre l’occupant anglais, même en pleine Guerre mondiale.

Lorsque Yair est assassiné en 1942 par la police britannique, le mouvement qu’il a fondé est orphelin, ses militants pourchassés et dénoncés, y compris par les membres des organisations rivales. Mais deux ans plus tard le Lehi est reconstitué, sous la direction d’un triumvirat (Yelin-Mor, Eldad et Shamir, futur Premier ministre d’Israël). Et le combat reprend contre l’occupant anglais, sans répit et sans pitié… Le reste appartient à l’histoire d’Israël. 

Pierre Lurçat

Mon nouveau livre, “Vis et Ris”, vient de paraître et est disponible en France sur Amazon, et en Israël en commande auprès de l’auteur : pierre.lurcat@gmail.com

“Une petite lumière chasse beaucoup d’obscurité”. Cet adage des Juifs hassidim de Habad me semblait alors, pendant les longues journées que je passai au chevet de ma mère, résumer parfaitement le secret de sa vie et de ses multiples combats, personnels, professionnels et intellectuels. Elle était née à Jérusalem, avait grandi et vécu à Paris, où elle avait passé toute son existence adulte. Elle avait lutté contre les gardiens de Drancy, contre les dirigeants du Parti, qui n’appréciaient guère son esprit rebelle et la soupçonnaient d’accointances “sionistes“ ; son frère n’était-il pas lieutenant-colonel de l’armée israélienne, comme elle l’avait déclaré sur un questionnaire officiel du Mouvement de la Paix, à Prague , en pleine période des procès antijuifs, avec une témérité qui frôlait l’inconscience? Elle s’était toute sa vie battue contre les partis, les institutions et les idéologies, restant jusqu’à son dernier jour un esprit libre et rebelle. Oui, ma mère avait gardé, toute sa vie durant, quelque chose d’étranger et d’insaisissable qui faisait d’elle une personne inclassable, fière et rétive”.

 

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« Aujourd’hui j’écris avec la plume, demain j’écrirai avec mon sang» : Le sionisme révolutionnaire d’Avraham Stern

February 20 2020, 14:21pm

Le petit musée de la rue Stern à Tel-Aviv est un bâtiment modeste, un petit immeuble dans le quartier de Florentine que rien ne destinait à abriter la mémoire d’un des plus grands héros juifs de la Renaissance nationale d’Israël : le fondateur et chef du Lehi, Avraham ( Yaïr ) Stern.

C’est là, il y a 78 ans jour pour jour, dans sa petite chambre au mobilier spartiate, que Stern a été lâchement assassiné d’une balle dans le dos par des policiers anglais, qui avaient lancé une impitoyable chasse à l’homme contre celui qui était devenu « l’ennemi public numéro 1 » de la Puissance mandataire occupant Eretz-Israël [Terre d’Israël].

Dans le petit appartement de la rue Stern, dont le mobilier est resté intact à sa place, on peut voir le lit où Yaïr a passé ses dernières nuits, la table où il a rédigé ses ultimes lettres à sa mère et à sa femme, Roni, et l’armoire où il s’est caché en entendant les coups frappés à la porte. La femme courageuse qui l’hébergeait, Tova Savoraï, s’est vainement interposée entre lui et les policiers anglais, pour tenter de protéger Yaïr contre les balles de ses assassins.

« Aujourd’hui, j’écris avec la plume, demain j’écrirai avec mon sang ». Ces mots prémonitoires figurent dans le poème Soldats anonymes, rédigé par Yaïr et devenu l’hymne de l’Irgoun, puis celle du Lehi après la scission entre les deux mouvements de lutte nationale, le premier ayant fait le choix stratégique de ne pas poursuivre le combat contre l’occupant anglais après le début de la Deuxième Guerre mondiale.

Yaïr n’avait pourtant, comme la plupart des pères fondateurs de l’Etat juif, aucune prédisposition pour la violence et aucun goût pour la guerre et le sang.

Il était avant tout un homme épris de liberté et un esprit assoiffé de connaissance. Il avait, comme on peut le voir dans le musée de la rue Stern, entamé de brillantes études à l’université hébraïque de Jérusalem, avant de les poursuivre à Florence, passionné de lettres classiques.

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Avraham (« Yair ») Stern (1907-1942)

C’est la nécessité de la guerre et l’ombre grandissante de la Shoah qui le convainquirent de s’enrôler dans les rangs des « Combattants pour la liberté d’Israël » (nom de l’organisation dont il fut le fondateur et le premier dirigeant – dont l’acronyme forme le mot Lehi).

« Tu m’es consacrée, ô ma patrie », écrit-il dans un poème fameux : c’est pour cette raison qu’il fit attendre l’élue de son cœur, Rona, qui devint sa femme et la mère de son unique fils, refusant tout d’abord de l’épouser, car il savait parfaitement que leur bonheur conjugal serait éphémère…

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Yair et Rona

Au-delà de son combat pour la liberté et de son sacrifice, Yaïr Stern a aussi légué aux générations suivantes son testament politique, sous forme des « Dix-huit principes de la Renaissance », qui constituent, plus encore qu’un manifeste, un véritable programme politique visionnaire et prophétique.

La plupart de ces principes sont aujourd’hui devenus réalité : souveraineté juive rétablie, importance de la force militaire, renaissance de l’hébreu, rassemblement des exilés… Mais sur d’autres points essentiels, la vision d’Avraham Stern demeure encore inaccomplie, et notamment sur un point essentiel : la reconstruction du Temple de Jérusalem.

Stern, comme d’autres pères fondateurs et dirigeants sionistes, croyait en effet que le nouvel Etat juif devait avoir pour centre spirituel la ville de Jérusalem, autour du Temple rebâti.

Sur ce point, et sur d’autres, son héritage demeure inachevé, et il reste comme un impératif lancé dans le feu et le sang de la révolte, aux habitants de l’Etat reconstruit, pour qu’ils parachèvent et accomplissent l’idéal du « soldat anonyme », tombé pour que vive notre peuple.

Aré at mekoudeshet li Moledet…
Aré at mekoudeshet li Moledet…

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Yair Stern, le poète combattant du Lehi, par Pierre I. Lurçat

January 31 2019, 14:21pm

Posted by Pierre Lurçat

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Le 25 Shevat marque le "Yarhzeit" d'Avraham Stern, dit "Yaïr", un des plus grands héros de la Renaissance nationale juive en Eretz-Israël, tombé sous les balles anglaises. יהיה זכרו בּרוך Que la mémoire de ce grand combattant soit bénie! 

 

A l’occasion du 70e anniversaire de la mort d’Avraham (Yair) Stern, assassiné par la police britannique à Tel-Aviv le 12 février 1942, la 1e chaîne de télévision israélienne a diffusé hier soir un documentaire exceptionnel sur la figure légendaire du combattant de l’ombre, fondateur et dirigeant du Lehi, réalisé par son fils. Ce dernier, qui porte le prénom de guerre de Yair, a voulu à travers ce film suivre les traces de ce père qu’il n’a pas connu. Ancien directeur général de la télévision israélienne, Stern est en effet né en 1942, quelques mois seulement après la disparition tragique du chef du Lehi. Cet élément confère à son film une dimension supplémentaire : plus qu’un documentaire historique, il s’agit d’un film initiatique relatant la recherche par un fils des traces de son père, illustre combattant qu’il n’a connu qu’à travers les témoignages de ceux qui l’ont côtoyé, et au premier plan, de sa mère, Roni.

 

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Récépissé d'inscription de Yair Stern à l'université de Florence, 1934

Le film nous emmène de Pologne en Eretz-Israël, puis en Italie, jusqu’au dénouement tragique, dans une petite rue du quartier de Florentine à Tel-Aviv. Né en Pologne en 1907, le jeune Avraham Stern monte en Israël à l’âge de 17 ans et étudie, d’abord au lycée Gymnasia Ivrit de Jérusalem, puis à l’université hébraïque (qui est à l’époque une institution encore modeste). Très vite, il se révèle un étudiant doué, passionné de littérature, de poésie et de lettres classiques. 

 

Engagé en 1929 dans la Haganah, il rejoint bientôt les rangs de l’Irgoun, organisation clandestine proche du mouvement sioniste révisionniste de Jabotinsky. A cette période déjà, il écrit des poèmes marqués par sa vision très particulière du combat national juif, et notamment son fameux Hayalim Almonim (« Soldats anonymes »), qui deviendra après sa mort l’hymne du Lehi.

Yair-Hayalim-Almonim.jpg

 

 

En 1934 il part à Florence *, faire un doctorat sur « Eros dans la poésie grecque ». Le film montre bien comment Yair est partagé entre sa passion des lettres classiques et son engagement politique. Dans une scène particulièrement émouvante, son fils retrouve les appréciations élogieuses des professeurs de Stern dans les archives de l’université catholique de Florence (de nombreux étudiants d’Eretz Israël partaient à l’époque étudier en Italie, comme le relate l’ancien ambassadeur Jacob Tsur dans son beau livre, Prière du matin).

 

160209yair.gifAvraham Stern est extrêmement doué mais, lorsque sa compagne lui fait part de l’offre alléchante de l’université hébraïque, qui lui propose de devenir professeur à Jérusalem, il refuse sans hésiter, déclarant qu’il préfère « mourir comme soldat anonyme que devenir un professeur fameux pendant cinquante ans… » Prémonition ou prophétie ?

 

Dès cette époque, les poèmes de « Yair » sont marqués par une vision saisissante de la catastrophe qui approche, mais aussi de son destin personnel. « Aujourd’hui j’écris avec le stylo, demain avec l’épée. Aujourd’hui avec l’encre, demain avec mon sang… » Comme Jabotinsky et d’autres, il pressent la Shoah. A la demande de David Raziel, commandant de l’Irgoun, il se rend à Varsovie pour acheter des armes.

 

Un aspect émouvant du film est la relation passionnée de Yair avec Roni, qui deviendra sa femme, après de nombreuses années d’hésitation : le combattant de l’ombre refuse en effet de lui faire partager son sort. Comme il l’écrit dans un de ses plus fameux poèmes, il a épousé la cause sioniste, ce qui laisse peu de place à la vie de famille… « Tu m’es consacrée, ô ma patrie ! ». Le Lehi, issu d’une scission au sein de l’Irgoun, représente la ligne maximaliste de ceux qui ne renonceront jamais au combat contre l’occupant anglais, même en pleine Guerre mondiale.

 

PikiWiki_Israel_5687_abraham_stern(yair)_grave.jpgLorsque Yair est assassiné en 1942 par la police britannique, le mouvement qu’il a fondé est orphelin, ses militants pourchassés et dénoncés, y compris par les membres des organisations rivales. Mais deux ans plus tard le Lehi est reconstitué, sous la direction d’un triumvirat (Yelin-Mor, Eldad et Shamir, futur Premier ministre d’Israël). Et le combat reprend contre l’occupant anglais, sans répit et sans pitié… Le reste appartient à l’histoire d’Israël.

 

* Documents rares concernant la jeunesse et les études de Stern en Italie sur le site http://www.freeebrei.com/home/i-documenti/sionismo/una-stella-a-firenze

Le lecteur  francophone qui veut en savoir plus sur le LEHI ("groupe Stern") pourra lire le beau livre de Gerold Frank, "Le groupe Stern attaque", paru chez Robert Laffont en 1964.

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