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guerre de kippour

De la “conceptsia” 1973 à la “conceptsia” 2023 Pierre Lurçat

February 9 2024, 10:38am

Posted by Pierre Lurçat

De la “conceptsia” 1973 à la “conceptsia” 2023 Pierre Lurçat

NB J’évoque la “Conceptsia” derrière les événements du 7 octobre au micro d’Antoine Mercier sur Mosaïque.

La « conceptsia » ou la cause profonde de l’échec sécuritaire du 7 octobre (youtube.com)

 

Les événements terribles survenus le samedi matin du 6 octobre 2023, jour de Simhat Torah, font écho à d’autres événements terribles survenus cinquante ans jour pour jour auparavant, le 6 octobre 1973. D’une guerre à l’autre, d’une “surprise” à une autre, pourquoi et comment Tsahal est-elle retombée dans le piège de l’ennemi, et quelles leçons peut-on en tirer pour l’avenir?

 

Une sinistre coïncidence

 

Dans le film Le fortin (“Stronghold”), qui décrit l’attaque égyptienne sur le canal de Suez en octobre 1973, on assiste - à travers les yeux des soldats israéliens - à la traversée du canal par l’armée égyptienne et à l’encerclement du fortin de la ligne Bar Lev. A ces images dramatiques se superposeront désormais celles, encore bien plus terribles, de l’invasion des localités du pourtour de la bande de Gaza par les terroristes du Hamas en octobre 2023. En choisissant pour lancer son offensive la journée de Simhat Torah, le Hamas (et l’Iran qui l’arme et l’inspire) a fait preuve d’une double perfidie. Le choix de cette date était à la fois un coup porté à l’euphorie de la fête juive et une atteinte au moral d’un pays marquant l’anniversaire d’une autre “surprise” militaire. 

 

Israël, qui a vécu pendant cinquante ans dans le souvenir et le traumatisme de la guerre de Kippour, devra désormais vivre avec le double traumatisme d’une double agression, survenue à la même date quasiment, à un demi-siècle d’intervalle. Mais au-delà du traumatisme, cette sinistre coïncidence interroge aussi, et surtout, la capacité de Tsahal et de l’échelon politique de tirer les leçons des échecs de la guerre de Kippour, qu’on désigne depuis 1973 par le terme de “me’hdal” (“l’échec”). L’échec d’octobre 2023 se superpose à celui de 1973, et la question des responsabilités et des échecs passés devient encore plus lancinante.

 

La “surprise” de 1973 et celle de 2023

 

En 2023 comme en 1973, Israël a été pris de court par une offensive menée de main de maître par un ennemi bien préparé, surentraîné et sachant exactement ce qu’il veut. Face à la détermination de l’ennemi, égyptien en 1973 et gazaoui en 2023, l’armée israélienne s’est trouvée en position de faiblesse, désorganisée et a mis un temps précieux à réagir et à riposter. La “surprise” de l’attaque a pris de court l’appareil sécuritaire et l’establishment militaire israéliens, qui se sont trouvés pris au dépourvu, révélant un état d’impréparation totale.

 

A de nombreux égards, la “surprise” du 7 octobre 2023 est encore plus terrible que celle d’octobre 1973. A l’époque, il s’agissait d’une offensive militaire en bonne et due forme, menée par des armées régulières sur des champs de bataille. Si le choc de Kippour a été si traumatisant pour la conscience israélienne, c’est parce qu’il renvoyait dans l’imaginaire collectif aux images d’un passé juif immémorial, auquel le sionisme pensait avoir mis fin. Dans la doctrine sioniste classique, le Juif de l’exil, victime impuissante, était en effet une figure d’un passé révolu. Or, c’est ce passé révolu que les images terribles d’octobre 1973 ont fait ressurgir dans la psyché israélienne.

 

En octobre 2023, ce traumatisme collectif a été encore plus fort, parce que nous avons subi une attaque menée comme une offensive militaire bien coordonnée (par terre, mer et air), de la part d’une milice surentraînée par une puissance militaire (l’Iran), mais dirigée autant, voire plus contre la population civile que contre les soldats. C’est cette dimension pogromiste qui a “surpris” l’armée et la société israéliennes, qui s’étaient habituées à penser, nourris par les illusions mortifères de plusieurs décennies de discours pacifistes, que le Hamas était un ennemi “classique”, partageant grosso modo les mêmes valeurs que nous…

P. Lurçat

Article paru dans Israël Magazine ©. 

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7 octobre 2023 : L’effondrement de la “conceptsia”, Pierre Lurçat

January 21 2024, 09:15am

Posted by Pierre Lurçat

7 octobre 2023 : L’effondrement de la “conceptsia”, Pierre Lurçat

 

La “conceptsia” qui s’est effondrée en Israël le 7 octobre 2023 est encore plus mensongère que celle qui régnait avant octobre 1973. Alors, il s’agissait de savoir si l’Egypte et la Syrie attaqueraient Israël et à quelle date précise, question classique pour tout service de renseignement militaire confronté à un ennemi. L’aveuglement israélien en 1973 procédait d’une forme d’hybris et de certitudes de l’échelon militaire et politique, qui ont été analysés mille fois depuis lors.

 

L’aveuglement face au Hamas est, à bien des égards, beaucoup plus grave, parce qu’il met en question notre conception même de l’ennemi, de sa nature profonde et de ses objectifs. Personne ne doutait en 1973 que Sadate voulait attaquer Israël et qu’il se donnait les moyens de le faire. La question principale était de savoir quand… (A certains égards, Israël a plutôt “surévalué” les intentions de l’Egypte, qui voulait surtout laver l’humiliation de 1967 et non pas envahir ou vaincre militairement Israël). 

 

Israël en 2023 s’est aveuglé sur le Hamas au point de penser qu’on pouvait établir un modus vivendi avec lui, de négocier avec ses dirigeants (par l’intermédiaire de l’Egypte ou d’autres acteurs) et de le “modérer” ou tout du moins de l’amadouer, au moyen de promesses et d’avantages économiques. Cette “conceptsia”, largement partagée par l’ensemble de l’establishment israélien, repose sur l’illusion mortelle de la « Pax islamica », que le Hamas nous a imposée et que nous avons acceptée, en raison d’un mélange de peur (comme me l’expliquait Simha Goldin[1], dont le fils Hadar a été capturé par le Hamas en 2014) et d’incompréhension. 

 

Face au Hamas: peur et incompréhension

 

Or, dans la vision du monde de l’islam radical – qui est celle du Hamas, du Djihad islamique et de Daesh – la peur est précisément l’élément-clé qui permet d’asseoir la domination de l’islam. C’est bien cette peur qui a été instillée dans l’esprit de nos dirigeants et leur a fait croire qu’on pouvait « acheter » un semblant de tranquillité, en faisant entrer l’argent du Qatar à Gaza et en autorisant des milliers de Gazaouis à venir travailler en Israël. 

 

Cette « conception » réside aussi dans l’idée qu’on pourrait négocier avec le Hamas des trêves provisoires, en le laissant se réarmer entre chaque manche d’affrontement armé, au lieu de considérer que son réarmement constitue un casus belli, justifiant (selon le droit international et les principes de toute doctrine militaire communément acceptée) une nécessaire intervention préventive au cœur de la bande de Gaza, pour détruire les missiles pointés contre le territoire israélien avant même leur utilisation, au lieu de se fier entièrement au système de Défense « Bouclier de fer »

 

Il y a donc, au-delà même de l’échec des services de renseignement (Aman, Shabak, Mossad), un échec conceptuel dont les racines sont plus profondes, qui concerne la manière même dont Israël appréhende le conflit avec ses ennemis actuels (Hamas au Sud, Hezbollah au Nord). Cet échec s’apparente à une sorte d’incapacité récurrente à comprendre l’ennemi, comme si les échelons dirigeants d’Israël s’obstinaient à penser avec des concepts occidentaux l’affrontement avec des ennemis qui appartiennent à un univers conceptuel et culturel bien différent, celui du monde arabe et iranien et celui de l’islam politique. C’est cette incompréhension fondamentale (dont on a déjà vu les conséquences dramatiques lors des accords d’Oslo et du retrait du Goush Katif) dont nous payons aujourd’hui le prix cruel, et à laquelle il importe de remédier au plus vite.

P. Lurçat

(Extrait d'un article paru dans Israël Magazine. Retrouvez chaque mois mes analyses dans le journal pionnier de la presse francophone en Israël!)

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La guerre de Kippour 50 ans après : Le “retour du refoulé” ou la fin du "Nouveau Juif"

September 22 2023, 12:26pm

Posted by Pierre Lurçat

L'escouade 201

L'escouade 201

La violence de la protestation actuelle pourrait s'expliquer par le choc post-traumatique d'une génération, qui revit sans cesse le traumatisme d'octobre 73 et qui refuse d'accepter que le modèle auquel elle a cru soit remplacé par autre chose… Premier volet d'une série d’articles sur le cinquantième anniversaire de la guerre de Kippour.

Dans la profusion de reportages, d'articles et de films marquant le cinquantenaire de la guerre de Kippour, une série documentaire de la chaîne publique Kan11 a retenu mon attention en particulier. « Ha-Ahat » (« The One ») relate l'histoire d'une unité de l'armée de l'air, l'escouade 201. Son intérêt principal – au-delà du récit captivant des combats, relatés par les pilotes qui ont combattu en 1973 sur les fronts égyptien et syrien – réside dans le fait que plusieurs des pilotes intervenants sont aujourd'hui des figures publiques, qui jouent un rôle actif dans le mouvement de protestation contre le gouvernement, et notamment l’ancien chef d’état-major Dan Halouts et le maire de Tel-Aviv Ron Huldaï.

 

Cette série permet de comprendre le lien direct qui relie les évènements dramatiques de 1973 et ceux de 2023. A cet égard, ce n'est pas tant un anniversaire que l'on marque en Israël aujourd'hui, que les suites d'un événement décisif, qui continue d'influer sur la société et la vie publique israéliennes. La guerre de Kippour a signifié à la fois un changement générationnel, la fin d'une époque et le début d'une autre… Comme le montre un livre passionnant du sociologue de l'université de Haïfa Oz Almog[1], c'est la fin de l’époque de « Sroulik », ce personnage créé par le dessinateur Gardosh dans les années 1950 qui incarnait le nouveau visage de l’Israélien, sympathique et décomplexé.

 

On pourrait dire, de manière schématique, que ce qui a pris fin en 1973 est le rêve du « Nouveau Juif », cet idéal partagé par toutes les tendances du mouvement sioniste, de droite ou de gauche, laïc ou religieux (sous des formes différentes). Si la guerre de Kippour est tellement présente en Israël aujourd'hui, et si la génération de 1973 joue un rôle important dans le mouvement de protestation actuel, c'est sans doute parce qu'elle a marqué un moment décisif pour la psyché collective et pour la société israélienne, moment dont nous ne sommes pas encore totalement sortis.

 

Pour caractériser ce moment essentiel, j’emploierai trois niveaux d’explication. Au niveau historique et sociologique, c’est le moment où les anciennes élites qui ont construit le pays (selon le récit de l’historiographie dominante, qui n’est évidemment pas entièrement exact) commencent à voir leur hégémonie contestée par l’émergence de nouvelles élites et par la montée en puissance du « Second Israël », celui qui va porter au pouvoir Menahem Begin quatre ans après la guerre de Kippour.

 

Au niveau symbolique et psychanalytique, c’est le moment du « retour du refoulé », c’est-à-dire le retour du Juif ancien (le « Juif éternel »), celui que le sionisme laïc avait pensé faire disparaître avec la construction d’un Nouveau Juif/Hébreu/Cananéen… Au niveau spirituel enfin, c’est le moment qu’on pourrait définir comme la "mort" de Mashiah Ben Yossef et son remplacement (actuel ou attendu) par Mashiah ben David[2].

 

Si la fin du « Nouveau Juif » est si difficile à accepter pour ceux qui ont cru à cette utopie, c'est parce qu'elle a failli réussir ! Le traumatisme de 1973, qui se perpétue jusqu'à nos jours, n'est donc pas seulement celui de l'impréparation et de la « surprise » militaire (et de la victoire devenue une « défaite » dans le discours dominant). Il est aussi et surtout celui d'une génération qui a vraiment cru incarner ce visage du nouveau Juif, fort et invincible, qui transparaît bien dans le discours des pilotes de l'unité 201.

 

La violence de la protestation actuelle pourrait ainsi s'expliquer par le choc post-traumatique d'une génération qui revit sans cesse le traumatisme d'octobre 73 et qui refuse d'accepter que le modèle auquel elle a cru soit remplacé par autre chose… Gmar Hatima tova ! (à suivre…)

P. Lurçat

 

[1] Oz Almog, Farewell to Srulik, Changing values among the Israeli Elite, Zamora Bittan 2004.

[2] Sur ce sujet, je renvoie au très beau livre de Hanan Porat, Into One Branch: Messiah the Son of Joseph, Messiah the Son of David (hébreu), Koren 2023.

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