Régime matrimonial et contrat pré-nuptial en droit israélien, par Pierre Lurçat, avocat
Comment sont partagés les biens des époux en cas de divorce? Faut-il rédiger un contrat de relations pécuniaires (heskem mamon) ou bien se soumettre au régime légal? Quelle est l’incidence de la Ketouba? Le présent article vise à répondre à ces questions courantes, en décrivant le droit des régimes matrimoniaux en Israël.
1. Le régime matrimonial légal découlant de la Loi sur les relations pécuniaires entre les époux
La loi sur les relations pécuniaires entre les époux (Hok yéhassei mamon beyn bné zoug) de 1973 fixe le principe du partage à égalité des biens entre les époux lors de la dissolution du mariage (art. 5). Ce principe s’applique à l’ensemble des biens qui leur appartenaient à la veille du mariage, à l’exception de ceux (a) qui ont été reçus par eux par voie de succession ou de donation, (b) des pensions ou indemnisations reçues des assurances nationales ou en cas d’invalidité, et (c) des biens dont les époux ont convenu par écrit qu’ils ne seront pas partagés entre eux. NB : Ce régime correspond, grosso modo, à celui de la communauté réduite aux acquêts en droit français : partage des biens communs et exclusion des biens propres.
2. Le régime conventionnel découlant d’un contrat pré-nuptial ou d’une convention de divorce
La Loi sur les relations pécuniaires entre époux de 1973 dispose que les époux peuvent établir un contrat de relations pécuniaires (heskem mamon), défini comme un “contrat entre les époux régissant leurs relations pécuniaires”. Selon la loi, ce contrat est nécessairement établi par écrit, et toute modification doit également être faite par écrit (art. 1). Dans la pratique, un tel contrat peut-être établi à tous les stades de la vie conjugale : avant le mariage (il s’agit alors d’un contrat pré-nuptial), pendant le mariage ou même lors de la dissolution du mariage (il s’agira alors d’une convention de divorce).
Outre la nécessité d’un écrit, qui relève d’une exigence de forme et de preuve, la loi dispose également que le contrat de relations pécuniaires doit être signé devant une autorité officielle, qui pourra être, selon les cas, le tribunal, le greffier aux affaires matrimoniales, ou encore devant notaire. Cette exigence vise à garantir que les parties signent le contrat de leur plein gré et en toute connaissance de cause, en étant conscientes de sa portée légale et de ses conséquences.
L’autorité qui valide le contrat devra notamment s’assurer que les parties ont bien compris le contrat, lequel devra leur avoir été lu et éventuellement traduit (art. 2). Cette exigence doit protéger la partie la plus “faible”, pour empêcher tout abus de ses droits par l’autre partie.
Dans le cas d’un contrat pré-nuptial, établi avant le mariage, la validation officielle pourra être effectuée par un notaire.
L’une des raisons justifiant cette exigence est que le contrat de relations pécuniaires prévaudra sur les dispositions de toute loi applicable, et notamment sur celles de la Loi sur les relations pécuniaires entre époux. Ainsi, il peut prévoir des dispositions moins favorables que celles de la loi, à l’égard de la répartition des biens. Dans la suite de cet article, nous verrons comment la loi répartit les biens entre les époux, en l’absence de contrat de relations pécuniaires, et quelle est l’incidence de la Ketouba.
Pierre Lurçat, avocat