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Le rêve américain, d’Ayn Rand à Brady Corbet

March 14 2025, 15:48pm

Posted by Pierre Lurçat

Le rêve américain, d’Ayn Rand à Brady Corbet

(Article paru dans Causeur.fr)

 

Ce qui rend le film The Brutalist si parlant et si fort, au-delà de ses qualités artistiques et cinématographiques, c’est son sujet à la fois tellement universel et tellement américain (et juif américain). Analyse d’un succès pleinement justifié.

 

Parmi les très nombreux articles portant sur The Brutalist, le film primé et acclamé de Brady Corbet – acteur et réalisateur américain dont c’est le troisième film – très peu ont prêté attention à une possible source d’inspiration : le roman d’Ayn Rand La source vive (The Fountainhead). Publié aux Etats-Unis en 1943, ce roman fut le premier grand succès de la romancière américaine et il fut adapté à l’écran en 1949 par King Vidor, avec Gary Cooper et Patricia Neal dans les rôles principaux.

 

La source vive raconte l’histoire d’un architecte individualiste et rebelle, dans le New York des années 1920. Son titre fait écho à une citation d’Ayn Rand : “L'ego de l'Homme est la source vive du progrès humain”. Née en 1905 dans une famille juive de St-Pétersbourg, nourrie de littérature russe et française, Rand avait émigré aux Etats-Unis en 1925. Sa philosophie individualiste et son éloge de “l’égoïsme rationnel” en ont fait une égérie des courants libertariens. Certains commentateurs décèlent aujourd’hui son influence dans la politique économique de Donald Trump.

 

Malgré la ressemblance des thèmes du film de Corbet et du roman de Rand, la romancière juive américaine et le héros du “Brutalist” incarnent pourtant une facette bien différente de l’histoire des immigrants juifs aux Etats-Unis. Le parcours d’Ayn Rand est en effet une “success story” sans faute. La jeune fille juive, arrivée à l’âge de 20 ans dans son nouveau pays, y connaît une réussite impressionnante, à la fois littéraire, commerciale et intellectuelle (au point que son roman le plus connu, La Grève, est parfois cité comme le livre le plus influent après la Bible). Des chefs d’Etat aussi différents que Ronald Reagan, Hillary Clinton ou Donald Trump se réfèrent à elle.

 

The Brutalist, de son côté, relate plutôt la “face sombre” du rêve (juif) américain. Lorsque Laszlo Toth, le héros du film, débarque à Ellis-Island, il a derrière lui un parcours réussi d’architecte à Budapest, mais sa carrière est brisée par le nazisme. Rescapés de Dachau et de Buchenwald, lui et sa femme finiront par se retrouver aux Etats-Unis, après des années de séparation. Au-delà du traumatisme durable de la Shoah, c’est surtout l’ambivalence de l’attitude américaine envers les Juifs qui est relatée avec talent par le film de Corbet. L’admiration que voue à Toth son bienfaiteur Harrison von Buren se double en effet d’un mépris à peine voilé, qui culmine dans la scène marquante du viol en Italie.

 

Grand film à petit budget, porté par l’excellent acteur Adrien Brody (Le pianiste), The Brutalist raconte l’histoire universelle du combat pour la vie et pour la survie, dans un environnement étranger et souvent hostile. Comme l’expliquait Le Corbusier, à propos du courant architectural “brutaliste” – qui donne au film son titre – “l’urbanisme est brutal parce que la vie est brutale”. Mais le film de Corbet réussit à décrire cette brutalité avec retenue et de manière subtile. Son succès planétaire bien mérité est la preuve que le cinéma a encore et toujours quelque chose à nous dire.

P. Lurçat

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Pierre-André Taguieff: Itinéraire d’un intellectuel philosémite, par Pierre Lurçat

March 10 2025, 08:05am

Posted by Pierre Lurçat

Pierre-André Taguieff: Itinéraire d’un intellectuel philosémite, par Pierre Lurçat
Pierre-André Taguieff: Itinéraire d’un intellectuel philosémite, par Pierre Lurçat

J'ai interviewé P.A. Taguieff pour Israël Magazine. L'historien des idées y revient sur son parcours intellectuel et personnel. Extraits:

Pierre Lurçat : Vous êtes l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages, dont plusieurs portent sur l’antisémitisme et sa forme contemporaine, l’antisionisme. Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à ce sujet, et d’où vient votre proximité avec le peuple Juif ?

Pierre-André Taguieff : Les meilleurs amis de mes parents, à Paris, étaient des Juifs russes que ma mère, secrétaire de Mairie d’un village du Massif central durant l’Occupation, avait aidés. J’ai été fortement imprégné par cette culture judéo-russe. En 1965-1966, à la faculté de Nanterre, j’ai rencontré Talila, qui chantait en hébreu aussi bien qu’en yiddish. Nous nous sommes beaucoup aimés et cet amour a été aussi pour moi une nouvelle porte d’entrée dans la culture juive. J’ai publié en septembre 1979 une étude musicologique intitulée « Fragments de la chanson yiddish », avec des traductions de Talila. Après la naissance de notre fille Flore, lorsqu’on me demandait si j’étais juif, je répondais : « Je suis juif par ma fille. »

PL. On vous présente parfois comme l’élève du grand historien de l’antisémitisme Léon Poliakov, pouvez-vous préciser ?

PAT. En 1979-1980, après l’avoir lu avec passion, j’ai rencontré Léon Poliakov. Nous avons aussitôt sympathisé. Il m’a encouragé à publier mes premières études sur la question antijuive.  C’est ainsi que j’ai fait paraître en 1982 un article dans la revue Sens, titré significativement « L’antisionisme arabo-islamophile ».

Au cours de ces mêmes années, mes conversations avec Vladimir Jankélévitch, dont j’avais suivi auparavant les conférences à la Sorbonne m’ont également beaucoup inspiré. J’ai consacré à sa pensée une étude publiée en 1985, peu après sa mort, dans les Cahiers Bernard Lazare : « Vladimir Jankélévitch : les apories de l’éthique et la musique de la métaphysique ».

Enfin, en 1982-1983, par l’intermédiaire de mon amie Élisabeth de Fontenay, j’ai rencontré Claude Lanzmann, qui m’a proposé d’écrire dans Les Temps Modernes.  En novembre 1989, j’y ai publié un long article titré « La nouvelle judéophobie. Antisionisme, antiracisme, anti-impérialisme », préfiguration de mon livre paru en janvier 2002, La Nouvelle Judéophobie

PL. Êtes-vous déjà venu en Israël ?

PAT. À l’âge de 18 ans, j’ai voyagé à travers Israël pendant deux mois avec un ami français, occasion de rencontrer des Israéliens de milieux très divers. C’était en juillet-août 1965. Un voyage-découverte qui m’a autant appris qu’enthousiasmé...

(Lire la suite dans le dernier numéro d'https://israelmagazine.co.il/https://israelmagazine.co.il/)

Taguieff et Talila (c) Collection personnelle PAT

Taguieff et Talila (c) Collection personnelle PAT

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Oded Lifshitz (1940-2023): vie et mort d’un pacifiste israélien

March 5 2025, 08:40am

Posted by Pierre Lurçat

Oded Lifshitz (1940-2023): vie et mort d’un pacifiste israélien

(Article paru dans Causeur.fr)

Oded Lifshitz, dont la dépouille mortelle a été ramenée en Israël dans le cadre des négociations entre Israël et le Hamas le 20 février dernier, n’était pas seulement un des fondateurs du kibboutz Nir Oz et un militant pacifiste. Journaliste et figure du mouvement kibboutzique, il était aussi un idéaliste invétéré. Son itinéraire et sa mort tragique aux mains du Hamas illustrent de manière emblématique l’erreur de ceux qui ont cru – envers et contre tout – à une paix possible avec leurs voisins de Gaza.

 

Nous avons reçu un coup terrible de ceux-là mêmes que nous avions tant aidé…” a déclaré sa veuve, Yocheved Lifshitz, elle-même détenue par le Hamas et libérée au bout de 50 jours. “Oded était un combattant de la paix. Il entretenait d’excellentes relations avec les Palestiniens, et une des choses qui me font le plus de mal c’est qu’ils l’ont trahi”, a-t-elle expliqué lors d’une cérémonie organisée par le Centre Pérès pour la paix. De fait, quelle mort plus terrible peut-on imaginer pour un militant pacifiste, que d’être assassiné par ceux-là mêmes pour lesquels il s’était battu toute sa vie ?

 

Journaliste au quotidien de gauche Al-Hamishmar, Oded Lifshitz avait ainsi protesté contre la création de localités juives en Judée-Samarie dès le lendemain de la guerre des Six Jours. Il s’était également opposé à l’expropriation des bédouins de la région de Rafiah au moment de la création de la localité de Yamit dans le Sinaï (laquelle fut par la suite évacuée par le gouvernement de Menahem Begin). Lifshitz était aussi, comme l’a rappelé récemment Amnon Lord dans les colonnes d’Israël Hayom, un des premiers journalistes israéliens – sinon le premier journaliste au monde – à pénétrer dans les camps de Sabra et Chatila après les massacres commis par les phalangistes chrétiens libanais.

 

Toute la carrière journalistique et politique d’Oded Lifshitz était celle d’un pacifiste et d’un idéaliste invétéré. A cet égard, il incarne l’erreur de ceux qui – au sein des kibboutz frontaliers de Gaza – avaient cru pouvoir tisser des liens d’amitié avec leurs voisins de l’autre côté de la frontière, en les aidant à recevoir des soins médicaux en Israël et en leur faisant traverser la barrière de sécurité pour les transporter dans leurs véhicules personnels. L’idéalisme de Lifshitz et de tous les autres représentants du pacifisme israélien est certes sympathique en apparence, mais il est en réalité dangereux. L’enfer est pavé de bonnes intentions, comme le savent bien les Israéliens depuis le 7-Octobre.

 

En nourrissant et en soignant les habitants de Gaza, Oded et ses camarades n’ont nullement atténué la haine inextinguible de ceux-ci envers Israël. Les exactions commises le 7-Octobre - contre les habitants des kibboutz frontaliers de Gaza et contre les jeunes soldates observatrices non armées - ont été commises non seulement par les soldats du Hamas, mais aussi par les civils de Gaza. La leçon terrible doit être apprise pour les générations à venir : le pacifisme n’apporte jamais la paix. Il est un poison mortel qui anéantit nos capacités de défense et nous expose aux attaques mortelles de nos ennemis.

 

Le pacifisme israélien – depuis la lointaine époque du “Brith Shalom” dans les années 1930 et jusqu’à nos jours – réapparaît à chaque génération, reposant sur la promesse fallacieuse de mettre fin au conflit et sur l’annonce mensongère de la “der des der”. Mais loin d’apporter la paix, il est le plus souvent le meilleur moyen de générer de nouvelles guerres et de nouveaux massacres. “Si vis pacem, para bellum”.

P. Lurçat

NB Mon nouveau livre, L’étoile et le poing, Histoire secrète de l’autodéfense juive en France depuis 1967, sort ces jours-ci. Il est disponible sur Amazon et B.O.D.

Oded Lifshitz (1940-2023): vie et mort d’un pacifiste israélien

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Attention danger ! Le Ramadan a commencé... La violence et le sacré dans l’islam (II)

February 28 2025, 13:32pm

Posted by Pierre Lurçat

Attention danger ! Le Ramadan a commencé... La violence et le sacré dans l’islam (II)
Attention danger ! Le Ramadan a commencé... La violence et le sacré dans l’islam (II)

 

Avec le début du mois du Ramadan, marqué comme chaque année par une nouvelle vague de violences en Israël et partout dans le monde, il est utile de s’interroger sur le sujet, largement tabou, du lien entre Islam et violence. Deuxième volet d’une série d’articles sur l’islam, la violence et le sacré. (Lire la première partie ici)

 

Dans l’islam, le sacré a quelque chose à voir avec la violence… L’attaque meurtrière du 7-Octobre a été dénommée “Déluge d’Al Aqsa”, non pas pour désigner un objectif militaire (Jérusalem), dont le Hamas n’a que faire (après tout, les cibles de ses attaques étaient des habitants de kibboutz laïques de gauche, pas des Juifs religieux de Jérusalem), mais pour signifier à un niveau plus profond qu’aux yeux du Hamas, la violence et la guerre ont un rapport intime avec la sacralité musulmane et avec les “lieux saints” de l’islam (Al Aqsa).

 

Pour comprendre ce lien paradoxal, il faut s’interroger sur les rapports entre le sacré et la violence depuis les origines de l’islam et jusqu’à nos jours. Ma première hypothèse, lorsque j’ai publié mes deux livres sur l’islam, le premier sur les Frères musulmans (Le sabre et le Coran, publié en 2005) et le second sur les convertis à l’islam radical (Pour Allah jusqu’à la mort, paru en 2008), était que cette violence était une “dérive” politique radicale des mouvements islamistes contemporains… Hypothèse que j’ai empruntée à de nombreux auteurs, experts du sujet et auteurs d’ouvrages de référence sur les Frères musulmans et sur l’islam radical.

 

Mais depuis lors, et surtout depuis le 7-Octobre, j’ai dû me rendre à l’évidence : la violence est intrinsèque à l’islam, car elle découle de sa vision la plus enracinée et la plus authentique du sacré, et non d’une quelconque dérive contemporaine… La meilleure “preuve” (si besoin était) est le fait terrible – et quasiment occulté par les médias occidentaux – que les horreurs du 7-Octobre ont été commises principalement par des civils de Gaza, ces mêmes civils que leurs voisins juifs habitant les kibboutz frontaliers emmenaient en Israël pour y bénéficier de soins médicaux… Humains, trop humains!

 

A cet égard, Abdelwahab Meddeb s’est trompé : l’islamisme n’est pas la “maladie de l’islam”, mais bien la forme contemporaine de l’islam le plus authentique, tel qu’il s’est développé depuis les origines. Comment comprendre ce rapport étroit entre violence et sacré ? Pour tenter d’apporter une réponse à cette question cruciale, il faut se souvenir que dans l’islam, comme cela a été rappelé depuis le 7-Octobre, il n’existe pas de valeurs autonomes et universelles, et pas d’impératif moral catégorique, philosophique ou religieux. Tout musulman doit se conforter aux préceptes et à l’exemple du Prophète… Or, c’est là que le bât blesse, le Prophète n’était pas – comme Moïse ou Jésus – un homme de paix ou un simple prédicateur, mais avant tout un chef de guerre, cruel et barbare.

 

Deuxième rappel historique, l’islam – comme l’a bien montré Dominique Urvoy – est traversé par une ambivalence fondamentale, entre un narratif triomphant (celui du Coran de Médine) et un narratif victimaire (celui de La Mecque). Or ce “double discours” persiste jusqu’à nos jours. Quand le Hamas attaque Israël, il prétend se “défendre” (tout comme Hitler affirmait se “défendre” contre le soi-disant “péril juif”). Et la porte-parole du Hamas en France, Rima Hassan, explique elle aussi que les exactions et les crimes du Hamas sont “conformes au droit international”, puisque celui-ci autorise les peuples colonisés à “se défendre”... (à suivre…)

P. Lurçat

 

NB Mon nouveau livre, L’étoile et le poing, Histoire secrète de l’autodéfense juive en France depuis 1967, sort ces jours-ci. Il est disponible sur Amazon et B.O.D.

Qui a tué François Duprat, le fondateur du Front national ? Les mouvements juifs d'autodéfense se sont-ils imposés des limites dans le recours à la violence ? Quels étaient leurs liens avec les époux Serge et Béate Klarsfeld ? Le combat contre l'extrême droite néonazie était-il justifié ? Les mouvements juifs ont-ils été protégés par le pouvoir politique, notamment à l'époque de François Mitterrand ? Ont-ils été manipulés dans un but politique ? Autant de questions auxquelles vous trouverez des réponses en lisant L'étoile et le poing - Histoire secrète de l'autodéfense juive en France depuis 1967.

 

Mon premier livre sur l'islam, paru en 2005

Mon premier livre sur l'islam, paru en 2005

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Comment vaincre face à un ennemi inhumain : “Terroriser les barbares”

February 21 2025, 12:38pm

Posted by Pierre Lurçat

Comment vaincre face à un ennemi inhumain :  “Terroriser les barbares”

 

Dans son poème programmatique, Chir Betar, Jabotinsky avait énoncé cet impératif pour le peuple Juif : devenir un “peuple intelligent, généreux et cruel”. Ces mots qui peuvent sembler énigmatiques – rédigés il y a plus de cent ans – prennent un sens nouveau et très actuel aujourd’hui. Au-delà de l’intelligence et de la générosité qui sont très répandues aujourd’hui dans la société israélienne, c’est en effet la troisième qualité qui fait défaut à notre peuple, face à des ennemis barbares assoiffés de sang juif.

 

Humains, trop humains”! L’expression de Nietzsche décrit parfaitement le talon d’Achille d’Israël dans sa guerre existentielle contre le Hamas. Comment triompher du mal absolu, lorsqu’on incarne le Bien et les valeurs morales léguées par Israël à l’humanité ? La question, au-delà de ses aspects philosophiques et théologiques, a des conséquences bien concrètes qu’on peut énoncer ainsi : comment Israël, son armée et sa population peuvent-ils vaincre, face à un ennemi qui aime la mort et qui éprouve une véritable jouissance à commettre le mal ?

 

Dans un article éclairant publié en 2007 dans la revue Forum Israël[1], le rabbin Oury Cherki abordait cette problématique, tout en montrant l’inanité de l’expression – qui revient sans cesse dans le débat public depuis le 7 octobre – de “civils innocents” à propos des habitants de Gaza. “Dieu, Lui, juge les hommes. Il sait qui est juste et qui est injuste. Mais partir à la guerre pour tuer des coupables et épargner des innocents, c’est se tromper sur la nature même de la guerre… L’ennemi est à considérer en tant qu’entité collective, c’est une chose qui a été oubliée et qui est le symptôme d’une dégradation morale qu’il faut dénoncer”.

 

Dans la suite de son article, le Rav Cherki aborde également la nécessité d’être cruels face à des ennemis inhumains, en citant le Rav Kook:  “Nous savons tous que la guerre est cruelle. Les guerres bibliques l’étaient déjà. Considérez ce que dit la Torah du traitement qu’il convient d’appliquer aux Cananéens et à Amalek. Dans une correspondance avec un de ses élèves, le Rav Kook donne très succinctement les fondements d’un code éthique de la guerre. En réponse au Rav Moshé Zaidel qui lui avant demandé pourquoi la tradition impose des guerres si violentes et parfois si cruelles, le Rav Kook répondit :

 

Pour ce qui est des guerres, il était impossible, à une époque où nos voisins étaient des loups sauvages que seul Israël ne fasse pas la guerre, car alors, les nations se seraient réunies pour nous exterminer. Bien au contraire, c’était une chose indispensable, il fallait terroriser les barbares, en employant également des moyens cruels, tout en gardant l’espoir d’amener l’humanité à ce qu’elle devrait être.

 

Ces propos du Rav Kook d’une actualité stupéfiante apportent la réponse à une question cruciale, et donnent la clé de l’attitude nécessaire de la part d’Israël pour vaincre face au Hamas et face à des ennemis inhumains en général. “Terroriser les barbares” devrait devenir le slogan de Tsahal et d’Israël. Au lieu de se complaire dans la posture de victimes et d’adopter des normes éthiques inspirées d’une vision chrétienne (que les nations de culture chrétienne n’appliquent pas elles-mêmes), Israël doit impérativement mettre à jour le “code éthique de Tsahal”* en s’inspirant des propos du rabbin Avraham Kook. L’enjeu est ni plus ni moins que notre survie.

P. Lurçat

NB Mon nouveau livre, L’étoile et le poing, Histoire secrète de l’autodéfense juive en France depuis 1967, sort ces jours-ci. Il est disponible sur Amazon et B.O.D.

*Voir aussi : Comment vaincre face au Hamas : Pourquoi le « Code éthique de Tsahal » est devenu obsolète, Pierre Lurçat

 

 

[1] O. Cherki, “Une éthique juive de la guerre”, in Forum-Israël no. 4, juin 2007.

Comment vaincre face à un ennemi inhumain :  “Terroriser les barbares”

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Parution du livre événement! L'étoile et le poing - Histoire secrète de l'autodéfense juive en France depuis 1967

February 17 2025, 09:08am

Posted by Pierre Lurçat

Parution du livre événement! L'étoile et le poing - Histoire secrète de l'autodéfense juive en France depuis 1967

 

Alors que l’existence juive est aujourd’hui menacée, le nouveau livre de Pierre Lurçat raconte pour la première fois une histoire jamais relatée à ce jour : celle de l’autodéfense juive en France depuis 1967. Du Bétar au SPCJ, en passant par l’OJD ou les Brigades juives : ces mouvements juifs activistes se sont illustrés dans la protection de la communauté juive, en ne reculant devant (presque) aucun moyen, pour affronter les ennemis des Juifs sur le territoire français.

 

L’étoile : c’est celle du drapeau bleu et blanc qui leur servait de référence. Le poing : c’est celui des militants qui ont affronté physiquement leurs adversaires idéologiques et politiques, parfois au cours de véritables batailles rangées – comme celle de l’université Censier dans les années 1970 – ou plus souvent d’actions secrètes, menées comme de véritables opérations clandestines. Le combat pour la liberté des Juifs d’URSS, le combat pour la mémoire aux côtés des époux Klarsfeld, et surtout la lutte acharnée contre l’extrême-droite néonazie: autant d’épisodes qui sont relatés en détail, à travers le récit des militants qui en ont été les protagonistes.

 

Fondé sur une enquête minutieuse, ce livre lève le voile sur un pan méconnu de l’histoire des Juifs en France après 1945. Il met en lumière l’engagement de plusieurs générations de Juifs – jeunes et moins jeunes, filles et garçons – en faveur d’Israël et de la défense de leur communauté. Il contribue ce faisant à écrire une page occultée de l’histoire des Juifs en France, alors même que ceux-ci sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur leur avenir dans la “patrie des droits de l’Homme”, où leur existence devient chaque jour plus incertaine.

 

Disponible sur Amazon, B.o.D. et dans toutes les bonnes librairies (en précisant l’éditeur B.o.D.)

 

Couverture dure

320 pages

ISBN : 9782810629145

Éditeur : BoD - Books on Demand

Disponible 12.02.2025

Prix de vente Livre : 24,00 EUR

 

Les demandes de Service de presse doivent être adressées à editionslelephant@gmail.com

Parution du livre événement! L'étoile et le poing - Histoire secrète de l'autodéfense juive en France depuis 1967

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Comment vaincre un ennemi pire que les nazis? Réflexions sur la guerre d’Israël contre le mal absolu

February 11 2025, 09:30am

Posted by Pierre Lurçat

Pire que les nazis: mise en scène du Hamas

Pire que les nazis: mise en scène du Hamas

 

Dans une interview revigorante sur la chaîne Mosaïque, le philosophe Jacques Dewitte faisait récemment remarquer que le Hamas était, à certains égards, pire que les nazis. Les images terribles des trois otages libérés samedi, dont l’état physique et le regard empli d’effroi font penser aux rescapés des camps de la mort nazis, nous rappellent que le Hamas n’a en effet rien à envier aux nazis dans son comportement à l’égard des Juifs. Depuis le 7 octobre, la comparaison a été faite à maintes reprises, souvent pour souligner la ressemblance, parfois pour marquer certaines différences entre le Hamas et les nazis.

 

Au-delà des débats théoriques, historiques ou philosophiques, cette comparaison doit permettre de tirer des leçons très concrètes pour Israël et pour le peuple Juif sur un sujet essentiel. Il s’agit de l’objectif de “victoire totale” contre le Hamas, défini comme un des objectifs de la guerre après le 7 octobre 2023. Comment en effet a été obtenue la victoire totale contre le nazisme en 1945, sinon en détruisant non seulement l’armée allemande et l’Etat nazi mis en place par Hitler, mais en infligeant aussi à l’Allemagne tout entière et à ses alliés une défaite totale, dont les images des destructions des villes allemandes sont devenues le symbole ?

 

Détruire Gaza pourquoi ?

 

A cet égard, la destruction de Gaza est un élément essentiel de la victoire totale à laquelle Israël aspire. Loin d’être un effet collatéral ou une conséquence indirecte – souhaitable ou pas – de la guerre voulue par le Hamas, il s’agit d’un impératif à la fois militaire, stratégique et moral. On ne combat pas le mal absolu avec des pincettes, ou pour dire les choses autrement, on ne détruira pas le Hamas sans infliger aux habitants de Gaza une nouvelle “Nakba”, dont ils se souviendront pour les décennies et les siècles à venir.

 

Un tel message est évidemment difficile à faire passer dans notre monde actuel, qui a oublié les distinctions élémentaires entre le bien et le mal, entre des otages innocents et des terroristes aux mains tachées de sang, qu’Israël est contraint de libérer pour faire revenir ses citoyens détenus à Gaza… Mais la question va bien au-delà de savoir si notre position peut être comprise par les chancelleries et les opinions publiques en Occident et ailleurs : elle est de savoir si nous sommes convaincus de la justesse de notre cause et de tout ce que cela implique.

 

Contenir le mal ou l’anéantir ?

 

A cet égard, la fameuse “Conceptsia” dont Israël débat depuis le 7 octobre comporte – outre ses éléments psychologiques, moraux et militaires – une dimension qu’on pourrait qualifier de théologique. Il s’agit de savoir si le mal absolu peut être simplement “contenu” (comme Israël le pensait avant le 7 octobre) au moyen d’un “mur de sécurité”, ou s’il doit être combattu et anéanti. L’erreur principale de l’avant 7 octobre pourrait ainsi être décrite comme la croyance qu’Israël – représentant du bien absolu – peut coexister avec le mal absolu incarné par le Hamas et par ses alliés.

 

La découverte la plus lourde de signification faite par la société israélienne dans son ensemble après le 7 octobre est ainsi celle de la réalité du Mal. Comme l’écrivait le philosophe Jacques Dewitte dans un article éclairant paru en 2011, “le mal existe, ou plus exactement, il persiste, il insiste…” C’est précisément l’existence de ce mal à nos frontières que nous avons oubliée pendant plusieurs décennies, et que l’attaque du 7 octobre est venue nous rappeler. Aujourd’hui, chaque Israélien et chaque Juif dans le monde sait que face au mal absolu incarné par le Hamas et par les tortionnaires de Gaza, par l’Iran et ses alliés et par tous ceux qui rêvent de nous détruire, il n’y a qu’une seule attitude possible : couper la tête de la pieuvre et anéantir tous nos ennemis, sans relâche et sans pitié. Am Israël Haï!

P. Lurçat

Le philosophe Jacques Dewitte

Le philosophe Jacques Dewitte

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Le Rav Avraham Zerbib, juge rabbinique et combattant : “J’ai détruit cinquante immeubles par jour à Gaza”

January 30 2025, 11:50am

Posted by Pierre Lurçat

Le Rav Avraham Zerbib, juge rabbinique et combattant :  “J’ai détruit cinquante immeubles par jour à Gaza”

Le rabbin Avraham Zerbib incarne à lui seul la métamorphose du peuple Juif vivant en Israël au lendemain du 7 octobre. Jusqu’au 7 octobre, il était rabbin et dayan au tribunal rabbinique de Tel-Aviv. Le 8 octobre, sa vie a basculé, comme celle de très nombreux Israéliens, et il s’est transformé en soldat. Il a passé depuis lors la majeure partie de son temps à Gaza – laissant derrière lui femme et enfants, Kollel et son travail au Beth Din – pour devenir un soldat et un combattant.

 

Le trait le plus marquant de la personnalité du rav Avraham Zerbib, tel qu’il apparaît dans les nombreuses interviews qu’il a données depuis lors, est ce mélange d’humour et de modestie propre aux grands talmidé hakhamim (Sages de la Torah). Comme il l’expliquait avec un large sourire sur la chaîne 14, répondant à Yinon Magal, qui s’étonnait de voir un homme de la cinquantaine, rabbin qui plus est, en première ligne à Gaza, “je suis devenu un habitant de Khan Younès”.

 

Zerbib fait partie intégrante de la “Sayeret Givati” (unité d’élite du corps de fantassins Givati) depuis 30 ans. A ses yeux, il était donc naturel d’accompagner son unité sur le front. Habitant de Beth-El en Samarie, il avait l’habitude de commencer sa journée – avant le 7 octobre – par un bain de mer à Tel-Aviv, avant d’entamer sa journée de juge rabbinique. Mais au-delà de la forme physique, indispensable pour un combattant de tout âge, c’est son optimisme débordant qui frappe en l’écoutant.

 

C’est d’ailleurs cet optimisme qu’on retrouve chaque soir dans l’émission “Les patriotes” (et qui tranche avec le défaitisme des médias israéliens mainstream), qui explique le succès grandissant de la chaîne 14, vers laquelle le public israélien se tourne de plus en plus. Une interview récente du rabbin Zerbib sur la 14 a fait le “buzz” sur les médias et forums anti-israéliens du monde entier : on y voit le rabbin-combattant raconter son quotidien de soldat et de conducteur de bulldozer, en expliquant qu’il a détruit une cinquantaine de bâtiments tous les jours à Gaza.

 

Aux yeux du public algérien ou mélenchonien en France, de tels propos sont révoltants. C’est d’ailleurs le “scandale” que ces propos ont suscité chez les ennemis d’Israël qui a fait découvrir la figure charismatique du rabbin Zerbib aux grands médias israéliens, qui l’avaient ignoré jusque-là. A tous ceux qui ne l’ont pas encore entendu et vu, je recommande de chercher ses interviews sur le Net. Le rabbin Zerbib est l’incarnation du “Nouveau Juif” et de cette “race fière et cruelle” à laquelle aspirait Jabotinsky. Face à des ennemis assoiffés de sang juif, nous devons prendre exemple sur lui et sur tous ceux qui savent qu’il n’y a pas de “civils innocents” à Gaza. Hodesh tov !

P. Lurçat

Le "tribunal rabbinique" de Khan Younès

Le "tribunal rabbinique" de Khan Younès

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La texture des choses. Contre l’indifférenciation, de Jacques Dewitte : Quand la philosophie éclaire l’actualité

January 26 2025, 14:43pm

Posted by Pierre Lurçat

Jacques Dewitte

Jacques Dewitte

NB J'invite mes lecteurs à écouter la riche interview donnée par Jacques Dewitte sur la chaîne Mosaïque, ici.

Le beau livre du philosophe Jacques Dewitte, intitulé La texture des choses. Contre l’indifférenciation, apporte des éléments de réponse à une question qui m’a personnellement interrogé depuis longtemps, que je formulerai ainsi. Y a-t-il un rapport entre la confusion morale du monde actuel, où le Hamas est souvent présenté comme un mouvement de “résistance”, et certaines théories en vogue, comme la fameuse théorie du genre ? La question peut sembler saugrenue, voire provocante, mais la lecture du livre de Jacques Dewitte permet de lui apporter une réponde sans équivoque.

 

Oui, il y a bien un rapport entre ces deux phénomènes, qu’on pourrait expliciter ainsi : nous vivons à l’ère de la pensée indifférenciée, qui abolit toutes les distinctions les plus élémentaires, entre les sexes, entre bien et mal, etc. Comme l’explique l’auteur, nous subissons la tentation de “se laisser aller à accepter de n’être qu’une partie d’un grand tout, ou plutôt d’un grand flux. Une tentation et une séduction de l’indifférencié qui, à mon sens, sont une attirance pour la mort”. Pour comprendre cette “tentation de l’indifférencié”, Jacques Dewitte l’appréhende à travers des domaines aussi différents que la biologie et la théorie de l’évolution, l’architecture et la théorie sociale et politique.

 

Le choix ontologique de l’Occident

 

Le point de départ de sa réflexion est l’idée très originale selon laquelle la civilisation occidentale tout entière reposerait sur un choix primordial en faveur de la différenciation : “choix ontologique premier de l’Occident, aussi bien gréco-latin que judéo-chrétien, concernant la manière de voir l’être en général ; une décision en faveur des formes différenciées”. Pour le lecteur de la Bible, cette décision renvoie immédiatement aux versets de la Genèse sur la création du monde et sur la séparation entre le jour et la nuit, entre les eaux d’en haut et celles d’en bas, etc. Le récit de la Genèse nous permet de comprendre une dimension largement oubliée dans le monde contemporain : celle du lien intrinsèque entre la faculté humaine de distinguer et de nommer les choses, et celle de choisir entre le bien et le mal.

 

Or, explique Dewitte, c’est ce “choix ontologique” premier qui est aujourd’hui remis en question, par une “uniformisation croissante” que l’auteur décèle dans différents domaines – architecture, évolutionnisme, etc. L’exemple de l’architecture est intéressant, parce qu’il parle à chacun de nous. Jadis, les bâtiments avaient des formes bien reconnaissables, qui permettaient de les distinguer immédiatement. Une usine, une église, une grange étaient reconnaissables par tous… Aujourd’hui, non seulement ils ne se distinguent plus selon leur destination, mais comme l’explique l’architecte allemand Karl Gruber, toute typologie architecturale a disparu. L’architecture n’est qu’un exemple d’un phénomène plus vaste car, affirme Leon Krier, dès lors que les bâtiments et les objets en général – ne sont plus nommables pour ce qu’ils sont et ce à quoi ils ressemblent (maison, église ou palais), c’est le “monde de la vie” tout entier qui est menacé…

 

Jacques Dewitte élargit ce constat de la “perte du monde”, dont il fait la conséquence de l’uniformisation et de l’indifférenciation. Outre les exemples qu’il analyse, on pense à celui, très actuel, de l’indifférenciation des sexes (curieusement absent de sa réflexion). Ce que l’architecte ou le constructeur modernes ont accompli dans leurs domaines respectifs, des théoriciens incomparablement plus dangereux l’ont en effet accompli dans un domaine encore plus crucial et fondamental, celui de la différence des sexes. Comme l’explique Jacques Dewitte, “on a affaire à la conception nominaliste du caractère purement fortuit et arbitraire des noms et des formes… Les formes et les noms, étant parfaitement arbitraires, sont aussi interchangeables”.

 

De l’architecture contemporaine à la théorie du genre

 

            C’est précisément le même processus qui s’est produit dans le domaine de la différenciation sexuelle, avec des conséquences bien plus dramatiques. Si, en effet, on accepte la prémisse fondamentale de la théorie du genre, selon lequel la différence sexuelle est purement arbitraire et ne correspond pas à une réalité biologique indépassable, on aboutit in fine au même résultat que celui auquel sont parvenus les architectes : les mots et les choses n’ont plus aucun rapport nécessaire. Une usine peut devenir une église et un homme une femme, et vice-versa.

 

            Un des chapitres les plus intéressants du livre de Jacques Dewitte est celui consacré à Hannah Arendt, intitulé “Faire des distinctions”. L’auteur y montre comment celle-ci s’est efforcée de rétablir certaines distinctions essentielles dans le domaine des sciences sociales et des sciences politiques – notamment entre les notions de puissance, de pouvoir, de force, d’autorité et de violence – distinctions abolies par certains courants des sciences sociales à son époque. Là aussi, nous sommes en pleine actualité. Que nous disent en effet les défenseurs du Hamas en Occident, sinon que la violence exercée par le Hamas contre les civils israéliens le 7 octobre et aussi légitime (sinon plus) que celle exercée en retour par l’armée israélienne contre les terroristes du Hamas et du Hezbollah ?

 

Dans le monde de l’indifférencié, qui peut encore condamner le terrorisme et le distinguer de l’exercice légitime de la force armée ?            Le sujet du livre de Jacques Dewitte est, on le voit, crucial à la compréhension du monde contemporain. Il permet de comprendre toute une série de phénomènes qu’on a souvent peine à relier les uns aux autres, tant ils touchent des domaines divers et aussi éloignés en apparence que les sciences sociales, le discours public, la guerre contre le terrorisme, la biologie ou l’architecture. Un essai philosophique qui éclaire notre monde.

Pierre Lurçat

(article paru sur Commentaire.fr)

La texture des choses. Contre l’indifférenciation, postface de F. Hadjadj, éditions Salvator 2004, 200p.

La texture des choses. Contre l’indifférenciation, de Jacques Dewitte : Quand la philosophie éclaire l’actualité

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Quand Alain Finkielkraut Invoque Levinas pour défendre les “civils innocents” de Gaza

January 16 2025, 11:48am

Posted by Pierre Lurçat

Quand Alain Finkielkraut Invoque Levinas pour défendre les “civils innocents” de Gaza

Le titre de cet article pourra susciter l’étonnement du lecteur. Quel rapport, en effet, entre le philosophe juif décédé il y a 30 ans et la guerre à Gaza, déclenchée le 7 octobre 2023 par le Hamas ? Cet étonnement fut aussi le mien, en écoutant la dernière émission Répliques sur France Culture. Alain Finkielkraut y recevait deux jeunes philosophes juifs français, qui viennent tous deux de publier des livres consacrés à Emmanuel Levinas. Le premier, David Haziza, est l’auteur de Mythes juifs, le retour du sacré. Le second, Dan Arbib, est notamment le maître d'œuvre (avec Danièle Cohen-Levinas) du quatrième tome des œuvres complètes de Levinas qui vient de paraître chez Grasset.

 

Dans la présentation de son émission, Alain Finkielkraut explique que Levinas a “fait entrer les traités vermoulus du judaïsme dans la pensée contemporaine…”, citant les Lectures talmudiques, Totalité et Infini ou Autrement qu’être ou au-delà de l’essence. “Le judaïsme et pas seulement la question juive”, précise Finkielkraut. Hélas, cette entrée en matière alléchante s'avère rapidement être une tromperie : car du judaïsme et de la philosophie ou de l’apport d’Emmanuel Levinas à la pensée contemporaine, il ne fut pratiquement pas question au cours de l’émission.

 

La scandaleuse accusation de “suprémacisme juif”

 

Au lieu de cela, les cinquante minutes de l’émission ont été principalement consacrées à des considérations et à des échanges sur des sujets aussi éloignés de Levinas que les “civils innocents” de Gaza, l’usage de la force par Israël ou encore… “Ben Gvir et Smotrich” (sic) et le “danger du messianisme”. Le premier à ouvrir le feu a été David Haziza, qui a expliqué comment le “mythe de l’élection” du peuple Juif avait donné lieu à des “dérives”, dont il prend pour exemple “Ben Gvir, Baruch Goldstein et Meir Kahana”, ou encore Yigal Amir. Par la suite, Haziza reprend à son compte le concept de “suprémacisme juif”, concept fallacieux dont un spécialiste des médias français avait montré il y a quelques années qu’il avait été inventé par l’antisémite américain David Duke.

 

Dans la suite de l’émission, le second invité, Dan Arbib, est revenu sur le sujet de l’élection en expliquant comment, chez Levinas, “l’essence de la subjectivité est l’élection”. A. Finkielkraut cita de son côté la conception lévinassienne du visage d’autrui et expliqua comment Levinas “fait entrer des catégories juives dans la philosophie”. David Haziza revient à la charge, en affirmant que “l’essence du judaïsme c’est l’éthique” et que même s’il “peut y avoir des débordements suprémacistes du judaïsme”, ce sont des “corruptions du judaïsme”. A. Finkielkraut abonda dans son sens en affirmant (s’appuyant sur le député israélien de gauche Gilad Kariv) que “certains en Israël sont en train de trahir la Torah”.

 

De son côté, Dan Arbib invoqua Levinas pour affirmer qu’”être Messie c’est porter secours à autrui et endosser les souffrances d’autrui”. Finkielkraut surenchérit en citant lui aussi Levinas, parlant du “fait de ne pas se dérober à la charge qu’impose la souffrance des autres…” La souffrance de qui ? Des otages et des victimes du Hamas ? Non ! Celle des “civils innocents de Gaza”... Misère de la philosophie ! Ce n’est qu’à la seizième minute de l’émission que fut rappelé le fait crucial de l’attaque abominable du 7 octobre 2023. Comme s’il s’agissait d’un « détail », pour reprendre l’expression d’un dirigeant politique français récemment décédé, adulé par un média français dont Finkielkraut est le maître à penser. Cette impression désagréable m’a d’ailleurs accompagné tout au long de l’émission : les trois intellectuels dissertaient doctement de Levinas, de la souffrance des « autres » et de l’humanité des Palestiniens, comme si rien ne s’était passé le 7 octobre 2023.

 

Levinas détourné pour attaquer Israël…

 

            Au-delà même de l’utilisation du concept scandaleux de “suprémacisme juif”, mentionné par David Haziza et repris à son compte sans la moindre réserve par Alain Finkielkraut, cette émission est donc doublement scandaleuse. D’abord, parce que Finkielkraut s’est paré de l’aura d’Emmanuel Levinas pour porter des appréciations politiques et des accusations sans fondement contre la politique et contre le gouvernement israélien. Mais aussi – et surtout – parce que l’attitude des trois intervenants de l’émission était à mille lieues de celle de Levinas lui-même à l’égard d’Israël. “Je ne me permets pas de critiquer Israël, n’ayant pas choisi de courir cette noble aventure”, avait dit en substance le philosophe. A l’encontre de cette sage modestie, Finkielkraut et ses deux invités n’ont eu cesse de porter leurs jugements à l’emporte-pièce, pour attaquer et diffamer le gouvernement israélien.

 

            Le fait même de reprocher à des ministres israéliens d’avoir affirmé qu’il n’y a pas de civils innocents à Gaza témoigne d’une totale incompréhension de la guerre qui dure depuis 15 mois. Car cette affirmation n’est nullement – comme l’ont prétendu Finkielkraut et ses invités – le fruit d’un positionnement idéologique (“les Palestiniens sont a priori coupables”), mais bien au contraire celui d’un constat empirique, qui a été celui de tous les soldats israéliens – toutes tendances politiques confondues – revenant de Gaza. Ce sont nos soldats qui ont vu de leurs propres yeux la réalité du fanatisme dans chaque maison, la présence de drapeaux du Hamas et de caches d’armes dans les lits de bébés. Dans l’Allemagne nazie, des Allemands se sont révoltés et ont tenté d’assassiner Hitler. A Gaza, le Hamas n’a fait l’objet d’aucune contestation et d’aucune tentative de révolte.

 

            Judith Butler, la “papesse” de la théorie du genre, avait jadis pris à parti Emmanuel Levinas en l’accusant – sur la base d’une citation tronquée – d’avoir prétendu que les Palestiniens n’avaient pas de visage (“faceless”). Alain Finkielkraut et David Haziza ont eux aussi détourné la pensée de Levinas en l’utilisant pour appuyer leurs opinions politiques et pour défendre la soi-disant “humanité” des habitants de Gaza, ceux qui détiennent depuis quinze mois des civils israéliens – femmes, enfants, bébés et vieillards – et qui ont commis les crimes atroces que l’on sait. En conclusion, cette émission était triplement scandaleuse. En prétendant invoquer la mémoire de Levinas pour défendre “l’humanité” des Gazaouis, Finkielkraut a insulté non seulement la vérité et diffamé les Israéliens, mais il a aussi insulté la mémoire du grand philosophe auquel il prétendait rendre hommage.

Pierre Lurçat

 

NB Le premier tome des Ecrits sionistes de Jabotinsky vient de paraître en français à la Bibliothèque sioniste, éditions l’éléphant. Disponible sur Amazon et bientôt en librairie !

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