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Oded Lifshitz (1940-2023): vie et mort d’un pacifiste israélien

March 5 2025, 08:40am

Posted by Pierre Lurçat

Oded Lifshitz (1940-2023): vie et mort d’un pacifiste israélien

(Article paru dans Causeur.fr)

Oded Lifshitz, dont la dépouille mortelle a été ramenée en Israël dans le cadre des négociations entre Israël et le Hamas le 20 février dernier, n’était pas seulement un des fondateurs du kibboutz Nir Oz et un militant pacifiste. Journaliste et figure du mouvement kibboutzique, il était aussi un idéaliste invétéré. Son itinéraire et sa mort tragique aux mains du Hamas illustrent de manière emblématique l’erreur de ceux qui ont cru – envers et contre tout – à une paix possible avec leurs voisins de Gaza.

 

Nous avons reçu un coup terrible de ceux-là mêmes que nous avions tant aidé…” a déclaré sa veuve, Yocheved Lifshitz, elle-même détenue par le Hamas et libérée au bout de 50 jours. “Oded était un combattant de la paix. Il entretenait d’excellentes relations avec les Palestiniens, et une des choses qui me font le plus de mal c’est qu’ils l’ont trahi”, a-t-elle expliqué lors d’une cérémonie organisée par le Centre Pérès pour la paix. De fait, quelle mort plus terrible peut-on imaginer pour un militant pacifiste, que d’être assassiné par ceux-là mêmes pour lesquels il s’était battu toute sa vie ?

 

Journaliste au quotidien de gauche Al-Hamishmar, Oded Lifshitz avait ainsi protesté contre la création de localités juives en Judée-Samarie dès le lendemain de la guerre des Six Jours. Il s’était également opposé à l’expropriation des bédouins de la région de Rafiah au moment de la création de la localité de Yamit dans le Sinaï (laquelle fut par la suite évacuée par le gouvernement de Menahem Begin). Lifshitz était aussi, comme l’a rappelé récemment Amnon Lord dans les colonnes d’Israël Hayom, un des premiers journalistes israéliens – sinon le premier journaliste au monde – à pénétrer dans les camps de Sabra et Chatila après les massacres commis par les phalangistes chrétiens libanais.

 

Toute la carrière journalistique et politique d’Oded Lifshitz était celle d’un pacifiste et d’un idéaliste invétéré. A cet égard, il incarne l’erreur de ceux qui – au sein des kibboutz frontaliers de Gaza – avaient cru pouvoir tisser des liens d’amitié avec leurs voisins de l’autre côté de la frontière, en les aidant à recevoir des soins médicaux en Israël et en leur faisant traverser la barrière de sécurité pour les transporter dans leurs véhicules personnels. L’idéalisme de Lifshitz et de tous les autres représentants du pacifisme israélien est certes sympathique en apparence, mais il est en réalité dangereux. L’enfer est pavé de bonnes intentions, comme le savent bien les Israéliens depuis le 7-Octobre.

 

En nourrissant et en soignant les habitants de Gaza, Oded et ses camarades n’ont nullement atténué la haine inextinguible de ceux-ci envers Israël. Les exactions commises le 7-Octobre - contre les habitants des kibboutz frontaliers de Gaza et contre les jeunes soldates observatrices non armées - ont été commises non seulement par les soldats du Hamas, mais aussi par les civils de Gaza. La leçon terrible doit être apprise pour les générations à venir : le pacifisme n’apporte jamais la paix. Il est un poison mortel qui anéantit nos capacités de défense et nous expose aux attaques mortelles de nos ennemis.

 

Le pacifisme israélien – depuis la lointaine époque du “Brith Shalom” dans les années 1930 et jusqu’à nos jours – réapparaît à chaque génération, reposant sur la promesse fallacieuse de mettre fin au conflit et sur l’annonce mensongère de la “der des der”. Mais loin d’apporter la paix, il est le plus souvent le meilleur moyen de générer de nouvelles guerres et de nouveaux massacres. “Si vis pacem, para bellum”.

P. Lurçat

NB Mon nouveau livre, L’étoile et le poing, Histoire secrète de l’autodéfense juive en France depuis 1967, sort ces jours-ci. Il est disponible sur Amazon et B.O.D.

Oded Lifshitz (1940-2023): vie et mort d’un pacifiste israélien

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Comment vaincre face à un ennemi inhumain : “Terroriser les barbares”

February 21 2025, 12:38pm

Posted by Pierre Lurçat

Comment vaincre face à un ennemi inhumain :  “Terroriser les barbares”

 

Dans son poème programmatique, Chir Betar, Jabotinsky avait énoncé cet impératif pour le peuple Juif : devenir un “peuple intelligent, généreux et cruel”. Ces mots qui peuvent sembler énigmatiques – rédigés il y a plus de cent ans – prennent un sens nouveau et très actuel aujourd’hui. Au-delà de l’intelligence et de la générosité qui sont très répandues aujourd’hui dans la société israélienne, c’est en effet la troisième qualité qui fait défaut à notre peuple, face à des ennemis barbares assoiffés de sang juif.

 

Humains, trop humains”! L’expression de Nietzsche décrit parfaitement le talon d’Achille d’Israël dans sa guerre existentielle contre le Hamas. Comment triompher du mal absolu, lorsqu’on incarne le Bien et les valeurs morales léguées par Israël à l’humanité ? La question, au-delà de ses aspects philosophiques et théologiques, a des conséquences bien concrètes qu’on peut énoncer ainsi : comment Israël, son armée et sa population peuvent-ils vaincre, face à un ennemi qui aime la mort et qui éprouve une véritable jouissance à commettre le mal ?

 

Dans un article éclairant publié en 2007 dans la revue Forum Israël[1], le rabbin Oury Cherki abordait cette problématique, tout en montrant l’inanité de l’expression – qui revient sans cesse dans le débat public depuis le 7 octobre – de “civils innocents” à propos des habitants de Gaza. “Dieu, Lui, juge les hommes. Il sait qui est juste et qui est injuste. Mais partir à la guerre pour tuer des coupables et épargner des innocents, c’est se tromper sur la nature même de la guerre… L’ennemi est à considérer en tant qu’entité collective, c’est une chose qui a été oubliée et qui est le symptôme d’une dégradation morale qu’il faut dénoncer”.

 

Dans la suite de son article, le Rav Cherki aborde également la nécessité d’être cruels face à des ennemis inhumains, en citant le Rav Kook:  “Nous savons tous que la guerre est cruelle. Les guerres bibliques l’étaient déjà. Considérez ce que dit la Torah du traitement qu’il convient d’appliquer aux Cananéens et à Amalek. Dans une correspondance avec un de ses élèves, le Rav Kook donne très succinctement les fondements d’un code éthique de la guerre. En réponse au Rav Moshé Zaidel qui lui avant demandé pourquoi la tradition impose des guerres si violentes et parfois si cruelles, le Rav Kook répondit :

 

Pour ce qui est des guerres, il était impossible, à une époque où nos voisins étaient des loups sauvages que seul Israël ne fasse pas la guerre, car alors, les nations se seraient réunies pour nous exterminer. Bien au contraire, c’était une chose indispensable, il fallait terroriser les barbares, en employant également des moyens cruels, tout en gardant l’espoir d’amener l’humanité à ce qu’elle devrait être.

 

Ces propos du Rav Kook d’une actualité stupéfiante apportent la réponse à une question cruciale, et donnent la clé de l’attitude nécessaire de la part d’Israël pour vaincre face au Hamas et face à des ennemis inhumains en général. “Terroriser les barbares” devrait devenir le slogan de Tsahal et d’Israël. Au lieu de se complaire dans la posture de victimes et d’adopter des normes éthiques inspirées d’une vision chrétienne (que les nations de culture chrétienne n’appliquent pas elles-mêmes), Israël doit impérativement mettre à jour le “code éthique de Tsahal”* en s’inspirant des propos du rabbin Avraham Kook. L’enjeu est ni plus ni moins que notre survie.

P. Lurçat

NB Mon nouveau livre, L’étoile et le poing, Histoire secrète de l’autodéfense juive en France depuis 1967, sort ces jours-ci. Il est disponible sur Amazon et B.O.D.

*Voir aussi : Comment vaincre face au Hamas : Pourquoi le « Code éthique de Tsahal » est devenu obsolète, Pierre Lurçat

 

 

[1] O. Cherki, “Une éthique juive de la guerre”, in Forum-Israël no. 4, juin 2007.

Comment vaincre face à un ennemi inhumain :  “Terroriser les barbares”

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Comment vaincre un ennemi pire que les nazis? Réflexions sur la guerre d’Israël contre le mal absolu

February 11 2025, 09:30am

Posted by Pierre Lurçat

Pire que les nazis: mise en scène du Hamas

Pire que les nazis: mise en scène du Hamas

 

Dans une interview revigorante sur la chaîne Mosaïque, le philosophe Jacques Dewitte faisait récemment remarquer que le Hamas était, à certains égards, pire que les nazis. Les images terribles des trois otages libérés samedi, dont l’état physique et le regard empli d’effroi font penser aux rescapés des camps de la mort nazis, nous rappellent que le Hamas n’a en effet rien à envier aux nazis dans son comportement à l’égard des Juifs. Depuis le 7 octobre, la comparaison a été faite à maintes reprises, souvent pour souligner la ressemblance, parfois pour marquer certaines différences entre le Hamas et les nazis.

 

Au-delà des débats théoriques, historiques ou philosophiques, cette comparaison doit permettre de tirer des leçons très concrètes pour Israël et pour le peuple Juif sur un sujet essentiel. Il s’agit de l’objectif de “victoire totale” contre le Hamas, défini comme un des objectifs de la guerre après le 7 octobre 2023. Comment en effet a été obtenue la victoire totale contre le nazisme en 1945, sinon en détruisant non seulement l’armée allemande et l’Etat nazi mis en place par Hitler, mais en infligeant aussi à l’Allemagne tout entière et à ses alliés une défaite totale, dont les images des destructions des villes allemandes sont devenues le symbole ?

 

Détruire Gaza pourquoi ?

 

A cet égard, la destruction de Gaza est un élément essentiel de la victoire totale à laquelle Israël aspire. Loin d’être un effet collatéral ou une conséquence indirecte – souhaitable ou pas – de la guerre voulue par le Hamas, il s’agit d’un impératif à la fois militaire, stratégique et moral. On ne combat pas le mal absolu avec des pincettes, ou pour dire les choses autrement, on ne détruira pas le Hamas sans infliger aux habitants de Gaza une nouvelle “Nakba”, dont ils se souviendront pour les décennies et les siècles à venir.

 

Un tel message est évidemment difficile à faire passer dans notre monde actuel, qui a oublié les distinctions élémentaires entre le bien et le mal, entre des otages innocents et des terroristes aux mains tachées de sang, qu’Israël est contraint de libérer pour faire revenir ses citoyens détenus à Gaza… Mais la question va bien au-delà de savoir si notre position peut être comprise par les chancelleries et les opinions publiques en Occident et ailleurs : elle est de savoir si nous sommes convaincus de la justesse de notre cause et de tout ce que cela implique.

 

Contenir le mal ou l’anéantir ?

 

A cet égard, la fameuse “Conceptsia” dont Israël débat depuis le 7 octobre comporte – outre ses éléments psychologiques, moraux et militaires – une dimension qu’on pourrait qualifier de théologique. Il s’agit de savoir si le mal absolu peut être simplement “contenu” (comme Israël le pensait avant le 7 octobre) au moyen d’un “mur de sécurité”, ou s’il doit être combattu et anéanti. L’erreur principale de l’avant 7 octobre pourrait ainsi être décrite comme la croyance qu’Israël – représentant du bien absolu – peut coexister avec le mal absolu incarné par le Hamas et par ses alliés.

 

La découverte la plus lourde de signification faite par la société israélienne dans son ensemble après le 7 octobre est ainsi celle de la réalité du Mal. Comme l’écrivait le philosophe Jacques Dewitte dans un article éclairant paru en 2011, “le mal existe, ou plus exactement, il persiste, il insiste…” C’est précisément l’existence de ce mal à nos frontières que nous avons oubliée pendant plusieurs décennies, et que l’attaque du 7 octobre est venue nous rappeler. Aujourd’hui, chaque Israélien et chaque Juif dans le monde sait que face au mal absolu incarné par le Hamas et par les tortionnaires de Gaza, par l’Iran et ses alliés et par tous ceux qui rêvent de nous détruire, il n’y a qu’une seule attitude possible : couper la tête de la pieuvre et anéantir tous nos ennemis, sans relâche et sans pitié. Am Israël Haï!

P. Lurçat

Le philosophe Jacques Dewitte

Le philosophe Jacques Dewitte

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Quand Alain Finkielkraut Invoque Levinas pour défendre les “civils innocents” de Gaza

January 16 2025, 11:48am

Posted by Pierre Lurçat

Quand Alain Finkielkraut Invoque Levinas pour défendre les “civils innocents” de Gaza

Le titre de cet article pourra susciter l’étonnement du lecteur. Quel rapport, en effet, entre le philosophe juif décédé il y a 30 ans et la guerre à Gaza, déclenchée le 7 octobre 2023 par le Hamas ? Cet étonnement fut aussi le mien, en écoutant la dernière émission Répliques sur France Culture. Alain Finkielkraut y recevait deux jeunes philosophes juifs français, qui viennent tous deux de publier des livres consacrés à Emmanuel Levinas. Le premier, David Haziza, est l’auteur de Mythes juifs, le retour du sacré. Le second, Dan Arbib, est notamment le maître d'œuvre (avec Danièle Cohen-Levinas) du quatrième tome des œuvres complètes de Levinas qui vient de paraître chez Grasset.

 

Dans la présentation de son émission, Alain Finkielkraut explique que Levinas a “fait entrer les traités vermoulus du judaïsme dans la pensée contemporaine…”, citant les Lectures talmudiques, Totalité et Infini ou Autrement qu’être ou au-delà de l’essence. “Le judaïsme et pas seulement la question juive”, précise Finkielkraut. Hélas, cette entrée en matière alléchante s'avère rapidement être une tromperie : car du judaïsme et de la philosophie ou de l’apport d’Emmanuel Levinas à la pensée contemporaine, il ne fut pratiquement pas question au cours de l’émission.

 

La scandaleuse accusation de “suprémacisme juif”

 

Au lieu de cela, les cinquante minutes de l’émission ont été principalement consacrées à des considérations et à des échanges sur des sujets aussi éloignés de Levinas que les “civils innocents” de Gaza, l’usage de la force par Israël ou encore… “Ben Gvir et Smotrich” (sic) et le “danger du messianisme”. Le premier à ouvrir le feu a été David Haziza, qui a expliqué comment le “mythe de l’élection” du peuple Juif avait donné lieu à des “dérives”, dont il prend pour exemple “Ben Gvir, Baruch Goldstein et Meir Kahana”, ou encore Yigal Amir. Par la suite, Haziza reprend à son compte le concept de “suprémacisme juif”, concept fallacieux dont un spécialiste des médias français avait montré il y a quelques années qu’il avait été inventé par l’antisémite américain David Duke.

 

Dans la suite de l’émission, le second invité, Dan Arbib, est revenu sur le sujet de l’élection en expliquant comment, chez Levinas, “l’essence de la subjectivité est l’élection”. A. Finkielkraut cita de son côté la conception lévinassienne du visage d’autrui et expliqua comment Levinas “fait entrer des catégories juives dans la philosophie”. David Haziza revient à la charge, en affirmant que “l’essence du judaïsme c’est l’éthique” et que même s’il “peut y avoir des débordements suprémacistes du judaïsme”, ce sont des “corruptions du judaïsme”. A. Finkielkraut abonda dans son sens en affirmant (s’appuyant sur le député israélien de gauche Gilad Kariv) que “certains en Israël sont en train de trahir la Torah”.

 

De son côté, Dan Arbib invoqua Levinas pour affirmer qu’”être Messie c’est porter secours à autrui et endosser les souffrances d’autrui”. Finkielkraut surenchérit en citant lui aussi Levinas, parlant du “fait de ne pas se dérober à la charge qu’impose la souffrance des autres…” La souffrance de qui ? Des otages et des victimes du Hamas ? Non ! Celle des “civils innocents de Gaza”... Misère de la philosophie ! Ce n’est qu’à la seizième minute de l’émission que fut rappelé le fait crucial de l’attaque abominable du 7 octobre 2023. Comme s’il s’agissait d’un « détail », pour reprendre l’expression d’un dirigeant politique français récemment décédé, adulé par un média français dont Finkielkraut est le maître à penser. Cette impression désagréable m’a d’ailleurs accompagné tout au long de l’émission : les trois intellectuels dissertaient doctement de Levinas, de la souffrance des « autres » et de l’humanité des Palestiniens, comme si rien ne s’était passé le 7 octobre 2023.

 

Levinas détourné pour attaquer Israël…

 

            Au-delà même de l’utilisation du concept scandaleux de “suprémacisme juif”, mentionné par David Haziza et repris à son compte sans la moindre réserve par Alain Finkielkraut, cette émission est donc doublement scandaleuse. D’abord, parce que Finkielkraut s’est paré de l’aura d’Emmanuel Levinas pour porter des appréciations politiques et des accusations sans fondement contre la politique et contre le gouvernement israélien. Mais aussi – et surtout – parce que l’attitude des trois intervenants de l’émission était à mille lieues de celle de Levinas lui-même à l’égard d’Israël. “Je ne me permets pas de critiquer Israël, n’ayant pas choisi de courir cette noble aventure”, avait dit en substance le philosophe. A l’encontre de cette sage modestie, Finkielkraut et ses deux invités n’ont eu cesse de porter leurs jugements à l’emporte-pièce, pour attaquer et diffamer le gouvernement israélien.

 

            Le fait même de reprocher à des ministres israéliens d’avoir affirmé qu’il n’y a pas de civils innocents à Gaza témoigne d’une totale incompréhension de la guerre qui dure depuis 15 mois. Car cette affirmation n’est nullement – comme l’ont prétendu Finkielkraut et ses invités – le fruit d’un positionnement idéologique (“les Palestiniens sont a priori coupables”), mais bien au contraire celui d’un constat empirique, qui a été celui de tous les soldats israéliens – toutes tendances politiques confondues – revenant de Gaza. Ce sont nos soldats qui ont vu de leurs propres yeux la réalité du fanatisme dans chaque maison, la présence de drapeaux du Hamas et de caches d’armes dans les lits de bébés. Dans l’Allemagne nazie, des Allemands se sont révoltés et ont tenté d’assassiner Hitler. A Gaza, le Hamas n’a fait l’objet d’aucune contestation et d’aucune tentative de révolte.

 

            Judith Butler, la “papesse” de la théorie du genre, avait jadis pris à parti Emmanuel Levinas en l’accusant – sur la base d’une citation tronquée – d’avoir prétendu que les Palestiniens n’avaient pas de visage (“faceless”). Alain Finkielkraut et David Haziza ont eux aussi détourné la pensée de Levinas en l’utilisant pour appuyer leurs opinions politiques et pour défendre la soi-disant “humanité” des habitants de Gaza, ceux qui détiennent depuis quinze mois des civils israéliens – femmes, enfants, bébés et vieillards – et qui ont commis les crimes atroces que l’on sait. En conclusion, cette émission était triplement scandaleuse. En prétendant invoquer la mémoire de Levinas pour défendre “l’humanité” des Gazaouis, Finkielkraut a insulté non seulement la vérité et diffamé les Israéliens, mais il a aussi insulté la mémoire du grand philosophe auquel il prétendait rendre hommage.

Pierre Lurçat

 

NB Le premier tome des Ecrits sionistes de Jabotinsky vient de paraître en français à la Bibliothèque sioniste, éditions l’éléphant. Disponible sur Amazon et bientôt en librairie !

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Après Rafah: comment défendre Israël à l’ère de la post-vérité?* Pierre Lurçat

May 30 2024, 13:01pm

Posted by Pierre Lurçat

La propagande du Hamas est d'ordre ontologique

La propagande du Hamas est d'ordre ontologique

 

Il faut regarder la minutieuse enquête consacrée par l’émission de David Pujadas sur LCI aux événements de Rafah et au soi-disant “massacre de civils” perpétré par Israël. Pujadas, journaliste chevronné, fait figure d’exception dans le paysage médiatique français. Pourquoi ? Parce qu’il croit encore aux faits… La plupart de ses confrères ne se soucient guère des “faits” (si tant est qu’ils y aient jamais cru), préférant “faire le buzz” en s’attachant aux “événements”. Rappelons la différence essentielle entre “fait” et “événement”, telle que l’expliquait Eric Marty[1] à propos de Sabra et Chatila : l’événement est le contraire d’un fait, car il comporte une dimension métaphysique.

 

Ainsi, à Sabra et Chatila, comme l’avait alors dit Arik Sharon, des chrétiens ont tué des musulmans (fait), mais le monde a accusé les Juifs (événement). (Notons au passage la pusillanimité d’un Denis Charbit qui, sur France Inter, n’a pas hésité à établir une comparaison entre Rafah et Sabra et Chatila! Avec de tels défenseurs, Israël n’a pas besoin d’ennemis…) De la même manière aujourd’hui, dans les faits, Israël s’efforce de protéger les civils. Mais l’événement créé par les médias, s’appuyant sur la propagande du Hamas, consiste à accuser Israël de tuer des civils.

 

A l’ère de l’information-spectacle instantanée sur les réseaux, alors que l’émotion règne sans partage et que le mot d’ordre universel est “indignez-vous!” (vous vous souvenez de ce vieillard indigne, précurseur de la haine anti-israélienne actuelle, qui avait acquis son heure de gloire en lançant ce slogan?), il est encore possible, démontre Pujadas, de faire du journalisme autrement. Pour comprendre les raisons de cet engouement universel et de ce triomphe de l’émotion, il faut laisser de côté un instant le conflit à Gaza et prendre un peu de recul.

 

2.

 

L’époque que nous vivons est celle de la post-vérité. Tout le monde le sait, chacun de nous a entendu parler de cette notion, mais que désigne-t-elle exactement ? Je citerai deux définitions de la post-vérité. La première, celle du dictionnaire d’Oxford en 2016, “Qui fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles

 

La seconde, celle donnée par nos sages dans une discussion citée par le rabbin Léon Ashkénazi : Rabbi Yéhouda a enseigné : dans la génération où viendra le fils de David, la vérité aura disparu (ne’ederet). On a enseigné au nom de l’école de Rav : cela signifie qu’elle sera divisée en “troupeaux” (adarim) et disparaîtra”. On constate que le Talmud avait ainsi annoncé, il y a deux mille ans, l’avènement de l’ère de la post-vérité.

 

Alors comment défendre Israël à l’ère de la post-vérité? Je n’ai pas de réponse miraculeuse à proposer. Ma suggestion est de tenter modestement de mener un combat simultané sur deux fronts, comme Israël le fait actuellement sur le terrain militaire ; celui de la Vérité et celui des émotions.

 

3

 

Contrairement à ce qu’on entend souvent dire, Israël n’est pas “nul en hasbara”. Au contraire! Le défaut d’Israël (comme de ceux qui répandent cette idée) est la tendance juive à s’auto-accuser, au lieu d’accuser systématiquement l’ennemi comme le fait le Hamas. Dans l’affaire de Rafah, on aurait pu dire d’emblée: “Nous ne sommes pas coupables”, c’est le Hamas qui est coupable, au lieu de déplorer l’incident, ce qui n’a nullement rendu service à Israël.

 

            Deuxième idée en matière de “hasbara”: ne pas s’en tenir aux faits (c’est-à-dire à la réalité), dans un monde qui sacralise l’événement (c’est-à-dire la vérité - et le mensonge - métaphysique). Face au mensonge palestinien, mensonge de nature ontologique, métaphysique ou religieuse, Israël doit assumer sa vérité métaphysique. Ou pour dire les choses autrement, le peuple qui sanctifie la vie et la morale, en lutte contre ceux qui sanctifient la mort et le mensonge, doit revendiquer son identité collective !

 

Comme l’écrit Richard Prasquier dans Causeur, à qui je laisserai le mot de la fin: N’oublions pas que cette guerre des mots ne vise pas seulement Benjamin Netanyahu, Israël ni même les Juifs. Elle met en cause l’aptitude à utiliser le langage pour exprimer la vérité du monde dans ses nuances et sa complexité. Il s’agit d’un vrai combat de civilisation et ce combat n’est pas gagné…

P. Lurçat

 

* Je renvoie également à la conférence sur le même sujet donnée dans le cadre de l’O.S.M. Comment défendre Israël à l’ère de la post vérité ? Pierre Lurçat (youtube.com)

 

[1] Voir Eric Marty, Bref séjour à Jérusalem, Gallimard 2003.

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A la racine de la “Conceptsia” : Ces orientalistes israéliens qui n'ont rien compris au Hamas

May 7 2024, 08:55am

Posted by Pierre Lurçat

A la racine de la “Conceptsia” :  Ces orientalistes israéliens qui n'ont rien compris au Hamas

C'est sur eux que repose la tâche essentielle de comprendre la mentalité et de “se mettre dans la tête” de l'ennemi… Mais, en s’obstinant à minimiser la violence intrinsèque à l’islam et à considérer les membres du Hamas comme des “êtres humains comme nous”, les experts des renseignements militaires et sécuritaires se sont empêchés d’anticiper l’attaque du 7 octobre, en dépit de tous les signes annonciateurs. Premier volet d’une série d’articles consacrée aux orientalistes israéliens qui n’ont rien compris au Hamas. P.L.

 

J’ai récemment interviewé, avec André Darmon, le général (rés.) Israël Ziv, devenu un invité régulier des plateaux de télévision et des radios depuis le 7 octobre. Dans l’entretien qui paraît ces jours-ci dans Israël Magazine, il raconte comment il est descendu vers Gaza dès le matin de Simhat Torah et les combats qu’il a menés pendant les jours qui ont suivi. Ziv est un homme courageux et sympathique. Mais, lorsque je lui ai demandé si le retrait du nord de la Samarie était une erreur, il devenu très ironique et presqu’agressif, en entonnant le refrain bien connu sur “Ben Gvir et Smotrich”... Aux yeux de Ziv et de bien d'autres, il n'est pas question de changer d'un iota leur vision du monde après le 7 octobre.

 

Cette attitude de mépris intellectuel est sans doute un des éléments clés de la “Conceptsia” qui a mené au 7 octobre, laquelle est partagée par de nombreux membres de l’establishment militaire, politique et sécuritaire israélien. Dans les lignes qui suivent, nous voudrions nous attacher à une des facettes moins connues de cette Conceptsia, celle des “orientalistes” et des spécialistes de l’islam au sein de l’establishment sécuritaire et des renseignements. Ce sont en effet ces derniers qui ont forgé la “conception” israélienne dominante concernant le Hamas depuis 2006, c’est-à-dire depuis l'arrivée au pouvoir du Hamas consécutive au retrait israélien de Gaza en 2005.

 

Pour réaliser à quel point cette Conceptsia était éloignée de la réalité du Hamas et de son idéologie, il suffit de lire l’extrait suivant d’une interview donnée par Avraham Sela au quotidien Ha’aretz, le 19 octobre 2023. “J’ai appartenu pendant 16 ans aux renseignements militaires, et aujourd’hui je suis à l’université, et je souhaite apporter la voix de la logique. Ni la vengeance, ni la victoire. Aujourd’hui il faut faire parler la logique, même lorsque notre sang bout… L’argument selon lequel les Arabes auraient une attitude [envers nous] inscrite dans leur A.D.N., est stupide à mes yeux. Car en fin de compte, nous avons affaire à des êtres humains”.

 

L’auteur de ces mots n’est pas n’importe qui. Il a occupé le poste d’analyste au sein des Renseignements militaires pendant 16 ans, avant d’aborder une carrière universitaire. Il est l’auteur avec Shaul Mishal d’un des ouvrages de référence sur le Hamas, paru en l’an 2000 aux éditions Columbia University Press, sous le titre The Palestinian Hamas, Vision, Violence and Coexistence. Lorsque j’ai lu ce livre, quelques années après sa parution, je travaillais moi-même à un ouvrage sur le Hamas, après avoir publié un premier livre sur les Frères musulmans[1]. J’ai éprouvé en lisant le livre de Mishal et Sela un sentiment de malaise, que je ne parvenais pas à définir alors. En le relisant après le 7 octobre, j’ai compris pourquoi. L’extrait suivant est révélateur de l’esprit dans lequel il a été rédigé.

 

Comment le Hamas a-t-il combiné le dogme religieux avec la pratique ? Quelles étaient les racines de la flexibilité qui a permis au Hamas d’échapper à la tentation de traduire sa rigidité normative en une attitude de “tout ou rien”? Et plus loin : “Les perspectives analytiques fondées sur des métaphores linéaires et des modes de pensée binaires ne peuvent pas appréhender ces incertitudes et ces complexités… C’est en s’écartant de la perception binaire qu’on parvient à une nouvelle manière de comprendre la complexité de la politique du Hamas, qui a permis au mouvement de manœuvrer entre la prose de la réalité politique sans jamais cesser de réciter la poésie de l’idéologie”.

 

J'aurais évidemment beau jeu de moquer cet extrait – et la métaphore poétique particulièrement inadaptée pour désigner l'idéologie meurtrière du Hamas – à la lueur de ce que l’on sait aujourd’hui. Mais mon propos n’est pas de tourner en dérision le livre de Mishal et Sela, au demeurant intéressant, mais bien de saisir ce qui, dans leur manière de considérer le Hamas, a abouti à la Conceptsia… Pour résumer, c’est leur obstination à récuser toute lecture culturelle – et plus précisément toute lecture fondée sur la culture arabo-musulmane du mouvement islamiste palestinien – qui est caractéristique de l’état d’esprit des tenants de la Conceptsia. Or, c’est précisément la culture de l’islam qui est la clé de la compréhension de l’idéologie du Hamas et, plus largement, du fait que la plupart des habitants de Gaza - sans être eux-mêmes membres ou affiliés au mouvement, partagent son idéologie et ont approuvé les exactions du 7 octobre. (à suivre…)

P. Lurçat

 

 

[1] Le Sabre et le Coran. Mon projet de livre sur le Hamas n’a pas abouti. J’ai publié à la place un livre sur les convertis à l’islam radical, intitulé Pour Allah jusqu’à la mort.

A la racine de la “Conceptsia” :  Ces orientalistes israéliens qui n'ont rien compris au Hamas

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Oublier Amalek (III) : Israël et la question du Mal après le 7 octobre - Contenir le mal ou l’éradiquer ?

April 11 2024, 07:06am

Posted by Pierre Lurçat

Oublier Amalek (III) : Israël et la question du Mal après le 7 octobre - Contenir le mal ou l’éradiquer ?

Une récente déclaration du Premier ministre israélien met en lumière un changement radical dans le discours public en Israël après le 7 octobre : “Nous combattons le mal absolu… Sinwar sera éliminé comme Haman a été éliminé”. Au-delà de la référence à la figure tutélaire de l’ennemi du peuple Juif, cette déclaration contient surtout la désignation du Hamas comme “mal absolu”. A cet égard, il s’agit d’une nouveauté significative : Israël ne combat plus pour se défendre, ni même pour anéantir l’ennemi, mais pour détruire le ‘mal absolu”. Troisième volet de notre série d’articles consacrés à la question du mal depuis le 7 octobre.

Lire les 2 premiers articles:

 

Oublier Amalek? Israël et la question du mal après le 7 octobre, Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

Oublier Amalek ? Israël et la question du mal après le 7 octobre (II) : De l’indignation à l’indifférence - VudeJerusalem.over-blog.com

 

“Le Mal existe de manière immanente, comme un phénomène particulier… Les temps dans lesquels nous vivons se caractérisent par un énorme accroissement du Mal sous les formes les plus variése. Je crois qu’il ne s’est jamais produit une telle progression du Mal, comme celle que nous connaissons aujourd’hui”

Gustav Herling[1]

 

            Dès le lendemain du 7 octobre, Israël a entamé une révision de la fameuse “Conceptsia”, qui avait rendu possible la guerre lancée par le Hamas le jour de Simhat Torah. Les questions posées ont permis d'aborder cette Conceptsia dans ses aspects militaires, politiques, stratégiques et moraux. Mais il y a une autre dimension, essentielle, qui a été quelque peu négligée et que nous voudrions esquisser ici : la dimension philosophique. Jusqu’au 7 octobre en effet, l’ensemble de l’establishment politique israélien – et, au-delà encore, une grande partie des élites intellectuelles, universitaires, rabbiniques et médiatiques – pensaient que le conflit israélo-arabe était un conflit territorial, qu’il était loisible de résoudre au moyen de concessions faites à un ennemi considéré comme un acteur rationnel (selon le fameux principe des “territoires contre la paix”, partagé par la gauche et par une partie de la droite[2]...)

 

C’est précisément cette croyance très largement partagée qui a volé en éclats, en même temps que la fragile barrière dite “intelligente”, séparant Israël de Gaza. Un des soubassements philosophiques du slogan “les territoires contre la paix” est en effet le présupposé selon lequel l’ennemi partage grosso modo nos valeurs et notre mode de pensée. Cette croyance profondément enracinée en nous, qui nous fait attribuer à l’ennemi (et à l’Autre en général) notre propre système de pensée, génère de multiples erreurs, dont les conséquences sont parfois immenses.

 

Sans prétendre épuiser ce sujet très vaste, nous pourrions définir comme l’“erreur fondamentale” celle qui consiste à croire que nos ennemis veulent le Bien. C’est en effet sur cette erreur que repose l’ensemble de la Conceptsia, qui a prétendu approvisionner Gaza en électricité, en denrées et produits de base et faire passer au gouvernement du Hamas l’argent du Qatar… Cette erreur fondamentale peut s'énoncer ainsi : “S’ils sont bien nourris, ils seront apaisés et enclins à ne pas nous attaquer”.

 

Or, cette erreur cruciale, qui remonte aux débuts du conflit israélo-arabe[3], repose sur un présupposé erroné : nos ennemis ne partagent pas nos valeurs. L’ennemi gazaoui et l’ennemi musulman en général ne cherche pas le Bien, la Paix, la Sécurité ou la Prospérité - toutes valeurs que nous révérons et pensons universelles - car il aspire exactement au contraire ! Le Hamas, le Hezbollah et l'Iran (mais aussi l’Autorité palestinienne, par d’autres méthodes) cherchent le contraire du Bien et de la Paix : ils veulent le djihad et la soumission, c'est-à-dire la Guerre et le Mal[4]. Les terroristes du Hamas et leurs supplétifs dans la population dite “civile” de Gaza n'aspirent pas à élever leurs enfants dans la prospérité mais à les voir mourir en “martyrs” dans le sang, le bruit et la fureur.

 

La découverte la plus lourde de signification faite par la société israélienne dans son ensemble après le 7 octobre est ainsi celle de la réalité du Mal. Comme l’écrivait le philosophe Jacques Dewitte dans un article éclairant paru en 2011, “le mal existe, ou plus exactement, il persiste, il insiste…” Ou, pour citer l’écrivain polonais Gustav Herling, ”il ne s’est jamais produit une telle progression du Mal, comme celle que nous connaissons aujourd’hui”. Face à cette manifestation d’un Mal absolu et persistant, l’après-7 octobre marque le début d’une désillusion et d’un douloureux réveil, qui passe aussi par une révision de notre vision du bien et du mal.  Un des aspects significatifs de cette révision est la modification à laquelle nous assistons du discours public en Israël, illustrée notamment par cette déclaration récente du Premier ministre israélien à l’occasion de Pourim : “Nous combattons le mal absolu… Sinwar sera éliminé comme Haman a été éliminé”.

 

De nombreuses déclarations du même acabit de la part de dirigeants politiques et militaires, mais aussi de soldats du rang et d’officiers, montrent que la société israélienne a (enfin) compris à qui nous avions affaire. L’ennemi doit être vaincu et détruit, non pas seulement en raison d’impératifs sécuritaires ou existentiels. Il doit être détruit et annihilé, en tant que représentant du Mal absolu, car aucune coexistence n’est possible avec le Mal absolu. Le rôle d’Israël n’est pas de “contenir” le mal (selon la doctrine américaine du containment mise en œuvre pendant la Guerre froide) mais bien de le combattre sans relâche et sans merci en vue de l'anéantir. Oui, le Hamas et Gaza, le Hezbollah et le régime iranien doivent être détruits. (à suivre…)

P. Lurçat

NB. Mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain vient d’être réédité aux éditions B.O.D. et peut désormais être commandé dans toutes les librairies.

 

 

[1] in Variations sur les ténèbres, Seuil 1999, cité par J. Dewitte, “Y a-t-il une réalité substantielle du mal?” Paru dans Crime et folie, Cahiers de la NRF, Gallimard, 2011.

[2] Cf le chapitre consacré aux Accords de Camp David de mon livre La trahison des clercs d’Israël

[3] Cf Jabotinsky Le Mur de fer, éditions l’éléphant 2022.

[4] Voir notamment les livres de Bat Yeor et celui de Bernard Lewis, Le langage politique de l’islam, Gallimard.

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Ramadan : la question occultée - L’islam, la violence et le sacré, Pierre Lurçat

March 6 2024, 08:42am

Posted by Pierre Lurçat

7 octobre : une violence intrinsèque à l'islam

7 octobre : une violence intrinsèque à l'islam

L’observateur attentif de l’actualité, en France, en Israël ou ailleurs, n’aura pas manqué de constater que le mois du Ramadan, mois le plus sacré du calendrier musulman, est aussi celui marqué chaque année par une vague de violences. Ce “secret” est évidemment bien gardé par les médias et les hommes politiques occidentaux, qui préfèrent s’afficher lors de repas de l’Iftar et faire des déclarations d’amitié et de “dialogue interreligieux”. Mais ce n’est pas sur la question de cette attitude – marquée par l’hypocrisie ou par la condescendance – que je voudrais m’interroger ici. Une question plus essentielle encore est en effet de savoir comment s’explique ce lien entre violence et sacré. Est-il intrinsèque à l’islam et peut-il dans ce cas être modifié ?

 

La première réponse possible est qu’il ne s’agit pas de l’islam tout entier, mais d’une branche bien particulière de l’islam – à savoir, l’islam politique des Frères musulmans, dont sont issues les principaux mouvements islamistes (du Hamas à Al-Qaïda), comme je l’ai montré dans mon livre Le sabre et le Coran. Effectivement, la plupart des attentats terroristes à notre époque émanent de mouvements radicaux qui partagent tous une vision particulière de l’islam, dans laquelle le Djihad a été érigé en “sixième pilier”’ de l’islam. Quoique juste, cette réponse est loin d’épuiser le sujet. Elle risque au contraire d’obscurcir la question.

 

Violence de l’islam ou violence dans l’islam ?

 

En réalité, le problème de la violence dans l’islam est intrinsèquement lié à l’islam en tant que religion, en tant que culture et en tant que civilisation : on doit ainsi parler de la violence de l’islam et pas seulement de la violence dans l’islam. A cet égard, l’islamisme (ou l’islam politique) n’est pas, comme l’avait cru l’écrivain tunisien Abdelwahab Meddeb, une “maladie de l’islam”, mais bien son expression la plus authentique qui soit. Israël l’a encore appris à ses dépens le 7 octobre dernier… Le Hamas, comme je l’ai écrit depuis lors, parle le langage de l’islam et c’est la raison principale de son succès au sein de la population de Gaza et ailleurs.

 

Une autre réponse est donnée par Marie-Thérèse Urvoy dans un livre récent. Le Coran lui-même, explique-t-elle, est marqué par une “ambiguïté initiale” et par une “tension interne entre visée spirituelle et ambition d’emprise sur le monde”. La vie même du Prophète permet de comprendre cette dualité. En effet, dans sa période mecquoise, celui-ci est persécuté et se considère comme victime, ce qui l’amène à prêcher la patience et le pardon des offenses. Plus tard, devenu un chef de guerre victorieux, il appelle au djihad physique contre les mécréants, proclamés ennemis de l’islam. L’orientation guerrière du texte coranique apparaît ainsi dans la fameuse Sourate 9, qui appelle au “combat dans le Sentier de Dieu”, expression promise à un brillant (et sanglant) avenir.

 

La troisième réponse tient à ce que René Girard appelait dans son livre La violence et le sacré le “désir mimétique”, qui engendrait la violence dans les sociétés primitives. A de nombreux égards, l’islam n’a pas réussi à dépasser cette étape de l’histoire commune aux grandes religions, et reste jusqu’à ce jour empêtré dans une vision binaire du monde, où la violence demeure la clé d’appréhension et de résolution des conflits. Comment l’islam, auquel la notion même d'histoire est largement étrangère, pourra-t-il évoluer et faire son aggiornamento ? La réponse appartient aux musulmans eux-mêmes. Quant à l’Occident, il devrait soutenir toutes les forces progressistes et réformistes authentiques au sein du monde musulman, au lieu de chercher des alliances contre nature avec les Frères musulmans et leurs épigones.

Pierre Lurçat

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Ce que m’avait dit le père du soldat Hadar Goldin détenu à Gaza, Pierre Lurçat

December 18 2023, 15:53pm

Posted by Pierre Lurçat

Avec Simha Goldin

Avec Simha Goldin

J’ai rencontré Simha Goldin en septembre 2022. Les propos qu’il m’a tenus – publiés à l’époque dans Israël Magazine – prennent aujourd’hui un sens nouveau, à la lumière de la guerre dans laquelle Israël est plongé. Goldin fait partie des “lanceurs d’alerte” qui ont tenté de faire changer la “Conceptsia”, depuis 2014. J’ajoute que j’ai retiré de l’interview tout ce qui pourrait porter atteinte au moral du pays aujourd’hui. P.L

 

Simha Goldin m’a donné rendez-vous dans le modeste bureau qu’il occupe provisoirement à l’université hébraïque à Givat Ram, à Jérusalem. Comme tous les Israéliens, je connais son nom et je l’ai croisé lors d’une manifestation au Mont Herzl, quelques semaines avant notre rencontre, où il était venu, avec sa femme et son fils Tsur accompagnés de quelques dizaines de militants, réclamer le retour de la dépouille mortelle de son fils Hadar, toujours détenue par le Hamas à Gaza, 8 ans après sa capture en août 2014… (...)

 

Je l’interroge tout d’abord sur la mitsva de ramener en terre d’Israël les dépouilles de Hadar et d’Oron. “Il s’agit du commandement le plus important du judaïsme”, m’explique-t-il, “mais cela dépasse le cadre strict de la loi juive”. Il me rappelle qu’une bénédiction a été ajoutée dans le “Birkat Hamazon” après que les soldats de Bar Kohba eurent été inhumés en terre d’Israël. En réalité, la loi juive rejoint sur ce point l’éthos sioniste laïc, qui a fait de cette obligation un élément fondamental de la doctrine de Tsahal.

 

Comment en sommes-nous arrivés à la situation où les corps de deux soldats israéliens sont aux mains du Hamas depuis huit ans ? Pour le comprendre, il faut revenir en arrière, à l’enlèvement de Gilad Shalit en 2006. Après son échange contre plus de 1000 terroristes, explique Goldin, “est apparue toute une conception politique, selon laquelle il n’est plus impératif de ramener les corps des soldats”. (...)

 

Lors de leur première rencontre avec Nétanyahou, juste après l’enlèvement de leur fils, les époux Goldin lui ont dit : “Nous voulons réparer le préjudice causé par l’affaire Shalit., c’est-à-dire l’accord conclu entre Israël et le Hamas. Essayons une autre méthode : au lieu de libérer des terroristes, faisons pression sur le Hamas”. Les moyens de pression ne manquent pas, aujourd’hui comme hier. Israël laisse en effet entrer dans la bande de Gaza des tonnes de matériaux de construction, de produits de base, sans parler des millions de dollars transférés par le Qatar, dans des valises qui sont acheminées jusqu’à la frontière par… l’armée israélienne. “Faisons comprendre au Hamas que chaque enlèvement de soldats lui coûte cher”. (...)

 

Simha Goldin aborde un autre point douloureux, et tout aussi important pour l’avenir de Tsahal. “Jusqu’à l’enlèvement de Hadar, tout soldat capturé était défini comme “Missing in Action”. Hadar est le premier a avoir été déclaré “tombé au combat” avant même la fin des combats!” Cette décision scandaleuse a été prise par les échelons les plus élevés de Tsahal en collaboration avec le rabbinat militaire (dirigé alors par Rafi Peretz). Simha mentionne le fait que plusieurs objets appartenant à son fils ont été retrouvés par Tsahal dans le tunnel où il a été capturé, et notamment le livre Mesilat Yesharim qu’il portait toujours sur lui (et sur lequel il avait rédigé un commentaire que ses parents ont publié depuis).

 

Simha me rappelle le cas d’Ehud Goldwasser, qu’il a bien connu quand il était officier du corps médical Tsahal. Sa femme, Karnit, avait insisté pour qu’il soit considéré comme vivant, alors même qu’elle était de ce fait prisonnière du statut de “femme aguna”… Dès lors que l’armée s’autorise à définir un soldat comme “tombé au combat”, les efforts pour le récupérer sont bien moins importants, même si cela est contraire à l’éthos et aux valeurs fondatrices de Tsahal. “Si l’on ne s’efforce plus de ramener les soldats tombés au combat, alors on ne ramènera pas non plus les blessés, et pas même les soldats vivants”. C’est cela qu’il faut corriger”.

 

Nous ne voulons pas seulement ramener Hadar, mais le ramener dans des circonstances telles que les terroristes ne voudront plus enlever nos soldats”. Cet aspect est essentiel, à la fois sur le plan des valeurs et sur celui de la dissuasion face à nos ennemis.

 

P.L. “Autrefois, c’était une valeur essentielle de Tsahal de ne pas laisser de soldat sur le champ de bataille… Comment a-t-on pu l’oublier ?

S.G. “Je pense que c’est à cause de la peur du Hamas. Nos dirigeants ont peur du Hamas ! Je l’ai même dit à Nétanyahou lors d’une de nos rencontres…. Je lui ai dit: regarde comment tu te comportes avec Nasrallah, qui n’ose pas sortir de son trou, alors que les dirigeants du Hamas se promènent librement à Gaza. C’est une question post-traumatique… Il y a eu l’affaire Gilad Shalit, puis le désengagement du Goush Katif, l’opération “Raisins de la colère”, “Plomb durci”... Aujourd’hui ils ont peur”.

P.S. En relisant ce qu’il me disait alors, je réalise que la guerre a déjà atteint un objectif - crucial - : nous n’avons plus peur du Hamas.

© P. Lurçat/Israël Magazine

La conférence "Comment défendre Israël à l'ère de la post-vérité" donnée jeudi dernier dans le cadre de l'OSM est en ligne ici :

Comment défendre Israël à l’ère de la post vérité ? Pierre Lurçat (youtube.com)

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Hadar Goldin z.l.

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Pourquoi combattons-nous ? (III) Définir l’ennemi pour gagner la guerre, Pierre Lurçat

November 28 2023, 08:00am

Posted by Pierre Lurçat

Pourquoi combattons-nous ? (III)  Définir l’ennemi pour gagner la guerre, Pierre Lurçat

 

Comme l'écrivait Jabotinsky il y a tout juste un siècle, la paix « ne dépend pas de notre attitude envers les Arabes, mais uniquement de l’attitude des Arabes envers le sionisme ». Ceux qui parlent encore de “la Paix maintenant” et qui n’ont pas renoncé aux illusions mortelles de “l’Etat palestinien” n’ont pas encore tiré les leçons du 7 octobre 2023. Troisième volet de notre série d’articles “Pourquoi combattons-nous ?”

 

Lire les précédents articles

Pourquoi combattons-nous ? (II): Rétablir la souveraineté juive sur le Mont du Temple - VudeJerusalem.over-blog.com

Pourquoi combattons-nous ? (I) : La deuxième Guerre d’Indépendance d'Israël, par Pierre Lurçat - VudeJerusalem.over-blog.com

 

Dans une récente émission sur Europe 1, l’historien Georges Bensoussan comparait la guerre actuelle à Gaza entre Israël et le Hamas et « ce qui s’est passé entre Allemands et Français en 1919 ». Si la comparaison peut avoir du sens aux yeux d’un Européen, en a-t-elle aussi pour ceux qui vivent au Proche-Orient ? La guerre d’Israël contre ses ennemis arabes est-elle comparable aux conflits qui ont ensanglanté l’Europe au vingtième siècle ?

 

Eliaou Yossian, membre du centre Misgav pour la sécurité nationale et spécialiste de l’Iran, apporte un regard très différent sur le conflit actuel et sur la définition de l’ennemi. « Le lexique occidental qui affirme qu’il faut éviter les pertes civiles n’est pas adapté. Il n’y a pas de ‘civils innocents’ à Gaza… Les Gazaouis ont élu le Hamas. Nous devons modifier notre définition de l’ennemi. Ce n’est pas le Hamas, l’ennemi qui domine Gaza ; Gaza est notre ennemi ».

 

Eliaou Yossian
           

La réflexion de Yossian, ancien membre de la fameuse unité 8200, prend tout son sens si l’on revient à la comparaison faite par G. Bensoussan. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, aucun dirigeant allié et aucun Anglais ou Français ne définissait son ennemi comme étant la Waffen-SS, ni même la Wehrmacht. L’ennemi était l’Allemagne, tout simplement. C’est précisément ce qui a permis aux Anglais et aux Américains de triompher de l’ennemi, y compris en menant des bombardements intensifs sur la ville de Dresde, notamment, ou en utilisant la bombe atomique pour forcer le Japon à capituler.

 

Qui a raison ? L’historien français ou le spécialiste israélien de l’Iran ?

 

Selon G. Bensoussan, qui cite Georges Clémenceau (parlant des Allemands après la Première Guerre mondiale), « Il faut nous accommoder de ces soixante-dix millions d’hommes et de femmes qui vivent à côté de nous ». Et Bensoussan en conclut qu’Israël doit lui aussi « s'accommoder de cette population (arabe de Gaza) et vivre avec eux en bonne intelligence ». La comparaison pèche de toute évidence par un excès d’optimisme. En effet, la leçon principale des événements du 7 octobre, que beaucoup ont tirée en Israël dès le lendemain de l’attaque meurtrière du Hamas, est que le rêve d’une coexistence pacifique est illusoire.

 

L’ennemi contre lequel se bat aujourd’hui Israël n’est pas seulement le Hamas, car celui-ci se fond dans la population de Gaza comme un « poisson dans l’eau », pour reprendre l’image du président Mao Zedong. Il est chez lui à Gaza, et ses exactions sont acceptées comme conformes à la culture ambiante. Les civils de Gaza qui ont pris part aux viols, aux tueries et aux actes barbares commis le 7 octobre dans les kibboutz frontaliers de Gaza n’étaient pas entraînés ou appelés en renfort par le Hamas : ils se sont joints spontanément à la « razzia » contre l’ennemi juif.

 

Comment gagner la guerre de Gaza ?

 

L’ennemi contre lequel se bat Israël se trouve à Gaza, mais aussi en Judée-Samarie, et il importe de savoir le définir précisément, avant de pouvoir le vaincre. Le juste combat d’Israël ne s’achèvera pas avec l’éradication du Hamas. Il passe par l’éradication de tous les mouvements palestiniens irrédentistes, qui prônent la destruction d’Israël et qui nient les droits du peuple Juif sur sa terre, que ces mouvements s’appellent Hamas, Hezbollah, Fatah, etc. La leçon du 7 octobre 2023 pour Israël – comme celle du 11 septembre 2001 pour les Etats-Unis – est qu’on ne peut jamais « s'accommoder » de l’existence d’ennemis voués à votre destruction.

 

Pour gagner la guerre, il faut donc que l’ennemi renonce à son idéologie et à ses objectifs. Si l’on reprend la comparaison faite par G. Bensoussan et par tous ceux qui, en Occident, prétendent appliquer au conflit israélo-arabe des concepts européens, la paix ne viendra pas avant qu’une nouvelle génération apparaisse chez les Arabes d’Eretz-Israël (les « Palestiniens » selon le vocabulaire usité et largement mensonger). Comme l'écrivait Jabotinsky il y a tout juste un siècle, la paix « ne dépend pas de notre attitude envers les Arabes, mais uniquement de l’attitude des Arabes envers le sionisme ». Ceux qui parlent encore de « la Paix maintenant » et qui n’ont pas renoncé aux illusions mortelles de « l’Etat palestinien » n’ont pas encore tiré les leçons du 7 octobre 2023.

P. Lurçat

Article paru initialement sur Dreuz.info Pourquoi combattons-nous ? (III) Définir l’ennemi pour gagner la guerre - Dreuz.info


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Pourquoi combattons-nous ? (III)  Définir l’ennemi pour gagner la guerre, Pierre Lurçat

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