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politique israelienne

“Coup d’Etat des juges” : la situation en Israël bien pire que celle de la France

April 4 2025, 12:03pm

Posted by Pierre Lurçat

La Knesset : dans une démocratie, le seul maître est le peuple.

La Knesset : dans une démocratie, le seul maître est le peuple.

Ivan Rioufol a raison de dénoncer – dans les colonnes de Causeur – le “coup d’Etat des juges”, qui font fi du processus électoral démocratique. De son côté, Elisabeth Lévy se demande s’il faut “avoir peur de la Justice en expliquant que les hommes politiques ne doivent pas être jugés plus sévèrement que les autres. En tant qu’Israélien observant de loin la vie politique française, je ne peux que lui donner raison. Mais j’ajoute que la situation en Israël est encore bien plus grave.

 

La justice israélienne est en effet allée plus loin qu’aucune autre démocratie occidentale, en confisquant le pouvoir du peuple pour instaurer une véritable “juristocratie”. La Cour suprême, en particulier depuis l’époque du juge Aharon Barak, est ainsi devenue la plus activiste au monde. Elle s’autorise aujourd’hui à annuler non seulement les actes de l’administration et les décisions gouvernementales ou sécuritaires (en restreignant la capacité de l’armée de combattre le terrorisme), mais également à retoquer les lois, y compris les lois fondamentales au statut supra-législatif.

 

Cette évolution est commune à l’ensemble des pays démocratiques. Mais ce qui rend la situation plus préoccupante encore en Israël est le fait que nous n’avons pas de véritable Constitution. Or, c’est précisément en abusant de ce vide juridique et constitutionnel que le juge Barak a prétendu “créer” de toutes pièces une “Constitution”, en se fondant sur deux lois fondamentales votées en catimini par la Knesset en 1992, dont il a prétendu qu’elles devaient servir à exercer un contrôle de constitutionnalité le plus étendu[1]. “C’est l’unique Constitution au monde qui est née de la décision d’un tribunal”, avait alors ironisé le juge Moshe Landau, ajoutant : “Elle est sortie du tribunal comme une déesse grecque, Pallas Athéna, est sortie du front de Zeus”.

 

Depuis lors, le pouvoir exorbitant de la Cour suprême et des pouvoirs non élus en général n’a fait que croître, au détriment de celui de l’exécutif et du législatif, réduit à une véritable peau de chagrin. “Il nous est interdit d’empiéter sur le domaine du législateur”, avait déclaré le premier Président de la Cour suprême, Moshe Zamoura, en 1948. Aharon Barak a fait exactement le contraire, donnant naissance à une “monstruosité” juridique : une Cour suprême exerçant le contrôle de constitutionnalité le plus étendu au monde, en l’absence de Constitution véritable.

 

Le pouvoir sans limite de la Cour suprême la plus activiste au monde relève en fait, comme l’avait observé Pierre Manent, d’un véritable “pouvoir spirituel” (que le politologue israélien Menahem Mautner a qualifié quant à lui de “fondamentalisme laïc”). C’est ce pouvoir exorbitant que beaucoup souhaitent aujourd’hui limiter en Israël, pour rappeler aux juges et à tous ceux qui l’auraient oublié que dans une démocratie, le seul maître est le peuple.

P. Lurçat

 

NB Cet article a été proposé au site Causeur qui a refusé de le publier, son rédacteur en chef étant un « anti-Bibi » résolu qui ne supporte pas la contradiction. La devise du magazine – auquel je contribue depuis plusieurs années – « Surtout si vous n’êtes pas d’accord », ne veut donc rien dire, hélas, quand il est question de la politique israélienne !

 

[1] Je renvoie à mon livre Quelle démocratie pour Israël ? Gouvernement du peuple ou gouvernement des juges ? Editions l’éléphant 2023 pour un exposé plus complet de ce processus.

“Coup d’Etat des juges” : la situation en Israël bien pire que celle de la France

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Rencontres israéliennes: Me Ephraim Demri, l’avocat-bouclier des soldats de Tsahal

April 3 2025, 11:56am

Posted by Pierre Lurçat

Rencontres israéliennes: Me Ephraim Demri, l’avocat-bouclier des soldats de Tsahal

A lire dans le dernier numéro d'Israël Magazine qui vient de paraître: l'entretien exclusif que m'a accordé Me Ephraim Demri, l'avocat qui est au coeur des affaires les plus brûlantes de l’actualité! Affaire Feldstein, défaillances du Shin-Beth avant et après le 7 octobre, haine de Nétanyahou qui aveugle les dirigeants des services de sécurité et de l’armée, etc. Extraits:

Ma rencontre avec Me Ephraim Demri se déroule dans les salons de l’hôtel du Théâtre à Jérusalem. Il a beaucoup fait parler de lui ces derniers mois, étant au cœur de nombreuses affaires très médiatisées qui ont défrayé la chronique. Celle des soldats de Sde Teiman, accusés à tort d’avoir “violé” un terroriste arabe du 7 octobre, ou celle du “Meraguel”, le mystérieux espion arrêté au cœur d’une base ultrasecrète de Tsahal quelques semaines après le 7 octobre, dans des circonstances mystérieuses.

Homme affable et volubile, il a grandi à Tibériade, au sein d’une famille juive tunisienne passée par Marseille, avant de “monter” en Israël en 1958. Son cabinet s’occupe de droit pénal et a notamment défendu le rabbin Eliezer Berland, ou des escrocs franco-israéliens dont il préfère ne pas donner le nom. Sa clientèle comporte aussi des hommes politiques de tous bords. Nous évoquons tout d’abord l’affaire des soldats poursuivis pour “violences” contre des terroristes du Hamas.

Pierre Lurçat : Comment trouvez-vous le temps de défendre pro bono* des soldats de Tsahal ?

Ephraim Demri : Les soldats passent avant tout. Si un soldat me téléphone maintenant et qu’il a besoin d’être défendu, je quitte tout pour m’occuper de lui. Lorsque la femme d’un des soldats arrêtés à Sde Teiman est venue me voir, elle m’a dit qu’elle voulait que je sois son avocat. J’ai représenté cinq des dix soldats interpellés. Deux ont été inculpés.

P.L. Tous les soldats ont été libérés depuis ?

E.D. Oui. Cinq soldats ont été accusés de violences sexuelles envers des terroristes du 7 octobre. Par la suite il s’est avéré que le film vidéo qui les incriminait était fabriqué…

P.L. Au début, le tribunal pensait que le film était authentique ?

E.D. Oui, et je vais vous expliquer pourquoi. Les juges militaires font confiance au procureur militaire, car 90% d’entre eux viennent du cabinet du procureur militaire. Ils partent du présupposé que ce que dit le procureur est vrai. Durant l’arrestation d’un des soldats, le représentant du procureur a expliqué qu’il détenait des preuves confidentielles.

La suite dans le prochain numéro d'Israel Magazine

https://israelmagazine.co.il/

Photo : PL Pierre Lurcat

 

 
Rencontres israéliennes: Me Ephraim Demri, l’avocat-bouclier des soldats de Tsahal

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Pouvoir du peuple ou pouvoir des élites ? La question centrale du débat politique israélien

March 16 2025, 17:18pm

Posted by Pierre Lurçat

Ronen Bar et B. Nétanyahou

Ronen Bar et B. Nétanyahou

En marge de la destitution annoncée du chef du Shin-Beth Ronen Bar par le gouvernement, c’est la question fondamentale de savoir à qui appartient le pouvoir de décision ultime en démocratie qui ressurgit de nouveau. Premier volet d’une série d’articles sur la « question centrale du débat politique israélien ».

 

Dans l’affaire de la conseillère juridique du gouvernement Gali Baharav-Myara, comme dans celle du chef du Shin-Beth Ronen Bar, c’est toujours la même question qui est posée et qui revient sans cesse, depuis des mois et des années. Bien plus que de savoir si le gouvernement détient la compétence – qui semble aller de soi aux yeux de certains et qui pose problème aux yeux des autres – de destituer la conseillère ou le chef du Shabak, c’est une question bien plus fondamentale qui est posée : celle de la nature de la démocratie israélienne, et de la démocratie en général.

 

Que nous disent en effet ceux qui contestent au gouvernement élu cette compétence, sinon que le pouvoir des élus met en danger des valeurs bien plus importantes à leurs yeux que la notion de pouvoir du peuple, à laquelle s’est résumé pendant des siècles le concept de démocratie ? Pour comprendre leur raisonnement, il faut revenir au moment fondateur de la “Révolution constitutionnelle” menée par le juge Aharon Barak, celui de l’arrêt de la Cour suprême "Bank Mizrahi" de 1995.

 

Une démocratie de la majorité seule, qui ne s’accompagne pas d’une démocratie de valeurs, n’est qu’une démocratie formelle et statistique. La démocratie authentique limite le pouvoir de la majorité afin de protéger les valeurs de la société”. Ces quelques mots tirés de l’arrêt Bank Mizrahi définissent la quintessence de la doctrine d’Aharon Barak, au nom de laquelle il a mené sa « Révolution constitutionnelle » en octroyant à la Cour suprême – et à travers elle, à tout un ensemble de pouvoirs non élus, judiciaires, militaires et sécuritaires – un pouvoir exorbitant, sans précédent et sans équivalent dans aucune démocratie occidentale[1]. Pour la résumer de manière très succincte, cette doctrine contient deux éléments essentiels.

 

Démocratie “formelle” ou démocratie “substantielle”?

 

Le premier est la suprématie de la “démocratie substantielle” (demokratia mahoutit) sur la “démocratie formelle” (demokratia formalit). Cet argument, récemment réitéré par Aharon Barak dans son dernier livre, L’Etat d’Israël comme Etat juif et démocratique, pourrait être acceptable par tous s’il était utilisé à bon escient et de manière raisonnable. Mais c’est tout le problème : au nom de la “démocratie substantielle”, les tenants de la Révolution constitutionnelle du juge Barak ont vidé de tout sens la “démocratie formelle” et le pouvoir des élus, dont ils ont fait un épouvantail et qu’ils s’emploient depuis plusieurs décennies à vider de son contenu.

 

Le second élément de la doctrine Barak est en effet l’idée qu’il faudrait sans cesse “limiter le pouvoir de la majorité”, qui serait par principe même un danger pour les droits des minorités (idée elle aussi acceptable dans une certaine mesure) et même un danger pour la démocratie elle-même ! C’est sur ce sophisme (“le pouvoir du peuple met en danger la démocratie”) que repose toute l’entreprise du juge Barak et de ses partisans, qui a ainsi abouti au résultat paradoxal et totalement illogique, que les “défenseurs de la démocratie” (substantielle) sont devenus les pourfendeurs de tous les organes de la démocratie (formelle): gouvernement, Knesset, et pouvoir des élus en général.

 

C’est ainsi qu’il faut comprendre le débat actuel sur le limogeage de la conseillère juridique du gouvernement ou du patron du Shin Beth. Aux yeux des partisans de la “démocratie substantielle” théorisée par le juge Barak, il est interdit au gouvernement élu de destituer des fonctionnaires non élus, qui incarnent selon eux le dernier rempart de la “démocratie” contre le soi-disant "danger" que représente le pouvoir du peuple. Derrière cette affirmation – en elle-même scandaleuse – se cachent, comme nous le verrons, plusieurs motivations encore plus scandaleuses, qui vont du refus du principe de la majorité au mépris pour le “peuple” et pour tous ceux qui représentent autre chose que l’ancienne élite laïque ashkénaze de gauche. (à suivre…)

P. Lurçat

 

[1] Je renvoie à mon livre Quelle démocratie pour Israël ? pour un exposé de la Révolution constitutionnelle de 1992.

Pouvoir du peuple ou pouvoir des élites ? La question centrale du débat politique israélien

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Quand Alain Finkielkraut Invoque Levinas pour défendre les “civils innocents” de Gaza

January 16 2025, 11:48am

Posted by Pierre Lurçat

Quand Alain Finkielkraut Invoque Levinas pour défendre les “civils innocents” de Gaza

Le titre de cet article pourra susciter l’étonnement du lecteur. Quel rapport, en effet, entre le philosophe juif décédé il y a 30 ans et la guerre à Gaza, déclenchée le 7 octobre 2023 par le Hamas ? Cet étonnement fut aussi le mien, en écoutant la dernière émission Répliques sur France Culture. Alain Finkielkraut y recevait deux jeunes philosophes juifs français, qui viennent tous deux de publier des livres consacrés à Emmanuel Levinas. Le premier, David Haziza, est l’auteur de Mythes juifs, le retour du sacré. Le second, Dan Arbib, est notamment le maître d'œuvre (avec Danièle Cohen-Levinas) du quatrième tome des œuvres complètes de Levinas qui vient de paraître chez Grasset.

 

Dans la présentation de son émission, Alain Finkielkraut explique que Levinas a “fait entrer les traités vermoulus du judaïsme dans la pensée contemporaine…”, citant les Lectures talmudiques, Totalité et Infini ou Autrement qu’être ou au-delà de l’essence. “Le judaïsme et pas seulement la question juive”, précise Finkielkraut. Hélas, cette entrée en matière alléchante s'avère rapidement être une tromperie : car du judaïsme et de la philosophie ou de l’apport d’Emmanuel Levinas à la pensée contemporaine, il ne fut pratiquement pas question au cours de l’émission.

 

La scandaleuse accusation de “suprémacisme juif”

 

Au lieu de cela, les cinquante minutes de l’émission ont été principalement consacrées à des considérations et à des échanges sur des sujets aussi éloignés de Levinas que les “civils innocents” de Gaza, l’usage de la force par Israël ou encore… “Ben Gvir et Smotrich” (sic) et le “danger du messianisme”. Le premier à ouvrir le feu a été David Haziza, qui a expliqué comment le “mythe de l’élection” du peuple Juif avait donné lieu à des “dérives”, dont il prend pour exemple “Ben Gvir, Baruch Goldstein et Meir Kahana”, ou encore Yigal Amir. Par la suite, Haziza reprend à son compte le concept de “suprémacisme juif”, concept fallacieux dont un spécialiste des médias français avait montré il y a quelques années qu’il avait été inventé par l’antisémite américain David Duke.

 

Dans la suite de l’émission, le second invité, Dan Arbib, est revenu sur le sujet de l’élection en expliquant comment, chez Levinas, “l’essence de la subjectivité est l’élection”. A. Finkielkraut cita de son côté la conception lévinassienne du visage d’autrui et expliqua comment Levinas “fait entrer des catégories juives dans la philosophie”. David Haziza revient à la charge, en affirmant que “l’essence du judaïsme c’est l’éthique” et que même s’il “peut y avoir des débordements suprémacistes du judaïsme”, ce sont des “corruptions du judaïsme”. A. Finkielkraut abonda dans son sens en affirmant (s’appuyant sur le député israélien de gauche Gilad Kariv) que “certains en Israël sont en train de trahir la Torah”.

 

De son côté, Dan Arbib invoqua Levinas pour affirmer qu’”être Messie c’est porter secours à autrui et endosser les souffrances d’autrui”. Finkielkraut surenchérit en citant lui aussi Levinas, parlant du “fait de ne pas se dérober à la charge qu’impose la souffrance des autres…” La souffrance de qui ? Des otages et des victimes du Hamas ? Non ! Celle des “civils innocents de Gaza”... Misère de la philosophie ! Ce n’est qu’à la seizième minute de l’émission que fut rappelé le fait crucial de l’attaque abominable du 7 octobre 2023. Comme s’il s’agissait d’un « détail », pour reprendre l’expression d’un dirigeant politique français récemment décédé, adulé par un média français dont Finkielkraut est le maître à penser. Cette impression désagréable m’a d’ailleurs accompagné tout au long de l’émission : les trois intellectuels dissertaient doctement de Levinas, de la souffrance des « autres » et de l’humanité des Palestiniens, comme si rien ne s’était passé le 7 octobre 2023.

 

Levinas détourné pour attaquer Israël…

 

            Au-delà même de l’utilisation du concept scandaleux de “suprémacisme juif”, mentionné par David Haziza et repris à son compte sans la moindre réserve par Alain Finkielkraut, cette émission est donc doublement scandaleuse. D’abord, parce que Finkielkraut s’est paré de l’aura d’Emmanuel Levinas pour porter des appréciations politiques et des accusations sans fondement contre la politique et contre le gouvernement israélien. Mais aussi – et surtout – parce que l’attitude des trois intervenants de l’émission était à mille lieues de celle de Levinas lui-même à l’égard d’Israël. “Je ne me permets pas de critiquer Israël, n’ayant pas choisi de courir cette noble aventure”, avait dit en substance le philosophe. A l’encontre de cette sage modestie, Finkielkraut et ses deux invités n’ont eu cesse de porter leurs jugements à l’emporte-pièce, pour attaquer et diffamer le gouvernement israélien.

 

            Le fait même de reprocher à des ministres israéliens d’avoir affirmé qu’il n’y a pas de civils innocents à Gaza témoigne d’une totale incompréhension de la guerre qui dure depuis 15 mois. Car cette affirmation n’est nullement – comme l’ont prétendu Finkielkraut et ses invités – le fruit d’un positionnement idéologique (“les Palestiniens sont a priori coupables”), mais bien au contraire celui d’un constat empirique, qui a été celui de tous les soldats israéliens – toutes tendances politiques confondues – revenant de Gaza. Ce sont nos soldats qui ont vu de leurs propres yeux la réalité du fanatisme dans chaque maison, la présence de drapeaux du Hamas et de caches d’armes dans les lits de bébés. Dans l’Allemagne nazie, des Allemands se sont révoltés et ont tenté d’assassiner Hitler. A Gaza, le Hamas n’a fait l’objet d’aucune contestation et d’aucune tentative de révolte.

 

            Judith Butler, la “papesse” de la théorie du genre, avait jadis pris à parti Emmanuel Levinas en l’accusant – sur la base d’une citation tronquée – d’avoir prétendu que les Palestiniens n’avaient pas de visage (“faceless”). Alain Finkielkraut et David Haziza ont eux aussi détourné la pensée de Levinas en l’utilisant pour appuyer leurs opinions politiques et pour défendre la soi-disant “humanité” des habitants de Gaza, ceux qui détiennent depuis quinze mois des civils israéliens – femmes, enfants, bébés et vieillards – et qui ont commis les crimes atroces que l’on sait. En conclusion, cette émission était triplement scandaleuse. En prétendant invoquer la mémoire de Levinas pour défendre “l’humanité” des Gazaouis, Finkielkraut a insulté non seulement la vérité et diffamé les Israéliens, mais il a aussi insulté la mémoire du grand philosophe auquel il prétendait rendre hommage.

Pierre Lurçat

 

NB Le premier tome des Ecrits sionistes de Jabotinsky vient de paraître en français à la Bibliothèque sioniste, éditions l’éléphant. Disponible sur Amazon et bientôt en librairie !

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Le huitième front de la guerre (I) Le « Deep State » contre la démocratie israélienne

December 5 2024, 10:12am

Posted by Pierre Lurçat

Moshe Yahalon

Moshe Yahalon

Les propos délirants de l'ancien chef d'état major Moshe Yahalon ont une fois de plus mis en lumière le phénomène inquiétant de ces "gatekeepers" devenus des contempteurs de leur propre armée et de leur propre État, et ce alors qu'Israël est plongé dans une guerre existentielle sur sept fronts… Ce phénomène ne concerne pas seulement l'avant 7 octobre – car ce sont ces gatekeepers qui ont ouvert les portes aux terroristes du Hamas – mais il interroge aussi l'avenir de l'état d'Israël. Premier volet d'un article consacré au huitième front de la guerre.

 

Le "huitième front" de la guerre actuelle pourrait ainsi être défini comme celui qui oppose d'un côté le pouvoir élu démocratiquement et, de l'autre celui du « Deep State », c’est-à-dire des anciennes élites qui refusent obstinément de céder leur pouvoir et de renoncer à leurs privilèges. Ce qui rend cette situation – qui dure déjà depuis plusieurs décennies – inédite et dangereuse est le fait que les représentants du « Deep State » et, au premier plan, les "gatekeepers" qui en sont devenus les porte-parole attitrés, ne reculent devant aucun moyen dans leur tentative pour faire tomber le gouvernement élu.

 

Après avoir échoué à cinq reprises à gagner le pouvoir par les urnes et après avoir intenté plusieurs procès contre le Premier ministre pour des raisons futiles, ils ont franchi une nouvelle étape dans leur combat sans merci en utilisant le Shin-Beth, le service de sécurité intérieure, comme un bras armé et comme une véritable police politique au service de leurs intérêts étroits…

 

Cette guerre intestine pourrait se transformer en une véritable guerre civile, si elle opposait deux camps aussi déterminés d'en découdre l'un que l'autre. Elle ne l'est pas devenue pour une seule raison : aujourd'hui comme hier (de la “Saison” à l’Altalena), le camp de la droite dans son immense majorité, refuse toute guerre intestine et prône l'unité face aux ennemis extérieurs.

 

La gauche de son côté, fidèle à l'héritage de ses pères fondateurs qui n'ont jamais totalement accepté la légitimité du camp sioniste révisionniste, affirme sans relâche que l'ennemi principal n'est ni le Hamas ni le Hezbollah mais qu'il est .. B. Netanyahou! Or il ne s'agit pas seulement d'un slogan – stupide et criminel – des manifestants de Kaplan et d'ailleurs, mais bien d'une conviction profonde et solidement ancrée dans l'éthos antidémocratique du camp des "tout sauf Bibi".

 

Cette affirmation en elle-même dangereuse est devenue pour ainsi dire l'unique leitmotiv d'une gauche qui a perdu tout espoir de regagner le pouvoir par les urnes. Dans la suite de cet article nous verrons comment la récente affaire Feldstein permet de comprendre la responsabilité immense des gatekeepers  et du « Deep State » dans le 7 octobre.

P. Lurçat

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Azmi Bishara et la politique de l’identité arabe en Israël : une fable politique moderne

November 12 2024, 16:14pm

Posted by Pierre Lurçat

Azmi Bishara

Azmi Bishara

 

Comment le député arabe soutien du Hezbollah s’est introduit dans les cercles intellectuels israéliens de la gauche “post-coloniale”

 

Plus de 20 000 citoyens juifs israéliens auraient voté pour la Liste arabe unifiée aux dernières élections. L’itinéraire de l’intellectuel et militant Azmi Bishara permet de comprendre les raisons profondes de ce vote, et au-delà, du radicalisme politique arabe et de ses soutiens au sein de la société civile et des institutions israéliennes. De Bir Zeit au Qatar et de l’establishment culturel post-sioniste israélien jusqu’au soutien avéré au Hezbollah et aux autres ennemis de l’Etat d’Israël, l’itinéraire de Bashara ressemble à une fable politique moderne. Histoire d’une trahison.

 

Du marxisme au post-modernisme et au militantisme arabe

 

Bishara a étudié la philosophie en Allemagne, et soutenu en 1986 sa thèse à l’université Humboldt de Berlin, sur le sujet “Méthodologie du Capital de Marx : le mythe de l’unité entre logique et histoire”. Il enseigne ensuite à l’université de Bir Zeit, avant d’être élu à la Knesset sur la liste du parti Balad, dont il est un des fondateurs. Soupçonné d’espionnage en faveur du Hezbollah en pleine guerre du Liban, il quitte Israël et se réfugie à Doha, dont l’émir de l’époque, Al-Thani, est un ami personnel de Bishara, qui l’a rencontré à Paris, chez Maxim’s. (Cela ne s’invente pas…)

 

Au-delà de l’itinéraire mouvementé d’Azmi Bishara et de son évolution idéologique (ancien marxiste devenu le chantre de la diplomatie des pétro (et gazo) dollars qataris), l’aspect le plus intéressant pour notre sujet est le capital de sympathie que ce nationaliste arabe a su cumuler en Israël, dans les franges les plus radicales et les plus prestigieuses de l’establishment culturel post-sioniste et antisioniste. L’étudiant en philosophie de l’université berlinoise (où il a étudié aux frais du parti communiste israélien), est rapidement devenu la coqueluche des médias israéliens, qui voyaient en lui un intellectuel brillant parlant le même langage qu’eux.

 

Lisons le portrait que dressait de lui le journaliste Nahum Barnéa, dans le quotidien Yediot Aharonot[1] : “Il était devenu le gourou des cercles intellectuels... comme l’institut Van Leer de Jérusalem. A leurs yeux, il était un philosophe combattant. Les femmes tombaient amoureuses de lui. Les hommes lui ouvraient les portes de l’académie…”. Selon Barnéa, journaliste bien connu de la gauche israélienne, Bishara s’est servi du cheval de bataille du “rapprochement judéo-arabe” et de “l’État de tous ses citoyens” pour pénétrer les cercles d’influence, alors qu’il n’a en fait jamais renoncé à son credo politique nationaliste arabe.

 

Bishara et l’establishment culturel israélien

 

En 1987, Bishara adhère au groupe de “La 21e année”, fondé pour combattre “l’occupation des territoires”, à l’occasion du début de la Première Intifada. A ses côtés se trouve notamment Adi Ophir, philosophe aux idées politiques radicales, qui prône le retour aux frontières de 1947 et la partition de Jérusalem. Adi Ophir est un membre éminent de cette coterie d’intellectuels israéliens que j’ai désignée[2] par l’appellation de “communauté d’opprobre” (concept emprunté au philosophe Elhanan Yakira). Spécialiste de philosophie contemporaine – française notamment – et de la “théorie critique”, il a fondé la revue Teoria u’Bikoret (Théorie et critique), publiée par l’institut Van Leer de Jérusalem. Pour comprendre ce qu’est cette institution, remarquons que le professeur Amos Goldberg, qui a accusé Israël de “génocide” après le 7 octobre, fait partie du corps professoral de l’institut Van Leer.

 

Depuis son apparition en 1991, cette dernière revue est devenue le lieu d’expression le plus influent de la pensée post-sioniste en Israël, laquelle a été à l’origine de la véritable “Révolution culturelle” des années 1990. Celles-ci ont en effet vu, avec la signature des Accords d’Oslo et la “Révolution constitutionnelle” quasi-concomitante, l’arrivée au pouvoir des idées post-sionistes, tant dans l’échelon politique (avec le gouvernement Rabin-Pérès) qu’à la Cour suprême, devenue à cette époque un des premiers centres de pouvoir en Israël.

 

Pour avoir un avant-goût des thématiques abordées dans ce fleuron de l’intelligentsia universitaire post-sioniste israélienne, examinons rapidement le contenu du numéro que la revue Théorie et critique a publié pour le cinquantième anniversaire de l’État d’Israël. Après avoir expliqué en introduction pourquoi cet anniversaire n’était pas l’occasion d’une quelconque célébration, Adi Ophir explique que l’objet de ce numéro du Jubilé est de “présenter tout ce qui incarne la critique de ‘l’ordre existant’, qui refuse celui-ci et exprime la résistance ouverte et la subversion”. C’est ainsi que la revue donne la parole à tous ceux qui considèrent l’État hébreu comme un régime colonialiste, “ethno-centriste” et oppressif, en utilisant les concepts clés de la théorie du genre et de la pensée post-colonialiste.

 

Un exemple particulièrement parlant est l’article du sociologue tel-avivien Yehuda Shenhav, qui explique que les Juifs des pays arabes n’ont pas quitté leur patrie en raison des souffrances endurées en tant que juifs, mais en conséquence des “manipulations orchestrées par les sionistes d’origine européenne, qui ont créé une ‘psychose de l’émigration’ chez les Juifs d’Irak”. Nous sommes ici au cœur de l’inversion victimaire : l’exode des Juifs des pays arabes ne serait pas la conséquence de l’antisémitisme musulman, mais de “manipulations sionistes”... 

 

La fascination exercée par l’ex-député arabe sur les cercles les plus influents de la gauche post-colonialiste israélienne permet de comprendre, avec le recul, l’aveuglement d’une grande partie de l’establishment culturel et politique de gauche, qui est un des éléments de la fameuse “Conceptsia” ayant mené au 7 octobre.

 P. Lurçat

 

 

[2] Dans mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain, éd. de l’éléphant 2022.

Amos Goldberg: "Israël coupable de génocide"

Amos Goldberg: "Israël coupable de génocide"

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Le fantasme de la sécession et de la guerre civile au cœur de la culture israélienne

June 23 2024, 11:56am

Posted by Pierre Lurçat

Le fantasme de la sécession et de la guerre civile au cœur de la culture israélienne

 

Pour comprendre la poursuite des appels à la guerre civile et au renversement du gouvernement par tous les moyens – au milieu d’une guerre existentielle dont l’enjeu est la survie de notre Etat – il faut se pencher sur le fantasme de la « sécession », qui habite la culture et la politique israélienne depuis 1948. Article paru dans Israël Magazine, avant la guerre du 7 octobre. P.L.

 

« Chaque religion parle de ce qui lui fait défaut », faisait remarquer le rabbin Léon Ashkénazi, à propos du désir d’unité au sein du peuple Juif. En réalité, tout autant que le souhait de rester un peuple uni, c’est souvent la volonté contraire qui est exprimée aujourd’hui dans le débat public israélien : celle d’une séparation entre deux États, un État juif laïc autour de Tel-Aviv et un État juif religieux autour de Jérusalem. Mais cette idée fantasmatique n’a pas été inventée par les cerveaux des publicitaires et des généraux en retraite qui dirigent l’actuel mouvement de protestation. Elle court en réalité comme un fil rouge à travers la culture israélienne depuis 1948 et même avant. Un des premiers qui a exprimé l’idée de la séparation fut Amos Kenan, dans son livre La route d’Ein Harod, paru en 1984, qui décrivait un Israël en proie à la guerre civile.

 

Dans ce roman dystopique, un coup d’État amenait au pouvoir une junte militaire, qui expulsait du pays la minorité arabe, tandis qu’une poignée de rebelles résistait au nouveau pouvoir dans le nord du pays. Le roman relatait le périple d’un habitant de Tel-Aviv soumise au pouvoir militaire, pour rejoindre Ein Harod en Galilée. Trois décennies plus tard, le thème de la sécession et de la guerre civile est au cœur de la série Autonomies, écrite par Yonathan Indurski et Ori Elon (auteurs de Shtisel) et diffusée en 2019. Cette fois-ci, la guerre civile a triomphé et donné lieu à une véritable scission entre un État séculier autour de Tel-Aviv et un autre religieux autour de Jérusalem.

 

Plus récemment, Yishaï Sarid a publié un roman intitulé Troisième Temple, qui décrit un Israël en guerre, dans lequel un officier juif lève une armée pour reconquérir le pays dévasté par les Amalécites, après la reconstruction du Temple de Jérusalem. Dans le roman de Sarid, paru en 2015, la Cour suprême est supprimée par décret royal et remplacée par le Sanhédrin. Ce dernier a notamment pour tâche de juger les dirigeants rebelles de Tel-Aviv, condamnés pour avoir préconisé la suppression du shabbat et de la circoncision. Il n’est pas anodin que l’auteur soit le fils de l’ancien député et ministre Yossi Sarid, ancien dirigeant du parti Meretz.

 

Ces trois exemples montrent que l'idée d'une séparation entre deux Israël est présente depuis longtemps dans l'imaginaire et dans l'ethos collectif de l'État juif. Plus encore que le fantasme d'un nouveau schisme – qui rejouerait l'épisode historique traumatique de la séparation entre le royaume d'Israël et celui de Juda – cette thématique illustre la tentation, omniprésente au cœur même du mouvement de renaissance nationale juive, d'une séparation entre le destin israélien et le destin juif, vécu comme une malédiction.


La contradiction inhérente au sionisme politique

 

Citons encore une fois le rabbin Ashkénazi, observant que certains Israéliens étaient venus ici pour ne plus être Juifs, tandis que d'autres souhaitaient au contraire y devenir plus Juifs... Cette contradiction inhérente au projet sioniste rejaillit aujourd'hui avec une violente décuplée, au sein du mouvement d’opposition au gouvernement, accusé d'être le « plus à droite de l'histoire d'Israël ». Dans cette opposition se fait jour un autre reproche, beaucoup plus profond : celui de vouloir réinscrire l'histoire d'Israël-État dans celle d'Israël-peuple et de confondre le destin israélien avec la vocation juive.

 

C'est ce reproche fondamental qui permet de comprendre le fantasme récurrent d'une séparation et d'un nouveau schisme. Faire sécession d'un État juif englobant les provinces historiques de Judée et de Samarie en se repliant sur « l'État de Tel Aviv » – synonyme de liberté et de modernisme – pour échapper à Jérusalem, à ses vieilles pierres (le fameux « Vatican » auquel Moshe Dayan était impatient de renoncer, après la victoire miraculeuse de juin 1967) et à sa tradition millénaire. C'est dans ce contexte que prend tout son sens le slogan des manifestants « Hofshi beArtsenou » (« libre sur notre terre »), qui oblitère délibérément la fin de la citation de notre hymne national : « la terre de Sion et de Jérusalem ».

 

Mais ce fantasme récurrent de la sécession est voué à l'échec, car jamais le peuple juif n'est parvenu à échapper à sa vocation. Son seul choix est de l'assumer librement et fièrement, ou au contraire de la supporter comme un destin non choisi et malheureux. Dans cette perspective, les événements des derniers mois s’apparentent à une nouvelle crise d’identité, ou plus précisément à une nouvelle phase de la « mutation d’identité » que vit le peuple Juif, en passe de redevenir Hébreu sur sa terre retrouvée.

P. Lurçat

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La “cancel-culture” est-elle une invention juive ? La gauche israélienne et la politique du ressentiment (I)

April 25 2024, 08:15am

Posted by Pierre Lurçat

Manifestation anti-Nétanyahou

Manifestation anti-Nétanyahou

 

Après l’attaque sans précédent de l’Iran contre le territoire israélien et alors que le front Nord se réchauffe, comment comprendre que la “gauche” israélienne (qui n’a évidemment peu à voir aujourd’hui avec les idéaux de la gauche authentique, ses chefs appartenant tous – d’Ehoud Barak à Yaïr Lapid – à ce qu’on appelait jadis en France la “gauche caviar”) ne trouve rien de mieux à faire que de mettre les rues du pays à feu et à sang pour réclamer, comme elle ne cesse de le faire depuis plusieurs années, le départ de “Bibi”? Comment expliquer que cette même gauche, aux moments les plus dramatiques de notre histoire – et jusque dans le ghetto de Varsovie – ait préféré ses intérêts partisans à l’intérêt supérieur de la nation juive ?

 

En réalité, comme l’avait déjà observé Shmuel Trigano il y a plus de vingt ans, l’identité profonde de la gauche israélienne et juive est une identité du ressentiment. En effet, expliquait-il, “Le camp de la paix a toujours un “mauvais Israël” contre lequel s’affirmer, une exclusion d’autrui à travers laquelle il s’identifie lui-même. Son identité est fondamentalement une identité du ressentiment”[1]. Ce ressentiment, nous l’avons vu à l’œuvre depuis plus d’un siècle dans l’histoire d’Israël. Quand les portes de l’émigration ont été fermées par l’Angleterre devant les Juifs fuyant le nazisme dans les années 1930, le Yishouv dirigé par la gauche sioniste a interdit aux membres du Betar de recevoir les précieux “certificats”, les condamnant ainsi à une mort certaine.

 

Avant cela, elle leur avait fermé le marché du travail, la Histadrout exigeant de chaque travailleur juif qu’il détienne le “carnet rouge” (pinkas adom) attestant de son appartenance au “camp des travailleurs”... A la même époque, David Ben Gourion maniait l’insulte envers son principal rival, Zeev Jabotinsky, qu’il qualifiait de “Vladimir Hitler”. Plus tard, Ben Gourion ne désignait jamais Menahem Begin par son nom, s’adressant à lui à la Knesset uniquement comme “le voisin du député Bader”... Ce dernier exemple est particulièrement significatif. Il montre en effet que la “cancel culture” actuelle n’a rien inventé.

 

Depuis l’assassinat d’Arlosoroff (le 16 juin 1933) et jusqu’à nos jours, la gauche sioniste s’est servie de la violence et des accusations de violence à des fins politiques – pour asseoir et maintenir son hégémonie (l’affaire Arlosoroff est survenue alors que le mouvement sioniste révisionniste était à son apogée) – et elle a constamment accusé ses adversaires, en recourant à la “reductio ad hitlerum[2], c'est-à-dire en accusant ses adversaires politiques d'être des “nazis”

 

La reductio a hitlerum, dont sont aujourd’hui victimes Israël et ses défenseurs sur la scène publique internationale, est ainsi dans une large mesure une invention de cette gauche juive – sioniste et non sioniste – qui n’a reculé devant aucun procédé, recourant au mensonge et à la calomnie pour “annuler” ses adversaires. Ils ont “annulé” Jabotinsky et Begin, réécrit l'histoire du mouvement sioniste pour effacer la part de ceux qui ne pensaient pas comme eux – sionistes révisionnistes, sionistes religieux, mizrahim ou ‘haredim – et aujourd'hui ils voudraient annuler Netanyahou et la volonté de la majorité des Israéliens…

 

Ironie de l’histoire, ceux-là même qui ont trouvé des boucs émissaires dans leur propre camp, en accusant de tous les maux leurs adversaires politiques, se trouvent aujourd’hui trahis par leurs anciens “camarades” progressistes, devenus les ennemis jurés d’Israël, et qui sont en train de rendre judenrein les grandes universités, aux Etats-Unis et ailleurs… (à suivre)

P. Lurçat

 

NB. Mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain vient d’être réédité aux éditions B.O.D. et peut désormais être commandé dans toutes les librairies.

 

 

 

 

 

[1] S. Trigano, L’ébranlement d’Israël, Seuil 2002.

[2] Bien avant que l’expression ne soit forgée par Leo Strauss au début des années 1950.

 

 

[1] S. Trigano, L’ébranlement d’Israël, Seuil 2002.

"Le voisin du député Bader" : Menahem Begin

"Le voisin du député Bader" : Menahem Begin

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Pourquoi le 7 octobre ? (II) Ces “Gatekeepers” qui ont oublié qui était l’ennemi, Pierre Lurçat

February 1 2024, 09:25am

Posted by Pierre Lurçat

Ami Ayalon avec Itshak Rabin

Ami Ayalon avec Itshak Rabin

 

Comment les « Gatekeepers » ont-il pu méconnaître à ce point les intentions et le mode de pensée de nos ennemis ? Et pourquoi sont-ils tellement ignorants et méprisants à l’égard de la tradition d’Israël, ou plus précisément, pourquoi la considèrent-ils comme un danger et comme une menace sécuritaire, voire existentielle pour Israël ? Ce sont en fait les deux facettes d’une seule et même question. Deuxième volet de notre analyse consacrée aux « Gatekeepers », ces responsables des services de sécurité et de l'armée qui portent la responsabilité de l'échec colossal du 7 octobre. P.L. (Premier volet : Pourquoi le 7 octobre ? Ces “Gatekeepers” qui ont ouvert la porte à l’ennemi)

 

Si Israël, comme le pensent Ami Ayalon et tous ceux qui lui ressemblent, n’a vocation à être qu’un Etat occidental et une « démocratie libérale », alors effectivement, la question des droits de l’Homme est essentielle et c’est à l’aune du respect par Israël des « droits » de ses ennemis que peut se mesurer la réussite du projet sioniste. Cette hypothèse implicite n’est quasiment jamais remise en question, sinon sur le mode de la peur apocalyptique que suscite chez eux toute éventualité qu’Israël se transforme en autre chose[1]. Cette peur est explicitée par Ayalon sur la page de présentation de son livre au titre éloquent, Friendly Fire, How Israel became its own worst enemy, sur le site de l’université de Tel-Aviv.

 

 « Si Israël devient une dystopie orwellienne », écrit Ayalon, « ce ne sera pas grâce à une poignée de théologiens qui nous entraînent dans un sombre passé. La majorité laïque nous y conduira, motivée par la peur et propulsée par le silence ». Dans cette affirmation capitale, on trouve les deux credos fondamentaux de la gauche laïque pacifiste qu’il incarne : toute affirmation d’une identité juive israélienne dans le domaine public équivaut à un « retour à un sombre passé », et seule la « majorité laïque » peut empêcher ce scénario cauchemardesque.

 

Cette peur fantasmatique de la dimension collective du judaïsme est celle qui a animé les manifestations de l’avant 7 octobre, qu’Ayalon espère voir bientôt reprendre, avec la participation des 300 000 soldats qui se battent à Gaza. Aux yeux d’Ami Ayalon, le combat contre le Hamas est secondaire ; il ne doit pas effacer le combat prioritaire, celui pour l’identité d’Israël. C’est dans ce contexte qu’il appelle, aujourd’hui comme hier, à la création d’un Etat palestinien, sans se poser la question du danger que celui-ci représenterait pour Israël : « ll faut se battre pour un Etat palestinien, non parce que nous aimons les Palestiniens, mais pour notre sécurité et pour sauver notre identité ».

 

On comprend dès lors pourquoi Ami Ayalon, comme d’autres membres de l’establishment militaire israélien qui n’ont pas vu venir le 7 octobre, n’a pas changé d’un iota son discours depuis cet événement. A ses yeux, le 7 octobre et la guerre contre le Hamas ne sont qu’une parenthèse, qu’il faut s’empresser de refermer pour reprendre le combat intérieur, pour « sauver notre identité » (à savoir, celle d’un Etat laïque occidental dans lequel le judaïsme serait relégué à la sphère privée). Cette priorité du « combat intérieur » est la clé qui permet de comprendre la cécité d’Ayalon et des autres « Gatekeepers » partageant sa vision du monde face à la menace existentielle du Hamas et des autres ennemis radicaux du peuple Juif. Elle procède de la confusion – très répandue au sein de la gauche israélienne – entre l’adversaire et l’ennemi.

 

“Repenser l’ennemi” ?

 

C’est ainsi qu’il faut comprendre l’affirmation d'Ayalon – étonnante en apparence – selon laquelle il convient de « repenser l’ennemi », ou la phrase sibylline sur sa page du site de l’université de Tel-Aviv (où il est professeur émérite du département d’histoire du Moyen Orient et d’Afrique) selon laquelle « En tant que chef de l’agence de sécurité du Shin Bet, il a acquis de l’empathie pour ‘’l’ennemi’’ ». Si le mot ennemi est placé entre guillemets, cela signifie que, dans l’univers conceptuel où évoluent Ayalon et les autres membres de l’establishment qui partagent ses idées, le concept même d’ennemi a disparu

 

Le Hamas n’est donc pas à leurs yeux un ennemi irréductible d’Israël et des Juifs, comme l’ont cru des millions d’Israéliens au lendemain du 7 octobre (et bien avant, pour les plus lucides d’entre eux). Non, explique Ayalon (après le 7 octobre !) : « Nous ne faisons pas la guerre aux Palestiniens. Il y a des Palestiniens qui soutiennent le Hamas. Ils ne le font pas parce qu’ils adhèrent à l’idéologie religieuse du mouvement, mais parce qu’ils voient le Hamas comme la seule organisation qui se bat pour leur liberté et la fin de l’occupation israélienne… »

 

Citation éloquente et presque sidérante, dans la cécité qu'elle exprime envers la situation actuelle à Gaza, telle que la décrivent des dizaines de témoignages concordants de soldats et d'officiers qui y combattent. Non, le soutien au Hamas n'est pas comme le décrit Ayalon, celui à une organisation qui « se bat pour leur liberté », selon la vision occidentale totalement mensongère du « combat pour la libération nationale » du « peuple palestinien » (discours inventé de toutes pièces lors de la création de l’OLP, avec le soutien actif de l’URSS). Comme l’ont rapporté les soldats depuis Gaza, le soutien au Hamas procède d’une adhésion totale à son discours apocalyptique et radicalement antijuif, discours profondément enraciné dans la culture de l’islam.

 

Ainsi, il s’avère que la cécité des « Gatekeepers » face à la menace existentielle du Hamas n’est qu’un élément de leur cécité plus générale envers toute notion d’un ennemi musulman irréductible. Dans leur vision du monde idéologisée, le seul « ennemi » qui mérite d’être combattu est l’ennemi intérieur, à savoir les Juifs nationalistes/religieux/messianistes, comme en atteste la récente campagne de Fake News sur la soi-disant « violence des colons », ou encore les déclarations de l’écrivain Haïm Beer sur ce sujet. Obnubilés par leur idéologie et par leur obsession de la guerre fratricide, les « Gatekeepers » d’Israël ont laissé l’ennemi véritable bâtir sa force militaire et pénétrer le territoire souverain de l’Etat juif. (à suivre…)

 

P. Lurçat

 

 

[1] Alors que le mouvement sioniste, pour ne parler que de l’histoire récente, a toujours été traversé par un débat intérieur sur la nature du projet sioniste et sur l’identité de l’Etat qu’il voulait fonder.

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Manipulation politique et mensonges médiatiques : le débat intérieur israélien sous influences étrangères

September 13 2023, 06:18am

Posted by Pierre Lurçat

Le photomontage d'origine iranienne

Le photomontage d'origine iranienne

 

Alors que les médias israéliens diffusaient le discours offensif du chef du Mossad contre l’Iran, dans lequel ce dernier affirmait qu’Israël n’hésiterait pas à frapper au cœur du territoire iranien, une information passée bien plus inaperçue montre à quel point l’Iran a réussi, sans tambour ni trompettes, à pénétrer au cœur de la société civile et de la politique israélienne. Un photomontage du commandant de la région centre, Yehuda Fuchs, arborant un brassard nazi et une moustache à la Hitler, a été diffusé sur un compte Twitter israélien. Après vérification, il s’avère que ce compte Twitter était celui d’un « Bot » – un robot activé par les services secrets iraniens.

 

Mais cette révélation faite par le Shin-Beth – les services de sécurité intérieure israéliens – est arrivée trop tard: le chef de l’opposition Yair Lapid avait déjà relayé le photomontage, en accusant le gouvernement d’incitation à la haine, accusation reprise par la 12e chaîne de télévision en « Une » de son journal télévisé… Cette affaire emblématique montre au moins deux choses. La première est l’imprudence et la négligence coupable avec laquelle Yair Lapid – qui est devenu pour l’occasion un pion de puissances étrangères – et la 12e chaîne ont relayé la manipulation iranienne, sans attendre que l’identité du propriétaire du compte Twitter soit vérifiée. Le second aspect, bien plus inquiétant, est celui des manipulations politiques étrangères en Israël.

 

Dans le cas de l’Iran, la manipulation a été dévoilée au grand jour au bout de 24 heures, grâce à l’efficacité du Shin-Beth. Le mal était certes fait, mais il a été circonscrit. Toutefois, l’Iran n’est pas le seul à tenter – avec succès – de manipuler le débat politique intérieur israélien. D’autres pays s’y emploient depuis longtemps, avec un succès encore plus grand. Les manifestations incessantes auxquelles on assiste depuis l’intronisation du gouvernement israélien sont en partie financées par des fonds étrangers, tout comme le sont les innombrables ONG qui déterminent l’ordre du jour du débat public, à travers leurs recours incessants devant la Cour suprême, contre des décisions de l’armée, de la Knesset ou du gouvernement.

 

En réalité, c’est l’ensemble de la vie politique israélienne qui est aujourd’hui placée sous influences étrangères, celle de l’Iran n’étant pas la plus néfaste. Si les grands médias israéliens n’étaient pas eux-mêmes sous influence, ils devraient enquêter d’urgence sur le « soft-power » – de moins en moins « soft » et de plus en plus brutal – qui tente de contrecarrer la politique de l’Etat israélien et de renverser son gouvernement, qu’il s’agisse de l’administration Biden, de l’Union européenne, ou d’autres acteurs hostiles à Israël et à son gouvernement. C’est aussi cette guerre d’influence qui est au cœur de l’actuel débat juridique et politique. L'enjeu de ce débat dépasse de loin les seuls aspects techniques et légaux évoqués hier devant la Cour suprême. L'enjeu essentiel est de faire d'Israël, 75 ans après la Déclaration d'indépendance, un pays véritablement indépendant. A la veille de l’année 5784, souhaitons que la nouvelle année apporte de bonnes nouvelles pour le peuple d’Israël !

P. Lurçat

CHANA TOVA! Très bonne année 5784 à mes lecteurs!

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