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Les intellectuels juifs face à la guerre de Gaza (IV) : Ceux qui refusent d’écouter les témoins du massacre

January 17 2024, 07:39am

Posted by Pierre Lurçat

Mia Shem

Mia Shem

 

Il faut absolument écouter le témoignage glaçant de l’ex-otage franco-israélienne Mia Shem, qui relate le calvaire qu’elle a subi le 7 octobre et dans les semaines qui ont suivi, capturée par le Hamas puis détenue pendant de longues semaines à Gaza. “J’ai vécu une Shoah”, déclare-t-elle, et ces quelques mots en disent plus long que bien des analyses savantes. Il faut écouter le témoignage de Mia Shem, car c’est celui d’une survivante du “jour de Shoah” que nous ont infligé nos ennemis de Gaza, et parce que son témoignage est l’égal – par son contenu sinon par son style – de celui des survivants de la précédente Shoah, des Primo Levi et des Aharon Appelfeld.

 

Après la Shoah, disait le philosophe Emil Fackenheim, nous avons le devoir de ne pas donner de victoire posthume à Hitler. Après la nouvelle Shoah que le Hamas a tenté de perpétrer contre Israël (la “Shoah en keffieh”, selon l’expression du regretté Paul Giniewski), nous avons l’obligation de ne pas donner de victoire posthume au Hamas et aux autres ennemis d’Israël, lorsque leurs dirigeants auront été tous éliminés. Mais le premier devoir est celui d’écouter les survivants. Or c’est précisément ce que certains intellectuels juifs refusent de faire.

 

Dans une longue interview donnée récemment à la chaîne LCI, le philosophe Alain Finkielkraut a ainsi tenu des propos stupéfiants et scandaleux sur le témoignage de Mia Shem. Reconnaissant tout d’abord que sa déclaration “j’ai vécu une Shoah” est terrible, il affirme dans la foulée avoir été “beaucoup choqué” sicde la déclaration de Mia Shem selon laquelle “tout le monde est terroriste à Gaza”. Selon lui, prétendre qu’il n’y a “pas de civils innocents à Gaza” est comparable au propos de l’indigéniste Houria Bouteldja, affirmant qu’il “n’y a pas d’Israélien innocent”.

 

La comparaison établie par A. Finkielkraut montre deux choses : la première, c’est que comparaison n’est pas raison. Comparer le propos de l’otage franco-israélienne Mia Shem à celui de Houria Bouteldja n’est pas seulement indécent, c’est également stupide. Mais cette comparaison montre aussi que Finkielkraut, en dépit de son intelligence et de son courage intellectuel, vit dans un univers conceptuel très éloigné de celui d’Israël, éloignement qui le rend totalement incapable de comprendre la réalité de notre Etat et des problèmes existentiels qu’il affronte.

 

Le propos d’A. Finkielkraut atteste à la fois d’un refus d’écouter les victimes du 7 octobre (imagine-t-on un intellectuel juif faire la même chose avec un rescapé de la Shoah ?), et d’un refus conceptuel de donner crédit à leur témoignage. La société israélienne tout entière, après le 7 octobre, a entrepris un immense travail de remise à zéro de compteurs et de remise en cause, travail qui n’est pas terminé. On peut attendre des intellectuels juifs de diaspora qu’ils fassent la même chose. Cette capacité de se remettre en question est en définitive ce qui distingue l’intellectuel dogmatique, enfermé dans ses convictions et ses propres références, de l’intellectuel ouvert à l’événement et à la nouveauté qu’il comporte.

 

Le 7 octobre – comme d’autres événements qui ont marqué l’histoire juive depuis ses débuts – appelle à la réflexion et à l’écoute. Il nous oblige à repenser ce que nous croyions comme acquis, à nous remettre en question. Et il nous oblige à écouter et à accepter les témoignages des otages. Nul ne peut écouter le témoignage glaçant de Mia Shem et son terrible propos – irréfutable dans sa clarté morale – sur le fait qu’il n’y avait pas d’innocents à Gaza. Vérité difficilement audible en Occident, mais vérité tout de même.

 

Pierre Lurçat

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Comment on this post
M
Cela fait longtemps que Finkielkraut déraisonne complètement dès qu'il s'agit d'Israël.<br /> Autrement, est-ce que "J'ai vécu une Shoah" est vraiment la bonne traduction ? A-t-elle employé le mot Shoah, et si oui, fallait-il vraiment le reprendre en français, sachant que ce mot hébreu ne désigne pas spécifiquement le génocide nazi mais plus généralement une catastrophe ? Sur une chaîne de TV française décente, ils avaient dans un second temps traduit cette phrase par : "J'ai vécu un enfer".
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Effectivement, le mot Shoah en hébreu a plusieurs sens. J'ai préféré le garder, pour donner plus de force aux paroles de Mia Shem. C'est de bonne guerre, me semble-t-il.
V
Il est difficile de prendre M. Finkelkraut au sérieux surtout depuis qu'il a signé la pétition qui exige de faire du centre de la terre d'Israël un judenrein. <br /> Quant au témoignage qui dit qu'ils sont tous terroristes à Gaza, on aurait pu considérer comme pesé un argument qui aurait "excusé" l'otage, vu qu'elle n'a dans son calvaire rencontré que des terroristes.<br /> Mais la logique abonde dans son sens. Cet aspect du témoignage est une lapalissade. <br /> Et puisqu'on en est aux comparaisons (la réflexion abstraite exige un effort, donc on préfère ramener ce qu'on ne connaît pas à des schémas connus : vous dites ceci, vous faites cela, ah, vous est donc comme...), ce qui est quand même simplificateur pour un grand intello, imaginons qu'à Marseilles ou à Barbès, une bande de voyous armés conduise sous la menace des centaines d'otages, dans un lieu où la police ne se risque plus. Je pense qu'il n'est pas exagéré de penser qu'en peu de temps, ils seraient localisés et libérés. Car il reste une suffisamment grande partie de la population qui ne fait pas cause commune avec le terrorisme. Enfin, il me semble...<br /> D'autant que les témoins ont bien fait savoir qu'ils avaient été répartis dans des familles terroristes d'accueil, si l'on peut dire.
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