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guerre de simhat torah

Benjamin Nétanyahou, Churchill d’Israël

June 25 2024, 08:18am

Posted by Pierre Lurçat

Benjamin Nétanyahou, Churchill d’Israël

 

Comment l'histoire se souviendra-t-elle de Benjamin Nétanyahou, le dirigeant dont la longévité politique a déjà dépassé celle de David Ben Gourion, et dont le nom suscite une haine irrationnelle et quasiment religieuse ? Il est évidemment trop tôt pour répondre pleinement à cette question et pour dresser un bilan de l’ère Nétanyahou. Je me contenterai donc ici de donner quelques indications en vue d’un futur bilan, qui ne pourra être établi qu’après la guerre.

 

1.

 

Tout d’abord, si notre petit pays est capable aujourd’hui de subir sans flancher la guerre terrible déclenchée le 7 octobre par le Hamas, le Hezbollah et l’Iran, c’est parce que nous avons une économie forte et résiliente. Rien que pour cela, il faut être reconnaissants à B. Nétanyahou, le Premier ministre qui a libéralisé l’économie d’Israël et en a fait une véritable puissance économique (Menahem Begin avait en son temps, tenté lui aussi de libéraliser l’économie, mais son bilan a été bien plus mitigé en la matière). La doctrine militaire de la guerre courte, développée à l’époque de Ben Gourion, tenait aussi aux contraintes imposées par la petitesse du pays et par ses ressources financières limitées. Face à la “guerre longue” imposée par l’Iran (selon sa théorie mise en pratique à l’époque de la guerre Iran-Irak par l’ayatollah Khomeiny), seul un Israël économiquement fort, tel qu’il est devenu sous les mandats de Nétanyahou, avait une chance de résister.

 

2.

 

Les qualités d’un dirigeant politique se mesurent dans l’épreuve. Churchill n’était pas encore Churchill avant le blitz sur Londres. Nous avons tendance à croire que son destin était tracé d’avance, du palais de Blenheim où il est né en 1874, jusqu’au palais de Westminster et au 10 Downing Street… Cette illusion rétrospective, propre à celui qui contemple l’histoire, nous fait oublier qu’aucun homme n’est d’emblée lui-même ; le drame de la vie est précisément, comme le dit lumineusement Ortega Y Gasset, cette “lutte frénétique avec les choses pour obtenir d’être effectivement celui que nous sommes en projet” (1).

 

A cet égard, Nétanyahou vit aujourd’hui ce qu’Albert Cohen appelait la “grande heure de sa vie” (“Tout homme naît et se forme pour une grande heure de sa vie”, écrivait Cohen dans son beau livre Churchill d’Angleterre). Est-il à la hauteur de cette heure dramatique ? Je le crois fermement. Comme de nombreux électeurs de droite, j’ai souvent été déçu par Nétanyahou et j’ai parfois manifesté contre lui (au moment des accords d’Hébron notamment). Mais dans l’heure très difficile que traverse Israël, Nétanyahou est l’homme de la situation et on frémit à imaginer ce que deviendrait notre pays s’il était dirigé aujourd’hui par un Lapid, ou même par un Gantz.

 

3.

 

Dans l’interview qu’il a donnée hier soir à la 14e chaîne, Nétanyahou est apparu dans toute sa grandeur de dirigeant politique, confronté aux moments les plus difficiles qu’Israël a traversés depuis 1973, et peut-être depuis 1948. Il a répondu avec sincérité aux questions d’Ynon Magal, sans se dérober et sans se complaire dans des formules toutes faites. Son visage impassible et ses propos fermes mais mesurés traduisaient la gravité de l’heure, à la veille de l’affrontement au Nord qui s’annonce difficile. Face aux cris haineux des manifestations de Kaplan et de Césarée, face aux discours défaitistes des chefs de l’opposition et des écrivains pacifistes, Nétanyahou a reconnu être atteint par les insultes contre sa famille (“je suis un être de chair et de sang”) tout en étant renforcé par la mission qui l’anime.

 

Oui, malgré les erreurs tragiques et malgré la “Conceptsia”, dont il a partagé les présupposés illusoires (sans doute nourris par un establishment militaire et sécuritaire dont la responsabilité reste encore à déterminer), Nétanyahou est bien aujourd’hui le dirigeant qu’il faut pour Israël, dans ses heures sombres. Il incarne – quoi qu’en pensent ses détracteurs – la force et la résilience de notre petit et grand peuple. Son nom ne sera pas, comme l’a prétendu un manifestant haineux, effacé de l’histoire d’Israël, mais bien au contraire, inscrit au fronton de notre Panthéon national.

Pierre Lurçat

(Article publié initialement sur Israël Magazine)

1. José Ortega y Gasset, Le Spectateur, Rivages Poche 1992.

 

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Israël est beau et admiré quand il combat, et quand il est victorieux

June 5 2024, 09:05am

Posted by Pierre Lurçat

Ben Gourion décorant Moshé Dayan, 1958 - photo GPO

Ben Gourion décorant Moshé Dayan, 1958 - photo GPO

 

1.

 

On pourrait penser que le monde soutient Israël quand il est attaqué et qu’il le critique lorsqu’il se défend et contre-attaque. Mais cette idée simpliste est démentie par la réalité. Dans un recueil de textes inédit en français, à paraître dans la Bibliothèque sioniste*, David Ben Gourion énumérait en 1957 les trois éléments qui attestaient selon lui que l’Etat d’Israël incarne déjà le “peuple spécial” (Am Segoula) qu’il a vocation à devenir. Ces trois éléments, selon lui, “indiquent clairement la capacité morale et intellectuelle enfouie en nous, à savoir: l’implantation ouvrière, l’armée de défense d’Israël et l’ensemble des personnes qui travaillent dans la science, la recherche, la littérature et les arts”. Il est frappant de voir comment le premier dirigeant de l’Etat juif considérait Tsahal comme une des “preuves” de la réalisation du caractère “spécial” de notre peuple et de notre Etat. Ailleurs, il écrivait encore : “J’aime Tsahal d’un amour profond et farouche… Je vois dans l’armée non seulement la forteresse qui assure notre sécurité, mais également une force éducative élevant l’homme juif, un ciment unissant la nation”.

 

A l’occasion de la disparition de Yael Dayan, ancienne députée travailliste et fille de Moshé Dayan, j’ai entrepris de relire deux livres qu’ils ont chacun écrit: le premier, Journal de la campagne du Sinaï, publié par Moshé Dayan en 1966, relate la campagne de Suez. Le second, publié par sa fille en 1967, est intitulé Lieutenant au Sinaï, Journal d’une guerre des Six Jours. Les deux livres ont le parfum de l’Israël d’antan, celui qui suscitait l’admiration d’une grande partie du monde. En regardant les photos d’autrefois, sur lesquelles on peut la voir en uniforme, aux côtés de son père, on ne peut s’empêcher d’éprouver un brin de nostalgie pour cette époque lointaine, où Moshé Dayan faisait la “Une” des journaux du monde entier et où le petit Etat d’Israël était encore admiré et célébré.

 

2.

 

Bien entendu, cette image d’Epinal est trompeuse : sur le plan international tout d’abord, parce que l’opinion a toujours été divisée concernant Israël, et que la situation actuelle est loin d’être aussi catastrophique que ne peuvent le faire croire les manifestations sur les campus ou la décision du procureur de la CPI. Si la majorité des Français – malgré le bombardement d’images favorables aux “civils innocents” de Gaza auquel ils sont soumis chaque jour – reste favorable à Israël dans le conflit actuel, c’est pour une raison simple, que nous avons tendance à oublier. Israël est admiré et soutenu quand il combat, quand il se défend et contre-attaque et quand il est victorieux !

 

Cette réalité simple, évidente à l’époque de Moshé Dayan et de la guerre des Six Jours, a été depuis lors effacée par des décennies d’un “lavage de cerveau”, qui a procédé tout autant d’éléments extérieurs à Israël que d’éléments intérieurs. A force de clamer que le fondement de notre politique étrangère était le “processus de paix” et que nous étions prêts à faire des “concessions douloureuses” dans ce but, nous avons oublié que la paix n’existe pas dans le vocabulaire politique de l’islam, qui ne connaît que des trêves provisoires.

 

3.

 

Cet oubli tragique, qui nous a coûté très cher, s’est manifesté dans le fait que Tsahal, l’armée de défense d’Israël et le joyau de la couronne du sionisme, a été transformée en instrument politique et a oublié sa vocation première (remporter la guerre), pour se consacrer à toutes sortes de missions qui n’ont rien à voir avec la défense d’Israël : éducation, politique, voire lutte contre le “réchauffement climatique”! Les généraux de l’état-major sont devenus des politiciens, qui n’attendaient même plus de retirer l’uniforme pour faire de la politique politicienne, au lieu de se consacrer à gagner les guerres.

 

La guerre actuelle, qui ressemble à la Guerre d’Indépendance par sa durée et par son enjeu existentiel, a remis les pendules à l’heure. Tsahal n’est pas une antenne de “La Paix maintenant” ou de Greenpeace. Les héros qui combattent et paient le prix du sang à Gaza et ailleurs ne sont pas la cause de la détestation d’Israël dans le monde, au contraire. Ils sont la meilleure raison pour laquelle une large partie du monde continue de nous soutenir et de nous admirer. Israël est beau quand il combat ! Ad Hanitsa’hon!

P. Lurçat

* Bibliothèque Sioniste – Éditions L’éléphant (editions-elephant.com)

 

Yaël Dayan

Yaël Dayan

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Après Rafah: comment défendre Israël à l’ère de la post-vérité?* Pierre Lurçat

May 30 2024, 13:01pm

Posted by Pierre Lurçat

La propagande du Hamas est d'ordre ontologique

La propagande du Hamas est d'ordre ontologique

 

Il faut regarder la minutieuse enquête consacrée par l’émission de David Pujadas sur LCI aux événements de Rafah et au soi-disant “massacre de civils” perpétré par Israël. Pujadas, journaliste chevronné, fait figure d’exception dans le paysage médiatique français. Pourquoi ? Parce qu’il croit encore aux faits… La plupart de ses confrères ne se soucient guère des “faits” (si tant est qu’ils y aient jamais cru), préférant “faire le buzz” en s’attachant aux “événements”. Rappelons la différence essentielle entre “fait” et “événement”, telle que l’expliquait Eric Marty[1] à propos de Sabra et Chatila : l’événement est le contraire d’un fait, car il comporte une dimension métaphysique.

 

Ainsi, à Sabra et Chatila, comme l’avait alors dit Arik Sharon, des chrétiens ont tué des musulmans (fait), mais le monde a accusé les Juifs (événement). (Notons au passage la pusillanimité d’un Denis Charbit qui, sur France Inter, n’a pas hésité à établir une comparaison entre Rafah et Sabra et Chatila! Avec de tels défenseurs, Israël n’a pas besoin d’ennemis…) De la même manière aujourd’hui, dans les faits, Israël s’efforce de protéger les civils. Mais l’événement créé par les médias, s’appuyant sur la propagande du Hamas, consiste à accuser Israël de tuer des civils.

 

A l’ère de l’information-spectacle instantanée sur les réseaux, alors que l’émotion règne sans partage et que le mot d’ordre universel est “indignez-vous!” (vous vous souvenez de ce vieillard indigne, précurseur de la haine anti-israélienne actuelle, qui avait acquis son heure de gloire en lançant ce slogan?), il est encore possible, démontre Pujadas, de faire du journalisme autrement. Pour comprendre les raisons de cet engouement universel et de ce triomphe de l’émotion, il faut laisser de côté un instant le conflit à Gaza et prendre un peu de recul.

 

2.

 

L’époque que nous vivons est celle de la post-vérité. Tout le monde le sait, chacun de nous a entendu parler de cette notion, mais que désigne-t-elle exactement ? Je citerai deux définitions de la post-vérité. La première, celle du dictionnaire d’Oxford en 2016, “Qui fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles

 

La seconde, celle donnée par nos sages dans une discussion citée par le rabbin Léon Ashkénazi : Rabbi Yéhouda a enseigné : dans la génération où viendra le fils de David, la vérité aura disparu (ne’ederet). On a enseigné au nom de l’école de Rav : cela signifie qu’elle sera divisée en “troupeaux” (adarim) et disparaîtra”. On constate que le Talmud avait ainsi annoncé, il y a deux mille ans, l’avènement de l’ère de la post-vérité.

 

Alors comment défendre Israël à l’ère de la post-vérité? Je n’ai pas de réponse miraculeuse à proposer. Ma suggestion est de tenter modestement de mener un combat simultané sur deux fronts, comme Israël le fait actuellement sur le terrain militaire ; celui de la Vérité et celui des émotions.

 

3

 

Contrairement à ce qu’on entend souvent dire, Israël n’est pas “nul en hasbara”. Au contraire! Le défaut d’Israël (comme de ceux qui répandent cette idée) est la tendance juive à s’auto-accuser, au lieu d’accuser systématiquement l’ennemi comme le fait le Hamas. Dans l’affaire de Rafah, on aurait pu dire d’emblée: “Nous ne sommes pas coupables”, c’est le Hamas qui est coupable, au lieu de déplorer l’incident, ce qui n’a nullement rendu service à Israël.

 

            Deuxième idée en matière de “hasbara”: ne pas s’en tenir aux faits (c’est-à-dire à la réalité), dans un monde qui sacralise l’événement (c’est-à-dire la vérité - et le mensonge - métaphysique). Face au mensonge palestinien, mensonge de nature ontologique, métaphysique ou religieuse, Israël doit assumer sa vérité métaphysique. Ou pour dire les choses autrement, le peuple qui sanctifie la vie et la morale, en lutte contre ceux qui sanctifient la mort et le mensonge, doit revendiquer son identité collective !

 

Comme l’écrit Richard Prasquier dans Causeur, à qui je laisserai le mot de la fin: N’oublions pas que cette guerre des mots ne vise pas seulement Benjamin Netanyahu, Israël ni même les Juifs. Elle met en cause l’aptitude à utiliser le langage pour exprimer la vérité du monde dans ses nuances et sa complexité. Il s’agit d’un vrai combat de civilisation et ce combat n’est pas gagné…

P. Lurçat

 

* Je renvoie également à la conférence sur le même sujet donnée dans le cadre de l’O.S.M. Comment défendre Israël à l’ère de la post vérité ? Pierre Lurçat (youtube.com)

 

[1] Voir Eric Marty, Bref séjour à Jérusalem, Gallimard 2003.

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Oublier Amalek? Israël et la question du mal après le 7 octobre, Pierre Lurçat

March 24 2024, 08:25am

Posted by Pierre Lurçat

Oublier Amalek? Israël et la question du mal après le 7 octobre, Pierre Lurçat

Souviens-toi d'Amalek!” : l'injonction biblique qui revient comme un leitmotiv dans la prière et dans le calendrier juif peut sembler étonnante à l'oreille du Juif moderne. Faut-il encore répéter que nous avons été, tout au long de notre longue histoire, détestés, haïs et persécutés ? Ne le savons-nous pas depuis l'aube de notre histoire ? Pourquoi répéter et ressasser cette injonction qui ressemble à un rappel cruel et vain d'une réalité à laquelle nous aurions préféré échapper ? Ou peut-être est-ce précisément en raison de notre tendance à chercher par toutes sortes de moyens sophistiqués à oublier cette réalité terrible que la tradition nous enjoint de nous souvenir d'Amalek? Réflexions à l'occasion du premier Pourim de l'après 7 octobre.

 

L'échec colossal à anticiper et à empêcher l'attaque meurtrière du 7 octobre interroge les fondements mêmes du projet sioniste, tout autant qu'il interpelle la conscience juive contemporaine. Cet échec n'est pas seulement, comme certains s'évertuent à le faire croire en Israël et ailleurs, celui de l'armée, du gouvernement et des services de sécurité, même s'ils sont les premiers concernés et mis en cause. En réalité, il s'agit d'un échec qui recouvre de multiples dimensions et qui, contrairement à celui de la surprise de Kippour 1973, va bien au-delà de ses dimensions strictement sécuritaires et militaires.

 

Il est aussi, comme nous voudrions le montrer dans les lignes qui suivent, un échec conceptuel et philosophique dans la capacité d'Israël et du peuple juif à 'appréhender le mal. Le mouvement sioniste avait pourtant cru tirer les leçons de notre histoire et de l'hostilité endémique à laquelle nous sommes confrontés depuis les débuts de l'histoire juive. Herzl, le “visionnaire de l'État” (Hozé ha-Medina) avait réfléchi sur l'antisémitisme et imaginé plusieurs “solutions” parfois naïves ou farfelues, avant d'en arriver à l'idée sioniste. Max Nordau s'est lui aussi intéressé de près au phénomène de la haine antijuive. Et Jabotinsky a consacré à ce sujet des nombreux articles qui demeurent souvent très actuels, tout en élaborant la dimension militaire du sionisme, qui était absente de la doctrine de Herzl.

 

Mais la création de l'État d'Israël a quelque peu relégué au second plan la réflexion sur cette question primordiale, en dépit des guerres incessantes depuis 1948 et de la persistance de l'antisémitisme en diaspora, et des formes nouvelles qu'a revêtues la “haine la plus ancienne”... Paradoxalement, la nouvelle réalité de l'existence juive après 1948 a peut-être engendré une illusion dangereuse, qu'on pourrait exprimer ainsi : avec notre souveraineté retrouvée, plus aucun Juif n'est en danger irrémédiablement.

 

L'État d'Israël est ainsi devenu, aux yeux de millions de Juifs à travers le monde, synonyme d'une “police d'assurance” contre l'antisémitisme. Chaque nouvelle vague de haine antijuive en Europe, en URSS ou, plus récemment, aux Etats Unis, s'est ainsi traduite par une vague d'émigration vers Israël, pays refuge. Or c'est précisément cette notion d'un Etat refuge qui a largement volé en éclats le 7 octobre, même si la situation des Juifs en dehors d'Israël s'est également dégradée depuis lors. Ainsi, de manière paradoxale, l'événement du 7 octobre et ses suites ont renforcé la vocation d'Israël comme État juif au sens identitaire tout en affaiblissant sa vocation première d'État refuge… (à suivre)

P. Lurçat

NB. Mon livre Les mythes fondateurs de l’antisionisme contemporain vient d’être réédité aux éditions B.O.D. et peut désormais être commandé dans toutes les librairies.

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De la “conceptsia” 1973 à la “conceptsia” 2023 Pierre Lurçat

February 9 2024, 10:38am

Posted by Pierre Lurçat

De la “conceptsia” 1973 à la “conceptsia” 2023 Pierre Lurçat

NB J’évoque la “Conceptsia” derrière les événements du 7 octobre au micro d’Antoine Mercier sur Mosaïque.

La « conceptsia » ou la cause profonde de l’échec sécuritaire du 7 octobre (youtube.com)

 

Les événements terribles survenus le samedi matin du 6 octobre 2023, jour de Simhat Torah, font écho à d’autres événements terribles survenus cinquante ans jour pour jour auparavant, le 6 octobre 1973. D’une guerre à l’autre, d’une “surprise” à une autre, pourquoi et comment Tsahal est-elle retombée dans le piège de l’ennemi, et quelles leçons peut-on en tirer pour l’avenir?

 

Une sinistre coïncidence

 

Dans le film Le fortin (“Stronghold”), qui décrit l’attaque égyptienne sur le canal de Suez en octobre 1973, on assiste - à travers les yeux des soldats israéliens - à la traversée du canal par l’armée égyptienne et à l’encerclement du fortin de la ligne Bar Lev. A ces images dramatiques se superposeront désormais celles, encore bien plus terribles, de l’invasion des localités du pourtour de la bande de Gaza par les terroristes du Hamas en octobre 2023. En choisissant pour lancer son offensive la journée de Simhat Torah, le Hamas (et l’Iran qui l’arme et l’inspire) a fait preuve d’une double perfidie. Le choix de cette date était à la fois un coup porté à l’euphorie de la fête juive et une atteinte au moral d’un pays marquant l’anniversaire d’une autre “surprise” militaire. 

 

Israël, qui a vécu pendant cinquante ans dans le souvenir et le traumatisme de la guerre de Kippour, devra désormais vivre avec le double traumatisme d’une double agression, survenue à la même date quasiment, à un demi-siècle d’intervalle. Mais au-delà du traumatisme, cette sinistre coïncidence interroge aussi, et surtout, la capacité de Tsahal et de l’échelon politique de tirer les leçons des échecs de la guerre de Kippour, qu’on désigne depuis 1973 par le terme de “me’hdal” (“l’échec”). L’échec d’octobre 2023 se superpose à celui de 1973, et la question des responsabilités et des échecs passés devient encore plus lancinante.

 

La “surprise” de 1973 et celle de 2023

 

En 2023 comme en 1973, Israël a été pris de court par une offensive menée de main de maître par un ennemi bien préparé, surentraîné et sachant exactement ce qu’il veut. Face à la détermination de l’ennemi, égyptien en 1973 et gazaoui en 2023, l’armée israélienne s’est trouvée en position de faiblesse, désorganisée et a mis un temps précieux à réagir et à riposter. La “surprise” de l’attaque a pris de court l’appareil sécuritaire et l’establishment militaire israéliens, qui se sont trouvés pris au dépourvu, révélant un état d’impréparation totale.

 

A de nombreux égards, la “surprise” du 7 octobre 2023 est encore plus terrible que celle d’octobre 1973. A l’époque, il s’agissait d’une offensive militaire en bonne et due forme, menée par des armées régulières sur des champs de bataille. Si le choc de Kippour a été si traumatisant pour la conscience israélienne, c’est parce qu’il renvoyait dans l’imaginaire collectif aux images d’un passé juif immémorial, auquel le sionisme pensait avoir mis fin. Dans la doctrine sioniste classique, le Juif de l’exil, victime impuissante, était en effet une figure d’un passé révolu. Or, c’est ce passé révolu que les images terribles d’octobre 1973 ont fait ressurgir dans la psyché israélienne.

 

En octobre 2023, ce traumatisme collectif a été encore plus fort, parce que nous avons subi une attaque menée comme une offensive militaire bien coordonnée (par terre, mer et air), de la part d’une milice surentraînée par une puissance militaire (l’Iran), mais dirigée autant, voire plus contre la population civile que contre les soldats. C’est cette dimension pogromiste qui a “surpris” l’armée et la société israéliennes, qui s’étaient habituées à penser, nourris par les illusions mortifères de plusieurs décennies de discours pacifistes, que le Hamas était un ennemi “classique”, partageant grosso modo les mêmes valeurs que nous…

P. Lurçat

Article paru dans Israël Magazine ©. 

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7 octobre 2023 : L’effondrement de la “conceptsia”, Pierre Lurçat

January 21 2024, 09:15am

Posted by Pierre Lurçat

7 octobre 2023 : L’effondrement de la “conceptsia”, Pierre Lurçat

 

La “conceptsia” qui s’est effondrée en Israël le 7 octobre 2023 est encore plus mensongère que celle qui régnait avant octobre 1973. Alors, il s’agissait de savoir si l’Egypte et la Syrie attaqueraient Israël et à quelle date précise, question classique pour tout service de renseignement militaire confronté à un ennemi. L’aveuglement israélien en 1973 procédait d’une forme d’hybris et de certitudes de l’échelon militaire et politique, qui ont été analysés mille fois depuis lors.

 

L’aveuglement face au Hamas est, à bien des égards, beaucoup plus grave, parce qu’il met en question notre conception même de l’ennemi, de sa nature profonde et de ses objectifs. Personne ne doutait en 1973 que Sadate voulait attaquer Israël et qu’il se donnait les moyens de le faire. La question principale était de savoir quand… (A certains égards, Israël a plutôt “surévalué” les intentions de l’Egypte, qui voulait surtout laver l’humiliation de 1967 et non pas envahir ou vaincre militairement Israël). 

 

Israël en 2023 s’est aveuglé sur le Hamas au point de penser qu’on pouvait établir un modus vivendi avec lui, de négocier avec ses dirigeants (par l’intermédiaire de l’Egypte ou d’autres acteurs) et de le “modérer” ou tout du moins de l’amadouer, au moyen de promesses et d’avantages économiques. Cette “conceptsia”, largement partagée par l’ensemble de l’establishment israélien, repose sur l’illusion mortelle de la « Pax islamica », que le Hamas nous a imposée et que nous avons acceptée, en raison d’un mélange de peur (comme me l’expliquait Simha Goldin[1], dont le fils Hadar a été capturé par le Hamas en 2014) et d’incompréhension. 

 

Face au Hamas: peur et incompréhension

 

Or, dans la vision du monde de l’islam radical – qui est celle du Hamas, du Djihad islamique et de Daesh – la peur est précisément l’élément-clé qui permet d’asseoir la domination de l’islam. C’est bien cette peur qui a été instillée dans l’esprit de nos dirigeants et leur a fait croire qu’on pouvait « acheter » un semblant de tranquillité, en faisant entrer l’argent du Qatar à Gaza et en autorisant des milliers de Gazaouis à venir travailler en Israël. 

 

Cette « conception » réside aussi dans l’idée qu’on pourrait négocier avec le Hamas des trêves provisoires, en le laissant se réarmer entre chaque manche d’affrontement armé, au lieu de considérer que son réarmement constitue un casus belli, justifiant (selon le droit international et les principes de toute doctrine militaire communément acceptée) une nécessaire intervention préventive au cœur de la bande de Gaza, pour détruire les missiles pointés contre le territoire israélien avant même leur utilisation, au lieu de se fier entièrement au système de Défense « Bouclier de fer »

 

Il y a donc, au-delà même de l’échec des services de renseignement (Aman, Shabak, Mossad), un échec conceptuel dont les racines sont plus profondes, qui concerne la manière même dont Israël appréhende le conflit avec ses ennemis actuels (Hamas au Sud, Hezbollah au Nord). Cet échec s’apparente à une sorte d’incapacité récurrente à comprendre l’ennemi, comme si les échelons dirigeants d’Israël s’obstinaient à penser avec des concepts occidentaux l’affrontement avec des ennemis qui appartiennent à un univers conceptuel et culturel bien différent, celui du monde arabe et iranien et celui de l’islam politique. C’est cette incompréhension fondamentale (dont on a déjà vu les conséquences dramatiques lors des accords d’Oslo et du retrait du Goush Katif) dont nous payons aujourd’hui le prix cruel, et à laquelle il importe de remédier au plus vite.

P. Lurçat

(Extrait d'un article paru dans Israël Magazine. Retrouvez chaque mois mes analyses dans le journal pionnier de la presse francophone en Israël!)

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L’intention exterminatrice arabe et son “inversion victimaire” dans l’accusation portée contre Israël

January 14 2024, 12:51pm

Posted by Pierre Lurçat

Hassan Nasrallah

Hassan Nasrallah

La plainte déposée par l'Afrique du Sud devant la CJI n'est pas seulement un scandale sur le plan moral et juridique. Elle s'inscrit en fait dans l'histoire longue de l'antisémitisme et de "l'inversion victimaire", comme je l'explique dans les lignes suivantes extraites de mon livre Les mythes fondateurs de l'antisionisme contemporain.

L’intention exterminatrice et génocidaire était bien présente dans le camp arabe, dès l’origine du conflit, et elle n’a pas disparu à ce jour. Citons, à titre d’exemples récents, les déclarations génocidaires du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, affirmant de manière récurrente que le Hezbollah est “capable de détruire Israël”, et les déclarations de dirigeants du Hamas ou de l’Iran qui vont dans le même sens. Ainsi, le dirigeant iranien du Corps des Gardiens de la Révolution islamique, Qassem Soleimani, récemment tué dans une frappe américaine, avait déclaré en septembre 2019 que la “destruction d’Israël n’était plus un rêve”

 

Cette intention exterminatrice arabe (ou iranienne) n’a jamais disparu et a reçu un commencement d’exécution à plusieurs reprises (en 1948, en 1967, etc.). Elle s’accompagne d’un discours auto-justificatif, qui prétend faire d’Israël le coupable d’un plan d’extermination génocidaire des Palestiniens. Tout se passe donc comme si les ennemis d’Israël projetaient sur celui-ci leurs propres intentions génocidaires. C’est dans cette projection permanente que réside le fondement du mythe du génocide du peuple palestinien.

 

Pour comprendre comment fonctionne ce mécanisme, constant dans le discours et dans la stratégie politique arabe, prenons pour exemple le discours prononcé à Davos par Yasser Arafat, dirigeant de l’OLP et chef de l’Autorité palestinienne, en janvier 2001. Cet épisode révélateur se situe quelques mois après le déclenchement de la “Deuxième Intifada”, vague de violences ayant pris pour prétexte la visite du Premier ministre israélien Ariel Sharon sur le Mont du Temple, mais avait été en réalité préméditée plusieurs mois à l’avance par Arafat lui-même, après l’échec des négociations de Camp David.

 

Comme le rapporte l’historien Benny Morris dans son livre Victimes, le dirigeant israélien Shimon Pérès - qui était encore porté par l’euphorie du “processus de paix” et du “Nouveau Moyen-Orient”, malgré la sanglante vague de violences déclenchée l’année précédente par Arafat - évoquait “la nécessité et le caractère inévitable d’un partenariat, de la paix et de la coopération entre Israël et les Palestiniens”. Le dirigeant palestinien, de son côté, peu soucieux de polir son propos devant le forum économique mondial, qualifiait l’État juif de “fasciste”, de “colonialiste” et “d’assassin” et accusait Israël “d’utiliser des munitions à l’uranium” contre les Palestiniens, en s’efforçant de les “affamer”, pour “détruire le peuple palestinien”. Ce faisant, Arafat reprenait à son compte le mythe du génocide, soi-disant fomenté par les Juifs contre le peuple palestinien.

 

Benny Morris, qui relate cette anecdote, décrit bien le décalage entre l’état d’esprit du dirigeant de la gauche israélienne, qui croyait toujours que la paix pouvait être atteinte au moyen de concessions territoriales, et celui des Palestiniens (et des Syriens) qui lui opposaient une attitude radicale et intransigeante. “L’Intifada, explique Morris, réponse palestinienne aux efforts de paix israéliens, sema la confusion dans l’idéologie de la gauche israélienne... Il y régnait un sentiment de désarroi et de trahison par le raïs palestinien”. Ce désarroi tient en large partie à l’incompréhension, chez une partie de la gauche israélienne, de la nature profonde de l’hostilité arabe envers Israël, c'est-à-dire de l’antisionisme.

 

La filiation historique entre l’antisionisme et l’antijudaïsme 

 

En réalité, ce mécanisme d’inversion permanent consistant à vouloir détruire l’adversaire tout en l’accusant de ses propres intentions n’a rien de nouveau. L’historien Georges Bensoussan écrit à ce propos que “tout discours meurtrier impute en effet à sa victime le dessein qu’il nourrit à son endroit”. Pierre André Taguieff analyse également ce mécanisme, auquel il a donné le nom, que nous lui empruntons, d’inversion victimaire, dans ses “trois grands moments historiques” : celui de l’antijudaïsme antique et médiéval, celui de l’antisémitisme moderne, et enfin celui de l’antisionisme contemporain. Cette perspective historique plus large nous permet de comprendre comment le mythe du “génocide du peuple palestinien” s’inscrit dans le droit fil de l’accusation de crime rituel, qu’il reprend à son compte et auquel il donne des formes nouvelles.

P. Lurçat

(Extrait de mon livre Les mythes fondateurs de l'antisionisme contemporain, éditions L'éléphant 2021)

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De la “guerre éclair” à la guerre longue : Comment l’Iran a imposé sa doctrine de la « guerre longue » à Israël

December 27 2023, 08:42am

Posted by Pierre Lurçat

La guerre des Six Jours à Jérusalem

La guerre des Six Jours à Jérusalem

 

L’éditorial du journal Le Monde publié hier matin (26.12.23) s’intitule : « A Gaza, la guerre sans fin de Benyamin Nétanyahou ». L’éditorialiste – qui fait sans doute partie des journalistes-militants qui peuplent aujourd’hui la rédaction du quotidien de référence français – cite le Premier ministre israélien, qui a déclaré tout récemment que « ça sera une longue guerre qui n’est pas près de finir ». Et d’enfoncer le clou : « Le premier ministre israélien semble aujourd’hui considérer que l’état de guerre permanent, qu’il s’efforce d’installer en jouant sur la soif de revanche de son opinion publique, pourrait lui offrir une planche de salut ».

            L’explication a de quoi séduire le lecteur lambda, en quête d’explications simplistes qui frisent les théories du complot. Nétanyahou – aux yeux du quotidien français, comme d’une partie des médias israéliens – reste le « coupable » idéal. Mais ceux qui veulent vraiment comprendre pourquoi cette guerre ne fait que commencer doivent chercher l’explication principale un peu plus loin dans le temps. Elle remonte en effet à septembre 1980, quand a débuté la guerre Iran-Irak.

            C’est alors, explique le général de réserve Gershon Hacohen dans les colonnes d’Israel Hayom[1], que l’Iran a développé sa doctrine de la guerre longue. L’offensive surprise de l’Irak contre les champs de pétrole du Khuzestân devait, selon les projets de l’Irak, s’achever dans un délai de quinze jours. Mais l’ayatollah Khomeiny  – qui venait tout juste d’accéder au pouvoir – loin de reconnaître sa défaite militaire, refusa toute concession territoriale et transforma ce conflit en une interminable guerre de position, qui dura huit longues années et fit plusieurs centaines de milliers de morts chez les deux belligérants.

            La résistance acharnée de l’armée iranienne, conduite par les Gardiens de la Révolution islamique, est devenue depuis une source d’inspiration pour les mouvements « proxy » de l’Iran dans notre région, le Hamas et le Hezbollah. Ajoutons que la doctrine de la « guerre longue » est conforme à la dimension eschatologique de l’islam politique, partagée par la plupart des mouvements islamistes contemporains. L’Iran, en appliquant sa doctrine de la « guerre longue » au conflit avec Israël, tente ainsi de priver l’Etat juif des avantages de la stratégie de la « guerre courte », développée par David Ben Gourion dès les premières années de l’Etat.

            Pour empêcher Israël d’obtenir une victoire rapide, le Hamas et le Hezbollah ont ainsi, explique encore Hacohen, employé deux éléments essentiels : le premier est l’installation de batteries de missiles éparpillées sur un vaste territoire, permettant de poursuivre les tirs contre Israël pendant de longs mois, y compris après le début des opérations terrestres, comme c’est le cas aujourd’hui à Gaza. Le second élément est l’édification de moyens de défense et d’obstacles très denses, tant en surface qu’en-dessous du sol, au cœur des villes, rendant impossible pour Tsahal une victoire rapide en territoire ennemi.

            Ce sont ces éléments de la doctrine militaire iranienne de la « guerre longue » qui expliquent pourquoi le conflit risque de durer encore de longs mois, comme l’ont bien compris les soldats et les officiers qui se battent actuellement avec bravoure à Gaza. Loin d’être découragés et de s’effilocher, comme la fameuse « toile d’araignée » à laquelle Nasrallah avait comparé Israël, nos soldats et la société israélienne tout entière montrent en effet leur résilience et leur capacité d’endurance. Ad hanitsahon !

P. Lurçat

J’ai dressé un premier bilan de la guerre actuelle au micro de Richard Darmon sur

Studio Qualita :

Qu'est-ce qui a changé pour Tsahal dans cette guerre ? -IMO#220 (studioqualita.com)

 

 

[1] G. Hacohen, “L’ère des guerres courtes est finie” (hébreu), Israel Hayom 26.12.23.

De la “guerre éclair” à la guerre longue :  Comment l’Iran a imposé sa doctrine de la « guerre longue » à Israël

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Ce que m’avait dit le père du soldat Hadar Goldin détenu à Gaza, Pierre Lurçat

December 18 2023, 15:53pm

Posted by Pierre Lurçat

Avec Simha Goldin

Avec Simha Goldin

J’ai rencontré Simha Goldin en septembre 2022. Les propos qu’il m’a tenus – publiés à l’époque dans Israël Magazine – prennent aujourd’hui un sens nouveau, à la lumière de la guerre dans laquelle Israël est plongé. Goldin fait partie des “lanceurs d’alerte” qui ont tenté de faire changer la “Conceptsia”, depuis 2014. J’ajoute que j’ai retiré de l’interview tout ce qui pourrait porter atteinte au moral du pays aujourd’hui. P.L

 

Simha Goldin m’a donné rendez-vous dans le modeste bureau qu’il occupe provisoirement à l’université hébraïque à Givat Ram, à Jérusalem. Comme tous les Israéliens, je connais son nom et je l’ai croisé lors d’une manifestation au Mont Herzl, quelques semaines avant notre rencontre, où il était venu, avec sa femme et son fils Tsur accompagnés de quelques dizaines de militants, réclamer le retour de la dépouille mortelle de son fils Hadar, toujours détenue par le Hamas à Gaza, 8 ans après sa capture en août 2014… (...)

 

Je l’interroge tout d’abord sur la mitsva de ramener en terre d’Israël les dépouilles de Hadar et d’Oron. “Il s’agit du commandement le plus important du judaïsme”, m’explique-t-il, “mais cela dépasse le cadre strict de la loi juive”. Il me rappelle qu’une bénédiction a été ajoutée dans le “Birkat Hamazon” après que les soldats de Bar Kohba eurent été inhumés en terre d’Israël. En réalité, la loi juive rejoint sur ce point l’éthos sioniste laïc, qui a fait de cette obligation un élément fondamental de la doctrine de Tsahal.

 

Comment en sommes-nous arrivés à la situation où les corps de deux soldats israéliens sont aux mains du Hamas depuis huit ans ? Pour le comprendre, il faut revenir en arrière, à l’enlèvement de Gilad Shalit en 2006. Après son échange contre plus de 1000 terroristes, explique Goldin, “est apparue toute une conception politique, selon laquelle il n’est plus impératif de ramener les corps des soldats”. (...)

 

Lors de leur première rencontre avec Nétanyahou, juste après l’enlèvement de leur fils, les époux Goldin lui ont dit : “Nous voulons réparer le préjudice causé par l’affaire Shalit., c’est-à-dire l’accord conclu entre Israël et le Hamas. Essayons une autre méthode : au lieu de libérer des terroristes, faisons pression sur le Hamas”. Les moyens de pression ne manquent pas, aujourd’hui comme hier. Israël laisse en effet entrer dans la bande de Gaza des tonnes de matériaux de construction, de produits de base, sans parler des millions de dollars transférés par le Qatar, dans des valises qui sont acheminées jusqu’à la frontière par… l’armée israélienne. “Faisons comprendre au Hamas que chaque enlèvement de soldats lui coûte cher”. (...)

 

Simha Goldin aborde un autre point douloureux, et tout aussi important pour l’avenir de Tsahal. “Jusqu’à l’enlèvement de Hadar, tout soldat capturé était défini comme “Missing in Action”. Hadar est le premier a avoir été déclaré “tombé au combat” avant même la fin des combats!” Cette décision scandaleuse a été prise par les échelons les plus élevés de Tsahal en collaboration avec le rabbinat militaire (dirigé alors par Rafi Peretz). Simha mentionne le fait que plusieurs objets appartenant à son fils ont été retrouvés par Tsahal dans le tunnel où il a été capturé, et notamment le livre Mesilat Yesharim qu’il portait toujours sur lui (et sur lequel il avait rédigé un commentaire que ses parents ont publié depuis).

 

Simha me rappelle le cas d’Ehud Goldwasser, qu’il a bien connu quand il était officier du corps médical Tsahal. Sa femme, Karnit, avait insisté pour qu’il soit considéré comme vivant, alors même qu’elle était de ce fait prisonnière du statut de “femme aguna”… Dès lors que l’armée s’autorise à définir un soldat comme “tombé au combat”, les efforts pour le récupérer sont bien moins importants, même si cela est contraire à l’éthos et aux valeurs fondatrices de Tsahal. “Si l’on ne s’efforce plus de ramener les soldats tombés au combat, alors on ne ramènera pas non plus les blessés, et pas même les soldats vivants”. C’est cela qu’il faut corriger”.

 

Nous ne voulons pas seulement ramener Hadar, mais le ramener dans des circonstances telles que les terroristes ne voudront plus enlever nos soldats”. Cet aspect est essentiel, à la fois sur le plan des valeurs et sur celui de la dissuasion face à nos ennemis.

 

P.L. “Autrefois, c’était une valeur essentielle de Tsahal de ne pas laisser de soldat sur le champ de bataille… Comment a-t-on pu l’oublier ?

S.G. “Je pense que c’est à cause de la peur du Hamas. Nos dirigeants ont peur du Hamas ! Je l’ai même dit à Nétanyahou lors d’une de nos rencontres…. Je lui ai dit: regarde comment tu te comportes avec Nasrallah, qui n’ose pas sortir de son trou, alors que les dirigeants du Hamas se promènent librement à Gaza. C’est une question post-traumatique… Il y a eu l’affaire Gilad Shalit, puis le désengagement du Goush Katif, l’opération “Raisins de la colère”, “Plomb durci”... Aujourd’hui ils ont peur”.

P.S. En relisant ce qu’il me disait alors, je réalise que la guerre a déjà atteint un objectif - crucial - : nous n’avons plus peur du Hamas.

© P. Lurçat/Israël Magazine

La conférence "Comment défendre Israël à l'ère de la post-vérité" donnée jeudi dernier dans le cadre de l'OSM est en ligne ici :

Comment défendre Israël à l’ère de la post vérité ? Pierre Lurçat (youtube.com)

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Hadar Goldin z.l.

Hadar Goldin z.l.

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Une étincelle d’hébreu : Shever, la ruine et l’espoir

December 17 2023, 10:35am

Posted by Pierre Lurçat

Une étincelle d’hébreu : Shever, la ruine et l’espoir

Une étincelle d’hébreu : Shever, la ruine et l’espoir

 

 

Les polysémies sont un phénomène linguistique courant. Mais parfois, le double sens donné à un mot interroge et nous force à réfléchir. Il en est ainsi du mot Shever (שבר) que nous rencontrons dans la parasha de Miqqets lue ce shabbat. Il signifie à la fois le blé (d’où le nom de Mashbir, qui désigne un magasin), la ruine et l’espoir. Que le même mot puisse avoir deux significations aussi antonymiques que la ruine et l’espoir est évidemment lourd de sens.

 

C’est ainsi que le rabbin Elie Munk commente le verset suivant : “Jacob vit qu’il y avait du blé (shever) en Egypte” : “Peut-être est-ce en raison de ce double sens que l’Ecriture emploie ce terme ici. Jacob vit en effet, par sa vision intérieure, que la ruine attendait sa famille en Egypte, où elle allait vivre en exil… Mais il comprit aussi que l’espoir de survie y demeurait toujours. Ainsi, ruine et espoir se confondent en un même terme”.

 

Ce bref commentaire éclaire la totalité du destin juif depuis l’époque des Patriarches. Ne vivons-nous pas maintenant également dans le “shever” (ou, sur la même racine, le “mashber” qui désigne la crise) ? Oui, la guerre que nous traversons est terrible, pleine de ruines (pas seulement à Gaza, où la destruction du Hamastan permettra peut-être de reconstruire le Goush Katif) et en même temps d’espoir.

 

L’espoir que partage notre peuple tout entier, au-delà même de la victoire et de la refondation d'un Etat plus sûr, est aussi celui d’une société plus juste et plus fraternelle, dans la communion de destin retrouvée sur le champ de bataille et à l’arrière. Que D. apporte de bonnes nouvelles à Son peuple et que la ruine se transforme en espoir !

P. Lurçat

 

NB J’évoque mon dernier livre au micro de Galith Ben Zimra sur TANDEM TV Pierre Lurcat, Face à l'opacité du monde (youtube.com) (Je vous invite à vous abonner à ma chaîne YouTube pour être tenu au courant des nouvelles vidéos mises en ligne!)

 

 

 

Une étincelle d’hébreu : Shever, la ruine et l’espoir

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